Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORAIL

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 904-905).

CORAIL. Il fait coraux au pluriel. s. m. Plante maritime qui croît au fond de la Mer. Corallum, corallium. On en voit des arbrisseaux de la hauteur d’un homme. Ils s’arrachent du fond de la Mer avec des crochets en forme d’ancres. Le P. Bouhours dit avoir vu un collier de l’Ordre du S. Esprit, fait d’une seule pièce de corail. Le corail se distingue des Lithophyton & des Fucus, parce qu’il est tout pierreux. Quoique le corail paroisse au premier coup d’œil un petit arbrisseau dépouillé des feuilles ; cependant cette consistance pierreuse qui lui est propre, comme aux Madrépores & autres plantes marines : Cette consistance, dis-je, sembloit servir de preuve à plusieurs Philosophes pour ne pas ranger le corail au nombre des plantes, & pour le mettre dans un règne minéral, c’est-à-dire, de le croire une pierre qui n’avoit point les prérogatives des végétaux, & qui ne pouvoit se multiplier par semences. Des observations faites depuis peu par le Comte de Marsigli doivent convaincre les plus incrédules ; cet illustre Physicien a découvert certaines parties qui semblent tenir lieu de fleur & de semences dans le corail ; & il a trouvé que l’analyse du corail répond à celle des autres plantes marines, & à celle des plantes de terre ; elles donnent les unes & les autres un sel urineux. On peut ajouter à ces observations, que cette régularité constante dans la figure du corail, qui est toujours branchu, dans sa substance qui est la même dans tous les morceaux ; & que cette organisation qui se trouve pareille dans tous les piés du corail, soit par rapport à leur écorce, qui est toute remplie de cellules qui se communiquent les unes aux autres, & qui renferment un suc laiteux, soit par leur surface extérieure, qui paroit toute cannelée ; tout cela marque assez que le seul hazard ne peut point avoir part à de semblables productions, & qu’il n’y a qu’une semence qui puisse produire des végétations aussi régulières. Le corail est la plus noble de toutes les plantes de la mer, Font. surtout à cause de sa couleur rouge, qui n’est agréable que quand on a emporté son écorce, & qu’après l’avoir poli avec l’émeril.

On trouve des coraux de plusieurs couleurs ; ordinairement il est rouge, rarement blanc, peu souvent feuille morte, couleur de rose, ou incarnat. Ce qu’on appelle corail noir, appelé par Dioscoride Antipathes, n’est que le tronc, ou quelque grosse branche de Lithophyton polie. Mémoire de l’Acad. des Scienc. ann. 1710. Suppl. du Journal des Sçavans de 1707. On voit aussi du corail vert ; on en voit de jaune, de cendré, de sombre, & d’autre couleur mêlée, & dont les extrémités des branches paroissent visiblement n’être que du bois, & les autres étant changées en corail blanc & rouge : ce qui montre qu’il se forme peu-à-peu d’un suc pétrifiant, & qu’il ne rougit qu’après avoir acquis sa pleine maturité, comme font les fruits. Lorsque les branches sont vertes, ou blanches, c’est une marque qu’il n’est pas encore mûr. Le rouge & le blanc sont les plus estimés. On tient que le corail est plus rouge porté par un homme que par une femme, & qu’étant porté par un malade, il devient pâle, livide & tout taché ; de sorte que par le changement de sa couleur il avertit de quelque maladie prochaine. On lui rend sa couleur en le suspendant sur du fumier, ou en le couvrant de semence de moutarde, ou en le lavant avec du pain mouillé.

La pêche du corail se fait en certains temps de l’année, & on le tire vers le Bastion de France en Afrique, & vers l’Isle de Corse & de Majorque, à Tabarque & vers le Cap de Quiers en Catalogne. Les anciennes pêcheries étoient la Mer Persique, la Mer Rouge, la Mer de Sicile & de Naples. On n’en trouve point dans l’Océan. Le Père Kirker dit qu’il y a des forêts entières de corail dans la Mer Rouge. On en voit des branches toutes mangées des vers comme du bois vermoulu. Les Japonnois font plus de cas du corail que de toutes les pierreries. En pharmacie, on se sert de coraux mis en poudre. On en fait des syrops, on en tire des teintures, & il sert à plusieurs médicamens. On dit aussi que le corail arrête le sang, qu’il défend les maisons de la foudre & qu’il en écarte les mauvais génies. Bouh. On le nomme en grec en latin lithodendrum, comme qui diroit pierre, arbre. Gansius a écrit l’Histoire du corail, & dit que c’est un minéral qui végète. Les Anciens l’ont aussi appelé gorgonium, parce qu’ils croyoient qu’il se pétrifioit à l’air comme à la vue de la tête de Méduse. Le jus de citron tire la teinture du corail, & le fait devenir blanc comme neige, quand il y a trempé un jour ou deux étant pulvérisé. Le corail a servi de monnoie à quelques peuples. M. Lemery le Père a découvert dans cette plante pierreuse, dissoute & précipitée, des particules de fer en assez grande quantité. Hist. de l’Acad. des Scienc. 1711. On trouve dans l’Hist. de l’Acad. des Scienc. 1711 quelques expériences faites par M. le Comte de Marsigli sur le corail fraîchement tiré de la Mer, avec son écorce, & le suc laiteux qui lui sert de nourriture. C’est une plante très-abondante en alcali. Le Comte de Marsigli découvrit en 1707 les fleurs de corail ; elles sont blanches, à huit feuilles, en très-grand nombre sur toute la plante ; elles sortent de tous les tubules de l’écorce, & y rentrent dans l’instant que l’on retire la plante de l’eau. Si on l’y remet, elle refleurit tout entière en moins d’une heure, & quelquefois elle fait pendant douze jours entiers, alternativement ces changemens dans l’eau & hors de l’eau, après quoi les fleurs prennent la forme d’une petite boule jaune, & tombent au fond de l’eau. Ces petites boules, selon l’analogie des autres plantes, devroient contenir la graine du corail, cependant le Comte de Marsigli n’y a trouvé ni graine, ni rien qui en approchât, mais seulement un suc gluant semblable à celui de l’écorce.

☞ Les dernières observations faites sur le corail par M. Peyssonnel, paroissent prouver que le corail, ainsi que plusieurs autres productions que l’on a regardées comme plantes marines, appartiennent au règne animal, parce qu’elles sont produites par des insectes de Mer. Il a découvert que les prétendues fleurs du corail observées par M. le Comte de Marsigli, étoient de véritables insectes, qu’il appelle orties corallines.

On en fait d’artificiel avec du cinabre bien broyé, dont on fait une couche sur quelque branche de bois bien sèche, bien polie, imbue auparavant de colle de gant. On la polit ensuite, & on y met pour vernis une couche de blanc d’œuf.

On dit poëtiquement des lèvres de corail ; pour dire, bien vermeilles. Labra corallina.

Il y a en plusieurs Îles de l’Amérique un petit arbrisseau qu’on appelle bois de corail, parce qu’il porte une petite graine rouge comme du corail. Elle croît par bouquets à l’extrémité de ses Branches, qui en reçoivent un grand lustre ; mais ces petits grains ont une petite marque noire à l’un des bouts qui les défigure, leur fait perdre leur prix, selon quelques-uns ; d’autres disent tout au contraire, que cette bigarurre de couleurs ne les rend que plus agréables. On s’en sert à faire des brasselets. C’est ce qu’en dit M. Lonvillers de Poincy, Gouverneur pour le Roi de nos Îles Antilles, dans son Histoire-naturelle des Antilles, L. I, C. IX, art. 4.

CORAIL de jardin, c’est le nom que l’on donne au piment, ou poivre de Guinée.