Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CORRIGER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 934).
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☞ CORRIGER, v. a. c’est en général rectifier ou montrer la manière de rectifier les défauts soit en fait de mœurs, soit en fait d’esprit & de langage. Corrigere, emendare. On le dit des personnes & des choses, on ne corrige pas celui qu’on pend, dit Montagne : on corrige les autres par lui. L’expérience prouve qu’on ne corrige personne, & que l’exemple est en pure perte. Prenez garde de ne point irriter celui que vous voulez corriger : si vous le reprenez avec chagrin, c’est le style de la haine, plutôt que de l’amitié. Vill. L’Evêque doit censurer en père qui corrige, & non en ennemi qui se venge. Herman. La morale ne s’occupe qu’à corriger les déréglemens du cœur. S. Evr.

Sans dire, comme vous, des injures aux gens,
Molière a corrigé les vices de son temps. Pradon.

☞ On corrige les vices des hommes & les défauts d’un tableau, d’un dessein, &c. J’avois fait le plan de ma maison, un tel me l’a corrigé, le maître corrige les compositions de ses écoliers. On corrige l’impression d’un livre, on corrige les épreuves. Voyez Correcteur, Correction, Épreuves. On corrige une copie sur l’original.

Corriger se dit aussi en fait de mœurs & de conduite, dans la signification de réprimander, châtier. Castigare, animadvertere in aliquem. Les supérieurs sont en droit de corriger leurs inférieurs, un père corrige ses enfans, un Prieur corrige ses religieux, un régent corrige ses écoliers.

Corriger, signifie aussi tempérer. Temperare. La respiration corrige, tempère la chaleur de la poitrine. Corriger les humeurs peccantes. Il faut corriger la crudité de l’eau avec un peu de vin. On peut corriger l’influence des astres malins. Boil.

☞ Ce verbe est encore employé dans la signification de réparer. C’est ainsi que l’on dit corriger l’injustice du sort, de la fortune. Les latins on dit de même, corrigere cursu tarditatem. Réparer son retardement à force de courir.

Non, il faut à tes yeux dépouiller l’artifice,
Je sus de mon destin corriger l’injustice. Racine.

CORRIGER, avec le pronom personnel, signifie, devenir meilleur, s’amender, se défaire de ses défauts, de ses mauvaises habitudes. Ad bonam frugem se recipere, in melius mutari. Peu de gens sont assez raisonnables pour vouloir bien se corriger. M. Scud.

Si-tôt que sur un vice ils pensent me confondre,
C’est en me corrigeant que je sai leur répondre. Boil.

On dit proverbialement, Avocat, corrigez votre plaidoyé ; pour dire, changez de langage, parlez avec plus de circonspection, plus de sagesse, plus de vérité. Ce qui vient d’une ancienne formule de prononcer des appointemens, qu’on observe encore dans les Provinces où l’on ordonne que les Avocats corrigeront & remettront. On dit aussi proverbialement, corriger Magnificat à Matines ; pour dire, reprendre mal à propos. Ac. Fr.

☞ Nous joindrons ici les remarques de M. l’Abbé Girard sur la vraie signification des verbes corriger, reprendre, réprimander que l’on confond souvent dans l’usage ordinaire.

☞ Celui qui corrige montre, ou veut montrer la manière de rectifier un défaut, celui qui reprend ne fait qu’indiquer ou relever la faute ; celui qui réprimande prétend punir ou mortifier le coupable.

Corriger regarde toutes sortes de fautes, soit en fait de mœurs, soit en fait d’esprit ou de langage. Reprendre ne se dit guère que des fautes d’esprit & de langage. Réprimander ne convient qu’à l’égard des mœurs & de la conduite. Il faut savoir faire pour corriger. Peu de gens savent corriger : beaucoup se mêlent de reprendre : quelques uns s’avisent de réprimander sans autorité.

CORRIGÉ, ÉE. part. Il a les mêmes significations que son verbe, en latin comme en françois.