Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORBEAU

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(2p. 905-907).
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CORBEAU. s. m. ☞. oiseau de plumage noir, carnassier, & vivant ordinairement de charogne. Corvus. Le corbeau étoit parmi les Romains un oiseau funeste & de mauvaise augure, sur-tout lorsqu’il paroissoit à la droite, & du côté de l’orient ; la corneille au contraire étoit un présage heureux, quand elle se montroit à la gauche. Dac.

La femelle du corbeau ne s’appelle point corneille. La corneille est une espèce différente. Il faut dire corbeau mâle, corbeau femelle. Corvus mas, corvus fæmina.

Le corbeau étoit consacré à Apollon, comme au Dieu de la divination. Ce qu’Hésiode dit dans Pline, L. VII, C. 48, que le corbeau vit neuf fois autant que l’homme, est une fable, comme Pline en avertit ; mais on assure qu’il vit jusqu’à cent ans. Le corbeau sentant ses petits corbillats assez forts, les chasse de son nid pour les faire parier ailleurs. On dit qu’un homme est noir comme un corbeau, parce que le corbeau est très-noir. Corvacinus.

On dit qu’on rend les corbeaux blancs, en les exposant à la fumée du soufre, lorsqu’on les a pris jeunes & dans le nid. Willoughby dit dans son Ornithologie, que les corbeaux naissans, dûment appliqués, combattent le haut mal.

Aristote & Scaliger disent qu’il y a des pays où l’on trouve des Corbeaux blancs. Olaüs Magnus dit qu’il y en a quantité aux pays septentrionaux ; & Gibb. Longolius dit que ce n’est pas une rareté de voir des corbeaux blancs en Norwège. Vossius dit en avoir vu. Et dans un compte du Trésorier du Duc de Bretagne, il y a pour un cayge à garder le corbin blanc du Duc. IV. L. Lobin, T. II, page 1471. Le froid peut produire, & produit véritablement cet effet. Voyez Froid. On a cru qu’ils concevoient par le bec ; c’est une erreur. Voyez sur cela, & sur beaucoup d’autres particularités qui regardent cet oiseau, Vossius au ch. 49, 78, 79, 80, 81, 82, 85, 86, 89, 96, 97, 98, du IIIe Liv. de idololatria.

On dit proverbialement : nourris un corbeau, il te crèvera l’œil ; pour dire, que ceux à qui l’on fait du bien, nous font souvent du mal.

Le corbeau a les yeux brillans & luisans. Son bec est très-robuste, & d’une dureté extraordinaire, fort gros & aigu, un peu courbé & très-noir, propre enfin à casser & rompre plusieurs sortes de choses, comme les noix & les autres fruits durs, & à se défendre des autres oiseaux. Ce bec commence à se courber dès le haut. On a vu des corbeaux qui avoient le bec & les piés rouges comme du corail. Il vit de tout ce qu’il rencontre. Il approche beaucoup de l’espèce des oiseaux de rapine ; car il attaque souvent les autres oiseaux, quand il est pressé de la faim. Il construit le plus souvent son nid dans des trous de hautes tours, ou bien au sommet de quelque arbre fort élevé, & fait non pas deux œufs seulement, comme quelques-uns l’ont écrit, mais jusqu’à quatre ou cinq, dit Aristote. Il s’apparie, fait son nid, & pond ses œufs au mois de Mars, ainsi que l’assure Oppien. Il couve l’espace de 20 jours. Quand leurs petits sont éclos, ils les abandonnent ; quelques-uns disent que c’est parce qu’alors ils sont gris. On ne sait de quoi ils vivent. Servius dit que c’est par oubli qu’ils les abandonnent, mais que le mâle, par un instinct naturel, porte beaucoup de viande dans le nid pendant que la femelle couve ; que cette viande se corrompt, & engendre des vers, dont les petits se nourrissent pendant sept jours, après quoi commençant à noircir, le père & la mère les nourissent.

Il y a un corbeau rouge, pyrrhus corax, ou corvus, que quelques-uns confondent avec le chomas rouge, quoiqu’il soit d’espèce différente. D’autres le confondent avec le grand pic noir. Il a, dit Pline, le bec jaune tirant sur le noir : il est plus petit que la corneille & que le chomas rouge : il est de la grosseur d’un petit chomas ou chouchette. Ses jambes & son bec sont jaunes ; du reste il est tout noir. Cet oiseau se voit fréquemment dans les Alpes. On en voit aussi en Angleterre dans le pays de Cornouailles ; ainsi il n’est pas particulier aux Alpes, comme Pline l’a cru. Il y en a aussi à Candie, en Suisse, en Auvergne, dans le mont d’Or & de Jura. Bellon dit qu’il y en a quantité dans les îles de l’Archipel, & le long des rives de la mer Britannique. Sa voix est très-haute & aiguë, & se fait entendre de loin, il vit de toutes sortes de grains.

Corbeau aquatique. Corvus aquatilis ou aquaticus. Il a le bec long & crochu par le bout. Il a le haut de la mandibule supérieure noir, le reste d’une couleur composée de jaune & de rouge. Proche du bec, au commencement de sa tête, l’on voit de part & d’autre une tache blanche. Les plumes de ses ailes & de son dos sont de couleur châtain ; les bords extérieurs en sont noirs : tout le reste de l’oiseau est noir. Il a une peau jaune qui lui prend dessous le bec, & va au côté de ses yeux. Les plumes de son ventre sont blanches ; ses doigts & leurs membranes sont noirs, les plumes de son dos sont colorées d’un verd noirâtre par les bords & par le milieu d’un cendré clair & roux ; le dessus du cou est couvert de plumes noires & blanches, & le devant de plumes noires & vertes. Ses aîles sont très-longues & de même couleur que le dos, sinon qu’elles sont plus rousses, & mêlées d’un cendré luisant. Aristote dit qu’il se perche sur les arbres, & y fait son nid.

Corbeau de bois. Il fait ordinairement sa retraite dans les forêts, les montagnes désertes, les rochers inaccessibles, les tours inhabitées, & y fait son nid. Les Lorrains l’appellent corneille de mer. Il est de la grandeur d’une poule. A le voir de loin, il paroît noir par tout le corps ; mais si on le considère de près, principalement lorsque les rayons du soleil donnent sur lui, on y voit une couleur verte, qui fait quelque diversité dans le champ de son pennage. Il a les piés à peu près semblables à ceux d’une poule, un peu plus longs. Ses doigts sont coupés, sans membrane ; sa queue n’est pas fort longue : il a une hupe qui tombe derrière sa tête, au moins quelques-uns l’ont. Son bec est rougeâtre & longuet, & très-propre à entrer dans les ouvertures de la terre, des arbres, des murs, & dans tous les trous des pierres, pour en tirer les vers & les insectes qui s’y retirent, & dont il se nourrit. Ses jambes sont longues, & d’un rouge obscur. Il aime les sauterelles, les grillons, les petits poissons & les grenouilles. Il fait son nid ordinairement au haut des tours qui tombent en ruine. Il fait deux ou trois œufs. Il vole très-haut, & arrive sur le commencement de Juin. Les petits pris au nid, sont très-faciles à nourrir, & s’apprivoisent aisément. On dit que la chair de ces petits est très-délicate.

Corbeau. (Petit) C’est une espèce qui fréquente les eaux, & se retire dans les roseaux, où il fait la nuit un cri fort désagréable, & tel qu’un homme qui vomit. On l’appelle en latin Nycticorax, corbeau de nuit. Il fait son nid au haut des arbres, pond deux ou trois œufs, & se nourrit ordinairement de poissons. On disoit autrefois corbin. Le nom de corbeau vient de corvus, & selon Charleton, Médecin Angiois, de κόραξ.

Corbeau, (Le) ou l’oiseau de Phœbus, est le nom que les Astronomes donnent à l’une des quinze constellations méridionales.

Corbeau de mer, poisson dont le dos est d’un bleu obscur, les côtes rouges, le ventre blanc & la tête grande. Ron.

Corbeau se dit figurément de ceux qui viennent airier les maisons infectées de peste, & qui ☞ enlèvent les pestiférés, soit pour les porter à l’hôpital, soit pour les enterrer. On donne ce nom aux Fossoyeurs. Vespillo.

Corbeau est aussi un terme de Marine qui signifie un croc de fer pour accrocher les navires de l’ennemi, quand on se bat. Corvus nauticus.

Le nom de corbeau fut aussi donné autrefois à différentes machines de guerre propres à défendre les villes. L’une fut inventée par un nommé Diades, une autre par les Tyriens. Quinte-Curce en parle, Liv. IV, c. 23 une autre par Cn. Uvellius. Vitruve, Liv. X, c. 29, appelle le premier corbeau démolisseur, en latin corvus demolitor & non pas corbeau ou démolisseur. Il l’appelle encore ravisseur, deprædator. D’autres l’appellent grue. Polybe en décrit un dans son premier Livre, qui fut inventé par C. Duillius contre la flotte des Carthaginois. C’étoit des espèces de grapins ou de crocs pour arponner ou attirer à soi. Celui que détruit Q. Curce se lançoit avec une baliste. Ainsi il y en avoir de plusieurs sortes.

Corbeau, en termes de Maçonnerie, signifie une grosse pierre de taille en saillie, qui sert à soûtenir une poutre. Montulus. On fait aussi des corbeaux de fer pour soûtenir quelques pièces de bois.

En Architecture, on appelle quelquefois corbeaux, les mutules ou modillons qui sont dans les corniches des colonnes, & particulièrement dans les doriques. Mutulus. C’est un nom qu’on donne aussi aux consoles.

Corbeau, c’est encore le nom d’une des constellations méridionales.