Dictionnaire de la Bible/Tome I.1.b AMAAD-APION
appliqué à indiquer les doubles noms géographiques pour les localités qui en avaient changé. Cf. v. 2, 3, 7, 17. Déjà Origène, In Num., hom. xix, t. xii, col. 719, se servait de Gen., xiv, 7, pour distinguer les Amalécites battus par Chodorlahomor des Amalécites descendants d'Ésaü. Il est vrai qu’il suit, sans la contrôler, la leçon des Septante, qui ne permet pas d’expliquer le passage par une prolepse : « Et ils battirent les princes des Amalécites et les Amorrhéens. » (Par confusion du i et du i, ils ont lu ŝarê, « princes, » au lieu de Sade, « champ, pays ; » la version syriaque suit la même leçon que les Septante.) — 2° Que les Amalécites remontent, en effet, à une époque antérieure à Ésaü, et appartiennent au groupe de populations établies en Ghanaan avant la migration d’Abraham, c’est ce qu’on peut conclure non seulement du titre énigmatique donné par Balaam à Amalec dans son oracle : « Amalec, commencement (aîné) des peuples, » Num., xxiv, 20 ; mais surtout de l’indication rapide de I Reg., xxvii, 8, qui montre Amalec occupant depuis les temps reculés (mê’ôlam, si le texte n’est pas altéré) la région méridionale avec d’autres peuples chananéens. Avec ces désignations coïncideraient certaines traditions arabes, qui représentent Amalec tantôt comme un fils de Cham et comme le père d’Ad et des Adites, que d’autres rattachent à la ligne de Sem, tantôt comme un frère de Lud et d’Arphaxad. Cf. d’Herbelot, Bibliothèque orient., 1697, au mot Amlik ; de Sacy, Excerpta ex Abulfeda, dans Pococke, Specimen hist. arab., p. 464. Mais Nöldeke, Ueber die Amalekiter und einige and. Nachbarvölker der Isræliten, Gœttingue, 1864, a montré qu’on ne pouvait faire grand fonds sur ces traditions assez incohérentes, recueillies à une époque bien postérieure à Mahomet et au Coran, ni les regarder comme indépendantes du titre d’aîné des peuples, donné par Balaam. — 3° Il vaut mieux revenir simplement aux données bibliques, et remarquer d’une part que les Amalécites ne sont jamais présentés comme faisant partie de la nation iduméenne, qu’ils en sont plutôt distingués, II Reg., viii, 12, 13 ; I Par., xviii, 11 ; Ps. lxxxii, 7, 8 ; si bien que, tandis que les Iduméens, comme les peuples parents d’Israël, doivent être épargnés et leur territoire respecté, Deut., ii, 4-8, 9, 19, Amalec est voué à la mort, Exod., xvii, 4 ; Deut., xxv, 17-19 ; I Reg., xv, 2-3, et son pays doit appartenir aux Hébreux. Num., xiv, 24-25. D’autre part, jamais Amalec n’est donné comme frère des Israélites, ni pour éveiller en lui quelque sympathie, ni pour faire ressortir l’odieux de sa conduite et expliquer par cette circonstance aggravante la malédiction qui le frappe. « Il est donc vraisemblable, conclut dom Calmet, Dictionnaire de la Bible, édit. de 1730, que les Amalécites dont il est si souvent parlé dans l'Écriture étaient un peuple descendu de Chanaan et dévoué à l’anathème de même que les autres Amorrhéens, et fort différente des descendants d’Amalec, petit-fils d'Ésaü. » La même conclusion est soutenue par Reland, Palæstina, lib. I, ch. xiv, édit. de 1724, p. 78 ; J. D. Michælis, ouv. cit. ; F. K. Rosenmüller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, 1823, t. iii, p. 90-94 ; Welte, Kirchenlexicon, 1886, 1. 1, p. 673 ; cf. Iperen, Historia critica Edom et Amalec, in-4°, Leovard., 1768. Comme cependant Moïse ne rattache pas les Amalécites à Chanaan, on peut aussi en faire un peuple d’une autre race. — Si un petit-fils d'Ésaü et ses descendants portèrent aussi le nom d’Amalec, ce fut peut-être parce que, dans leur situation géographique ou dans leurs relations sociales, ils eurent avec les anciennes populations amalécites un contact plus étroit que les autres tribus iduméennes.
2. AMALEC. Nom d’une montagne située dans la tribu d'Éphraïm sur laquelle se trouvait la ville de Pharaton, d’où était originaire et où fut enterré un juge d’Israël, Abdon, fils de Hillel. Jud., xji, 14-15. Sur la cause qui fit donner à une localité de la tribu d’Ephraïm le nom d' Amalec, voir Amalécite, col. 429. La position de cette montagne nous est conservée grâce au village actuel de Fer’ata, à deux heures et demie au sud-ouest de Naplouse, que plusieurs considèrent comme l’ancienne Phir’aton. E. Robinson, Later biblical researches in Palestine, 1856, p. 134 ; V. Guérin, Samarie, 1875, t. II, p. 179-180. C’est à cette montagne d' Amalec que se rapporte sans doute l’obscur et difficile passage, Jud., v, 14 ; Débora, énumérant celles d’entre les tribus qui ont pris part avec Barac à la campagne contre les Chananéens, nomme d’abord : « d'Éphraïm ceux qui ont leur racine en Amalec. » Telle est l’interprétation la plus probable du texte dans son état actuel ; la Vulgate n’en suppose pas un autre, mais sa traduction n’a aucun lien avec le contexte : Ex Ephraïm delevit eos in Amalec. Elle répète ensuite le nom d’Amalec, qui ne se trouve pas dans l’original : Et post eum ex Benjamin in populos tuos, o Amalec. Saint Jérôme, sans doute sur les indications de ses maîtres juifs, entendant le passage comme l’auteur du Targum, y a vu une allusion à la victoire de Saùl de la tribu de Benjamin, et, pour montrer plus clairement à quoi se rapporte le possessif tuos, a ajouté : o Amalec. C’est ce qu’explique une scholie du Correctorium dominicain [Vatican., fonds Ottoboni, mss. 293) : « D'Éphraïm naquit Josué, qui battit Amalec, comme on lit dans l’Exode, et de Benjamin naquit Saùl, qui, lui, détruisit Amalec, ce qui est ici prophétisé. Mais l’addition finale : o Amalec n’est pas dans l’hébreu, mais est suppléée pour le sens. » — « Ex Ephraim fuit Josue, qui percussit Amalec, ut legitur in Exodo ; et ex Benjamin fuit Saul, qui et ipse delevit Amalec, quod hic prophetatur. Sed quod in fine additur o Amalec, non est in hebræo, sed gratia sensus apponitur. » Cf. Vercellone, Var. lection. Vulg. lat., t. ii, p. 98 ; mais il ne signale pas le rapprochement avec le Targum, qui nous montre, comme plus bas pour Tela’îm de I Reg., xv, 4 (voir Amalécite, col. 429-430), qu’un certain nombre des variantes propres à la Vulgate viennent des interprétations empruntées directement ou indirectement par saint Jérôme aux paraphrases juives.
3. AMALEC. Nom d’une localité. Nous lisons I Reg.,
xv, 5 : « Saül vint jusqu’à la ville d’Amalec, et mit une
embuscade dans la vallée. » Nulle part ailleurs il n’est
question de ville portant ce nom, ni même de ville proprement dite appartenant aux Amalécites. Il s’agit plutôt ici du principal campement où se trouvaient en ce moment établis Amalec et son roi Agag. Le nom hébreu ʿir, dans son acception générale et conforme à son étymologie (ʿur, « veille, poste d’observation » ), peut s’appliquer à un simple campement de nomades. Les espions israélites sont chargés par Moïse de voir ce que sont les villes (ʿarîm) où habite Chanaan, « si elles sont des campements (mahânim), ou bien des lieux fortifiés (mibeṣarîm). » Num., xiii, 19 (20). Les douars des Arabes d’Afrique, venus primitivement de l’Arabie, peuvent, comme le remarque E. H. Palmer, The desert of the Exodus, t. ii, p. 322, nous donner une idée exacte de ce qu'était ce ʿîr Ămâlêq. « Quand on a choisi un endroit convenable pour camper, les troupeaux, qui forment la plus grande richesse de la tribu, sont réunis en un même lieu. On plante les huttes ou les tentes à l’entour. Un petit mur de pierre en forme de cercle fait la clôture de défense ; entre les pierres on met de gros fagots d’acacia épineux, et ces branches entrelacées et armées de pointes acérées (voir Acacia) protègent le campement comme une barrière infranchissable. Tel est ce qu’on appelle un douar. » Et tel était sans doute le ʿîr Ămâlêq sur lequel Saül fit main basse.
AMALÉCITE (hébreu : ʿĂmâlêqî), nom d’un peuple
qui tirait son nom d’Amalec, voir Amalec, et qui est souvent appelé lui-même simplement Amalec. Nous allons :
1° en déterminer la position géographique ; 2° en esquisser
l’histoire.
I. Position géographique des Amalécites. — 1° Il est assez difficile de fixer les limites du territoire occupé par un peuple nomade ; il nous manque, dans ce cas, les principaux points de repère, c’est-à-dire les villes. Cependant des textes qui appartiennent à différentes époques, partant de données diverses et se contrôlant ainsi les uns les autres, s’accordent à nous montrer Amalec dans la région septentrionale de la péninsule sinaïtique, de la frontière d’Egypte au sud de la Palestine et sur les confins de l’Arabie Pétrée (fig. 110).
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110. — Carte du pays des Amalécites.
Le passage 1 Reg., xv, 7, nous fournirait une indication générale assez précise : « De Havila à Sur, qui est en avant de l’Egypte, » si nous étions sûrs de la position d’Havila, qu’il faut chercher sans doute au nord de la péninsule arabique. Quant à Sur (une région plutôt qu’une ville), elle était en avant, c’est-à-dire sur la frontière orientale de l’Egypte, au nord et à l’est du golfe de Suez, où nous ramène Exod., xv, 22, et c’est, en effet, de ce côté, avant d’arriver au Sinaï, que les Hébreux se rencontrent pour la première fois avec les Amalécites. Exod., xvii, 8. Mais ils s’étendaient à l’est jusqu’à la frontière méridionale de la Palestine, comme nous l’apprennent les explorateurs de la Terre Promise, Num., xiii, ’211, et c’est là que les Hébreux les rencontrent une seconde fuis, Num., XIV, 45, cf. 25, quand ils veulent s’avancer du désert de Pharan et de Cadès. Num., xiii, 1, 27. C’est là aussi que Chodorlahomor, après avoir poussé son invasion vers le sud « jusqu’à Pharan, qui est dans le désert », et repris la direction du nord, trouve, après Cadès, « le pays des Amalécites », puis celui des « Amorrhéens, qui habitent Asasonthamar ». Gen., xiv, 0-7. Aussi, quand Saül prépare son expédition contre Amalec, rassemble-t-il ses troupes dans une ville du sud de Juda, Télém, Jos., xv, 21, dont le nom est écrit Tela’îm dans 1 Sam., xv, 4. (La Vulgate traduit : quasi agnos, « comme des agneaux, » en confondant la préposition z, be, dans, avec la particule z, be, comme, et en prenant, comme l’a fait aussi le Tm^um de Jonathan, le nom de la ville pour le pluriel de tell, « agneau, » ) Dans I Reg., xxvii, 7 et suiv., et xxx, on voit que les Amalécites étaient dans le voisinage des Philistins, tandis que I Par., iv, 43, les met en rapport avec les montagnes de Séir. La région des Amalécites confinait donc à l’Egypte, aux Philistins, au sud de Juda et aux Iduméens. C’est là que nous ramène la donnée assez vague de Josèphe, Ant. jud., VI, vii, 3, paraphrasant I Reg., xv, 7 : « Tous ceux qui vont de Péluse à la mer Rouge, » où il faut entendre plus spécialement le golfe d’Akaba. Cf. aussi Eusèbe, dans l’Onomasticon, où il définit Amalec « la région dans le désert situé au sud de la Judée, s’étendant jusqu’à la ville maintenant appelée Pétra, quand on va vers Aila. » (Dans les Œuvres de saint Jérôme, t. xxiii, col. 121.) C’est par une singulière méprise que Josèphe parle de « villes amalécites » dont Saül aurait fait le siège en règle ; il oublie le caractère nomade de ce peuple, tel que l’Écriture nous le présente partout. La prophétie de Balaam, Num., xxiv, 20-21, nous montre qu’Amalec vivait à côté des Cinéens, autres tribus errantes, et ce trait est confirmé par I Reg., xv, 6. L’humeur vagabonde et l’instinct pillard d’Amalec expliquent comment nous le voyons envahir le territoire d’Israël par la Transjordanie au temps des Juges, tantôt uni à Moab et à Arnmon, Jud., iii, 13, et tantôt aux Madianites. Jud., vi, 3. C’est probablement alors, sinon dans une circonstance analogue antérieure, non mentionnée dans l’Écriture, qu’une famille d’Amalécites s’établit un certain temps jusque dans les montagnes d’Éphraïm, et y laissa son nom à une localité. Jud. xii, 15. Cf. le texte si obscur et peut-être altéré, v, 14. Voir Amalec 2.
La région qu’occupait Amalec est en grande partie représentée par ce qu’on appelle aujourd’hui le désert d’Et-Tih (de l’égarement) ; ce n’est pas une région absolument aride et sablonneuse, mais le sol est trop maigre, trop desséché pour être cultivé, sauf en quelques oasis ; à la saison des pluies, il se couvre d’une végétation abondante, et peut nourrir des troupeaux, qui, dans la saison chaude, sont parqués dans les oasis. Autrefois même, comme l’attestent de nombreuses vallées et les lits de torrents qui se ramifient en divers sens, ce pays jouissait d’un régime d’eau plus abondant ; il pouvait par conséquent nourrir une population pastorale plus dense. Le Tilt répond parfaitement à la notion hébraïque du midbar, qui désigne une région inhabitée sans doute, impropre à l’agriculture, mais où l’on conduit et nourrit des troupeaux. Aujourd’hui les principales tribus bédouines de la péninsule sinaïtique sont les Tiyahâ (habitants du Tih) et les Towarâ (Arabes de Tor) ; de ces derniers, E. Reclus nous dit dans sa Nouvelle Géographie, t. ix, Asie antérieure, 1884, p. 747 : « On les croit descendants des Amalékites, que les Hébreux sortis d’Egypte vainquirent à Raphidim, au pied du mont Sorbal. » Mais ce sont plutôt les Tiyahà, comme le pense L. de Laborde, qui tiennent la place des Amalécites. Commentaire géographique de l’Exode, 1841, p. 99.
II. Histoire des Amalécites. — C’est dans le récit de l’invasion de Chodorlahomor que se trouve la plus ancienne mention du « pays de l’Amalécite ». Gen., xiv, 7. Quelques siècles après, les Amalécites furent les premiers ennemis qu’eurent à combattre les Hébreux, au sortir de l’Egypte, à Raphidim, à une petite distance au nord-ouest du mont Sinai. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. ii, p. 409. Ces hordes de pillards, attirés sans doute par l’espoir d’un facile butin, « chargèrent en queue » les émigrants fatigués par la marche, la faim et la soif, « frappant les traînards » sans pitié. Deut., xxv, 17-19. Josué fut chargé de repousser les assaillants, tandis que Moïse montait sur une colline voisine, accompagné d’Aaron et de Hur, et grâce à leur appui tenait ses bras étendus, ayant en sa main la « verge de Dieu ». Exod., xvii, 8-10. Amalec fut battu, et Moïse dut écrire « dans le livre » le souvenir de la victoire et la promesse qu’Amalec serait entièrement détruit. Nous suivons dès lors dans l’histoire le cours de cette malédiction, que reprend sous une autre forme Bulaam, Num., xxiv, 20, et que répète le Deutéronome, xxv, 17-19, en recommandant à Israël d’accomplir cette menace : prescription bien étrange, surtout au milieu des dispositions législatives qui l’entourent, si le Deutéronome n’avait été composé qu’à l’époque de Josias, quand Amalec n’existait plus depuis bien longtemps, comme nous le verrons. L’allusion est d’autant plus remarquable, qu’en traits rapides elle caractérise exactement l’attaque de ces hordes pillardes du désert. Au contraire, dans les développements d’un âge postérieur, dans la prière du grand prêtre Éliachim, on se représente l’armée d’Amalec avec des chars et des cavaliers, comme celle des grands peuples, Assyriens ou Chaldéens, avec lesquels on s’était trouvé depuis en contact. Judith, IV, 13 (Vulgate ; le grec ne renferme pas ce développement ; remarquons que ce n’est pas l’auteur du livre qui parie, mais le grand prêtre).
L’année suivante, après avoir quitté le Sinaï, les Hébreux se rapprochèrent des confins de la Terre Promise et du territoire des Amalécites qui étaient dans le Négeb. Num., xiii, 30. Découragés d’abord par le rapport des explorateurs, ils murmurèrent et voulurent retourner en Égypte. Num., xiv, 4. Comme punition, ils reçurent l’ordre de revenir sur leurs pas. ꝟ. 25. Alors, — curieux exemple d’une multitude qui ne sait trop ce qu’elle veut, — ils ne voient plus que les inconvénients de ce retour en arrière, et, impatients d’atteindre le but par le plus court chemin, ils attaquent, malgré Dieu et Moïse, les premiers ennemis qu’ils ont devant eux, les Amalécites et les Chananéens ; mais ils sont battus et poursuivis jusqu’à Horma. ꝟ. 40-45. Ce dernier verset paraît en contradiction avec le ꝟ. 25, si on ne remarque pas que le ꝟ. 25 se rapporte d’une façon générale à toute la région habitée par l’Amalécite et le Chananéen, plateau qui se présente comme un endroit abaissé, une plaine, ’êrnéq, relativement au massif montagneux du sud de la Palestine, tandis que le y. 45 parle plus spécialement de la crête de hauteurs ( « cette montagne, » comme il y a dans l’hébreu ; cꝟ. 40-44) qui séparait Israël de ses ennemis, et qu’il essaya de franchir sans l’ordre de Dieu. Au Deutéronome, i, 44, où l’hébreu lit aussi sur cette montagne, au lieu de l’expression trop générale in montibus, « sur les montagnes, » de la Vulgate, le même fait est rappelé, mais sans nommer l’Amalécite, et en donnant à la population chananéenne qui habitait de ce côté son nom particulier d’Àmorrhéen. Cf. Gen., xiv, 7. Le samaritain (Deut., i, 44, texte et version) répète, comme dans les Nombres : « L’Amalécite et le Chananéen qui habitait cette montagne. »
Les Hébreux durent renoncer à entrer dans la Palestine par le sud ; l’heure où se réaliseraient les menaces contre Amalec était par là même différée après la conquête de la Terre Promise ; elle se fit même attendre plusieurs siècles. À l’époque des Juges, deux fois Amalec fut un de ces instruments dont Dieu se servait pour châtier son peuple prévaricateur, Jud., x, 12 ; cependant, dans les deux cas, il n’apparaît qu’au second plan, et sous la conduite d’un plus puissant envahisseur : la première fois, sous celle des Moabites, Jud., iii, 13 ; la deuxième, uni aux Madianites. Jud., vi, 1, 3, 33 ; vii, 12. Avec ces derniers, pendant sept ans, il prit part aux fructueuses razzias que ces nomades allaient faire en Israël chaque printemps, après les semailles ; il fut battu aussi avec eux par Gédéon. Voir Gédéon.
Quand, par l’établissement de la royauté, Israël se trouva de nouveau réuni sous un seul chef, il fut capable d’exécuter la menace qui pesait dès les temps anciens sur Amalec. Saül reçut de Samuel l’ordre de l’accomplir. Nous avons dans I Reg., xv (déjà, par anticipation, xiv, 48), le récit de la campagne et de la victoire complète de Saül, et aussi celui de sa faute, qui eut pour lui de si graves conséquences : Saül épargna le roi Agag et le peuple, ce qu’il y eut de meilleur dans les troupeaux et dans les richesses d’Amalec. Cependant les Amalécites ne se relevèrent pas de ce coup. Quelques années après, ils ne peuvent se défendre contre les razzias que David organise contre eux pour plaire à Achis, roi de Geth, chez qui il s’était réfugié. I Reg., xxvii, 8-12. Ce n’est que par ruse, en profitant de l’absence de David et de ses partisans, que pour se venger ils s’emparent de Siceleg, la ville donnée par Achis à David, la pillent, la brûlent, et s’en vont emmenant captives toutes les femmes. I Reg., xxx ; II Reg., i, 1. Mais David, revenu à temps, et guidé par un esclave égyptien malade, que les Amalécites avaient abandonné, atteint la bande des pillards au moment où, sans défiance, ils se livraient à la bonne chère avec le butin enlevé. Il en lit un grand carnage : quatre cents jeunes gens réussirent seuls à s’enfuir sur des chameaux, I Reg., xxx, 17 ; les prisonnières, les enfants et les richesses emportées furent recouvrés, y. 18-19.
Dans ce même temps, il devait y avoir quelques familles d’Amalec vivant en paix, et campant parmi les Israélites du nord, comme celle de l’Amalécite qui, se trouvant sur la colline de Gelboé au moment de la mort de Saül, le dépouilla de ses insignes royaux et vint les apporter à David. II Reg., i, 2, 8-13. — La mention d’Amalec parmi les ennemis vaincus et spoliés par David, II Reg., viii, 12 ; I Par., xviii, 11, suppose-t-elle une nouvelle campagne, ou fait-elle allusion aux anciennes ? Il est difficile de répondre. Dans tous les cas, à partir de ce moment, l’histoire ne parle plus d’Amalec, sinon en passant, dans la généalogie de la tribu de Siméon, I Par., iv, 42-43, où nous voyons qu’au temps d’Ézéchias (d’après le y. 41), cinq cents Siméonites s’avancèrent dans les montagnes de Séir, y tuèrent « ce qui restait des Amalécites », et habitèrent à leur place. Dès lors il n’est plus question d’Amalec ; son souvenir semble même perdu ; la littérature prophétique, qui date en grande partie de cette époque (viiie et viie siècles avant J.-C), si riche en indications ou allusions sur les anciens voisins et ennemis d’Israël, ne prononce pas même le nom d’Amalec. Les conquérants assyriens du même temps, qui ont rencontré et mentionné dans leurs inscriptions presque tous les peuples de l’est et du sud de la Palestine, n’en parlent pas non plus. Ce fait a une grande importance pour la critique biblique, car il prouve que les traditions relatives à Amalec, si concordantes entre elles malgré la diversité des documents et des livres où elles nous arrivent, se sont formées et fixées avant l’époque des plus anciens prophètes qui nous ont laissé des écrits, c’est-à-dire avant le milieu du viiie siècle.
AMAM (hébreu : ’Amâm ; Septante : Σήν), ville méridionale de la tribu de Juda, mentionnée entre Carioth et Hesron, Sama et Molada. Jos., xv, 26. Eusèbe, Onomasticon, Gœttingue, 1870, au mot Ἀμέμ, et S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 870, la citent, mais sans en déterminer la position. Elle est restée inconnue jusqu’ici. Parmi les villes qui la précèdent et la suivent dans le texte sacré, deux surtout, dont l’identification semble très probable, sinon certaine, peuvent d’une façon générale délimiter l’espace où il la faudrait chercher. C’est, au nord, Carioth (unie à Hesron dans l’hébreu), que Robinson propose de voir dans Khirbet el-Kurijéleïn, et, au sud, Molada, que le même savant assimile à Klùrbet el-Milh. Cf. Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 101 et 201. Voir la carte de la tribu de Juda.
AMAMA Sixtin, orientaliste protestant hollandais, né à Franeker, le 15 octobre 1593, mort dans cette ville, le 9 novembre 1629. Il fut professeur d’hébreu à l’université de Franeker, et publia l’Antibarbarus biblicus sex libris, in-4o, Franeker, 1628 ; 2e édit., in-4o, 1656. Le barbare contre lequel s’élève Amama, c’est Mersenne et en général celui qui n’attache pas, d’après lui, assez importance à l’étude des langues sacrées. L’auteur se proposait de donner à son ouvrage deux parties renfermant chacune trois livres, mais la mort l’empêcha de réaliser son dessein. Le livre quatrième fut ajouté à la deuxième édition, publiée en 1656. Amama, en défendant les textes originaux dans cet ouvrage un peu confus, dépassa la mesure. Il est d’une sévérité outrée et injuste contre l’édition de la Vulgate publiée par Sixte V et Clément VIII. Il critique spécialement la version des livres historiques, des Psaumes et des écrits de Salomon. Dans le livre qui fut publié après sa mort, la traduction d’Isaïe et celle de Jérémie sont critiquées d’une manière analogue. Amama publia aussi une collation de la version hollandaise de la Bible avec les textes originaux, Bybelsche Conferencie, Amsterdam, 1623, et une grammaire hébraïque, Amsterdam, 1625. Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, p. 10-11.
AMAN (hébreu : Hâmân, nom d’origine persane, « estimé ;» Septante : Ἁμάν), premier ministre d’Assuérus (identifié avec Xerxès Ier, fils de Darius, voir Assuérus), fils d’Amadathi l’Agagite, c’est-à-dire originaire de la province d’Agag, en Médie. Voir Agagite. Aman n’était donc pas d’origine perse, comme l’a soutenu Eichhorn, en s’appuyant sur cette raison que chez les Perses la loi s’opposait à ce qu’un étranger fût élevé à une dignité comme celle de premier ministre. Einleitung, t. iii, p. 653. C’est là une affirmation sans fondement, car les rois de Perse, comme tous les monarques orientaux, étaient des despotes dont la volonté faisait loi contre la loi même. De nombreux documents les montrent, au contraire, distribuant les dignités selon leur fantaisie. Baumgarten, De fide libri Estheri, p. 26. La Médie faisait d’ailleurs partie de l’empire perse.
Ce fut la douzième année du règne d’Assuérus, ou peu auparavant (vers 473 avant J.-C), qu’Aman fut élevé à la dignité de premier ministre, car c’est à cette époque qu’il prit en haine Mardochée, dont la fière attitude le blessa profondément. Or Mardochée lui refusa les honneurs auxquels il prétendait, dès le début de son élévation, et l’on ne peut douter que le favori royal n’ait formé immédiatement ses projets de vengeance et arrêté contre les Juifs une action d’éclat. Esth., iii, 7. Cf.-Neteler. Die Bücher Esdras, Nehemias und Esther, Munster, 1877, p. 102. Au même temps Mardochée avait découvert et révélé un complot tramé contre la vie du roi par deux eunuques, et Aman, qui était leur ami, peut-être leur complice, en avait conçu contre le Juif une nouvelle animosité. Esth., xii, 3-6. L’exégèse rationaliste et protestante a voulu voir une contradiction entre ce dernier passage et celui où le refus d’adoration de la part de Mardochée est donné comme la cause de la colère d’Aman, Esth., iii, 4-5, comme si une double cause n’avait pu concourir à développer dans le premier ministre d’Assuérus l’esprit de vengeance. Ces deux récits se complètent, loin de se contredire.
En effet, Assuérus, à qui ses sujets rendaient hommage en fléchissant le genou, selon l’usage persan (Hérodote, vin, 136), avait voulu qu’Aman partageât avec lui cet honneur. Mais cette volonté, devant laquelle tout pliait, était venue se briser contre la résolution d’un Juif obscur, Mardochée, dont la noble fierté n’avait pas voulu se soumettre à ce servilisme répugnant. Non qu’il fût interdit aux Juifs de rendre hommage à des hommes en fléchissant le genou, ou même en se prosternant, le front dans la poussière. II Rog., xiv, 4 ; xviii, 28 ; III Reg., i, 16. Ce que Mardochée tenait comme interdit à son honneur, c’était la prestation à un indigne ministre de cet hommage, réservé aux souverains. Aman, en jurant de se venger, voulut étendre le châtiment à toute la nation de Mardochée : il résolut donc de l’exterminer en masse. Esth., iii, 6. Selon nos idées et nos mœurs empreintes de l’esprit chrétien, cette prétention paraît, de la part d’Aman, si exorbitante de cruauté et d’orgueil, que des rationalistes modernes en ont voulu conclure que cette histoire n’est qu’une fable ; mais les analogies sont là pour témoigner en faveur du caractère historique de ce récit. Mithridate, roi du Pont, sans autre raison que la haine de Rome, ne porta-t-il pas contre tous les Romains résidant dans son royaume un édit de mort, à la suite duquel, selon Plutarque, Vit. parall., Sylla, x, cent cinquante mille sujets de la République furent massacrés dans le même jour ?
C’est au mois de nisan, le premier de l’année, qni correspond à la fin de notre mois de mars et au commencement d’avril, qu’Aman se mit à l’œuvre. Assuérus comptait onze ans accomplis de règne, on était en 473. Superstitieux comme tous les Perses, et imbu du préjugé, très répandu alors, qu’il existait des jours fastes et des jours néfastes, Aman fit tirer au sort, par quelque devin, l’époque à laquelle devrait se faire l’exécution, et cela, avant même d’en conférer avec le roi, tellement il se sentait maître dans le royaume. Cette opération des sorts est désignée dans le texte hébreu par deux mots dont l’un est l’explication de l’autre : pur hû’haggôrâl. « Il jeta le sort (pur), c’est-à-dire le gôrâl. » Le premier de ces termes n’est pas un mot hébreu, ce qui a amené l’anteur d’Esther à le faire suivre du mot explicatif gôrâl, qui désigne toujours dans la Bible l’opération dont il est question ici. Lev., xvi, 8-10 ; Ezech., xxiv, 6 ; Jon., i, 7, etc. Au contraire, le mot pur, qui est persan et répond au persan moderne behr (la part, le sort), ne se trouve nulle part ailleurs dans l’Écriture. L’hébreu et les Septante sont plus explicites que la Vulgate sur la manière dont ce. sort fut conduit. On y lit : « Et il jeta le sort de jour en jour et de mois en mois ; » Septante : καὶ ἔλαβε κλήρους ἡμέραν ἐξ ἡμέρας καὶ μῆνα ἐκ μηνός. Esth., iii, 7. D’après cela, on tira d’abord le jour du mois, puis le mois lui-même.
— Le jour amené par le sort fut le treizième, Esth., iii, 13, et le mois fut le douzième, Esth., iii, 7, qui est celui d’adar, répondant à notre fin février et commencement de mars. Ainsi la Providence avait conduit l’opération de telle sorte que les Juifs eussent tout le temps nécessaire pour parer le coup et échapper aux projets sanguinaires d’Aman. L’époque du massacre ainsi déterminée, il fallut obtenir la sanction d’Assuérus ; Aman, pour se l’assurer plus aisément, l’acheta.. Que le roi signât l’édit, et il s’engageait à verser dans le trésor royal, fort épuisé, dix mille talents (talents d’argent d’après l’hébreu, les Septante et le chaldéen), Esth., iii, 9, somme considérable, bien que notre ignorance de la valeur exacte du talent, chez les Perses, nous empêche d’en déterminer l’équivalent en notre monnaie. Xerxès (Assuérus) venait de terminer malheureusement son expédition on Grèce (480-479), il avait besoin d’argent. Ce détail montre que les Juifs pendant la captivité avaient prospéré, puisque Aman se faisait fort de tirer d’eux une somme aussi considérable. Cf. Tob., iv, 21-22. Le roi cependant voulut se montrer encore plus généreux que son ministre ; car, après lui avoir passé au doigt son anneau ou sceau royal, en signe du plein pouvoir qu’il lui donnait de décréter et de sceller ce qu’il voudrait contre les Juifs, il lui abandonna les dix mille talents, comme gratification de l’important service qu’il rendait au royaume. Aman triomphait.
Rédiger l’édit, en faire des copies et des traductions, Esth., iii, 12, et les expédier aux gouverneurs des cent vingt-sept medtnôt, Esth., i, 1, 22 ; viii, 9 ; cf. Dan., in, 2, 3, ou subdivisions de l’empire, fut l’affaire do quelques jours. Hérodote, viii, 98, parle de la rapidité avec laquelle se faisait chez les Perses la transmission des ordres royaux aux contrées les plus éloignées, par une organisation merveilleuse de courriers et de relais, dont l’institution remontait à Cyrus. Brisson, De regio Persarum apparatu, 1710, p. 311-315. En moins de deux mois, tous les gouverneurs avaient reçu l’ordre d’Aman ; mais ils devaient attendre neuf mois environ avant de l’exécuter. C’était bien contre son gré que le cruel ministre laissait s’écouler un si long temps avant le massacre ; mais sa superstition l’emportait sur ses désirs de vengeance. Il aurait craint d’aller contre le sort en avançant l’exécution ; d’autre part il redoutait qu’Assuérus, avec son esprit capricieux, ne fut influencé en sens contraire et n’en vînt à annuler l'édit. En le publiant, il rendait toute modification moralement impossible. De plus, les Juifs étaient dès lors mis au ban de l’empire, ils devenaient l’objet de la haine publique, c'était préparer et assurer une extermination universelle. On ne peut donc rien conclure de ce délai contre la véracité du livre, et les exégètes rationalistes frappent à faux quand ils l’attaquent sur ce point. Cf. Bleek, Einleitung in das Alte Testament, 4e édit., p. 299.
L'édit d’Aman n’existe pas dans le texte hébreu ; on le trouve dans les Septante après le chapitre iii, 13, et dans la Vulgate, xiii, 1-7. Les protestants le rejettent comme apocryphe avec tous les autres passages deutérocanoniques d’Esther ; cependant il est certain qu’il existait dans le texte hébreu primitif, et qu’il a été rendu en grec par le traducteur du reste du livre. Cornely, Introductio specialis in libros Veteris Testamenti, part, i, p. 418, 435. Il y a à la vérité une légère contradiction entre le jour fixé pour le massacre dans l'édit, Esth., xiii, (3, et dans le texte protocanonique, Esth., iii, 13 ; ix, 1 : ici le treizième, là le quatorzième jour d’adar. C’est une simple faute de copiste qui ne peut tirer à conséquence, pas plus que Γαβαθὰ pour Bαγαθὰν, Esth., xii, 1, et Ἀρταξέρξης pour Ξέρξης Esth., i, 1 et passim.
Pendant qu’Aman se croyait sûr du succès, les Juifs priaient et jeûnaient, Esth., iv, 16-17, et Esther, au péril de sa vie, allait trouver le roi et obtenait de lui que, accompagné de son ministre, il vînt dîner à sa table. Aman sortait joyeux de ce festin, lorsque la rencontre de Mardochée, toujours inflexible et demeurant assis à son passage, le mit dans une nouvelle fureur. Après avoir pris conseil de sa femme Zarès et de ses amis, il résolut de devancer l'édit pour ce Juif impertinent, et, ne doutant pas de l’acquiescement du roi, il fit dresser sur l’heure une potence de cinquante coudées pour y attacher Mardochée dès le lendemain. Le lendemain, la face des choses était changée, et Aman attaché lui-même à ce gibet. Mais auparavant l’orgueilleux ministre devait subir une humiliation plus cruelle que la mort. Pendant cette nuit où Aman préparait la mort de Mardochée, Assuérus, ne pouvant dormir, s'était fait lire les annales de son règne. Il entendit le récit de la conjuration formée contre sa personne par les eunuques Bagathan et Tharès, et découverte par Mardochée, qui la lit échouer. Il demanda alors quelle récompense avait reçue ce fidèle sujet, et, apprenant que rien n’avait été fait pour lui, il appela Aman afin d’avoir son avis sur la manière de traiter un homme que le roi voulait honorer. Aman, persuadé que lui seul pouvait être ce sujet digne d’honneur, réclama le plus éclatant triomphe : habits royaux, cheval du roi, diadème sur la tête, marche solennelle par les rues de Suse, où résidait alors Assuérus, Esth., i, 2, 5 ; les princes de l’empire remplissant l’office de hérauts devant le triomphateur, Esth., vi, 8-9. Or Aman décernait à son insu tous ces honneurs à son mortel ennemi, Mardochée, et lui-même dut non seulement en assurer l’exécution, mais encore y prendre part, tenant la bride du cheval et criant : « Ainsi est honoré celui que le roi veut honorer ! » Aman, toujours superstitieux, vit là un mauvais présage, et rentra triste et abattu.
Il comptait parmi ses conseillers et ses amis des devins (hébreu : ḥăkàmâv, « ses sages ; » Septante : φίλοι, Esth., VI, 13). C’est sur leurs réponses qu’il avait préparé l’extermination des Juifs, et maintenant il n’en obtenait plus que des présages funestes : « Si Mardochée est Juif, de même que tu as commencé à être abaissé devant lui, tu le seras encore. » Esth., vi, 13. Sous le coup de son humiliation, Aman accompagna Assuérus à un second repas chez Esther. La reine en profita pour exposer au roi la demande qu’elle n’avait pas voulu formuler la veille. Elle révéla son origine juive et supplia le roi en faveur de sa propre vie à elle et de celle de son peuple, qu’un ennemi cruel voulait exterminer. Cet ennemi, elle le nomma en sa présence, et elle le fit avec une telle énergie, qu’Aman baissa les yeux et demeura sans mot dire. Il comprit qu’il était perdu et qu’il n’avait plus d’espoir que dans la clémence de la reine elle-même. Pendant qu’Assuérus était allé prendre l’air dans le jardin pour calmer ses impressions, Aman s'était approché du lit de table d’Esther, et, penché vers elle, il demandait grâce, quand Assuérus rentra. Le monarque, aveuglé par sa colère, crut qu’Aman voulait attenter à l’honneur de la reine : il n’entendit plus rien, et condamnant son premier ministre avec la même facilité avec laquelle il lui avait livré les Juifs, il donna l’ordre de le mettre à mort, ce qui fut exécuté à l’instant même. Selon l’usage des anciens à l'égard des condamnés à mort, un des eunuques lui jeta un voile sur la tête, Quinte-Curce, vi, 8, 22 ; Cicéron, Pro Rabirio, iv, 13 ; un autre, nommé Harbona, fit remarquer au roi qu’Aman venait de faire dresser « dans sa maison » un gibet pour y pendre Mardochée. « Qu’il y soit lui-même pendu, » dit Assuérus ; ce qui fut fait, « et la colère du roi s’apaisa. » Esth., vii, 9-10. Il est à noter que d’après le chapitre xvi, verset 18, la potence fut transportée de la maison d’Aman auprès de la porte de Suse, où le persécuteur subit son supplice.
L’exécution d’Aman fut suivie de celle de sa famille. Quand le treizième jour du douzième mois arriva, les Juifs, aidés des fonctionnaires royaux, prirent l’offensive, et firent un grand carnage de leurs ennemis, parmi lesquels se trouvèrent les dix fils d’Aman. Esth., IX, (J-9. Ils périrent donc, non pas en même temps que leur père, comme il semblerait d’après Esth., IX, 25, mais neuf mois après. Cf. vii, 10 ; viii, 9, 12 ; ix, 14. Ainsi disparut la race de cet homme cruel et vindicatif, dont les hautes fonctions furent données à Mardochée, Esth., X, 3, comme sa maison avait été donnée à Esther, viii, 1. Ainsi se réalisait le songe qu’avait eu Mardochée la deuxième année du règne d’Assuérus (484) : il avait vu deux énormes dragons (hébreu : tanntm) acharnés l’un contre l’autre, et représentant la lutte d’Aman contre Mardochée. Esth., x, 5-7 ; xi, 5-12. En mémoire de la chute de son ennemi et de la délivrance de son peuple, Mardochée institua à perpétuité la fête des Sorts ou des Pûrim, ainsi appelée à cause des sorts jetés par Aman pour l’extermination des Juifs. Voir Phurim. Pendant la lecture du livre d’Esther qu’on fait en cette fête, les passages relatifs à Aman sont toujours signalés par des malédictions ; celui où il est question de son supplice et de celui de ses fils doit se prononcer très vite et sans respirer pour marquer que tous furent pendus à la fois, ce qui d’ailleurs n’est pas exact, et pendant ce temps les assistants frappent des mains et des pieds pour que ce nom maudit ne soit pas entendu. Enfin, en mémoire du supplice des fils d’Aman, les trois versets où il est rapporté, Esth., ix, 7-9, sont écrits, dans les manuscrits hébreux, sur trois colonnes parallèles représentant les trois cordes auxquelles furent pendus, d’après la tradition, les fils du ministre maudit, attachés à chacune d’elles par groupes de trois, trois et quatre ; cette tradition est du reste sans fondement dans l’histoire, et très peu vraisemblable.
Il est à noter que, dans la lettre de révocation de l'édit d’extermination, Assuérus attribue à Aman un dessein qu’on ne trouve mentionné nulle part ailleurs, celui de se tourner contre le roi lui-même après avoir affaibli ses moyens de défense par le massacre des Juifs, et de livrer aux Mèdes (Septante : εἰς τοὺς Μακεδόνας , qu’il faut interpréter comme : ὁ Μακεδών, Esth., ix, 21 ; cf. xvi, 10, dans le sens de Mède ou Agagite (voir Agagite), l’empire des Perses. Esth., xvi, 14. Cette allégation est sans doute une pure supposition, qui pouvait d’ailleurs facilement venir à l’esprit du roi.
Aman est souvent donné par les auteurs spirituels comme le symbole des ennemis de l'Église, dont Esther est la figure. Cf. Rupert, De Victoria verbi divini, viii, 3, t. clxix, col. 1381 ; Raban Maur, In lib. Esth., i, 6, t. cix, col. « 52-660.
AMANA (hébreu : ʾĂmânâh), montagne mentionnée dans le Cantique des cantiques, IV, 8. Les Septante en ont fait un nom commun, et ont traduit mêrô's ʾĂmânâh, « du sommet d’Amanah, » par ἀπὸ ἀρχῆς πίστεως, « du commencement de la foi, » interprétation condamnée par le contexte et le parallélisme, d’après lesquels le mot correspond à ceux de Liban, de Sanir et d’Hermon. Le nom d’ʾĂmânâh se lit aussi IV Reg., v, 12, pour désigner un fleuve de Damas, dans le geri et le ketib d’un certain nombre de manuscrits, dans le Targum de Jonathan et la version syriaque, au lieu d’Abânâh, leçon courante du texte. Voir Abana. C’est ce qui a fait supposer à la plupart des auteurs qu’entre celui-ci et la montagne il y avait la relation du cours d’eau à la source, et que l’un donnait son nom à l’autre. L’Amana serait donc un des sommets de l’Anti-Liban, d’où sort l’Abana, aujourd’hui le Barada, c’est-à-dire le Djebel Zebdâni, au nord du grand Hermon, dominant du côté de l’est une grande plaine qui est le point le plus central et la vallée la plus pittoresque de la chaîne orientale. « Le Talmud de Jérusalem, tr. Schebiith, vi, 2, identifie l’Amanah de la Bible, Cant., iv, 8, avec l’Amanus. » A. Neubauer, La Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 7, n. 3. Nous croyons avec Reland, Palæstina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, 1. 1, p. 320, que le « sommet » dont parle le Cantique sacré ne saurait être confondu avec la montagne bien connue du nord de la Syrie. Les noms qui accompagnent Amana suffisent à eux seuls pour rejeter cette assimilation.
AMAND DE ZIERICZÉE, en Zélande, mineur observant, hébraïsant, enseigna la théologie dans le collège de
son ordre à Louvain, et fut premier supérieur de la province de Cologne, dans le temps où elle comprenait les
Pays-Bas. Il mourut le 8 juin 1524, d’après Jean de Saint-Antoine, en 1535, d’après Sbaraglia, et fut enseveli devant l’autel majeur de son couvent. Il laissait divers ouvrages d’exégèse dont les bibliographes susdits, non plus que les autres, ne nous font connaître le sort : 1° Commentaria in Genesim ; 2° Commentaria in Psalmum cxviii ; 3° Commentaria in librum Job ; 4° Commentaria in Ecclesiasten ; 5° De lxx hebdomadibus Danielis liber unus. Voir Ruland, dans l’Allgemeine Deutsche Biographie, 1. 1, 1875, p. 388.
AMANDE, fruit de l’amandier. — 1° Lorsque Jacob
renvoya ses enfants pour la seconde fois en Égypte, avec
Benjamin, pour y chercher du blé, il les chargea d’offrir
au premier ministre d’Égypte, qu’il ignorait être son fils
Joseph, « les meilleures productions de la terre » de Chanaan, et parmi ces productions figurent les amandes. Gen., xliii, 11. Elles sont appelées en hébreu šeqêdîm ; Septante : κάρυα; Vulgate : amygdalæ. — 2° Il est question une seconde fois des amandes, dans la Bible, à propos de la verge d’Aaron, qui fleurit miraculeusement, lors de la sédition de Coré, Dathan et Abiron. La verge d’Aaron, qui était sans doute un rameau d’amandier, ayant été placée dans le tabernacle avec celles des onze autres tribus, fut la seule qui en un jour porta des fleurs, des feuilles et des fruits, qui sont appelés dans le texte original šeqêdîm , c’est-à-dire « amandes », comme l’ont traduit exactement les anciennes versions. Num., xvii, 8. — 3° Un troisième passage du Pentateuque, Exod., xxv, 33, 34 (répété d’une manière analogue Exod., xxxvii, 19, 20), parle d’ornements « en forme d’amande », quasi in nucis modum (Vulgate), destinés à orner le chandelier à sept branches. Les ornements auxquels est attribuée cette forme sont appelés gebi’îm, c’est-à-dire « coupes, calices (de fleurs) » ; d’où il suit qu’ils n’avaient pas la forme du fruit de l’amandier, qui ne ressemble nullement à une coupe ou à un calice ; mais, comme on le traduit assez communément aujourd’hui, de la fleur de cet arbre. Le chandelier à sept branches se composait de sept tiges disposées sur un même plan comme en éventail, et partant deux par deux d’un même point, à l’exception de celle du milieu. Celle-ci était verticale. Les trois paires latérales formaient trois demi-cercles ou trois arcs de cercle s'élevant à la même hauteur, de manière que les sept lampes fussent placées sur une même ligne horizontale.
Les sept tiges n'étaient pas unies, mais constituées par
trois pièces qui paraissaient insérées l’une dans l’autre,
dans une sorte de bouton qui s’ouvrait en forme de calice
ou de fleur d’amandier. De la fleur d’amandier inférieure
sortait la pièce supérieure. La tige du milieu avait quatre coupes en forme de fleur, au lieu de trois, parce que les trois inférieures étaient le point de départ des trois tiges latérales. Voir Amandier et Chandelier a sept branches.
AMANDIER, arbre de la famille des Rosacées, de la tribu desPrunées. L’amandier commun (fig. 111) est originaire de l’Asie. Quelques botanistes pensent qu’il est spontané en Syrie. On le cultive avec succès dans le midi de la France.
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111. — Amandier.
Il atteint en moyenne, en Palestine, de quatre à cinq mètres de hauteur. Ses feuilles sont alternes, glabres, oblongues, lancéolées, dentelées, aiguës ; ses fleurs, axillaires, solitaires ou géminées, petites, au calice campanule, à cinq pétales, blanches avec une légère teinte rose. Elles s'épanouissent en Palestine dès le mois de janvier, avant le développement des feuilles. Le fruit de l’amandier est enveloppé d’une écorce vert-cendré, qui finit par se dessécher comme le noyau, et s’en sépare facilement à la maturité. Il est allongé et marqué d’un sillon longitudinal ; il renferme un noyau dont la surface, presque lisse, est criblée de perforations étroites, et dans lequel se trouve l’amande (fig. 112). Le fruit jeune contient deux ovules, dont un seul habituellement se développe jusqu'à maturité. En Orient, on mange volontiers le fruit entier, avec l'écorce, quand il est encore tendre. Je l’ai vu manger ainsi à Jaffa au commencement de mars. Le bois d’amandier est dur, d’une belle couleur, susceptible d’être poli. Il produit une gomme jaunâtre, qu’on emploie quelquefois à la place de la gomme arabique. — Parmi les espèces d’amandier, on distingue celui du Levant, Amydalus orientalis ou Amydalus argentea, dit vulgairement Amandier satiné, Amandier argenté, à cause de ses feuilles cotonneuses et argentées.
L’amandier porte en hébreu deux noms différents : celui de lûz et celui de šâqêd. Dans le premier passage de l’Écriture où il est nommé, Gen., xxx, 37, il est appelé lûz ; c’est du moins l’interprétation la plus commune, confirmée par la langue arabe, où amandier se dit aussi lauz. Quelques traducteurs rendent le mot hébreu lûz par noisetier, mais avec peu de vraisemblance.
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112. — Fleurs, feuilles et fruit de l’amandier.
La Genèse raconte que Jacob, pendant qu’il gardait les troupeaux de Laban, obtenait des agneaux de la couleur qu’il voulait, en plaçant des baguettes en partie pelées de divers arbres dans les canaux où allaient boire les brebis qui étaient près de concevoir. Gen., xxx, 35-43. Le lûz est un des trois arbres mentionnés dans cette circonstance. Ce mot ne reparaît plus dans la Bible hébraïque que comme nom propre. La ville de Béthel, avant d’être ainsi désignée, s’appelait Luz (Luza) ou « l’Amandier », Jos., xviii, 13 ; Jud., 1, 23 ; probablement à cause de quelque arbre remarquable de cette espèce qui croissait en ce lieu, ou à cause de l’abondance de ses amandiers. Le Chananéen qui livra la ville de Luza ou Luz aux Israélites, s’étant réfugié dans le pays des Héthéens, y bâtit une ville à laquelle il donna le même nom. Jud., i, 26.
Le second nom de l’amandier dans l’Écriture, qui paraît avoir été plus usité que le précédent, puisqu’on le lit dans tous les autres passages où il est question de cet arbre, est šâqêd. Il vient du verbe šâqad, qui signifie « veiller, se hâter », parce que l’amandier fleurit avant tous les autres arbres, et semble ainsi s’éveiller tandis que les autres dorment encore leur sommeil d’hiver. Le prophète Jérémie, dans sa première vision, i, 11, voit « un rameau d’amandier », qui est l’emblème de la vigilance et du zèle, à cause de la floraison hâtive de cet arbre. Ce passage renferme une allusion à l’étymologie de šâqêd. « Que vois-tu ? demande Dieu à son prophète. — Je vois un rameau d’amandier. — Tu as bien vu, lui réplique le Seigneur, parce que je me hâte (šôqêd) d’exécuter ma parole. » Jer., i, 11-12. La Vulgate, pour conserver le jeu de mots, a traduit : « Je vois une verge vigilante (virgam vigilantem). » Et le Seigneur lui répond : « Tu as bien vu, parce que je veillerai (vigilabo) sur ma parole afin que je l’accomplisse. »
Il n’y a rien d’étonnant qu’un arbre commun en Palestine, remarquable entre tous comme étant le premier à fleurir, et produisant des fruits très appréciés, y portât deux noms différents. Il est néanmoins possible que lûz soit un nom antique, qui a été supplanté plus tard en Palestine par celui de šâqêd, puisque ce dernier se trouve partout dans l’Ancien Testament, excepté dans le plus ancien passage de la Genèse. Rosenmüller y voit une autre différence : il suppose que lûz désigne l’amandier sauvage, et šâqêd l’amandier cultivé. Handbuch der biblischen Alterthumskunde, t. iv, part, i, p. 264. Encore aujourd’hui on trouve l’un et l’autre en Palestine. L’amandier sauvage croît sur le mont Carmel ; l’amandier cultivé est, avec le pêcher, une des beautés de Naplouse, l’antique Sichem. Quand, au commencement du printemps, les (leurs roses du pêcher se mêlent aux fleurs relativement blanches de l’amandier, on ne peut rien voir de plus gracieux.
L’amande a toujours été considérée comme l’un des fruits les plus estimés de la terre, de Chanaan. Voir Amande. Quelques savants ont pensé que l’amandier n’était pas cultivé en Égypte du temps de Joseph, puisque Jacob y envoyait les fruits de cet arbre. W. H. Groser, Scripture natural History, 1888, p. 88. La raison n’est pas absolument concluante, car rien n’empêche d’importer dans un pays les fruits qu’il produit lui-même, surtout lorsque ceux qui viennent de l’étranger sont « excellents ». Gen., xliii, 11. Quoi qu’il en soit, l’amandier a été connu au moins plus tard en Égypte. M. Brugsch croit avoir trouvé son nom sous la forme Modèle:Égyptien, neṣ. Aegypt. Wôrterbuch, Suppl., p. 713. Cf. Ch. E. Noldenke, Ueber die in altägyptischen Texten erwähnten Baume, 1886, p. 143. Il est vrai d’ailleurs que l’amandier a été importé de l’Asie occidentale en Egypte, comme plus tard en Grèce et en Italie.
En dehors des passages déjà rapportés, l’amandier n’est nommé qu’une autre fois dans l’Écriture : c’est dans l’Ecclésiaste, où, dans la célèbre description de la vieillesse, nous lisons, xii, 5 : « L’amandier fleurira, » c’est-à-dire, d’après l’interprétation commune, la tête du vieillard se couvrira de cheveux blancs, par allusion aux fleurs de l’amandier, qui au moment de sa floraison, n’ayant encore aucune feuille, paraît tout blanc. Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 1473, et un certain nombre de commentateurs à sa suite, rejettent cette explication, en disant que la fleur de l’amandier est rose, et ils traduisent : « (Le vieillard) méprise l’amande, » parce que, n’ayant plus de dents, il ne peut la manger. La raison sur laquelle s’appuient ces interprètes pour condamner le sens adopté par les anciennes versions et par la plupart des exégètes est fausse : il suffit d’avoir vu des amandiers en pleine fleur dans les pays où ils croissent en grand nombre, pour reconnaître que la comparaison que fait l’Ecclésiaste avec les cheveux blancs du vieillard est naturelle et fondée ; car à une certaine distance ces arbres fleuris ont l’aspect tout blanc, à la différence des champs de pêchers, qui paraissent tout roses. La fleur de l’amandier, d’un rose tendre et clair avant d’être tout à fait éclose, est pour la plus grande partie blanche quand elle est entièrement ouverte, et blanchit de plus en plus jusqu’au moment où elle tombe. Voir Celsius, Hierobotanicon, l. 1, p. 253, 297 ; Loudon, Arboretum et fruticetum Britannicum, Londres, 1838, t. ii, p. 673 ; Strumpf, Handbuch der Arzneimittellehre, Berlin, 1848, t. i, p. 93 ; Leng, Botanik, p. 705.
à Zurara en 1621, entra au noviciat de la Compagnie de Jésus le 10 janvier ou juin 1636, professa les humanités et la rhétorique à Braga, la philosophie et l'Écriture Sainte à Coïmbre, fut recteur du collège de Braga, et mourut à Lisbonne le 29 décembre 1711. Il a commenté le Magnificat : Canticum Marianum, hoc est sanctissimse Dei Genitricis Maries canticum, nempe ejus Magnificat litteralibus pariter ac mysticis illustrationibus investigatum, in-4°, Évora, 1709.
AMARIAS ou AMARIA, hébreu : 'Âmaryâh et 'Âmaryâhû, « Jéhovah a parlé, » c’est-à-dire « promis » ; Septante : Ἀμαρία et Ἀμαρίας.
1. AMARIAS, grand prêtre, fils de Méraioth et père d’Achitob. I Par., vi, 7, 52. Voir Grands prêtres.
2. AMARIAS, grand prêtre du temps de Josaphat, successeur d’Azarias et père d’un autre Achitob. I Par., vi, 11 ; II Par., xix, 11 ; I Esdr., vii, 3. Josèphe, Antiq. jud., IX, I, l’appelle Amaziah.
3. AMARIAS, fils d’Hébron ou Jahath, et chef d’une famille des lévites de la branche de Coré, au temps de David. I Par., xxiii, 19 ; xxiv, 23.
4. AMARIAS, lévite préposé à la distribution des dons entre les lévites, sous le roi Ézéchias. II Par., xxxi, 15.
5. AMARIAS, prêtre chef d’une famille, qui revint à Jérusalem avec Zorobabel du temps du grand prêtre Josué. II Esdr., xii, 2. Il signa avec Néhémie le renouvellement de l’alliance avec Dieu. II Esdr., x, 3.
6. AMARIAS, nom d’une famille de prêtres dont Johanan était le chef sous le grand prêtre Joacim. II Esdr., xii, 13. Probablement c’est la même famille qui est appelée Emmer, I Par., xxiv, 14.
7. AMARIAS, père de Godolias, aïeul du prophète Sophonie. Soph., i, 1.
8. AMARIAS (Septante : Σαμαρία), descendant de Phares, de la tribu de Juda. II Esdr., xi, 4.
9. AMARIAS, un des fils de Bani, sous Esdras. Il fut un de ceux qui se séparèrent de leurs femmes après les avoir prises contre la loi. I Esdr., x, 42.
AMASA, hébreu : ʿĂmâšâʾ, « charge ; » Septante :
Ἀμεσσαῖ.
1. AMASA, fils d’un homme inconnu, nommé Jétra ou Jéther, et d’Abigaïl, sœur de David. Plusieurs commentateurs ont pensé qu’Amasa était le fruit d’une union illégitime, d’après ce qui est dit, II Reg., xvii, 25, des rapports de Jéther et d’Abigaïl. Mais cette interprétation est contestable, puisque l’expression qu’on relève dans ce passage est prise en bonne part dans plusieurs autres : Gen., xvi, 2, et xxx, 3 ; Deut., xxii, 14, etc. Un autre point qui paraît plus probable, c’est que le père d’Amasa était de nationalité étrangère. En effet, si Jéther est donné comme étant de Jesraél, II Reg., xvii, 25, il est appelé ailleurs Ismaélite par la Vulgate elle-même, IPar., ii, 17, et la diversité actuelle des leçons tait supposer avec raison qu’il était qualifié de la même manière dans le texte primitif de II Reg., xvii, 25.
C’est peut-être ce qui expliquerait l'éloignement dans lequel David paraît avoir tenu son neveu. Malgré ses grands talents militaires, auxquels Absalom et David rendirent témoignage à la fin, en le choisissant l’un après l’autre pour leur général en chef, et malgré son étroite parenté avec le roi, on ne voit figurer nulle part Amasa comme exerçant un commandement important dans les armées d’Israël ; il n’est pas même compté parmi « les vaillants de David », énumérés II Reg., xxiii, et I Par., xi et xii, à moins qu’on ne l’identifie, comme le font quelques-uns, avec cet Amasaï, un des principaux entre les officiers appelés šališim, qui vint rejoindre David à Siceleg, vers la fin du règne de Saûl. I Par., xii, 16-18.
Si telle était en réalité la situation d’Amasa vis-à-vis de David, il dut se laisser gagner sans peine à la cause d’Absalom. Il embrassa, en effet, le parti de ce prince, lorsqu’il se révolta contre son père. Placé par lui à la tête de son armée, il passa le Jourdain et alla établir son camp au pays de Galaad, dans la forêt d'Éphraïm ; il y fut attaqué et complètement battu par Joab, qui commandait, avec Abisaï et Éthaï, les troupes de David. II Reg., xvii, 25-26 ; xviii, 6-8.
Aussitôt après sa défaite, un singulier revirement de fortune le fit succéder à Joab, son vainqueur, comme général en chef de David. Joab, qui depuis longtemps faisait trop sentir au roi son caractère dominateur, venait d’achever de s’aliéner son esprit en donnant, contre ses ordres formels, la mort à Absalom. II Reg., xviii, 14-15. David profita de cette occasion pour s’affranchir de l’espèce de dépendance dans laquelle Joab prétendait le tenir. II Reg., iii, 24-25, 39 ; xix, 5-7. Il fit donc des avances à Amasa, et lui promit avec serment le commandement suprême de ses troupes. II Reg., xix, 13. C'était du reste le moyen de décapiter en quelque sorte la sédition, en lui ôtant son général pour se l’attacher irrévocablement, et de faire rentrer en même temps beaucoup de révoltés dans le devoir à la suite d’Amasa.
Le nouveau général eut immédiatement à exercer ses fonctions. Le retour triomphal de David, auquel « le peuple de Juda » avait eu la principale part, venait de réveiller avec une extrême vivacité les vieux dissentiments entre la tribu de Juda et les autres tribus d’Israël. II Reg., xix, 41-43. Israël en masse se déclara contre David, à l’instigation du Benjamite Séba, et la révolte pouvait devenir plus redoutable encore que celle d’Absalom. II Reg., xx, 1-6. Il fallait donc se hâter, et ne pas laisser aux rebelles le temps de se rendre maîtres de quelques places fortes et de s’y établir. David ordonna à Amasa d’aller convoquer tous les hommes de Juda, et de se rendre avec eux dans trois jours à Jérusalem, où il venait lui-même de rentrer.
Amasa dut éprouver des difficultés imprévues dans l’exécution de cet ordre, peut-être à cause de la défiance d’un grand nombre pour ce nouveau chef, qui était la veille encore le général des révoltés ; car il ne put accomplir sa mission dans les trois jours, et arriver à Jérusalem au moment indiqué. Il y serait toutefois revenu, quoique en retard, d’après les Septante, et en serait reparti à la tête des troupes, ayant sous ses ordres Abisaï et les soldats de Joab. II Reg., xx, 6-7. Mais cette manière de présenter les faits ne paraît guère s’accorder avec ce qui est dit au y. 8, qu’Amasa « vint au-devant d’eux » ; cette rencontre s’explique au contraire tout naturellement, si l’on admet, comme semblent le supposer l’hébreu et la Vulgate, que David ne voulut pas attendre le retour d’Amasa, et qu’il chargea Abisaï (ou Joab, selon le syriaque et Josèphe) de prendre le commandement des troupes présentes, et de se mettre incontinent à la poursuite de Séba. Amasa, qui revenait enfin, les rencontra aux environs de Gabaon, la moderne El-Djib.
Ce fut le moment que choisit Joab pour assouvir sa vengeance ; la façon dont est décrit son équipement donne à entendre qu’il avait prémédité et préparé à l’avance l’assassinat de son cousin. « Salut, mon frère ! » lui dit-il en lui prenant la barbe de la main droite, à la manière orientale, comme pour l’embrasser, tandis que de la main gauche il lui plongeait son épée dans le flanc. Il continua aussitôt sa route, après avoir laissé un de ses soldats à la garde d’Amasa, étendu mort au milieu du chemin : c’est du moins ce que semblent dire l’hébreu, les Septante et le chaldéen. Cet homme, voyant que le peuple s’arrêtait pour regarder le cadavre, le transporta dans un champ voisin, et le couvrit d’un manteau. II Reg., xx, 6-13. Une fois de plus le glaive de la justice divine frappait, selon la prophétie de Nathan, II Reg., xii, 10, sur la maison de David, et cette fois encore c’est de cette maison même que partait le coup, car Joab et Amasa étaient l’un et l’autre neveux du roi. Cf. II Reg., xiii, 28 ; xviii, 14.
Ainsi périt Amasa, au moment où David venait de le tirer du long oubli dans lequel il.parait l’avoir laissé jusqu’alors, pour lui conférer la plus haute charge du royaume, et le traiter désormais comme un des membres les plus chers de sa famille. « N’es-tu pas l’os de mes os, et la chair de ma chair ? » lui avait-il fait dire après la mort d’Absalom. II Reg., xix, 13. Joab empêcha par son crime l’entière réalisation de ce dessein. David voulut du moins venger la mort d’Amasa, et s’il ne put le faire immédiatement, parce que les services de Joab, devenu d’ailleurs plus puissant que jamais, lui étaient nécessaires, il confia en mourant ce soin à Salomon. III Reg., ii, 5, 34.
2. AMASA, Éphraïmite, fils d’Adali. De concert avec d’autres chefs de sa tribu, il s’opposa à ce qu’on fit entrer dans Samarie les prisonniers que les Israélites avaient faits sur les tribus de Juda et de Benjamin, sous le règne d’Achaz. Il obtint leur liberté et les renvoya avec tout le butin. II Par., xxviii, 12.
AMASAÏ , hébreu : ʿĂmâšaï, « onéreux, à charge. »
1. AMASAÏ (Septante : Ἀμεσσί, Ἀμαθί), fils d’Elcana, lévite de la branche de Caath. I Par., vi, 25, 35.
2. AMASAÏ (Septante : Ἀμασαί), chef des guerriers des tribus de Juda et de Benjamin, combattant sur des chars. Il s’attacha à David fuyant devant Saül, et devint dès lors un de ses généraux. I Par., xii, 18. On n’est pas d’accord sur la question de savoir s’il est le même qu’Amasa, neveu de David. Voir Amasa 1.
3. AMASAÏ (Septante : Ἀμασαῖ), un des prêtres qui sonnaient de la trompette devant l’arche, quand David la fit transporter dans la maison d’Obédédom, à Jérusalem. I Par., xv, 24.
4. AMASAÏ (Septante : Ἀμασί) lévite, père d’un Mahath qui vivait sous le règne d'Ézéchias. Il Par., xxix, 12. Ce n’est peut-être que le nom de la famille ; dans ce cas, ce serait un descendant d’Amasaï 1.
5. AMASAÏ ( hébreu : ʾAmṣi, « fort ; » Septante : Ἀμεσσία), lévite de la brandie de Mérari, fils de Boni et ancêtre d'Éthan. I Par., vi, 46.
AMASIAS, hébreu : ʿĂmaṣyâh, ʿĂmaṣyâhû, « Jéhovah fortifie ; » Septante : Ἀμεσσίας, Ἀμασίας, Ἀμεσσάς.
1. AMASIAS (hébreu : ʿĂmaṣyâh, IV Reg., xii, 21 ; xiv, 8 ; xv, 1, et ʿĂmaṣyâhû, IV Reg., xiv, 1, 9, 11 ; II Par., xxv, 1 ; Septante : Ἀμεσσίας), huitième roi de Juda, fils de Joas et de Joadan (appelée aussi Joaden, Il Par., xxv, 1). Il monta sur le trône la seconde année du règne de Joas, roi d’Israël, IV Reg., xiv, 1, et régna vingt-neuf ans, y. 2 (838-809). Malgré sa jeunesse, — il n’avait alors que vingt-cinq ans, II Par., xxv, 1, — il sut montrer autant de fermeté que de prudence pour réprimer l’anarchie qui avait suivi la mort de son père, tombé victime d’une révolte de palais, IV Reg., xii, 20. Fidèle, dans la répression du crime, à la loi qui portait : « Les pères ne mourront point pour leurs fils ni les fils pour leurs pères, mais chacun sera responsable de son péché, » Deut., xxiv, 16, il fit périr les meurtriers en laissant vivre leurs enfants, IV Reg., xiv, 6 ; II Par., xxv, 4, ce qui parut à cette époque une marque exceptionnelle de clémence. Cf. Hérodote, iii, 119 ; Ammien Marcellin, xxiii, 6 ; Quinte-Curce, v, ll, 20. Dans l’ensemble de sa conduite, sans pouvoir être comparé pour la rectitude et la sincérité à David, son aïeul, IV Reg., xiv, 3 ; II Par., xxv, 2 ; cf. III Reg., xi, 4, il fit cependant « ce qui était juste devant le Seigneur ». IV Reg., xiv, 3. Sentant que pour affermir son autorité il fallait d’abord réorganiser l’armée, il fit un recensement général de tous les jeunes gens de vingt ans et au-dessus, capables de porter le bouclier et de manier la lance. On en compta trois cent mille, parmi lesquels il établit une puissante hiérarchie, les sectionnant par familles, dont chacune était sous les ordres d’un chiliarque et de centeniers. II Par., xxv, 5. Le chiffre de trois cent mille ne peut paraître excessif, il est même peu considérable si on le compare à celui que fournit le recensement militaire fait par David, II Reg., xxiv, 9 ; I Par., xxi, o ; par Josaphat, II Par., xvii, 14-19, et par Asa, II Par., xiv, 8, à ce point qu’il faut recourir aux guerres sanglantes récemment faites contre les Arabes et les Philistins, II Par., xxi, 16-17, et contre les Syriens, II Par, xxii, 5 ; xxiv, 23-26, pour expliquer une telle diminution.
C’est peut-être pour combler ce déficit qu’Amasias, avec le consentement du roi d’Israël, enrôla, au prix de cent talents d’argent, environ 850 000 francs de notre monnaie, cent mille mercenaires israélites. II Par., xxv, 6. C’est la première armée de mercenaires dont il soit question dans la Bible. Il avait l’intention de les diriger, avec ses propres troupes, contre les Iduinéens, qui sous Joram s'étaient rendus indépendants, IV Reg., viii, 20-22 ; II Par., xxi, 10 r et menaçaient maintenant la frontière méridionale de Juda. Un millième de talent d’argent (huit francs cinquante de notre monnaie), par homme, était une somme si minime, qu’Amasias avait dû y joindre quelque promesse formelle d’une large part de butin. Or, sur l’ordre de Dieu, un prophète dont le nom n’est pas indiqué (ʾiš hâělohîm, un homme de Dieu), II Par., xxv, 7, intervint, défendant à Amasias de garder ces mercenaires à son service, « parce que Jéhovah n’est pas avec Israël, » adonné plus que jamais au culte des idoles. La force de Juda, ajoutait le Voyant, n'était pas dans le nombre de ses soldats, mais en Dieu, « à qui il appartient de secourir et de mettre en fuite. » II Par., xxv, 7-8. Docile jusqu'à l’héroïsme, Amasias renvoya ses cent mille auxiliaires, et avec ses seules troupes il se jeta sur les Iduméens, qu’il battit dans la vallée des Salines, IV Reg., xiv, 7 ; II Par., xxv, 11 ; cf. Gen., xiv, 8 ; II Reg., viii, 13 ; Ps. lix, 2, au sud de la mer Morte, et assiégea leur capitale, nommée Séla' ou Pétra. IV Reg., xiv, 7. Amasias la prit d’assaut, et, selon un ancien usage, il marqua d’une manière symbolique sa domination sur elle en changeant son nom en celui de Jectéhel (hébreu : ioqṭeʾêl, « conquis par Jéhovah » d’après Gesenius), lui imposant ainsi le nom d’une ville de Juda. Jos., xv, 38. Voir Jecthel. Dans ces batailles, dix mille Iduméens étaient restés sur le terrain, et dix mille autres avaient été précipités du haut du rocher escarpé qui dominait Pétra, de telle sorte que la puissance des fils de Séïr paraissait anéantie. II Par., xxv, 11-12.
Malheureusement ce succès enivra Amasias et fut l’occasion de sa ruine ; car, suivant l’usage reçu parmi les païens d’emporter les dieux des peuples vaincus et de les honorer pour se les rendre favorables, il adora les dieux de I’Idumée et leur brûla de l’encens, II Par., xxv, 14, ce qui lui valut bientôt ce reproche : « Pourquoi as-tu adoré des dieux qui n’ont pas délivré leur peuple de tes mains ? » II Par., xxv, 15. Ainsi lui parlait Jéhovah par la bouche d’un prophète ; mais Amasias, aveuglé par l’orgueil, refusa d’entendre, et proféra même contre l’homme de Dieu des menaces de mort, auxquelles le Voyant répondit en lui prédisant la vengeance du Seigneur et une mort prochaine. II Par., xxv, 16. Alors la présomption d' Amasias devint une vraie démence. Les mercenaires d’Israël, renvoyés par lui, se voyant privés du butin qu’ils espéraient, avaient ravagé la frontière septentrionale de Juda, « de Samarie jusqu'à Béthoron, » tué trois mille hommes et mis tout le pays au pillage. II Par., xxv, 13. Amasias, qui ne cherchait qu’un prétexte pour attaquer Joas, roi d’Israël et, d’après Josèphe, tenter de reconquérir les dix tribus, Ant. jud., IX, lx, le rendit peut-être responsable de ces déprédations ; bientôt il lui jeta ce défi ironique : « Viens et voyons-nous de plus près. » IV Reg., xiv, 8 ; II Par., xxv, 8. Josèphe ajoute même que le roi de Juda écrivit à son rival une lettre menaçante pour lui enjoindre de se soumettre, lui et son peuple, Ant. jud., IX, ix ; ce qui lui attira cette réponse noble et écrasante, dont la couleur orientale atteste l’authenticité : « Le chardon (hébreu : haḥôḥa, « l'épine, » dans le sens de buisson d'épines, cf. Job, [xxxi, 40 ; Prov., xxvi, 9) du Liban envoya vers le cèdre qui est au Liban, et lui dit : Donnez votre fille pour épouse à mon fils ; mais les bêtes de la forêt du Liban passèrent et foulèrent aux pieds le chardon. » IV Reg., xiv, 9 ; II Par., xxv, 18. Cet apologue, qui rappelle celui de Joatham, Jud., ix, 8, nous apprend qu’Amasias avait demandé en mariage pour son fils la fille de Joas. Le roi d’Israël, malgré ce ton menaçant et ces paroles blessantes, ne voulait pas la guerre ; il conseillait à Amasias de rester en paix et de jouir de ses récents succès, IV Reg., xiv, 10 ; II Par., xxv, 19 : conseil plein de sagesse, malheureusement incompris, car le roi de Juda se mit bientôt en campagne. Contre toute attente, la rencontre eut lieu, non en Israël, mais en Juda ; car Joas avait pris les devants, et par une marche rapide avait porté la guerre au cœur même des États d’Amasias. Bethsamès, ville sur les confins de Dan et de Juda, beaucoup plus proche de Jérusalem que de Samarie, fut le lieu du combat, dans lequel Amasias fut battu, IV Reg., xiv, 11 ; II Par., xxv, 22 ; cf. Jos., xv, 10, « parce que le Seigneur avait résolu de le livrer aux mains de ses ennemis à cause des dieux d'Édom. » II Par., xxv, 20. Fait prisonnier, il fut emmené à la suite de son vainqueur, et dut assister à son entrée triomphale à Jérusalem. IV Reg., xiv, 13 ; II Par., xxv, 23.
Joas pilla le palais et le temple, dont les trésors étaient sous la garde d’un certain lévite Obédédom. IV Reg., xiv, 14 ; II Par., xxv, 24 ; cf. I Par., xxvi, 8, 15. Ces trésors ne pouvaient être considérables depuis que Joas, roi de Juda, les avait employés pour acheter la retraite d’Hazaël, roi de Syrie. IV Reg., xii, 18. Le vainqueur, généreux envers Amasias, lui laissa la liberté et même la couronne, Josèphe, Ant. jud., IX, ix ; mais, en garantie de sa soumission, il fit, probablement parmi les familles principales, de nombreux otages, et établit le royaume de Juda dans une sorte de vassalité, IV Reg., xiv, 14 ; toutefois Dieu, qui avait ses desseins sur ce royaume, ne permit pas qu’il disparut.
Les quinze années qu’Amasias régna après la mort de Joas, roi d’Israël, IV Reg., xiv, 17 ; II Par., xxv, 25, furent sans gloire. Soit découragement, soit sentiment de sa réelle impuissance, il ne fit rien pour rendre à ses États leur ancienne prospérité. C’est alors que s'éleva contre lui à Jérusalem une conjuration dont le texte ne désigne ni le motif ni les auteurs. En réalité ce fut un châtiment providentiel de son mépris pour Dieu et de son idolâtrie. II Par., xxv, 26 ; cf. IV Reg., xiv, 3 ; II Par., xxv, 14, 20. Ce n'était pas d’ailleurs une révolution politique, mais un ressentiment tout personnel, puisque les conjurés lui donnèrent comme successeur son propre fils. Amasias n’osa tenir tête à l'émeute, sentant sans doute combien peu il avait les sympathies de son peuple, chez lequel subsistait le mécontentement d’avoir été entraîné dans l’entreprise aventureuse contre Israël, d’avoir vu la cité sainte démantelée et les principaux citoyens pris en otages. Il se réfugia à Lachis, où il fut bientôt rejoint par les conjurés et mis à mort. IV Reg., xiv, 19 ; II Par., xxv, 27. Il était âgé de cinquante-quatre ans. IV Reg., xiv, 2. De splendides funérailles lui furent faites : son
corps porté « sur des chevaux », IV Reg., xiv, 20 ; II Par., xxv, 28, à Jérusalem, fut déposé solennellement dans le tombeau de ses pères. Amasias avait régné vingt-neuf ans, durant lesquels son caractère s'était manifesté par les plus étranges contrastes, à tel point que l'Écriture Sainte peut successivement le louer comme un roi craignant Dieu, et le condamner comme un impie. Tel il fut en effet, tantôt fidèle au Seigneur jusqu'à l’héroïsme, comme lorsqu’il renvoya son armée de mercenaires, II Par., xxv, 10, tantôt infidèle jusqu'à adorer les dieux des vaincus, II Par., xxv, 14 ; parfois prudent, modéré dans sa vengeance, IV Reg., xiv, 6 ; II Par., xxv, 3, 4, habile organisateur, II Par., xxv, 5, et parfois mesquin, II Par., xxv, 9, présomptueux, IV Reg., xiv, 8 ; II Par., xxv, 16, violent, II Par., xxv, 16, et cruel, II Par., xxv, 11-12. Son règne a donc un double aspect, glorieux et ignominieux. Comment Amasias passa-t-il de l’un à l’autre ? Par l’orgueil que lui donnèrent ses premiers succès. Il faut noter dans le récit de son règne l’allusion à la loi mosaïque, IV Reg., xiv, 6, qui est une preuve de l’existence du Deutéronome, et par conséquent du Pentateuque au temps d’Amasias.
2. AMASIAS, prêtre du veau d’or à Bethel, sous le règne de Jéroboam II, roi d’Israël. Amos, vii, 10-17. Il dénonça à ce roi les prophéties que faisait Amos contre le royaume d’Israël, et il pressa ce prophète lui-même de retourner dans le royaume de Juda. Amos lui prédit qu’en punition de sa résistance aux ordres de Dieu, les plus grands malheurs tomberaient sur sa famille, et que lui-même mourrait dans une terre étrangère.
3. AMASIAS, père de Josa, de la tribu de Siméon. I Par., iv, 34.
4. AMASIAS, lévite, fils d’Helcias, de la branche de Mérari. I Par., vi, 45.
5. AMASIAS (hébreu : ʿĂmasyâh, « celui que Jéhovah porte ; » Septante : Ἀμασίας), fils de Zéchri, grand capitaine sous le règne de Josaphat. Il commandait deux cent mille hommes. II Par., xvii, 16.
AMASSAI (hébreu : ʿÂmaššaï ; Septante : Ἀμασία), fils d’Azréel, prêtre habitant Jérusalem au temps de Néhémie. II Esdr., xi, 13. Probablement le même que Maasaï, IPar., ix, 12.
AMAT Félix Torres, écrivain espagnol, né le 6 août 1772 à Sallent, diocèse de Vich, mort à Madrid le 29 décembre 1847. Il fut chanoine de la collégiale de Saint-Ildefonse en 1805, et en 1815 sacriste de Barcelone. Le
1er mai 1834 il fut sacré évêque d’Astorga, et il gouverna ce diocèse jusqu'à sa mort. Son œuvre principale, qui est rappelée comme son plus beau titre de gloire dans
l'épitaphe qu’on lit sur son tombeau dans l’hôpital de la
Corona de Aragon, c’est sa traduction des Saintes Écritures en espagnol. La sagrada Biblia, mievamente traducida de la Vulgata latina al espaiiol, aclarado et sentido de algunos lugares con la litz que dan los testas originales hebreo y griego, é ilustrada con varias notas sacadas de los santos Padres y espositores sagrados, 9 in-4°, Madrid, 1823-1825 ; 2<= édit, 6 in-l », Madrid, 1832-1835. Cette traduction n’a pas supplanté complètement celle de Scio, si célèbre en Espagne ; elle a eu néanmoins un très grand succès, et a été approuvée et recommandée
par un grand nombre d'évêques, et comme la Société
biblique a imprimé pour son compte la version de Scio,
on a réimprimé à Barcelone, en un seul volume in-8°,
en 1876, La sagrada Biblia d’Amat, afin de combattre la propagande protestante. La brièveté et la clarté des notes de l'évêque d’Astorga ont fait de sa traduction une œuvre vraiment populaire. Quelques mots ajoutés çà et là dans le texte en italiques lui suffisent souvent pour éclairer le
sens. Les difficultés sont expliquées au bas des pages. Sa
version se recommande d’ailleurs par une fidélité qui n’a
rien de servile et par l'élégance du style. Comme la Bible
de Scio contient des annotations en plus grand nombre,
on a publié vers 1885 La Santa Biblia vulgata latina y su traduction al español por Félix Torres Amat, con notas de este y del P. Felipe Scio de San Miguel, cronologias del P. Fidel Fita, S. J., comentarios y vindicias, 12 in-8°, Barcelone (sans date).
L'évêque d’Astorga a composé plusieurs autres ouvrages, parmi lesquels on peut mentionner ses Memorias para ayudar a formar un Diccionario critico de los escritores catalanes, in-8°, Barcelone, 1836. Cet ouvrage contient des notices sur plusieurs commentateurs espagnols. Voir M. Salvâ et P. Sainz de Baranda, Coleccion de documentes ineditos para la historia de Espana, t. xxii, Madrid, 1853, p. 66.
AMATH, ville de Syrie. Voir Amathite et Émath.
AMATHÉEN (hébreu : Ḥămâṭi ; Septante : à 'A(ioiôt), nom d’une des familles qui descendaient de Chanaan. Elle occupe la dernière place dans la liste des fils de Chanaan. Gen., x, 18 ; I Par., i, 16. (La Vulgate écrit Amathæus dans Gen., x, 18, et Hamathæus dans I Par., i, 16.) Les
Amathéens sont indubitablement les Chananéens qui s'établirent à Emath (hébreu : Ḥămàt), à la frontière septentrionale de la Palestine. Voir Émath.
AMATHI (hébreu : ʾĂmiṭṭaï, « sincère ; » Septante : Ἀμαθί, père du prophète Jonas. IV Reg., xiv, 25 ; Jon., 1, 1.
AMATHIE, AMATHIS. Voir Amathite.
AMATHITE (grec : Ἀμαθῖτις), I Mach., xii, 25.Région au nord de la Palestine, située autour d'Émath ou Amath, d’où elle tirait son nom. Voir Émath. C’est là que Jonathas Machabée rencontra l’armée de Démétrius II
Nicator, laquelle se retira précipitamment pendant la nuit, n’osant pas risquer la bataille avec les Juifs. I Mach., xii, 24-28. — Quelques commentateurs ont confondu à tort l’Amathite avec la région située autour d’Amathonte ou Amathus (Ἀμαθoύς, xà Ἀμαθά), ville forte à l’est du Jourdain, qui fut prise par Alexandre Jannée, et dont il est plusieurs fois question dans Josèphe. Ant. jud., XIII, xiii, 3 ; XIV, v, 4 ; XVII, x, 6 ; Bell, jud., i, iv, 3 ; viii, 5.
Amathonte est l’Amata visitée par Burckardt, Travels,
p. 346, près du Jourdain, un peu au nord du Zerka, l’ancien Jaboc. L’Amathite de I Mach., xii, 25, était beaucoup plus au nord.
AMBARACH Pierre, jésuite d’origine maronite, né
en 1663, à Gusta, en Syrie, mort à Rome, le 25 août 1742.
Il fut élevé à Rome, au collège des Maronites, par les
jésuites, de 1672 à 1685, et retourna en Syrie en décembre
1685. Envoyé plus tard par ses compatriotes auprès du
Saint-Siège pour y traiter quelques affaires intéressant leur Église, il fut retenu à Florence, après avoir rempli sa mission, par le grand-duc Côme III de Médicis, qui le
chargea d’abord d’organiser une imprimerie orientale et
le nomma ensuite professeur d'Écriture Sainte à Pise. Le
30 octobre 1707, Ambarach entra au noviciat des jésuites
à Rome, et, quelque temps après, Clément XI le nomma
membre de la commission chargée de préparer l'édition
pontificale de la Bible grecque des Septante. Il publia
aussi les deux premiers volumes des Œuvres de saint
Éphrem en syriaque, etc. Comme son nom en arabe
signifie « béni », il a pris dans l'édition de saint Éphrem le nom de Benedictus. Le P. de Backer l’appelle Benedetti, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, 1890, t. i, col. 1295, nom sous lequel il est connu en Italie ; la Biographie universelle de Michaud, t. iv, 1811, p. 198, le nomme Benoît.
AMBASSADE, AMBASSADEUR. On appelle aujourd’hui ambassadeur le représentant officiel d’un souverain ou d’un État auprès d’un gouvernement étranger.
Il réside ordinairement dans le pays où il est accrédité.
Les anciens, et en particulier les Hébreux, n’ont pas eu
d’ambassadeurs dans ce sens moderne ; ils ont eu seulement des envoyés chargés de porter des messages ; on n’en
donne pas moins assez souvent à ces envoyés le nom
d’ambassadeur, et à la mission qu’ils remplissaient le nom
d’ambassade. Un verset des Proverbes, xiii, 17, nous fait connaître deux des noms par lesquels on désignait en Israël les personnages à qui étaient confiées ces fonctions importantes :
Le méchant messager (malʾâk) tombera dans le mal,
Mais l’envoyé (ṣîr) fidèle est le salut.
Le mot malʾâk, qui signifie un messager quelconque, Job, i, 14, etc., et spécialement un envoyé de Dieu, un ange, Gen., xlviii, 16, etc., désigne plusieurs fois dans l'Écriture un messager public, politique. Jud., xi, 12, 17, 19 ; I Sam., xvi, 19 ; xix, 11, 14, 20 ; I (III) Reg., xix, 2 ; II Par., xxxv, 21 ; Is., xxx, 4 ; xxxiii, 7 ; Ezech., xvii, 15, etc. La Vulgate, dans ce dernier sens, traduit malʾâk par nuntius. Le mot sîr, comme nom d’agent, signifie toujours un homme chargé de porter un message. Prov., xiii, 17 ; xxv, 13 ; Is., xviii, 2 ; lvii, 9 ; Jer., xlix, 14 ; Abd., 1. Notre Vulgate le rend par le substantif legatus, qui est le mot consacré en latin pour exprimer un ambassadeur. Au second livre des Paralipomènes, xxxii, 31, les ambassadeurs de Babylone sont appelés melisîm (Vulgate : in legatione), c’est-à-dire « interprètes ». Souvent du reste, quand les écrivains sacrés racontent des ambassades, ils ne donnent aucun titre spécial à ceux qui les remplissent.
Ceux qui étaient chargés d’un message à l'étranger étaient naturellement des hommes importants, par exemple, des officiers de la cour, quand ils étaient envoyés par le roi. Voir II Reg., x, 1-5 ; IV Reg., xviii, 17 ; etc. Ils étaient considérés comme des personnes sacrées et en quelque sorte inviolables, si nous en jugeons par la guerre qui fut la conséquence des outrages faits par les Ammonites aux envoyés de David. II Reg., x.
La mission la plus ordinaire des ambassadeurs consistait à demander la paix, l’alliance avec un peuple étranger ou certaines faveurs, comme dans les premiers exemples que nous connaissons, où Moïse envoie, mais sans succès, des messagers aux Iduméens et aux Amorrhéens, Num., xx, 14-21 ; xxi, 21-23 ; Jud., xi, 17-21, pour obtenir le libre passage sur leurs terres. Les Gabaonites vont trouver Josué pour faire alliance avec lui. Jos., îx, 3-16. Jephté envoie inutilement des ambassadeurs aux Ammonites afin qu’ils cessent de piller les tribus transjordaniennes. Jud., xi, 12-28. Les tribus d’Israël réunies à Maspha font demander par des envoyés à la tribu de Benjamin de leur livrer les coupables qui avaient outragé la femme du lévite d'Éphraïm ; ils ne l’obtiennent point. Jud., xx, 12-13. Benadad, roi de Syrie, exige d’Achab, par une double ambassade, qu’il lui livre tout ce qu’il possède. III Reg., xx, 1-6. Amasias, roi de Juda, sollicite une entrevue et une alliance matrimoniale de Joas, roi d’Israël, et ses envoyés lui rapportent une réponse outrageante. IV Reg., xiv, 8-9. Achaz, roi de Juda, se reconnaît tributaire de Téglathphalasar, roi d’Assyrie, pour obtenir de lui des secours. IV Reg., xvi, 7. Ézéchias, fils et successeur d’Achaz, fait demander la paix à Sennachérib, roi d’Assyrie, qui a envahi ses États, IV Reg., xviii, 14, et Sennachérib, après avoir accepté son tribut, le fait sommer néanmoins à deux reprises, par plusieurs de ses grands officiers, de se soumettre complètement à lui. IV Reg., xviii, 17-34 ; xix, 9-14 ; Is., xxxvi, 1-20 ; xxxvii, 9-14. MérodachBaladan, roi de Babylone, envoie à Ézéchias une ambassade avec des lettres et des présents, pour le féliciter sur sa guérison miraculeuse, IV Reg., xx, 12 ; II Par., xxxii, 31 ; Is., xxxix, 1, et noue avec lui une alliance contre le roi d’Assyrie. Une des plus célèbres ambassades racontées dans les Saints Livres est celle que Judas Machabée envoya aux Romains pour conclure avec eux une alliance qui le mit en état de résister aux forces supérieures des rois de Syrie. I Mach., viii, 17-30. Voir Alliance 1.
Les ambassadeurs étaient chargés parfois simplement de porter les tributs, Jud., iii, 15 ; d’aller féliciter un roi sur son avènement au trône, II Reg., viii, 10 ; III Reg., v, i, ou de lui apporter des compliments de condoléance sur la mort de son prédécesseur, II Reg., x, 2.
Dans le Nouveau Testament, saint Paul considère métaphoriquement les ministres de l’Évangile comme des ambassadeurs de Dieu auprès des hommes, des legati envoyés par leur maître pour tenir sa place, de même que le πρεσβευτής, le legatus tenait la place de l’empereur romain dans la province de Syrie où l’Apôtre était né. C’est dans ce sens qu’il emploie le verbe πρεσβεύειν. II Cor., v, 20 ; Eph., vi, 20.
AMBRE. On distingue deux espèces d’ambres, qui n’ont guère de commun que le nom : l’ambre gris, qui provient de certains cachalots, — il n’en est certainement pas question dans l’Écriture, — et l’ambre jaune, appelé aussi succin, qui serait mentionné dans Ézéchiel, i, 4, 27 ; viii, 2, d’après une interprétation des anciennes versions. Voir J. Oppert, L’ambre jaune chez les Assyriens, dans le Recueil des travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptienne et assyrienne, t. ii, 1880, p. 46-47. L’ambre jaune est une substance minérale solide, couleur jaune paille, transparente, et susceptible de recevoir un beau poli (fig. 113). C’est une espèce de résine fossile qui se présente en masses arrondies, offrant les formes qu’affecte la résine en coulant. Il brûle avec flamme et fumée, en répandant une odeur aromatique particulière. Il fond à la température élevée où le verre devient mou. Avant d'être fossile, il était à l'état fluide, comme le montrent les insectes et les débris de végétaux qui y sont quelquefois enfermés (fig. 114). Quand on le frotte avec de la laine ou de la peau, il développe facilement de l'électricité négative, et c’est à cause de cette propriété, depuis longtemps connue, qu’on a tiré de son nom grec, ἤλεκτρον, le nom même de l'électricité. On le trouve dans plusieurs parties de l’Europe, et principalement sur les bords de la Baltique, de Mesnel à Dantzig. Mais il est à remarquer qu’il ne se rencontre pas en Orient. « On n’a pas encore trouvé d’ambre en Mésopotamie. Cette substance, dont les riverains de la Méditerranée faisaient déjà un grand usage dès le Xe siècle avant notre ère, ne paraît pas avoir été portée par le commerce dans l’intérieur de l’Asie… Ce qui est certain, c’est que ni au Louvre ni au Musée britannique, parmi les objets de tout genre qui ont été recueillis dans les ruines de la Chaldée et de l’Assyrie par les explorateurs dont le butin est venu se classer dans ces deux grands dépôts, on ne saurait montrer la moindre parcelle d’ambre. Si les Assyriens avaient connu l’ambre, où celui-ci aurait-il mieux trouvé sa place que dans ces colliers où l’on réunissait, à l’aide d’un fil, toutes les pierres que l’on avait sous la main, le verre et la terre émaillée ? Or, parmi les milliers d'éléments qui les composaient, on n’a pas signalé la plus petite boule d’ambre. » G. Perrot et Ch. Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. ii, p. 768-769 ; cf. t. i, p. 840 ; t. iii, p. 854-855.
Ézéchiel n’a donc pu parler d’une substance inconnue sur les bords de l’Euphrate. Aussi est-on aujourd’hui à peu près unanime à reconnaître que le mot ḥašmal employé dans le texte original du prophète, Ezech., i, 4, 27 ; viii, 2, ne signifie point l’ambre jaune.
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114. — Ambre renfermant des insectes.
Les deux morceaux les plus petits, à droite et & gauche, en haut, renferment, celui de droite, une mouche, celui de gauche, une petite araignée. Celui du milieu renferme un scarabée à ailes vertes et à tête Jaune. Celui de dessous, diverses mouches et autres insectes. Dessiné sur les spécimens du Musée de minéralogie du Jardin des plantes de Paris.
La plupart pensent que le mot ἤλεκτρον (Vulgate : electrum) ne désigne pas le succin, mais un métal composé d’un mélange d’or, d’argent ou de cuivre, appelé aurichalcum et ressemblant par sa couleur à l’ambre jaune. Ḥašmal peut signifier aussi émail. Voir Electrum, Émail. Cf. F. Waldmann, Der Bernstein in Altertum, in-4o, Fellin, 1883 ; H. Göppert et A. Menge, Die Flora des Bernsteins, in-f°, Dantzig, 1883.
AMBROGIO Teseo, orientaliste italien, né à Pavie, en 1469, mort dans cette ville en 1540. Issu de la noble famille d’Albonesa de Lomellina, il devint chanoine régulier de Saint-Jean-de-Latran, et fut l’un des premiers Italiens qui s’adonnèrent aux études orientales. On dit qu’il savait dix-huit langues, et spécialement le syriaque. Léon X lui fit ouvrir une école pour enseigner cette dernière langue à Dologne. On a de lui Introductio in chaldaicam linguam, syriacam atque armenicam et decem alias linguas, in-4o, Pavie, 1539. Voir Jöcher, Allgemeine Gelehrten-Lexicon, Leipzig, 1750, t. i, col. 337 ; Adelung, Fortsetzung und Ergânzungen zu Jochers Gelehrten Lexico, t. x, col. 711-712.
1. AMBROISE (Saint), évêque de Milan et docteur de l'Église, né à Trêves, vers 340, d’une illustre famille romaine, mort à Milan, le 4 avril 397. Il eut pour maîtres, à Rome, Æmilius Probus et Symmaque. Valentinien le nomma, en 373, préfet consulaire des provinces de Ligurie et d’Émilie. Il établit sa résidence à Milan, et en 374 le suffrage unanime des Milanais l’acclamait évêque, quoiqu’il ne fût encore que catéchumène. Il gouverna son Église pendant vingt-trois ans, de 374 à 397, avec une grande fermeté tempérée par beaucoup de douceur. Jusqu'à son élévation à l'épiscopat, il n’avait cultivé que l'éloquence du barreau. Dès lors il s’adonna avec soin à l'étude de l'Écriture Sainte, et s’en pénétra profondément. Plus homme d’action qu'écrivain, il avait néanmoins un grand talent d’orateur ; il gagnait les cœurs par une onction qui charme encore dans ses écrits, et fit de lui un des instruments dont Dieu se servit pour ramener saint Augustin dans le giron de l'Église. La plupart de ses ouvrages ne sont que des homélies, retouchées après coup pour leur donner la forme sous laquelle elles nous ont été conservées. Ce sont surtout des leçons morales, généralement tirées des Livres Saints. Saint Ambroise expose dans le sens littéral les faits historiques racontés dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, et en tire des exhortations pieuses, qu’il relève par des allégories mystiques. Il emprunte beaucoup à Philon et aux Pères grecs, qu’il lisait dans leur langue originale, en particulier à saint Basile, à Origène et à saint Hippolyte. Son goût est celui de son époque ; il surcharge sa phrase d’antithèses, et son style, ordinairement noble et éloquent, manque parfois de naturel et de clarté. Il appartient à l'école allégorique. Mais, quoique son exégèse soit d’ordinaire plus édifiante que scientifique, il n’en mérite pas moins justement le titre de Docteur de l'Église pour l’exactitude et la solidité de sa doctrine. Parmi les éditions de ses Œuvres, on remarque celle des Bénédictins de Saint-Maur, 2 in-f°, Paris, 1686-1690, réimprimée dans la Patrologie latine de Migne, t. xiv-xvii, et celle de P. A. Ballerini, 6 in-f°, Milan, 1876-1886.
Les écrits de saint Ambroise qu’on peut ranger dans la classe des écrits exégétiques sont les suivants : 1° Hexæmeron, t. xiv, col. 123-274, explication de l'œuvre des six jours de la création, prêchée d’abord en neuf sermons, en 389, puis réduite en six livres, d’après Origène, saint Hippolyte et saint Basile. L'évêque de Milan traduit quelquefois des passages entiers de l’Hexaméron de ce dernier Père, ce qui ne l’empêche point d’ailleurs d’avoir des opinions différentes. C’est de tous ses écrits exégétiques celui où il s’occupe le plus du sens littéral ; on y trouve des pensées profondes et des passages remarquables. — 2° Liber de paradiso, composé en 325, t. xiv, col. 275-314, brève exposition historique, longues applications allégoriques à l'âme humaine. — 3° De Cain et Abel libri duo, écrits vers 375, t. xiv, col. 314-360, commentaire allégorique et dogmatique. — 4° Liber de Noe et arca, composé vers 379, t. xiv, col. 361-416, un des ouvrages les plus soignés du saint docteur, soit pour l’explication du sens littéral, soit pour l’exposition du sens mystique. — 5° Libri septem de patriarchis, composés vers 387, et comprenant : De Abraham libri duo, t. xiv, col. 419-500 ; Liber de Isaac et anima, col. 501-534 ; Libri duo de Jacob et vita beata, col. 597-638 ; Liber de Joseph patriarcha, col. 641-682 ; Liber de benedictionibus Patriarcharum, col. 673-694. Ce dernier est une explication de la prophétie de Jacob, Gen., xlix, explication allégorique et pratique, comme tous les livres sur les patriarches, résumés d’instructions données aux catéchumènes. —6° Liber de Elia et jejunio, col. 697-728, vers 389 ou 390. Contre l’intempérance. — 7° Liber de Nabuthe et Jezrælita, col. 731-756, vers 395. Contre l’avarice. — 8° Liber de Tobia, col. 759-794, vers 377. Contre l’usure. — 9° Libri quatuor de interpellatione Job et David, col. 797-850, écrits en 383. Les deux premiers livres traitent des plaintes que leurs souffrances arrachent à Job et à David ; les deux derniers expliquent, pour défendre la Providence contre les païens, pourquoi les justes sont quelquefois malheureux. — 10° Apologia prophetæ David ad Theodosium Augustum, col. 851-884, vers 384. David fut coupable d’adultère et d’homicide, mais il expia ses crimes. — 11° Enarrationes in duodecim diversos Psalmos, col. 922-1180, vers 390-397. Explication surtout morale des Psaumes I, xxxv, xxxvi, xxxvii, xxxviii, xxxix, XL, xliii, xlv, XL vii, xlviii et lxi. En tête est placée une belle préface sur les Psaumes, imitée de saint Basile. — 12° Expositio in Psalrnum cxviii, t. xv, col. 1197-1526, vers 386-387. Elle renferme vingt-deux sermons. C’est une des œuvres les plus célèbres de l'évêque de Milan. « Saint Ambroise, dit dom Ceillier, Histoire des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1729-1763, ch. iv, art. 8, n. 2, p. 687, s’est comme surpassé lui-même dans l’explication du Psaume cxviii ; rien n’est plus beau ni plus édifiant ; c’est un trésor de vérités morales et de maximes de la vie chrétienne, traitées avec autant d’esprit et d'éloquence que de zèle et de piété. » — 13° Expositio Evangelii secundum Lucam, t. xv, col. 1527-1850, vers 386-387. Commentaire littéral, moral et polémique, contre les manichéens, les photiniens et surtout les ariens. — 14° Epistolæ biblicæ, t. xvi, col. 1046 et suiv. On peut désigner sous ce titre plusieurs lettres où le saint docteur répond aux questions qui lui étaient proposées sur la Sainte Écriture. On y trouve l’explication de beaucoup de passages du Pentateuque, des Prophètes, de saint Paul, etc.
Saint Ambroise avait aussi expliqué Isaïe et les autres prophètes, les Proverbes et la Sagesse ; mais ces ouvrages sont perdus. Parmi les œuvres contestées, on remarque Altera apologia Davidis, t. xv, col. 887-917, dans laquelle l’auteur montre que David pèche par faiblesse humaine et se relève par sa vertu. — Commentaria in Epistolas sancti Pauli. Ces commentaires sont de l'écrivain désigné sous le nom d’Ambrosiaster. Voir Ambrosiaster. — Un savant allemand, Rudorff, Ueber den Ursprung und die Bestimmung der Lex Dei oder Mosaicarum et Romanarum legum collatio, dans les Abhandlungen der philosophisch-historischen Klasse der Berliner Akademie der Wissenschaften, 1868, p. 265-296, attribue cet ouvrage à l'évêque de Milan ; mais son sentiment n’a pas prévalu, quoiqu’on reconnaisse que la Lex Dei est de l'époque de saint Ambroise. Voir Ph. Ed. Huschke, Jurisprudentiæ antejustinianæ quæ supersunt, 2e édit., Leipzig, 1867, p. 547-609. On a attribué longtemps à saint Ambroise un Commentarius in Apocalypsim, dont le véritable auteur est Bérengaud, diacre d’Angers. Voir Bérengaud.
Voir Paulini, diaconi Mediolanensis, Vita sancti Ambrosii, Migne, t. xiv ; C. Baronius, Vita sancti Ambrosii, en tête de l'édition des Œuvres de saint Ambroise, Rome, 1580 ; Vita sancti Ambrosii ex ejus potissimum scriptis collecta, en tête de l'édition des Bénédictins, Migne, t. xiv ; G. Hermant, Vie de saint Ambroise, in-4o, Paris, 1678 ; A. Baunard, Histoire de saint Ambroise, in-8o, Paris, 1872 ; J. P. Silbert, Leben des hl. Ambrosius, in-8°, Vienne, 1841 ; J. Pruner, Die Théologie des hl. Ambrosius, Eichstadt, 1862 ; Fessler-Jungmann, Institutiones Patrologiæ, l. 1, Innsprück, 1890, 655-705.
2. AMBROISE d’Alexandrie. Saint Jérôme, ' au chapitre cxxvi de son De viris illustribus, t. xxiii, col. 751, mentionne un disciple de l’Alexandrin Didyme comme l’auteur d’un traité contre Apollinaire de Laodicée. Cet Ambroise vivait encore en 392, au moment où saint Jérôme écrivait son De viris illustribus : « …usque hodie superest, » dit-il. Et saint Jérôme lui attribue un commentaire du livre de Job, Commentarius in Iob. Ce commentaire ne nous est point parvenu. — Il ne faut point confondre cet Ambroise avec celui qui fut l’ami et le disciple d’Origène. Ramené du marcionisme au catholicisme par Origène, il s’attacha à la personne de son maître, et fit les frais de ses grandes publications : « Hujus industria et sumptu et instantia adjutus infinita Origenes dictavit volumina, » écrit saint Jérôme dans son De viris ill., lvi, t. xxiii, col. 669. Il mourut avant Origène, et sans avoir rien écrit. — Sur Ambroise, disciple de Didyme, voyez J. Dräseke, Patristische Untersuchungen, p. 201 et suiv., Leipzig, 1889.
3. AMBROISE AUTPERT. Voir AUTPERT.
4. AMBROISE DE LISIEUX, religieux du tiers ordre de Saint-François de la congrégation gallicane, fut gardien du couvent de cet ordre dit de Notre-Dame des Miracles, à Rome, et mourut en 1630. La bibliothèque de son couvent de Paris conservait de lui un manuscrit intitulé ; Lampas accensa in quatuor Evangelia, Actus Apostolorum, omnes Epistolas Pauli, atque septem catholicas.
5. AMBROISE DE NAPLES, religieux augustin, et évêque-administrateur, depuis 1517, du diocèse de Mantoue, vivait encore en 1524. Il fut un des meilleurs prédicateurs et des plus habiles docteurs de son temps. Il composa, entre autres ouvrages, De genitura mundi, ubi sex dierum opera explicantur ; Conciones super Salutationem angelicam et canticum B. Mariæ ; De tribus Magdalenis et unica Magdalena. Ces écrits se sont conservés manuscrits dans la bibliothèque de Sainte-Agnès de Mantoue. Voir N. Toppi, Biblioteca napoletana, in-f°, Naples, 1678, p. 11 ; J. Chr. Adelung, Fortsetzung und Ergänzungen zu Chr. G. Jöchers Allgemeinem Gelehrten-Lexicon, t. i, Leipzig, 1784, col. 709.
6. AMBROISE THÉSÉE. Voir AMBROGIO.
7. AMBROISE MILLET. Voir Millet AMBROISE.
AMBROSIASTER ou Pseudo-Ambroise. On désigne ordinairement sous ce nom l’auteur inconnu des Commentaria in tredecim Epistolas B. Pauli, qui ont été longtemps attribués à saint Ambroise de Milan. (Dans Migne, Patr, lat., t. xvii, col. 47-536.) Ils expliquent en général brièvement, mais non sans mérite, les Épîtres de l’Apôtre. Le commentateur dit expressément qu’il vivait du temps du pape Damase, in I Tim., iii, 15, t. xvii, col. 471, par conséquent de 366 à 384. C’est tout ce qu’on sait de lui. Hincmar de Reims, vers 870, attribua le premier cet ouvrage à saint Ambroise, et il fut suivi par Ives de Chartres († 1115), Pierre Lombard († 1164) et beaucoup d’autres. Erasme, en 1527, contesta cette attribution, et la plupart des critiques, entre autres les Bénédictins de Saint-Maur, dans Migne, Patr, lat., t. xvii, col. 39-41, ont adopté son opinion. P. A. Ballerini, dans son édition de saint Ambroise, a essayé néanmoins de lui restituer ces commentaires. S. Ambrosii Opera, Milan, 1876-1886, t. iii, p. 349-372, 971-974. Saint Augustin, Contra duas Epistolas Pelagianorum, iv, 4, no 7, t. xliv, col. 614, cite un passage de ce commentaire, Rom., v, 12, t. xvii, col. 97, sous le nom de saint Hilaire ; ce qui est, outre les raisons tirées du style et de la doctrine, qui n’est pas toujours celle de saint Ambroise, une difficulté grave contre le sentiment de Ballerini.
En s’appuyant sur l’autorité de saint Augustin, plusieurs ont attribué les Commentaria à saint Hilaire de Poitiers († 368), mais cette opinion s’accorde peu avec le style de ce dernier. D’autres les ont attribués à un diacre romain du nom d’Hilaire, qui vivait du temps de saint Damase (voir S. Jérôme, Dial. cont. Luciferianos, 24, t. xxiii, col. 184), ou à un évêque de Pavie, du même nom et de la même époque, etc. Voir J. Langen, De Commentariorum in Epistolas Paulinas qui Ambrosii nomine feruntur scriptore, in-4o, Bonn, 1880. D’après J. Th. Plitt, dans Herzog et Plitt, Real-Encyklopädie, 2e édit., t. i, p. 330, les Commentaires de l’Ambrosiaster sont une compilation, œuvre de plusieurs moines, qui était déjà commencée en 380, ce qui explique comment l'évêque d’Hippone a pu déjà la citer, mais qui ne fut achevée sous sa forme actuelle que vers l’an 800, et elle est composée d’extraits, d’ailleurs bien choisis, de saint Augustin, de saint Jean Chrysostome, de saint Jérôme, etc. Quelque grande que soit la diversité des opinions sur l’origine de ces commentaires, tous les critiques s’accordent à reconnaître qu’ils sont remarquables.
ÂME dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament.
— Nous ferons connaître d’abord les noms de l’âme dans
la Bible, nous étudierons ensuite les enseignements de la
Sainte Ecriture sur la nature, l’origine et la destinée de
l’âme.
I. Noms de l'âme dans la Bible.
L'âme est désignée dans l’hébreu de la Bible par différents noms qui ont des acceptions assez diverses. Elle est appelée néféš, nešâmâh, rûaḥ, et par métaphore lêb.
1o Le mot néféš (ordinairement dans les Septante : ψυχή ; dans la Vulgate : anima) vient du verbe nâfaš, respirer. Comme la respiration est le signe de la vie, on a désigné par ce mot la vie et le principe de vie. Entendu en ce sens, le néféš réside dans le sang, Gen., ix, 4, 5 ; Lev., xvii, 11 ; Deut., xii, 23, et il meurt, Jud., xvi, 30.
On a désigné par le même terme le principe commun, Exod., xxiii, 9 ; Job, xvi, 4 ; I Reg., i, 15 ; xx, 4 ; Prov., xii, 10, des sentiments, des passions, des pensées et de la science. On attribue au néféš l’affection, Gen., xxxiv, 3 ; Cant., i, 6 ; iii, 1-4 ; Is., xlii, 1 ; la joie, Ps. lxxxv, 4 ; la crainte, Ps. vi, 4 ; Is., xv, 4 ; la piété, Ps. lxxxv, 4 ; ciii, 1, 35 ; cxlii, 8 ; la confiance, Ps. lvi, 2 ; des désirs et des sentiments de toute sorte ; les souvenirs, Deut., iv, 9 ; Thren., iii, 20 ; les volontés, Gen., xxiii, 8 ; II Reg., iii, 21 ; I Par., xxii, 19 ; la connaissance, Ps. cxxxviii, 14 ; la science, Prov., xix, 2.
Par extension, on a nommé néféš tout être qui possède la vie animale, la personne, le cadavre des morts, Num., ix, 6 ; enfin ce terme exprimant la personne a été employé comme pronom réfléchi.
2o Le terme nešâmâh (ordinairement dans les Septante : πνοή ; dans la Vulgate : spiraculum, halitus, spiritus) a la même signification étymologique que néféš, et comme lui désigne tantôt le souffle vital, Gen., vii, 22 ; Job, xxvii, 3 ; Is., xlii, 5 ; Dan., x, 17 ; tantôt la vie et son principe, Is., lvii, 16 ; tantôt, suivant le sens le plus probable, le siège des sentiments, Prov., xx, 27 ; tantôt un être qui possède la vie animale. Deut., xx, 16 ; Jos., x, 40, xi, 11, 14 ; III Reg., xv, 29 ; Ps. cl, 6.
3o Le terme rûaḥ (ordinairement dans les Septante : πνεῦμα ; dans la Vulgate : spiritus) a le même sens étymologique que les deux précédents. Il exprime le souffle du vent, le souffle respiratoire, la vie animale et son principe, le principe des passions ou des résolutions, le principe de l’intelligence et de la sagesse, Exod., xxviii, 3 ; Is., xxix, 24. Il désigne en outre l’esprit de Dieu, Num., xxvii, 18 ; Deut., xxxiv, 9 ; Is., xi, 2, qui donne aux hommes la sagesse, l’habileté dans les arts, l’intelligence des songes, la connaissance des choses cachées, ou qui leur inflige des châtiments.
4o Le mot lêb (dans les Septante : καρδία ; dans la Vulgate : cor) signifie littéralement le cœur. Il est employé communément dans un sens métaphorique pour désigner le principe des sentiments, des résolutions et des pensées.
De temps en temps les termes néféš et ruaḥ sont opposés l’un à l’autre, le premier étant attribué aux animaux et le second aux hommes. Job, xii, 10. On ne peut en conclure que le mot néfés ne s’applique pas à l'âme spirituelle ; car parfois l'âme des morts est appelée néféš, Job, xiv, 22 ; mais, comme l’ont remarqué dom Calmet, Dissertation sur la nature de l'âme, art. 1, Nouvelles Dissertations, Paris, 1720, p. 56, et M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édition, t. iii, p. 112, l’esprit, rûaḥ, quand il n’est pas entendu dans le sens de souffle, s’applique toujours à l’homme ou à Dieu et jamais aux animaux. La Bible ne l’applique en effet à l'âme des animaux qu’en un seul texte, Eccl., iii, 21, où la comparaison entre l’homme et la bête amène naturellement l’auteur sacré à se servir des mêmes termes pour les deux.
Dans les livres de l’Ancien Testament, rédigés en grec, et dans ceux du Nouveau, les termes grecs ψυχή, καρδία et πνεῦμα ont le même sens que les termes hébreux qu’ils traduisent dans les Septante. Cependant le mot ψυχή y est employé plus souvent que l’hébreu néféš pour exprimer l’âme séparée du corps après la mort, Act., ii, 27 ; I Petr., iv, 19 ; Apoc, vi, 9 et xx, 4 ; cf. Matth., x, 39 ; xvi, 25, 26 ; Marc, viii, 35, 36, 37 ; Luc, ix, 24 ; Joa., xii, 25 ; II Cor., xii, 15 ; Hebr., x, 39 ; xiii, 17, et le mot πνεῦμα exprime d’une façon plus particulière les dons surnaturels de Dieu. Aussi les Apôtres appelèrent-ils πνευματικός, spiritualis, ce qui est surnaturel et caché. Rom., i, 11 ; vii, 14 ; xv, 27 ; I Cor., ii, 15 ; iii, 1 ; ix, 11 ; x, 3, 4 ; xiv, 37 ; Gal., vi, 1 ; Eph., v, 19 ; Col., i, 9 ; iii, 16 ; I Petr., ii, 5. Par opposition, ils nommèrent ψυχικός, animalis, ce qui est conforme à la vie purement naturelle. Jac, iii, 5 ; I Cor., ii, 14 ; Jud., 19. C’est conformément à cette acception que saint Paul qualifie notre corps, tel qu’il est ici-bas, de psychique ou d'animal, et le corps ressuscité des élus de pneumatique ou de spirituel. I Cor., XV, 44, 46.
Aux mots ψυχή et πνεῦμα, les livres de la Bible, écrits en grec, en ajoutèrent un autre qui exprime aussi l’âme, mais n’a point son équivalent en hébreu : c’est le terme νοῦς (traduit dans la Vulgate par sensus, intellectus), qui désigne le principe pensant et s’applique aussi à l’objet pensé. Les Septante s’en étaient servis quelquefois pour traduire les termes lêb et rûaḥ. On le lit dans la Sagesse, iv, 12 ; ix, 15, dans le second livre des Machabées, xv, 8, dans saint Luc, xxiv, 45, dans l’Apocalypse, xiii, 18 ; xvii, 9, et saint Paul l’emploie une vingtaine de fois.
Il résulte de ce qui précède que les termes par lesquels l’Écriture désigne le principe de la vie et de la pensée avaient en même temps d’autres significations assez diverses, et qu’aucun d’eux ne répond exactement à notre mot français âme.
II. Nature de l’âme d’après la Bible.
Nous allons étudier les enseignements de la Bible : 1° sur la distinction de l’âme d’avec le corps ; 2° sur sa spiritualité ; 3° sur ses fonctions ; 4° sur son unité.
1° Distinction du corps et de l’âme, d’après la Bible.
On ne trouve nulle part dans l’Écriture un exposé didactique de la distinction du corps et de l’âme ; mais cette distinction est supposée ou affirmée, chaque fois que l’occasion s’en présente.
Nous venons de parcourir les termes qui désignent l'âme, dans la langue des Saints Livres, et de voir qu’ils signifient presque tous respiration, souffle ou vent, en même temps que principe de la vie et de la pensée. On en a conclu que les Hébreux regardaient l’âme comme corporelle ; mais cet argument est sans aucune valeur. Le langage humain est, en effet, dans la nécessité de recourir à des images sensibles pour désigner les êtres immatériels et les idées abstraites. Il n’est point de langue où le nom de l'âme n’ait été formé de cette manière. En grec, en sanscrit, les mêmes mots expriment l’âme et le vent, comme en hébreu. Nos termes français âme, esprit, ont pour racine et traduisent les mots latins anima, spiritus, qui ont ces deux acceptions. S’ensuit-il que les Grecs, les Latins et les Français considèrent l’âme comme un être corporel ? Assurément non.
La preuve que les Hébreux distinguaient l’âme du corps, c’est que, tout en admettant leurs rapports, ils les opposent l’un à l’autre comme deux principes nécessaires pour constituer l’homme vivant. Cette opposition est particulièrement marquée dans ce que la Bible nous dit de la création de l’homme, de la mort et de la résurrection des corps.
La Genèse contient deux récits parallèles de la création de l’homme. Le second, ii, 7, marque clairement la distinction de la matière et du principe vital dans l’homme. « Le Seigneur Dieu, dit-il, forma donc l’homme du limon de la terre (voilà la matière), et il souffla sur son visage un souffle (nišmaṭ) de vie (voilà le principe vital, l’âme), et l’homme devint une personne (néféš) vivante (voilà le composé de corps et d’âme). » On a prétendu que le souffle de vie mentionné ici n’était autre que le souffle respiratoire que Dieu communiqua aux narines de l’homme.
II est vrai que le terme hébreu nišmaṭ signifie respiration ; mais il signifie aussi l’âme, principe de vie. Or il ne faut pas oublier le génie particulièrement concret de la langue hébraïque, qui exprime les principes immatériels ou abstraits par leurs effets et leurs signes, et qui ici unit évidemment le principe de la vie donnée à Adam avec ce souffle respiratoire qui en est la condition indispensable et le signe. Le premier récit de la création de l’homme, Gen., i, 27, nous le montre fait à l’image de Dieu pour dominer sur les animaux et s’en servir. Il exprime aussi la supériorité du principe de vie qui est en Adam sur le principe de vie qui est dans les bêtes de la terre ; nous reviendrons tout à l’heure sur ce point.
Ce que les Saints Livres enseignent de la manière dont arrive la mort, établit plus nettement encore la distinction du corps et de l’âme. Ils présentent en effet la mort comme la séparation de ces deux principes, Gen., xxxv, 19 ; Ps. ciii, 29 : du corps qui retourne à la terre d’où il vient, et de l’âme qui retourne à Dieu qui l’a donnée. Eccl., xii, 7. Ils disent qu’au moment de la mort, l’âme est mise à nu, parce qu’elle est dépouillée du corps, son vêtement. Is., liii, 12 ; Job, iv, 19 ; II Cor., v, 3.
Enfin la même distinction s’affirme quand l’Écriture nous montre la résurrection des morts s’opérant par le retour de l’âme dans le corps. « Lorsque, dans sa célèbre vision des ossements arides, Ézéchiel, xxxvii, eut prophétisé sur eux une première fois, remarque M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édition, t. iii, p. 113, les corps reprirent leur forme primitive. Rien n’y manquait, nerfs, chair, peau, excepté la vie, parce que l’âme (rûaḥ) n’était pas en eux. Par ordre de Dieu, il prophétisa une seconde fois. Alors l’âme vint animer ces corps, et ils vécurent de nouveau et ils reçurent le mouvement. Saint Luc racontant la résurrection de la fille de Jaïre dit en termes analogues : « À la voix de Jésus, son « âme (πνεῦμα) retourna en elle. » Luc, viii, 55. » D’ailleurs, le corps (bâšâr) est souvent opposé à l’âme dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Nous y lisons, par exemple : « Le corps (bâšâr) souffre, et l’âme (néféš) s’afflige. » Job, xiv, 22. « Mon âme (lêb) se réjouit, mon corps (bâšâr) se repose en assurance. » Ps. xv, 9.
2° Spiritualité de l’âme suivant la Bible.
La spiritualité de l’âme n’est point la même chose que sa simplicité et sa distinction d’avec le corps. La spiritualité consiste en ce que l’âme peut exercer des opérations intellectuelles, se déterminer librement et vivre indépendamment d’un corps. Pour qu’une âme soit spirituelle, il faut qu’elle soit simple et distincte de la matière ; mais de ce qu’une âme est simple et distincte de la matière, il ne s’ensuit pas qu’elle soit spirituelle. En effet, les âmes des bêtes sont simples, suivant la doctrine de saint Thomas d’Aquin. Néanmoins elles ne sont point spirituelles, parce qu’elles sont incapables d’opérations à proprement parler intellectuelles, et qu’elles ne sont point immortelles.
La Bible enseigne-t-elle la spiritualité de l’âme ? Elle n’expose point cette spiritualité en termes philosophiques ; mais elle l’affirme de plusieurs manières. Nous verrons bientôt que la Bible attribue à l’homme l’intelligence, la liberté, la survivance après la mort, toutes choses qui équivalent à affirmer sa spiritualité. Nous avons vu même qu’elle met en opposition le néféš, qui est commun aux animaux et à l’homme, et le rûaḥ, qui est présenté en ces passages comme propre à l’homme, § I. Si le texte de l’Ecclésiaste, iii, 21, où le rûaḥ est affirmé des animaux fait difficulté, il est sur que ce mot, accompagné de déterminatifs qui expriment l’intelligence, ne s’applique jamais qu’à l’homme. Job, xx, 3 ; cf. xxxii, 8. Ce qui suffit pour notre démonstration.
Quoique l’Écriture accorde aux bêtes une âme capable de quelque connaissance (voir § i), elle représente l’homme comme ne trouvant parmi les bêtes aucun être qui lui ressemble, comme possédant en lui un principe de vie qui n’est point dans les animaux et en vertu duquel il est destiné à les dominer et à s’en servir. Il suffit, pour s’en convaincre, de relire les trois premiers chapitres de la Genèse. Or ce principe, qui est le privilège exclusif de l’homme, ne saurait être qu’une âme spirituelle.
Enfin la spiritualité de cette âme est mieux marquée encore, s’il se peut, par la ressemblance qui lui est attribuée avec Dieu, Gen., i, 26, et qui fait sa supériorité sur les animaux. Qu’on place, en effet, cette ressemblance dans la nature de l’homme ou dans les dons surnaturels qu’il reçut, elle est la conséquence de la spiritualité de l'àme. Si l’on place cette ressemblance dans la nature de l’homme, elle vient, en effet, de ce que l’homme est esprit et pas seulement être vivant, comme les animaux. Si l’on tire cette ressemblance des dons surnaturels faits au premier homme, comme ces dons ne pouvaient être accordés qu'à un être spirituel, ainsi que les théologiens le démontrent, elle suppose encore que l’homme est esprit.
La spiritualité de l'âme est donc enseignée par la Bible. Les objections qu’on fait à cette thèse seront résolues dans les paragraphes qui suivent. Ceux qui attribueraient à l'Écriture le génératianisme grossier de Tertullien, pourraient prétendre qu’elle n’admet pas la spiritualité de l'âme ; car, entraîné par ce système, Tertullien ne voyait aucune difficulté à accorder un corps subtil aux âmes séparées du corps. Mais nous verrons (§ iii) que le génératianisme n’a été professé par aucun écrivain inspiré. Il n’en est aucun non plus qui ait pensé que nos âmes ne peuvent vivre sans corps. On a cru voir l’expression de ce sentiment dans un texte où saint Paul dit, II Cor., v, 1, que si notre corps se dissout, Dieu nous eu donné dans le ciel un autre qui est éternel. Mais l’Apôtre entend par cet autre corps celui avec lequel nous ressusciterons, et non un corps qui serait donné à notre âme immédiatement après la mort.
3° Fonctions de l'âme, d’après la Bible.
Les fonctions de l'âme sont distinguées dans la philosophie d’Aristote et des scolastiques en trois catégories : celles qui nous sont communes avec les plantes et qui constituent la vie végétative, celles qui nous sont communes avec les bêtes et constituent la vie animale, et celles qui nous sont propres et constituent la vie intellectuelle.
La Bible ne laisse pas entendre, par les expressions qu’elle emploie, qu’il y ait rien de commun entre la vie des plantes et celle des animaux. Elle ne dit pas que les plantes sont vivantes ou qu’elles perdent la vie ; elle dit qu’elles ont la verdeur, qu’elles germent, qu’elles poussent des feuilles, qu’elles se dessèchent et périssent. Elle présente au contraire la vie comme un caractère qui distingue les animaux des plantes, parce que, dans la conception des Hébreux, la vie n’embrassait point les phénomènes qu’ils voyaient dans les végétaux et qui au premier aspect diffèrent absolument des phénomènes de la vie animale. Par contre, les fonctions de la vie animale sont attribuées à l’âme humaine, qui sous ce rapport ressemble à l'àme des animaux et porte les mêmes noms qu’elle ; car la vie du corps était regardée chez les Juifs comme résultant de l’influence de l'âme sur la chair matérielle.
Quant à tous les phénomènes soit sensitifs, comme les sensations et les émotions, soit intellectuels, comme les actes d’entendement et de volonté, nous avons aussi remarqué qu’ils étaient considérés comme des phénomènes produits par l'âme. Ajoutons que la liberté de la volonté humaine est affirmée ou supposée dans un grand nombre de textes. Gen., iv, 4 ; Deut, xxx, 1, 2, 8, etc. ; Jos., xxiv, 14, 15, 22 ; Is., 1, 19, 20 ; Jer., xxi, 8 ; Eccli., xv, 14-16 ; Matth., xvi, 24 ; xix, 17-21 ; xxiii, 37 ; Joa., vi, 68 ; vii, 17 ; Rom., i, 21 ; ii, 14, 15 ; vii, 18 ; xii, 2 ; I Cor., vii, 37 ; I Thess., v, 21 ; Eph., v, 10, 15.
Mais les Juifs n’avaient point analysé ces divers phénomènes, comme le firent plus tard les Grecs. Il en résulte qu’ils confondaient sous un même terme des actes que nos langues distinguent et qui nous paraissent fort différents les uns des autres. Il en résulte encore que l’hébreu ne distingue point diverses facultés dans l'àme. Il présente, au contraire, tous les phénomènes psychiques non comme des actes de puissances diverses, de l’intelligence, de la mémoire, de la volonté, mais comme des produits immédiats de 'âme, que celle-ci s’appelle 'néféš ou rûaḥ, ou qu’elle prenne le nom de lêb, ce qui arrive plus communément lorsqu’elle est considérée dans ses fonctions psychiques.
Si l’on excepte saint Paul et saint Luc, en qui cette particularité est moins sensible, les auteurs inspirés qui ont écrit en grec ont fait comme ceux qui avaient écrit en hébreu. Au lieu de mettre en œuvre les abondantes ressources que leur offrait la langue de Platon, ils ont généralement moulé les formules grecques qu’ils employaient sur les formules hébraïques qui leur étaient familières.
Dans la Bible, la sensibilité n’a point de nom, le sentiment n’est point distingué des sensations. Rien d'étonnant après cela que la différence et les nuances de nos sentiments ne se traduisent guère dans la langue sacrée. « Ainsi, dit M. Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, p. 57, pour les sentiments les plus profonds qui remplissent l'âme humaine, l’amour et la haine, il y a deux mots qui les rendent ; mais les nuances sans nombre qui séparent ces deux extrêmes ne peuvent s’exprimer ni dans l’ancien hébreu, ni dans le dialecte parlé du temps des Apôtres, de telle sorte que Notre-Seigneur, pour signifier qu’on ne doit point lui préférer son père ou sa mère, est obligé de dire : « Si quelqu’un vient après moi et ne hait point son père ou sa mère, et sa femme et ses enfants, et ses frères et ses sœurs, et son âme (sa vie) même, il ne peut pas être mon disciple. »
L’intelligence, la réflexion, le raisonnement, les phénomènes de la mémoire, ceux de la conscience, sont confondus les uns avec les autres et ne sont pas attribués à des facultés diverses. « De là, remarque encore M. Vigouroux, ibid., p. 60 et suiv., les locutions : connaître ou comprendre par le cœur, en S. Matthieu, xiii, 15, et dans S. Jean, xii, 40 ; penser ou réfléchir en son cœur, en S. Marc, ii, 6 et 8 ; aveuglement du cœur, pour absence d’intelligence dans le même évangéliste, iii, 5 ; vi, 52 ; viii, 17 ; lents de cœur, pour lourds ou obtus d’intelligence, en S. Luc, xxiv, 23 ; avoir un voile placé sur le cœur, c’est-à-dire ne pas comprendre, en S. Paul, II Cor., iii, 15. » Réfléchir, c’est mettre dans son cœur, Luc, ii, 19 ; faire comprendre, c’est ouvrir le cœur, Act., xvi, 14 ; garder dans sa mémoire, c’est poser ou conserver dans le cœur, Luc, ii, 51 ; xxi, 14. Les remords de la conscience sont des coups qui frappent le cœur, I Reg., xxiv, 6 ; Il Reg., xxiv, 10. « Tu connais, dit Salomon à Séméi, lit Reg., ii, 44, tout le mal que ton cœur (ta conscience) sait que tu as fait à David mon père. »
Ce n’est que dans les derniers écrits de la Bible que l’influence de la psychologie des Grecs se fait un peu sentir. Ainsi le mot διάνοια (intelligence, pensée) traduit quelquefois le mot lêb (cœur, âme) dans les Septante. En dehors des citations prises aux Septante, il n’est employé qu’une fois par les Évangiles, Luc, i, 51 ; mais il se montre plus fréquemment dans les Épitres. Eph., i, 18 ; ii, 3 ; iv, 18 ; Col., i, 21 ; Hebr., viii, 10 ; x, 16 ; I Petr., i, 13 ; II Petr., iii, 1 ; I Joa., v, 20. Voir Vigouroux, Le Nouveau Testament et les découvertes modernes, et les auteurs qu’il cite, p. 51 et suiv.
4° Unité de l'âme humaine, d’après la Bible.
Le principe de la vie corporelle commun aux hommes et aux animaux était plus particulièrement appelé néféŝ ou ψυχή ; et le principe des actes intellectuels recevait plus spécialement le nom de rûaḥ ou de πνεῦμα. L’Écriture regardait-elle donc l’homme comme composé de trois éléments divers : le corps, le principe vital et le principe pensant ? ou bien considérait-elle le principe vital comme identique au principe pensant ? Les textes sacrés ne s’expriment pas à ce sujet avec plus de précision que sur les autres questions philosophiques que les psychologues se posent aujourd’hui. Cependant sa manière habituelle de parler suppose que le principe de la vie corporelle de l’homme est le même, dans sa substance, que le principe de nos pensées, et par conséquent qu’il n’y a en nous qu’une seule âme. Nous avons vu, en effet, que les pensées et les actes d’intelligence sont attribués au néféš, aussi bien que la vie animale.
Néanmoins il est quelques passages de nos Saints Livres où l’esprit semble présenté comme différent du principe vital. Telle est cette invocation du Cantique des trois enfants dans la fournaise, Dan., iii, 86, où les esprits et les âmes des justes (sans doute rûaḥ et néféš dans l’original aujourd’hui perdu de ce passage) sont invités à bénir le Seigneur. Comme il a été parlé des anges un peu auparavant, on ne peut, en effet, les voir dans les esprits dont il est ici question. Daniel paraît donc regarder l’esprit des justes comme distinct de leur âme. Tels sont encore divers textes, où S. Paul, I Thess., v, 23 ; I Cor., ii, 14 ; xv, 45 ; Hebr., iv, 12, affirme la distinction, l’opposition ou même la division de l’âme et de l’esprit dans l’homme.
Mais tous ces passages sont susceptibles d’une interprétation favorable à la doctrine que notre esprit et notre âme ne sont point deux substances, mais une seule. On peut, en effet, dans tous ces textes regarder le terme esprit comme exprimant les facultés qui sont les principes des opérations intellectuelles, et le terme âme comme exprimant la puissance par laquelle l’âme vivifie le corps. On peut aussi entendre par πνεῦμα la vie surnaturelle que saint Paul appelle pneumatique ou spirituelle, et par ψυχή, la vie naturelle qu’il nomme psychique ou animale, ainsi que nous l’avons remarqué, § 1. Voir Simar, Die Theologie des heiligen Paulus, § 9, n° 5, p. 45. Rien donc dans l’Écriture n’est contraire à la doctrine catholique de l’unité de l’âme humaine.
Cela n’a point empêché que les textes que nous venons de rappeler, en particulier ceux de saint Paul, n’aient été invoqués plus d’une fois en faveur de la trichotomie ou doctrine qui regarde l’homme comme composé de trois principes : le corps, le principe vital et l’esprit. Mais il n’y a point lieu de s’en étonner, car on a toujours cherché, dans l’Écriture, la justification de ses opinions ; or cette théorie, qui avait été admise par les pythagoriciens, par les platoniciens, par l’historien Josèphe et par Philon, fut professée par les gnostiques, les montanistes, les manichéens et les apollinaristes. Cependant elle ne fut pas longtemps tolérée par l’Église. Si saint Justin lui semble favorable, saint Irénée la combat dans les gnostiques, qui mettaient une différence de nature entre les hyliques, les psychiques et les pneumatiques. Tertullien la regarda comme contraire à la foi, malgré ses attaches au montanisme. Saint Athanase et saint Grégoire de Nazianze l’attaquèrent à leur tour chez les apollinaristes ; enfin saint Augustin établit la vraie doctrine contre les manichéens dans un traité spécial De duabus animabus contra Manichæos, t. xlii, col. 93.
Cette doctrine entra aussi dans les symboles de foi de l’Église catholique. Le concile d’Éphèse et le cinquième concile général tenu à Constantinople déclarèrent que le Christ avait pris une chair animée par une âme raisonnable ; le concile de Vienne définit que l’âme raisonnable anime le corps, et Pie IX rappela cette définition aux théologiens allemands qui ont cherché de notre temps à remettre la trichotomie en honneur. Voir Klee, Manuel de l’histoire des dogmes, traduct. Mabire, t. i, p. 381 ; Schwane, Dogmengeschichte, t. i, § 50, 51, 52, 53, 56, 57, p. 436 et 483 de la traduction française, et t. ii, § 52, p. 535 (édition allemande).
III. Origine de l’âme humaine, d’après la Bible.
La Genèse, ii, 7, enseigne clairement que l’âme d’Adam fut produite par Dieu lui-même ; mais les auteurs inspirés ne s’expriment pas aussi nettement sur l’origine de l’âme de chacun des descendants d’Adam. Aussi a-t-on résolu la question de l’origine individuelle des âmes par trois théories différentes qui cherchent toutes un appui dans l’Écriture Sainte. Ces théories ont reçu les noms de « préexistentianisme », de « génératianisme » ou « traducianisme » et de « créatianisme ».
Suivant le préexistentianisme, toutes les âmes existent avant leur union au corps qu’elles doivent animer. Suivant le génératianisme ou producianisme, nos âmes seraient engendrées par nos parents en même temps que nos corps. Parmi les partisans de cette seconde théorie, les uns ont admis que l’âme était produite par une génération matérielle avec le corps ; les autres ont pensé que c’était l’âme même des parents qui donnait naissance à celle de leurs enfants. Enfin suivant le créatianisme, chaque âme est créée immédiatement par Dieu au moment même où elle s’unit aux corps que nous recevons de nos parents.
Le préexistentianisme avait été enseigné par Pythagore et Platon et admis par les esséniens et Philon. Cette hypothèse fut embrassée par quelques Pères et surtout par Origène. Le savant exégète d’Alexandrie fut déterminé à l’adopter, non seulement par ses attaches au platonisme, mais aussi par des raisons théologiques. Il considérait en effet cette théorie comme une explication du péché originel et croyait en trouver la preuve dans le texte où la Genèse, iii, 21, rapporte que Dieu fit des vêtements de peau à nos premiers parents, après leur chute, et les en revêtit. Suivant lui, l’Écriture désignait par ces vêtements de peau le corps humain dans lequel nos âmes étaient emprisonnées en punition du péché d’origine. On a en outre invoqué en faveur du préexistentianisme quelques autres textes qui ne sont pas plus démonstratifs, comme Ps. civ, 9 ; cviii, 9-10 ; Sap., viii, 19, 20 ; Rom., vii, 24 ; Phil., i, 23.
Cette hypothèse fut vivement combattue et bientôt abandonnée. Parmi les écrivains chrétiens postérieurs au concile de Nicée, elle n’eut guère d’autres partisans que le philosophe Némésius et le poète Prudence. Le cinquième concile général la condamna par son premier canon contre les origénistes (553). Plusieurs des adversaires du préexistentianisme tombèrent dans le traducianisme, qui en est le contre-pied. Ce fut surtout le cas de Tertullien. Frappé du silence que la Genèse garde sur la création de l’âme d’Ève, pendant qu’elle raconte la production de l’âme d’Adam, Tertullien en concluait que l’âme d’Ève avait été produite par l’âme d’Adam, et que nos âmes sont produites par celles de nos père et mère.
Le traducianisme trouva peu d’écho en Orient. Il n’y fut guère accepté que par les apollinaristes. Aussi saint Grégoire paraît être le premier Père grec qui l’ait attaqué. Mais cette théorie eut plus de succès dans l’Église latine. Saint Jérôme, qui la traite de ridicule, dit que néanmoins elle est admise par le plus grand nombre des Occidentaux. Elle avait en effet les préférences de quelques Pères de l’Église latine, en particulier de saint Augustin. Cependant ces Pères ne la regardaient point comme certaine, et ils mitigeaient ce qu’il y a de matérialiste dans la manière de voir de Tertullien. Le traducianisme fut combattu par plusieurs autres Pères et aussi par les pélagiens. Les théologiens du moyen âge le rejetèrent unanimement, et saint Thomas le traite même d’hérétique ; mais cette note ne peut s’appliquer qu’au traducianisme le plus grossier.
Malgré les hésitations dont nous venons de parler, le créatianisme fut toujours en honneur dans l’Église. Il s’appuie sur plusieurs passages de l’Écriture, Ps. xxxi, 15 ; Eccles., xii, 7 ; Sap., viii, 19 ; Jer., xxxviii, 16 ; Zach., xii, 1 ; Joa., v, 7 ; mais il tire son principal argument de l’impossibilité de soutenir aucune autre hypothèse sans aboutir à quelque erreur. Le développement du dogme de l’Incarnation contribua à fortifier le créatianisme. On dut, en effet, enseigner que l’âme de Jésus-Christ et celle de Marie avaient été créées immédiatement de Dieu, comme celle d’Adam. Saint Augustin l’avait reconnu lui-même pour l’âme du Christ, malgré ses tendances traducianistes. Alexandre VII (1661) et Pie IX (1854) l’ont affirmé pour la Sainte Vierge dans leurs décrets sur son Immaculée Conception.
Les théologiens protestants sont encore divisés sur cette question de l’origine individuelle des âmes ; mais il est peu de théologiens catholiques qui ne combattent résolument le préexistentiànisme et le traducianisme. Le créatianisme, sans avoir été l’objet d’aucune décision formelle de l'Église, peut donc être regardé comme sa doctrine. Voir Schwane, Dogmengeschichte, t. i, § 53 et 57, p. 457 et 493 de la traduction française ; t. ii, § 52, p. 538 et seq. ; t. iii, §43, 50 et 76-85, p. 186, 234, 335, 338, 341, 347, 351, 369, 371, 376 (édit. allemande) ; Freppel, Tertullien, lec. xxxiv, t. ii, p. 377.
IV. Destinée de l'âme humaine, d’après la Bible. — Les enseignements de la Bible sur les destinées de l'âme ont un double caractère qu’on oublie trop facilement. Un premier caractère, c’est qu’ils sont plutôt positifs que philosophiques. Ils ont en effet trouvé leur épanouissement dans l’ensemble de la doctrine catholique et non dans les spéculations d’aucune philosophie. Il s’ensuit qu’ils ont un cachet très concret et que c’est à la lumière des données de la révélation chrétienne et de la théologie catholique que nous pourrons les comprendre et les apprécier. Un second caractère, c’est que les enseignements bibliques se sont développés par des révélations successives. Il en résulte qu’on n’est pas en droit de demander aux livres du Pentateuque la même précision qu’aux Épîtres de saint Paul ou qu'à la Somme de saint Thomas d’Aquin.
Aussi, pour exposer avec plus de clarté les données de la Bible sur les destinées de l'âme, il est à propos de rappeler les dogmes de la théologie catholique sur ces destinées. Nous étudierons ensuite le développement progressif des enseignements de la Bible sur cette question. Après cela nous n’aurons plus qu'à nous arrêter un instant à quelques points qui font difficulté : la croyance à la survivance de l’âme dans le Pentateuque et dans l’Ecclésiaste, la doctrine de l’Ancien Testament et celle de saint Paul sur l'état des âmes après la mort.
1° Doctrine catholique sur les destinées de l’âme. — Les points communs à la philosophie et à la théologie catholique, qui appartiennent au dogme catholique, se réduisent à ce qui suit par rapport aux destinées de l'âme : l’âme humaine est spirituelle et immortelle ; après sa mort, l’homme est éternellement récompensé ou puni par Dieu selon ses œuvres.
Les enseignements positifs que la théologie catholique ajoute à ces points se peuvent ramener à trois dogmes principaux. Le premier dogme est celui de l’élévation de notre premier père à l’état de justice originelle. Dans cet état auquel tous les descendants d’Adam étaient primitivement appelés aussi bien que lui, l’homme possédait, outre les avantages qui résultent de sa nature, la grâce sanctifiante et les dons préternaturels, c’est-à-dire la préservation de l’ignorance, de la concupiscence, des maux de cette vie et de la mort. Son âme ne devait donc point se séparer de son corps ; mais, après un certain temps passé sur la terre, l’homme devait aller au ciel en corps et en âme, pour y jouir de la vision béatifique de Dieu, récompense surnaturelle qui dépasse infiniment les récompenses dont la philosophie démontre la justice.
Le second dogme est celui du péché originel, qui a dépouillé Adam et toute sa postérité de la grâce sanctifiante et des dons préternaturels. Par suite de ce péché, la mort nous frappe en séparant notre âme de notre corps, et nous sommes privés des moyens d’arriver aux récompenses surnaturelles du ciel.
Le troisième dogme est celui de la rédemption par le Messie. Cette rédemption rend l’amitié de Dieu au genre humain déchu ; elle donne à tous les hommes, même à Adam et à ceux qui ont vécu sous l’Ancien Testament, les moyens de posséder la vie de la grâce ici-bas, et d’arriver aux récompenses surnaturelles du ciel. Seulement Dieu permet que les suites du péché originel se fassent sentir à ceux mêmes que la rédemption a sauvés.
Les mérites de Jésus-Christ se sont appliqués très imparfaitement avant sa venue, et ils n’obtiendront tous leurs effets qu'à la fin du monde. Il y a donc trois phases dans l’application de ces mérites divins. Pendant la dernière phase, qui commencera à la fin du monde et embrassera l’éternité, les élus recevront la pleine application des mérites de Jésus-Christ et ne subiront aucune suite du péché. Ils jouiront donc du bonheur du ciel dans leur corps et dans leur âme. Pour qu’il en soit ainsi, tous les corps ressusciteront à la fin du monde.
Pendant la seconde phase, qui s'étend de la venue de Jésus-Christ à la fin du monde, les justes participent à la grâce sanctifiante ici-bas et à la vision béatifique après leur mort ; mais ils restent privés des dons préternaturels dont le péché originel nous a dépouillés ; ils doivent donc mourir, et après leur mort leur âme est seule à jouir du bonheur du ciel, tandis que leur corps attend dans l’ignominie du tombeau l’heure de la résurrection générale. Dans la première phase, qui s’est étendue depuis la promesse du Rédempteur à nos premiers parents jusqu'à l’Ascension de Jésus-Christ, les hommes qui mouraient en état de grâce étaient en outre privés après leur mort du bonheur d’entrer immédiatement au ciel. Leurs âmes ont dû attendre l’heure de l’Ascension de Jésus-Christ, qui leur a ouvert les portes du ciel, et elles attendent encore l’heure de la résurrection générale qui leur rendra le corps dont la mort les a séparées.
2° Développement progressif des enseignements de la Bible sur les destinées de l'âme. — Ces vérités, que la théologie catholique enseigne aujourd’hui avec tant de précision, ont été révélées successivement dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Il en résulte que les enseignements de l'Écriture Sainte sur l'âme et ses destinées se sont développés progressivement, en gardant toujours un caractère positif et concret. Nous allons montrer comment s’est fait ce développement : 1° dans le Pentateuque ; 2° dans les livres protocanoniques poétiques de l’Ancien Testament ; 3° dans les livres protocanoniques historiques qui ont suivi le Pentateuque ; 4° dans les prophètes ; 5° dans les deutérocanoniques de l’Ancien Testament ; 6° dans le Nouveau Testament.
1° Suivant le Pentateuque, l’homme a été créé par Dieu à son image et composé d’un corps et d’une âme. Gen., i, 26, 27 ; ii, 7. Il commandait aux animaux, les connaissait et les distinguait les uns des autres. Il était placé dans un lieu de délices, le paradis ; son corps devait être immortel comme son âme. Mais il pécha, et fut en punition de sa faute chassé du paradis, condamné aux souffrances et à la mort. Gen., i, ii et iii. La mort est dès lors présentée comme un châtiment. Elle est l’objet d’une crainte religieuse. Tous les hommes, après l’avoir subie, se rendent en un lieu redoutable appelé šeʾôl. Cependant des promesses de salut et de bénédiction forment la première esquisse des prophéties messianiques, Gen., iii, 15 ; xii, 3 ; xviii, 18 ; xxii, 18 ; xxvi, 1, 4 ; xxviii, 14 ; xlix, 10 ; Deut, xviii, 15 ; Dieu se fait le vengeur du meurtre, Gen., iv, 10 ; ix, 5, parce que l’homme est fait à son image ; il enlève de la terre et soustrait ainsi à la mort Enoch, son serviteur, Gen., v, 23, fait alliance avec Noé, puis avec Abraham, Isaac et Jacob, dont les descendants deviennent son peuple, le peuple au milieu duquel il habite. La mort des justes, ses amis, est appelée une réunion dans la paix et le repos à leurs pères et à leur peuple, Gen., xv, 15 ; Deut., xxxi, 16 ; Gen., xlix, 29, 32 ; Deut., xxxii, 50, pendant que le dernier supplice subi pour les crimes qui méritent une peine capitale est appelé par la loi mosaïque une séparation du coupable d’avec son peuple. Jéhovah se nomme lui-même le Dieu qui tue et qui donne la vie. Deut., xxxii, 39 ; cf. Num., xvi, 22.
2° Les protocanoniques poétiques, les Psaumes, l’ Ecclésiaste, Job, continuent à considérer la mort et les souffrances de la vie comme un châtiment du péché. Ils s’effrayent à la pensée que tous les hommes descendent dans le šeʾôl, et en présence de cette perspective affligeante et commune à tous les fils d’Adam, ils cherchent à s’expliquer comment l’on voit ici-bas le méchant heureux à côté du juste éprouvé. Ps. x ; lxxii ; Eccl., ii, 15 ; iii, 16 ; iv, 1 ; vii, 16 ; viii, 10, 14 ; ix, 11 ; x, 5 ; Job., xxi, 7-29 et passim. Leurs réponses ne pouvaient avoir la précision de celles que nous donnons à cette question ; car il y avait loin des lueurs de vérité qu’ils entrevoyaient au grand jour qu’il nous est donné de contempler dans l'Église de Jésus-Christ. Ils ne pouvaient point non plus résoudre le problème comme nous, en disant que le juste entre au ciel aussitôt après sa mort ; car, au temps où ils étaient rédigés, le Messie qui devait ouvrir le ciel était encore éloigné et imparfaitement connu. Ce qu’ils affirment sans cesse, c’est que les événements que Dieu permet ne sauraient être contraires à sa justice et à sa bonté. Ils font observer parfois que si le juste souffre, il n’est point tout à fait sans péché, Ps. xxxvii, 5 ; xxxix, 13 ; cxlii, 1, 2 ; Job, vii, 20 ; ix, 17-21 ; x, 14 ; xiii, 26 ; xix, 6, ou que le méchant qui jouit est réservé à de grands châtiments. Ps. x ; Job, xxi, 30. Dieu, dit le Psalmiste, jugera les peuples et les impies, Ps. I, 5 ; ix, 8-9 ; xlix, 3-4 ; lxxxi, 8 ; xcv, 13 ; cix, 6 ; cxlii, 2 ; il rendra à chacun selon ses œuvres, Ps. lxi, 13 ; sa bonté est éternelle, et il délivrera l’âme des justes du šeʾôl. Ps. xv, 9, 10 ; xvi, 15 ; xl viii, 15-16 ; lxxii. Enfin les Psaumes annoncent à maintes reprises le Messie libérateur. L’Ecclésiaste rappelle à chaque instant que c’est au jugement de Dieu, sur les bonnes et les mauvaises actions des hommes qu’il faut s’en rapporter. Job déclare qu’il espérera en Dieu, alors même que celui - ci le ferait mourir ; car Dieu sera son sauveur. Job, xiii, 15-16. Il regarde le šeʾôl comme un lieu où l’on peut échapper aux coups de la justice de Dieu et attendre l’heure de sa miséricorde. Job, xiv, 13 ; cf. xvi, 18-21. « Je sais, dit-il, xix, 23-27, que mon vengeur est vivant et qu’il se tiendra le dernier sur la poussière, et que de ce squelette recouvert de sa peau, que de ma chair je verrai Dieu. Moi-même je le verrai ; mes yeux le verront, et non un autre ; mes reins se consument dans cette attente. » (Traduction sur l’hébreu.) Cependant le saint patriarche avoue qu’il ne connaît point tous les desseins de la Providence divine, ni toutes les ressources de la puissance de Jéhovah. Job, xxxviii-xlii. Les Proverbes proclament à leur tour que le juste meurt avec confiance et que son espérance ne sera point confondue. Prov., xiv, 32 ; xxiii, 18 ; xxiv, 14.
3° Les protocanoniques historiques s’expriment sur la mort dans les mêmes termes que le Pentateuque. Signalons en outre l'évocation de l’ombre de Samuel, qui vient annoncer à Saül quel sera son sort, I Reg., xxviii ; trois résurrections opérées par Élie, III Reg., xvii, 19-23, et par Elisée, IV Reg., iv, 29-36, et xiii, 21 ; enfin l’enlèvement d'Élie au ciel dans un char de feu, IV Reg., ii, événements on ne peut plus significatifs pour montrer la foi des Hébreux en la vie future.
4° Les livres des Prophètes développent toutes les données précédentes. La mort continue à être regardée comme un châtiment et un objet d’effroi. Toutes les âmes descendent dans le šeʾôl, mais elles n’y subissent pas toutes le même sort ; il y a dans cette prison des parties plus profondes où sont plongés les ennemis de Dieu. Is., xiv, 15. Le royaume du Messie est annoncé en termes magnifiques et consolants. Dieu viendra vers son peuple. Il jugera toutes les nations. Il apportera le salut pour toujours. On ne connaîtra plus ni imperfections, ni souffrances. Dieu rassemblera ses serviteurs, les enfants d’Israël, du milieu des peuples étrangers. Il rétablira Jérusalem. Il fera avec Israël une nouvelle alliance. Il mettra en lui son esprit ; il le comblera de biens pour l'éternité. Osée, vi, 3, Isaïe, xxvi, 19-21, Ezéchiel, xxxvii, 1-14, prédisent ou décrivent la résurrection des enfants de Jacob que Dieu arrachera au šeʾôl. Daniel, xii, 1-3, annonce la résurrection de la chair et la vie éternelle des saints au jour du salut. Tous les prophètes proclament comme une loi que le juste vivra et que le pécheur mourra.
5° Les deutérocanoniques de l’Ancien Testament, en particulier le livre de Tobie, le second livre des Mâchabées et la Sagesse, mettent dans une plus grande lumière encore les récompenses que Dieu réserve aux justes après la mort. Le second livre des Machabées, xii, 46, enseigne que les prières des vivants peuvent contribuer à délivrer les morts des peines de l’autre vie. La Sagesse présente la mort comme l’effet du péché, et l’immortalité comme l’effet de la vertu et de l’union à Dieu. C’est bien l’aspect sous lequel la mort et la vie nous ont apparu dans les premières pages de la Genèse. Notre livre en tire ces conséquences, que les pécheurs subiront la mort éternelle, à moins que la Sagesse ne les délivre du péché, comme elle en a délivré notre premier père, et que les justes vivront à jamais. Les souffrances de l’homme de bien ne sont donc qu’une épreuve ; sa mort est un bien. Si Dieu l’appelle à lui à la fleur de l'âge, c’est pour le soustraire au péril du péché.
Ainsi s’est élucidé peu à peu ce problème difficile de la destinée de l’homme déchu et condamné à la mort, problème auquel se mêlait intimement celui de la nature etdes destinées de l'âme. L’obstacle au salut et à la vie était le péché dont tous les hommes portaient le joug. Il fallait donc un libérateur à tous. C’est pour cela que la question des destinées de l’individu se confondait avec celle du salut du genre humain et de la venue du Messie. La mort du corps était la conséquence du péché : c’est pour cela que la résurrection du corps était envisagée comme la conséquence de la délivrance de l'âme.
Ces données avaient été élucidées sous leurs diverses, faces par Job, par l’Ecclésiaste, par les prophètes, par les deutérocanoniques ; mais la vérité complète ne s’en était pas encore clairement dégagée au moment de la naissance de Jésus-Christ. La plupart des Juifs de son temps, attribuant au royaume messianique un caractère plus charnel que moral, ne saisissaient pas la manière dont les âmes seraient délivrées du péché, et dont tous les peuples participeraient au salut. En outre, si l’on met à part ceux qui avec Philon parlaient en philosophes disciples de Platon, plutôt qu’en croyants disciples de Moïse, ces Juifs ne séparaient point la question de l’immortalité de l'âme de celle de la résurrection des corps. Les pharisiens affirmaient la résurrection et l’immortalité ; les sadducéens niaient l’une et l’autre. Les questions qu’ils posent à Jésus-Christ au sujet de la vie future montrent en outre que ces deux vérités, qu’ils trouvaient affirmées dans les Saints Livres, restaient pour eux enveloppées de mystères impénétrables.
6° La venue de Jésus-Christ et les enseignements du Nouveau Testament ont pu seuls dissiper ces ténèbres. C’est par ses humiliations et sa mort que Jésus de Nazareth est venu nous sauver. Le salut consiste donc dans la régénération des âmes et non dans un empire temporel ; il n’est pas restreint aux enfants d’Abraham selon la chair ; mais il s’applique à tous les croyants, qui deviennent le nouveau peuple de Dieu et forment l'Église, la nouvelle Jérusalem. Le premier avènement du Messie rédempteur sera suivi, à la fin des temps, d’un second avènement glorieux et triomphant. Le premier avènement mérite à tous, les hommes la vie de la grâce, il ouvre à toutes les âmes justes les portes du ciel pour l'éternité ; mais ce n’est qu’au second avènement que les corps ressusciteront, et que les élus iront en corps et en âme régner avec Dieu. Ces enseignements sont affirmés à plusieurs reprises dans l'Évangile, les Épîtres des Apôtres et l’Apocalypse. Cependant il fallut quelques siècles pour les dégager d’une façon incontestée des données de l’Ancien Testament qu’ils précisaient.
L’opinion que le Christ devait avoir sur la terre, avec les justes ressuscités, un règne temporel de mille ans, eut des partisans non seulement parmi les hérétiques, mais encore parmi les pères de l'Église. Cette erreur est connue sous le nom de millénarisme (voir ce mot). De plus on se demanda pendant assez longtemps si les âmes. des justes jouissaient de la vision béatifique avant la résurrection générale. Saint Justin, saint Irénée, Tertullien, saint Cyrille d’Alexandrie, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Augustin même pensèrent que jusque-là elles ne possédaient qu’un bonheur imparfait, dans un lieu qu’ils appellent tantôt enfer (ἅδης), tantôt paradis, tantôt sein d’Abraham. Mais cette manière de voir fut abandonnée peu à peu. La croyance que les âmes des justes entrent en possession du ciel avant la résurrection générale fut même rangée parmi les dogmes de foi par le pape Benoît XI et par le concile de Florence. Voir Klee, Manuel de l’histoire des dogmes, traduction Mabire, t. ii, p. 515, et Schwane, Dogmengeschichte, t. i, § 47, p. 402 de la traduction française ; t. ii, § 76, p. 749 de l'édition allemande.
Si sommaire que soit cet exposé des enseignements de la Bible sur l'âme et ses destinées, il suffira à montrer comment ces enseignements se lient aux autres doctrines de la Bible et comment ils se sont développés sur un même plan, depuis la Genèse jusqu'à l’Apocalypse. Voir Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung, Fribourg-en-Brisgau, 1890.
Objections. — On a reproché aux Juifs antérieurs à la captivité de Babylone de n’avoir point cru à l’immortalité de l'âme. Nous en avons la preuve, dit-on, dans des faits incontestables. Les anciens livres de la Bible ne promettent que des récompenses temporelles à la vertu ; et les auteurs qui, comme Job et l’Ecclésiaste, ont étudié le problème du mal qui frappe le juste ici-bas, n’ont pas songé à cette solution si simple, que c’est en l’autre vie que Dieu rend à chacun selon ses œuvres.
Ces théories, reproduites par tous les rationalistes de notre temps, ont été défendues, à deux reprises, par M. Derenbourg et M. Renan devant l’académie des inscriptions et belles-lettres. Voir les Comptes rendus de cette académie, 1873, p. 78-86, et 1882, p. 213-219. Sont-elles exactes ? — Il est vrai que ce sont surtout des récompenses et des peines temporelles qui sont proposées aux Hébreux dans leurs anciens livres. Il est vrai aussi que ces livres parlent de la vie future en termes qui nous semblent obscurs. On l’a expliqué par diverses raisons. On a dit qu’il était inutile d’enseigner aux descendants de Jacob l’immortalité de l'âme, parce qu’aucun d’eux n’en doutait. Nous verrons qu’en effet il leur était impossible d’ignorer cette vérité. On a dit aussi que Moïse avait gardé le silence sur ce dogme, de peur de porter son peuple au culte des morts et aux pratiques idolâtriques qui s’y rattachaient dans l’antiquité. Mais ce silence s’explique suffisamment par l’obscurité dans laquelle restaient encore les vérités en question, obscurité qui devait s'évanouir peu à peu à la lumière des révélations bibliques.
Cependant on ne peut conclure de la manière dont les premiers livres de l’Ancien Testament s’expriment, que les Hébreux, avant la captivité de Babylone, ignoraient le dogme de l’immortalité de l'âme et celui d’une sanction par laquelle la justice de Dieu récompense et punit toutes les bonnes et toutes les mauvaises actions. Ils avaient sur ces dogmes des notions exactes, et la doctrine exprimée dans leurs livres sacrés l’emportait de beaucoup en vérité et en certitude sur celle des plus grands philosophes de la Grèce antique. Montrons-le.
En se reportant à l’esquisse que nous avons tracée des enseignements de la Bible, il sera facile de remarquer deux catégories de données, qui entrent dans ces enseignements. Les unes regardent le fait de la sanction que Dieu applique infailliblement. Elles se retrouvent affirmées partout, et toujours avec une pleine assurance et avec toute la netteté possible. Ces données sont la survivance de l’homme après la mort ( voir plus loin le 3°), sa responsabilité pour ses bonnes et ses mauvaises actions, et la justice de Dieu, qui rend à chacun ce qui lui est dû. — Les autres données regardent le comment de la sanction. Elles se développent peu à peu, elles ne sont pas toujours affirmées avec la même clarté et la même assurance ; elles se mélangent même les unes aux autres de telle sorte, qu’il est souvent difficile de les séparer et de les distinguer. Une partie de ces données, comme l’entrée au ciel, le salut par le Messie, la résurrection des corps, appartenait du reste pour les Juifs au monde à venir : elles ne pouvaient donc se dessiner sous leurs yeux que comme une lointaine espérance.
Cela posé, il est évident que les Juifs possédaient sur notre destinée les connaissances qu’il faut avoir, et qu’ils ne méritent point d'être accusés de matérialisme, puisqu’ils admettaient une vie future personnelle et l’existence d’une sanction absolument équitable.
Platon est de tous les philosophes anciens celui qui a le mieux parlé de l’autre vie, et nos adversaires prétendent que sa doctrine est venue corriger celle de la Bible. Or Platon reconnaît que le monde d’outre-tombe est plein de mystères. Si on relit le Phédon, où il démontre l’immortalité de l'âme, on verra qu’il n’y prouve que deux choses, savoir : que l'âme survit au corps et que la vertu doit être récompensée, c’est-à-dire les mêmes choses que les Hébreux ont admises avant lui. On pourra même remarquer qu’il présente ces deux grandes vérités comme un objet d’espérance plutôt que comme des points au-dessus de toute contestation. De plus, Platon regardait les mauvaises actions comme l’effet de l’ignorance ; ce qui ne permet point de comprendre qu’elles doivent être châtiées, et que la vertu a droit à une récompense. La philosophie de Platon, par rapport à la rémunération du bien, offre donc plus de lacunes que la croyance des Juifs.
Quant au comment de la sanction, quel est le philosophe qui peut se flatter de le connaître ? Au lieu d’accuser les auteurs inspirés de l’avoir exposé incomplètement, on devrait admirer dans leurs écrits les premiers linéaments de cette doctrine qui s’est épanouie au soleil de l'Évangile, et qui donne une solution à tant de problèmes que la raison ose à peine agiter.
Pour saisir l’injustice de tous les reproches qu’on a adressés à l’eschatologie de la Bible, il suffit de l’apprécier au point de vue juif et chrétien, c’est-à-dire comme une révélation qui se développe concrètement et progressivement. Il est impossible de juger sainement cette eschatologie d’après la philosophie de Platon, dont elle diffère profondément, et qui lui est inférieure à tant d'égards.
3° La survivance de l'âme dans le Pentateuque et dans l’Ecclésiaste. — Tout le monde reconnaît que les derniers livres de l’Ancien Testament et ceux du Nouveau admettent la survivance de l'âme après la mort. Mais on a prétendu que cette croyance était inconnue à l’auteur du Pentateuque, et qu’elle avait été niée par l’auteur de l’Ecclésiaste. Nous allons prouver que ces deux accusations sont injustes.
a) En ce qui regarde le Pentateuque, il importe, pour bien résoudre le problème, de distinguer entre la question de l'état des âmes en l’autre vie et de leur rémunération, et celle de leur survivance. Nous ne nous occupons en ce moment que de cette survivance, et nous voulons montrer que l’auteur du Pentateuque la connaissait et l’admettait aussi bien que les Juifs de son temps.
Cette croyance se retrouve, en effet, quoique sous des formes diverses, dans toutes les races. Voir de Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, 2e édit., p. 51 ; or il serait bien étrange que les Juifs fissent exception à cette règle. Cela est d’autant plus inadmissible que les Chaldéens et les Égyptiens, du milieu desquels sortait le peuple juif et avec lesquels il fut sans cesse en rapport, croyaient à la survivance de l'âme et manifestaient cette croyance sous des formes concrètes accessibles à l’esprit le plus borné, et que personne ne pouvait ignorer, comme contes mythologiques, peintures, monuments et rites funéraires. C’est un fait aujourd’hui absolument incontestable et dont nous nous contenterons d’indiquer quelques preuves. Entre autres garants de la croyance des Chaldéens, nous possédons un texte d’une importance exceptionnelle. C’est le récit de la descente de la déesse Istar dans l’Aral ou séjour des morts. On a aussi retrouvé en Chaldée de vastes cimetières où les cadavres étaient apportés de fort loin, et étaient l’objet de soins et de rites qui se rapportaient à l’existence du mort outre-tombe.
Les documents relatifs à la foi des Égyptiens sont extrêmement nombreux. Le principal est le Livre des morts. C’était un recueil de prières qu’on déposait dans les tombeaux, et qui devait servir au défunt pour sauvegarder son âme contre les épreuves d’outre-tombe. Ce livre nous apprend les fables qui se débitaient, sur les bords du Nil, au sujet des morts. Ils étaient conduits par Horus au tribunal d’Osiris. Là ils devaient se justifier devant quarante-deux juges sur quarante-deux espèces de péché. Leurs actions étaient pesées dans la balance de la vérité, sous la présidence d’Anubis, et enregistrées par Thoth (flg.115). Ces scènes n’étaient pas seulement l’objet de récits qui frappaient l’imagination du peuple, elles étaient représentées sur des monuments et sur des papyrus, qui remplissaient l’Égypte, et qui ont enrichi tous les grands musées de l’Europe. On sait, en outre, que le soin de préparer leur vie d’outre-tombe était la principale préoccupation des Égyptiens, et que les pharaons passaient tout leur règne à se construire un tombeau. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes. 5e édit., t. iii, p. 114-150.
Moïse et les Juifs pour lesquels Moïse écrivait ne pouvaient ignorer les croyances des Chaldéens, du pays duquel venait Abraham, ni celles des Égyptiens, du milieu desquels ils sortaient. Ils les connaissaient donc. Nous voyons, d’autre part, que Moïse proscrit toutes les croyances et les pratiques égyptiennes qui lui paraissent fausses et coupables. Il condamne le polythéisme, l’idolâtrie et la nécromancie. Deut., xviii, 11-12. Il défend même certaines pratiques de deuil dans les cérémonies funèbres. Lev., xxx, 27-28 ; Deut., xiv, 1 ; xxvi, 14. Pourquoi n’a-t-il point condamné de même la croyance à l’autre vie ? Pourquoi a-t-il même reconnu la légitimité du fond des rites funéraires des Chaldéens et des Égyptiens, en rappelant qu’Abraham avait acheté une sépulture commune pour toute sa famille, et que Jacob avait été embaumé et enseveli à la manière des Égyptiens ? Gen., L. Pourquoi, sinon parce qu’il approuvait cette croyance ?
Mais son livre nous fournit d’autres indices que cette croyance était depuis longtemps connue et acceptée des Israélites. Mourir, pour eux, c’était se réunir à son peuple et retourner à ses pères. Ces deux locutions équivalentes, qui se retrouvent dans toute la Bible, sont déjà usitées dans le Pentateuque. Gen., xv, 15 ; xxv, 8, 17 ; xxxv, 29 ; xlix, 29, 32 ; Num., xx, 24, 26 ; xxvii, 13 ; xxxi, 2 ; Deut., xxxi, 16 ; xxxii, 50. Elles expriment certainement, ou bien la réunion des corps dans un sépulcre commun, ou bien la réunion des âmes dans un même séjour après la mort. Or, en plusieurs endroits, ces locutions sont appliquées à des personnages qui n’ont pas été ensevelis dans le sépulcre de leurs ancêtres, comme Abraham, Ismaël, Aaron et Moïse. Cf. Gen., xlix. Elles n’exprimaient donc pas la réunion des corps dans un même sépulcre, mais la réunion des âmes dans un même séjour. Ces locutions témoignent par conséquent que ceux qui s’en servaient croyaient à la survivance de l’âme.
Le lieu où les âmes se rendaient en quittant le corps avait, du reste, un nom. On l’appelait šeʾôl. Il en est question très souvent dans la Bible, et le Pentateuque le mentionne plusieurs fois. Gen., xxxvii, 35 ; xui, 38 ; xliv, 29, 31 ; Num., xvi, 30, 33 ; Deut., xxxii, 22. Quelques rationalistes ont prétendu, il est vrai, que ce šeʾôl est le tombeau où descendent les corps. Mais il est incontestable que non seulement la Vulgate, qui le traduit par le terme inferi, et les Septante, qui le rendent par le mot ἅδης, mais encore Job et Isaïe, y ont vu le séjour des âmes séparées du corps par la mort. Aussi la plupart des auteurs reconnaissent-ils qu’il avait cette signification dès le temps de la rédaction du Pentateuque. Il y a lieu, en effet, de penser que ce mot n’aurait pas pris le sens de séjour des âmes, s’il avait eu antérieurement le sens de séjour des corps. Du reste, il est des textes du Pentateuque où il ne peut signifier tombeau, et où par conséquent il désigne nécessairement le lieu où les âmes des morts se rendaient. Lorsque les enfants de Jacob eurent vendu Joseph, ils rapportèrent à leur père qu’une bête féroce l’avait dévoré. Alors le vieillard s’écria : « Je descendrai plein de désolation près de mon fils dans le šeʾôl. » Gen., xxxvii, 35. Puisque le patriarche croyait son fils sans sépulture, il est clair que ce n’est point le tombeau qu’il appelait šeʾôl, et par conséquent qu’il désignait par ce terme le séjour des âmes des morts. Ce qui suppose que Jacob, Moïse et ses contemporains croyaient à la survivance de ces âmes.
Une autre preuve de cette croyance, c’est la tentation que les Hébreux ont toujours eue de consulter les morts. Moïse dut, en effet, défendre la nécromancie, Deut., xviii, 11, et xxvi, 14, que nous voyons néanmoins pratiquée au temps de Saül, I Reg., xxviii, 8-20, et d’Isaïe, viii, 19.
6) On a prétendu trouver la négation de la spiritualité et de l’immortalité de l’âme dans l’Ecclésiaste, et surtout iii, 18-21, que Carrières traduit ainsi : « 18. J’ai dit en mon cœur, touchant les enfants des hommes, que Dieu les éprouve, et qu’il fait voir qu’ils sont semblables aux bêtes. 19. C’est pourquoi les hommes meurent comme les bêtes et leur sort est égal : comme l’homme meurt, les bêtes meurent aussi ; les unes et les autres respirent de même, et l’homme n’a rien de plus que la bête. Tout est soumis à la vanité. 20. Et tout tend en un même lieu ; ils ont tous été tirés de la terre ; ils retournent aussi tous dans la terre. 21. Qui connaît si l’âme des enfants des hommes monte en haut, et si l’âme des bêtes descend en bas ? » On a distingué dans ce passage deux pensées ; mais ni l’une ni l’autre n’est contraire à la spiritualité de l’âme. La première pensée serait exprimée par les versets 18, 19 et 20. L’Ecclésiaste y compare l’homme et la bête dans ce qu’ils ont de semblable, c’est-à-dire dans leur vie animale et surtout dans leur mort. Tout ce qu’il expose est vrai ; mais il ne s’ensuit point que l’Ecclésiaste refuse aux hommes une vie supérieure. Il le prouve bien lorsqu’il dit au v. 18 que cette ressemblance, qui met l’homme au niveau de la bête, est une épreuve que Dieu lui impose. L’homme avait été, en effet, créé immortel, et les dons préternaturels assuraient à son âme l’indépendance de la vie animale. S’il meurt, c’est un châtiment et une épreuve. L’Ecclésiaste exprime ici une vérité qui se retrouve souvent dans la Bible. Cf. Ps. xlviii, 13.
La pensée à laquelle l’Ecclésiaste s’arrête au verset 21 regarde l’âme spirituelle, rûaḥ. Quelques auteurs, comme saint Grégoire, Nicolas de Lyre, saint Bonaventure, ont regardé ce verset et les précédents comme exprimant un doute sur son immortalité ; ils y ont vu une formule matérialiste ; seulement, suivant eux, l’Ecclésiaste manifesterait ici, non point son propre sentiment, qui est certainement spiritualiste, comme nous l’allons montrer, mais la manière de voir des impies.
Cependant cette explication est écartée par la plupart
des interprètes. C’est, disent-ils, sa propre pensée que
nous donne l’auteur sacré ; mais cette pensée n’a rien de
matérialiste. D’après saint Jérôme, In Ecclesiasten, t. xxiii, col. 1042, cette formule interrogative : Qui sait ? n’exprime pas un doute sur la vie future, mais la grande difficulté d’en connaître la nature. Cf. Is., xxxv, 8 ; Ps. xiv, 1 ; Jer.,
xvii, 9. Elle revient à dire : Il y a bien peu d’hommes qui sachent ce que devient l’âme. Et en effet, remarque saint Jérôme, loc. cit., col. 1041 et 1042, avant la venue du Messie « le ciel restait fermé, et les avantages étaient à peu près les mêmes pour l’âme de la bête et pour celle de l’homme. Bien que l’une tombât en dissolution et que l’autre semblât réservée pour une vie meilleure, cependant il y avait peu de différence entre périr avec le corps
115.- Le jugement des morts.
Thèbes. Deir el-Medinet. Du temps de Ptolémée IV Philopator. Temple cc. Cella. Lepsius, Denkmäler, iv, 16. ou être emprisonné dans les ténèbres de l’enfer, » Clausa erant cælestia, et spiritus pecoris et hominis æqualis vilitas coarctabat. Et licet aliud videretur dissolvi, aliud reservari, tamen non multum intererat perire cum corpore, vel inferni tenebris detineri. L’opinion de saint Jérôme a été suivie par Alcuin, saint Salone, Hugues de Saint Cher, et par presque tous les exégètes. Voir Cornélius a Lapide, In Ecclesiasten, édit. Vives, Paris, 1868, t. vii, p. 155.
L’abbé Motais, l’Ecclésiaste, Paris, 1883, introduction, p. 77-78, comprend autrement ce verset 21. Abandonnant la traduction de la Vulgate, il adopte le sens de l’hébreu, qui d’après la ponctuation massorétique s’exprime ainsi : «Qui voit l’esprit de l’homme, lequel monte vers le ciel, et l’esprit de la bête, qui descend vers la terre ? » L’hébreu ne donnerait, par conséquent, matière à aucune objection. « Le texte, dit M. Motais, au lieu de la forme dubitative, a ici un caractère particulier d’affirmation, et ne permet pas qu’on traduise : s’il monte, s’il descend, par la raison qu’il porte : lequel monte, lequel descend. La ponctuation massorétique, en effet, ne permet point d’y lire le si dubitatif ; elle oblige à y voir l’article, et par conséquent à traduire lequel monte, lequel descend (littéralement parlant : le montant, le descendant). Mercer, Rosenmüller, Hengstenberg et bien d’autres ne manquent pas de faire cette constatation. Ewald lui-même n’hésite pas à confesser l’incompatibilité de la ponctuation actuelle avec la traduction de la Vulgate. » M. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, no 854, a adopté l’opinion de M. Motais.
Quoi qu’il en soit du sens de ces versets, il n’est pas douteux que l’Ecclésiaste n’était ni sceptique ni matérialiste. Sans doute il montre de mille manières la faiblesse et la vanité des choses humaines ; mais il n’en affirme pas moins, à plusieurs reprises, v, 7 ; viii, 4-6, 11 ; xi, 9 ; xii, 14, que Dieu jugera les hommes, et que son jugement fera disparaître les injustices et les désordres qui choquent nos regards. Dans les versets mêmes qui précèdent ceux qu’on nous objecte, iii, 16-17, il s’exprime en ces termes : « J’ai vu sous le soleil l’impiété dans le lieu du jugement et l’iniquité dans le lieu de la justice. Et j’ai dit en mon cœur : Dieu jugera le juste et l’impie, et alors sera le temps de toutes choses. » Or le jugement équitable, qui est invoqué ici, n’a pas son accomplissement en cette vie, où souvent le vice est heureux et la vertu dans les larmes. Il faut donc qu’il s’exécute en une autre vie, et par conséquent que nous vivions après la mort de nos corps. C’est du reste ce que l’Ecclésiaste proclame en son dernier chapitre, où il rappelle que l’âme doit se présenter au tribunal de Dieu, xii, 1, 7, 13, 14 : « Souviens-toi de ton Créateur… avant que la poussière retourne dans la terre d’où elle est tirée, et que l’esprit retourne à Dieu qui l’a donné… Crains Dieu et observe ses préceptes, car c’est là tout l’homme. Et tout ce qui se fait, soit bien, soit mal, Dieu l’appellera en jugement pour toute erreur commise, soit bien, soit mal. » (Traduction de l’abbé Motais.)
4o Doctrine de l’Ancien Testament sur l’état des âmes après la mort. — Du moment qu’on croyait à la survivance des âmes, on devait naturellement se demander en quoi consistait leur sort après la mort. Ce problème était fort complexe. La solution n’en fut complètement donnée que dans le Nouveau Testament, et elle ne s’élucida que peu à peu par des révélations successives. C’est ce que nous avons montré plus haut. Aussi les plus anciens livres de la Bible nous représentent-ils constamment toutes ces âmes allant dans le še’ôl. C’est seulement dans les écrits postérieurs de l’Ancien Testament qu’on nous apprend qu’elles montent au ciel, qu’elles vont à Dieu et le verront ; et encore ces passages semblent-ils regarder la résurrection des corps comme la condition de la prise de possession du ciel. Job., xix, 23-27 ; Tob., ii, 17, 18 ; xiu, 1, 2 ; Dan., xii, 2, 13 ; II Mach., vii, 9, 11, 14. Ces deux conceptions s’appliquaient, nous l’avons vii, à des périodes différentes de l’histoire de l’humanité. Avant l’Ascension de Jésus-Christ, les âmes se rendaient dans le še’ôl. Après son second avènement, elles doivent se réunir à leur corps, pour jouir avec lui du bonheur du ciel.
Laissons donc en ce moment la seconde conception, qui a eu son application et s’est précisée dans le Nouveau Testament, et disons un mot du sort que la Bible attribue aux habitants du še’ôl. Laissons aussi les textes, qui, à mesure que les temps du Messie approchent davantage, marquent mieux les différences du sort fait dans le séjour aux justes et aux impies. Ces textes seront en effet étudiés aux articles ciel, purgatoire, enfer.
D’après les autres textes, les refà’îm ou habitants du še’ôl étaient des êtres sans force, Ps. lxxxvii ; Prov., ii, 18 ; IX, 18 ; xxi, 16 ; Job, xxvi, 5 ; Is., xiv, 10, dépouillés des avantages qui font l’inégalité des conditions et distinguent les hommes les uns des autres ici-bas. Job, iii, 13, 17, 18 ; ls., v, 14 ; xiv, 11 ; xxii, 13. Plongés dans le repos du sommeil, Is., xiv, 8 ; Ezech., xxxi, 18 ; xxxii, 21 ; Jer., li, 39, 57 ; Nahum., iii, 18 ; Eccli., xiv, 17 ; ils avaient cessé de louer et d’honorer Dieu comme les justes le louent et l’honorent sur la terre. Ps. vi, 6 ; xxix, 10 ; lxxxvii, 11 ; cxin, 17 ; Is., xxxviii, 17-19 ; Jer., xiii, 16 ; Bar., ii, 17 ; Eccli., xvii, 25-27. Néanmoins ils avaient conscience de leur état, se connaissaient mutuellement et se communiquaient leurs sentiments et leurs pensées. Is., xiv, 9-15. Mais ils ignoraient ce qui se passait parmi les vivants, Job, xiv, 21 ; Eccles., ix, 5, 6, 10 ; Is., lxiii, 16, sauf ce que Dieu leur manifestait soit au sujet du présent, Is., xiv, soit même par rapport à l’avenir. I Reg., xxviii.
Cette rapide esquisse montre que les croyances des Hébreux sur l’état des âmes après la mort ressemblaient beaucoup à celles des autres peuples de l’antiquité, et qu’elles portaient, par conséquent, toutes sur un fonds commun, qui paraît remonter aux origines de l’humanité. Seulement ce fonds commun fut gardé par les Juifs sans aucun mélange mythologique, tandis que chez presque tous les autres peuples il servit de trames à des légendes et à des fables.
5o Doctrine de saint Paul sur l’état des âmes après la mort. — Les théologiens se sont demandé de quelle manière les âmes séparées de leur corps peuvent connaître et vivre. Voir S. Thomas, Sum. theol., 1, q. lxxxix. Mais les auteurs du Nouveau Testament, qui nous donnent des renseignements concrets et positifs, n’ont pas examiné cette question. Ils nous parlent du ciel, de l’enfer, du purgatoire, et l’on trouvera leur doctrine aux articles consacrés à ces mots.
Cependant on a prêté à saint Paul une assertion que nous devons examiner ici. Comme cet Apôtre appelle la mort un sommeil, I Cor., vii, 39 ; xv, 6, 20 ; I Thess., iv, 13-15, on lui a attribué l’opinion que les âmes des justes entreraient seulement en possession du ciel après la résurrection, et qu’en attendant elles resteraient dans une sorte de léthargie inconsciente. Cette opinion a même été défendue par les nestoriens, par les anabaptistes et par certains protestants que Calvin crut devoir réfuter. Mais elle est absolument contraire à la doctrine de saint Paul sur le jugement particulier, Hebr., ix, 27, et sur la récompense immédiate de ceux qui meurent en état de grâce. Phil., i, 23 ; II Cor., v, 8 ; I Thess., v, 10 ; II Tim., iv, 6-8. Lorsque saint Paul appelle la mort un sommeil, il faut donc voir dans ces expressions une simple métaphore. Voir Atzberger, Die christliche Eschatologie, n" 178, p. 212, et Simar, Die Theologie des heilgen Paulus, 2e édit., Fribourg, 1883, § 43, p. 251.
Il ne faut pas, du reste, confondre cette opinion du sommeil des âmes avec les théories dont nous avons déjà dit un mot, et qui n’accordaient aux âmes qu’un bonheur incomplet avant la résurrection.
Bibliographie. — Calmet, Dissertation sur la nature de l’âme et sur son état après la mort, d’après les Hébreux, dans ses Nouvelles dissertations, Paris, 1720, p. 55-78 ; traduit en latin dans le Cursus completus Scripturæ sacræ, de Migne, t. vii, col. 721-748 ; Henri Martin, La vie future suivant la foi et suivant la raison, 3e édit., Paris, 1870, p. 57-188 et 546-550 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 93-176 ; Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung im Alten und Newen Testament, Fribourg-en-Brisgau, 1890, qui donne du sujet une bibliographie étendue, dans laquelle nous relevons : Baehrens, Freimüthige Untersuchungen ueber den Orcus der Hebraeer, 1786 ; Ziegler, Entwicklung der Vorstellung von Todtenreich bel den Hebräern, dans sa traduction allemande des Proverbes de Salomon, 1791 ; Conz, War die Unsterblichkeitslehre den alten Hebräern bekannt und wie ? dans les Memorabilien von Paulus, 1792 ; Thym, Versuch einer historisch-kritischen Barstellung der jüdischen Lehre von einer Fortdauer nach dem Tode, 1795, qui énumère vingt-six auteurs qui ont étudié le sujet avant lui ; Wiessner, Lehre und Glaube der vorkristlichen Welt an Seelenforldauer und Unsterblichkeit mit besonderer Rücksicht auf das Alte Testament ; Becherer, Ueber den Glauben der Juden an Unsterblichkeit der menschlichen Seele vor der babylonischen Gefangenschaft, 1827 ; Patrizi, De interpretatione Scripturæ sauras, 1844, t. ii, p. 257 ; Hahn, De spe immortalitatis sub Veteri Testatnento gradatim exculta, 1845 ; Œhler, Veteris Testamenti sententia de rebus post mortem futuris illustrata, 1846 ; Boettcher, De inferis rebusque post mortem futuris, 1846, avec une riche bibliographie de la matière ; Sehumann, Die Unsterblichkeitslehre des Alten und Neven Testaments, 1847 ; Fuellner, Notionem immortalitatis apud Hebræos exposuit, 1851 ; Lutterbeck, Die neuteslamentliche Lehrbegriff, 1852 ; Engelbert, Das negative Verdienst des Alten Testaments und die Unterblichkeitslehre, 1857 ; Himpel, Die Unterblichkeitslehre des Allen Testaments, 1877 ; Schultz, Veteris Testamenti de hominis immortalitate sententia, 1860 ; Derf, Die Vorausetzungen der christlichen Lehre von der Unsterblichkeit, 1861 ; Schneider, Die Unstefblichkeitsidee im Glauben und in der Philosophie der Völker ; Keel, Diejenseitige Welt, 1868 ; Kuhle, Biblische Eschatologie, 1870 ; Wahl, Unsterblichkeits- und Vergellungslehre des alttestamentlichen Hebraismus, 1871 ; Jungmann, De Novissimis, 1871 ; Spiess, Entwicklungsgeschichte der Vorstellungen vom Zustande nach dem Tode, 1877, avec des renseignements bibliographiques très détaillés ; Schenz, Die altestamentliche Offenbarungslehre über die Scheol, 1876 ; Schaefer, Die Unsterblichkeitslehre des Alton Testaments, dans le Katholik de Mayence, 1877, 2e cahier ; Oswald, Eschatologie, 4e édit., 1879 ; Flunk, Die Eschatologie Alt-Israels, dans la Zeitschrift für katholische Theologie, d’Inspruck, 1887, 3e cahier ; Fr. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, 2e édit., in-8°, Leipzig, 1861.
AMÉLECH (hébreu : Hammélek, nom avec l’article, « le roi ; » Septante : τοῦ βασιλέως. D’après les Septante et plusieurs commentateurs, Hammélech n’est pas un nom propre, mais un nom commun, le roi. La Vulgate a pris Hammélech pour un nom propre dans les trois noms suivants, qu’elle a écrits Amélech.
1. AMÉLECH, père de Joas, à qui le roi Achab donna l’ordre de garder en prison le prophète Michée jusqu’à son retour de la guerre contre les Syriens. III Reg., xxii, 26 ; II Par., xviii, 25. Les Septante et beaucoup de modernes traduisent « Joas, fils du roi », au lieu de « Joas, fils d’Amélech ».
2. AMÉLECH, père de Jérémiel, à qui le roi de Juda, Joachim, commanda de saisir le prophète Jérémie et Baruch, son secrétaire. Jer., xxxvi, 26. D’après plusieurs commentateurs, Amélech est « le roi » Joachim.
3. AMÉLECH, père de Melchias, possesseur d’une citerne où l’on jeta le prophète Jérémie pour l’y laisser mourir de faim et d’où il fut sauvé par Abdémélech. Jer., xxxviii, 6. Certains exégètes pensent qu’Amélech est « le roi » Sédécias.
AMELOTE Denis, commentateur français, né à Saintes en 1609, docteur de Sorbonne, ordonné prêtre en 1631, se mit sous la direction du P. de Condren, qui l’employa à l’œuvre des missions. Quelques années après la mort de ce saint homme, dont il écrivit la vie, il entra à l’Oratoire, en 1650, où il occupa les charges d’assistant du général et de supérieur de la maison mère. Il mourut le 7 octobre 1678.
L’assemblée générale du clergé de 1655-1656 ayant chargé Marca, alors archevêque de Toulouse, et l’évêque de Montauban de faire traduire le Nouveau Testament, par la personne qu’ils jugeraient la plus capable, le P. Amelote fut choisi, et sa traduction parut de 1666 à 1670 en 4 in-8°, sous ce titre : Le Nouveau Testament de Nostre-Seigneur Jésus-Christ. Traduit sur l’ancienne édition latine corrigée par le commandement du pape Sixte V. Et publiée par l’autorité du pape Clément VIII. Avec des notes sur les principales difficultez, la chronologie, la controverse, et plusieurs tables pour la commodité du lecteur. Cette traduction fut réimprimée une trentaine de fois, avec ou sans les notes, dans le cours du XVIIe et du xviiie siècle. L’édition de Vendôme, 1671, et celles de 1733 ont été falsifiées en plusieurs endroits. Par ordre de Louis XIV, les deux éditions de 1686 furent tirées à cent mille exemplaires pour être distribuées aux protestants convertis. « On doit rendre justice au P. Amelote, dit Richard Simon, Histoire critique des versions du Nouveau Testament, Rotterdam, 1690, p. 361, qu’il est le premier des écrivains catholiques qui se soit appliqué avec soin à traduire le Nouveau Testament en français. » Et dans son 'Histoire critique des principaux commentaires du Nouveau Testament, Rotterdam, 1693, p. 883, le même Richard Simon, ordinairement sévère et plein de préjugés, ajoute : « Nous n’avons rien de plus critique sur le Nouveau Testament, traduit en notre langue, que les notes du P. Amelote… On a eu raison de préférer sa version, pour la mettre entre les mains du peuple, à toutes les autres versions, parce qu’il justifie doctement, en une infinité d’endroits de ses remarques, l’ancien interprète de l’Église. » Au jugement du Journal des savants, le P. Amelote a su conserver dans sa traduction les grâces de notre langue, sans rien perdre de la force et de l’énergie des paroles du texte sacré.
Les autres ouvrages exégétiques du P. Amelote sont extraits de son édition du Nouveau Testament. En voici les titres : Les paroles de N.-S. Jésus-Christ tirées du Nouveau Testament, Paris, 1069 ; La vie de Jésus-Christ composée de toutes les paroles des évangélistes, ou l’unité des quatre…, Paris, 1669 ; Vita Jesu Christi ex omnibus evangelistarum verbis contexta, Paris, 1670 ; Les épistres et évangiles, avec les oraisons propres qui se lisent à la messe, Paris, 1668. Cf. Lelong, Bibliotheca sacra, t. i, p. 337 ; R. Simon, Histoire critique du Nouveau Testament, ch. xxxiii et xxxiv, et Histoire critique des principaux comment., ch. lviii ; lngold, Bibliographie oratorienne, p. 7.
AMEN, mot hébreu, אָמֵן,’ämên. Il a été conservé plusieurs fois tel quel dans les traductions grecque et latine de l’Ancien Testament, et a été aussi employé par les écrivains du Nouveau Testament.
I. Dans l’Ancien Testament.
1° Amen est primitivement un adjectif qui signifie « ferme, véritable, digne de confiance ». De là vient le sens de « vérité, fidélité aux promesses », qu’il a dans un passage d’Isaïe, lxv, 16, où le prophète appelle deux fois Dieu :’Ĕlôhê’âmên, « le Dieu en qui l’on doit avoir confiance, parce qu’il tient ce qu’il promet. » Vulgate : Deo amen.
2° En dehors de ce passage, le mot amen est toujours employé dans le texte hébreu comme adverbe, rarement au commencement d’une phrase, III Reg., i, 36 ; Jer., xxviii, 6 ; ordinairement à la fin, dans le sens de « que cela soit ferme, qu’il en soit ainsi », γένοιτο, comme traduisent les Septante, III Reg., i, 36 ; Jer., xxviii, 6. Il est placé dans la bouche d’une personne, III Reg., i, 36 ; Jer., xi, 5 ; Num., v, 22, etc., ou du peuple tout entier, qui donne par là son adhésion à ce qui vient d’être dit, en marquant aussi par ce terme le souhait que ce qui a été dit s’accomplisse. Deut, xxvii, 15-26 ; I Par., xvi, 36 ; II Esdr., v, 13 ; viii, 6. Dans plusieurs passages, amen exprime l’acquiescement de celui qui le prononce à un serment ou à une malédiction. Num., v, 22 ; Deut., xxvii, 15-26. Dans d’autres, c’est l’expression du vœu que ce qui vient d’être demandé dans une prière soit accordé par Dieu, comme dans la doxologie finale des quatre premiers livres des Psaumes : Ps. xl, 14 ; lxxi, 19 ; lxxxviii, 53 ; cv, 48. (La Vulgate, qui a conservé ailleurs le mot amen, a dans les Psaumes, à la place de cet adverbe, le mot fiat, parce qu’elle ne traduit pas directement l’hébreu, mais le grec des Septante, qui porte : γένοιτο.) Tous ces versets des Psaumes (les trois premiers seulement dans l’hébreu, Ps. xli, 14 ; lxxii, 19 ; lxxxix, 53) ont un amen ou fiat répété, pour donner plus de force à cette locution. Ce redoublement se voit déjà dans les Nombres, v, 22. Quand Esdras bénit solennellement le peuple, celui-ci répond aussi deux fois : amen, amen. II Esdr., viii, 6.
II. Dans le Nouveau Testament.
1° Notre-Seigneur, dans ceux de ses discours que nous ont conservés les Évangiles, se sert fréquemment du mot amen, au commencement de ses phrases, dans un sens qui lui est propre et qu’on ne retrouve pas ailleurs dans la littérature hébraïque. Il dit vingt-huit fois dans saint Matthieu, treize dans saint Marc, sept dans saint Luc : Ἀμὴν λέγω σοι (ὑμῖν) « En vérité je vous le dis, » et vingt-six fois dans saint Jean, en redoublant le mot : Ἀμὴν ἀμήν. Cette répétition a la valeur d’un superlatif : « Je vous dis très certainement, en toute vérité. »
2° En dehors de cette acception du mot amen, qui est spéciale à Notre-Seigneur, nous trouvons cette particule employée dans le Nouveau Testament comme dans l’Ancien, avec la signification : « qu’il en soit ainsi. » Rom., i, 25 ; ix, 5 ; xi, 36, etc. ; Gal., i, 5 ; Eph., iii, 21 ; Phil., iv, 20 ; I Tim., i, 17 ; Hebr., xiii, 21 ; I Petr., iv, 11 ; Apoc, i, 6, 7 ; v, 14, etc. Cf. Luc, xxiv, 53, et la conclusion du Pater noster. Matth., vi, 13.
3° Saint Jean, dans l’Apocalypse, appelle Jésus-Christ « l’Amen (ὁ Ἀμὴν), le témoin, le fidèle, le véridique ». Apoc, iii, 14. C’est sans doute une réminiscence d’Isaïe, lxv, 16, et peut-être aussi du Maître, qui aimait à dire dans ses discours : Amen, amen, et en vérité je vous le dis. » « Le fidèle et le véridique » sont l’explication du mot « l’Amen ».
4° Dans la primitive Église, dès l’âge apostolique, à l’exemple de la synagogue, l’usage s’introduisit dans les assemblées des fidèles que tous les assistants répondissent amen aux prières du célébrant, afin de s’unir à lui et de s’approprier ce qu’il venait de dire au nom de tous. Saint Paul fait allusion à cette coutume. I Cor., xiv, 16, et II Cor., i, 20. Dans le premier passage, il dit : « Si vous priez seulement de cœur, comment celui qui tient la place du peuple pourra-t-il répondre amen à votre prière, puisqu’il n’entend pas ce que vous dites ? » Le second passage est diversement interprété ; il offre même des leçons différentes dans le texte grec ; mais d’après la plupart des commentateurs, d’accord en cela avec la Vulgate et avec plusieurs manuscrits grecs importants (voir C. Tischendorf, Novum Testamentum græce, editio critica minor viiia, p. 792), il doit se traduire ainsi : « Toutes les promesses de Dieu sont en lui : oui (c’est-à-dire sont exécutées fidèlement), c’est pourquoi par lui aussi nous disons amen à Dieu [comme nous le faisons à la fin des prières publiques], pour lui rendre gloire, » par la ferme confiance que nous manifestons en ses promesses.
L’usage de terminer par amen les prières liturgiques était donc déjà connu de tous du temps de saint Paul, puisqu’il le rappelle dans ses Épitres sans avoir besoin d’en donner aucune explication particulière. Les premiers chrétiens exprimaient ainsi leur foi et leur participation à la prière du prêtre. Saint Jérôme rapporte que les fidèles de Rome prononçaient l'Amen à si haute voix et en si grand nombre, qu’on aurait cru entendre le roulement du tonnerre : « Ad similitudinem cselestis tonitrui Amen reboat. » Comm. in Gal., 1. ii, proœm., t. xxvi, col. 355. Cf. S. Justin, Apol., i, 65, t. vi, col. 428 ; Denys d’Alexandrie, dans Eusèbe, H. E., vii, 9, t. xx, col. 656 ; S. Cyrille de Jérusalem, Catech., xxiii, 18, t. xxxiii, col. 1124 ; Constit. apost., viii, 13, t. i, col. 1108 ; Tertullien, De spect., 25, t. i, col. 657 ; S. Ambroise, Enarr. in Ps. xl, 36, t. xiv, col. 1084 ; S. Augustin, De Doctrina christiana, ii, 11, t. xxxiv, col. 42 ; De catech. rudibus, i, 9, 43, t. xl, col. 320, etc.
Voir Brunner, De voce Amen, Helmstädt, 1678 ; Weber, De voce Amen, Iéna, 1734 ; Wernsdorf, De Amen liturgico, Wittemberg, 1779 ; Fogelmark, Potestas verbi Amen, Upsal, 1761 ; Bechler, Horæ philologicæ in Amen, Wittemberg, 1687 ; Vejel, 'De vocula Amen, Strasbourg, 1681.
AMENDE dans la loi mosaïque. — Dans le sens strict du mot, l’amende se distingue de la réparation d’un dommage causé, et s’entend d’une somme d’argent qu’un délinquant est condamné à payer, en punition de sa faute, soit au fisc, soit à quelque institution publique, rarement à des particuliers. Ainsi entendue, l’amende se rencontre à peine dans la législation mosaïque, sous laquelle il n’y avait pas de fisc organisé. La peine pécuniaire qui ressemble le plus à l’amende est celle qui est portée dans le Lévitique, v, 15-16. Si, par une erreur coupable, un Israélite frustre le sanctuaire de quelque redevance imposée, comme dîmes, prémices, etc., il doit, outre l’offrande d’un bélier en sacrifice, réparer tout le tort causé, et « de plus payer au prêtre une somme équivalente au cinquième de la dette ». Comme le texte distingue ici clairement la réparation du dommage et le payement d’une somme supplémentaire, au profit d’un personnage public, cette dernière peine ne peut guère être qu’une amende.
Plusieurs auteurs donnent aussi le nom d’amendes aux peines pécuniaires portées dans les textes suivants :
1° Quand un délit est soumis à la loi du talion, on peut échapper à la sanction pénale en payant une certaine somme fixée par la partie lésée. Exod., xxi, 23-25, 30 ;
2° « Si un taureau, frappant de la corne, tue un homme ou une femme, ou bien leur fils ou leur fille, le propriétaire qui, dûment averti du vice de son animal, a négligé de le garder, peut échapper à la peine de mort en payant la somme fixée par les parents de la victime ; si la victime est un esclave, le propriétaire payera à son maître trente sicles d’argent. » Exod., xxi, 29-32.
3° Si, dans une querelle, un homme frappe une femme enceinte et la fait avorter, il payera la somme fixée par des arbitres et par le mari. Exod., xxi, 22.
4° L’homme qui porte une atteinte grave à la réputation d’une femme qu’il vient d’épouser doit payer cent sicles d’argent au père de cette femme. Deut., xxil, 19. Cf. Jahn, Archæologia Biblica, § 242, dans Migne, Scripturæ Sacræ cursus completus, t. ii, col. 972 ; Glaire, Introduction aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, Paris, 1843, t. ii, p. 453. Comme ces sommes d’argent sont payées exclusivement à la personne lésée, et qu’elles ont pour but évident de réparer un dommage, auquel d’ailleurs elles sont proportionnées, dans ces cas et autres semblables, il s’agit moins d’amendes que de compensations ou réparations pécuniaires. Voir Dommage.
1. AM ENDE Johann Gottfried, né à Voigtsberg, le 22 août 1752, mort le 17 février 1821, surintendant à Neustadt, sur l’Orla, a publié Pauli Epistola ad
ses græce ex recensione Griesbachiana, nova versione latina et annotatione perpetua illustrata, in-8o, Wittenberg, 1198. Voir Ch. G. E. am Ende, Dr. Joach. Glob. am Ende, verstorben 1777 als Superintendent zu Dresden, ein Lebensbild, nebst einer Bibliotheca am Endiana, in-8o, Dresde, 1871, ouvrage qui donne des renseignements historiques et bibliographiques sur J. G. am Ende et sur J. J. G. am Ende.
2. am ENDE Johann Joachim Gottlob, théologien luthérien, né en 1704, à Grafenhainichen, en Saxe, mort le 2 mai 1777. Il fit ses études à Wittenberg, devint pasteur de sa ville natale à la mort de son père, auquel il succéda, et de Schulpforte en 1743. Nommé surintendant à Fribourg-en-Thuringe en 1748, il fut appelé à Dresde en 1749, comme conseiller consistorial, surintendant, et premier pasteur de l'église de la Croix. Il obtint également, la même année 1749, le grade de docteur en théologie à l’université de Leipzig. On distingue parmi ses écrits Commentatio epistolica de quibusdam Novi Testamenti locis, quæ de apertione portæ mentionem faciunt, Act., xiv, 27 ; I Cor., xvi, 9 ; Col., iv, 3, in-4o, Wittenberg, 1744 ; Christeis, id est Acta Apostolorume lingua originali in latinam translata et carmine heroico expressa, notisque subjunctis, illustrata, in-4o, Wittenberg, 1759. Voir J. Chr. Adelung, Fortsetzung und Ergänzungen zu Chr. G. Jochers Allgemeinem GelehrtenLexico, t. i, 1784, col. 717-720 et Am Ende 1.
- AMÈRES (Eaux), qu’on appelle aussi quelquefois eaux de jalousie. Nom de l’eau qu’on faisait boire à la femme soupçonnée d’adultère. Num., v, 17-27. Voir Eaux de jalousie.
- AMÈRES (Eaux), eaux dont Moïse corrigea miraculeusement l’amertume à Mara, dans le désert du Sinaï. Exod., xv, 23-25. Voir Mara. i.
AMERSFOORDT Jacques, philologue hollandais, né à Amsterdam, le 24 novembre 1786, mort à Leyde, le 23 octobre 1824. Il reçut son éducation à l'école latine et à l’Athénée d’Amsterdam, puis à l’université de Leyde. Il fut l’un des fondateurs de la Société pour l'étude de la littérature orientale. En 1816, on lui confia la chaire de littérature orientale à l’Athénée de Harderwyk. Cette chaire ayant été supprimée deux ans plus tard, il devint professeur de théologie à l’Athénée de Franeker, et il en fut recteur du mois d’octobre 1821 jusqu’au mois de juin 1823. On a de lui, entre autres ouvrages, Dissertatio philologica de variis lectionibus Holmesianis locorum quorumdam Pentateuchi mosaici, in-4o, Leyde, 1815. Voir sa biographie par J. W. de Crane, dans Algémeene Konst-en Letter-Bode, Harlem, 1824, t. ii, p. 394-399 ; J. A. Philipps, Narratio eorum quæ, ipso rectore Franequerse, acciderunt, dans les Annales Academiæ Groninganæ, 1825, p. 10, 16.
AMES William, théologien puritain anglais, né à Norfolk, en 1576, mort à Rotterdam, le 14 novembre 1633. Il fit ses études à Cambridge, au collège du Christ, et fut élève du puritain Perkins. Devenu chapelain de l’université, il prêcha (1609) avec tant de véhémence contre les abus qui y régnaient, qu’il fut obligé de quitter l’Angleterre. Il se réfugia en Hollande, et, après avoir été chapelain anglais à La Haye, il devint professeur de théologie à Franeker, en Frise (1622). Il fut l’un des plus ardents adversaires de l’arminianisme. Ses Œuvres latines ont été publiées sous ce titre : Opera quæ latine scripsit omnia, 5 in- 12, Amsterdam, 1658. On y remarque un commentaire des Épîtres de saint Pierre publié pour la première fois en latin à Amsterdam, en 1635. Il a été traduit en anglais : An analytical Exposition of both the Epistles of the Apostle Peter, illustrated by doctrines out of every text, in-4o, Londres, 1641. C’est une analyse exacte des deux Épîtres de saint Pierre, mais sans valeur critique et philologique. Voir Neal, History of Puritans, t. i, p. 572 ; Brooks, Lives of Puritans, l. 1, p. 405 ; W. Orme, Bibliotheca biblica, p. Il ; sa notice biographique placée en tête de l'édition de ses Opera par Nethenus.
AMÉTHYSTE (ἀμέθυστος), pierre précieuse, mentionnée dans l’Apocalypse, xxi, 20, comme la douzième et dernière des pierres qui entrent dans les fondements de la nouvelle Jérusalem. Les Septante, suivis par la Vulgate, traduisent par le même mot l’hébreu 'ahlâmâh, nom que porte la troisième pierre du troisième rang dans le pectoral ou rational du grand prêtre. Exod., xxviii, 19 ; xxxix, 13. Ils ajoutent de plus l’améthyste parmi les pierres précieuses énumérées par Ezéchiel, xxviii, 13, dans la description des richesses de Tyr.
[Image à insérer] 118. — Améthyste. Échantillons du Musée de minéralogie du Jardin des plantes à Paris. Le plus grand est le quartz améthyste du Turkestan, à veines alternantes. Le plus petit est le quartz améthyste pyramidal. Banda oriental.
Le nom grec ἀμέθυστος rappelle une des propriétés que les anciens attribuaient à cette pierre, celle de préserver de l’ivresse (α, privatif ; μεθύωo, « être ivre » ). Aben-Esra et Kimchi expliquent d’une façon analogue l’origine du nom hébreu 'aḥlâmdh, que les lexicographes, rattachent à la racine ḥâlam, « songer, rêver ; » on prétendait que la pierre ainsi nommée procurait des songes à celui qui la portait. D’après d’autres hébraïsants, 'aḥlâmâh vient de hâlam, « être fort, solide », à cause de la dureté de l’améthyste. J. Fûrst, Hebräisches Handwörterbuch, 2e édit., t. i, p. 57 ; J. Halévy, Inscriptions du Safa, dans le Journal asiatique, 1877, t. x, p. 426.
On n’a aucun motif de rejeter la traduction des Septante, adoptée aussi par Josèphe, Ant. jud., III, vii, 6. Le Targum d’Onkélos et la version syriaque traduisent 'ahlâmâh par עץ עבלה, 'en 'églâ', « œil de veau, » nom qui peut convenir à l’améthyste et en indiquer la couleur (Fürst, loc. cit.) ; mais le pseudo-Jonathan traduit par smaragdin, « émeraude. » D’autre part, le Rabbat bamidbar donne sur cette pierre une indication qui convient bien à l’améthyste, quand il dit : « Nephthali a pour gemme le 'ahlâmâh ; la couleur de son étendard ressemble à du vin clair dont la rougeur n’est pas forte. »
L’améthyste (fig. 116) est, en effet, une pierre brillante, très transparente, d’un rouge violacé. On en distingue deux espèces : l’améthyste orientale et l’améthyste occidentale, dont la composition est très différente, mais que les anciens ont confondues et nommées de même à cause de leur apparente ressemblance. L’améthyste orientale, la plus rare, la plus belle, d’une dureté qui égale presque celle du diamant, contient quatre-vingt-dix pour cent d’alumine, du fer et de la silice ; elle n’est qu’une variété violette du saphir. L’améthyste occidentale est la plus commune ; c’est une variété de quartz. Elle se laisse facilement tailler, comme le remarque Pline, H. N., xxxvii, 9 ; aussi les anciens s’en servaient-ils beaucoup pour faire des bagues et des camées.
AMHARIQUE (VERSION) DE LA BIBLE. — L’amharique est un dialecte sémitique corrompu, mêlé de mots africains, et ainsi appelé de la province d’Amhara, en Abyssinie. Il commença à supplanter le ghez dans ce pays, vers l’an 1300, et on le parle aujourd’hui dans presque toute l’Abyssinie. Les missionnaires catholiques furent les premiers qui essayèrent de traduire en amharique des parties de l'Écriture ; mais leurs travaux n’ont jamais été imprimés. La Bible fut traduite pour la première fois, en entier, de 1810 à 1820, par Asselin de Cherville, consul de France au Caire, aidé d’un vieillard appelé Abou-Roumi. Sa traduction fut achetée par la Société biblique de la Grande-Bretagne, et revue par J. P. Platt, qui fit paraître les Évangiles, en 1824, et le Nouveau Testament complet, en 1829. L’Ancien Testament parut en 1840, et une édition complète de la Bible, en 1842. La Société biblique a publié en 1875 une édition nouvelle, revue par le Dr Krapf, avec le concours de plusieurs Abyssiniens. Voir The Bible of every land', in-4°, Londres (1860), p. 61.
1. AMI (hébreu : ʿÂmî ; Septante : Ἠμεΐ), Chananéen, un des « serviteurs », c’est-à-dire des tributaires de Salomon, III Reg., ix, 20, 21, chef d’une famille qui revint de Babylone avec Zorobabel. I Esdr., ii, 57. Il est appelé Amon, II Esdr., vii, 59. Ami paraît n'être qu’une forme altérée d’Amon.
2. AMI.
1° Ce mot a le plus souvent dans l'Écriture le même sens que dans le langage ordinaire, c’est-à-dire qu’il désigne celui qui est attaché à un autre par des liens d’affection, comme les amis de Job (rêʿîm). Job, ii, 11, etc. Voir Prov., xviii, 17, 24 ; Eccli., vi, 1, 7-17 ; ix, 14-15, etc.
2° Ami, dans la Bible, signifie aussi celui qui est dans les bonnes grâces de quelqu’un ; c’est ainsi qu’Abraham est appelé « l’ami de Dieu ». Jac, ii, 23 ; II Par., xx, 7 ; Is.,
xli, 8 ; Ps. cxxxviii, 17 ; Judith, viii, 22. Cf. Prov., xxii, 11 ; Joa., xix, 12.
3° Il signifie également « le prochain » : Diliges amicum tuum sicut teipsum. Lev., xix, 18.
4° Ceux qui exercent les mêmes fonctions. Zach., iii, 8.
5° Au vocatif, en s’adressant à une personne qu’on ne connaissait pas, on l’appelait « ami », ἑταῖρε, comme cela se fait dans presque toutes les langues. Matth., xx, 13 ; xxii, 12. — Le mot ami a encore quelques autres acceptions tout à fait particulières et qu’il importe de remarquer.
6° « L’ami de l'époux, » ὁ φίλος τοῦ νυμφίου, Joa., iii, 29 ; cf. Jud., xiv, 20 ; xv, 2 ; Cant., v, 1 ; I Mach., IX, 39, était chez les Juifs à peu près ce qu'était le paranymphe chez les Grecs, il était chargé, quand les fiançailles avaient été conclues, de servir d’intermédiaire entre les futurs époux, auxquels l’usage ne permettait pas de se voir avant le mariage ; de plus il s’occupait des préparatifs des noces et des fêtes qui les accompagnaient. Les rabbins l’appellent šošbên, c’est-à-dire « fils de la joie », d’après l’interprétation de Grimm, Clavis Novi Testamenti philologica, 1802, p. 448. Voir Buxtorf, Lexicon chaldaicum et talmudicum, édit. Fischer, p. 1257 ; Schemot rabba, p. 46 ; Baba bathra, p. 144 6.
7° Une autre acception à noter du mot ami, c’est celle d' « ami du roi ». On donnait ce titre, en Palestine, au conseiller le plus intime du roi. Chusaï était en ce sens « l’ami de David », II Reg., xv, 37 ; xvi, 16 ; I Par., xxvii, 33 ; Zabud, celui de Salomon, III Reg., iv, 5. On trouve une dénomination analogue à la cour des pharaons, où certains officiers égyptiens sont ainsi désignés : suten smer, « ami du roi », smer ua, « ami unique ». Dans les deux livres des Machabées, I Mach., ii, 18 ; iii, 38 ; vi, 10, 14, 28 ; vii, 6, 8 ; x, 16, 19-20, 65 ; xi, 26, 27, 57 ; xii, 43 ; xiii, 36 ; xiv, 39 ; xv, 28, 32 ; II Mach., i, 14 ; vii, 24 ; viii, 9 ; x, 13 ; xi, 14 ; xiv, 11, φίλος τοῦ βασιλέως ; est le titre officiel donné par les Séleucides aux personnes qui avaient leur confiance, et en particulier aux dignitaires de la cour, qui remplissaient les grandes fonctions militaires et administratives. Cf. Polybe, Hist., xxxi, 3, 7, 16 ; 19, 2, édit. Teubner, 1868, t. iv, p. 2, 3, 17 ; Appien, Syr., 46. Parmi « les amis du roi », on distinguait les « premiers » ou principaux, οἱ πρῶτοι φίλοι, titre supérieur à celui de simple ami. I Mach., x, 65 ; xi, 27 ; II Mach., viii, 9.
Alexandre Ier Balas conféra d’abord à Jonathas Machabée le titre d' « ami du roi, » I Mach., x, 19-20, et ensuite celui de « premier ami du roi. » I Mach., x, 65.
Démétrius II Nicator lui confirma cette dignité. I Mach., xi, 27. — Cet usage d’appeler « amis du roi » les principaux de la cour paraît avoir existé dès le temps d’Alexandre (Diodore de Sicile, xvii, 54, 55, édit. Teubner, 1867, t. iii, p. 446, 447) ; il était aussi usité en Égypte chez les Lagides, III Mach., ii, 23, 25 ; v, 3, et c’est à cause de cette coutume que les Septante ont rendu par le mot « ami », φίλος, l’hébreu ṡar, « prince, chef, conseiller du roi, » dans plusieurs passages. Esth., i, 3 ; ii, 18 ; vi, 9. Voir aussi Dan., iii, 91, 94 ; v, 23. Il faut observer, au sujet de Daniel, que la version de ce prophète, qui est dans nos éditions ordinaires des Septante, est celle de Théodotion. Voir la véritable traduction des Septante, qui porte φίλοι aux passages cités, dans C. de Tischendorf, Vetus Testamentum græce, 7e édit., Leipzig, 1887, t. ii, p. 597, 601. Théodotion a traduit par « puissants », μεγιστᾶνες, Dan., iii, 91 ; v, 23 ; δυνάσται, iii, 94.
8° Enfin, dans le premier livre des Machabées, le mot « ami » est employé aussi dans le sens officiel d' « allié », que les Romains donnaient à ce titre : φίλος καὶ σύνμαχος Ρωμαίων, socius et amicus populi Romani. I Mach., viii, 20, 31 ; xiv, 40 ; xv, 17 ; cf. xiv, 18. Cf. Suétone, Cæsar, xi ; August., lx ; Tite-Live, vii, 3 ; xxxvii, 54 ; Em. Kuhn, Die städtische und bürgerliche Verfassung des römischen Reichs, 2 in-8°, Leipzig, 1864-1865, t. ii, p. 21-33 ; O. Bohn, Qua condicione juris reges socii populi Romani fuerint, in-8°, Berlin, 1877, p. 11-14 ; Th. Mommsen, Römisches Staatsrecht, t. iii, 1887, p. 659 ; Corpus inscript, græc. t. iv, n° 5885, p. 770. — Au Psaume cvii, 10 (hébreu, cviii, 10), la Vulgate emploie le mot « amis » dans ce sens latin d’alliés : « Les étrangers (c’est-à-dire les Philistins) sont devenus mes amis », là où l’original porte : « Je soumettrai le pays des Philistins ». — L’usage qu’ont fait les deux livres des Machabées du mot φίλος, amicus, dans sa double acception gréco-macédonienne et romaine, est digne d’attention, parce qu’il est une preuve de l’exactitude historique des auteurs qui les ont écrits.
AMIATINUS (CODEX). Ce manuscrit, le plus célèbre sinon le plus ancien de la Vulgate hiéronymienne, appartient à la bibliothèque Laurentienne, à Florence. Il est coté Amiatinus I, parce que c’est un des manuscrits qui ont été apportés de l’abbaye de Monte-Amiato, près de Sienne, à ladite bibliothèque, lors de la suppression de l’abbaye, en 1786. L'écriture est onciale et de calligraphie italienne. Le parchemin est partagé en cahiers de huit feuillets chacun ; chaque page a deux colonnes de texte, chaque colonne quarante-quatre lignes. Les initiales des versets ou stiques sont en saillie sur la marge de toute leur largeur. Aucune ponctuation ; le texte est coupé par des alinéas à chaque stique. Point de grandes initiales manuscrit tout entier. Voir Bandini, Bibliotheca Leopoldina Laurentiana, Florence, 1791, t. i, p. 701-732 ; J. Wordsworth, Novum Testamentum Domini Nostri Jesu Christi latine, p. XI, Oxford, 1889 ; de Rossi, La Bibbia offerta da Ceolfrido abbate al sepulcro di S. Pietro, Rome, 1888 ; J. White, The Codex Amiatinus and its birthplace, dans les Studia biblica, Oxford, 1890, t. ii, p. 273-308.
AMICO Bernardino, moine franciscain, né à Gallipoli, dans le royaume de Naples, était prieur de son ordre à Jérusalem, en 1596. Pendant un séjour de cinq ans en Palestine, il étudia avec soin la géographie de la Terre Sainte, et à son retour en Italie, il publia un Trattato delle Piante et Immagini de Sacri Edifizi di Terra Santa, disegnate in Jerusalemme, imprimé d’abord à Rome, in-f°, 1609, puis à Florence, 1620, avec des additions. Les gravures de la seconde édition de cet ouvrage, qui représentent les édifices sacrés de la Palestine, sont du célèbre Callot (47 estampes sur 35 planches, parmi lesquelles nous signalerons celle du ch. xliv, v. 55 b, représentant Jérusalem telle qu’elle était au xvie siècle) ; les gravures de la première édition sont d’A. Tempestini. Voir G. Mazzuchelli, Scrittori d’Italia, t. ii, 1753, p. 625 ; E. Heaume, Recherches sur la vie et les ouvrages de J. Callot, 3 in-8°, Paris, 1853-1860, t. iii, n° s 455-489, p. 211 ; M. Vachon, J. Callot, in-4o, Paris (1886), p. 66.
AMINADAB, hébreu : ‘Ammînâdàb, « mon peuple est noble ; » Septante : Ἀμιναδάβ.
1. AMINADAB, fils de Ram (dans Ruth et S. Matthieu : Aram), de la tribu de Juda. Sa fille Elisabeth devint la femme du grand prêtre Aaron ; et son fils Nahasson fut le chef de sa tribu, à l'époque de la sortie d’Égypte. Il vécut donc sous la dure servitude des Pharaons et dut mourir avant l’exode. Exod., VI, 23 ; Num., i, 7 ; ii, 3 ; vii, 12, 17 ; x, 14 ; Ruth, iv, 19, 20 ; I Par., ii, 10. Il est compté parmi les ancêtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ. S. Matth., 1, 4 ; S. Luc, iii, 33.
2. AMINADAB, un des fils de Caath, et père de Coré, de la famille de Lévi. I Par., vi, 22. Ailleurs, Exod., vi, 18 ; I Par., vi, 2, 18, il est appelé Isaar. Le texte du Codex Alexandrinus des Septante a de même, Ἰσσαάρ. Aussi on peut croire à une erreur de copiste dans I Par., VI, 22.
3. AMINADAB, frère et chef des cent douze fils d’Oziel, lévite de la famille de Caath, au temps de David. I Par., xv, 10-13. Le pieux roi l’envoya, avec d’autres lévites et les prêtres Sadoc et Abiathar, pour transporter l’arche sainte à Jérusalem.
4. AMINADAB, hébreu : ʿAmmînâdîb, au qeri, nom propre, ou ʿammi nâdîb, en deux mots, au ketib, nom commun, « mon noble peuple. » Cant., VI, 11 (hébreu 12). Dans ce dernier cas, plus régulièrement l’article devrait être joint à l’adjectif, hannâdib. S’il s’agit d’un nom propre, il désignerait un célèbre conducteur de chars. Les Septante et la Vulgate ont Aminadab. Peut-être les traducteurs grecs ont-ils vu ici une allusion à II Reg., vi, 3, où le char qui porte l’arche est dit sortir de la maison d’Abinadab (grec : Ἀμιναδάβ).
AMITAL (hébreu : Ḥǎmûtal, « allié, c’est-à-dire semblable à la rosée ; » Septante : Ἀμιτάλ, Ἀμειτάαλ), fille de Jérémie de Lobna, et l’une des femmes du roi Josias. Elle fut mère de Joachaz, IV Reg., xxiii, 31, et de Sédécias. IV Reg., xxiv, 18 ; Jer., lii, 1. Dans ces deux derniers passages, le ketib porte Ḥǎmîtal.
AMIZABAD (hébreu : ʿAmmîzâbâd, « peuple ou serviteur du donateur, c’est-à-dire Jéhovah [?] ; » Septante : Zαβάδ), fils de Banaïas, le plus vaillant capitaine de David. Amizabad commandait sous son père le troisième corps de troupes, qui entrait en fonctions le troisième mois pour la garde du roi. I Par. xxvii, 6.
1. AMMA (hébreu : ʿUmmâh ; Septante : Ἀρχόβ, Ἀμμά), ville de la tribu d’Aser, Jos., xix, 30. Le grec Ἀρχόβ est évidemment une faute, et paraît être le déplacement de Rohob (hébreu : Rehôb), qui suit presque immédiatement, bien qu’ordinairement ce nom soit rendu par Ράαβ ou Ροώβ. L’emplacement d’Amma est difficile à déterminer, les villes qui la suivent, c’est-à-dire Aphec et Rohob, ne pouvant elles-mêmes offrir aucun point de repère. Eusèbe et saint Jérôme ne font que la mentionner, sans autre indication. Onomastica sacra, 1870, p. 95 et 224. Cependant M. V. Guérin propose de l’identifier avec Khirbet ʿAmméh (Kh. Ummiéh, dans la carte anglaise, Londres, 1890, feuille 6), au nord-ouest d’El-Djich (Giscala), et tout près de Beit-Lif, vers l’est. Voir la carte de la tribu d’Aser. « Ces ruines, dit-il, sont disséminées sur une colline dont les pentes sont cultivées et dont le sommet est couvert de térébinthes, de lentisques et de chênes verts. On distingue, au milieu de ce fourré, les arasements de nombreuses petites maisons, bâties toutes avec des pierres de taille de moyenne dimension, qui paraissent n’avoir point été cimentées ; les vestiges d’un monument orné de colonnes monolithes aujourd’hui brisées, et dont il subsiste encore les assises inférieures d’une abside, ce qui prouve que c'était une église ; une trentaine de citernes, la plupart remplies de terre et de décombres ; plusieurs tombeaux, soit creusés en forme de fosses, soit renfermant des fours à cercueil pratiqués dans les parois d’une chambre sépulcrale, un pressoir à vin excavé dans le roc, etc. Le nom d’Amméh donné à ces ruines fait penser immédiatement à celui de ʿOummah… Au premier abord, nous serions tenté de la rapprocher plus près de la côte ; mais néanmoins les limites orientales de la tribu d’Aser pouvaient peut-être comprendre notre Kharbet ʿAmméh. » Description de la Palestine, Galilée, t. ii, p. 114-115. En réalité, cet endroit nous semble trop enclavé dans la tribu de Nephthali, formant la pointe la plus orientale, c’est-à-dire la plus éloignée, d’un triangle terminé à l’ouest par Beit-Lif (Héleph), et au sud-ouest par Khirbet Haziréh (Enhasor), deux villes qui appartenaient à cette dernière tribu.
D’autres savants placent Amma plus près de la mer, à ʿAima ou ʿAima ech-Chaoub, à une faible distance de Ras en-Naqoura. Cette opinion, émise par Thomson dans la Bibliotheca sacra, 1855, p. 822 et suiv., citée par Van de Velde, Memoir to accompany the map of the Holy Land, 1859, p. 354, a été admise, avec réserves toutefois, par différents auteurs, entre autres par les explorateurs anglais. Cf. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, au mot Ummah, p. 178. Il y a, en effet, analogie entre l’arabe ʿAlma (avec aïn initial) et l’hébreu ʿUmma (également avec aïn ; le lam compensé par le daguesch). « Alma est un petit hameau sur le sommet de l’Échelle des Tyriens (Scala Tyriorum), à environ cinq milles (8 kilom.) de la côte à Ras en-Naqoura, et est le seul village habité dans cette partie de l'Échelle. » W. M. Thomson, The Land and the Book, Londres, 1890, chap. xx, p. 295. S’il est permis d’adopter l’une ou l’autre des opinions que nous venons d’exposer, il est impossible d’admettre celle qui place Amma « à Kefr Ammeih, dans le Liban, au sud d’Hammana, dans le district d’El-Djurd », au sud-est de Beyrouth. Cf. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 158. La tribu d’Aser ne montait pas si haut.2. AMMAH (Colline d') (hébreu : Gibʿat ʾAmmâh ; Septante : ὁ βουνὸς Ἀμμάν ; Vulgate : collis aquæ ductus), lieu où parvinrent Joab et Abisaï poursuivant Abner après le combat de Gabaon et la mort de leur frère Asaël. II Reg., ii, 24. « À un âge pastoral où chaque colline, chaque arbre, pour ainsi dire, portait un nom propre, cette colline devait certainement avoir le sien : c’est donc un nom propre qu’il faut lire ici. » F. de Hummelauer, S. J., Commentarius in libros Samuelis, Paris, 1886, p. 280. C’est ainsi que l’ont compris la plupart des versions, la Peschito et l’arabe, en traduisant Gabaath maris (peut-être les interprètes ont-ils lu yam ou yammâh au lieu d’Ammàh) ; le Targum de Jonathan et Josèphe en rendant plus exactement : « la colline d’Amta, » ou « le lieu appelé Ἀμματαν, Ant. jud., VII, 1, 3 ; enfin les Septante en se conformant davantage encore à l’hébreu : « la colline d’Amman. » Théodotion (ὑδραγωγός) est d’accord avec la Vulgate, qui nous donne : « la colline de l’aqueduc. » Eusèbe s’est contenté d’ajouter au nom propre 'A[iiâ ces mots mêmes du texte sacré : ὁδος ἐρήμου Γαβαών, « le chemin du désert de Gabaon, » Onomasticon, 1870, p. 226 ; et saint Jérôme : « Amma, in desertum euntibus Gabaon. » Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 873.
Cette colline était « vis-à-vis de la vallée sur le chemin du désert de Gabaon ». II Reg., Il, 24. Ici encore les versions diffèrent : la Vulgate, Symmaque et Théodotion ont lu גיא ou גיא, gê', « vallée, » tandis que les Septante, le Targum de Jonathan, le syriaque et l’arabe, ont fait un nom propre de l’hébreu גיח, gîah, que J. Fürst, Hebraïsches und Chaldaïsches Handwörterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 257, et Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 281, rapprochent du mot « source » en raison de l'étymologie « jaillir ». De quelque manière que le mot soit considéré, il n’est d’aucun secours pour déterminer l’emplacement d’Ammah. Tout ce que nous pouvons supposer, c’est que cette colline devait se trouver à l’est ou au nordest de Gabaon, puisque Abner s’en alla avec ses gens à Mahanaïrn (d’après l’hébreu), au delà du Jourdain. II Reg., Il, 29. Le « désert de Gabaon » indique probablement les steppes qui s'étendent à l’est d’El-Djib.
3. 'AMMÂH. Nom hébreu de la coudée. Voir Coudée.
AMMANITE, du pays d’Ammon. La Vulgate porte dans plusieurs passages, III Reg., xiv, 21, 31 ; II Par., xii, 13 ; xxiv, 26 ; II Esdr., ii, 10, 19 ; iv, 3, 7, Ammanites, Ammanitis, au lieu & Ammonites, Ammonitis, qui est la véritable orthographe. Voir Ammonites.
AMMANITIDE (Vulgate : Ammanitis), nom donné
dans nos éditions latines, au lieu d’Ammonitide, au pays
d’Ammon, dans le second livre des Machabées, iv, 26 ; v, 7. Voir Ammon 4.
AMMAUS, ville de Palestine 1. Notre Vulgate appelle ainsi une des villes fortifiées par Jonathas Machabée, dans I Mach., ix, 50, mais ailleurs elle la nomme Emmaüs, I Mach., iii, 40, 57 ; IV, 3. Elle fut appelée plus tard Nicopolis. Le texte grec écrit partout 'EnnaoïV. Elle est connue sous le nom d’Emmaüs, aujourd’hui Amouas. Voir Emmaüs.
AMMI (ʿammî), mot hébreu qui signifie « mon peuple », et qui est donné figurativement par le Seigneur, Ose., ii, 1, au peuple juif, pour annoncer qu’il demeurera son peuple, Ose., ii, 24, malgré les châtiments qu’il lui infligera, et quoique le fils du prophète ait reçu le nom de L'ô-'ammî, « non mon peuple », pour prophétiser ces châtiments. Ose., i, 9-10. La Vulgate n’a pas conservé ces noms propres sous leur forme hébraïque, mais les a traduits d’après leur signification par Populus meus et Non populus meus.
AMMIEL (hébreu ʿAmmiʾêl, « de la famille de Dieu, » c’est-à-dire « serviteur de Dieu [?] ; » Septante : Ἀμιήλ.
1. AMMIEL, fils de Gémal, de la tribu de Dan, fut un des douze espions envoyés par Moïse pour explorer le pays de Chanaan. Num., xiii, 13.
2. AMMIEL (Vulgate, II Reg., xvii, 27 : Ammihel), père de Machir, de la ville de Lodabar, dans la tribu de Siméon. II Reg., ix, 4, 5 ; xvii, 27.
3. AMMIEL, le sixième fils d’Obédédom et lévite, portier du temple sous David. I Par., xxvi, 5.
4. AMMIEL, I Par., iii, 5, père de Bethsabée, appelé Éliam ; II Reg., xi, 3. Voir Éliam 1.
AMMIHEL, II Reg., xvii, 27, père de Machir. Voir Ammiel 2.
AMMISADDAÏ (hébreu : ʿAmmîšaddâï, « de la
famille du Tout-Puissant, c’est-à-dire serviteur du Tout-Puissant [?] ; » Septante : Ἀμισαδαΐ), père d’Ahiézer, qui était chef de la tribu de Dan au temps de l’Exode. Num., i, 12 ; ii, 25 ; vii, 66, 71 ; x, 25.
AMMIUD, hébreu : ʿAmmîhûd, pour ʿAmmîyehûd, « allié à Juda ou à l’honneur. »
1. AMMIUD (Septante : Ἐμιούδ, Ἀμιούδ), Éphraïmite, père d'Élisama, qui fut chef de sa tribu au temps de l’Exode. Num., i, 10 ; ii, 18 ; vii, 48, 53 ; x, 22 ; I Par., vii, 26.
2. AMMIUD (Septante : Σεμιούδ), Siméonite, père de Samuel, qui fut du nombre des princes des tribus choisis pour faire le partage de la Terre Promise. Num., xxxiv, 20.
3. AMMIUD (Septante : Ἰαμιούδ), Père de Phedaël, qui fut chef de la tribu de Nephthali à l'époque du partage de la Palestine. Num., xxxiv, 28.
4. AMMIUD (hébreu : ʿAmmîḥûr ; le Keri porte ʾAmmîḥûd ; Septante : Ἐμιούδ), père de Tholmaï, roi de Gessur. II Reg., xiii, 37.
5. AMMIUD (Septante : Σαμιούδ), fils d’Amri, descendant de Phares, et père d’Othéi, un des premiers habitants de Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 4.
1. AMMON, dieu égyptien, honoré à Thèbes. Son nom ne se lit pas dans la Vulgate ; mais dans le texte hébreu de Nalium, iii, 8, la ville de Thèbes est appelée NôʾAmôn, « l’habitation du dieu Ammon. » (Voir NôʾAmon.) Quelques exégètes ont cru retrouver aussi le nom d’Ammon dans Jérémie, xlvi, 5, où le texte original porte : אםזן סנא, 'amôn min-nô' ; mais le prophète ne fait probablement qu’un jeu de mots, et il faut traduire, non pas « Ammon de Thèbes », mais « la multitude de Thèbes ». Ezéchiel fait sans doute un jeu de mots semblable, xxx, 4, 10, 15 (seulement le mot qui signifie multitude est écrit הטזן, hâmon, et non אםזן, 'âmôn). Les Grecs appelèrent le dieu égyptien Ἄμμων d’où est venu notre appellation française. La forme égyptienne ancienne est Amen, qui signifie « caché, mystérieux ». Plutarque, De Isid. et Osir., ix ; Champollion, Dictionnaire égyptien, p. 197 ; Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, p. 35.
Ammon était le dieu suprême de la ville de Thèbes. Il y était adoré comme Amen-Ra ou Ammon-le-Soleil. C’est le titre qu’il porte sur les monuments thébains, à partir de la XIe dynastie égyptienne. On le représentait soit debout, soit assis, vêtu de la schenti (sorte de pagne attaché au moyen d’un ceinturon), portant un collier au cou, ayant sur la tête la couronne dite rouge, insigne de la domination sur le nord de l’Égypte. Deux grandes plumes, qui semblent être celles de la queue de l'épervier et qui sont la marque distinctive d’Ammon, sont placées sur la couronne. Une sorte de cordon pend de sa coiffure et descend jusqu’aux pieds (fig. 118). Dans les fresques, il est peint en bleu. Dans les représentations figurées, il est souvent accompagné de la déesse Moût (mère) et du dieu Khons, son fils. Ces trois divinités forment la triade thébaine. Ammon avait d’autres noms et d’autres formes, et il prend en quelque sorte un corps sous la forme de Ra, le soleil, qui a été dès la plus haute antiquité adoré en Égypte. Ammon-Ra, sous son nom de dieu Khem, est la source de la vie ; sous son nom de dieu Khnoum, il est « le fabricateur des dieux et des hommes », selon un titre qui lui est fréquemment donné, et, dans ce rôle, il est figuré façonnant, sur un tour à potier, soit l’homme, soit l'œuf mystérieux d’où la mythologie égyptienne faisait
118. — Ammon, Mont et Khons, dieux de Thobes. D’après Wilkinson.
était vénéré en divers lieux. Comme dieu de la génération, il portait le nom de Khem et avait des attributs spéciaux. En Nubie et particulièrement aux cataractes, on l’adorait sous le nom de Noum ou Khnoum, en lui donnant la forme d’un bélier : c’est ce qui fit supposer aux Grecs qu’Ammon avait toujours des cornes de bélier. Son culte s'étendit tout le long de la côte septentrionale de l’Afrique et se répandit jusqu’en Grèce, où on l’identifia avec Zeus, d’où les noms de Zeus Ammon et de Jupiter Ammon, qui lui sont donnés par les écrivains classiques. Ammon-Ra, d’après plusieurs égyptologues, représente le dieu invisible (amen, caché), qui se rend visible et sortir le genre humain et tous les êtres de la nature. Voir fig. 22, col. 179. D’après un texte hiératique, « Ammon organise toutes choses, il soulève le ciel et refoule la terre ; il donne le mouvement aux choses qui existent dans les espaces célestes ; il produit tous les êtres, hommes et animaux. Enfin, après avoir organisé tout l’univers, Ammon le maintient chaque jour par sa providence ; chaque jour il donne au monde la lumière qui vivifie la nature ; il conserve les espèces animales et végétales, et maintient toutes choses. » Grébaut, Hymne à Ammon-Ra, dans la Revue archéologique, juin 1873, p. 392.
3. AMMON, peuple. Les descendants d’Ammon, les Ammonites, sont appelés le plus souvent, dans l'Écriture, « les fils d’Ammon », benê 'Amman, Num., xxi, 24, etc. ; deux fois seulement Ammon tout court. I Reg., XI, 11 ; Ps. lxxxii, 8. Voir Ammonites.
4. AMMON (Pays d'), AMMONITIDE (hébreu : ʾÉréṣ benê-ʾAmmôn, « terre des fils d’Ammon, » Deut., ii, 19, 37 ; Jos., xiii, 25 ; Jud., xi, 15 ; II Reg., x, 2 ; I Par., xix, 2 ; xx, 1 ; Septante : γῆ υἱῶν Ἀμμών, dans les mêmes passages ; Ἀμμανίτις χώρα II Mach., iv, 26 ; Ἀμμανίτις ; , II Mach., v, 7), contrée située à l’orient de la mer Morte et du Jourdain inférieur, occupée par les Ammonites. Leur territoire n’a pas toujours eu la même étendue, mais a été différent à deux époques distinctes de leur histoire. Voir la carte (fig. 119).
1° Ils s'établirent originairement sur le territoire qu’ils enlevèrent à certaines races primitives appelées Zomzommim, Deut., ii, 20-21 ; mais dont ils furent chassés à leur tour par Séhon, roi des Amorrhéens, Jud., xi, 13, 19-22 ; territoire finalement conquis par les tribus de Ruben et de Gad. Deut., iii, 16. La relation de ces conquêtes successives nous permet de délimiter exactement le premier établissement des enfants d’Ammon. Il était compris entre l’Arnon (Ouadi el-Modjib) au sud, le Jaboc (Nahr Zerqa) au nord, le Jourdain et la mer Morte à l’ouest, Jud., xi, 13 : la frontière méridionale seule est un peu vague, confondue qu’elle est parfois dans - l'Écriture avec celle de Moab. Ce pays correspondait donc à celui qu’on appelle aujourd’hui El-Belka, et qui, dans son ensemble, s'étend sur une longueur de 80 à 100 kilomètres du nord au sud, avec une élévation générale d’environ 1 000 mètres. Descendant comme une muraille à pic vers le lac Asphaltite, le terrain se déroule vers l’est comme un immense plateau légèrement ondulé, entrecoupé de bois et de pâturages, creusé par de nombreux courants permanents ou temporaires, qui descendent au Jourdain ou à la mer Morte, et sillonnent la plaine de ravins profonds. C’est une des plus belles parties de la Syrie. On comprend que la perte d’un tel pays ait laissé au cœur des Ammonites un regret aussi constant que vif, et qu’ils aient sans cesse cherché à le reconquérir. Voir Amorrhéens ; Moab. Ce n’est pas là, en effet, qu’ils habitèrent le plus longtemps.
2° Vaincus par les Amorrhéens, ils furent obligés de se retirer vers l’est, dans une contrée qu’il est moins facile de déterminer, et qui est moins connue des explorateurs. Cependant, d’après les limites des tribus de Ruben et de Gad, telles qu’elles sont exposées, Num., xxxii, 34-38 ; Jos., xiii, 15-28, on pourrait, croyons-nous, indiquer la frontière occidentale d’Ammon par une ligne partant d’Aroër au sud, passant à l’est d’Hésébon et à l’ouest de Rabbath - Ammon, pour se terminer au Jaboc. Cette démarcation nous semble confirmée par les passages suivants : « Et aux tribus de Ruben et de Gad j’ai donné, de la terre de Galaad, jusqu’au torrent d’Arnon, au milieu du torrent, et les confins jusqu’au torrent de Jaboc, qui est la frontière des fils d’Ammon, » Deut., iii, 16 ; « Moïse donna aussi à la tribu de Gad et à ses enfants… la moitié de la terre des fils d’Ammon. » Jos., xiii, 24-25. Les Ammonites auraient ainsi, pendant la plus grande partie de leur histoire, occupé un territoire dont la limite occidentale, dans la direction que nous venons d’indiquer, aurait été parallèle au Derb el-Hadj actuel ou route des Pèlerins de la Mecque. Quant à la limite orientale, elle aurait confiné au désert d’Arabie. Ces parages, du reste, conviennent très bien à un peuple nomade comme celui dont nous parlons. On y trouve de vastes plaines herbeuses, et les flancs des collines sont creusés de puits maintenant à demi comblés ou à sec. La route des Pèlerins traverse vers le nord un pays accidenté où naissent de nombreux ouadis, qui se dirigent de l’est à l’ouest. Le pays cependant a dû être très habité à une certaine époque, comme l’attestent les ruines d’Oumm el-Reçâs, de Khanez-Zébib, d’Oumm el-Ouéléd, de Zîza, de Machilta, sans parler de celles d’Amman. Cf. H. B. Tristram, The Land of Moab, 2e édit., Londres, 1874, p. 138-216.
Chose digne de remarque, l'Écriture, qui se plaît à énumérer les villes de Moab (voir en particulier Jérémie, xlviii), ne mentionne point celles d’Ammon. Elle nous dit seulement que Jephté « frappa d’un désastre immense vingt villes depuis Aroër jusqu'à Minnith et jusqu'à Abel, qui est plantée de vignes », Jud., xi, 33. M. Tristram, ouv. cité, p. 139-140, a découvert cette dernière localité. Voir Abel-Keramîm. Nous lisons également que David infligea « à toutes les villes des fils d’Ammon » les mêmes représailles qu'à Rabbath. II Reg., xii, 31. En somme, c’est autour de cette capitale que semble se concentrer toute la vie du peuple ammonite. Sa situation, du reste, en faisait un des plus puissants remparts de la frontière occidentale. Ses ruines, conservant encore aujourd’hui, avec le nom ancien d’Amman, les débris de son antique splendeur, couvrent un espace assez étendu sur les deux rives de l’ouadi Amman, affluent du Jaboc supérieur. La colline qui au nord domine la vallée comprenait la ville haute ou citadelle ; au-dessous s'étendait la ville basse avec un groupe de beaux monuments, théâtre, odéon, temples, voie triomphale, etc., témoins de son importance surtout aux époques grecque et romaine. Voir Rabbath-Ammon. Les souvenirs de la civilisation primitive sont représentés par les monuments mégalithiques. Très nombreux à l’est de la mer Morte, dans le pays de Moab (en 1881, on en comptait plus de 700), ils abondent dans les environs d’Amman. Cf. Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 11. Dolmens, menhirs, cercles ou amas de pierres couronnent, pour ainsi dire, le sommet de chaque colline, destinés à rappeler les âges préhistoriques. Un des plus beaux spécimens de cromlechs se trouve au près d’Amman : le bloc supérieur n’a pas moins de quatre mètres de long sur trois de large (fig. 120). Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly statement, 1882, p. 76, gravure, p. 65. Un certain nombre d’anciens tombeaux, creusés dans le roc, rappellent, par leurs dispositions, ceux des Juifs et des Phéniciens. Cf. C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, p. 156-177, et Palestine Exploration Fund, 1882, p. 69, 99-109.
Les Ammonites n’eurent pas de possessions à l’ouest du Jourdain. À l'époque troublée des Juges, on les voit bien deux fois passer le fleuve : la première, comme alliés des Moabites et des Amalécites, pour « frapper Israël et s’emparer de la ville des palmes » ou Jéricho, Jud., iii, 13 ;
la seconde, « pour dévaster Juda, Benjamin et Ephraïm ; » Jud., x, 9 ; mais ce ne furent que des incursions et déprédations passagères. Peut-être cependant pourrait-on trouver quelque trace de leur séjour dans le nom d’une localité appartenant à la tribu de Benjamin et appelée en hébreu : Kefar hâ'ammôni, « le village ammonite, » Vulgate : Villa Emona. Jos., xviii, 24.Fichier:??
120. — Cromlech des environs d’Amman.
5. AMMON (Christoph Friedrich von), théologien protestant rationaliste, né à Bayreuth, le 16 janvier 1766, mort à Dresde, le 21 mai 1849. Il fit ses études à Erlangen, et y devint, en 1789, professeur extraordinaire de philosophie ; en 1790, professeur extraordinaire de théologie ; en 1792, quatrième professeur ordinaire et second prédicateur de l’université. En 1794, il alla à Gœttingue comme professeur de théologie, premier prédicateur et directeur du séminaire théologique. Il fut rappelé à Erlangen, en 1804, où il eut le titre de surintendant et de conseiller consistorial d’Anspach. Il s'était acquis une grande réputation d'éloquence, et, en 1813, il fut choisi pour succéder à Reinhard, à Dresde, comme prédicateur de la cour (Oberhofprediger). Il fut en même temps conseiller consistorial supérieur (Oberkonsistorialrath). En 1831, il devint membre du conseil d'État de Saxe et du ministère des cultes et de l’instruction publique, et, plus tard, vice-président du consistoire de Saxe (Landeskonsistorium). Il joua un rôle important dans les affaires de l'Église protestante de ce pays. Il résigna toutes ses fonctions en 1849, et mourut la même année, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
Ammon a exercé une grande influence en Allemagne ; il a été un des chefs de l'école rationaliste de ce pays, un écrivain fécond et érudit, versé dans la connaissance de la littérature orientale, rabbinique, grecque et latine, ancienne et moderne, mais sans profondeur. Ses derniers ouvrages surtout sont très superficiels. Le premier que nous avons à mentionner est son Entwurf einer rein biblischen Théologie, 1re édit., Erlangen, 1792 ; 2e édit., 3 in-8o, 1801-1802. Ce n’est guère qu’un recueil de matériaux, la collection de ce qu’on appelle les dicta probantia, c’est-à-dire des textes qu’on cite pour établir les dogmes chrétiens ; mais l’auteur essaye d’expliquer pour la première fois ces textes dans un sens rationaliste, ce qui a fait de son ouvrage comme le manuel du rationalisme historique et critique. Son critérium est « le sain bon sens ». La révélation est pour lui soumise complètement à la raison, et c’est cette faculté qui nous manifeste ce que Dieu demande de nous. Cf. son Vom Ursprung und Beschaffenheit von unmittelbarer göttlich. Offenbarung, in-4o, Goettingue, 1797. L'inspiration n'est qu'« une sonore idée juive ». Il n'y a ni miracles ni prophéties. Jésus est « le seul Messie moral », et c'est par la force de sa haute moralité qu'il a pu fonder une religion nouvelle. Il s'est du reste enveloppé à dessein d'une sorte de « clair-obscur allégorique ». Les mêmes idées se retrouvent pour le fond dans sa Christliche Sittenlehre, in-8o, Erlangen, 1795; 5e édit., 1823, inspirée par la philosophie de Kant (cf. son Ueber die Æhnlichkeit des Innern, Wortes einiger neuern Mystiker mit den moral. Worte der Kantischen Schriftauslegung, in-4o, Goettingue, 1796), et dans sa Summa theologiæ christianæ, in-8o, Erlangen, 1808; 4e édit., 1830. Dans ces deux ouvrages, Ammon garde encore une certaine réserve ; mais il n'en est plus de même dans son Fortbildung des Christenthums zur Weltreligion, eine Ansicht der höhern, Dogmatik, 4 in-8o, 2e édit., Leipzig, 1836-1838, apologie du plus vulgaire rationalisme, dans laquelle l'auteur considère la religion chrétienne comme un produit naturel du progrès de la civilisation, qui s'est modifié dans le cours des siècles. L'auteur, qui avait changé souvent lui-même d'opinion dans le cours de sa vie, applique sa propre histoire au christianisme.
Mentionnons, parmi les autres écrits d'Ammon : Programma de repentina Pauli ad doctrinam christianam conversione ad Act., ix, i-19, in-8o, Erlangen, 1792; Das Todtenreiche der Hebräer bis auf David, in-4o, Erlangen, 1792; Dissertatio inauguralis de adumbrationis doctrines de animorum immortalite a Jesu Christo propositæ præstantia, in-8o, Erlangen, 1793; Programma quo disquiritur quatenus disciplina religionis et theologiæ christianæ pendent ab historia Jesu Christi, in-4o, Goettingue, 1794 ; Entwurf einer Christologie des Alten Testaments, iii-8°, Erlangen, 1794 ; Nova versio græca Pentateuchi, 3 parties in-8o, Erlangen, 1790-1791; Comment. de versionis Veteris Testamenti venetæ græcæ usu, in-8o, Erlangen, 1791; Predigten über Jesum und seine Lehre, 2 in-8o, Dresde, 1819-1820; Die Geschichte des Lebens Jesu mit steter Rücksicht auf die vorhandenen Quellen dargestellt, 2 in-8o, Leipzig, 1842-1844. — Voir Christof Friedrich von Ammon nach Leben, Ansichten und Wirken, 1850. L'auteur est un Saxon qui a gardé l'anonyme, sans doute pour donner un libre cours à son admiration et à son enthousiasme, qui lui fait proclamer son héros « la première notabilité théologique du XIXe siècle ».
AMMONI. Quelques commentateurs et géographes, tels qu'Adrichomius, Barbié du Bocage, etc., ont admis l'existence d'une ville d'Ammoni, qui aurait été située dans la tribu de Benjamin et d'où aurait été originaire Sélec, un des guerriers de David, parce que la Vulgate porte au second livre des Rois, xxiii, 37 : « Sélec d'Ammoni. » Cette traduction doit être expliquée par celle de I Par., xi, 39, où on lit : « Selec l'Ammonite. » La ville d'Ammoni n'a, en effet, jamais existé. Sélec était Ammonite de nation, comme le porte le texte hébreu dans les deux passages où il est nommé, et comme l'a traduit exactement la Vulgate, I Par., xi, 39.
AMMONIENNES (SECTIONS). On appelle ainsi
les subdivisions du texte des Évangiles qui avaient été
imaginées par Ammonius d'Alexandrie, au commencement du IIIe siècle
(vers 220), et qui sont indiquées, à partir du Ve siècle,
dans tous les manuscrits grecs et latins qui contiennent
les quatre Évangiles. Ammonius, pour établir la concorde
des quatre Évangiles, prit pour base l'Évangile de saint Matthieu,
en le divisant en sections d'après les événements qu'il raconte
et les discours qu’il rapporte, et nota vraisemblablement vis-à-vis,
par des renvois en chiffres, les passages parallèles des trois autres
Évangiles, subdivisés dans le même but. Eusèbe, Epist. ad Carp.,
t. xxii, col. 1276. L’ouvrage d'Ammonius est depuis
longtemps perdu ; mais sa division, qui était très commode
pour retrouver un passage quelconque des Évangélistes,
a été conservée. Il avait partagé les quatre Évangiles en
plus de mille sections, qui sont appelées tantôt pericopæ,
tantôt lectiones, tantôt canones, le plus souvent capitula.
Saint Matthieu en avait 355 ; saint Marc, 235; saint Luc,
343; saint Jean, 232. Ce chiffre varie cependant, quoique
légèrement, dans les divers manuscrits. L'indication du
nom de l'Évangéliste et du chiffre de la section permettait
de trouver tout de suite le passage des Évangiles qu'on
désirait trouver.
Eusèbe de Césarée compléta le travail d'Ammonius, et contribua beaucoup à le répandre en dressant avec exactitude les dix Canons évangéliques, destinés à montrer le parallélisme des quatre Évangiles, ce qui leur est commun et ce qui leur est propre. Ce sont dix tableaux, formes avec les chiffres des sections ammoniennes. Le premier contient, en quatre colonnes, tous les passages qui sont communs aux quatre Évangélistes ; le second, en trois colonnes, ceux de saint Matthieu, de saint Marc et de saint Luc ; le troisième, ceux de saint Matthieu, de saint Luc et de saint Jean ; le quatrième, ceux de saint Matthieu, saint Marc et saint Jean ; le cinquième, en deux colonnes, les passages communs à saint Matthieu et à saint Luc ; le sixième, ceux de saint Matthieu et de saint Marc ; le septième, ceux de saint Matthieu et de saint Jean ; le huitième, ceux de saint Marc et de saint Luc ; le neuvième, ceux de saint Luc et de saint Jean ; le dixième enfin, les passages propres à un seul évangéliste. Voir ces canons dans Migne, Patr. gr., t. xxii, col. 1277-1299.
Les sections ammoniennes n'ont pas été sans doute sans influence sur la division par chapitres et par versets, qui a prévalu plus tard dans nos Bibles. Elles ont été marquées encore de nos jours dans plusieurs éditions du Nouveau Testament de Tischendorf. Voir Harmonia quatuor Evangeliorum juxta sectiones Ammonianas et Eusebii canones, in-4o, Oxford, 1805; O. von Gebhardt, Bibellext des Neuen Testaments, dans Herzog's Real-Encyklopädie, 2e édit., t. ii, p. 404; Al. Michelsen, Evangelien-harmonie, ibid., t. iv, p. 425.
AMMONITES, fils d’AMMON (hébreu, le plus souvent :
Benê-‘Ammôn ; quelquefois : ‘Ammôni, Deut., xxiii, 4; I Sam., xi, 1, etc.; plur. ‘Ammônim, Deut., ii, 20; III Reg., xi, 5, etc.; deux fois seulement : ‘Amman, I Reg., xi, 11 ; Ps. lxxxiii (Vulg., lxxxii), 8; Septante : Υἱοὶ Ἀμμών ; Ἀμμανίται) , peuple descendant
d'Ammon ou Ben-Ammi , fils de Lot et de sa plus jeune fille. Gen., xix, 38.
I. Nom et origine. — Le nom d'Ammon peut-il se rattacher à celui de Ben-Ammi, donné par la mère pour rappeler que son enfant ne portait pas dans les veines de sang étranger ? M. Reuss regarde cette étymologie comme absolument arbitraire et inadmissible, La Bible, l'Histoire Sainte et la Loi, t. i, p. 364. Cependant, sans rappeler l'interprétation traditionnelle donnée par la Vulgate et les Septante (voir Ammon 2) aussi bien que par Josèphe, Ant. jud., 1, xi, 5, d'accord avec le texte hébreu, Gen., xix, 38, il est permis d'opposer à cette assertion l'autorité de Gesenius déclarant cette étymologie « non étrangère aux lois de la langue », Thesaurus linguæ heb., p. 1044. Fürst traduit le mot par dem Volke Zugehöriger, « qui appartient au peuple, » Hebräisches Handwörterbuch, Leipzig, 1876, t. ii, p. 158, et Delitzsch trouve entre ‘Ammǒn, « rejeton du peuple, » et ‘Am, « peuple, » la même analogie qu'entre ‘agmôn, « jonc, » proprement : « rejeton de l'étang, » et ‘àgâm, « étang. » Keil et Delitzsch, Biblical Commentary, The Pentateuch, trad. anglaise, t. i, p. 238. Nous retrouvons ce nom sous la même forme dans les inscriptions assyriennes : Bit-Ammân, écrit Am-ma-na (ni), forme semblable à celle de Bit-Ḥumri, « la maison d'Amri, » c'est-à-dire la Samarie. Ammon semble ainsi considéré comme nom de personne ; aussi trouve-t-on quelquefois le déterminatif personnel placé devant Amman. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 141.
Le rationalisme n’a pas manqué non plus de voir dans l’origine incestueuse d’Ammon un mythe ethnographique, fruit de la haine nationale qui ne cessa d’exister entre les Israélites et les descendants de Lot. Cf. Reuss, L’Histoire Sainte et la Loi, l. 1, p. 363. Mais à cette affirmation gratuite, destinée uniquement à infirmer l’authenticité et la véracité du récit mosaïque, nous répondrons en rappelant l’origine des enfants de Juda, la plus importante des tribus d’Israël, origine qui n’est guère plus honorable, et qui cependant n’en est pas moins racontée dans le même livre. Gen., xxxviii. Cette haine du reste existait si peu au début, que Dieu ne voulut rien donner à son peuple de la terre des enfants de Moab et d’Ammon, parce qu’ils étaient fils de Lot, c’est-à-dire du même sang que les enfants d’Abraham. Deut., Il, 9, 19. La moitié du pays d’Ammon que posséda la tribu de Gad, Jos., xiii, 24-25, ne fut pas conquise en violation de cette défense : elle fut prise sur Séhon, roi des Amorrhéens et par conséquent, après avoir fait partie du territoire d’Ammon, elle ne lui appartenait plus lors de la conquête israélite.
Du récit de la Genèse ressort l'étroite parenté qui unissait Israël aux Moabites et aux Ammonites. D’un autre côté, l’union très intime des deux tribus sœurs apparaît d’un bout à l’autre de leur histoire. Souvent nommées ensemble, II Par., xx, 1, Sophon., ii, 8, elles sont accusées toutes deux d’avoir appelé Balaam pour maudire le peuple de Dieu, Deut., xxiii, 3-4, alors que le récit détaillé de l'événement ne mentionne pas Ammon. Num., xxii, xxiii. Dans la réponse de Jephté au roi d’Ammon, les allusions à Moab sont continuelles, Jud., XI, 15, 18, 25 ; Chamos, le dieu de Moab, Num., xxi, 29, y est appelé « ton dieu », Jud., xi, 24. Le pays de l’Arnon au Jaboc, que le roi ammonite appelle « ma terre », Jud., xi, 13, est donné ailleurs comme ayant appartenu à un « roi de Moab ». Num., xxi, 26.
II. Histoire. — Pour s'établir à l’est de la mer Morte et du Jourdain, les Ammonites eurent à vaincre une race de Rephaïm ou géants, « qu’ils appelaient Zomzommim. » Deut., ii, 20-21. Vaincus eux-mêmes plus tard par les Amorrhéens, ils furent refoulés vers l’est. Num., xxi, 24 ; Jud., xi, 13, 19-22. Voir Ammon 4. Depuis ce temps, leur histoire ne fut plus qu’une longue suite d’hostilités contre le peuple d’Israël. Au moment de l’exode, ils lui refusèrent des vivres dans le désert, Deut., xxiii, 4, et, de concert avec les Moabites, firent appel contre lui aux perfides conseils et aux malédictions de Balaam. Deut., xxiii, 4, et II Esdr., xiii, 2. C’est pour cela qu’ils furent, comme leurs frères, exclus du droit de cité dans Israël, Deut., xxiii, 3 ; fait d’autant plus remarquable, que les Iduméens, qui s'étaient également opposés au passage des Hébreux, Num., xx, 18-21, mais n’avaient pas cherché à maudire la race de Jacob, pouvaient être admis, « à la troisième génération, dans rassemblée du Seigneur. » Deut., xxiii, 7, 8. Cependant Dieu défendit à son peuple de faire la guerre aux Ammonites, lui ordonnant de respecter la terre qu’il avait donnée aux fils de Lot. Deut., Il, 19. Ceux-ci n’eurent pas les mêmes égards pour la terre d’Israël.
Au temps d’Aod, ils se firent les alliés d'Églon, roi de Moab, pour opprimer les Hébreux. Jud., iii, 13. Mais bientôt, se sentant assez forts pour triompher seuls, ils revinrent à la charge. Poussés par l’amour de la guerre et du pillage, et aussi par le désir de reprendre ce beau pays de Galaad, qu’ils avaient autrefois possédé en partie, ils l’envahirent, malgré les montagnes qui le défendent. Depuis leur sortie d’Égypte, les Israélites n’avaient pas rencontré de plus cruels ennemis. Pénétrant dans cette contrée fertile, « y fixant leurs tentes avec de grands cris, » Jud., x, 17, les fils d’Ammon « broyèrent, suivant l'énergique expression de l’hébreu, et brisèrent violemment » les tribus qui l’occupaient. Jud., x, 8. Traversant même le Jourdain, ils poursuivirent leurs incursions et étendirent leurs ravages jusqu’au milieu de Juda, de Benjamin et d'Éphraïm. Jud., x, 9. Jephté, choisi par les tribus transjordaniennes pour repousser les pillards, ne voulut entreprendre la guerre qu’après avoir épuisé tous les moyens de conciliation avec des adversaires qu’il redoutait. Deux fois il envoya des ambassadeurs aux Ammonites pour leur demander quels étaient leurs griefs. Les négociations diplomatiques ayant échoué, il fallut en venir aux mains. Les enfants d’Ammon furent complètement battus. Vingt villes furent saccagées, depuis Aroër (voir Aroer 2) jusqu'à Minnith et Abel (voir Abel-Keramîm). Jud., xi, 1-33.
Cet échec cependant n’avait pas complètement ruiné leurs armes ; car, très peu de temps après l'élection de Saül, nous voyons Naas, leur roi, mettre le siège devant Jabès Galaad. Peut-être voulait-il faire revivre les prétentions de son peuple sur un pays bien convoité, ou plutôt, si l’on en juge par la menace qu’il fit aux habitants de leur arracher l'œil droit, voulait-il venger la défaite infligée par Jephté. Ne pouvant sans doute emporter immédiatement la ville de vive force, et ne comptant pas qu’elle pût être secourue, il lui accorda un délai de sept jours. Mais Saül, arrivant avec des troupes considérables, attaqua le camp ennemi de trois côtés à la fois. Surpris tout à coup, à une heure matinale, les Ammonites sans défiance furent battus jusqu’en plein midi, et complètement dispersés. I Reg., XI, 1-11. Ce ne fut pas le seul exploit accompli contre eux par Saül. I Reg., xiv, 47.
Tout en combattant le premier roi d’Israël, Naas traitait David avec bienveillance. II Reg., x, 2. Quels services lui rendit-il ? On ne le sait pas au juste. Il est probable que le roi d’Ammon, comme celui de Moab, IReg., xxii, 3-4, et celui de Geth, I Reg., xxvii, n’avait vu en David fugitif que l’ennemi de Saül, et comme tel l’avait couvert de sa protection. Mais l’amitié cessa quand le persécuté devint maître de tout Israël. Déjà entre celui-ci et Moab l’alliance était brisée. II Reg., viii, 2. David néanmoins, gardant toujours au cœur la reconnaissance envers Naas, envoya, lorsqu’il eut appris sa mort, porter ses condoléances à son fils Hanon. La haine alors se réveilla chez les princes ammonites, qui jetèrent des soupçons dans l’esprit du roi et lui représentèrent les ambassadeurs comme des espions. Hanon leur fit subir un traitement ignominieux. Mais, voyant qu’ils avaient fait injure à David, les fils d’Ammon enrôlèrent à prix d’argent, — moyennant mille talents, I Par., xix, 6, — les Syriens de Rohob et de Soba avec vingt mille fantassins, mille hommes de Maacha, et douze mille d’Istob. Outre l’infanterie, il y avait dans l’armée des chars et de la cavalerie. II Reg., x, 18 ; I Par., XIX, 6-7. En présence d’une ligue aussi formidable, David envoya un chef expérimenté, Joab, avec toute l’armée des braves (hébreu : gibbôrim), c’est-à-dire la troupe d'élite. Les Ammonites se déployèrent devant Rabbath, leur capitale, pendant que les Araméens étaient disséminés dans la plaine. Pris entre deux adversaires, Joab, en habile capitaine, divisa ses troupes en deux corps ; puis, avec ses soldats d'élite, se porta lui-même contre les Syriens, tandis qu’Abisaï attaquait la ville. Les alliés se débandèrent, et, à cette vue, les Ammonites se renfermèrent dans leurs murs. Joab, sans chercher à les y forcer, rentra à Jérusalem. Cf. II Reg., x, 1-14 ; I Par., xix, 1-15. La guerre reprit au printemps. Les Israélites ravagèrent le pays d’Ammon et assiégèrent Rabbath. II Reg., xi, 1 ; I Par., xx, 1. Joab, s’étant emparé de la ville basse, appelée « ville des eaux », voulut laisser à David l’honneur de prendre la citadelle. Maître de la capitale, David ceignit le magnifique diadème du roi vaincu, recueillit un riche butin, et exerça de dures représailles envers les hommes armés (il est probable qu’il ne s’agit que de ceux-là) : les uns furent sciés, les autres mis sous des herses de fer ou des faux tranchantes ; d’autres furent jetés dans des fours à briques. II Reg., xii, 26-31 ; I Par., xx, 2-3. Le roi d’Israël en usait envers les Ammonites comme ceux-ci en usaient envers leurs ennemis. Cf. I Reg., xi, 2 ; Amos, i, 13. David, en partant, établit probablement Sobi, frère d’Hanon, comme roi tributaire. C’est au moins ce qui nous permet d’expliquer la conduite du prince ammonite à l'égard du royal exilé fuyant devant Absalom. Sobi lui envoya à Mahanaïm, à l’est du Jourdain, des lits, des tapis et différentes provisions. II Reg., xvii, 27-29.
Sous le règne de Josaphat, les Ammonites envahirent le royaume de Juda avec les Moabites et les Maonites. II Par., XX, 1. Ils vinrent camper à Asasonthamar ou Engaddi, à l’ouest et sur les bords de la mer Morte ; mais une terreur subite jeta l'épouvante parmi les alliés, et « se tournant les uns contre les autres, ils succombèrent sous de mutuelles blessures », II Par., xx, 2-23, laissant entre les mains de Josaphat et de son peuple de telles dépouilles qu’ils eurent peine à les enlever en trois jours. II Par., xx, 25. Tributaires d’Ozias, II Par., xxvi, 8, ils durent se révolter soit pendant sa maladie, soit après sa mort ; car Joatham « combattit contre les fils d’Ammon et les vainquit, et ils lui donnèrent pendant trois ans cent talents d’argent, et dix mille cors de blé et autant d’orge ». II Par., xxvii, 5. Ce verset laisse supposer qu’ils se rendirent ensuite indépendants ; ce qui put avoir lieu dans les dernières années de Joatham, lorsque Rasin, de Damas, et Phacée, d’Israël, commencèrent à attaquer le royaume de Juda. IV Reg., xv, 37. Pendant ce temps-là, Amos prophétisait contre eux, leur reprochant leurs cruautés. Amos, i, 13-15.
Quand l’Assyrie tourna ses armes vers l’ouest, ils furent presque toujours ses vassaux. En 854 avant J.-C, Salmanasar II trouva dans la confédération de douze rois, qui voulaient arrêter sa marche triomphante, un roi d’Ammon, nommé Baasa, fils de Rehob. Il le vainquit, comme les autres alliés de Damas, d’Israël, etc., Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iii, pi. 8 ; A. Amiaud et V. Scheil, Les Inscriptions de Salmanasar II, roi d’Assyrie, Paris, 1890, p. 40. Vers 732 ou 731, Téglathphalasar recevait les hommages et les tributs de Sanibu ou Salipu de Bît-Ammon, en même temps que ceux d’Achaz, roi de Juda. Cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, pi. 67 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, Giessen, 1883, p. 257 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit, 1889, t. iv, p. 118. Lorsque le même monarque assyrien eut transporté les tribus de Ruben, de Gad et la demi-tribu de Manassé, IV Reg., xv, 29 ; 1 Par., v, 26, les Ammonites firent irruption sur leur territoire et l’occupèrent, comme si les Israélites eussent entièrement et pour toujours été détruits. C’est cet injuste attentat qui fut plus tard le point de départ de la prophétie de Jérémie contre eux, xlix, 1-6. Dans sa campagne contre Ézéchias, roi de Juda, en 701, Sennachérib vit Puduil de Bit-Ammon venir, avec les rois de Moab, d'Édom, etc., lui apporter le tribut et faire acte d’obéissance. Prisme de Taylor ou Cylindre C. de Sennachérib, col. ii, 52 ; Cuneiform Inscriptions of W. Asia, t. i, pi. 38-39 ; Schrader, ouvr. cité, p. 288 ; Vigouroux, ouvr. cité, p. 206. Le même roi ammonite est compté parmi les tributaires d’Assaraddon (681-668) en même temps que Manassé, roi de Juda, Cylindre brisé d’Assaraddon, Cuneiform Inscrip. of W. A., t. iii, p. 16 ; Schrader, ouvr. cité, p. 355 ; Vigouroux, ouvr. cité, p. 250.
Un autre roi d’Ammon, Aminadab, fut vassal d’Assurbanipal (667-625). Cylindre C ; Schrader, ouvr. cité, p. 355 ; Vigouroux, ouvr. cité, p. 264. Le prince assyrien, marchant contre les Arabes révoltés, envahit le territoire des Ammonites, Cylindre A, Vigouroux, ouvr. cité, p. 294 ; mais, pendant que tous les peuples qui entouraient la Palestine courbaient le front devant le vainqueur, les enfants de Jacob osèrent lui résister. Holopherne, son généralissime, connaissant les sentiments haineux des Moabites et des Ammonites contre les Juifs, voulut les exploiter à son profit. Il réunit donc les chefs de ces deux peuples, dans l’espoir d’obtenir des renseignements précieux. Achior, « chef de tous les fils d’Ammon, » faillit être victime du beau témoignage qu’il rendit aux merveilles de la Providence divine en faveur des Israélites. Judith, v, vi. Cependant les enfants d’Ammon et ceux d'Édom prirent une part très active au siège de Béthulie, Judith, vii, 1-11 ; voir surtout le texte plus explicite des Septante. Sous Nabuchodonosor (604-561), les Ammonites, avec les Moabites, les Iduméens, le roi de Juda, etc., cherchèrent à secouer le joug et à recouvrer leur indépendance, pendant que le roi de Babylone en venait aux mains avec les Élamites. Mais bientôt celui-ci, reprenant le chemin de l’occident, soumit les révoltés et en finit avec le royaume de Juda, dont il fit une province do son empire, avec Godolias pour gouverneur. En apprenant la nomination de ce dernier, un certain nombre de Juifs, dispersés au moment de la guerre, revinrent dans leur pays ; mais à peine la petite colonie eut-elle rassemblé ses membres épars qu’elle courut un nouveau danger. Baalis, roi des Ammonites, fit mettre à mort Godolias. Jérém., XL, 14 ; xli, 2. Quel motif le poussait à ce crime ? Peutêtre l’espoir de détruire le dernier soutien des Juifs et de s’emparer ainsi plus facilement de leur pays.
La chute du royaume de Juda provoqua chez les Ammonites une joie féroce, dont le châtiment, prédit par Ézéchiel, xxi, 20-22 ; 28-32 ; xxv, 1-7, commencé par les Chaldéens, achevé par les Arabes, subsiste de nos jours dans sa plus évidente réalité. Après la captivité, ils cherchèrent, sous la conduite de Tobie, à empêcher la reconstruction des murailles de Jérusalem. II Esdr., iv, 1-8. Soumis successivement à l’Égypte et à la Syrie, ils virent leur capitale échanger son vieux nom de Rabba contre celui de Philadelphie, en l’honneur de Ptolémée Philadelphe, qui la restaura. Voir Etienne de Byzance, Leipzig, 1825, t. i, p. 416. Leurs forces cependant n’avaient pas plus diminué que leur haine ; car lorsque, de concert avec les Iduméens, les Samaritains, etc., « ils résolurent d’exterminer la race de Jacob, » Judas Machabée, marchant contre eux, « trouva une forte armée et un peuple nombreux, avec Timothée pour chef ; » ce qui le força à livrer beaucoup de combats, mais ne l’empêcha pas d’obtenir une victoire définitive. I Mach., v, 1-7. Gouvernés plus tard par un tyran nommé Zenon Cotylas, Josèphe, Ant. jud., XIII, viii, 1, ils tombèrent finalement sous la domination romaine. Saint Justin nous apprend que, de son temps, ils étaient encore très nombreux. Dialog. cum Tryphone, t. vi, col. 752. Ils disparaissent de l’histoire au me siècle et se confondent alors avec les autres Arabes qui habitent le désert à l’est du Jourdain.
III. Mœurs, religion, langue. — L’histoire que nous venons de résumer suffit pour nous faire apprécier le caractère des Ammonites. Il répond à la peinture que nous en ont laissée les Prophètes, qui nous les montrent pleins d’orgueil, de haine et de cruauté. Confiants dans leurs plaines fertiles et leurs trésors, les fils d’Ammon semblent tout braver, Jer., xlix, 4 ; ennemis séculaires du peuple hébreu, ils applaudissent à sa ruine, Ezech., xxv, 6 ; pour le mieux détruire, ils égorgent ses enfants jusqu’au sein de leurs mères. Amos, i, 13. Jérémie a donné à cette nation son vrai nom en l’appelant : « fille rebelle, » xlix, 4 (c’est le sens de l’hébreu : baṭ haššôbêbâh). Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 1375. Oubliant ses liens de parenté avec la race d’Abraham, elle a repoussé Dieu et son peuple. Tout en elle manifeste les sentiments du nomade pillard. C’est, en effet, cette vie que menèrent les Ammonites, en se retranchant derrière certaines villes, qui leur servaient de refuge, comme leur capitale. L'Écriture nous le laisse entendre ; car, si elle énumére les nombreuses villes de Moab, avec leurs rues, leurs places publiques ; si elle nous représente les vignes de ce pays, ses pressoirs, les chants de ceux qui foulent le raisin, Is., XV, xvi ; Jer., XL viii, elle se contente de mentionner les vallées d’Ammon et sa forteresse principale. Au lieu d’un peuple sédentaire, elle nous met sous les yeux une multitude partant pour ses incursions avec son mobilier et ses richesses, quitte à laisser, au moment de la défaite, un immense butin, ce qui arriva sous Josaphat. II Par., XX, 23. Il ne faudrait pas croire cependant que ce fût une horde sans organisation. Elle était gouvernée par un roi, Jud., xi, 12, etc., et par des princes, sârim. II Reg., x, 3 ; I Par., xix, 3.
La religion des Ammonites n'était pas faite pour adoucir leurs mœurs. Des deux sentiments très différents, mais très violents, du cœur humain, qui caractérisent le culte chananéen, c’est-à-dire la sensualité et la terreur, c’est ce dernier qui semble dominer chez les enfants d’Ammon. Leur dieu est Moloch, Milcom ou Malkom, III Reg., xi, 7 ; Jer., xlix, 3, etc., le dieu du feu, du soleil brûlant. En perdant la notion primitive du vrai Dieu, ils le confondirent avec le ciel ou plutôt avec l’astre dont l'éclat frappait leurs yeux, et dont la chaleur produit partout la fécondité et la vie. La terreur engendre la cruauté. Moloch, comme Baal, voulait des rites sanguinaires et cruels. « Il était représenté, d’après la tradition juive, sous la forme d’un taureau d’airain, dont l’intérieur était creux et vide. Il étendait ses bras comme un homme qui se dispose à recevoir quelque chose. On chauffait le monstre à blanc, et on lui offrait alors en holocauste une innocente victime, un enfant, qui était promptement consumé. » Vigouroux, ouv. cité, t. iii, p. 255. Voir Moloch. Malgré la haine qui divisait les deux peuples israélite et ammonite, malgré les défenses et les menaces de Dieu, cette abominable idole eut, à Jérusalem, un temple bâti par Salomon, III Reg., xi, 7 ; et des pères de famille ne craignirent pas de lui consacrer leurs enfants. IV Reg., xxiii, 10.
La langue des Ammonites était à peu près la même que celle des Hébreux. Nous n’avons pas, comme pour les Moabites, de monuments semblables à la stèle de Mésa ; mais les noms qui nous ont été conservés par la Bible ou fournis par les inscriptions assyriennes peuvent tous s’expliquer par l’hébreu ou se rapporter à des noms hébreux : Achior, « frère de la lumière », Judith, v, 5 ; Baalis (hébr. : Baʿâlis, « joyeux » ), Jer., XL, 14 ; Hanon (hébr. : Hânûn, « digne de miséricorde » ), II Reg., x, 1 ; I Par., xix, 2 ; équivalent du carthaginois Hannon ; Moloch (hébr. : Môlék, « roi » ), Lev., xviii, 21, etc. ; Naama (hébr. : Naʿâmâh, « douce » ), III Reg., xiv, 21 ; Naas (hébr. : Nâḥâš, « serpent » ), I Reg., xi, 1, etc. Aminadab, des inscriptions cunéiformes, répond à ʿAmminādâb, I Par., ii, 10 (Voir Revue des Études juives, t. ii, 1881, p. 123) ; Baasa à Baʿesaʾ, Baasa, III Reg., xy, 16 ; Puduil à Pedaheʾêl, Num., xxxiv, 28 ; Sanibu à Šinʾâb, Gen., xiv, 2.
AMMONITIDE, pays habité par les Ammonites. Voir Ammon 4.
1. AMMONIUS d’Alexandrie vivait au IIIe siècle. Il ne nous est guère connu que par sa division des quatre Évangiles en sections qui, de son nom, s’appellent sections ammoniennes. Voir Eusèbe, Epist. ad Carp., t. xxii, col. 1276 ; S. Jérôme, De scriptor. eccl., 55, t. xxiii, col. 667. Beaucoup de savants ont cru qu’Ammonius avait composé un Monotessaron ou Concorde des quatre Évangiles, et l’on a même publié sous son nom (voir Migne, Patr. lat., t. lxv, col. 255) le Monotessaron de Tatien voir Tatien) ; mais il s'était borné à indiquer par des renvois, à l’aide de ses divisions, les passages des trois derniers Évangiles qui étaient parallèles au premier. Voir Ammoniennes (sections). Eusèbe, H. E., vi, 19, t. xx, col. 568, et S. Jérôme, loc. cit., nous apprennent qu’Ammonius avait aussi écrit un livre De l’accord de Moïse et de Jésus, Περὶ τῆς Μωϋσως καὶ Ἰησοῦ συμφωνίας, dont il ne nous reste rien. Eusèbe s’est du reste trompé au sujet d’Ammonius, en confondant cet écrivain chrétien avec le philosophe Ammonius Saccas. Voir J. A. Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harless, t. v, p. 713-714 ; Th. Zahn, Forschungen zur Geschichte des N. T. Kanons, t. 1, 1881, p. 31-34.
2. AMMONIUS d’Alexandrie, prêtre et économe de l'église de cette ville, souscrivit, en 458, la lettre des évêques d’Égypte à l’empereur Léon pour la défense du Concile de Chalcédoine. Il jouit, parmi les anciens, de la réputation d’habile exégète. Anastase le Sinaïte, en particulier, en fait un grand éloge. Hodeg., xiv, t. lxxxix, col. 244. Ses œuvres ont péri ; il n’en reste que quelques fragments, qui ont été recueillis dans les Chaînes des Pères grecs, sur les Psaumes, Daniel, saint Matthieu, saint Jean, les Actes et la première Épître de saint Pierre. Ils ont tous été publiés dans la Patrologie grecque de Migne, t. lxxxv, col. 1361-1609. Les plus importants sont ceux qui se rapportent à l’Évangile de saint Jean et aux Actes des Apôtres. Voir J. A. Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harless, t. v, p. 722-723.
AMNER Richard, théologien unitarien, né en 1736,
à Hinckley, dans le comté de Leicester, en Angleterre, mort le 8 juin 1803. Il entra à la Daventry Academy en 1755, devint pasteur de la chapelle unitarienne de Middlegate Street à Yarmouth, en 1762, d’où il alla à celle de Hampstead à Londres, en 1765. En 1777, il devint pasteur de Cosely, dans le comté de Strafford, et en 1794, abandonnant le ministère pastoral, il se retira à Hinckley, sa ville natale, où il passa les dernières années de sa vie. Son premier écrit (anonyme) est intitulé : A Dissertation on the weekly Festival of the Christian Church, Londres, 1768. Son ouvrage principal est An Essay towards the interprétation of the Prophecies of Daniel, with occasional Remarks upon some of the most celebrated Commentaries on them, in-8o, Londres, 1776 ; 2e édit, 1798. Le but de l’auteur est de chercher à établir, contre l’enseignement traditionnel, que les prophéties de Daniel ne se rapportent pas au Messie, mais à la persécution d’Antiochus Épiphane. Voir S. A. Allibone, Critical Dictionary of English literature, 1880, t. i, p. 58.
AMNON, hébreu : ʾAmnôn, « fidèle ; » Septante :
Ἀμνών.
1. AMNON (hébreu : ʾAmnôn, une fois ʾǍmînôn, II Sam., xiii, 20), fils aîné de David et d’Achinoam la Jesraélite. Il naquit à Hébron, dans le temps où son père ne régnait encore que sur la tribu de Juda. II Reg., iii, 2. Ce prince nous est connu seulement par une action criminelle racontée II Reg., xiii, et par la mort tragique qui en fut la punition. Il avait conçu pour sa sœur Thamar, fille de David et de Maacha, une passion si violente qu’il en tomba malade, désespérant de pouvoir arriver à ses fins parce que Thamar était soigneusement gardée et qu’elle habitait, comme les autres enfants de David nommés dans cette histoire, une maison séparée. II Reg., xiii, 7, 8, 20. Cette sorte de dispersion de la famille, conséquence ordinaire de la pluralité des femmes, rendait plus difficiles et plus rares les relations entre les enfants. De là devait aussi résulter une certaine altération et un amoindrissement de l’amour fraternel, assez faible déjà entre ces demifrères, enfants de mères toujours rivales, souvent ennemies, cf. I Reg., 1, 4-7 ; ils pouvaient finir par se considérer plus ou moins comme des étrangers les uns vis-à-vis des autres. C’est ainsi que put s’allumer dans le cœur d’Amnon la flamme impure qui le consumait et le faisait dépérir à vue d'œil.
Jonadab, son cousin et son ami, lui arracha un jour le secret de ce mal étrange. Il Reg., xiii, 2, 4. Le résultat de cette confidence fut le détestable conseil que Jonadab donna à Amnon de feindre une aggravation de sa maladie et de s’aliter. Le roi ne manquerait pas de venir le visiter, et alors Amnon, simulant une envie de malade, demanderait à son père que Thamar vînt préparer en sa présence quelque mets appétissant qu’elle lui servirait de ses propres mains. Ce plan fut exécuté de point en point. David ne pouvait soupçonner l’abominable dessein que cachait cette prière d’Amnon : il acquiesça à son désir et lui envoya Thamar. Celle-ci prépara sous les yeux de son frère des gâteaux appelés lebîbôṭ, et les lui présenta. C’est à ce moment qu' Amnon lui découvrit son infâme affection et la pressa d’y correspondre. Sa sœur repoussa cette proposition avec horreur. Elle le conjura de ne pas commettre un tel crime et, ignorant sans doute qu’une telle union était contraire à la loi, Lev., xviii, 9, elle le pria de la demander, comme épouse, à leur père David, II Reg., xiii, 13 ; mais il resta sourd à ses supplications, et la force brutale eut raison de toutes ses résistances. Aussitôt après, peut-être par l’effet de la honte et du remords, son ardent amour pour Thamar se changea en une haine plus forte encore ; il lui ordonna de sortir sur-le-champ. Vainement elle protesta contre cette nouvelle injure, dont l'éclat allait rendre public son déshonneur ; il ne voulut rien entendre, et, appelant un serviteur, il lui commanda de la jeter dehors et de fermer la porte derrière elle. II Reg., xiii, 17.
Lorsque David apprit ce qui s'était passé, il en fut extrêmement affligé (hébreu : irrité). Le texte original n’en dit pas davantage. La Vulgate et les Septante ajoutent : « Mais il ne voulut pas contrister le cœur d’Amnon, son fils, car il l’aimait tendrement parce qu’il était son aîné. » II Reg., xiii, 21. Il laissa donc sa faute impunie, comme le donne à entendre le silence du texte sacré. Ce n’est pas la seule fois que David se soit montré faible pour ses enfants, cf. III Reg., i, 5-6 ; mais il est permis de penser que, dans cette circonstance, le souvenir de sa propre chute toujours présent à son esprit, Ps. L, 5, contribua aussi à lui ôter le courage de châtier un fils qui ne faisait qu’imiter son exemple. L’inceste d’Amnon était d’ailleurs à ses yeux le commencement des malheurs prédits par Nathan, II Reg., xii, 11, et xvi, 10, et c'était encore pour David un autre motif d’indulgence.
Absalom, fils de David et de Maacha comme Thamar, vit d’un autre œil l’attentat dont sa sœur avait été la victime. Dans les familles fondées sur la polygamie, les frères germains sont les protecteurs naturels de leurs sœurs. Cf. Gen., xxxiv, 31. C’est pour cette raison que Thamar alla porter ses plaintes, non chez David, mais chez Absalom, qui dès ce jour résolut de la venger quand le moment serait venu. II Reg., xiii, 32. En effet, après avoir dissimulé son ressentiment pendant deux ans, temps suffisant pour ôter à Amnon toute crainte de représailles, Absalom invita les princes, ses frères, à un grand festin qu’il donnait dans son domaine de Baalhasor, à l’occasion de la tonte des troupeaux, et, pendant le repas, lorsque Amnon, excité par le viii, fut tout entier à la confiance et à la joie, les serviteurs d’Absalom l’assassinèrent à sa place même, sur un signal donné par leur maître. II Reg., xiii, 22-29. Voir Absalom.
L’histoire d’Amnon est en même temps l’histoire d’une passion, dont l’auteur sacré nous retrace les progrès, les ravages et les plus terribles excès aboutissant à une amère déception, cf. Eccle., II, 2, premier châtiment auquel vient enfin s’ajouter celui d’une mort violente ; et ainsi se trouve appliquée une fois de plus cette loi de la justice divine : « L’homme est puni par où il a péché. » Sap., XI, 17.
2. AMNON, fils de Simon, de la tribu de Juda. I Par., rv, 20.
AMOC ( hébreu : ʿAmôq, « profond ; « Septante : Ἀμέκ), chef d’une famille sacerdotale qui revint de la captivité avec Zorobabel. II Esdr., xii, 6, 20. Au temps du pontificat de Joacim, elle était représentée par Héber.
AMŒNUS Prudentius, auteur ecclésiastique dont on ne connaît que le nom. On lui attribue un Enchiridion, appelé aussi Dittochæon ou Diptychon, poème latin de cent quatre-vingt-seize hexamètres, divisés en quarante-neuf strophes de quatre vers, ayant chacune un titrespécial, et racontant les principaux événements de l’Histoire Sainte. L’Enchiridion a été imprimé pour la première fois sous son nom dans la collection de G. Fabricius, Poetarum veterum ecclesiasticorum opera christiana, thésaurus catholicæ et orthodoxæ Ecclesiæ, in-4°, Bâle, 1564. Ce petit poème a été reproduit par Migne, Patr. lat., t. lxi, col. 1075-1080. Voir W. Smith, Dictionary of Christian Biography, t. i, 1877, p. 103.
AMOMUM (Ἄμωμον), parfum. Il est nommé dans un certain nombre de manuscrits et dans les éditions critiques du Nouveau Testament grec de Griesbach, de Lachmann, de Tischendorf, après le cinnamome, dans l’Apocalypse, xviii, 13.
Ce mot ne se lit pas dans le textus receptus grec et dans la Vulgate latine. Il peut avoir disparu de plusieurs manuscrits, parce qu’il se confondait avec la terminaison du mot précédent : καὶ κιννάμωμον καὶ ἄμωμον. — L’amomum nous est connu par les écrivains grecs et latins, Dioscoride, i, 14 ; Théophraste, Hist. plant., ix, 7 ; Fragm., 4 ; De odor., 32 ; Pline. H. N., xii, 13, 1 ; mais ils l’ont caractérisé d’une manière si vague, qu’il est impossible de dire avec certitude quelle est la plante d’où l’on tirait le parfum désigné par ce mot. Sprengel, Hist. rei herb., t. i, p. 140, 247 (cf. Fraas, Syn. plant. floræ class., p. 98), suppose que c’est la Cissus vitigenea d’Arménie (fig. 121). La Cissus vitigenea ou Cisse à feuilles de vigne est un arbrisseau grimpant, du genre des Vitigénées, qui atteint de six à sept mètres. Ses feuilles, en forme de cœur, sont persistantes ; ses fleurs, nombreuses, petites et cotonneuses à l’extérieur ; ses baies, bleuâtres et odorantes. Pline décrit l’amomum dans les termes suivants : « La grappe d’amomum est employée ; c’est le produit d’une vigne indienne sauvage ; d’autres ont pensé qu’elle provenait d’un arbrisseau semblable au myrte, de la hauteur d’une palme. On l’arrache avec la racine, on en forme des bottes avec précaution, car il est fragile tout d’abord. On estime surtout celui qui a les feuilles semblables à celles du grenadier, sans rides, et d’une couleur rousse. Au second rang est celui qui est pâle. L’amomum qui ressemble à de l’herbe vaut moins, et le moins bon de tous est le blanc, couleur qu’il prend aussi en vieillissant… Il naît aussi dans la partie de l’Arménie qu’on nomme Otène, dans la Médie et dans le Pont. » Pline, H. N., xii, 13 (28), traduct. Littré, 1848, 1. 1, p. 482-483. L’amomum assyrien paraît avoir joui particulièrement d’une grande réputation. Virgile, Eclog., iv, 25, édit. Lemaire, t. i, p. 131. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, ii, 3, édit. Didot, t. i, p. 770. On se servait de cette huile aromatique pour parfumer les cheveux :
Si sapis, Assyrio semper tibi crinis amomo
Splendeat, et cingant florea serta caput,
dit Martial, Epigr., vii, 77, édit. Lemaire, t. ii, p. 364. Voir aussi Ovide, Heroid., xxi, 166, édit. Lemaire, t. i, p. 391 ; Silius Italicus, XI, 402, édit. Lemaire, t. i, p. 672.
AMON, hébreu : 'Amôn, « architecte ou nourrisson [?] ; » Septante : Ἀμώς, Ἀμών.
1. AMON (Septante : Ἀμώς), quatorzième roi de Juda, fils de Manassès et de Messalémeth, succéda à son père à l'âge de vingt-deux ans. IV Reg., xxi, 18-19 ; II Par., xxxin, 21. Le nom d’Amon ne se rencontre que dans ces deux passages. Manassès, adonné à l’idolâtrie, avait-il appelé ainsi son fils par respect pour la grande idole des Égyptiens, Nah., iii, 8, ou pour plaire au roi d’Egypte ? Cela peut être, mais rien ne le prouve ; car le nom ʾÂmôn a une forme vraiment hébraïque, dont la signification est exactement déterminée ʾâmôn, « constructeur, architecte » ). Héritier de l’impiété de son père, Amon se livra comme lui à l’idolâtrie, et servit « toutes les immondices qu’avait servies son père, et les adora ». IV Reg., XXI, 21. Il le dépassa même en irréligion. II Par., xxxiii, 23. Après deux ans d’un règne sans gloire et rempli de ces iniquités (642-641), il tomba victime d’une odieuse machination, et fut assassiné à l'âge de vingt-quatre ans, dans son palais, par ses propres serviteurs. IV Reg., xxi, 23 ; II Par., xxxiii, 24. Cet attentat souleva l’indignation publique, et le peuple fit justice des meurtriers. Pour Amon, il fut enseveli, comme Manassès, dans le jardin d’Oza, IV Reg., XXI, 26, qui entourait la maison de plaisance qu’il possédait hors de la ville, dans une situation inconnue. IV Reg., xxi, 18. Il eut pour successeur son fils Josias.
2. AMON, gouverneur de Samarie au temps d’Achab. III Reg., xxii, 26 ; II Par., xviii, 25. Il reçut du roi l’ordre de garder dans une dure prison le prophète Michée.
3. AMON, Chananéen. II Esdr., vii, 59. Il est appelé Ami, I Esdr., ii, 57. Voir Ami.
AMONA (hébreu : Hămônâh ; Septante : Πολνάδριον). Ce mot signifie « multitude ». Ezéchiel, xxxix, 16, appelle ainsi la ville située dans la vallée de Hamon-Gog (hébreu : Gêʾ Hămôn Gôg ; Septante : Γαὶ τὸ πολυάνδριον τοῦ Γώγ ; Vulgate : Vallis multitudinis Gog, Ezech., xxxix, ii, 15), où seront ensevelies les troupes innombrables de Gog après leur défaite. Cette vallée était, d’après le v. 11, « la vallée des voyageurs, à l’est de la mer. » La mer n’est pas désignée d’une manière précise : c’est la mer Méditerranée, d’après Calmet et Hengstenberg ; la « vallée des voyageurs » est la plaine de Mageddo, qui était la grande route commerciale de la Palestine et le champ de bataille où de tout temps se sont livrés des combats importants, depuis les Égyptiens et les Assyriens jusqu'à Napoléon Ier ; la cité d’Amona est la ville de Mageddo, qui fut appelée plus tard par les Romains Legio (aujourd’hui el-Ledjoun), nom presque synonyme d’Amona, « multitude. » On objecte contre cette explication que la mer dont parle le prophète ne saurait être la Méditerranée, parce que, dans ce cas, les mots « à l’est de la mer s n’auraient aucun sens, puisque toutes les vallées de la Palestine étaient à l’est de la Méditerranée.
Le Targum et un certain nombre de commentateurs pensent que la mer dont il est ici question est celle de Génésareth, c’est-à-dire le lac de Tibériade, que les Hébreux désignaient sous le nom de mer. Beaucoup de modernes croient qu’il s’agit de la mer Morte, et que les mots : « la vallée des voyageurs, » indiquent la grande route commerciale de Damas à la péninsule de l’Arabie, correspondant probablement à la route actuelle des pèlerins (Derb el-Hadj), allant de la même ville à la Mecque (voir la carte, col. 490). « La vallée où le carnage s’accomplit est au delà de la mer Morte, c’est-à-dire en un lieu profane, » dit M. Le Hir, Les trois grands prophètes, in-12, Paris, 1877, p. 347. D’après son explication, qui est celle d’un grand nombre d’autres interprètes, « tous ces noms, Amona, etc., sont symboliques. Les efforts que l’on a faits pour appliquer cette prophétie à la chute des Chaldéens (Ewald), de l’armée de Cambyse (dom Calmet) ou d’Antiochus Épiphane et de ses armées (Jahn), sont superflus et contredisent l’histoire, ou ne s’accordent pas avec le texte d'Ézéchiel. » Ibid. Il est plus probable, en effet, qu’Amona ne désigne pas une ville réelle, mais est un nom figuré de la nécropole où devaient être ensevelies les armées de Gog.
AMORAS ou AMÔRAÏM. Comme les Tannaïtes avaient pris la Bible pour base de leurs explications, et formé peu à peu le recueil appelé Mischna, ainsi les Amôraïm, « interprètes, » leurs successeurs, travaillèrent sur la Mischna, et de leurs commentaires, élaborés à Tibériade et dans les écoles de l’Iraq, résultèrent deux ouvrages parallèles, portant chacun le nom de Ghemara, « supplément » (de la Mischna) ou de Talmud : le Talmud de Jérusalem, œuvre des docteurs palestiniens, et celui de Babylone, œuvre des docteurs de l’Iraq. Sur les Amôraïm, voir Chiarini, Théorie du judaïsme, IIe partie. Le catalogue des principaux docteurs amôraïm qui parlent dans le Talmud est donné dans un autre ouvrage du même auteur : Le Talmud de Babylone traduit en langue française et complété par celui de Jérusalem et par d’autres monuments de l’antiquité judaïque, 2 vol. in-18, Leipzig, 1831. Au premier volume, p. 120-126, il en cite soixante-dix-huit, qui pour la plupart ne sont connus que de nom. Un manuscrit hébreu de la Bibliothèque nationale, 187, 2°, 11, contient les noms des auteurs de la Mischna…, du Talmud de Jérusalem et du Talmud de Babylone. Sur quelques-uns des principaux Amôraïm, tels qu’Abba Aréka, R. Abina, R. Aschi, R. Chiya, on peut voir des détails spéciaux à l’article qui leur est consacré. Voir Bächer, Die Agada der babylonischen Amoräer, in-8°, Strasbourg, 1878.
1. AMORRHÉENS (hébreu : ʾÉmôrî ; toujours avec l’article et au singulier, hâʾémôrî ; Septante : ᾈμοῤῥαῖοι), tribu chananéenne, mentionnée la quatrième parmi les onze qu'énumère la table ethnographique, Gen., x, 16, et la plus importante de celles qui occupaient le pays avant l’arrivée des Israélites.
I. Nom. — Plusieurs auteurs, acceptant l'étymologie proposée par J. Simonis, Onomasticon, donnent à ʾÉmôrî le sens de « montagnard », d’un mot perdu ʾÉmôr, « élévation, mont, » et d’après la signification primitive d’ʾâmar, « élever, » cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 122 : c’est ainsi que le mot ʾâmîr, Is., xvii, 6, 9, est généralement traduit par cacumen, « sommet ; » les Septante en ont même fait le nom propre Ἀμoῤῥαῖoι. Les Amorrhéens auraient ainsi été les « Highlanders » de la Palestine, ou habitants des pays hauts, tandis que les Chananéens proprement dits en auraient été les « Néerlandais » ou habitants des pays bas. Cette explication semble appuyée par certains passages de l’Écriture. Ainsi les explorateurs envoyés par Moïse pour examiner la Terre Promise, revinrent en disant : « Amalec habite au midi, l’Héthéen et le Jébuséen et l’Amorrhéen dans les montagnes ; le Chananéen habite près de la mer (la plaine des Philistins) et du Jourdain (vallée du Ghôr). » Num., xiii, 30. Nous lisons dans Josué, v, 1 : « Lorsque tous les rois des Amorrhéens qui habitaient au delà du Jourdain, vers la plage occidentale, et tous les rois de Chanaan qui possédaient les contrées voisines de la grande mer, eurent appris que le Seigneur avait desséché les flots du Jourdain, etc. » Cf. Deut., i, 44 ; Jos., x, 6 ; xi, 3. De là l’expression de « montagne des Amorrhéens » employée pour désigner le massif méridional de la Palestine. Deut., i, 7, 20.
Il est bon cependant de ne presser ni l'étymologie ni les textes, et il faut reconnaître à ce mot Amorrhéen un sens large et un sens strict, qu’il est important de distinguer pour ne pas prêter de contradictions aux auteurs sacrés. Comment se fait-il, en effet, que les Chananéens de Num., xiv, 45, sont appelés Amorrhéens, Deut., i, 44 ; que la ville d’Hébron est attribuée aux Amorrhéens, Jos., x, 5, tandis qu’elle appartenait aux Chananéens d’après Jud., i, 10 ; que l’« hévéen » de Gen., xxxiv, 2, devient amorrhéen, Gen., xlviii, 22, etc.? Ces difficultés tombent d’elles-mêmes, si l’on assigne au mot Amorrhéen la triple signification suivante, qui ressort du reste tout naturellement des différents passages où nous le lisons dans l’Ancien Testament.
1° Il a le sens général de Chananéen. Après la conquête de la Terre Promise, Josué, dans un dernier discours, demande au peuple s’il entend préférer au Seigneur « les dieux de ces Amorrhéens dont il occupe la terre ». Jos., xxiv, 15, 18 ; Jud., vi, 10. Sous Samuel on fait remarquer qu'à une certaine époque « la paix existait entre Israël et l’Amorrhéen ». I Reg., vii, 14, etc. Ce sens large est surtout employé quand il s’agit des idoles et de l’impiété des peuples vaincus par Israël, et dont il ne suivit que trop souvent les funestes exemples. III Reg., xxi, 26 ; IV Reg., xxi, 11 ; Ezech., xvi, 3, 45. Il est possible du reste que ce nom, appliqué d’abord à une tribu ou à une région déterminées, ait pris plus tard dans l’usage une plus grande extension, et ait fini par désigner l’ensemble des populations chananéennes ; c’est ainsi que les Alemanni ont donné leur nom à l’Allemagne, et que le continent africain doit le sien à la province septentrionale d’Afrique. Cette explication est d’autant plus admissible, que les Amorrhéens paraissent avoir été le plus important des peuples chananéens.
2° Ce nom indique plus strictement les principaux habitants de la Palestine méridionale. Avant comme pendant la conquête, nous voyons les Amorrhéens établis sur les points les plus avantageux de la contrée, à Asasonthamar ou Engaddi, dominant ainsi tout le rivage occidental de la mer Morte, Gen., xiv, 7 ; à Hébron, Gen., xiv, 13 ; à Lachis, à Jérimoth et à Églon, Jos., x, 5, dominant la Sephéla, et défendant l’accès de leurs montagnes. Ils sont mentionnés avec les Héthéens et les Jébuséens comme occupant le sud de Chanaan. Num., xiii, 30. Il est à remarquer d’ailleurs que, dans les vingt endroits où l'Écriture énumère les différents peuples de ce pays, elle distingue formellement l’Amorrhéen du Chananéen. Cf. Gen., xv, 21 ; Exod., iii, 8 ; xiii, 5 ; xxiii, 23 ; xxxiii, 2 ; xxxiv, 11 ; Num., xiii, 30 ; Deut., vii, 1 ; xx, 17 ; Jos., iii, 10 ; v, 1 ; ix, 1 ; xi, 3 ; xii, 8 ; xxiv, 11 ; Jud., iii, 5 ; I Esdr., ix, 1 ; II Esdr., ix, 8 ; Judith, v, 20.
3° Enfin ce nom désigne positivement les deux royaumes de Séhon et d’Og, « les deux rois des Amorrhéens, » à l’orient de la mer Morte et du Jourdain. Deut., iii, 8, 9 ; iv, 46, 47 ; Jos., ii, 10 ; ix, 10 ; xxiv, 12.
II. Pays.
Le pays des Amorrhéens, appelé par Josèphe ἡ Ἀμωρῖτις, Ant. jud., TV, vii, 3 ; ἡ Ἀμωραῖα, ibid., V, i, 1, était connu des Égyptiens sous le nom de , Amar, ou encore Amaûr. Cf. P. Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, Paris, 1876, p. 24. Il comprenait deux contrées distinctes, de chaque côté du Jourdain. Voir la carte (fig. 122).
122. — Carte du pays des Amorrhéens.
1° Pays cisjordanien. La première mention qui est faite des Amorrhéens, Gen., xiv, 7, nous les montre occupant, à l’ouest de la mer Morte, le territoire d’Asasonthamar, c’est-à-dire, d’après II Par.,xx, 2, Engaddi, ville célèbre par ses vignes, Cant, i, 13, ses palmiers et son baume. Josèphe, Ant. jud., IX, i, 2. Plus haut, dans cette gracieuse vallée qui, entre deux chaînes de vertes collines, parsemées de bouquets d’oliviers, porte la ville d’Hébron, Abraham en rencontrait qui se faisaient ses alliés. Gen., xiv, 13. Au moment de la conquête, l'Écriture parle des cinq rois amorrhéens de Jérusalem, d’Hébron, de Jérimoth (Khirbet-Yarmouk, au nord-est de Beit-Djibrin), de Lachis (Oumm el-Lakis), et d'Églon (Khirbet-Adjlàn, située, comme la précédente, à l’ouest de Beit-Djibrin). Jos., x, 5. Une partie de la tribu campait même aux environs d’Accaron (Akir) et de Joppé (Jaffa), puisqu’elle refoula les Danites dans la montagne. Jud., i, 34. Enfin leur frontière s'étendait, au midi, jusqu'à « la montée du Scorpion » (voir Acrabim), Jud., i, 36, et allait peut-être, au nord, jusque vers Sichem. Gen., xlviii, 22.
Les Amorrhéens occupaient ainsi principalement ce qu’on appelle les montagnes de Judée. Cette contrée, qui comprend le double versant de la Méditerranée et de la mer Morte avec une partie de celui du Jourdain, commence, du côté de l’ouest, par une région basse, formant comme le premier étage du massif orographique, et composée de collines peu élevées, séparées par de grandes plaines et admirablement disposées pour servir de forteresses. Au-dessus, les sommets les plus élevés, aujourd’hui assez arides et de forme généralement conique, sont séparés par d'étroits ravins, dont quelques-uns sont très profonds, où se précipitent dans la saison des pluies de rapides torrents. Moins fertile naturellement que le reste de la Palestine, ce pays était néanmoins riche en pâturages, en blé, en fruits et surtout en vin.
2° Pays transjordanien. Les Amorrhéens, à l’est du Jourdain, formaient deux royaumes. Au midi, celui de Séhon, compris entre l’Arnon, le Jaboc et le Jourdain, se trouvait comme dans une presqu'île, suivant la juste comparaison de Josèphe, Ant. jud., IV, v, 2. Il avait pour capitale Hésébon (Hesbdn). Num., xxi, 24-26 ; Deut., ii, 26-37 ; Jos., xil, 2-3. Celui du nord, capitale Édraï (aujourd’hui Der'ât), était situé, d’un côté, entre le Jaboc et l’Hermon ; de l’autre, entre le Jourdain et le Djebel Hauràn, confinant à la Syrie de Damas. Il portait le nom de royaume de Basan, et était gouverné par Og, « de la race des géants, et qui habitait à Astaroth et à Édraï. » Jos., xli, 4 ; Num., xxi, 33. Il comprenait ainsi la moitié du pays de Galaad, Jos., xii, 5 ; la Gaulanitide, le Djaulân actuel, « la région d’Argob (c’est-à-dire le Ledjah actuel, l’ancienne Trachonitide, suivant certains auteurs, ou la plaine du Hauràn, En-Nouqra, selon d’autres), avec ses soixante villes. » Voir Argob. « Toutes les villes étaient munies de murs très hauts, de portes et de traverses, sans compter d’innombrables villes qui n’avaient pas de murs. » Deut., iii, 4, 5. Selcha ou Salécha (aujourd’hui Salkhad) était un des forts avancés du côté de l’est. Deut., iii, 10 ; Jos., xii, 5.
Ces deux royaumes, dans leur ensemble, s'étendaient ainsi depuis l’Arnon jusqu’au grand Hermon. Deut., iii, 8 ; Jos., xii, 1. Tout ce pays est un immense plateau, de 750 à 900 mètres d’altitude au-dessus de la Méditerranée, n’ayant l’apparence de montagne que par sa berge occidentale, qui descend en gradins vers le lac de Tibériade et le Jourdain, et tombe à pic dans la mer Morte. Il est coupé, dans toute son épaisseur, par trois grands torrents : le Yarmouk (Chéri’at el-Mandhoûr), le Jaboc (Nahr Zerqa) et l’Arnon (Ouadi el-Modjib), qui divisent les hautes terres en fragments inégaux. En outre, des ouadis secondaires ravinent profondément les massifs rocheux et les sculptent en promontoires des formes les plus variées, mais dont le sommet, çà et là revêtu de laves basaltiques, semble de loin se confondre en une table uniforme, à peine dépassée par quelques pointes pyramidales. Cf. E. Reclus, Asie antérieure, p. 708. La contrée septentrionale, le Djaulàn, n’a que des tells, buttes ou monts isolés, alignés du nord au sud, et échelonnés du côté du Jourdain. Un large fossé, le Yarmouk, dont les branches s'étendent au nord jusqu’au versant oriental de l’Hermon, et à l’est jusqu’au Djebel Hauran, la sépare d’un pays plus montueux, l’Adjloun, bien arrosé par les affluents directs du Jourdain, et parsemé de prairies comme la Galilée n’en eut jamais dans ses plus beaux temps. Le Jaboc vient ensuite couper en deux les anciens monts de Galaad, décrivant dans sa course une demi-ellipse d’environ 110 kilomètres. Enfin du Jaboc à l’Arnon s'étend le Belka avec ses magnifiques pâturages, ses collines boisées, ses villes nombreuses, ses monuments mégalithiques. Voir Ammon, Moab, Galaad, Basan.
La région dont nous venons de décrire la physionomie générale se termine au nord-est par l’Auranitide ou le Hauran, pays remarquable autant par sa nature géologique que par le nombre infini et l’aspect tout particulier des sites ruinés qu’il renferme. Il se divise en trois parties distinctes. C’est d’abord un massif de montagnes volcaniques, le Djebel Hauran, semblable à la chaîne des Puys d’Auvergne. Plusieurs cônes, rouges comme les blocs calcinés sortis des fours, « s’alignent sur une longueur de dix kilomètres en une batterie de volcans ; c’est de là que sont sorties les énormes coulées qui forment une mer de laves, l’Argob des Hébreux, s’allongeant vers le nord-ouest, dans la direction de Damas. » E. Reclus, ouv. cité, p. 699. Cette seconde partie, ou Ledjah, n’est ainsi qu’une vaste nappe de matières fondues, qui s’est craquelée dans tous les sens en se refroidissant, coupée par des crevasses profondes et un labyrinthe de défilés. Enfin « la pente du Hauran », En-Nouqrat él-Haurân, forme, à l’ouest, une plaine fertile, ondulée et parfois bien cultivée, couverte de villes.
Au dire des voyageurs qui ont exploré cet étrange pays, c’est bien celui d’un peuple de géants, la contrée des Rephaïm ; et les nombreux monuments que le temps y a conservés sont les perpétuels témoins de la véracité du récit biblique. Parmi les anciennes habitations qu’il renferme, on peut en distinguer quatre sortes : 1° Les demeures des troglodytes, c’est-à-dire des grottes artificielles de 9 à 10 mètres de long sur 6 mètres de large et 3 mètres de haut, précédées d’une petite cour où l’on avait accès par une porte de pierre. 2° Des villages souterrains, dans lesquels on pénétrait par une tranchée profonde, qui se continuait par des passages ou rues de 5 à 7 mètres de large, flanquées d’habitations souterraines. On en trouve précisément un semblable à Der’at (Édraï), une des résidences d’Og, roi de Basan. Cf. G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1880, p. 135-148, plan, p. 136. 3° Des chambres creusées dans la surface du plateau rocheux et couvertes d’une solide voûte en pierre. 4° Enfin des maisons de pierre construites en blocs de basalte parfaitement taillés. Cf. J. G. Wetzstein, Reisebericht über Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 44 et suiv.
Quoique abandonnées et désertes depuis des siècles, les villes et bourgades de ce pays se sont bien conservées. Leur nombre et leurs ruines répondent à la description qu’en fait la Sainte Écriture. « Quelque mystérieux et incroyable que cela paraisse, dit J. L. Porter, j’ai vu de mes propres yeux que cela est littéralement vrai. Les cités sont encore là aujourd’hui. Quelques-unes portent encore les anciens noms mentionnés dans la Bible. » The Giant cities of Bashan, Londres, 1872, p. 13. Qu’il nous suffise de citer Salkhad, Bosra, Der’at, El-Qanaouât (Canath), Chaqqa, El-Mousmiyéh. Cette multitude de villes et de villages, debout au milieu de ces tristes solitudes, a quelque chose de fantastique et de désolé, qui fait sur l'àme du voyageur une impression indéfinissable. La conservation de ces cités primitives s’explique par la nature de leur construction. Les maisons sont faites en blocs épais de pierres basaltiques, et les portes elles-mêmes sont formées d’une seule dalle de six pieds de haut et d’un pied d'épaisseur, roulant sur deux forts pivots taillés dans la dalle même et insérés dans l'épaisseur des parois.
M. Maspero, d’après Brugsch, dit qu’une des tribus amorrhéennes « avait poussé jusque dans la vallée de l’Oronte, et s’appuyait sur la célèbre Qodshou (Cadès) ». Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., Paris, 1886, p. 185. Ne pouvant décrire ici que dans ses grandes lignes le territoire des Amorrhéens à l’est du Jourdain, nous renvoyons pour les détails aux ouvrages suivants : C. R. Conder, Heth and Moab, Londres, 1889, p. 106-156, 178-196 ; H. B. Tristram, The Land of Moab, Londres, 1874 ; G. Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886 ; J. L. Porter, The Giant cities of Bashan, Londres, 1872 ; p. 9-97 ; J. G. Wetzstein, ouv. cité ; G. Schumacher, The Jaulân, Londres, 1888, ou dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins, Leipzig, t. ix, 1886. Outre la carte ci-jointe, voir celles des tribus de Rubex, de Gad et de Masassé oriental.
III. Histoire. — Les renseignements qui nous restent sur les Amorrhéens cisjordaniens avant l’arrivée des Israélites sont peu nombreux. Ceux qui habitaient Asasonthamar ou Engaddi furent battus par Chodorlahomor et ses alliés. Gen., xiv, 7. Déjà Abraham avait trouvé des amis parmi ceux d’Hébron. Gen., xiv, 13. Unis aux Amalécites, ils repoussèrent la première invasion que, du désert, les Hébreux tentèrent dans le pays de Chanaan malgré l’ordre formel de Dieu : « Ils poursuivirent ceux-ci comme les abeilles ont coutume de poursuivre. » Deut., i, 43-44. Attirés par les riches contrées qui s'étendent à l’est de la mer Morte et du Jourdain, ils y fondèrent les deux royaumes dont nous avons parlé. Num., xxi, 26.
Les Israélites, arrivés au torrent d’Arnon, qui séparait les Moabites des Amorrhéens, se virent obligés de traverser du sud au nord le territoire de Séhon. Ils lui envoyèrent donc des messagers pour lui demander la permission de passer, promettant « de ne pas se détourner dans les champs et dans les vignes, de ne pas boire l’eau des puits, mais de l’acheter à prix d’argent, comme tous les aliments dont ils auraient besoin, enfin de marcher par la route royale (le Derb es-Soultân, expression encore employée en Orient) jusqu'à ce qu’ils eussent franchi les frontières ». Num., xxi, 22 ; Deut., ii, 26-29 ; Jud., xi, 19. Sourd à des propositions si raisonnables, le roi leur refusa le passage, et, rassemblant son armée, marcha contre eux dans le désert. La bataille eut lieu à Jasa. Num., xxi, 23 ; Deut., ii, 32. Dieu, qui avait défendu à son peuple d’entrer en lutte avec les Iduméens, les Moabites et les Ammonites, Deut., ii, 5, 9, 19, parce qu’ils lui étaient unis par les liens du sang, lui ordonna d’attaquer les Amorrhéens et de s’emparer de leur pays. Deut., ii, 24. Les tribus chananéennes étaient, en effet, vouées à l’extermination à cause de leurs iniquités. Gen., xv, 16. La défaite de Séhon fut complète. Frappé sans quartier avec tout son peuple, il vit tomber entre les mains des Israélites le territoire qu’il avait lui-même enlevé aux enfants de Moab et d’Ammon. Num., xxi, 24-20 ; Deut., ii, 33-37. Josèphe donne de la bataille un récit plus détaillé, Ant. jud., IV, v, 2. Cette première conquête des Hébreux et surtout la prise d’Hésébon, capitale du royaume, donnèrent lieu à un chant dont quelques strophes nous ont été conservées. Num., xxi, 27-30. Séhon eut peut-être pour alliés les Madianites avec leurs cinq chefs, appelés ses vassaux. Jos., xiii, 21 ; Num., xxxi, 8. L’occupation de Jazer, ville importante, située au nord d’Hésébon et à l’ouest de Rabbath - Ammon, vint compléter pour Israël la conquête du premier royaume amorrhéen, en lui préparant la voie pour s’emparer du royaume septentrional.
S’avançant au delà du Jaboc, dans le pays de Galaad, les vainqueurs entrèrent sur les domaines d’Og, roi de Basan. Celui-ci vint à leur rencontre avec tout son peuple, et leur présenta la bataille à Édraï. Battu comme Séhon, il laissa aux conquérants les riches contrées que nous avons décrites. Num., xxi, 33-35 ; Deut., iii, 1-7. Moïse distribua les terres des deux rois amorrhéens aux tribus de Ruben, de Gad, et à la demi-tribu de Manassé. Num., xxxii, 33 ; Jos., xiii, 8-13.
Quand les Hébreux eurent franchi le Jourdain, pris la ville de Jéricho, dont la chute entraîna celle de Haï, de Béthel, de Sichem même, au cœur du pays, les Chananéens qui habitaient le sud furent remplis d’effroi en présence de ces succès et au bruit des prodiges que Dieu avait opérés en faveur de son peuple. Jos., v, 1. Pour arrêter les progrès des envahisseurs, les rois le plus immédiatement menacés se coalisèrent. Le plus puissant d’entre eux, Adonisédec, roi de Jérusalem, se mettant à leur tête, appela Oham, roi d’Hébron ; Pharam, roi de Jérimoth ; Japhia, roi de Lachis, et Dabir, roi d'Églon, non pas pour attaquer Josué lui-même, mais bien les Gabaouites, qui s'étaient volontairement soumis à ce dernier. Ils vinrent camper autour de la ville de Gabaon et l’assiégèrent. Prévenu du danger que couraient ses alliés, Josué, encore à Galgala, forçant la marche de ses troupes, arriva dans une seule nuit, et tomba à l’improviste sur les Amorrhéens confédérés. Au lever du soleil, les Israélites étaient au pied des montagnes de Gabaon. Pleins d’ardeur et forts de la protection divine, ils mirent les ennemis en fuite et en firent un grand carnage. Ceux-ci avaient pris la direction de l’ouest pour gagner, après un certain détour, la plaine de Saron. La débandade, commencée sur la longue montée qui va de Gabaon à Béthoron-le-Haut (Beit-‘Our el-Fôqa), s’acheva sur la descente qui conduit à Béthoron-le-Bas (Beit-Our et-Taḥta). Une grêle de pierres, lancée par le ciel, fit plus de victimes que l'épée des Israélites. Arrivé au sommet du défilé où se trouve Béthoron-le-Haut, Josué vit au-dessous de lui l’armée amorrhéenne fuyant en toute hâte et dans la plus grande confusion. C’est à ce moment solennel qu’il prononça ces paroles mémorables : « Soleil, arrête-toi sur Gabaon ; et toi, lune, dans la vallée d’Aïalon. » Et le soleil fut immobile et la lune s’arrêta, jusqu'à ce que le peuple se fût vengé de ses ennemis. Les cinq rois confédérés s'étaient enfuis et cachés dans une caverne de Macéda, probablement sur les dernières pentes des montagnes, au bord de la Sephéla. Josué les fit saisir et mettre à mort ; puis, après avoir exposé jusqu’au soir leurs cadavres suspendus à cinq poteaux, il les jeta dans la caverne où ils s'étaient cachés, et plaça de grandes pierres à l’entrée de la grotte. Jos., x, 1-27. La manière dont le vainqueur traite les rois vaincus était commune dans l’antiquité. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 187, n. 2. La défaite des princes amorrhéens mit d’un seul coup entre les mains des Hébreux la partie de Chanaan qui s'étend des montagnes d'Éphraïm au désert du midi. Jos., x, 28-42.
123. — Tête d’Amorrhéen. Bristish Museum.
Vaincus, les Amorrhéens, aussi bien que les autres Chananéens, ne furent pas complètement exterminés. Ils demeurèrent au milieu des Israélites, qui s’unirent à eux par des mariages et trop souvent se laissèrent aller à imiter leur idolâtrie. Jud., iii, 5-7. Salomon leur imposa des tributs et des corvées. III Reg., ix, 20-21 ; II Par., vin, 7-8. Après la captivité, les Juifs eurent avec eux des liaisons qu’Esdras s’appliqua à briser. I Esdr., ix, 1-2 ; x.
Les monuments égyptiens mentionnent quelques victoires des Pharaons sur les Amorrhéens, principalement sur ceux de la vallée de l’Oronte, sous Séti Ier et Ramsès II. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., p. 214-215, 220 ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., Paris, 1882, t. ii, p. 232.
IV. Mœurs, religion, langue.
La Bible n’indique aucun caractère particulier qui distingue les Amorrhéens des autres peuples chananéens. Le prophète Amos, les prenant en quelque sorte pour types de ces derniers, compare leur taille à celle des cèdres, et leur force à celle du chêne, ii, 9, rappelant, par cette hyperbole poétique, l’impression qu’ils avaient produite sur les explorateurs envoyés par Moïse. Num., xiii, 33, 34. Les artistes égyptiens, qui se sont appliqués à reproduire avec exactitude la physionomie des races vaincues et les traits des rois prisonniers, nous représentent (fig. 123) les Amorrhéens avec de longs cheveux noirs serrés autour de la tête par une bandelette souvent ornée de petits disques. La barbe est allongée en pointe, et le vêtement consiste en une longue tunique fermée, avec des manches courtes, et retenue à la taille par une ceinture dont les bouts sont pendants. Leurs armes sont l’arc et le bouclier oblong. C’est ainsi qu’on les voit sur les monuments de Médinet-Abou (fig. 124), et sur certains fragments antiques provenant du palais de Ramsès III, à Tell el-Yahudéh, dans la Basse-Egypte. Cf. H. G. Tomkins, Studies on the Urnes of Abraham, Londres, p. 85, et planche VI.
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124. — Captif amorrhéen. Temple de Médinet-Abou.
M. Flinders Petrie, dans les fouilles qu’il a commencées en 1890 à Tell el-Hésy, sur la rive gauche de l’ouadi de même nom et au sud-ouest de Beit-Djibrin, a cru retrouver le site de Lachis, ancienne ville amorrhéenne, généralement placée un peu plus loin, à Oumm el-Lakis. Il a découvert des murs antiques qui rappellent les vieilles et fortes cités dont parle l'Écriture, Num., xiii, 29, et un grand nombre de poteries qui seraient les plus curieux spécimens de l’art amorrhéen. Voir, pour les détails, son ouvrage, Tell el-llesy (Lachish), in-4o, Londres, 1891, et Palestine Exploration Fund, Quarterly statement, 1890, p. 159-170, 219-246 ; 1891, p. 97, 207, 282-298. Voir Lachis.
La religion des Amorrhéens ne différait pas de celle des Chananéens en général. Cependant, comme nous l’avons fait remarquer, c’est leur nom qui est le plus souvent cité quand il s’agit de l’idolâtrie et des iniquités de ces peuples. Cf. Ezech., xvi, 3, 45. Une des résidences du roi Og, Astaroth-Carnaïm ou Astarté aux deux cornes, rappelle le nom d’une des principales divinités de ce pays, Astarté, qu’on représente quelquefois avec un croissant d’or au-dessus de la tête. De même Baal entre dans la composition de certains noms de villes, comme BaalGad, Baal-Hazor, Baal-Méon, etc.
Les Amorrhéens devaient également parler la même langue que les autres habitants de Chanaan. Un seul mot particulier nous a été conservé : c’est le nom qu’ils donnaient au mont Hermon, Sanir (èenir), Deut., iii, 9, et qu’on retrouve dans les inscriptions assyriennes sous la formé Sa-ni-ru. Cf. Fried. Delitzsch, Wo lag das Paradies ? Leipzig, 1881, p. 104.
2. AMORRHÉENS (MONT DES). Moïse, dans le Deutéronome, i, 7, appelle ainsi, non pas une montagne particulière, mais le pays montagneux qu’habitaient les Amorrhéens, avant d’en avoir été chassés par les Israélites, au sud de la Palestine entre Bersabée et Cadesbarné.
AMORT Eusèbe, théologien catholique allemand, né le 15 novembre 1692, à Bibermùhle, près de Tölz, en Bavière, mort à Polling, le 5 février 1775. Il entra encore jeune au monastère des chanoines réguliers de Polling, et y devint, en 1717, professeur de philosophie, puis de théologie. Plus tard, le cardinal Lereari se l’attacha comme théologien, et son séjour à Rome lui permit d’acquérir beaucoup de connaissances qu’il utilisa à son retour, en 1735, dans son couvent, qu’il ne quitta plus jusqu'à sa mort, en 1775. Parmi les nombreux ouvrages qui l’ont rendu célèbre comme théologien et canoniste, nous n’avons à citer que sa Demonstratio critica religionis catholicæ, in-f°, Venise, 1744, qui touche à diverses questions scripturaires. Voir A. von Savioli-Corbelli, Ehrendenkmal des Eus. Amort, Gedächtnissrede in einer öffentl. Versammlung der Akademie der Wissenschaften 1777 zu München gehalten ; Baader, Das gelehrte Bayern, Nuremberg, 1804, t. i, p. 20 ; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. i, col. 754.
1. AMOS (hébreu : עטום, 'Amôs, « porteur » ; Septante : Ἀμώς) qu’il ne faut pas confondre avec Amos (hébreu : אטוץ, 'Âmôs) père d’Isaïe, est le troisième des petits prophètes.
I. Vie d’Amos. — Amos, originaire de Thécué (Am., 1, 1), était un pasteur (nôqêd) qui, de plus, cultivait les sycomores, dont il vendait les fruits (Am., vii, 14, bolês = κνίζων, distringens). Voir Thécué et Sycomore. Il paissait donc un troupeau, le sien peut-être, lorsqu’il fut envoyé de Dieu en Israël pour y prophétiser. Il alla à Béthel, où était le sanctuaire national, Am., vii, 13, le centre du culte des veaux d’or, et il y remplit sa mission. Là il rencontra dans la personne d’Amasias, sacrificateur de Béthel, un violent contradicteur. Dénoncé par lui à Jéroboam II et invité à retourner en Juda : « Je suis un simple berger sans culture littéraire, répondit-il, mais enfin pourtant je suis un envoyé de Jéhovah. » Cf. Am., vii, 14-15. Il prédit ensuite à Amasias qu’il mourrait en pays étranger, que les siens subiraient la mort et la honte, et qu’Israël serait emmené en captivité. Am., vii, 10-17. Après cet épisode, on ne sait ce qu’il devint. Pseudo-Épiphane, De vitis prophet., t. xliii, col. 405, et pseudo-Dorothée racontent qu’il fut frappé aux tempes d’une massue (clava ; autre leçon : clavo), qu’il fut porté mourant à Thécué, et qu’il y expira deux jours après ; mais ces détails nous paraissent une légende sans autorité.
II. Date et caractère de sa prophétie. — Amos prophétisa sous les rois Ozias de Juda et Jéroboam II d’Israël, Am., i, 1, entre l’an 804 et l’an 779, par conséquent. Il accomplit sa mission très probablement vers la fin du règne de Jéroboam II, car plusieurs textes supposent les victoires de ce prince. L’indication : « deux ans avant le tremblement de terre, » Am., 1, 1, ne dit absolument rien pour nous, puisqu’on ignore la date de ce tremblement de terre, d’ailleurs célèbre. Zach., xiv, 5. Le royaume d’Israël, à cette époque, était puissant et riche. Il n’avait plus à craindre les Syriens, ses voisins redoutables. IV Reg., xiii, 7. À Joas, heureux déjà dans ses guerres, avait succédé un roi plus brave encore ; Jéroboam II avait rendu à Israël ses frontières, depuis l’entrée d'Émath jusqu’au torrent du désert, IV Reg., xiv, 25, selon la parole de Jonas. L’Assyrie avait-elle contribué à ce relèvement d’Israël ? Quelques-uns le pensent, et le « sauveur » dont il s’agit IV Reg., xiii, 5, serait, selon eux, Rammanirari III. G. Brunengo, L’impero di Babilonia et di N’mive, Prato, 1885, t. i, p. 418 et suiv. Quoi qu’il en soit, le royaume du Nord avait atteint l’apogée de sa gloire. Mais il s’en fallait beaucoup que l'état moral et religieux répondit à ce grand éclat. À cet égard, c'était une vraie décadence : les riches et les grands opprimaient les pauvres par des exactions et des injustices, par le vol et l’usure ; les marchands faussaient les mesures : ils faisaient l’épha aussi petit et le sicle aussi grand que possible, Am., viii, 5, 6 ; tous se livraient à l’orgueil, au luxe, à la vie molle et voluptueuse. D’autre part, l’idolâtrie dominait partout : on sacrifiait sur les hauts lieux ; à Béthel, dans le petit temple élevé par le roi (miqdaš mélek), on adorait Jéhovah sous la figure d’un jeune taureau d’or ; de même à Galgala. Am., iv, 4. On allait en pèlerinage sur les frontières à Bersabée. Am., v. 5. On observait les fêtes, on offrait des holocaustes, on payait les dîmes, sans doute, mais sans esprit de vérité et de justice. On conçoit que l’habileté et l’activité guerrière de Jéroboam II n’aient pu arrêter la décadence. Elle devait se précipiter. La perte était certaine.
Ce fut à cette date et dans ces conditions que parut Amos. Il vint de Juda, trait déjà caractéristique ; il se rendit à Béthel, en plein centre d’idolâtrie. Dieu lui avait confié une double mission : reprocher à Israël ses infidélités à la loi, et lui dénoncer un châtiment devenu inévitable. Il remplit cette mission comme il convenait. Il parlait durement, sans voiler le crime, sans dissimuler la punition, sans crainte. Ses discours étaient brefs, pleins d’images. Il les répétait sans doute. Il avait des visions qu’il exposait comme il les avait eues. On s’imagine aisément la profonde impression qu’il dut produire sur Israël. L'épisode d’Amasias rapporté plus haut en est une preuve. Am., vu, 10-21. Son ministère de terreur fut très court, à ce qu’il semble. Il était terminé deux ans avant le tremblement de terre dont il est parlé, Ain., i, 1. Amos était sans doute retourné à Thécué.
M. Renan a dénaturé le caractère et la mission de ce prophète. Amos, selon lui, « fut l’interprète des protestations de la démocratie théocratique contre les nécessités d’un monde qui échappait chaque jour aux rêves enfantins. » Ce fut « la première voix de tribun que le monde ait entendue… On peut dire que le premier article de journaliste intransigeant a été écrit 800 ans avant J.-C. et que c’est Amos qui l’a écrit… Il y a beaucoup d’exagération dans le tableau qu’il trace des crimes qui se commettaient dans Samarie. Homme d’opposition à outrance, Amos voit tout en noir… » Histoire du peuple d’Israël, Paris, 1889, t. ii, p. 425, 431 ; cf. 432, 434, 436. Rien ne justifie ces appréciations. Tout ce que l’on peut savoir d’Amos les contredit. S’il fut l’interprète de protestations, ce fut des protestations de Lieu, comme il le dit lui-même. S’il fut homme d’opposition, c’est sur l’ordre de Dieu, et, à cet égard, il a conquis notre admiration. Quant à l’exagération de ses peintures morales, elle n’existe pas : M. Renan sait-il mieux qu’Amos, un contemporain, ce qu’il en était des mœurs et de la société de ce temps ? — Aucun autre rationaliste n’a osé traiter Amos avec cette injustice.
III. Authenticité de la prophétie d’Amos. — Rentré en Juda, Amos voulut mettre ses prophéties par écrit. Il rédigea donc le livre tel que nous l’avons aujourd’hui. À quelle date, ou ne le sait pas au juste. Il paraît bien que ce fut après le tremblement de terre. Am., i, 1. Qu’il soit l’auteur de ce livre, c’est ce qui est prouvé : 1° par la tradition tant juive que chrétienne ; 2° par le style du livre lui-même, qui est, par les tournures et les images qui le distinguent, celui d’un berger, comme était Amos ; 3° par l’affirmation explicite qu’il contient, Am., vii, 1, 4, et viii, 1 ( « Jéhovah m’a montré ces choses » ) ; vii, 2, 5, 8 ; viii, 2 ; ix, 1. L’emploi du style indirect, Am., i, 1, 2 (« Paroles d’Amos », etc.) ; vii, 14 ( « Et Amos répondant », etc.) n’infirme pas cette dernière preuve. D’ailleurs les adversaires l’avouent : « Il est incontestable, dit Th. Nöldeke (Schenkel’s Bibel-Lexicon, au mot Amos), que l’ouvrage doit être attribué à Amos. Jamais un doute ne s'élèvera à cet égard. » Il s’en est élevé un cependant, car on lit dans il. Vernés, Les Résultats de l’Exégèse biblique, Paris, 1890, p. 208 : « Quelques lignes d’Amos… peuvent surnager, mais le corps en doit être sacrifié sans hésitation. » De son côté, M. Renan, ouvr. cit., p. 435, note 2 ; p. 439, note 1, attribue en général la compilation, ou, si l’on veut, l’extrait des prophètes à des écrivains du Sud, qui l’auraient fait d’une « manière tendancieuse ». Mais ces affirmations ne tiennent pas debout : ce sont des hypothèses. Du reste, elles ont pour cause un préjugé dogmatique connu, la négation de l’existence de la prophétie. Voir, sur l’origine du livre, O. Schmoller, Die Propheten Hosea, Joël und Amos, Bielefeld et Leipzig, 187-2, p. 152-158.
Amos est donc l’auteur de ce petit écrit, et cet écrit est inspiré. Ce point ne fait aucun doute. L'Écriture, en effet, le cite comme tel : Tob., ii, 6 : « par le prophète Amos » ; cf. Am., viii, 10 ; I Mac, i, 41 ; Act., vii, 42, 43 : « Comme il est écrit dans le livre des prophètes » ; voir Am., v, 25, 26 ; Act., xv, 15, 16, 17 : « Les paroles des prophètes s’accordent avec lui (Pierre), selon qu’il est écrit » ; voir Am., ix, 1. Les prophètes postérieurs y font souvent allusion, surtout s’il s’agit des peuples étrangers (O. Schmoller, ouvr. cit., p. 158). Aussi existe-t-il dans toutes les listes canoniques, privées ou officielles. Son inspiration et sa canonicité sont un point de foi.
IV. Plan et analyse de la prophétie. — Cet écrit ne renferme pas toutes ies prophéties faites par Amos. Il n’en contient que les idées principales, et encore y sont-elles présentées dans un ordre nouveau. R. Cornely, Introductio in utriusque Test, libros sacros, II, 2, Paris, 1887, p. 57. — Le plan est simple : une introduction et deux parties. L’introduction est une série d’oracles analogues contre les peuples étrangers et Juda. Ils amènent naturellement les prophéties contre Israël. À leur tour, ces prophéties affectent, les unes la forme de discours, les autres celles de visions. Les discours, comme les visions, sont étroitement unis entre eux : un discours appelle l’autre, et les visions se rattachent aux discours par la similitude du sujet traité. Am., viii, 4-14, explique la suite des visions. Or ce texte suppose les reproches et les menaces qui sont dans les discours. Tel est le plan du livre en général. Cf. O. Schmoller, ouvr. cit., p. 153, 154. — En voici l’analyse. Introduction, i-ii. Inscription, 1, 1. Menace générale tirée de Joël, 1, 2. Amos reproche à Damas, à Gaza (Philistins), à Tyr, les crimes qu’ils ont commis contre Israël. Il leur prédit le châtiment distinct qui va les frapper, i, 3-10. Il agit de même vis-à-vis d'Édom, d’Aminon et de Moab, trois peuples apparentés, i, ii-ii, 3. Amos passe de là à Juda, qui sera puni par le fer pour avoir violé la loi et couru après les idoles, ii, 4, 5. Il s’arrête ensuite à Israël lui-même. Israël vend le juste pour de l’argent et le pauvre pour une paire de sandales. Il opprime le faible (ʾébyôn) par l’usure, par les gages qu’il exige de lui. Il est ingrat pour les bienfaits passés. Aussi Dieu ne peut-il le souffrir, et sa colère éclatera avec bruit comme le char qui grince sous le poids du foin qu’il porte, et Israël périra inévitablement, ii, 6-10.
Première partie, iii-vi : elle contient trois discours. — Premier discours, iii, 1-15 : Israël est un peuple choisi, il sera donc puni pour cela des péchés qu’il commet. La punition qu’il mérite est proche. Il renverse tout ordre ; il opprime le juste ; il accumule dans ses palais tout l’or ravi aux pauvres. Dieu le châtiera : il renversera les palais des grands : maisons d’hiver et maisons d'été ; il détruira les autels qui sont à Béthel. — Deuxième discours, iv, 1-13 : Les femmes sont l’origine de tous ces maux. Dures envers les faibles qu’elles oppriment, elles se livrent à la bonne chère. Dieu le jure par sa sainteté, elles seront prises et traînées en captivité. L’idolâtrie est incurable en Israël. La famine, la sécheresse, les sauterelles, la peste et la guerre sont déjà venues pour l’en punir. Il ne s’est pas converti, c’est pourquoi Dieu le frappera plus fort pour l’amener au repentir. — Troisième discours, v, vi : Élégie sur la ruine de la maison d’Israël, v, 1-3. Dieu avait averti Israël de fuir les idoles ; il ne l’a pas écouté ; il n’a pas pris garde à sa toute-puissance ; il s’est livré a l’injustice, à la haine de ceux qui le reprenaient, au luxe des palais, à la vie sensuelle ; aussi partout s’entendra un chant de deuil et partout retentira : « Malheur ! malheur ! » Il y en a qui désirent le jour de Dieu : ils ne le connaissent pas ; ce jour sera horrible : ce sera comme quand un homme fuyant devant un lion se trouve face à face avec un ours ; ou comme si, entrant dans sa maison et s’appuyant contre le mur, un serpent le mord. L’horreur de ce jour ne sera pas diminuée par les sacrifices extérieure que Dieu a en dégoût, comme le montre l’histoire du séjour dans le désert du Sinaï. Ce jour apportera l’exil au delà de Damas. Malheur aux grands du pays qui se fient à leur force ! Ils mènent une vie de plaisir, sans souci du « brisement de Joseph ». Eux aussi iront en exil. Dieu le jure par son âme, il exterminera Israël. Il frappera ville, maisons, et ceux qui les habitent. Un peuple viendra, qui détruira le royaume dans son étendue actuelle. — Ces trois discours s’ouvrent par les mêmes mots : Simʿû haddâbâr hazzêh, « Écoutez cette parole, » Am., iii, 1 ; iv, 1 ; v, 1. On y trouve répétées deux choses : des reproches et des menaces. Il est facile de voir qu’il y a dans ces discours une gradation ascendante.
Deuxième partie, vii-ix : elle comprend cinq visions symboliques, qui ont toutes pour objet la ruine et la chute d’Israël. — Vision des sauterelles, vii, 1-3 : Amos voit des sauterelles dévorant toute l’herbe du pays. À sa prière, Dieu promet que cette vision ne sera pas réalisée. — Vision du feu, vii, 4-6 : Amos voit un feu de justice ravageant l’abîme des mers et Israël, la part de Dieu. Il prie encore, et Dieu promet de ne pas l’envoyer. — Les autres visions révèlent la chute imminente de la maison royale et du royaume. Il n’y a plus d’intercession efficace. — Vision de la truelle (quelques-uns disent du fil à plomb ; en réalité d’un crépissage qui est interrompu. Knabenbauer, Prophet. min., p. 314 et suiv.), vii, 7-17 : Amos voit Dieu sur un mur qu’il va cesser de crépir. Israël sera détruit, et la dynastie régnante périra par le glaive. — Épisode d’Amasias, terminé par une prédiction de la captivité. — Vision du crochet à fruits, viii, 1-14 : Amos voit un crochet préparé pour cueillir les fruits, image de la ruine du pays : à cause des iniquités commises à l'égard des pauvres, Dieu jugera la terre, changera les fêtes en jours de deuil et les chants de joie en plaintes lugubres. Il amènera sur la terre, comme peine suprême, la faim de la parole prophétique. — Vision de Dieu sur l’autel, IX : Amos voit Dieu debout sur l’autel des holocaustes, ordonnant de frapper un chapiteau (Vulgate : cardinem) du temple. Tous tombent dans cette chute. Les fuyards périssent par le glaive, la mort les atteint partout. Dieu est puissant. Israël est devenu semblable à un peuple païen. Il ne périra pas cependant tout entier, les pécheurs seuls mourront. Après cela viendra le jour du Seigneur. Il relèvera la maison de David, étendra son règne sur toutes les nations. Un âge d’or apparaîtra. Le peuple choisi reviendra, et jamais plus il ne sera arraché à sa terre : magnifique espérance se levant sur les jours sombres qui viennent d'être prédits. — Voir, sur la division du texte et le sujet traité, Rückert, Hebräische Propheten, Leipzig, 1831, p. 09 ; R. Cornely, ouvr. cit., p. 547-550.
V. Style d’Amos. — La langue du livre est pure. Quelques mots s'écartent de l’orthographe ordinaire, ce qu’il faut attribuer ou à une variante de copiste ou à l’existence d’un dialecte plus doux usité dans le Sud. D’ailleurs ces mots sont peu nombreux : mêʿiq pour mêṣîq, ii, 13 ; bôšês pour bôsês, v, 11 ; metàʾêb pour metàʿêb, vi, 8 ; mesàrêf pour meṡârêf, vi, 10 ; yisḥâq pour yiṣḥâq, vii, 9, 1C ; nišqâh pour nîšqeʾâh, viii, 8 (F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 167). Elle a plusieurs expressions qui ne se trouvent que là : iv, 6, « la propreté des dents » ; iv, 13, « créant le vent » ; v, 11 (bôsês) ; vii, 7, 8 (ʾànâk, stannatio) ; vii, 9, « les hauts lieux d’Isaac » (Vulgate : « les hauts lieux de l’idole » ) ; vii, 14, bôlês, « ouvrant, fendant » ; vii, 16, « la maison d’Isaac » (Vulgate : « la maison de l’idole » ). Les images abondent. « Nulle part ailleurs chez les prophètes, dit H. Ewald, Die Propheten des alten Bundes, Gœttingue, 1878, t. I, p. 84, on ne rencontre tant de souvenirs de la vie champêtre, exprimés avec la vérité et l’originalité la plus pure, et aussi avec une inépuisable richesse. » G. Baur a signalé toutes ces images. Indiquons au hasard, i, 2 ; ii, 13 ; iii, 12 ; iv, 13 (Dieu) ; ix, 6 ; v, 16, 17 ; v, 18, 19, « le jour de Jéhovah » ; vi, 4-6 (vie des grands) ; iv, 1-3 (grandes dames samaritaines) ; viii, 8-14 (invasion assyrienne) ; viii, 2-3 ; ix, 2-5, 13-15 (âge d’or). Jeux de mots : v, 5 (hagilgâl gâlôh yiglêh, « Galgala sera emmenée captive » ) ; viii, 2 (qâyîṣ… bâʾhaqqêṣ) ; vi, 7 (vesâr mirzâḥ serûḥîm). Il résulte de là un style clair, vif, pressé, original. Le soin que prend Amos de séparer les sujets qu’il traite, Am., IV, 1 ; v, 1, etc., fait que chaque division est un morceau achevé. On y sent un rythme plein, souvent sonore. On y distingue aussi parfois des strophes régulières. Sa diction a été comparée à celle de Job. Quoi qu’il en soit, Amos écrit comme un grand prophète. Il est savant ; sa connaissance du Pentateuque surtout est évidente. Trochon, Les Petits prophètes, p. 137. Il est éloquent, mais de cette éloquence qui ne s’apprend pas aux écoles selon les règles classiques ; c’est une éloquence divine : « Neque enim hæc humana industria composita, sed divina mente sunt fusa et sapienter et eloquenter. » S. Augustin, De Doct. chr., iv, 7, 21 ; t. xxxiv, col. 98. C’est en ce sens qu’il faut entendre le mot de saint Jérôme : « imperitus sermone, sed non scientia, » mot appliqué par lui à Amos, et qui a égaré beaucoup d’appréciateurs de son style. Saint Augustin, loc. cit., a fait la critique littéraire d’Amos, vi, 1-6, et sa conclusion est que les écrivains sacrés peuvent être des modèles du bien dire. Les modernes s’accordent à parler comme saint Augustin. R. Lowth, un juge excellent, écrit à cet égard : « Evolvat modo scripta ejus (Amos) œquus judex, de re, non de homine quæsiturus ; censebit, credo, potius pastorem nostrum μηδὲν ὑστερηκέναι τῶν ὑπερ λίαν προσητῶν ut sensuum elatione et magnificentia spiritus prope summis parem, ita etiam dictionis splendore et compositionis elegantia vix quoque inferiorem. » De sacra poesi Hebræorum, Oxford, 1775, 3e édit., 1. 1, p. 287. Ce jugement, il faut le reconnaître, est un peu enthousiaste. O. Schmoller, ouvr. cit., p. 158 et suiv.
VI. Histoire du texte. — Le texte d’Amos nous est parvenu dans toute son intégrité. Les citations qui en sont faites par Osée, Sophonie, Jérémie (A. Kueper, Jeremias librorum sacrorum interpres atque vindex, p. 71-73, 79-82, 98, 99), Zacharie, l’auteur de Tobie et les anciennes versions le prouvent assez. G. Baur, après avoir soumis ces versions à un examen sérieux, conclut ainsi : « À comparer le texte actuel au texte primitif, tel qu’on le rétablit suivant les anciennes versions, nous devons dire que celles-ci portent en faveur de l’antiquité du texte présent un témoignage décisif. Les différences que l’on constate dans la version grecque sont en grande partie, si l’on y regarde de près, l’effet de quelques méprises du traducteur. Les autres versions grecques, comme aussi le Targum, la Peschito, la version hiéronymienne, offrent partout les mêmes leçons que notre hébreu actuel. Si quelqu’une s’en écarte, cet écart est redressé par l’accord des autres avec le texte que nous avons. Un certain nombre de variantes reposent sur une vocalisation différente, ce qui ne change en rien le texte, et prouve seulement que les traducteurs l’ont lu ou compris autrement que nous. D’autres variantes sont plus importantes, comme, par exemple, en fait de consonnes, kîʾôr au lieu de kâyeʾôr, Am., viii, 8, etc. Ouvr. cit., p. 148, 149. » On pourrait en citer d’autres. Quant aux variantes des manuscrits massorétiques eux-mêmes, elles sont peu importantes (De Rossi, Variæ lectiones, etc., t. iii, p. 186-190 ; Scholia critica, etc., Parme, 1798, p. 84-88). G. Bickell regarde Amos, vii, 2, comme une glose ajoutée plus tard ; Schrader le croit aussi ; mais leurs raisons ne sont pas concluantes. Voir Knabenbauer, ouvr. cit., p. 299. — Un mot de la Vulgate. Aucune autre version ne la vaut. Suivant pas à pas le texte, elle en rend bien le sens. Parfois elle s’attache à la lettre, ce qui la rend un peu obscure. Voici quelques leçons à remarquer : Am., i, 2 : Speciosa pastorum, pour neʾôṭ hârôʿîm (αἱ νομαὶ τῶν ποιμένον) ; Am., 1, 5 : de campo idoli, mibbiqʿaṭ ʾâven ; de domo voluptatis, mibbéṭ ʿédén ; Am., 1, 15 : Melchom, malkâm ; Am., iii, 11 : tribulabitur, ṣar (hostis) ; Am., iii, 12 : in Damasci grabato, bidméšėq 'âréṡ (in serico damasceno lecti) ; Am., iv, 6 : stuporem dentium, niqyîôn šinnaim (munditiem dentium) ; Am., v, 26 : tabernaculum Moloch vestro, sikkûṭ malkekém (arcam regis vestri) ; imaginem idolorum vestrorum, sidus dei vestri, kiyyûn ṣalmêkém (kaivan, idola vestra) ; kôkab ʾělôhêkém (stellam deorum vestrorum), cf. Knabenbauer, ouvr. cit., p. 296. Am., vii, 7 : trulla cœmentarii, ʾânâk (stannatio) ; Am., ix, 1 : avaritia enim in capite, ûbṣaʿam berôʾš (concide eos in caput), etc. Voir G. Baur, ouvr. cit., p. 127-149.
VII. Prophétie messianique. — La vision d’Amos, ix, 1 et suiv., est une vision de ruine et de salut. À Israël détruit succédera un nouvel Israël, qui s'étendra partout et vivra toujours heureux. On appelle cette partie de la vision la prophétie du fils des tombés (bar nôflim), par allusion au Messie, fils de la maison tombée de David ; c’est une prophétie messianique :
En ce jour, je relèverai la hutte tombée de David,
Je refermerai par un mur ses ouvertures,
Je relèverai ce qui en est tombé :
Je la rétablirai comme aux anciens jours.
Ils posséderont ainsi les restes de l’Idumée,
Et toutes les nations sur lesquelles mon nom a été invoqué.
— Tel est l’oracle de Jéhovah qui fait cela.
Voici venir des jours, dit Jéhovah,
Et le moissonneur suivra de près celui qui laboure,
Celui qui foule le raisin, le semeur.
Les montagnes ruisselleront de vin,
Et toutes les collines couleront [d’huile].
Je ramènerai les captifs de mon peuple d’Israël :
Ils rebâtiront les villes détruites,
Ils replanteront leurs vignobles et en boiront le vin,
Ils feront des jardins et on goûteront le fruit.
Je les replanterai sur leur sol,
Je ne les arracherai plus de la terre que je leur ai donnée,
Dit Jéhovah, ton Élohim.
Quelques-uns ont appliqué cette prédiction au relèvement de la dynastie et du royaume de David après la captivité et l’exil. Mais nous croyons qu’elle s’entend mieux, et même, selon plusieurs, qu’elle s’entend exclusivement du Messie et de l'Église. À l'Église seule, en effet, à l'Église fondée par le Messie conviennent les traits de cet oracle, cette extension, cette prospérité merveilleuse, cette durée qui ne sera pas interrompue. Ainsi ont pensé les anciens Juifs, les Pères après saint Jacques, Act., xv, 16, 17, et aujourd’hui c’est le sentiment des meilleurs interprètes : T. Beelen, Comment, in Act. Apost., Louvain, 1864, p. 382-387 ; F.-X. Patrizi, In Act. Apost. comment., Rome, 1807, p. 122, etc. L’origine de l'Église, son développement, les grâces répandues sur elle sont l’accomplissement de cette prophétie, accomplissement qui ne sera achevé que par le jugement dernier au second avènement. « Alors la terre sera un nouveau pays de Chanaan, où Dieu habitera au milieu de son peuple dans un royaume de gloire. » Les dogmes révélés ici sont l’universalité (ʉ. 12), la sainteté et l’abondance des dons surnaturels qui l’accompagnent (ʉ. 13, 14), et l’indéfectibilité de l'Église (ʉ. 15). Voir, sur cette prophétie : L. Reinke, Die messianischen Weissagungen, t. iii, Giessen, 1861, p. 184-208 ; J. Knabenbauer, ouvr. cit., p. 332 et suiv. ; F. Keil, ouvr. cit., p. 234 et suiv. ; F. Delitzseh, Messianic Prophecies, p. 9 ; C. Trochon, Introduction générale aux Prophètes, Paris, 1883, p. 74.
Amos est représenté, dans l’art chrétien, avec les attributs de la profession pastorale. Il tient ordinairement une houlette, et un agneau est placé près de lui, pour figurer le troupeau qu’il gardait à Thécué. Amos, i, 1. Voir Ch. Cahier, Caractéristiques des saints, Paris, 1867, p. 21, 133. Cf. p. 719 le passage d’Amos, IX, 11, qui accompagne parfois dans un cartouche la représentation du prophète.
VIII. Commentateurs. — Auteurs ayant spécialement écrit sur Amos : * E. Schade, Commentarius in Amos prophetam, in-8o, Strasbourg, 1588 ; *J. Gerhard, Adnotationes posthumæ in prophetas Amos et Jonam, in-4o, Iéna, 1663 et 1670 ; *C. B. Michælis, Exercitatio philol.theologica de vaticinio Amos prophetiæ, in-4o, Halle, 1736 ; *J. C. Harenberg, Amos propheta expositus, interpretatione latina instructus, amplissimo commentario ex theologia ebræea et isrælitica, ex linguarum adminiculis, ex ritibus antiquis, ex chronologia et geographia illustratus, etc., in-4o, Leyde, 1763 ; *L. J. Uhland, Annotationes ad loca quædam Amosi imprimis historica, in-4o, Tubingue, 1779-1780 ; *J. C. W. Dahl, Amos neu übersetzt und erläutert, in-8o, Goettingue, 1795 ; * R. W. Justi, Amos neu übersetzt und erläutert, in - 8°, Leipzig, 1799 ; *J. S. Vater, Amos übersetzt und erläutert mit Beifügung des hebräischen Textes und der grieschichen Septuaginta nebst Anmerkungen zu letzterem, in- 4°, Halle, 1810 ; *J. W. J. Juynboll, De Amoso, Leyde, 1828 ; * G. Baur, Der Prophet Amos erklärt, in-8 D, Giessen, 1847 [fait autorité] ; * O. Schmoller, Die Propheten Hosea, Joël und Amos, in-8o, Bielefeld und Leipzig, 1872 ; * C. F. Keil, Die zwölf kleinen Propheten, in-8o, 2e édit., Leipzig, 1873 ; [*J. M. Faber], Abweichungen der griechischen Uebersetzung des Amos von hebräischen Texte nach der Waltonischen Polyglotten Bibel, dans le Repertorium für biblische und morgenländische Literatur, in-8o, Leipzig, 1780, p. 208-262 ; Vergleichung der Londoner Ausgabe der Peschilo in Propheten Amos mit dem Texte derselben in Ephrem’s der Syrers Werken, dans G. Wahl’s Magazin für alte besonders morgendländische und biblische Literatur, p. 78-99 ; *Haze, Stylus Amos Prophetæ ex illius vita erutus, Halle, 1755.
2. AMOS (hébreu : ʾAmoṣ, « vigoureux ; » Septante : Ἀμώς), père du prophète Isaïe. IV Reg., xix, 2, 20 ; xx, 1 ; II Par., xxvi, 22 ; xxxii, 20, 32 ; Is., i, 1 ; ii, 1 ; xiii, 1 ; xx, 2. Il ne faut pas le confondre avec Amos, le quatrième des petits prophètes, dont le nom du reste s'écrit différemment. Voir Amos 1. Les Juifs ont prétendu qu’il était frère du roi Amasias. Voir Isaïe.
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125. — Sceau hébraïque.
Le nom d’Amos, écrit comme celui du père d’Isaïe, se lit sur un sceau appartenant au Dr Grant-Bey, du Caire, et publié par M. Sayce dans le Babylonian and Oriental Record, octobre 1887, p. 194. L’inscription est en hébreu. Elle porte אמץ הספר, ʾAmoṣ hassôfêr, c’est-à-dire « Amos le scribe ». À la partie supérieure du sceau est figuré le disque divin ailé ; au-dessous est un autel, et de chaque côté de l’autel un personnage assyrien (fig. 125), ce qui semble indiquer que le propriétaire du sceau était un Israélite captif en Assyrie, et peut-être infidèle à son Dieu, puisqu’il avait fait graver son nom sur un sceau qui porte un emblème idolâtrique.
3. AMOS (Nouveau Testament : Ἀμώς), fils de Nahum et père de Mathathias, dans la généalogie de Notre-Seigneur selon saint Luc. Luc, iii, 25.
AMOSA (hébreu : Môsâh, probablement « issue, écoulement, source (d’eau) » ; Septante : Ἀμώκη), ville de la tribu de Benjamin qui n’est mentionnée que dans Josué, xviii, 26, entre Caphara et Récem. L’identification de cette localité est un problème. La Mischna, Soukkah, iv, 5, dit qu’elle était située « au-dessous de Jérusalem, en un lieu où l’on se rendait pour couper les branches de saule dont on se servait dans la fête des Tabernacles ». La Ghemara ajoute que « cet endroit s’appelle Qôloniʿa, c’est-à-dire exempt du tribut royal ». Cf. Buxtorf, Lexicon talmudïcum, édit. Fischer, p. 1014. Cette désignation signifie qu’il y avait là une colonie romaine. Batenora, qui vivait à Jérusalem, dit que Môsâh (Amosa) est à peu de distance de Jérusalem et s’appelait aussi de son temps Qôlônîʿa. Voir Surenhusius, Mischna, t. ii, p. 274.
126. — Ruines d' Amphipolis. D’après, Cousinéry.
Tous ces détails conviennent à la moderne Kolouniéh. Le village actuel de ce nom, bâti sur la pente de la montagne qui s'élève en immenses gradins, à 6 kilom. et demi environ à l’ouest de Jérusalem, paraît être ainsi appelé à cause de la colonie qu’y fonda Vespasien. Cet empereur y établit huit cents vétérans pour y garder les abords de la capitale de la Judée, à cause de la situation naturellement forte de cette vallée, placée sur la route de Jérusalem à Joppé, et qui a de plus l’avantage d'être très fertile et d'être arrosée par une source abondante, l’Ain Kolouniéh. Il y a au fond de la vallée un ouadi qu’on appelle ordinairement le torrent du Térébinthe, où l’on pouvait trouver en grand nombre les saules dont parle la Mischna.
Le Dr Sepp a soutenu l’opinion peu vraisemblable que Kolouniéh est l’Emmaüs de saint Luc, xxiv, 13. Voir Sepp, Jerusalem und das heilige Land, t. i, p. 52. Schwarz a supposé avec plus de probabilité, Palestine (127, 128), que c'était la Môsâh ou Amosa de Josué. Son identification est cependant loin d'être universellement acceptée. M. Conder, Palestine, in- 12, Londres, 1889, p. 259, retrouve Amosa dans Beit-Mizéh, qui a l’avantage de rappeler le nom hébreu Môsâh ou Mo : ah, mais qui ne répond pas bien aux données du Talmud, Beit-Mizéh est à une demi-heure environ au nord de Kolouniéh. Ses ruines occupent la partie supérieure d’une haute colline où l’on cultive aujourd’hui l’orge et le blé, sur le sommet aussi bien que sur les pentes disposées en terrasses. Le plateau est couvert de débris de toute sorte. On y remarque des aires pratiquées sur la surface du rocher aplani et, à côté d’elles, de belles citernes creusées dans le roc, en forme d’entonnoirs renversés ; mais nulle part de cours d’eau sur les bords duquel aient pu croître les saules dont parlent les auteurs du Talmud. Voir V. Guérin, Description de la Palestine, la Judée, t. i, p. 263.
AMPHIPOLIS (Ἀμφίπολις), ville de Macédoine (fig. 126 et 127). Dans leur voyage de Philippes à Thessalonique, saint Paul et Silas, longeant les pentes septentrionales du mont Pangée, et suivant la voie Égnatienne, traversèrent Amphipolis et Apollonie Act., xvii, 1.
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127. — Monnaie d’Amphipolis.Tête d’Apollon. - S). AM<MIIOAlTEQN.
Torche allumée dans un carré creux.
AMPHORE (dans la Vulgate : Amphora, I Reg., i, 24 ; Dan., xiv, 2 ; Zach., v, 6-10 ; Luc, xxii, 10). Vase destiné à contenir du viii, de l’huile, de l’eau, etc. Son nom lui vient des deux oreilles qui étaient placées de chaque côté du col : ἀμφορεύς, pour ἀμφιφορεύς, « porté des deux côtés. »
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128. — Amphores assyriennes du palais de Khorsabad.
Place, Ninive, pl. 65.
La panse, plus ou moins large, était terminée en pointe à la partie inférieure. Il était donc nécessaire, pour faire tenir debout une amphore, de la placer sur un support ou de l’enfoncer dans le sable. Les amphores destinées à l’usage étaient en terre cuite (fig. 128). L’amphore des Grecs contenait six congés, c’est-à-dire environ vingt litres. Dans la traduction de la Vulgate, le mot amphore n’est jamais pris au sens propre ; il désigne une mesure de capacité dans Daniel, xiv, 2, où il traduit la mesure bath, et dans Zacharie, v, 6, 7, 8, 9, 10, où il correspond à la mesure ʾéphah ; dans I Reg., i, 24, l’hébreu porte nêbel yaïn, « une outre de vin. » Dans le Nouveau Testament, Luc, xxii, 10, le mot grec rendu par amphore est κερόμιον, c’est-à-dire « un vase d’argile », qui, d’après le contexte, ne pouvait pas être une amphore proprement dite. Voir Bath, Éphah.
AMPLIAT (Ἀμπλίας ; Vulgate : Ampliatus), personnage nommé par saint Paul dans son Épître aux Romains, xvi, 8, et que l’Apôtre fait saluer comme très cher dans le Seigneur. D’après les Grecs, Ampliat devint et mourut évêque d’Odyssople en Mésie ; ils célèbrent sa fête le 31 octobre. Voir Baronius, Ad martyrol. rom., 31 octobre. Cette opinion est fondée sur le récit d’un ouvrage apocryphe attribué à saint Hippolyte sur les soixante et dix Disciples, et par conséquent n’a pas une grande autorité. Il se peut d’ailleurs que cet évêque de Mésie soit une autre personne. Au contraire, on peut conjecturer qu’Ampliat, faisant partie de l’ancienne communauté chrétienne de Rome, resta dans cette ville et y mourut.
Dans le cimetière très ancien de l'Église romaine, qui est appelé de Domitille, et dont l’origine remonte sans doute au Ier siècle, on a trouvé, au mois de mars 1881, un cubiculum ou chambre souterraine, avec un arcosolium, sur lequel on voit encore à sa place l’inscription en marbre :
Les lettres de cette courte épitaphe sont très soignées et d’une forme paléographique certainement antérieure à la seconde moitié du IIe siècle ; on peut la juger presque avec certitude de la fin du Ier.
Les décorations de la chambre répondent aussi à cette époque, parce que sur les parois il y a des peintures décoratives du style que nous appelons pompéien et qu’on voit dans les parties les plus anciennes des catacombes romaines. Enfin, si l’on compare cette chambre d’Ampliat avec les galeries et les autres chambres voisines, qui sont du IIIe siècle, puisqu’on y a trouvé une inscription consulaire avec la date de l’an 289, on doit conclure que le monument en question est beaucoup plus ancien, et que cette chambre a été un des noyaux primitifs du cimetière de Domitille, c’est-à-dire un tombeau de l'époque des Flaviens, quand florissait encore la génération qui avait conversé avec les Apôtres.
Maintenant il faut remarquer qu’Ampliatus est un nom d’esclave, qui devint plus tard le cognomen des affranchis et de leurs descendants ( De Vit, Onomasticon, au mot Ampliatus). Or, si un esclave a pu avoir pour lui-même et pour sa famille un tombeau si considérable dans le plus noble des cimetières chrétiens de Rome, il faut admettre qu’il a été un personnage de grande importance dans l'Église primitive. C’est pour toutes ces raisons que M. de Rossi, en rendant compte de cette belle découverte dans son Bullettino d’archeologia cristiana, 1881, p. 57 et suiv., dit qu’on peut soutenir avec vraisemblance que l’Ampliatus du cimetière de Domitille est le même personnage que celui qui est salué par saint Paul, et qui était très cher à l’Apôtre. Ces liens d’affection avec le Docteur des gentils durent faire de l’humble esclave romain un des chrétiens les plus distingués et les plus honorés, et c’est ce qui nous explique la richesse de son tombeau.
Dans la même chambre on a trouvé aussi une autre inscription où on parle d’un autre Ampliatus du IIe siècle, qui était probablement le fils de l’ami de saint Paul, et qui est ainsi conçue :
AVRELIÆ • BONIFATIÆ
CONIVGI • INCOMPARABILI
VERÆ • CASTITATIS • FEMINÆ
QVÆ • VIXIT • ANN • XXV • M • II • DIEB • IIII • HOR • II
AVREL • AMPLIATVS • CVM
GORDIANO • FILIO
Ces détails ont assurément quelque importance pour expliquer le salut solennel de la fin de l'Épître aux Romains, sur lequel la critique rationaliste a cherché à soulever des doutes et des difficultés. Voir Renan, Saint Paul, p. 67 et suiv.
AMRAM, hébreu : ʿAmrâm, « le peuple est élevé ; »
Septante : Ἀμβράμ.
1. AMRAM, lévite, fils de Caath et père d’Aaron, de Marie et de Moïse. Il mourut en Egypte, âgé de cent trente-sept ans. Exod., vi, 18-20 ; Num., iii, 19 ; xxvi, 58, 59 ; I Par., vi, 2, 3, 18 ; xxiii, 12, 13 ; xxiv, 20. De là le nom patronymique d’Amramite. Num., iii, 27 ; I Par., xxvi, 23.
2. AMRAM, descendant de Bani, qui au temps d’Esdras se sépara de la femme étrangère qu’il avait prise contre la loi, et en expiation offrit un sacrifice au Seigneur. I Esdr., x, 34.
AMRAMITE, descendant d’Amram. Voir Amram 1.
AMRAPHEL (hébreu : ʾAmrâfél ; Septante : Ἀμαρφάλ, roi de Sennaar, l’un des trois tributaires de Chodorlahomor, roi d'Élam, qui vinrent avec leur suzerain pour rétablir le joug des Élamites sur la Palestine et les régions avoisinantes. Gen., xiv, 1-7. N’ayant eu d’abord affaire qu'à des adversaires isolés, ils les défirent successivement,
les Raphaïm à Astaroth-Carnaïm, les Zuzim à Ham (ou
bien « avec ceux-là, » comme traduisent les Septante, le Syriaque et la Vulgate, suivant une leçon hébraïque légèrement différente de la nôtre, bâhém pour beḥâm), les Émim à Savé-Cariathaïm, les Chorréens dans les montagnes de Séir, pour terminer par les Amalécites et les Amorrhéens. Dans l’intervalle, les rois de la Pentapole, — Sodome, Gomorrhe, Adama, Séboïm et Ségor-Bala, — se coalisèrent, rassemblèrent leurs troupes contre les quatre envahisseurs, mais furent battus et mis en fuite à la rencontre qui eut lieu dans la vallée de Siddim (ou Sylvestris, suivant la Vulgate). Les Élamites et leurs alliés pillèrent donc Sodome et Gomorrhe, et emmenèrent une
partie des habitants en esclavage. Lot, se trouvant au
nombre des captifs, attira Abraham, son oncle, sur la
trace des envahisseurs, qui furent surpris la nuit à Dan, sans doute l’ancienne Laïs, près des sources du Jourdain, et à leur tour battus, dépouillés et poursuivis jusqu'à Hoba, un peu au nord de Damas.
Cet itinéraire des fuyards n’a rien d'étonnant quand on sait que la route de Palestine en Élam et au Sennaar, au lieu d’aller directement de l’ouest à l’est, doit faire un détour considérable vers le nord, pour éviter le désert, et atteindre l’Euphrate à l’endroit où il devient guéable.
Jusqu'à l'époque des découvertes assyriologiques, les rationalistes ont considéré ces événements comme plus ou moins fabuleux : Knobel, Die Genesis, ad locum ; Bohlen, Die Gen. uebers. mit. Anmerk., ad locum ; Hitzig, Geschichte Isræls, p. 25, 44, etc. ; Nöldeke, Unters. zur Kritik des Alt. Test., p. 156, etc. Grotefend n’y voit même qu’un mythe solaire où Amraphel représente le printemps et Arioch l'été. Zeitschrift der deutschen morgenländischen Gesellschaft, 1854, t. viii, p. 800, 801. Mais les inscriptions cunéiformes ont démontré le caractère absolument historique de cette extension de la puissance des Élamites sous leurs rois dits Koudourides, plus de deux mille ans avant J.-C. ; de la sorte, les rationalistes reconnaissent qu’il devient dangereux de toucher au moindre détail de ce chapitre de la Genèse, même dans les passages dont les monuments n’ont pas encore fourni la confirmation explicite. Voir Chodorlahomor.
D’après l’hébreu et les Septante, Amraphel paraît être le principal des tributaires de Chodorlahomor, bimê 'Amràfel, ἐν τῇ βασιλείᾳ τῇ Ἀμαρφάλ; les Targums d’Onkelos et de Jérusalem, suivis de plusieurs anciens, en font un roi de Babylone. Fr. Hommel, Bab.-Assyrische Geschichte, p. 169, a repris cette idée, et croit retrouver le nom d’Amraphel dans celui de Sin-muballit, qu’il estime pouvoir lire Amar-(mu)-ballit, à cause de la polyphonie du premier groupe cunéiforme de ce nom propre. Ce prince régna à Babylone (2337 ? -2307 ?) ; mais aucune inscription historique ne permet de lui attribuer des conquêtes en Palestine, et de plus la lecture Amar-muballit, au lieu de Sin-muballit, est purement hypothétique.
Eb. Schrader l’identifierait plus volontiers avec Hammura-bi (ou -gaš), successeur du précédent (2307? -2252?) ; la différence dans la finale des deux noms reposerait sur une faute de transcription, en soi très possible. Mais aucune inscription ne lui attribue non plus de campagne en Palestine ; les textes cunéiformes nous le représentent même comme en guerre avec les Koudourides ; ce fut lui qui les expulsa de Mésopotamie, en mettant fin au royaume élamite de Rim-Aku à Larsa (dans la Vulgate : Arioch rex Ponti ; suivant l’hébreu et les Septante : Arioch rex Elasar). Comme son règne dura cinquante-cinq ans, Schrader peut conjecturer qu’il a commencé par être l’allié d’Arioch et de Chodorlahomor pour l’invasion de la Palestine, sauf à devenir leur ennemi après leur commun échec ; mais cette hypothèse n’a pas trouvé encore un mot de confirmation dans les inscriptions d’Hammurabi.
Reste donc à supposer qu’Amraphel régna, non pas à Babylone, puisque nous possédons la liste complète des rois babyloniens de cette époque, mais dans la portion méridionale de la Chaldée, le pays de Sennaar ou Sumêr proprement dit des textes cunéiformes. C’est là, en effet, que les Koudourides exercèrent principalement leur influence, et qu’ils fondèrent leur royaume de Larsa. — Quant au nom même d’Amraphel, il paraît appartenir à l’idiome sémitique de la Chaldée ; on pourrait y reconnaître la forme primitive Amar-abal, avec le sens de « chef (est mon) fils », ou bien « (j’ai) vu un fils » ; mais aucune étymologie ne pourra être proposée comme indiscutable qu’après qu’on aura relevé avec certitude le nom de ce prince dans les inscriptions. Voir, outre les anciens commentaires, A. Dillmann, Die Genesis, 1875, p. 244 et suiv., dans le Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum Alten Testament ; Schrader Whitehouse, The cuneiform Inscription and the O. T., t. i, p. 120 ; t. ii, p. 298 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. i, p. 481-496. Voir la liste des rois de Babylone dans les Proceedings of the Society of Biblical Archæology, 7 décembre 1880 ; Records of the Past, new ser., t. I. p. 13 ; sur Hammurabi, Menant, Babylone et la Chaldée, p. 108 et suiv. ; Records of the Past, first ser., t. i, p. 5 ; t. v, p. 67-76 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. IV, p. 101 ; Maspero, Histoire ancienne de l’Orient, 1886, p. 188 ; mais, dans ces deux ouvrages, en suppléant ou corrigeant les dates à l’aide de Sayce, The dynastic tablets of the Babylonians dans les Records of the Past, new ser., t. i, p. 9-11, ou E. Pannier, Genealogiæ biblicæ cum monumentis collatæ, 1886, p. 192 et 149.
AMRI, hébreu : 'Omri, abréviation de 'Omriyâh, « Jéhovah est mon partage (?). »
1. AMRI (Septante : Ἀμβρί), sixième roi d’Israël (929-917), fondateur de la troisième dynastie. Avant d’arriver au trône, il commandait l’armée d'Éla, roi d’Israël, et peut-être remplissait-il déjà cette fonction sous Baasa : c’est en cette qualité qu’il dirigeait le siège de Gebbethon, au pays des Philistins, III Reg., xvi, 15, lorsqu’il apprit que Zambri, chef de la moitié de la cavalerie, III Reg., XVI, 9, s'était révolté contre son souverain, Éla, fils de Baasa, l’avait fait périr, ainsi que toute sa famille, v. 11-16, et s'était fait proclamer roi à sa place. Quand cette nouvelle parvint au corps expéditionnaire devant Gebbethon, les soldats furent indignés, refusèrent de reconnaître Zambri, et proclamèrent roi leur général Amri. Celui-ci marcha à leur tête, de la plaine des Philistins au pays montagneux d'Éphraïm, III Reg., xvi, 17, et assiégea Zambri dans sa résidence. Cette résidence était alors Thersa, qui depuis l'établissement du royaume d’Israël partageait tour à tour avec Sichem et Rama l’honneur d'être la capitale des rois d’Israël. Depuis quelque temps Thersa l’emportait, et elle possédait un superbe palais royal, auquel Zambri, se voyant vaincu, mit le feu pour y être consumé dans les flammes avec ses serviteurs, plutôt que de tomber aux mains d’Amri. III Reg., xvi, 18. Il avait régné sept jours, c’est-à-dire le temps qu’il avait fallu à Amri pour arriver avec son armée. Il se produisit alors en Israël une division qui pendant quatre ans tint le royaume dans une complète anarchie : Amri d’un côté, avec son armée et une partie du peuple ; de l’autre un fils de Gineth, nommé Thebni, avec l’autre partie du peuple. III Reg., xvi, 21. L’armée finit par l’emporter, et Amri vainqueur de Thebni, qui mourut, v. 22, soit dans le combat, soit, comme le rapporte Josèphe, Ant. jud., VIII, vii, assassiné par les partisans de son ennemi, Amri se fixa pour quelque temps à Thersa, malgré les ravages qu’y avait faits l’incendie, et gouverna tout Israël. (Josèphe appelle ici Amri Ἁμαρῖνος, Zambri Ζαμάρης, et Thebni Θάμανος.) C'était la quatrième révolution politique depuis Jéroboam, ce qui montre combien il y avait peu d’unité, et par conséquent de force en Israël.
Amri, devenu seul maître, chercha à affermir son autorité en lui donnant du prestige. Pour cela il voulut avoir une grande capitale, résidence fixe et incontestée de la majesté royale, qui fût dans ce royaume ce qu'était Jérusalem en Juda. Agrandir et embellir Thersa, après y avoir fait rebâtir le palais incendié, lui parut moins glorieux que de fonder une ville nouvelle ; et d’ailleurs la facilité avec laquelle Thersa avait succombé à ses attaques la lui rendait suspecte. Il jeta les yeux sur une colline située à trente-cinq kilomètres environ à l’est de Thersa, au nord-ouest et près de Sichem, dans une position stratégique très forte et dans un site d’une grande beauté. Voir Samarie. Ce terrain appartenait à un riche Israélite nommé Somer (hébreu : Šémer, I (III) Reg., xvi, 24), auquel Amri l’acheta pour deux talents d’argent, III Reg., xvi, 24, environ dix-sept mille francs de notre monnaie. Il y fit bâtir une ville magnifique, « la couronne d'Éphraïm, » Is., xxviii, 1, vraie rivale de Jérusalem et d’une défense plus facile, qu’il appela Sômrôn (Samarie), du nom de l’ancien propriétaire de ce terrain. C'était là une œuvre de haute sagesse, car cette capitale devint bientôt pour Israël un centre, et, par suite, une source de cohésion et d’unité politique. Cette fondation illustra à jamais le nom d’Amri. Malheureusement ce nom devint en même temps tristement célèbre par les impiétés du roi d’Israël. Amri marcha « dans les voies de Jéroboam, fils de Nabat, et dans tous les péchés par lesquels il avait fait pécher Israël », III Reg., xvi, 26, à ce point que « ses crimes » dépassèrent tous ceux de ses prédécesseurs, v. 26, ce qui ne peut s’entendre que des réformes sacrilèges qu’il introduisit dans le culte divin, réformes qui furent un acheminement au culte idolâtrique de Baal, officiellement établi sous le règne de son fils, III Reg., xvi, 31-32, et si ardemment propagé par « sa fille », IV Reg., viii, 26, c’est-à-dire sa petite-fille, IV Reg., viii, 18, Athalie, dans le royaume de Juda. IV Reg., viii, 26 ; II Par., xxii, 2. Le prophète Michée rend le même témoignage quand il assimile les « préceptes d’Amri » avec les « œuvres de la maison d’Achab ». Mien., vi, 16.
Le règne d’Amri ne fut pas plus glorieux au point de vue militaire, car la Bible nous apprend incidemment qu’il soutint une guerre malheureuse contre le père de Bénadad II, roi de Syrie, III Reg., xx, 34, qui avait sans doute profité de l’anarchie pendant la compétition d’Amri et de Thebni pour envahir les cantons-frontières. Le traité de paix qui fut la conclusion de cette guerre fit perdre à Amri plusieurs villes de son royaume, entre autres Ramoth de Galaad, III Reg., xxii, 3 ; cf. Josèphe, Ant. jud., VIII, xv, et concéda aux Syriens le droit de posséder dans Samarie un quartier spécial, sans doute pour l'établissement et le fonctionnement libre de leurs bazars, ce qui montre qu'à cette époque le commerce de la capitale d’Israël était prospère, et fournissait à celui de la Syrie un important débouché. III Reg., xx, 34. Malgré ses échecs, il est possible qu’Amri se soit toujours comporté vaillamment ; car ses « combats » dont parle la Vulgate, III Reg., xvi, 27, sont appelés dans l’hébreu « actions d'éclat », gebûrâh, cf. I (III) Reg., xv, 23 ; xxii, 46, ce qui n’est pas surprenant, si l’on se rappelle les qualités dont il avait fait preuve dans le commandement des troupes d'Éla. On peut d’ailleurs penser que ces « actions d'éclat » se révélèrent en face d’autres ennemis que les Syriens, par exemple en face des Moabites, qui, d’après l’inscription de la stèle de Mésa, furent vaincus par lui : « Amri, roi d’Israël, opprima Moab des jours nombreux ; » et plus loin : « Amri s’empara de la terre de Médéba (ville forte en Moab) et l’occupa durant ses jours et ceux de son fils, quarante ans, » F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. iv, p. 60-61, victoires qui aboutirent à un lourd tribut en laine et en bétail, imposé par Amri aux Moabites. IV Reg., iii, 4-5. En même temps et pour compenser l'état de vassalité où l’avaient réduit les Syriens, Amri, avec un rare savoir-faire, évita toute difficulté avec Juda, l’ennemi-né d’Israël, et arriva à se créer une alliance précieuse en faisant épouser à son fils Achab Jézabel, fille du roi de Tyr Ethbaal. III Reg., xvi, 31. Sous son règne, Israël et Juda, jusqu’alors ennemis, s’allièrent étroitement, nouvelle preuve de l’habileté politique d’Amri. Malheureusement cette union contraire à la loi de Dieu ne devait aboutir qu'à un redoublement d’idolâtrie et au culte de Baal, la grande divinité des Phéniciens. Jud., iii, 11-13.
Ces guerres, ces relations, jointes à la fondation de Samarie, acquirent à Amri une grande renommée, dont on trouve la trace dans les inscriptions cunéiformes des rois d’Assyrie. Celle de l’obélisque de Salmanasar à Nimroud, et celle qui recouvre les taureaux du palais de ce roi, lui rapportent comme à l’ancêtre par excellence et au fondateur de la grande dynastie d’Israël, le dixième roi Jéhu, qui est appelé « fils de lîumri (Amri) », bien qu’en réalité, loin d'être le descendant d’Amri, il ait été, au contraire, l’ennemi de sa race et le destructeur de sa dynastie. IV Reg., x, 6-7. A. Layard, Inscriptions in the cuneiform character, Londres, 1851, pi. 98 ; Western Asiatic Inscriptions, t. iii, pi. 5, n° 6 ; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 97, 104, 116 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. IV, p. 73. Dans les inscriptions du palais de Binnirar ou Rammannirar III, le royaume d’Israël est appelé « le pays d’Amri », mat Ḥumri, et dans celles des palais de Téglathphalasar II et de Sargon il est nommé « le pays de la maison d’Amri », mat bit-Ḥumri ( Ḥumri, forme assyrienne du nom d’Amri, obtenue par le changement de l’ain en heth). E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 1883, p. 91, 145 ; Keilinschriften und Geschichtsforschung, 1878, p. 5, 207 ; J. Menant, Annales des rois d’Assyrie, p. 127, 149, 159, 163 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit, t. iv, p. 73, 114.
Amri mourut à Samarie, après avoir régné douze ans, ou, plus exactement, onze ans et quelques mois, depuis la mort de Zambri, qui arriva la vingt-septième année du règne d’Asa, III Reg., xvi, 16, jusqu'à la trente-huitième année du même règne. III Reg., xvi, 29. S’il est dit dans le même chapitre, v. 26, qu’Amri commença à régner la trente et unième année du règne d’Asa, on peut l’entendre en ce sens qu'à partir de cette époque seulement il fut roi incontesté sur tout Israël. Amri reçut la sépulture dans sa capitale, et eut pour successeur son fils Achab. III Reg., xvi, 28-29. Ce prince, doué de précieuses qualités et d’un grand caractère, eût été le plus illustre des rois d’Israël, s’il n’avait oublié que la vraie grandeur d’un roi, surtout d’un roi théocratique comme il l'était, est inséparable de la fidélité au service de Dieu.
2. AMRI (Septante : Ἀμαρία), un des fils de Béchor, le fils de Benjamin. I Par., vii, 8.
3. AMRI (Septante : Ἀμρί), fils d’Omraï et père d’Ammiud, de la tribu de Juda et de la descendance de Pharès. I Par., ix, 4.
4. AMRI (Septante : Ἀμβρί), fils de Michæl et chef de la tribu d’Issachar, sous le règne de David. I Par., xxvii, 18.
5. AMRI (hébreu : ʾImrî, « éloquent ; » Septante : Ἀμαζί), père de Zachur, qui au temps d’Esdras contribua à la reconstruction des murs de Jérusalem. II Esdr., iii, 2.
AMSI (hébreu : 'Amsî, abréviation de : ''ʾAmaṣyâh, « Jéhovah fortifie ; » Septante : Ἀμασί), prêtre, fils de Zacharie, servait dans le temple au temps de Néhémie, II Esdr., xi, 12. AMTHAR (hébreu : Hammeṭô’ar ; Septante : Μαθαραοζά ; dans quelques manuscrits : Ἀμμαθαρίμ), ville de la tribu de Zabulon, citée entre Remmon et Noa. Jos., xix, 13. Il est possible cependant que ce mot soit simplement le participe puai du verbe ṭâ’ar, avec l’article au lieu du pronom relatif. Or ce verbe signifie, à la forme kal, « s’étendre, appartenir ; » à la forme piel, « déterminer, décrire. » Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 1490-1491. Il faudrait donc traduire la fin de ce verset : « qui (la limite) est déterminée par Noa (Hannêʿâh) », ou « s’étend vers Noa ». C’est ainsi que l’entendent la plupart des auteurs modernes. La paraphrase chaldaïque, suivie et expliquée par Jarchi, donne de même : « Et de là elle faisait un détour vers Néa. » Cf. Rosenmüller, Scholia in Vetus Testamentum, Josué, t. i, p. 366. Il est juste néanmoins de ne pas négliger l’autorité des plus anciennes versions, qui se trouvent d’accord pour faire d’Amthar un nom propre : syriaque, Mathûa ; arabe, Mathoua (th anglais dur) ; Septante, Μαθαραοζά. Ce dernier nom est un curieux exemple de la confusion des mots produite par la scriptio continua du texte original, aussi bien que de la confusion de certaines lettres semblables : au lieu de Bimrnôn Hammetô’ar Hannê’âh, הנעה ךטון הטתאך , il est probable que les traducteurs grecs auront lu Eimmônâh Mafârd Eôzâh, ךטונה טתאךה ךצה, prenant, dans ce dernier mot, nun, i, pour cholem, ו, et ʿaïn, ע, pour tsadé, צ, ou zaïn, ו. Eusèbe cite Amthar sous la forme Ἀμμαθά, Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 223, et saint Jérôme, sous celle d’Amathar, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 872 ; mais tous deux avec cette seule indication : « dans la tribu de Zabulon. »
AMULETTE. Ce nom vient du latin amuletum, qui se rencontre pour la première fois dans Pline, et qui a sans doute une origine orientale ; on le rattache avec vraisemblance à la racine qui a donné en arabe le verbe ḥamala, « porter, » d’où ḥamalet, « ce qui est porté. » Cependant ce que nous désignons par amulette est appelé talisman en arabe et en persan. En grec on se servait de l’expression περίαμμα, περίαπτον, d’où le latin ligatura, alligatura, que l’on trouve spécialement chez les écrivains ecclésiastiques. Cf. Pline, H. N., xxxvii, 12, qui dit en parlant de l’ambre : infantibus alligari amuleti rations solet. Nous trouvons aussi l’idée d’attache dans le nom araméen dont se servent les auteurs talmudiques et rabbiniques : qamêăʿ, קטיע, de qemaʿ, « attacher. » Cf. Buxtorf, Lexicon chald. et talmud. ; Lakemacher, Observationes philolog., t. si, édit. 1727, p. 143 et suiv. Les Juifs désignaient surtout par là des formules de prière ou des noms cabalistiques que l’on portait sur soi pour détourner l’influence des démons, et qui étaient autorisés à certaines conditions par le Talmud. Tr. Schabouot, vi, 2. Au moyen âge on a appliqué ce même nom, sous la forme camée, à des pierres dures taillées en relief qui avaient dû servir non seulement d’ornements, mais aussi d’amulettes. — On appelait, en effet, ainsi des objets de différentes sortes destinés à protéger contre les maléfices, le mauvais œil, les maladies attribuées à des puissances occultes, et en général contre les influences malignes de certains dieux ou esprits, les personnes ou les choses sur lesquelles ils étaient placés. C’étaient tantôt des bandes d’étoffes ou des plaques de terre cuite, sur lesquelles on traçait certains signes ou certaines formules, comme les lettres éphésiennes (fig. 129), Plutarque, Sympos., vii, 5, tantôt des pierres taillées, des coquillages ou des fragments de certains métaux. Pline, H. N., xxxvii, passim ; Strabon, xvi. Ces objets faisaient le plus souvent partie des ornements et des bijoux : colliers, bracelets, pendants d’oreille (fig. 130). L’usage des amulettes remontait d’après Pline, H. N., xxx, 15, à une très haute antiquité. Cf. aussi Bérose, Fragm., xvi, édit. Lenormant. Partout où l’on a cru à l’efficacité des pratiques magiques, on a eu recours à des objets matériels destinés à en conjurer les effets.
Chez les deux grands peuples civilisés avec lesquels les Hébreux se trouvèrent successivement en contact, les Égyptiens et les Babyloniens, la magie était très répandue. Aussi les amulettes se rencontraient-elles chez eux en grand nombre.
129. — Lettres éphésiennes.
Plaque de terre cuite, conservée à Syracuse. La Diane d’Ephèse est représentée au milieu de la plaque. L’inscription est inintelligible. On lit seulement à la première ligne d’en haut les mots :
Les papyrus égyptiens nous ont fourni plusieurs des formules de conjuration que l’on portait sur soi dans un étui. De plus on en munissait même les morts, dont les momies étaient couvertes, comme d’une armure magique, d’une quantité d’objets retenus dans les bandelettes : plaques constellées d’hiéroglyphes, rouleaux de papyrus, figurines de dieux ou d’animaux sacrés, surtout scarabées funéraires (fig. 131), qui remplissent aujourd’hui les vitrines de nos musées. Ces objets étaient destinés à ouvrir au défunt le chemin des sphères infernales et à détourner de lui tous les dangers. Lenormant et Babelon, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. au, p. 130 et suivantes.
Chez les Babyloniens, l’usage des amulettes et des talismans était encore plus répandu. La Chaldée était par excellence le pays de la magie ; là surtout on éprouvait le besoin d’échapper aux incantations des sorciers et à l’action des mauvais génies. Or on croyait que les dieux malfaisants ou les démons étaient mis en fuite par leur image. On a la preuve de cette croyance dans plusieurs formules d’incantations où on recommande, pour chasser les malins esprits, de former sur le sol leur image. Marduk apprend de son père Éa la recette suivante contre le démon appelé Asak : « Forme sur le sol une figure de tappini qui lui ressemble… Que l’asak par son image soit chassé ! » Loisy, Mémoire lu au Congrès internat. scientif. des cathol., 1888, t. i, p. 8-9. — Aussi la représentation des esprits malfaisants est-elle très fréquente, spécialement sur ces petits cylindres de pierre dure qui servaient de cachet, et que chacun portait sur soi comme de véritables amulettes (fig. 132).
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130. — Pendants d’oreille égyptiens servant d’amulettes.
On faisait aussi des statuettes de dieux que l’on pouvait porter suspendues au cou. On en pendait même aux portes et aux fenêtres des maisons, comme cette hideuse figurine de bronze qui représente le démon du vent du sud-ouest (fig. 133).
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131. — Scarabées funéraires. Musée du Louvre.
— Dans l’inscription hiéroglyphique du scarabée placé en haut et dont les deux faces sont représentées, le nom du défunt a été laissé en blanc. Lenormant et Babelon, Hist. ancienne, p. 210 et suiv. Dans tous les cas on attribuait à ces talismans un pouvoir absolu, on les considérait comme une barrière inviolable même pour les dieux ; tels nous les montre l’incantation suivante : « Talisman, talisman, borne qu’on n’enlève pas.
— Borne posée par les dieux que l’on ne franchit pas. — Borne immuable du ciel et de la terre qu’on ne déplace pas. — Seul dieu qui n’est jamais abaissé. — Ni dieu ni homme ne peuvent dissiper ta puissance. — Piège qu’on n’enlève pas, disposé contre le maléfice. » Fr. Lenormant, Études accadiennes, t. iii, p. 105.
Chez les Hébreux, la loi mosaïque ne laissait aucune place aux croyances qui expliquent ailleurs l’usage des amulettes et des talismans. L’Israélite fidèle savait qu’il n’avait pas à redouter de divinités malfaisantes. De plus, la magie et la divination sous ses différentes formes étaient interdites comme aussi abominables que le culte cruel de Moloch. Deut., xviii, 10-14. C'était un trait distinctif du peuple de Dieu, de n’avoir ni devin ni sorcier. Num., xxiii, 23.
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132. — Cylindre babylonien en hématite. Collect. de Clercq, n°74.
Jéhovah veillait sur lui d’une façon spéciale, cela lui suffisait ; il n’avait pas à chercher ailleurs des moyens de se prémunir contre les puissances occultes. Elles ne pouvaient rien contre lui, comme le prouvait si bien l’histoire de Balaam. Num., xxii-xxiv. Même pour les individus, Satan n’exerce pas son pouvoir malfaisant sur les biens et sur les personnes sans la permission divine.
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133. — Démon du vent du sud-ouest.
Figurine de bronze du musée du Louvre. Réduite dn tiers.
L’histoire de Job, ii, 6, le montre. Ce saint personnage ne songe pas même à expliquer ses souffrances par les maléfices. Il n’a recours qu'à Dieu, bien qu’il sache quel peut être l’effet de certaines malédictions. Job, iii, 9.
Mais, de même que les cultes idolâtriques et polythéistes, ainsi la magie et son cortège de pratiques superstitieuses ne pénétrèrent que trop souvent dans la nation sainte, malgré la révélation mosaïque. Les reproches des prophètes font souvent allusion aux sorciers et aux devins auxquels le peuple a recours ; par exemple, Is., viii, 19 ; Ezech., xiii, 9. Il n’est pas étonnant de trouver dès lors des amulettes figurant, comme chez les nations païennes, parmi les objets de toilette (fig. 130). Déjà Jacob, revenant de la Mésopotamie, dut enlever à ses gens, avec les idoles des faux dieux, des pendants d’oreilles auxquels on devait attacher quelque vertu occulte. Gen., xxxv, 4. Cet ancien récit vaut autant que le texte de loi le plus formel, pour montrer combien la religion des patriarches réprouvait ces pratiques superstitieuses. Les pendants d’oreilles servaient si généralement d’amulettes, que leur nom en araméen, qedašaya, signifie « choses sacrées ». Parmi les vingt et un objets qu’Isaïe, iii, 18-23, distingue dans la toilette des femmes de Jérusalem, il en est deux qui devaient être des amulettes ; c’est ce que nous indique : 1° la forme du premier, v. 18, ṡahărônim, des lunes ou croissants lunaires (Vulgate : lunules). Les Madianites suspendaient aussi, comme amulettes, des ṡahărônim au cou de leurs chameaux. Jud., viii, 21. La Vulgate traduit ici doublement : ornamenta ac bullas. 2° Le nom du second, v. 20, leḥašim, qui doit être traduit par amulettes ou talismans (Vulgate : inaures, d’après les Septante ; Targum, qedašaya). Le mot laḥaš a plusieurs fois le sens d’incantation ; au pluriel et figurant parmi des objets de toilette, il ne peut s’appliquer qu'à des amulettes. Mais le nom ne nous indique pas en quoi ces objets consistaient, si c'était une plaque de métal ou une pierre avec inscription, ou bien un sachet d'étoffe renfermant quelque plante ou racine aux vertus mystérieuses. — Les bijoux dont parle Osée, ii, 13 (hébreu, 15), et dont on se revêtait « aux jours des Baalim », pouvaient aussi avoir quelque chose de suspect. — Les ṭoṭafôṭ ou ṭefillin, c’est-à-dire ces petites poches de cuir qui contenaient des passages de la loi, écrits sur du parchemin, et qui plus tard portèrent le nom de « phylactères », Matth., xxiii, 5, n'étaient pas à l’origine des amulettes ; ils n'étaient pas destinés à servir de protection contre les maléfices ou les démons ; mais, comme l’indique expressément la loi, ils devaient rappeler sans cesse au fidèle les préceptes de Dieu, Exod., xiii, 9, 16 ; Deut., vi, 8 ; xi, 18 ; c'était pour lui un signe, un monument, en prenant ce mot dans son sens étymologique : ʾoṭ, zikkarôn. Plus tard les Juifs attachèrent aux ṭefillin des vertus prophylactiques et en firent de véritables amulettes, comme le montre le Targum du Cantique des Cantiques, viii, 3. — Voir Hübner, Amuletorum historia, Halle, 1710 ; Emele, Ueber Amulete, Mayence, 1827.
AMYRAUT Moïse, théologien et exégète protestant, né à Bourgueil, dans la Touraine, en 1596, étudia la théologie dans l’académie protestante de Saumur. Après avoir suivi les leçons de Caméron, il fut nommé pasteur de l'Église réformée de cette ville (1626), recteur de l’académie, et en même temps fut chargé de professer la théologie ; mais il n’entra en fonctions qu’après les épreuves nécessaires d’un concours public (1633). Il occupa ce poste jusqu’à sa mort (1664) et s’acquit une grande réputation parmi ses coreligionnaires ; il parlait et écrivait très bien le latin et le français. Ses œuvres exégétiques sont nombreuses et non sans valeur, surtout le commentaire sur les Psaumes, très estimé de Michælis. Paraphrases sur l’Épître aux Romains, in-8°, Saumur, 1644 ; — sur l’Épître aux Galates, in-8°, Saumur, 1645 ; Observations sur les Épîtres aux Colossiens et aux Thessaloniciens, in-8°, Saumur, 1645 et 1665 ; Considérations sur l’Épître aux Éphésiens, in-8°, Saumur, 1645 ; Paraphrases sur l’Épître aux Hébrieux (sic), in-8°, Saumur, 1644-1645 ; aux Hébreux, 1646 ; Paraphrases sur l’Épître aux Philippiens, in-8°, Saumur, 1646 ; — sur les Épîtres catholiques de saints Jacques, Pierre, Jean et Jude, in-8°, Saumur, 1646 ; Considerationes in cap. vii Epist. D. Pauli ad Romanos, in-12, Saumur, 1648 ; Paraphrases sur les Épîtres aux Corinthiens', in-8°, Saumur, 1649 ; — sur l’Évangile de saint Jean, in-8°, Saumur, 1651 ; — sur les Actes, in ; 8°, Saumur, 1654 ; Exposition des chap. vi et vii de l’Épître de saint Paul aux Romains et du chap. xv de la Ire Épître aux Corinthiens, in-12, Charenton, 1659 ; Paraphrasis in Psalmos Davidis cum annotationibus, in-4°, Saumur, 1662, dédié à Charles II d’Angleterre ; Altera editio emendatior et auctior nova præfatione, Utrecht, 1769 ; Discours sur les songes divins dont il est parlé dans l’Écriture, in-12, Saumur, 1659 ; il a été traduit en anglais par Lowde, in-8°, Londres, 1676. Son exégèse, surtout dans les Psaumes, suit assez bien le sens littéral, sans négliger le sens spirituel. Ses ouvrages sont devenus rares. Cf. Registres de l’académie protestante de Saumur, manuscrit de l’hôpital de Saumur ; Haag, France protestante, t. i, p. 72 ; Edm. Saigey, Moyse Amyraut, sa vie et son temps, in-8°, Strasbourg, 1849 ; Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biographique de Maine-et-Loire, au mot Amyraut.
AN. Voir Année.
ANA. Hébreu : 'Ânâh, « . (Dieu) exauce ; Septante : 'Avi. »
1. ANA, quatrième fils de Séir l’Horréen et l’un des allouphs du pays d’Idumée, avant Ésaù. Il eut pour fils Dison et pour fille Oolibama. Gen., xxxvi, 20, 25 ; I Par., i, 38, 40.
2. ANA, deuxième fils de Sébéon (le troisième fils de Séir) et neveu d’Ana 1. Gen., xxxvi, 24 et 29 ; I Par., i, 40. Il semble qu’aux versets 2 et 14, Gen., xxxvi, on dise qu’Ana était fille de Sébéon. Mais dans ce texte : « Oolibama, fille d’Ana, fille de Sébéon, épouse d'Ésaü, » l’apposition « fille de Sébéon » se rapporte non à Ana, mais à Oolibama, comme l’apposition suivante : « épouse d'Ésaü. » L’expression « fille de Sébéon » serait, ainsi qu’il arrive souvent, pour celle-ci : « petite-fille de Sébéon ». Pour résoudre la difficulté, d’autres critiques préfèrent admettre une faute dans le texte massorétique, בת, baṭ, « fille ; » pour בו, bên, « fils, » et suivent le texte des Septante et le Samaritain. Aucun manuscrit hébreu ne portant la variante bên, « fils, » il est probable que le copiste samaritain et le traducteur grec ont cru trop facilement à une erreur, et se sont permis de changer le texte, en mettant le masculin à la place du féminin. La Vulgate a aussi mal rendu le v. 25, par suite de la ressemblance des noms : Habuitque (Ana, fils de Sébéon) filium Dison et filiam Oolibama. D’après le texte hébreu et toutes les autres versions, comme d’après le contexte, il s’agit, dans ce v. 25, du premier Ana, fils de Séir. Hébreu : « Et voici les fils d’Ana : Dison…, etc. » Les enfants du quatrième fils de Séir viennent ici à leur rang ; s’ils n'étaient pas désignés à cette place, ils seraient complètement passés sous silence dans l'énumération régulière qui est faite des descendants des sept fils de Séir. Du reste, le texte de I Par., i, 38, dans la Vulgate même, confirme, cette interprétation. — Un trait particulier est ajouté, dans cette table généalogique des Horréens au nom de notre Ana, fils de Sébéon. « C’est cet Ana qui trouva des sources thermales dans le désert, pendant qu’il menait paître les ânes de Sébéon, son père. » Gen., xxxvi, 24. Le mot yêmïm, que la Vulgate, le syriaque et l’arabe, ont bien rendu par « sources chaudes », a été quelquefois, mais sans fondement, traduit par « géants » ou par « mules ». D’après Hengstenberg et Keil, ce serait cette découverte qui aurait tait donner à cet Ana le surnom de Beéri, c’est-à-dire sourcier, de beêr, « source. » Gen., xxvi, 34. Dans cette hypothèse ingénieuse, Oolibama, femme d’Esaü, ne serait pas la fille du premier Ana, mais la fille de son neveu. Le second Ana a pu donner à sa fille le nom de sa cousine, fille de son oncle Ana, La contrée où Ana menait paître ses ânes possède encore un certain nombre de sources chaudes, en particulier celles de Callirrhoé, celles de l’ouadi el-Ahsa, et celles de l’ouadi Hamad. Les ânes furent-ils pour quelque chose dans cette découverte ? est-ce pour cela que cette circonstance est mentionnée ici ? Peut-être. On sait que la source thermale de Karlsbad fut trouvée par le fait d’un chien de chasse qui, tombé en poursuivant un cerf, attira par ses cris l’attention sur la nature des eaux de cette source.
3. ANA (hébreu : Hêna' ; Septante : Ἀνά), ville conquise par les Assyriens et mentionnée comme telle, à côté de Sépharvaim et d’Ava, dans la proclamation du Rabsacès aux envoyés d'Ézéchias et aux habitants de Jérusalem.IV Reg., xviii, 34 ; xix, 13 ; Is., xxxvii, 13. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 165, et Eb. Schrader, Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. ii, p. 8, en parlent comme d’une localité de site inconnu ; mais dans Riehm, Handwörterbuch des bibl. Altertums, 1. 1, p. 594, le même Eb. Schrader croit devoir la placer en Babylonie, parce que le texte sacré la mentionne à côté de Sépharvaim, et en conséquence l’identifierait volontiers avec l’Anat ou 1’ʿAnah actuelle, située sur la rive droite et aussi en partie sur une île de l’Euphrate, entre Hit et Rakka, à quatre journées de marche au nord-ouest de Bagdad. Cette identification avait déjà été proposée par d’anciens commentateurs, notamment par dom Calmet, Comment. litt., in IV Reg., xviii, 34, lequel ne décide cependant pas si Ana est un nom de ville ou un nom d’idole ; mais, outre que les Sépharvaïtes n’avaient point d’idole de ce nom, le contexte de ces passages, comparé à IV Reg., xvil, 31 (où les Hévéens sont les habitants d’Ava), marque bien qu’il s’agit d’une localité. G. Rawlinson, dans The five great Monarchies, t. ii, p. 485, et dans Smith’s Dictionary of the Bible, t. i, p. 786, soutient aussi cette identification. L’Anah ou Anat moderne, l’Anatho des classiques ( t ou tho n'étant que la terminaison féminine) n’occupe plus qu’une longue bande sur la rive droite du fleuve : c’est une ville de quatre mille habitants, très fréquentée des caravanes, et près de laquelle on remarque des ruines anciennes. Elle paraît déjà mentionnée, sous la forme An-at, dans les annales du roi d’Assyrie AëSour-nasir-apal, mais comme indépendante de l’empire assyrien : « ir Anat ina kabal nahar Puratti, la ville d’Anat au milieu de l’Euphrate. » The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. i, pi. 23, co. iii, 1. 15 et 16. Les textes cunéiformes actuellement connus ne mentionnent d’ailleurs pas la prise de cette ville, et le passage d’ASsournasir-apal est lui-même antérieur de plus d’un siècle et demi au siège de Jérusalem et au discours du Rabsacès. Enfin Fr. Delitzsch, Wo lag das paradies, p. 279, tout en rapprochant aussi l’Anat des inscriptions de l’Ana biblique, la distingue cependant de l’Anah actuelle, et la place notablement plus au nord, mais sans raison bien décisive ; ce qui fait qu’il n’est guère suivi par les autres assyriologues, lesquels reconnaissent d’ailleurs que la forme hébraïque, commençant par un hé, s'éloigne moins de la forme assyrienne que le mot arabe actuel, qui commence par un 'aïn. Voir Isidore de Charax, Mansiones parthieæ, dans Müller, Geographi græci minores, édit. Didot, 1. 1, p. 249 et note, avec la carte ix, Ibid., Tabulæ in geogr. gr. min. pars prima ; A. Layard, Discoveries in Ninive and Babylon, 1853, p. 355 ; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 142, note ; E. Reclus, Nouvelle Géographie universelle, t. IX, p. 450 et 460.
ANAAS. Voir Senaa.
ANAB (hébreu : 'Anâb ; Septante : Ἀναβώθ, Jos., M, 21 ; 'Avûv, Jos., XV, 50), ville appartenant au district montagneux de la tribu de Juda, Jos., xv, 50, occupée primitivement par les Énacim, qui furent exterminés par Josué. Jos., xi, 21. Eusèbe et saint Jérôme nous disent qu’elle existait encore de leur temps « sur les confins d’Eleuthéropolis » (aujourd’hui Beit-Djibrin), Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 93, 221. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, 1. 1, p. 494, signale un village de même nom, mais à une certaine distance au sud-est de Beit-Djibrin et au sud-ouest d’Hébron. M. V. Guérin en décrit deux situés dans cette même contrée et tout près l’un de l’autre. Le premier s’appelle Khirbet 'Anab es-Serhir, c’est-à-dire « ruines d’Anab la Petite ». « Des centaines de maisons renversées, en pierres de taille pour la plupart, couvrent le sommet et les pentes d’une colline. Quelques constructions plus étendues, et bâties avec de gros blocs, les uns aplanis, les autres relevés en bossage, semblent avoir été des édifices publics. De distance en distance, on rencontre des citernes et des magasins souterrains creusés dans le roc. » V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 362.
Le second, placé un peu au sud-ouest du premier, s’appelle Khirbet 'Anab el-Kebir, ou « ruines d’Anab la Grande », et ces ruines sont très étendues. « La ville dont ce Khirbet offre les débris s'élevait sur deux collines, l’une occidentale, l’autre orientale, séparées par une vallée qui est aujourd’hui livrée à la culture, et qui paraît avoir été aussi jadis couverte d’habitations. En parcourant l’emplacement que cette ville occupait, on heurte à chaque pas les arasements de maisons bouleversées de fond en comble, qui renfermaient pour la plupart un hypogée pratiqué dans le roc. Il y a de nombreuses citernes ; les unes sont obstruées par des décombres, les autres sont encore pleines d’eau. » V. Guérin, ouv. cité, p. 365. Sur la colline occidentale, on remarque une mosquée presque entièrement construite avec des blocs antiques, dont quelques-uns sont taillés en bossage. Sur celle de l’est se trouvent les traces d’une église chrétienne, et les vestiges considérables d’un vaste édifice qui paraît avoir eu une destination militaire ; il était bâti en pierres de taille très régulièrement agencées. « La Bible, il est vrai, ajoute M. Guérin, loc. cit., ne mentionne, dans le massif montagneux de Juda, qu’une seule ville appelée 'Anab ; mais les deux Khirbet connus sous ce nom, et distingués uniquement l’un de l’autre par les épithètes de petit ou de grand, prouvent que dans l’antiquité il y avait deux villes ainsi désignées, qui pouvaient être différenciées entre elles par quelque surnom analogue. » N’en pourrait-on pas trouver comme un souvenir dans l’Ἀναβώθ des Septante, qui semblent avoir lu le pluriel du féminin Ἁnabah, employé dans le Talmud ? Quoi qu’il en soit, l’emplacement de l’une ou de l’autre de ces localités convient parfaitement à l’antique cité biblique, mentionnée avec Hébron et Dabir (Dhaberiéh ou Khirbet Dïlbéh), Jos., xi, 21, et placée dans le voisinage d’Istemo (Semoua) et d’Anim (Rhoueïn). Jos., xv, 50. L’arabe Ἁnab, « raisin, » avec aïn initial, correspond aussi exactement à l’hébreu, tant au point de vue du nom qu’au point de vue de la signification. Voir la carte de la tribu de Juda.
ANAËL (Septante : Ἀναήλ), frère de Tobie selon les Septante. Tob., i, 21.
ANAGOGIQUE (SENS). Le sens anagogique est un
sens spirituel de l'écriture, fondé sur un type ou un objet figuratif du ciel et de la vie éternelle. « Anagogia, quasi sursum ductio, quando per unum factum intelligendum est aliud, quod desiderandum est, scilicet æterna felicitas beatorum. » S. Bonaventure, Breviloquium, proœm., § 5. De sa nature, l’anagogie est propre à tous les passages de
l'Écriture qui, suivant la lettre ou l’esprit, traitent du ciel et des biens éternels. Dans le langage ecclésiastique, elle est restreinte aux sens spirituels qui ont cet objet. Quelques Pères, Origène, De principiis, iv, 21, t. xi, col. 387 ; In Matth., x, 14, t. xiii, col. 868 ; S. Jérôme, Epist. lxxiii, 9,
t. xxii, col. 681 ; In Amos, iv, 4, 5, t. xxv, col. -1027 ; S. Chrysostome, In Ps. xlvi, 1, t. lv, col. 208 ; Denys
l’Aréopagite, De cœlesti hierarchia, i-ii, t. iii, col. 121 et 137, désignaient par ce nom le sens spirituel, qui toujours élève l’esprit des lecteurs vers des choses hautes et sublimes. Depuis le moyen âge, le sens anagogique n’est plus considéré que comme une espèce particulière du sens spirituel. Voir Spirituel (sens).
Les types anagogiques, pris dans la signification restreinte, sont peu nombreux dans l'Écriture. La plupart peuvent être rangés parmi les types allégoriques, et le plus souvent les saints Pères ne les en ont pas distingués. La ville de Jérusalem, capitale du royaume de Juda, représente anagogiquement le ciel, le royaume que Dieu a préparé aux élus pour l'éternité. Tobie, xiii, 21-22. Le sacerdoce de Melchisédech, Heb., vii, 24 et 25 ; viii, 1, et celui d’Aaron, Heb., viii, 4 et 5, figurent le sacerdoce éternel du Sauveur et son exercice au ciel. Le tabernacle et le temple dans lesquels s’offraient les sacrifices juifs étaient l’emblème du ciel, temple où le pontife éternel s’immole lui-même. Heb., XI, 2-25. L’idée la plus féconde en applications anagogiques est que les biens temporels, promis aux observateurs de la loi ancienne, étaient la figure des biens éternels réservés aux chrétiens. Les commentateurs se sont complus à la développer. Voir Patrizi, Institutio de interpretatione Bibliorum, Rome, 1876, n° 289 et 290.
ANAGLYPHA, mot grec (ἀνάγλυφα) employé par saint Jérôme dans sa traduction du troisième livre des Rois, vi, 32 : « Sculpsit ( Salomon) in eis ( sur les portes en bois d’olivier du Saint des sainte) picturam cherubim, et palmarum species et anaglypha valde prominentia, » c’est-à-dire que Salomon fit sculpter sur les deux portes de l’entrée du Saint des saints des figures de chérubins et de palmes, et des bas-reliefs très saillants. Anaglypha vient du verbe grec γλύφω (d’où est aussi tiré notre mot français glyptique), « graver en creux ou en bosse, ciseler, sculpter, » et de ἀνά, qui marque que la gravure est en relief et non en creux. Les anaglypha sont donc des sculptures en relief. Le texte hébreu porte : « Il fit représenter en relief (sur les portes) des figures de chérubins, de palmes et de fleurs épanouies. » Ce genre de travail était très connu des Phéniciens, comme des Égyptiens et des Chaldéo-Assyriens, qui faisaient un grand usage des bas-reliefs dans la décoration de leurs temples et de leurs palais. La représentation des sphinx en Egypte, des chérubins en Chaldée et en Assyrie, des plantes et des fleurs dans ces divers pays, étaient les motifs les plus communs de l’art national, en dehors des scènes où figuraient les personnages divins ou humains.
ANAHARATH (hébreu : ʾĂnâḥărâṭ ; Septante : Ἀναχερέθ), ville de la tribu d’Issachar, mentionnée entre Séon et Rabboth. Jos., xix, 19. Le manuscrit alexandrin portant Ῥενάθ et Ἀῤῥανέθ, certains auteurs en ont conclu que le nom était peut-être corrompu, et qu’il faudrait lire en hébreu 'Arhanat, en transposant le resch et le noun.
On pourrait ainsi l’identifier avec celui d’Arânéh, petit village situé au nord de Djenin, au pied du mont Gelboé. Cf. C. F. Keil, Biblischer Commentar über das Alte Testament, Josua, Leipzig, 1874, p. 154. Ce qui nous empêche d’admettre cette opinion, c’est que la paraphrase chaldaïque, la Vulgate, la version arabe, sans compter les autres manuscrits des Septante, rendent le mot de la
même manière, et que, de plus, nous le trouvons reproduit sur les monuments égyptiens avec la même exactitude. Il est, en effet, dans les listes géographiques de Tothmès III, sur les pylônes de Karnak, n° 52 ; et la transcription est aussi parfaite que possible, sans changement ou retranchement d’aucune lettre, comme on peut s’en
convaincre en comparant les caractères égyptiens et
hébraïques : , Anûḥertû (dans deux exemplaires, ' Anûḥerû), אנחרח. Cf. A. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 29. M. E. de Rougé avait, dès le principe, reconnu là une « de ces transcriptions… rigoureusement conformes aux règles très logiques que les hiérogrammates avaient su se tracer et qui sont fondées sur une grande connaissance des deux idiomes ». Étude sur divers monuments du règne de Toutmès III, dans la Revue archéologique, novembre 1861, p. 364. M. Maspero déclare que ce nom « a un équivalent certain dans l’onomastique de la Bible ». Sur les noms géographiques de la liste de Thoutmos III, qu’on peut rapporter à la Galilée, extrait des Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Societyof Great Britain, 1886, p. 10.
Les explorateurs anglais proposent d’identifier Anaharath avec En-Na 'ourah, localité située à la partie septentrionale du Djebel Dahy ou Petit-Hermon. Cf. G. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 10. Cet emplacement, sans être certain, convient assez bien à la cité biblique, séparée seulement par deux noms de Sunem (Soulem), Jos., xix, 18, et mentionnée, dans les listes de Karnak, entre Schémesch-Adouma (peut-être Édema, Jos., XIX, 36, aujourd’hui Khirbet Admah) et Apourou = Apoulou (Fouléh, El-Afouléh ?). Cf. Maspero, ouv. cité, p. 10, 11. M. Guérin, qui a visité En-Na’ourah, n’a rien relevé de remarquable dans ce village, autrefois considérable, réduit aujourd’hui à l'état de simple hameau. Cf. Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 124. Voir la carte de la tribu d’Issachar.
ANAÏA (hébreu : ʾĂnâyâh, « Jéhovah exauce ; » Septante : Ἀναΐα, Ἀνανιας), un des chefs du peuple qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 22. Peut-être est-il le même que celui qui se tenait au côté d’Esdras dans la lecture solennelle de la loi au peuple, et que la Vulgate appelle Ania. II Esdr., viii, 4.
ANAMÉLECH (hébreu : ʾĂnammélék ; Septante :
Ἀνημελέκ ; textes cunéiformes : Anunitu-malkitu, et, suivant d’autres : Anu-malku ou Anu-malik), idole dont les Sépharvaïtes, IV Reg., xvii, 29-41, introduisirent et perpétuèrent le culte, conjointement avec celui d’Adramélech, dans la Samarie où les avait transplantés Sargon, roi d’Assyrie, après la destruction du royaume d’Israël et
la prise de sa capitale. On lui offrait des enfants en holocauste. Les anciens et les rabbins disent qu’on le représentait sous la forme d’un cheval, d’un paon, d’un faisan, etc., mais sans aucune preuve, et probablement par le seul désir de tourner en dérision le culte samaritain, à peu près comme Apion accusait les Juifs d’adorer une tête d'âne. L’une des deux portions de Sippar, la Sépharvaïm biblique, patrie de ces néo-Samaritains, était particulièrement consacrée à cette déesse Anounit ; les textes cunéiformes la mentionnent fréquemment sous le nom de Sippar ša Anunitu, Sippar d’Anounit, à côté de Sippar ša Šamšu, la Sippar du soleil, The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, pi 65, 1.18, 196. Malkitu serait une épithète empruntée au verbe malaku, « être prince, » laquelle est donnée à plusieurs divinités assyro-babyloniennes, The cun. Inscr. of Western Asia, t. iv,
pi. 56, 1. 36 b. Anounit joue un rôle à la fois effacé, mal défini, et multiple, comme presque toutes les divinités féminines mésopotamiennes. Plusieurs textes semblent la confondre avec la déesse Istar ou Vénus, The cun. Inscr. of Western Asia, t. iii, pi. 53, 1. 34 b ; Lenormant-Babelon,
Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 257 ; du reste, au point de vue étymologique, ce nom signifie simplement déesse ; il a donc pu être porté par plusieurs divinités différentes, H. Sayce, Lectures on the origin and growth ofthe religion, p. 261, 273 et 306.
C’est ce qui a engagé plusieurs assyriologues, notamment S. H. Rawiinson, à voir dans l’Anamélech biblique une déesse Aa ou Malkitu, épouse du Soleil, souvent mentionnée dans les texles cunéiformes : Aa ḥirtum naramtaka ḥadiš limmaḥḥirka, dans les Transact. of the Society of Biblical Archæology, t. viii, p. ii, p. 168 ; Ebabara ša Sippar ana Samši u Aa belia eššiš ebuš. The cun. Inscr. of Western Asia, t. i, pi. 65, c. ii, 1. 40-41, etc. Le terme non sémitique aa semble être l'équivalent du verbe sémitique malaku, et se décliner comme lui, ainsi que l’insinue, entre autres, l’exemple de l’Eponymencanon, Delitzsch, Assyrische Lesest., 1878, p. 96, 1. 176. — Ceux qui identifient Anamélech avec l'épouse du Soleil peuvent encore alléguer en faveur de leur opinion les sacrifices humains mentionnés dans la Bible ; ils rappellent en effet le culte des divinités solaires en Chanaan, en Phénicie et à Carthage. Voir Moloch. Cette Aa-Malkit paraît avoir été une personnification féminine du soleil considéré comme principe de beauté, de grâce et de douceur, tandis que Samsou était le principe mâle, c’est-à-dire le principe de force, d'énergie, de chaleur brûlante ; il en résultait une dualité analogue à celle de Moloch-Baal en Phénicie, de Seket-Bast en Egypte, qui représentait également l’astre dans sa force et dans sa douceur.
Dans ces deux hypothèses, il faut regarder le mot biblique comme dépouillé de sa terminaison féminine, soit intentionnellement, soit accidentellement, par le fait des transcripteurs. Du reste, ce retranchement de la terminaison féminine se remarque encore dans d’autres mots passés de l’assyrien à l’hébreu : Idiklat(u), nom assyrien du Tigre, donne l’hébreu Ḥiddékel ; tehâmtu, l’abîme, devient l’hébreu tehôm, etc.
Dom Calmet, Comment. litt., ad loc., a cru pouvoir identifier avec la Lune l’Anamélech biblique. Mais celle-ci était considérée en Babylonie et en Assyrie comme un dieu, nommé Sin, indépendant du Soleil, Šamšu, dont il était l'égal et souvent même le supérieur ; d’ailleurs Sippar ne lui était pas consacrée.
Eb. Schrader croit enfin qu’Anamélech n’est autre que le dieu Anu, suivi de l'épithète maliku, prince ; il identifie même, dans Biehm, Handwörterbuch des bibl. Altertums, t. i, p. 61, cet Anou avec l’Oannès ou dieu-poisson, qui apporta sur la terre les arts et les sciences, au dire de Bérose. Mais cet Oannès est certainement Ea-han ou Ea-nunu, dieu de l’océan, de l’abîme et de la sagesse. Quant à Anou, c'était le dieu du ciel, comme Éa était le dieu de l’abîme, et Bel celui de la terre ; la croix, image des quatre régions, c’est-à-dire des quatre points cardinaux, paraît avoir été son emblème. À la vérité, il était adoré spécialement à Dir, qui portait le nom de « ville du dieu Anou », et qui était à quelques kilomètres seulement de Sippar. Fr. Homme], Die Semitischen Völker, t. i, p. 330 ; Zur altbabylonischen Chronologie, p. 43, dans le Zeitschrift für Keilschriftforschung, i, et Separatabdruck. Cependant les holocaustes dont parle la Bible semblent indiquer plutôt dans Anamélech une divinité solaire ; de plus, les textes cunéiformes mentionnent toujours le culte de Samsou et d’Anounit comme caractérisant la ville de Sippar, tandis qu’ils ne disent jamais qu’Anou y ait été particulièrement honoré. On ne voit donc pas pourquoi les Sépharvaïtes auraient introduit en Samarie, comme divinité nationale, le dieu d’une localité étrangère. Cf. J. Seldenus, De diis syris, 1061, I, p. 328 ; il, p. 308, et passim pour les anciens ; parmi les modernes : Fr. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 210 ; F. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 7 ; Th. Pinches, Proceed. of the Society of Biblic. archæol., 3 novembre 1885, p. 27 ; Schrader-Whitehouse, The cuneiform Inscriptions and the Old Testament, t. i, p. 276 Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 251 et 259 ; G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. ii, p. 10, t. i, p. 126-129 ; H. Sayee, Lectures on the origin of religion, Londres, 1887, p. 182-184 ; 176-179 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 175. E. Panmer.
ANAMIM (hébreu : 'Ânâmîm ; Septante : Ἐνεμετιείμ, Gen., x, 13 ; 'Ai/xutii, I Par., i, 11), peuple égyptien, mentionné le second parmi les descendants de Mesraïm. Gen., x, 13 ; I Par., i, 11. Quelques-uns des anciens interprètes le plaçaient dans la basse Egypte : le pseudo-Jonathan, ou le Targum sur le Pentateuque, dans le nome Maréotique ; Rabbi Saadia, ou la version arabe, dans les environs d’Alexandrie. Les commentateurs modernes ont émis des hypothèses trop souvent basées sur des étymologies douteuses et des rapprochements chimériques. S. Bochart fait des Anamim une peuplade habitant la région du temple de Jupiter Ammon et la Nasamonite, Phaleg, Cæn, 1647, 1. IV, ch. xxx, p. 322 ; dom Calmet les assimile aux Garamantes, indigènes du centre de l’Afrique, Commentaire sur la Genèse, Paris, 1707, p. 266 ; Gesenius compare le grec Ἐνεμετιείμ à BENENITC, nom d’une contrée citée par Champollion, Thesaurus linguæ heb., p. 1052. Knobel et Bunsen combinent le même mot des Septante avec emhit, « le nord, » et l’entendent des habitants du Delta. Cf. Crelier, La Sainte Bible, La Genèse, Paris, 1889, p. 131. L’opinion d’Ebers, un peu plus fondée que la précédente, est elle-même bien incertaine. D’après lui, le peuple dont nous parlons serait identique aux Aamû ou An-Aamû, pasteurs asiatiques établis sur le bras bucolique du Nil, Aegypten und die Bücher Mose’s, t. i, p. 98 et suiv.
Les principaux égyptologues français reconnaissent les Anamim dans les 'Anou. Cf. E. de Rougé, Recherches sur les monuments des six premières dynasties, dans les Mémoires de l’académie des Inscriptions, t. xxv, 1866, p. 228 et suiv. ; G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 4e édit., Paris, 1886, p. 14 ; F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9° édit., Paris, 1881, t. i, p. 269. « Les Anamim, dit ce dernier, sont les ʾAnnou des monuments égyptiens, population qui apparaît, aux âges historiques, brisée en débris répandus un peu partout dans la vallée du Nil ; elle a laissé son nom aux villes d’Héliopolis (en égyptien ʾAn), Tentyris ou Dendérah (appelée aussi quelquefois ʾAn) et Hermonthis (ʾAn-res, la ʾAn du sud) ; deux de ses rameaux gardèrent pendant un certain temps, après les autres, une vie propre, l’un dans une portion de la péninsule du Sinaï, l’autre dans la Nubie ; ce sont probablement les gens de ce dernier rameau, les 'Anou-Kens des inscriptions égyptiennes, que l’auteur du document ethnographique de la Genèse a eu en vue. » Il est probable que les Anou formèrent l’avant-garde des populations primitives qui vinrent se fixer en Egypte, et qu’ils eurent ensuite à supporter le poids des tribus venues après eux. Refoulés en grande partie vers le midi, ils habitaient, sous la douzième dynastie, dans le désert et au delà de la seconde cataracte, errant avec cent tribus aux noms étranges, toujours prêtes aux razzias, toujours battues et jamais soumises. Les Pharaons, comprenant combien il leur était nécessaire de réduire ces peuples, tandis qu’ils étaient encore indécis et flottants, tournèrent leurs armes contre eux, et, à force de persévérance, parvinrent à les dompter pour la plupart, à détruire ou à refouler vers le sud ceux qui s’obstinèrent à la lutte. Cf. Maspero, ouv. cité, p. 104-105.
1. ANAN (hébreu : 'Anân, « nuage ; « Septante : Ἠνάμ), un des chefs du peuple qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 26.
2. ANAN ben David, célèbre docteur juif qui vivait au viiie siècle dans l'école rabbinique de Sora, en Babylonie. Écarté de la dignité de Gaon ou chef de cette école, à laquelle il aspirait, il fut blessé de cette exclusion. Aussi, par ressentiment contre ses collègues, et peut-être aussi entraîné par l’exemple des Chiites, qui, dans l’islamisme, se déclaraient alors les adversaires de la tradition, Anan secoua le joug de la hiérarchie rabbinique, et fonda, vers 700, la secte des Caraïtes. Comme les rabbins et leur méthode régnaient en maîtres dans la Babylonie, il y eut peu de succès. Accompagné de son fils Saül, il alla à Jérusalem, où le rabbinisme était alors moins florissant. Il sut y acquérir une grande influence : il s'éleva contre les traditions des rabbins et leurs interprétations artificielles, ramena à l'étude trop oubliée du texte de la Bible, et imprima à l’exégèse de Palestine une direction plus rationnelle. Voir Caraïtes. Cf. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse, p. 196-197.ANANI, hébreu : ʿĂnâni, abréviation pour ʿĂnanyâh, « Jéhovah couvre, protège ; » Septante : Ἀνάν.
1. ANANI, septième fils d'Éliœnaï, descendant par Zorobabel de la famille de David. I Par., iii, 24.
2. ANANI. Voir Hanan.
ANANIA (hébreu : ʿĂnanyâh ; Septante : Ἀνία), ville de la tribu de Benjamin, mentionnée, avec Anathoth et Nob, comme ayant été réhabitée après le retour de la captivité. Il Esdr., xi, 32. Le nom et la position nous permettent de l’identifier avec Beit-Hanina (Hanina généralement écrit avec ha, quelquefois aussi avec aïn), village situé à une petite distance au nord de Jérusalem, entre Anata (Anathoth) au sud-est, et El-Djib (Gabaon) au
nord-ouest. Voir la carte de la tribu de Benjamin. Assis sur une colline qui court du nord au sud, il possède quelques maisons fort anciennes et intérieurement voûtées. Près d’une mosquée, sous le vocable de Sidi Ibrahim, est un chapiteau de colonne, probablement antique, et creusé en forme de mortier. On trouve dans les environs de superbes plantations d’oliviers, où des essaims de tourterelles voltigent d’arbre en arbre. L’an 1334 de notre ère, les Juifs vénéraient en cet endroit le tombeau d’un ancien rabbin, appelé Chemina ben-Dosa, dont le nom,
identique avec celui du village actuel, aura pu faire
oublier, en l’altérant un peu, l’antique dénomination
de 'Ananiah. Cf. V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. i, p. 394.
ANANIAS. Voir Ananie.
ANANIE, ANANIAS, hébreu : ʿĂnanyâh, « Jéhovah couvre, protège, » ou Ḥânanyâh, « Jéhovah traite avec miséricorde ; » Septante : Ἀνανιάς. Voir Hanani, Hananias.
1. ANANIE (hébreu : Ḥânanyâh), prêtre, un de ceux qui faisaient les parfums sacrés. 1 Par., ix, 30. Il rebâtit une partie des murs de Jérusalem à l'époque de Néhérnie. II Esdr., iii, 8.
2. ANANIE, prêtre, ancêtre d’Azarias, qui rebâtit une partie des murs de Jérusalem après la captivité. II Esdr., iii, 23.
3. ANANIE, père d’Azarias, dont le nom fut pris par l’ange Raphaël lorsqu’il s’offrit pour accompagner le jeune Tobie à Rages. Tobie le père, ayant demandé à l’ange, qu’il ne connaissait pas, de quelle famille et de quelle tribu il était, Raphaël lui répondit : « Je suis Azarias, fils du grand Ananias. » Tobie le père lui répondit : « Vous êtes d’une race illustre. » Tob., v, 16-19. Nous ne savons rien de plus sur cet Ananie. Le texte grec ajoute seulement ces paroles placées dans la bouche de Tobie le père : « J’ai connu Ananie et Jonathas, fils du grand Sëméi, quand nous allions ensemble adorer à Jérusalem. » Tob. (Septante), v, 13.
4. ANANIE, nom d’un ancêtre de Judith dans le Codex Sinaïticus. Judith, viii, 1. Il ne se lit pas dans l'édition ordinaire des Septante, non plus que dans la Vulgate.
5. ANANIE, compagnon de Daniel, qui reçut à Babylone le nom chaldéo - assyrien de Sidrach. Dan., i, 6-7. Voir Sidrach. Il était de la famille royale de David, comme le montre le choix que fit de lui Asphenez, le chef des eunuques de Nabuchodonosor, pour le faire élever dans l'école du palais avec Daniel, Misaël et Azarias. Dan., i, 3. Ananie est toujours nommé après Daniel et avant Misaël et Azarias, Dan., i, 6, 7, 11, 19 ; ii, 17, etc., sans doute comme étant un personnage moins important que Daniel, mais plus important que ses deux autres compagnons.
C'était l’usage, à Ninive et à Babylone, de faire élever à la cour des enfants appartenant aux familles principales des peuples vaincus, afin de les attacher ainsi aux vainqueurs et de s’en servir ensuite pour gouverner les nouveaux sujets de l’empire qui étaient de même race. Ananie reçut ainsi, avec Daniel, Misaël et Azarias, une éducation babylonienne, et apprit des maîtres chaldéens tout ce qui constituait la science d’alors. Dan., i, 4. Avec ses compagnons, pour observer strictement la loi mosaïque qui défendait l’usage de viandes impures, il ne se nourrit dans le palais que de légumes, et Dieu bénit cette fidélité. Dan., i, 12, 16. Après avoir fait les plus grands progrès dans les sciences chaldéennes, Ananie fut investi de fonctions élevées à la cour de Nabuchodonosor. Dan., i, 19-20. Sur la demande de Daniel, lorsque le jeune prophète eut expliqué le premier songe du roi de Babylone, Ananie fut placé, avec Misaël et Azarias, à la tête des affaires ou des travaux publics de la province de Babylone. Une si grande faveur excita contre lui et ses compagnons une vive jalousie. Nabuchodonosor ayant fait élever une statue d’or dans la plaine de Dura, près de Babylone, et ayant ordonné à tous ses officiers de l’adorer, les trois jeunes Hébreux refusèrent d’exécuter un ordre qui blessait leur conscience. Les Chaldéens saisirent aussitôt cette occasion de satisfaire leur haine contre eux, et les dénoncèrent au roi, qui, n’ayant pu les déterminer à commettre un acte d’idolâtrie, les fit jeter dans une fournaise ardente. Dan., iii, 1-23. Dieu récompensa la foi d’Ananie, de Misaël et d’Azarias, en les conservant vivants au milieu des flammes, et ils le remercièrent de ce grand miracle par le cantique connu sous le nom de Benedicite, omnia opera Domini, Domino, qui nous a été conservé dans la partie deutérocanonique du livre de Daniel, iii, 52-90. Nabuchodonosor, frappé de ce prodige, maintint Ananie, Misaël et Azarias dans le gouvernement de la province de Babylone. Dan., iii, 97 (30). Nous ne savons plus rien de l’histoire d’Ananie ; mais son exemple devait être fécond. Plus tard, le vieux Mathathias mourant rappelait à Judas Machabée et à ses frères la fermeté des compagnons de Daniel, pour exhorter ses enfants à être eux-même fidèles à leur Dieu et braver la persécution d’Antiochus Épiphane. I Mach., ii, 59. Les premiers chrétiens les représentaient aussi, souvent, au milieu des flammes de la fournaise, dans les catacombes, afin de s’exciter par leur exemple à confesser généreusement leur foi devant les tribunaux romains.
6. ANANIE, époux de Saphire. — Ananie était un chrétien de la communauté primitive de Jérusalem, qui, de concert avec sa femme Saphire, essaya de tromper saint Pierre sur le prix d’un champ qu’il avait vendu. Act., v, 2. Il aurait pu, ainsi que le lui fait remarquer l’apôtre, ne pas vendre son champ, et même après l’avoir vendu en garder le prix tout entier ; mais en feignant d’apporter à la communauté tout le prix de vente, lorsque, au contraire, il en retenait une partie pour son propre usage, il mentait non pas tant aux hommes qu'à Dieu. À l’audition des reproches de saint Pierre, Ananie tomba et expira. Des jeunes gens (νεώτεροι, ceux qui probablement étaient chargés des besognes matérielles de la communauté par opposition aux πρεσβύτεροι, chargés des fonctions spirituelles) se levèrent, enveloppèrent le corps, et allèrent l’ensevelir. Trois heures après, le même sort atteignit sa femme Saphire, complice de son crime, et convaincue de mensonge par saint Pierre. — L’apôtre a-t-il voulu la mort des deux coupables ? C’est probable pour celle d’Ananie, et certain pour celle de Saphire.
Le péché d’Ananie et de Saphire a été double. Dans la communauté primitive de Jérusalem les biens étaient communs, Act., IV, 32 ; tous vendaient ce qu’ils possédaient et en livraient le prix aux Apôtres, puis on distribuait à chacun selon ses besoins. Act., v, 34, 35. Ananie et Saphire voulurent participer aux biens de tous, sans livrer le leur en entier ; c'était une injustice. En outre ils essayèrent de tromper les Apôtres, et mentirent ainsi à Dieu, qui inspirait ceux-ci.
Quelques rationalistes (Heinrichs, Neander) ont expliqué cette double mort par des causes naturelles : apoplexie, congestion cérébrale, émotion causée par la vénération dont était entouré saint Pierre, simple évanouissement suivi d’un ensevelissement précipité. Rien n’autorise de pareilles suppositions ; de l’ensemble du récit il ressort clairement que l'événement a été miraculeux. Comment admettre d’ailleurs que cette double mort ait été causée naturellement à quelques heures de distance par un reproche de saint Pierre ?
D’autres (Baur, Holtzmann) croient que le récit a un fondement historique, mais qu’il a été arrangé. Ananie et Saphire auraient péri d’une façon inusitée, et comme on avait à leu-r reprocher des actes d’indélicatesse envers la communauté, on aurait supposé que cette mort en était le châtiment. Les faits se seraient précisés dans la suite des temps. À une hypothèse aussi gratuite on ne peut répondre que par une fin de non-recevoir. Saint Luc a certainement voulu raconter un événement miraculeux. Rien dans son récit n’est contradictoire ou impossible, si l’on admet le surnaturel. Cela doit suffire.
7. ANANIE de Damas devint de très bonne heure disciple de l'Évangile. Act., ix, 10. Son nom était fort commun parmi les Juifs, et les derniers mots du v. 12, Act., xxii, prouvent qu’il était de race israélite. Observateur zélé de la loi, ἀνὴρ εὐσεβὴς κατὰ τὸν νόμον, il avait l’estime de ses compatriotes établis comme lui à Damas (fîg. 134). Saint Paul observe, en effet, que tous rendaient témoignage à sa haute vertu. Act., xxii, 12. On ne voit pas cependant qu’il ait eu rang parmi les chefs de l’Eglise naissante, et saint Chrysostome suppose qu’en recourant ainsi à un simple disciple, nouveau-né dans la foi, pour introduire Paul dans l'Église, Dieu voulut faire entendre que l’Apôtre des Gentils tenait, comme les Douze, sa mission de Jésus lui-même, et non d’un des chefs officiels de la religion nouvelle.
134. — Maison bâtie à Damas sur l’emplacement traditionnel de la maison d’Ananie.
Dans une vision, Ananie reçut l’ordre d’aller trouver Paul chez Judas, un Juif qui habitait la rue Droite de Damas, pour lui rendre la vue et lui communiquer le Saint-Esprit. Act., ix, 11-17. Après un premier mouvement de frayeur, dont il fuit naïvement l’aveu, en rappelant qui était Paul et ce qu’il avait fait jusqu'à ce jour, le disciple alla vers celui qui n'était plus à craindre pour l'Église, mais à utiliser. Il le salua du nom de frère, lui révéla ce que Dieu attendait de sa générosité, et, lui ayant imposé les mains, commença par lui rendre miraculeusement la lumière du jour. Après quoi il le baptisa, ayant ainsi la gloire d’attacher à Jésus-Christ un disciple qui allait devenir son plus vaillant champion. Josèphe parle d’un Juif, appelé Ananie, qui faisait du prosélytisme à la cour d’Izate, roi d’Adiabène. Il ne serait pas impossible que ce prédicateur fût un chrétien, et peut-être l’Ananie qui avait baptisé Paul. Voir Le Camus, L'œuvre des Apôtres, t. i, p. 342. La tradition de l'Église d’Orient fait d’Ananie le premier évêque de Damas et un martyr, mais elle n’est fondée sur rien de certain.
8. ANANIE (Ἀνανιάς ou Ἀνανια chez Josèphe, Jonathan dans le Talmud), grand prêtre juif. Ananie était de l’illustre famille de Hanan et fils de Nébédée ; il fut connu surtout par ses immenses richesses et par son extrême gloutonnerie. Nommé grand prêtre en 48 par Hérode de Chalcis, il conserva probablement la charge jusqu’en l’an 59, époque à laquelle Agrippa II conféra le souverain pontificat à Ismaël, fils de Phabi. Cependant Josèphe rapporte qu’en 55, le grand prêtre Jonathan, fils de Hanan, fut assassiné par l’ordre du procurateur Claudius Félix. Ce Jonathan est-il appelé grand prêtre (ἀρχιερεύς), parce qu’il l’était au moment où il périt, ou bien parce qu’il l’avait été vers l’an 36 ? La réponse à cette question pourrait nous expliquer les paroles de saint Paul, Act., xxiii, 5, que nous discuterons plus loin.
En 52, le grand prêtre Ananie fut envoyé enchaîné à Rome, avec son fils Hanan et Jonathan, par le proconsul de Syrie, pour se justifier de la part qu’il avait prise dans un conflit entre les Juifs et les Samaritains. Ces derniers, soutenus par Cumanus, procurateur de Judée, et le tribun Celer, tous deux d’ailleurs compromis dans l’affaire, auraient gagné leur cause, si Agrippa II et Agrippine, femme de l’empereur, n’avaient obtenu de Claude qu’on fit une enquête, laquelle aboutit au triomphe d’Ananie et des Juifs.
En 53, le grand prêtre Ananie assista au conseil rassemblé par le tribun Claudius Lysias pour savoir de quoi était accusé saint Paul, qui venait d’être arrêté au milieu d’une émeute. Dès les premières paroles de l’Apôtre, Ananie ordonna de le frapper au visage. Saint Paul lui reproche vivement cet ordre illégal, et le traite de « muraille blanchie ». Cf. Matth., xxiii, 27. Les assistants lui faisant observer qu’il injuriait le grand prêtre, saint Paul répond qu’il ne savait pas qu’Ananie fût grand prêtre. Act., xxiii, 2-6.
Comment saint Paul a-t-il pu ignorer qu’Ananie était ou avait été grand prêtre ? — Rien n’indiquait à l’Apôtre la qualité d’Ananie. Il n’est pas dit que celui-ci présidât le Sanhédrin, fonction qui probablement d’ailleurs n’était pas réservée au grand prêtre ; en outre il ne portait pas un costume qui le distinguât des assistants. Et saint Paul, depuis sa conversion, ne faisait à Jérusalem que de rares et courts séjours ; ce n’était pas Ananie qui lui avait autrefois délivré ses lettres de créance pour aller rechercher les chrétiens de Damas, Act., ix, 1-2 ; les grands prêtres à cette époque se succédaient rapidement : tout autant de raisons qui expliquent la réponse de l’Apôtre. On a fait remarquer aussi qu’Ananie pouvait bien n’être plus en fonction à cette époque. La scène se passa à son retour de Rome, et il est possible que, destitué à cause des accusations portées contre lui, on ne l’ait pas rétabli dans ses fonctions. Josèphe ne mentionne la nomination d’aucun grand prêtre avant 59 ; mais la formule inusitée qu’il emploie (Ant. jud., XX, viii, 8) pour relater l’entrée en charge d’Ismaël, le grand prêtre nommé en 59, fait supposer l’intercalation d’un pontife entre Ananie et Ismaël. Les Actes des Apôtres appellent Ananie ἀρχιερεύς ; mais, comme on le verra à l’article Anne, ce terme ne désignait pas exclusivement le grand prêtre en fonction ; d’autres personnages le recevaient. Le texte dit même, Act., xxii, 30, qu’on avait rassemblé en conseil les ἀρχιερεύς et tout le Sanhédrin. Ananie pouvait donc être ἀρχιερεύς parce qu’il avait été grand prêtre, et être appelé de ce nom, sans que saint Paul, presque toujours absent de Jérusalem pendant le pontificat d’Ananie, sût qu’il avait droit à ce titre.
Au chapitre xxiv, 1, on retrouve le grand prêtre Ananie, descendant à Césarée avec des anciens pour accuser saint Paul auprès du procurateur Félix. Après discussion, l’affaire fut ajournée.
Quoiqu’il ne fût plus grand prêtre, Ananie, grâce à ses richesses et à ses partisans, à la faveur des procurateurs romains qu’il avait su gagner, exerçait dans Jérusalem une autorité despotique. Josèphe fait de ses violences et de ses iniquités un récit qui explique et confirme ce que racontent les Actes des Apôtres, xxiii, 2 ; Ant. jud., XX, ix, 2. Ananie fut assassiné par les sioaires, comme ami des Romains, au commencement de la révolte des Juifs, en 66 ou 67. Josèphe, Ant. jud., XX, v, 2 ; vi, 2 ; ix, 2 ; Bell. jud., II, xii, 6 ; xvii, 6, 9.
ANANIEL. (Septante : Ἀνανιήλ). ; de l’hébreu : Hânân et’El, « Dieu est bon, miséricordieux » ), grand-père de Tobie, dans le texte grec du livre de ce nom. Ananiel était fils d’Aduel et père de Tobiel, qui eut pour fils Tobie. Tob., i, 1 (texte grec).
ANANUS (Ἄνανος), forme du nom d’Anne, le grand prêtre, dans Josèphe. Ant. jud., XX, ix, 1 ; Bell. jud., IV, iii, 7. Voir Anne 5.
1. ANASTASE LE SINAÏTE (viie siècle), — que l’on a l’habitude de confondre à tort, soit avec cet Anastase qui fut évêque d’Antioche de 559 à 598, soit avec cet autre Anastase qui fut aussi évêque d’Antioche et successeur du précédent (599-610), — le premier, auteur de cinq discours, De rebus dogmatibus veritatis, Pat. Gr., t. lxxxix, col. 1309-1361, et de quatre Orationes festales, ibid., col. 1302-1398, — le second, auteur d’une traduction grecque du De cura pastorali du pape saint Grégoire, qui ne nous est pas parvenue. — Voir, sur ces deux Anastase, Lequien, Oriens christianus, t. ii, p. 734-738. Anastase le Sinaïte est un auteur du milieu du VIIe siècle, contemporain de Jean, patriarche jacobite d’Alexandrie. Lequien, ibid., p. 447. Moine dans un couvent du Sinaï, il paraît surtout s’être fait connaître comme controversiste, et par la publication de son Hodegos, important traité de théologie polémique contre les monophysites alexandrins, Pat. Gr., t. lxxxix, 35-310. On a aussi de lui un ouvrage intitulé Interrogationes et responsiones de diversis capitibus, répertoire de réponses, tirées des Pères, à une série de difficultés dogmatiques, scripturaires ou morales, Pat. Gr., t. lxxxix, col. 311 -821. C’est à cet Anastase le Sinaïte que l’on attribue, de préférence au second Anastase d’Antioche († 610), le traité sur l’œuvre des six jours, intitulé Anagogicarum contemplationum in Hexœmerum libri xii ad Theophilum, t. i.xxxix, col. 851-1077 ; peu intéressant pour la doctrine, mais beaucoup pour les citations d’auteurs anciens qu’il renferme : Ambroise d’Alexandrie, Ammonius, Eustathe d’Antioche, saint Justin, Théodore d’Antioche, Théophile d’Antioche, Clément d’Alexandrie, saint Irénée, Pantène d’Alexandrie, Papias d’Hiérapolis, Philon, Origène, etc. Il est le seul écrivain connu qui ait cité un apocryphe hébreu intitulé Testamentum protoplastorum, ibid., col. 907. Notons enfin qu’il l’apporte, col. 984, que l’évangile selon saint Matthieu a été écrit en hébreu et traduit, ou plutôt remanié en grec, par saint Luc et saint Paul. Voir sur Anastase le Sinaïte : Fabricius, Bibliotheca græca, édit. Harless, t. x, p. 571-595, Kampfmüller, De Anastasio Sinaita dissertatio, Ratisbonne, 1865. P. Batiffol.
2. ANASTASE Martin, savant bénédictin de la congrégation du Mont-Cassin. Il prit l’habit de son ordre à Palerme, d’où il était originaire, le 22 juillet 1595, et mourut dans cette ville, en 1644. On a de lui : De monogamia beatæ Annæ parentis Dei paræ seu veritas vindicata, in-4°, Inspruck, 1659 ; une Concordia quatuor Evangelistarum, restée manuscrite, et divers autres ouvrages théologiques et historiques qui n’ont pas été imprimés.
ANASTATQUE, Anastica hierochuntina, nom scientifique de la plante appelée vulgairement rose de Jéricho. Voir Rose de Jéricho.
ANATH (hébreu : ʿĂnâṭ, « exaucement ; » Septante : Δινάχ Ἀνάθ), père de Samgar, juge d’Israël, Jud., iii, 31 ; v, 6.
ANATHÉMATISER. Voir Anathème, col. 548-519. ANATHÈME, mot grec employé par les Septante et les écrivains du Nouveau Testament et qui a été conservé par la Vulgate latine, d’où il est passé dans notre langue. Le mot ἀνάθεμα, d'ἀνά et de τίθημι, équivaut à τὸ ἀνατεθειμένον, « ce qui est placé en haut, suspendu, » et signifie spécialement, dans les écrivains classiques, « un objet consacré à la divinité, et suspendu aux murs ou aux colonnes d’un temple, ou bien placé dans un endroit remarquable, » une sorte d’ex-voto. Il est employé dans ce sens, II Mach., IX, 16, — où Antiochus Épiphane mourant promet d’orner ϰαλλίστοις ἀναθήμασι (Vulgate : optimis donis) le temple de Jérusalem, qu’il avait auparavant dépouillé, — ainsi que dans saint Luc, xxi, 5, parlant des objets offerts en don, qui ornent ce même temple. Voir aussi Judith, xvi, 19. Dans ces trois passages, ἀνάθημα est écrit avec un η, au lieu d’un ε, et c’est l’orthographe ordinaire chez les auteurs classiques ; mais, dans la Bible grecque, on trouve partout ailleurs ἀνάθεμα, forme qui paraît propre au dialecte hellénistique, et n’implique d’ailleurs aucune différence de signification. Les manuscrits, au surplus, confondent assez fréquemment les deux orthographes.
Le mot « anathème » n’est employé dans son acception grecque d’objet offert à la divinité que dans Judith, xvi, 19 (Vulgate, 23) ; II Mach., ix, 16, et Luc, xxi, 5 ; dans toutes les autres parties de l’Ancien et du Nouveau Testament, il a une signification particulière qui n’a qu’une analogie éloignée avec sa signification primitive d’objet sacré ou consacré à Dieu ; il traduit l’hébreu ḥêrém, pour lequel la langue grecque n’a aucune expression exactement correspondante. Les Septante durent éprouver un grand embarras, quand ils eurent à rendre dans leur version cette expression hébraïque, qui exprime une idée importante dans la religion juive, mais exclusivement sémitique. Ce qui leur parut sans doute s’en rapprocher le plus, ce fut ἁνάθεμα. Parce que, chez les païens, ce mot désignait un don offert dans les temples aux faux dieux, ils considérèrent sans doute ἀνάθεμα comme une chose idolâtrique, odieuse au vrai Dieu, et par conséquent digne de destruction et d’extermination ; tel fut vraisemblablement le motif de leur choix. Quoi qu’il en soit, du reste, l’expression « anathème » est vague dans nos langues. Il importe cependant d’en avoir une idée exacte pour l’intelligence d’un grand nombre de passages des Écritures ; il faut donc en préciser le sens dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament.
I. Dans l’Ancien Testament. — 1° Notion du « ḥêrém ».
— Pour comprendre le mot « anathème », nous devons rechercher d’abord quelle est la véritable signification de ḥêrém, dont il est l'équivalent. ḥêrém vient du verbe ḥâram, « retrancher, séparer, maudire ; » il désigne ce qui est maudit et condamné à être retranché ou exterminé, soit une personne, soit une chose ; par conséquent, ce dont la possession ou l’usage est interdit à l’homme. Il y a opposition entre ce qui est saint (qôdeš) et ce qui est ḥêrém. Deut., vii, 2, 6 (texte hébreu). Ce qui est saint peut être offert à Dieu, sanctifié, consacré (hîqdiš, II Sam. (Reg.), viii, 11) ; mais ce qui est ḥêrém doit être exterminé, et personne ne peut se l’approprier, sous peine d’encourir lui-même la malédiction qui y est attachée. « Tu ne feras pas entrer d’idole (ṭôʿêbâh) dans ta maison, dit Dieu à son peuple, pour que tu ne sois pas anathème (ḥêrém) comme elle ; tu la détesteras et tu l’auras en abomination, parce qu’elle est anathème (ḥêrém). » Deut., vii, 26. Si les habitants d’une ville d’Israël se livrent à l’idolâtrie, ils deviennent ḥêrém, comme la ville elle-même, comme tout ce qu’elle renferme ; les autres Israélites doivent attaquer cette ville, la détruire avec ceux qui l’habitent, sans en épargner les troupeaux, ni même les meubles qui seront brûlés et anéantis, afin que le ḥêrém ne s’attache pas à Israël. Deut., xiii, 12-17. Ces prescriptions sévères ont pour but d’inspirer aux enfants de Jacob la plus grande horreur pour les idoles, qui sont ce qu’il y a de plus opposé à Dieu, et, si l’on peut ainsi dire, de plus ḥêrém. Le Seigneur ne pouvait obtenir le but qu’il se proposait qu’en rendant responsable du ḥêrém le peuple entier, quand il supportait la violation des ordres divins et ne la punissait pas rigoureusement ; c’est pourquoi, Achan s'étant approprié, après la prise de Jéricho, à l’insu de ses frères, des objets qui étaient ḥêrém, Israël tout entier souffre du péché d' Achan, jusqu'à ce qu’il l’ait expié. Jos., vii, 1-26.
2° Personnes et choses qui sont « ḥêrém » dans l’Ancien Testament.
— A) Peuples étrangers. — Quelques-uns des peuples idolâtres auxquels Israël eut à faire la guerre furent ḥêrém ou voués à l’anathème et à l’extermination.
a) Dieu lui-même déclara ḥêrém les anciens possesseurs de la Terre Promise et certaines tribus voisines, avec lesquelles il voulait empêcher Israël de faire alliance, pour qu’il ne fût pas entraîné à l’idolâtrie par leurs pernicieux exemples. « Quand Jéhovah, ton Dieu, te fera entrer dans la terre dont tu vas prendre possession, dit Moïse à son peuple, et qu’il chassera devant toi des peuples nombreux, l’Héthéen, le Gergéséen, l’Amorrhéen, le Chananéen, le Phérézéen, l’Hévéen et le Jébuséen, sept peuples plus nombreux et plus forts que toi ; lorsque jéhovah te les livrera entre les mains et que tu les frapperas, tu les traiteras comme ḥêrém (haḥârêm ṭaḥârîm ; Vulgate : percuties eas usque ad internecionem) ; tu ne feras pas alliance avec eux, tu ne leur feras pas grâce, … parce qu’il éloignerait de moi ton fils et lui ferait servir les dieux étrangers… Tu renverseras ses autels, tu briseras ses cippes (idolâtriques), tu couperas ses ʾăšêrim (symboles en bois de Baal), et tu brûleras ses statues (d’idoles), parce que tu es un peuple saint (qâdôš, consacré) à Jéhovah ton Dieu. » Deut., vii, 1-6. Voir aussi Deut, xx, 16-18. — Nous apprenons par I Sam. (I Reg.), xv, 3, 18 ; cf. Deut., xxv, 17-19 ; que les Amalécites étaient aussi ḥêrém (haḥâramṭem, I Sam., xv, 3 ; Vulgate : demolire) ; ce fut pour n’avoir pas détruit complètement les ennemis d’Israël et tout ce qui leur appartenait, ainsi que le prescrivait la loi du ḥêrém, et pour avoir épargné le roi amalécite Agag et ce qu’il y avait de meilleur dans les troupeaux, I Reg., xv, 9, 15, que Saül fut rejeté de Dieu comme roi. I Reg., xv, 10-23. — Il est aussi question du ḥêrém dans les prophètes, pour divers peuples ennemis d’Israël. Is., xxxiv, 2 ; xliii, 28 ; Jer., xxv, 9 (texte hébreu) ; Mal., iv, 6 (ni, 24).
b) Un peuple ou une ville pouvait devenir ḥêrém et être vouée par conséquent à l’extermination par un vœu du peuple, sans que Dieu intervînt directement. C’est ainsi qu’Israël, après avoir été battu par le roi chananéen Arad, lors de son séjour dans le désert du Sinaï, fit le vœu suivant à Jéhovah : « Si tu livres ce peuple dans ma main, je détruirai (haḥâramṭi) ses villes. » Num., xxi, 2. Et s'étant emparé de Sephaath, la capitale d’Arad, il la détruisit, en effet, et l’appela Horma (de hêrém), « anathème. » Num., xxi, 3 ; cf. Jud., i, 17. Voir aussi I Par., iv, 41 (texte hébreu).
c) Il faut remarquer cependant qu’il y avait des degrés dans l’anathème.
1° Lorsque le ḥêrém était tout à fait strict, tout devait être exterminé et détruit, hommes et troupeaux ; les villes devaient être brûlées ; l’or, l’argent, les vases de cuivre et de fer, devaient être offerts à Jéhovah ; mais les troupeaux qui avaient été pris ne pouvaient lui être offerts comme victimes. Jos., vi, 17, 19, 21, 24 ; I Reg., xv, 21-22. La ville anathématisée ne devait pas être rebâtie, mais rester en ruines ; Jos., viii, 28 ; quiconque essayerait de la réédifier n'échapperait pas à la vengeance divine, comme le montre l’exemple de Jéricho. Jos., vi, 17, 26 ; III Reg., xvi, 34. — 2° Le ḥêrém pouvait être moins rigoureux et exiger seulement la mort des hommes, Jos., x, 28-40 ; les troupeaux et les biens étaient conservés et partagés comme butin ; quelquefois les villes n'étaient point détruites ou pouvaient être relevées, c’est ce qui eut lieu dans la guerre contre Og et Séhon, à l’est du Jourdain, Deut., ii, 32-35 ; iii, 3-7, et contre divers peuples de la terre de Chanaan. Jos., viii, 2, 24, 27 ; xi, 10-15. — 3° L’obligation de faire périr toutes les créatures humaines était elle-même quelquefois adoucie, et les jeunes filles étaient épargnées et partagées entre les vainqueurs. C’est ainsi que sont conservées les vierges madianites, Num., xxxi, 18, et les vierges de la tribu de Benjamin. Jud., xxi, 11-12.
Les rigueurs du ḥêrém dans la guerre sont expressément justifiées dans l'Écriture, comme nous l’avons vii, par la nécessité de soustraire le peuple de Dieu à la contagion de l’idolâtrie. Deut., xx, 16-18. Il faut, de plus, observer que telle était la loi de la guerre chez les Sémites. Mésa, roi de Moab, dit dans la stèle de Dibon (lignes 11 et 12) : « J’assiégeai la ville (de Cariathaïm), je la pris et je fis périr tout le peuple qui était dans la ville, spectacle (agréable) à Chamos, dieu de Moab. » Voir Mésa. Le second livre des Paralipomènes, xx, 23, nous dit expressément que les Moabites et les Ammonites traitèrent les habitants du mont Séir comme ḥêrém (lehaḥǎrim). Les rois d’Assyrie faisaient de même à l'égard de leurs ennemis (lehaḥǎrîmâm, II (IV) Reg., xix, 11 ; Is., xxxvii, 11 ; héḥĕrîmû, II Par., xxxii, 14) ; leurs inscriptions nous apprennent comment ils faisaient périr ceux qui tombaient entre leurs mains, et entreprenaient toutes leurs guerres en l’honneur de leurs dieux. Tacite raconte, Ann., XIII, 57, qu’un usage analogue existait chez les Germains. Voir aussi ce que dit César des Gaulois. Bell. gall., vi, 17. Des coutumes plus ou moins semblables subsistent toujours chez les peuples dont les mœurs n’ont pas été adoucies par le christianisme, par exemple en Afrique. Voir le P. Marcot, Les missionnaires et l’esclavage au Soudan français, dans le Correspondant, 10 décembre 1891, p. 893.
B) Israélites. — Ce n’étaient pas seulement les personnes étrangères au peuple de Dieu qui pouvaient être « anathèmes » ; l’Israélite pouvait, lui aussi, être ḥêrém. — 1° Les particuliers, les habitants d’une ville d’Israël et la ville elle-même devenaient « anathèmes », comme nous l’avons vu plus haut, s’ils s’abandonnaient au crime de l’idolâtrie, et ils devaient subir les conséquences de leur faute dans toute leur rigueur. Exod., xxii, 19 (yâhôrâm ; Vulgate : occidetur). Deut., xiii, 12-17. — 2° Celui qui s’appropriait un objet frappé d’anathème encourait lui-même le ḥêrém, et devait être exterminé, comme le fut Achan. Jos., vii, 1, 13, 25. Cf. Deut., vii, 25-26 ; II Mach., xii, 40.
C) Animaux et objets inanimés. — Les animaux et les objets inanimés pouvaient devenir « anathèmes » par la volonté d’un Israélite. Voici ce que nous apprend la loi à ce sujet : « Tout ḥêrém qu’un homme consacre (yaḥǎrîm) à Jéhovah (Vulgate : Omne quod Domino consecratur), de ce qui lui appartient, soit homme, soit animal, soit champ, qui est en sa possession, ne sera ni vendu ni racheté ; tout ḥêrém est sanctifié et appartient à Jéhovah ; tout ḥêrém qu’un homme consacre (yâḥǒram) ne sera pas racheté, mais mourra. » Lev., xxvii, 28-29. Le ḥêrém provenant d’un Israélite n'était donc pas de même nature que le ḥêrém divin. Le champ ainsi anathématisé appartenait aux prêtres, Lev., xxvii, 21, de même que d’autres objets qui étaient devenus ḥêrém. Num., xviii, 14 : « Tout ḥêrém (Vulgate : Omne quod ex voto reddiderint) en Israël est à toi, » dit Dieu à Aaron. Voir aussi Ézéchiel, xliv, 29, qui reproduit mot à mot les paroles du texte original de Num., xviii, 14.
Dans Ezéchiel, xliv, 29, la Vulgate traduit, comme aussi ailleurs, ḥêrém par « vœu », quoique le vœu soit une chose fort différente. Voir Vœu. Ailleurs elle rend ḥêrém par « consécration, consacré ». Lev.. xxvii, 28, 29. Elle ne se sert donc pas toujours du mot « anathème » pour rendre le mot hébreu, suivant en cela l’exemple des Septante. C’est que l’hébreu ḥêrém est intraduisible d’une manière exacte dans les langues occidentales, comme nous l’avons remarqué : de là la nécessité de l’exprimer tantôt d’une manière et tantôt d’une autre, selon les cas et les circonstances.
II. Dans le Nouveau Testament.— 1° Le « ḥêrém » dans le Nouveau Testament. — Le gérera s’atténue après la captivité de Babylone. Du temps d’Esdras, il n’entraîne plus la mort, mais la perte des biens (yâḥǒram kolrekûšô) et l’excommunication ou exclusion de l’assemblée des fidèles. J Esdr., x, 8. La mort spirituelle est ainsi en quelque sorte substituée à la mort corporelle. C’est là le châtiment du ḥêrém à l'époque de Notre-Seigneur. Il en est plusieurs fois question dans l'Évangile de saint Jean, ix, 22 ; xii, 42 ; xvi, 2 ; mais celui qui est ainsi excommunié est désigné par un nom nouveau, inventé par les Juifs hellénistes : ἀποσυνάγωγος ; (Vulgate : extra synagogam, Joa., ix, 22 ; e synagoga, Joa., xii, 42 ; absque synagogis, Joa., xvi, 42). Cette expression ne se lit pas dans les autres Évangiles, mais saint Luc, vi, 22, fait aussi allusion à l’exclusion des synagogues et même, d’après plusieurs interprètes, aux divers degrés de l’excommunication juive.
Les rabbins, dans la suite des temps, distinguèrent : 1° l’excommunication temporaire, appelée nidduy, « séparation, » qui durait trente jours. Elle n'était pas accompagnée de malédictions. — 2° Si, au bout du mois, le coupable ne se repentait point, on prononçait ordinairement contre lui la seconde espèce d’excommunication, accompagnée de malédictions, qui était appelée simplement et plus spécialement ḥêrém ; les fidèles devaient se séparer de sa société et s’abstenir de manger et de boire avec lui. Cf. I Cor., v, 11 ; II Joa., 10-11. — 3° Enfin, si le pécheur persévérait dans son impénitence, il était condamné à la peine la plus grave, nommée šammaṭâʾ, « imprécation : » c'était l’exclusion complète de la société des fidèles et l’abandon de l’endurci au jugement de Dieu et à la perte finale. Voir Elias Levita, Sepher Ṭišbî ; Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 1304. — Ces distinctions techniques sont postérieures à l'ère chrétienne. Dans le Talmud, on emploie encore les termes nidduy et šammaṭâʾ comme synonymes. Cependant déjà du temps de Notre-Seigneur, toutes les excommunications n'étaient pas également sévères, et l’on peut voir des degrés divers et une gradation ascendante dans les paroles de Jésus à ses disciples, rapportées par saint Luc, VI, 22 : « Heureux serez-vous quand les hommes vous haïront, quand ils vous excommunieront (vous sépareront de leurs assemblées, ἀφορίσωσιν), quand ils vous injurieront et rejetteront votre nom comme mauvais à cause du Fils de l’homme. » Le Sauveur annonce aux siens, dans ce passage, qu’ils ne seront pas seulement chassés des synagogues, mais qu’ils auront encore davantage à souffrir. Quelques exégètes voient une allusion aux malédictions du ḥêrém ou second degré de l’excommunication juive dans les mots : « Quand ils vous injurieront (ὀνειδίσωσι) et rejetteront (ἐκβάλωσι) votre nom. » Quoi qu’il en soit de ce point, il est certain qu’il y a des allusions aux degrés des excommunications juives dans Matth., xviii, 15-17. Cf. II Thess., iii, 14.
Dans ses Épîtres, saint Paul parle deux fois d’un châtiment qui consiste « à être livré à Satan ». I Cor., y, 5 ; I Tim., i, 20. On a vu dans ces expressions une allusion à la plus grave des excommunications usitées chez les Juifs. L’allusion est possible, mais l’effet de l’excommunication apostolique est certainement différent, d’après le langage même de saint Paul. Les Juifs livraient l’excommunié à la perte finale, tandis que l’Apôtre borne sa sentence « à la destruction de la chair », I Cor., v, 5, c’est-à-dire de la nature corrompue et dépravée, « afin que l’esprit puisse être sauvé au jour du Seigneur Jésus, » c’est-à-dire que le coupable se convertisse.
2° Le mot « anathématiser » dans le Nouveau Testament. — Dans tous ces passages, on voit que l’idée du ḥêrém est restée, mais que le mot a disparu. Dans aucun de ces cas, l’expression « anathème » n’est employée. Elle se rencontre cependant plusieurs fois dans le Nouveau Testament, de même que le verbe àvadEiiatiÇto, « anathématiser, » qui est de création biblique, et ne se rencontre jamais chez les écrivains profanes. Le verbe ἀναθεματίζω se lit déjà dans les Septante, où il traduit le verbe héḥěrim. Deut., xiii, 15 (hébreu, 16) ; xx, 17 ; Jos., vi, 21, etc. ; cf. I Mach., v, 5. En saint Marc, xiv, 71, il signifie « affirmer avec imprécation qu’on dit la vérité », et dans les Actes, xxiii, 12, 14, 21, « s’obliger sous des peines graves à faire quelque chose. » Dans la Vulgate latine, anathematizare n’est employé que I Mach., v, 5, et Marc, xiv, 71 ; au livre des Actes, (ἀναθεματι) ἀναθεματίζειν, xxiii, 12, 11, 21, est traduit par se devovere. Saint Matthieu, xxvi, 74, dans le passage parallèle à celui de saint Marc, xiv, 71, porte dans le textus receptus : ϰαταναθεματίζω, ayant le même sens que ἀναθεματίζω ; les éditions critiques de Griesbach, Lachmann, Tischendorf, lisent : ϰαταθεματίζω, qui en est simplement une contraction. La Vulgate traduit : detestari.
3° Le mot « anathème » dans le Nouveau Testament. — Quant au mot « anathème », nous avons déjà vu que saint Luc, xxi, 5, l’a employé dans son sens véritablement grec de « don offert à Dieu et consacré dans le temple ». C’est la seule fois que nous le lisons dans les Évangiles. Il se retrouve une autre fois dans les Actes, xxiii, 14, joint au verbe « anathématiser », pour en augmenter la force : ἀναθεματι ἀναθεματισαμεν, « nous nous sommes engagés sous peine d’anathème. » En dehors de ces deux passages, le terme d’anathème ne se rencontre que dans les Épîtres de saint Paul. — 1° L’Apôtre déclare « anathème », c’est-à-dire exécré et exécrable et voué aux plus sévères châtiments, et peut-être excommunié de l’assemblée des fidèles, celui qui prêcherait un autre Évangile que le sien. Gal., i, 8, 9. — 2° Dans la première Épître aux Corinthiens, xii, 3, saint Paul écrit : « Personne, parlant dans l’Esprit de Dieu, ne dit anathème à Jésus, » c’est-à-dire ne le maudit. Ce n’est pas une allusion à une sentence judiciaire prononcée par les autorités juives contre le Sauveur, mais à l’usage oriental, attesté par les écrits rabbiniques, d’accompagner, dans la conversation, de termes d’imprécation et de malédiction, le nom d’un personnage odieux, de même que, lorsqu’on prononçait un nom vénéré, on le couvrait de bénédictions : « Le Christ, … béni (εὐλογετός) dans tous les siècles. Amen. » Rom., ix, 5, etc. — 3° À la fin de la même Épître, saint Paul dit : « Si quelqu’un n’aime pas Notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il soit anathème, maran atha. » Ἀνάθεμα μὰραν ἀθά. I Cor., xvi, 22. Les mots maran et atha sont araméens et signifient : « Notre-Seigneur vient. » D’après quelques commentateurs, cette locution serait équivalente à la forme d’excommunication la plus sévère en usage chez les Juifs, au šammaṭȧʾ, parce qu’ils supposent que l’araméen mȧrān ʾȧṭāʾ est l'équivalent de šêmʾȧṭāʾ, « le nom (de Jéhovah) vient. » Mais c’est là une pure conjecture qui ne repose sur rien de solide : il est fort douteux que l’excommunication appelée šammaṭȧʾ fût déjà usitée du temps de saint Paul ; le mot šammaṭȧʾ n’a jamais été expliqué de cette manière par les écrivains juifs (voir Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 2466) et la phrase maran atha ne se trouve dans aucun écrivain rabbinique. Cf. Lightfoot, Horæ hebraicæ et talmudicæ, in I Cor., xvi, 22. Voir Maran atha. Quoi qu’il en soit, du reste, de la raison pour laquelle l’Apôtre a employé ces mots araméens dans son Épître, le mot « anathème » désigne ici, d’après les uns, l’excommunication ou l’exclusion de l'Église chrétienne, et d’après les autres, avec plus de vraisemblance, il est simplement l’expression de l’horreur qu’on doit éprouver pour celui qui n’aime pas le Sauveur. Nous devons d’ailleurs observer que, quoique la signification expresse d’excommunication, attachée au mot « anathème », ne soit pas rigoureusement établie dans la langue du Nouveau Testament, ce sens lui fut donné dans la primitive Église, comme nous le voyons dans les Canons apostoliques, dans saint Jean Chrysostome, dans Théodoret et dans d’autres Pères grecs, ainsi que dans les canons des conciles : le concile d’Elvire, en 303, can. 52 ; le concile de Laodicée, en 307, can. 29, se servit de cette expression ; le concile de Nicée, en 325, déclare les ariens « anathèmes », etc. — Voir Suicer, Thesaurus ecclesiasticus, aux mots Ἀνάθεμα et Ἀφορισμός. — 4° Reste un dernier passage dans lequel saint Paul, écrivant aux Romains, IX, 3, dit : « Je désirais moi-même être anathème pour mes frères, qui sont mes proches selon la chair. » La plupart des Pères ont entendu ici le mot anathème dans le sens de l’excommunication, selon l’usage juif. Saint Jean Chrysostome et d’autres pensent qu’il s’agit d’une mort violente ou même de la séparation finale, non pas de l’amour, mais de la présence du Sauveur. Quelques-uns supposent que cette phrase est une parenthèse, dans laquelle l’Apôtre rappelle la haine qu’il a éprouvée d’abord contre le Christ. Tregelles, Account of the Greek text of the New Testament, p. 219. Cf. Polus, Synopsis, in Rom., ix, 3. Il est plus naturel d’expliquer ainsi ce passage : « J’avais une telle affection pour mes frères les Juifs, que j’aurais consenti pour les sauver, si c’eut été possible, à souffrir moi-même les plus grands maux et la séparation même du Christ. »
Saint Jean, dans l’Apocalypse, xxii, 3, emploie un composé d’ἀνάθεμα, le mot ϰατανάθεμα, inconnu aux auteurs profanes. Plusieurs éditions critiques du Nouveau Testament, comme celles de Griesbach, Lachmann, Tischendorf, lisent par contraction ϰατάθεμα. Le sens est le même que celui d’anathème. Dans la Jérusalem céleste, « il n’y aura plus d’anathème, » de malédiction, de ḥérém.
ANATHOTH, hébreu : ʿĂnâṭoṭ, « prières exaucées ; » Septante: Ἀναθώθ.
1. ANATHOTH, fils de Béchor, Benjamite. I Par., vii, 8. Peut-être le fondateur de la ville d’Anathoth.
2. ANATHOTH, un des chefs du peuple qui signèrent avec Néhémie le renouvellement de l’alliance. II Esdr., x, 19.
3. ANATHOTH, ville de la tribu de Benjamin, attribuée, avec ses faubourgs, aux prêtres, Jos., xxi, 18 ; I Par., vi, 6O ; III Reg., ii, 20 : elle est omise dans la liste de Jos., xviii, 12-28. C’est probablement l’Anath du Talmud de Babylone, Yoma, 10 a, « bâtie par le géant Ahiman. » Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 154. Elle se trouvait non loin de la grande route qui, du nord, se dirigeait vers Jérusalem, au-dessous de Machmas (Moukhmas), et de Rama (Er-Ram). Is., x, 28-30. Josèphe évalue à vingt stades (3 kilom. 699 mètres) la distance qui la séparait de la Ville Sainte. Ant. jud., X, vii, 3. Eusèbe est plus près de la vérité en donnant le chiffre de trois milles (4 kilom. 445 mètres), c’est-à-dire vingt-quatre stades. Onomasticon, Goettingue, 1870, p. 222. Saint Jérôme, dans son Commentaire sur Jérémie, t. xxiv, col. G82, précise encore la position de cette ville en l’indiquant « au nord de Jérusalem ».
Tous ces détails confirment l’opinion commune qui identifie Anathoth avec ʿAnata, localité située à une heure de marche au nord-nord-est de Jérusalem. Voir la carte de la tribu de Benjamin. C’est actuellement « un petit village de deux cents habitants, placé sur une colline élevée (fig. 135). Une dizaine de maisons ont été récemment construites ; d’autres, très délabrées, ont été bâties en partie avec des matériaux antiques, trouvés certainement sur place. Des citernes, des caveaux creusés dans le roc et quelques tronçons de colonnes proviennent également de l’ancienne cité à laquelle Anata a succédé, et dont le nom survit dans la dénomination actuelle. » V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 76. Anata semble avoir été autrefois une ville fortifiée, dont il reste encore quelques pans de murailles bâtis avec de larges pierres taillées. Des champs cultivés, des figuiers et des oliviers épars çà et là couvrent le sommet et les flancs de la colline. De ce point, la vue s'étend sur tout le versant oriental du district montagneux de Benjamin, jusqu'à la vallée du Jourdain et la pointe septentrionale de la mer Morte. C’est toute la région mentionnée par Isaïe, x, 28-32, quand il décrit la marche des Assyriens vers Jérusalem, c’est-à-dire une suite de profondes vallées courant, vers l’est, entre les larges sommets de plateaux inégaux. Cf. E. Robinson, Biblical researches in Palestine, Londres, 1856, t. i, p. 437-438.
Anathoth doit surtout sa célébrité au nom de Jérémie, dont elle fut le berceau. Jer., i, 1. Avant lui, elle avait vu naître Abiézer, l’un des trente héros (gibbôrîm) de David, II Reg., xxiii, 27, 1 Par., XI, 28, et Jéhu, l’un des vaillants hommes qui s’attachèrent à ce prince fuyant devant Saül, et qui contribuèrent à ses succès militaires. I Par., xii, 3.
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135. — Anathoth, d’aprèa une photographie.
Le grand prêtre Abiathar était de la même ville, et c’est là, dans le domaine de sa famille, que Salomon le relégua, après l’avoir déposé, pour le punir d’avoir favorisé le parti d’Adonias. III Reg., ii, 26, 27. Isaïe, décrivant la marche des armées assyriennes sur Jérusalem, mentionne Anathoth, qu’il appelle « la pauvre » dans un sentiment de commisération pour le sort qui l’attend. Is., x, 30. Jérémie fut en butte à la haine de ses compatriotes : comme ils ne voulaient pas croire à ses prédictions, il les menaça de la colère divine, qui devait les visiter au jour de sa fureur, annonçant que les jeunes gens périraient par le glaive ; que leurs fils et leurs filles mourraient de faim. Jer., xi, 21-23. Pendant le siège de Jérusalem, le prophète reçut de Dieu l’ordre de racheter, conformément à la loi mosaïque, le champ de son cousin Hanaméel, à Anathoth. Après avoir rédigé le contrat de vente, qui fut scellé en présence de témoins, il le remit à Baruch en lui disant : a Voici ce que dit le Seigneur des armées, Dieu d’Israël : Prends ces actes, ce contrat d’acquisition qui est cacheté, et cet autre qui est ouvert, et dépose-les dans un vase de terre, afin qu’ils puissent se conserver longtemps. » Ayant ainsi prédit la longue durée de l’exil, il ajoute, pour annoncer le retour certain de la captivité : « Car voici ce que dit le Seigneur des armées, Dieu d’Israël : On possédera encore des maisons, des champs et des vignes en cette terre, » Jer., xxxir, 6-15. Et en effet, à la fin de l’exil, la ville fut repeuplée par « les hommes d’Anathoth, au nombre de cent vingt-huit ». I Esdr., ii, 23 ; II Esdr., vii, 27.
ANATHOTHIA (hébreu : ʿAnṭoṭiyàh, « prières exaucées de Jéhovah ; » Septante : Ἀναθώθ ϰαὶ Ἰαθίν), Benjamite, fils de Sésac. I Par., viii, 24.
ANATHOTHITE (hébreu : Hâʿanṭoṭi ; Septante : ὁ Ἀναθωθί, ὁ έξ Ἀναθώθ), habitant d’Anathoth. I Par., xi, 28 ; xii, 3 ; xxvii, 12 ; Jer., xxix, 27.
ANCESSI Victor Antoine, orientaliste français, né à Saint-Affrique (Aveyron), le 16 août 1844, mort dans cette ville, le 12 décembre 1878. Issu d’une famille très chrétienne, après avoir fait ses études au collège des jésuites, dans sa ville natale, il résolut de suivre l’exemple de trois de ses oncles qui étaient prêtres, et d’embrasser l'état ecclésiastique. Il entra au séminaire de Saint-Sulpice, en 1863, et s’y livra bientôt avec ardeur à l'étude des langues orientales, sous la direction de M. Le Hir. Quand il eut reçu l’ordination sacerdotale, il partit, en 1869, pour l’Égypte, où il passa une année, étudiant sur place les monuments égyptiens dans leurs rapports avec la Bible. De retour à Paris, il fut d’abord vicaire à Saint-Etienne-du-Mont ; puis, à la fin de 1874, chapelain de Sainte-Geneviève. Il se livra au travail avec une ardeur infatigable. Malheureusement ses forces le trahirent ; il fut
obligé, en 1877, de se retirer dans sa famille, et il y mourut l’année suivante. La vivacité de son esprit, l’originalité de ses vues, l'étendue de ses connaissances linguistiques et archéologiques sont attestées par plusieurs publications de valeur, qui font vivement regretter sa fin prématurée : L’Égypte et Moïse. Les vêtements du grand prêtre et des lévites, le sacrifice des colombes, d’après les peintures et les monuments égyptiens contemporains de Moïse, in-8 ii, Paris, 1873 ; Atlas biblique pour l'étude de l’Ancien et du Nouveau Testament, vingt cartes en plusieurs couleurs, et vingt planches archéologiques avec dictionnaire spécial pour chaque partie, in-4°, Paris, 1876 ; Job et l’Égypte, le Rédempteur et la vie future dans les civilisations primitives, in-8°, Paris, 1877. M. l’abbé Ancessi a aussi publié des études remarquables de linguistique dans les Actes de la Société philologique : Études de grammaire comparée. L’S causatif et le thème M dans les langues de Sem et de Cham, t. iii, 1873-1874, p. 51-148 ; La loi fondamentale de la formation bilitère ; les adformantes dans les langues sémitiques, ibid., 1874, t. iv, p. 1-72 ; Le thème M dans les langues de Sem et de Cham, ïbid., p. 95-144.1. ANCIEN DES JOURS, nom donné à Dieu par Daniel, vii, 9. « Je regardais, dit le prophète dans une de ses visions, jusqu'à ce que des trônes furent placés, et l’Ancien des jours (chaldéen : ʿAṭiq yômin, Septante : Παλαιὸς ἡμερῶν ; Vulgate : Antiquus dierum) s’assit ; son vêtement était blanc comme la neige et les cheveux de sa tête comme de la laine mondée, » c’est-à-dire sans doute semblables aux cheveux des grands personnages chaldéens, qui étaient bien peignés et frisés comme de la laine (fig. 136).
136. — Roi assyrien. D’après Botta, Monument de Ninive, pl. 105.
« L’Ancien des jours » est nommé encore Dan., vii, 13, 22. Le titre que le prophète donne à Dieu dans cette vision où il nous montre la fragilité et la caducité des plus grands empires du monde, convient parfaitement au Maître « éternel » qui règne sans commencement ni fin. Assis sur son trône, il assiste à toutes les révolutions qui bouleversent la terre ; il confie son pouvoir au « Fils de l’homme », le Messie, et il prononce sans appel des jugements auxquels les plus puissants monarques eux-mêmes doivent se soumettre. Dan., vii, 13-14, 22, 26. La description graphique de Daniel peint si bien le Père éternel, que l’art chrétien s’en est emparé pour représenter la première personne de la Sainte Trinité.
2. ANCIENNE (PORTE). Hébreu : šaʿar yešânâh ; Septante :πύλη ἰασαναΐ ; Vulgate : porta vetus, II Esdr., iii, 6 ; porta Antiqua, II Esdr., xii, 38 (hébreu, 39). Porte de la ville de Jérusalem qui fut construite, du temps de Néhémie, par Joîada, fils de Phasca, et par Mosollam, fils de Besodia. II Esdr., iii, 6. Elle est appelée Ancienne, sans doute parce qu’il y avait eu autrefois une porte de la ville à l’endroit où elle fut reconstruite. Plusieurs l’identifient avec la porte qui est appelée « Porte de Benjamin », Jer., xxxvii, 12 ; xxxviii, 7 ; Zach., xiv, 10. La porte Ancienne est nommée une seconde fois, II Esdr., xii, 38 (39), dans la description de la procession solennelle qui fut faite à l’occasion de la dédicace des murs de Jérusalem. Cette porte était située au nord de la ville. Voir Jérusalem.
3. ANCIENS (hébreu : zeqênîm, vieillards ; Septante : πρεσβύτεροι ; Vulgate : seniores ou majores natu). Ce mot n’implique pas seulement l’idée de grand âge. Cf. Vieillards. Il s’applique, dans la Bible, à une classe de personnages investis d’une autorité plus ou moins étendue, suivant les époques. En ce sens, le titre d’ancien est d’origine patriarcale : l’aïeul était le chef naturel de la famille qui se développait autour de lui. Quand plusieurs familles patriarcales furent amenées à se réunir, les chefs de ces familles formèrent un conseil d’anciens. Les intérêts communs étaient ainsi mis sous la sauvegarde de la sagesse, de l’expérience, de la maturité des vieillards, et les décisions de ces derniers étaient acceptées avec respect. « Bientôt cependant, surtout lorsque le contact avec d’autres sociétés civiles eut amené des luttes pour la prééminence ou pour la possession des territoires, ce ne furent plus les vieillards qui durent être jugés les plus aptes à gérer les affaires publiques. On dut leur préférer des hommes d’un âge mûr, mais n’ayant rien perdu de la vigueur qu’on regardait comme offrant plus de garanties pour le maintien et le développement de la prospérité sociale. Le terme primitif ne fut pas moins conservé, surtout sous la forme collective γερουσί, πρεσβύτιϰον, en latin senatus, pour désigner soit l’assemblée des chefs qui administraient la cité, soit un conseil officiel dont ils avaient à prendre l’avis dans les affaires d’une grande gravité. » De Smedt, Congrès scientifique des catholiques, 1889, t. ii, p. 303. Sous le nom d’anciens, l’idée d’autorité se substitua donc assez vite à celle de vieillesse. Ce titre désigne déjà une fonction chez les Égyptiens, Gen., xxiv, 2 ; L, 7 ; chez les Moabites et les Madianites, Num., xxii, 4, 7, etc.
I. Histoire des anciens dans l’Ancien Testament. — 1° Depuis l'époque patriarcale jusqu'à l'époque des rois. — Sous le gouvernement des pharaons, les Hébreux avaient conservé et développé leur organisation patriarcale. Dans la terre de Gessen, ils avaient des anciens qui exerçaient l’autorité sur le peuple, et auprès desquels le Seigneur envoya Moïse, quand il lui imposa sa mission. Exod., iii, 16 ; iv, 29 ; xii, 21. La tradition juive croyait que ce corps d’anciens était officiellement constitué ; c’est pourquoi les Septante emploient dans les deux premiers passages le mot γερουσία, « sénat. » Au désert, les anciens furent comme les représentants du peuple et les intermédiaires entre Moïse et la multitude. Ils sont appelés pour être témoins des miracles, Exod., xvii, 6, interviennent dans certains sacrifices, Levit., iv, 15, et sont comme un moyen de communication entre Moïse et les tribus. Exod., xix, 7. Cependant ils ne paraissent point exercer une grande autorité, car tous les différends sont portés devant Moïse, au point de l’accabler. C’est alors que sur le conseil de Jéthro, son beau-père, le législateur établit des juges à la tête de mille, de cent, de cinquante et de dix chefs de famille, pour rendre la justice dans les cas ordinaires. Beaucoup de ces juges furent naturellement choisis parmi les anciens. Ceux-ci subsistèrent cependant avec leur nom et leurs attributions d’autrefois ; ainsi, sur le point de remonter au Sinaï, Moïse ordonne que soixante-dix anciens accompagnent Aaron et ses fils sur le flanc de la montagne, et s’y mettent en adoration. Exod., xxiv, 1.
C’est un peu plus tard seulement que le Seigneur commande à Moïse de rassembler soixante-dix hommes parmi les anciens d’Israël ; ils doivent être « des anciens du peuple et des maîtres », et ils sont destinés à recevoir l’esprit de Moïse, « pour soutenir avec lui le fardeau du peuple. » L’esprit divin leur est en effet communiqué, et ils « prophétisent », c’est-à-dire reçoivent le pouvoir et la grâce de parler et d’agir au nom du Seigneur. Num., xi, 16, 17, 24-30. Ils deviennent ainsi les organes officiels du gouvernement théocratique. À partir de ce moment, le conseil des soixante-dix anciens connaît de toutes les affaires qui intéressent l’ensemble de la nation, Num., xvi, 25 ; Levit., ix, 1, et il commande de concert avec Moïse. Deut., xxvii, 1. Le pouvoir conféré aux soixante-dix était à vie. Ils continuèrent donc leurs fonctions sous Josué, Jos., vii, 6 ; viii, 10, 33, et gardèrent leur préséance sur toutes les autres autorités. Jos., xxiii, 2 ; xxiv, 1. Ceux qui survécurent au conquérant contribuèrent puissamment à maintenir le peuple dans la fidélité. Jos., xxiv, 31 ; Jud., ii, 7. Il n’y a point trace d’une transmission de leur pouvoir théocratique à des successeurs. Le rôle de ce conseil avait été temporaire, et s’était exercé seulement pendant que tout le peuple était réuni pour la marche dans le désert et pour la conquête de la Terre Promise. Comme il n'était point dans les desseins de Dieu qu’immédiatement après la conquête le pouvoir fût centralisé dans les mêmes mains, le conseil des soixante-dix n’avait plus de raison d'être.
Mais dès cette époque se dessine l’organisation du corps des anciens, telle qu’elle se perpétuera jusqu’au temps du Messie. Cette organisation, suggérée par la nature même des choses, est celle qui se retrouve sous des noms et des formes diverses chez tous les peuples sédentaires, et qui existe chez nous sous les noms de conseils municipaux, conseils généraux et parlement. Les attributions, le mode de nomination, la durée des pouvoirs, etc., ont varié suivant les temps et les pays ; mais ces trois degrés de pouvoir collectif ont fonctionné presque partout, et en particulier chez les Israélites. Il y a un conseil d’anciens dans les villes. Deut., xix, 12 ; xxi, 3 ; xxii, 15, etc. ; Jos., xx, 4 ; Jud., viii, 14 ; Ruth, iv, 2 ; I Reg., xi, 3 ; III Reg., xxi, 8 ; IV Reg., x, 1 ; Judith, vi, 12 ; I Esdr., x, 14. Ainsi, les anciens qui sont à la tête des villes sont signalés à toutes les époques, même après la captivité. Au temps de Notre-Seigneur, ils sont représentés par ces ἀρχισυναγῶγοι « chefs de synagogues » qui, au nombre de trois, président la synagogue jusque dans les moindres villages, par ces πρεσβύτεροι τῶν Ἰουδαιων, 4 anciens des Juifs, » que le centurion de Capharnaüm envoie au Sauveur, pour demander la guérison de son serviteur, Luc, vii, 3, et par cet ἄρχων « chef, » qui en Pérée vient interroger Notre-Seigneur. Luc, xviii, 18.
D’autres anciens sont à la tête des tribus, Deut., xxix, 10 ; xxxi, 28 ; I Reg., xxx, 26, etc., et à l'époque même des Machabées, quand les tribus sont depuis longtemps mélangées géographiquement, on retrouve des πρεσβύτεροι τῆς χώρας, « anciens de la région, » distincts des princes du peuple. I Mach., xiv, 28.
2° Depuis les rois jusqu'à Jésus-Christ. — De Josué à Samuel, il n’y a point trace de conseil succédant à celui des soixante-dix anciens de Moïse. Mais, dès le début, les livres de Samuel, ou premiers livres des Rois, mentionnent des « anciens d’Israël », qui ensuite semblent bien constituer un corps jouissant d’un caractère officiel et agissant au nom de toute la nation. I Reg., iv, 3 ; xv, 30 ; II Reg., n. 17 ; v, 3 ; xvii, 4, 15 ; I Par., xi, 3 ; xv, 25 ; II Par., v, 2, etc. Ce sont ces anciens d’Israël qui prennent l’initiative de demander un roi à Samuel. I Reg., viii, 4. Plus tard, ils forment un conseil auprès du roi, III Reg., vin, 1 ; xii, 6, et il y a dans le palais royal une salle affectée à leurs réunions. I Par., xxvi, 15. Les détails font absolument défaut sur leur mode de recrutement et sur l'étendue de leurs pouvoirs. Ces pouvoirs ont naturellement varié avec les époques et les circonstances ; sous la royauté, ils ont dû être singulièrement amoindris. Les anciens n’en avaient pas moins une réelle influence, capable d’atténuer dans bien des cas le mauvais effet des exemples donnés par les rois impies, et c’est pour n’avoir pas toujours exercé cette influence salutaire qu’ils sont pris à partie par les prophètes. Is., iii, 14 ; Jer., xix, ; Ézech., vii, 26 ; viii, 12. C’est dans ce dernier passage que le prophète montre les anciens du peuple réunis clandestinement dans une salle du temple pour adorer des images idolâtriques.
Pendant la captivité, les anciens continuent à l'étranger leurs fonctions habituelles vis-à-vis de leurs compatriotes, autant du moins que les circonstances le permettent. Jer., xxix, 1 ; Dan., xiii, 5, 41. Au retour, ils président à la construction du temple, I Esdr., v, 5 ; vi, 14, et commandent au peuple conjointement avec le scribe Esdras. I Esdr., x, 8. Mais l’organisation reste flottante. Esdras, qui avait tant de choses à restaurer, ne paraît pas s'être préoccupé de reconstituer le conseil national des anciens. Il établit seulement la grande Synagogue, dont les membres, de compétence exclusivement théologique, n’avaient aucune attribution administrative ou politique. Encore l’existence de cette grande Synagogue est-elle contestée ; il n’en est fait mention ni dans les livres postérieurs de la Rible, ni dans les écrits de l’historien Josèphe. Les Talmudistes sont les premiers à en parler, et on peut les soupçonner d’avoir voulu donner plus d’autorité à leurs traditions, en imaginant un corps constitué par Esdras pour les fixer.
D’Esdras aux Machabées (433-177), l’histoire biblique fait défaut. Pendant cette période, le corps des anciens prit certainement plus de consistance ; car, au rapport de Josèphe, Ant. jud., XII, iii, 3, il y avait une γερουσία chez les Juifs sous Antiochus Épiphane (176-163). Le fils de ce persécuteur, Antiochus Eupator (163), écrivit une lettre τῇ γερουσίᾳ τῶν Ἴουδαίων, « au sénat des Juifs, » II Mach., xi, 27. Sous les Séleucides, ce sénat ne dut avoir qu’une autorité précaire. Les anciens néanmoins coopérèrent avec les princes asmonéens à l’affranchissement de la nation. I Mach., i, 27 ; xi, 23. Quand Jonathas fut vainqueur, ils devinrent à ses côtés ἡ γερουσία τοῦ ἔθνους, « le sénat de la nation, » et en cette qualité négocièrent des alliances importantes. I Mach., xii, 6 ; II Mach., i, 10 ; iv, 44. Cette γερουσία n'était autre que le sanhédrin. Voir Sanhédrin. Les anciens qui en faisaient partie étaient prêtres ou laïques, mais en tout cas de haute compétence sur toutes les questions qui intéressaient les destinées politiques et religieuses de la nation.
II. Les anciens dans le Nouveau Testament. — 1° Dans les Évangiles. — Quand l’Iduméen Hérode usurpa le trône des princes asmonéens, la plupart des anciens du sanhédrin furent mis à mort et remplacés par d’autres plus complaisants. Ceux-ci et leurs successeurs partagèrent les destinées de ce sanhédrin amoindri, tenu en tutelle par les Hérodes, puis par les procurateurs romains, et réduit à discuter les subtilités pharisaïques qui avaient remplacé pour lui les grandes questions politiques et religieuses en vue desquelles il avait été institué. Les anciens dont parle si souvent l'Évangile composaient la plus grande partie du sanhédrin, et y siégeaient avec les grands prêtres et les scribes. Ils étaient recrutés parmi les chefs de familles riches et influentes. Mais comme leur nomination dépendait pratiquement des grands prêtres, ces derniers s’efforçaient de n’introduire dans le sanhédrin que des anciens appartenant comme eux à la secte matérialiste des Sadducéens. Toutes les fois qu’il est question d’anciens dans l'Évangile (sauf un seul passage de saint Luc, vii, 3), il s’agit de membres du sanhédrin, dont il a été parlé plus haut, i, 1°. Ils se montrèrent opiniâtrement hostiles à Notre-Seigneur, et poussèrent l’acharnement jusqu'à le condamner à mort, au mépris de toutes les conditions de fond et de forme requises par le droit naturel et le droit positif. Nicodème et Joseph d’Arimathie, qui s’illustrèrent par leur courage et leur piété au moment de la sépulture du Sauveur, faisaient partie du sanhédrin, selon toute probabilité, à titre d’anciens. Il est à croire qu’ils ne furent convoqués ni l’un ni l’autre à la séance dans laquelle Notre-Seigneur fut condamné à mort. Ils n’auraient pas manqué de faire entendre une protestation dont l'Évangile eût gardé le souvenir.
2° Dans les Actes et les Épîtres. — Le Nouveau Testament réservait à la dignité d’ancien des destinées plus glorieuses. L'Église, dès sa naissance, a des πρεσβύτερους, seniores ou majores natu. Act, xi, 30 ; xv, 4, 6 ; xx, 17, etc. Mais ce sont des chefs spirituels remplissant les fonctions sacrées : ils prennent part au concile de Jérusalem et promulguent le décret avec les Apôtres, Act., xv, 23, 41, ils administrent les sacrements, Jac, v, 14, dirigent les églises particulières, Tit., 1, 5, etc. En un mot, ce sont des prêtres, par conséquent des ministres sacrés dont les fonctions sont bien différentes de celles des anciens. Voir Prêtres.
3° Dans l’Apocalypse. — Vingt-quatre vieillards ou « anciens » occupent des trônes dans le ciel autour du trône de l’Agneau, Apoc, iv, 4 ; xix, 4. Ils se prosternent devant lui, et offrent dans des coupes d’or les prières des saints, v, 8. L’un d’eux parle à saint Jean pour lui expliquer ce qu’il a sous les yeux, v, 5 ; vii, 13. La cité céleste est conçue par l'écrivain sacré à l’image de la cité terrestre. Il est donc naturel que le Roi du ciel ait autour de lui des anciens. Ces anciens sont des πρεσβύτεροι, à la fois vieillards et prêtres, comme l’indiquent la place qu’ils occupent et les fonctions qu’ils remplissent. Ils représentent en général la totalité des élus, et plus spécialement les douze patriarches, chefs des douze tribus de l’ancien peuple, et les douze Apôtres, chefs du peuple nouveau. Apoc. xxi, 12-14.4. ANCIEN TESTAMENT, nom donné, par opposition au Nouveau Testament : 1° à l’ancienne loi et à l’histoire du peuple de Dieu avant la venue du Messie ; 2° aux livres inspirés et canoniques antérieurs à Jésus-Christ. Voir Testament 1.
1. ANCILLON Jean-Pierre-Frédéric, pasteur protestant français à Berlin, né dans cette ville, le 30 avril 1766, mort le 10 avril 1837. Il descendait de David Ancillon (1617-1692), qui était pasteur de Metz, d’où il était originaire, lors de la révocation de l'édit de Nantes, et qui se réfugia alors à Francfort (1685) et puis à Berlin. Les fils de David occupèrent une place importante parmi les réfugiés français en Prusse. Jean-Pierre-Frédéric, son arrière-petit-fils, fut nommé professeur à l’académie militaire de Berlin, après avoir terminé ses études théologiques. Il fut en même temps prédicateur à l'église française protestante de cette ville. Le succès de ses sermons attira sur lui l’attention du roi de Prusse, qui, en 1806, lui confia l'éducation du prince royal. En 1825, il devint ministre des affaires étrangères, et conserva cette dignité jusqu'à sa mort, en 1837. Il était aussi membre de l’académie des sciences de Berlin. Parmi ses ouvrages, nous n’avons à signaler que son Discours sur la question : Quels sont, outre l’inspiration, les caractères qui assurent aux Livres Saints la supériorité sur les livres profanes ? in-8°, Berlin, 1782, ouvrage estimé, quoique un peu superficiel. Voir Haag, La France protestante, t. i, p. 90 ; Mignet, Notice historique sur la vie et les travaux d’Ancillon, dans les Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques, 1850, t. VI, p. 59-85.
2. ANCILLON Louis-Frédéric, petit-fils de David et père de Jean-Pierre-Frédéric, prédicateur protestant français à Berlin, né dans cette ville, le 30 avril 1767, mort en 1814, a laissé entre autres écrits : Tentamen in Psalmo sexagesimo octavo denuo vertendo, in-8°, Berlin, 1797. Voir Barbier, Dictionnaire des anonymes, au titre Tentamen ; Ersch et Gruber, Allgemeine Encyklopädie, au mot Ancillon.
ANCRE (ἄγϰυρα, anchora). On appelle ainsi l’instrument de fer, à un ou plusieurs crochets, qu’on laisse tomber, à l’aide d’un câble, au fond de l’eau, pour retenir les navires. Les Hébreux ne furent jamais un peuple de navigateurs ; cependant les choses de la mer occupent une certaine place dans leur littérature, et si l’Ancien Testament ne mentionne nulle part les ancres, c’est moins peut-être parce que l’occasion ne s’en est pas présentée, que parce que cet instrument n'était pas encore inventé. Dans Homère il n’est question que des εὔναί, c’est-à-dire de ces pierres qui par leur poids servaient à fixer les navires. Longtemps aussi les Phéniciens employèrent de simples objets pesants dans le même but. L’ancre a une seule dent d’abord, cf. Pollux, i, 9, puis à deux bras (ἀμφίστομος), paraît être une invention des Grecs. Dans l’hébreu postbiblique, il n’y a pas non plus de nom sémitique pour l’ancre ; le ʿuggin de la Mischnâ, Bababathra, v, 1, comme le ʿuqinos et ʿuqinâ de la version syriaque, ne sont que des transcriptions du grec ô'yxr], oyxivo ; , crochet. Dans le Nouveau Testament il est fait mention de l’ancre en deux passages : dans l’un, au sens propre, Act., xxvii, 29, 30, 40, et dans l’autre, au figuré, Hebr., vi, 19.
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D’après un bas-relief du musée du Capitale, a Home.
I. Le passage des Actes nous reporte au moment le plus critique du naufrage de saint Paul dans son voyage de Césarée à Rome ; on est à la quatorzième nuit depuis que le navire, perdu dans la tempête, va à la dérive dans l’Adria, sans que l’on puisse se reconnaître. Tout à coup, sans doute avertis par le bruit de quelques brisants, qu’une oreille exercée sait distinguer du mugissement ordinaire de la tempête, « les matelots, vers le milieu de la nuit, crurent (ὕπενόσυν) qu’ils approchaient de quelque terre. Ayant jeté la sonde, ils trouvèrent vingt brasses, et un peu plus loin quinze. Alors craignant de donner contre quelque écueil, ils jetèrent de la poupe quatre ancres, et ils souhaitaient que le jour se fît. » Act., xxvii, 27-29. Les ancres jetées de la poupe, sans autre explication, voilà un des nombreux traits qui dans ce récit décèlent le témoin oculaire. Un auteur qui aurait écrit d’imagination s’en serait tenu à la donnée ordinaire : anchora de prorā jacitur, Virgile, Æn., III, 277 ; il ne s’en écarterait pas au moins sans en indiquer la raison. La situation seule justifie cette manœuvre. La sonde avait montré que le fond se relevait brusquement ; en jetant les ancres de l’arrière, on empêchait aussitôt le vaisseau d’aller plus avant. En outre, « mouiller au moyen des ancres de l’avant, dit un homme habitué à la mer, c’eût été forcer le navire à venir présenter l’avant au vent, et ce mouvement tournant qu’on appelle en marine évitage n’eût pas été sans danger, car dans son évolution le navire fût resté un temps plus ou moins long de travers à la lame. » Trêves, Une traversée de Césarée de Palestine à Puthéoles au temps de saint Paul, 1887, p. 36. Enfin, on pensa dès lors peut-être au plan qu’on exécuta le lendemain : ancré par l’arrière, le vaisseau se trouvait dans une position plus favorable pour saisir, dès que le jour le permettrait, l’occasion d’aller atterrir.
Du reste, quoique l’ancre fût généralement suspendue à l’avant ou sur le flanc du bâtiment, comme on le voit dans les bas-reliefs de la colonne Trajane et dans celui de Narbonne, l’ancrage par l’arrière devait être connu et pratiqué en certains cas par les anciens ; sur un bas-relief du musée du Capitule, l’ancre est jetée de l’aplustre, ornement de la poupe (fig. 137).
Il en est de même pour un vaisseau d’une peinture d’Herculanum, qui a de plus l’avantage de nous expliquer une autre manœuvre de notre récit ; le lendemain, quand on leva les ancres placées tout autour de la poupe (τὰς ἀγκύρας περιελόντες), on détacha les gouvernails (ἅμα ἀνέντες τὰς ζευκτηρίας τῶν πηδαλίων), Act, xxvii, 40 ; la figure d’Herculanum (fig. 138) montre, en effet, la nécessité de les attacher pour les empêcher de s’engager dans les cordages des ancres.
138. — Vaisseau à l’ancre. D’après une peinture d’Herculanum.
Quant au nombre des ancres, il variait suivant l’importance des vaisseaux, cf. Athénée, v, 43 ; de là la locution « lever les ancres », αἰρεῖν τὰς ἀγκηύρας, Polybe, xxxi, 22, dans le sens de s’en aller. Dans le De Bello civ., i, 25, César parle de deux vaisseaux que l’on tient réunis pour former une plate-forme immobile : has quaternis anchoris ex quatuor angulis distmebat ne fluctibus moveretur. « Tant que l’art de forger n’a pu fournir au navigateur des ancres d’un grand poids, on y a suppléé par le nombre. Cet état de choses a duré fort longtemps ; deux nefs construites pour saint Louis à Gênes, aux dimensions de vingt et un mètres de quille et de huit mètres de largeur, devaient suivant les conditions de marche être pourvues chacune de vingt-six ancres. » Trêves, ouvr. cité, p. 37. Le vaisseau qui portait Saint Paul n'était pas moins bien muni. Les matelots, craignant qu’il ne pût tenir jusqu’au lendemain, conçurent l’indigne projet de s’enfuir dans la chaloupe en abandonnant les passagers. On sait comment l’Apôtre déjoua leur complot ; mais il faut noter ici le prétexte qu’ils alléguaient pour descendre à la mer dans la chaloupe : ils voulaient, disaient-ils, tendre encore des ancres de la proue, Act., xxvii, 30. Au lieu de les jeter, comme on avait fait pour celles de l’arrière (ῥίψαντες, ꝟ. 29), on les aurait portées aussi loin que le permettaient les câbles tendus, comme pour mieux empêcher le mouvement du navire. On a ainsi la clef de cette locution assez obscure : « tendre les ancres. »
Nous n’insisterons pas sur la forme des ancres ; l’ancienne, à une seule dent, n’est pas représentée sur les monuments ; mais on y voit fréquemment l’ancre à deux bras, quelquefois comme sur le bas-relief de l’arc de triomphe d’Orange (fig. 139), avec la barre transversale ou jas qui se trouvait à l’extrémité opposée au bras ; le plus souvent celle-ci est simplement munie d’un anneau où l’on passait le câble qui tenait l’ancre.
139. — Ancre à deux bras. Arc de triomphe d’Orange.
Au point de jonction des deux bras, il n’est pas rare de voir un autre anneau sans doute destiné, selon la conjecture de Jal (Glossaire nautique, au mot Ancre), à recevoir l’orin ou cordage, dont l’autre bout, retenu à la surface par un corps flottant, indiquait aux marins la position précise de l’ancre.
II. Dans Hebr., VI, 19, l’espérance chrétienne est comparée à une ancre qui retient l'âme solidement fixée à la région invisible où habite le Christ. C’est pour les fidèles une puissante consolation que de se sentir à l’abri « en tenant ferme l’espérance proposée, que nous avons comme l’ancre de l'âme, sûre, solide et pénétrant jusqu’au dedans du voile où Jésus est entré comme notre précurseur ». Belle image, que Sedulius, In Ep. ad Hebr., commente ainsi : « Nous jetons en haut notre ancre dans les profondeurs du ciel, comme on jette l’ancre de fer dans les profondeurs de la mer. » L’ancre devint dès l’origine pour les chrétiens le symbole de l’espérance. Après la colombe c’est le symbole qui se rencontre le plus souvent sur les monuments figurés des premiers siècles (fig. 140). Clément d’Alexandrie, Pædag., i, 3, t. viii, col. 634, nomme l’ancre parmi les signes qu’il recommande aux fidèles de graver sur leurs anneaux. Ce n’est pas seulement un des symboles les plus répandus, mais encore un des plus anciens, un de ceux même dont l’usage demeure confiné aux premiers siècles. On en a des exemples qui peuvent remonter jusqu'à la première moitié du deuxième ; il a son plein épanouissement au troisième ; mais après la paix de l’Église, à partir du quatrième, il disparaît. Cf. de Rossi, Roma sotterranea, t. ii, p. 315. Déjà, chez les païens, on attachait un caractère religieux à l’ancre qui, entre toutes celles d’un navire, était réputée la plus solide et comme la dernière ressource du navigateur ; on l’appelait l’ancre sacrée, au point que la locution « jeter l’ancre sacrée » était prise dans le sens de « recourir aux moyens suprêmes ». Cf. Pollux, i, 93 ; Lucien, Jup. traq., .51 ; Plutarque, Sol., 19, 25 ; S. Jean Chrysostome, Hom. in red. Flaviani, 2, t. xlix, col. 213. Mais, chez les chrétiens, la signification de l’ancre comme symbole de l’espérance est beaucoup plus déterminée, comme le montre sa fréquence sur les pierres tombales de défunts qui portent les noms de Spes, Elpis, ou de leurs dérivés, ou bien la lettre E, sigle d’elpis, gravée à l’extrémité de la traverse, ou bien encore sa présence à côté du divin poisson servant ainsi à écrire, comme en idéogramme, la formule spes in Christo.
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140. — Ancre dans les catacombes.
De Rossi, Roma sotterranea, t. i, pl. xviii, n°2.
Or ce n’est que dans l'Épître aux Hébreux qu’on a puisé une signification si précise du symbole de l’ancre ; dès lors sa présence, spécialement fréquente sur les monuments de l'Église romaine aux IIe et IIIe siècles, peut servir à montrer que l'Épître aux Hébreux y était bien connue, comme il résulte du reste d’autres témoignages, et, bien qu’elle n’y fût pas encore lue publiquement, qu’on la tenait déjà en grand honneur, puisque le symbole qu’on lui empruntait était à la fois si vénéré et si populaire.
ANDALA Ruard, théologien hollandais, né près de Bools ward, dans la Frise, en 1665, mort à Franeker, le 12 septembre 1727. Il avait fait ses études dans cette dernière ville et y était devenu professeur de théologie. C'était un ardent cartésien. Il publia un grand nombre d’ouvrages théologiques et philosophiques. Ses écrits exégétiques sont les suivants : Exegesis illustrium locorum Sacræ Scripturæ ; accedit clavis apocalyptica, Franeker, 1720 ; Dissertationes in præcipua Zachariæ dicta, Franeker, 1720 ; Verklaaring van de Openbaringe van Joannes, in-4o, Leeuwarden, 1726. Ce commentaire de l’Apocalypse est fort estimé par les protestants. Voir Jöcher, Allgemeines Gelehrten-Lexicon, au mot Andala ; Vriemoet, Athenæ Frisiacæ, p. 728-737 ; Chalmot, Biographisch. Woordenboek der Nederlanden, t. i, p. 241-243 ; Ypeij et Dermout, Geschiedenis der Nederlandsche hervormde Kerk, t. ii, p. 458.
ANDERSEN LARS (Andreä Laurentius), traducteur
de la Bible en suédois, né probablement à Strengnàs, en
Suède, en 1480, mort dans cette ville, le 29 avril 1552.
Il exerça d’abord le ministère sacerdotal à Strengnäs, et
devint ensuite archidiacre d’Upsal. Étant passé à Wittenberg au retour d’un voyage à Rome, il y fut gagné aux idées de Luther, et, à son arrivée en Suède, il fut nommé chancelier par le roi Gustave Wasa, qui le soutint de toute sa puissance pour introduire l’hérésie dans son royaume. Elle fut établie officiellement par la diète de Westeraasen (1527). Andersen contribua beaucoup à la propagation des idées protestantes par sa célèbre traduction du Nouveau Testament en suédois, faite avec le concours d’Olaüs Pétri (Olof Person). Elle parut in-folio, en 1526. Quinze ans plus tard, en 1541, Andersen publia la Bible suédoise complète, connue sous le nom de « version
gustavienne ». Le traducteur s’aida dans son travail de la
Vulgate latine et des anciennes traductions allemandes, en particulier de celle de Luther. Cette version joua en partie, en Suède, le rôle de celle du père du protestantisme en Allemagne : non seulement elle rendit l’hérésie populaire, mais elle exerça la plus grande influence sur le développement de la langue suédoise, qui se rendit indépendante de la langue danoise. Andersen jouit de la plus haute faveur jusqu’en 1540. Il fut alors accusé de n’avoir pas dénoncé au roi une conspiration dont il avait eu connaissance, et condamné à mort. La sentence ne fut pourtant pas exécutée ; il obtint sa grâce en payant une forte somme d’argent, et se retira à Strengnàs, où il mourut en 1552. Voir J. Magnus, Historia de omnibus Gothorum regibus, Rome, 1553, p. 477 ; A. Michelsen, dans Herzog et Plitt, Real-Encyklopädie, 2e édit., t. i, p. 375-383.
1. ANDERSON Christopher, ministre baptiste, né à Édimbourg, en Écosse, le 19 février 1782, mort dans la même ville, le 18 février 1852. Élevé au collège baptiste à Bristol, il devint ministre de sa secte à Édimbourg. Il fut l’un des principaux fondateurs de la Société biblique établie dans cette ville en 1809. On a de lui, entre autres ouvrages, Annals of the English Bible, 2 in-8o, Londres, 1845. C’est une histoire complète de la « Version autorisée » anglaise et des autres traductions en cette langue, antérieures à Jacques Ier, roi d’Angleterre. Voir Jamieson, Relig. Biogr., p. 16.
2. ANDERSON Robert, pasteur anglican à Brighton, né en 1793, mort le 22 mars 1853. Il a publié A practical Exposition of St. Paul’s Epistles to the Romans, exposition homilétique, mais sans importance exégétique et critique.
ANDRADA (Thomas d'), plus connu sous le nom de Thomas de Jésus, augustin portugais, mort le 17 avril 1582. Issu d’une famille illustre du Portugal, il avait fait profession au monastère de Coïmbre. En 1578, il commença la réforme des « Déchaussés ». Peu après, il suivit en Afrique le roi don Sébastien dans sa guerre contre les Maures, et il fut fait prisonnier à la bataille d’Alcacer, le 4 août 1578. Vendu à un marabout, son maître le jeta au fond d’une prison, où il n’avait pas d’autre lumière que celle qui lui arrivait par le soupirail de son cachot. Il se consola de sa captivité en composant en portugais l’admirable livre des Trabalhos de Jésus, qui fut imprimé à Lisbonne, en deux volumes, en 1602 et 1607. Thomas avait laissé son œuvre inachevée. Elle fut complétée par Jérôme Romain, du même ordre que lui. Le P. Alleaume, jésuite, a traduit les Trabalhos en français sous le titre de Souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Cette traduction a été souvent réimprimée, ordinairement en 2 volumes in-12. Les Trabalhos de Jésus ne sont pas seulement une
œuvre de piété, ils sont aussi une étude détaillée des souffrances, et en particulier de la passion du Sauveur, d’après le récit des quatre Évangiles. Quoique l’auteur n’eût aucun livre sous la main, sa mémoire l’a bien servi. On peut
seulement lui reprocher de se laisser aller quelquefois trop
facilement aux conjectures. D’Andrada mourut au Maroc ;
quoique sa rançon eût été envoyée par sa sœur, la comtesse de Linhares, il préféra demeurer chez les Maures pour consoler, pendant le reste de ses jours, les prisonniers chrétiens qui souffraient avec lui. Sa vie a été écrite par le P. Alexis de Meneses et imprimée, en 1631, en tête des Souffrances de Notre-Seigneur. Les éditions françaises contiennent aussi une biographie abrégée d’Andrada.
1. ANDRÉ (Ἀνδρέας, « le vaillant » ), nom dérivé de ἀνδρεία ou ἀνδρία, et usité dans Hérodote, Plutarque, Pausanias, fut, comme Philippe et Nicodème, un de ceux qui, avec l’influence grecque, devinrent très communs parmi les Juifs, dès le second siècle avant l'ère chrétienne. Dans le Talmud de Jérusalem, Migd. Perek., 4 ; Lightfoot, Harm. quat. Ev., in Luc, v, 10, t. i, p. 500, il est question d’un rabbin appelé André, et dans Dion Cassius, lxviii, 32, d’un Juif cyrénéen du même nom, qui joua un rôle sous Trajan. C’est parce qu’il fut porté par l’un des douze Apôtres que ce nom est célèbre dans la littérature biblique.
Fils de Jona ou Jean et frère de Simon, André était originaire de Bethsaïde, Joa., i, 44, et pêcheur de son état. Les occupations matérielles n’ont jamais empêché les hommes de l’Orient de se passionner pour les questions religieuses. Les deux frères, tout en gagnant leur vie sur le lac de Génésareth, s'étaient vivement intéressés au mouvement théocratique que Jean-Baptiste venait de provoquer en Judée. L’un et l’autre avaient tenté de devenir les disciples du Précurseur. C’est en l’entendant désigner Jésus comme « l’Agneau de Dieu », qu’André et un de ses amis se mirent à la suite de celui qui leur était ainsi révélé comme le Messie. L’histoire naïve de cette première vocation est admirablement racontée par celui qui fut le compagnon d’André en cette circonstance. Joa., i, 35-40. Après avoir passé quelques heures avec Jésus, André, enthousiasmé de ce qu’il avait vu et entendu, se hâta de chercher son frère, et l’ayant abordé par cette parole qui nous révèle l’ardeur de son âme : « Nous avons trouvé le Messie ! » il le conduisit, le soir même, au jeune Maître, comme une nouvelle recrue qui ne devait pas être la moins importante de toutes. Joa., i, 41. En s' attachant, dès ce jour, à la doctrine ou même à la personne de Jésus, les deux, frères ne renoncèrent pas cependant entièrement à leurs filets. Il leur fallait pourvoir aux nécessités de la vie pour eux et surtout pour leur famille. Nous savons qu’ils habitaient tous deux, à Capharnaüm, une même maison, où Jésus guérit la belle-mère de Pierre. Marc, i, 29. Peut-être André était-il plus jeune que son frère et non encore marié, puisqu’il avait quitté Bethsaïde pour s'établir chez sa belle-sœur. Mais on ne pouvait guère être réellement disciple de Jésus, encore moins Apôtre, sans avoir renoncé à toutes les attaches terrestres de la vie : famille, biens, et préoccupations matérielles diverses. Jésus alla un jour surprendre les deux frères qui péchaient sur les bords du lac, et les ayant invités à laisser désormais leur vulgaire métier, il leur proposa de devenir tout simplement des pêcheurs d’hommes. Matth., iv, 18 ; Marc, I, 16 ; Luc, v, 2. C’est dire qu’il y eut pour eux, après une vocation préliminaire, une seconde vocation définitive. Le récit de Jean n’exclut aucunement celui des synoptiques, mais le prépare. La première fois il s'était agi pour Jésus de s’attacher les deux frères par des liens généraux de foi et d’affection, la seconde il entendit établir entre eux et lui les relations officielles et suivies qui doivent exister entre les disciples et le Maître. On comprend surtout que Simon et André, aussi bien que Jacques et Jean, aient entendu le second appel de Jésus, si bref, si impératif, s’ils avaient déjà vécu avec lui et subi ses saintes influences.
Dans les quatre listes que nous avons des douze Apôtres, André fait invariablement partie du premier groupe présidé par Pierre, et dont les membres vécurent toujours dans une intimité plus particulière avec le Maître. Voir Apôtres. Toutefois il n’occupe pas le même rang dans chacune d’elles. Ainsi, tandis qu’il est le premier après Pierre dans saint Matthieu, x, 2, et dans saint Luc, vi, 14, il ne se trouve que le troisième, et par conséquent après les deux fils de Zébédée, dans Marc, iii, 18, et Act., I, 13. Ce fut peut-être là son classement véritable, car nous le trouvons encore nommé après Pierre, Jacques et Jean dans Marc, un, 3, lorsque les quatre du principal groupe interrogent Jésus sur la fin des temps.
André ne figure nommément que trois fois dans les récits évangéliques : c’est d’abord dans le passage de saint Marc, que nous venons de citer ; puis dans la première multiplication des pains, Joa., vi, 9, où, prenant la parole après Philippe, il observe qu’il y a bien dans la foule un petit jeune homme avec cinq pains d’orge et deux poissons, ressources insuffisantes pour tant de gens affamés ; et enfin, quand les Grecs demandent à voir Jésus, Joa., xii, 22,
il se joint à Philippe pour appuyer leur requête auprès du Maître. Assez naturellement on pourrait supposer que, Jésus ayant fait de Pierre et des fils de Zébédée ses trois disciples privilégiés, André était devenu le compagnon plus ordinaire de Philippe, natif comme lui de Bethsaïde, et chef du second groupe. Il est remarquable, en effet, que, sur trois fois où il est mis en scène par l'Évangile, il intervient deux fois pour appuyer Philippe dans ce qu’il dit ou dans ce qu’il veut. Bien que le livre des Actes ne mentionne André que dans la liste des Apôtres, il suppose qu’il eut part à tout ce que le groupe apostolique entreprit et supporta pour la gloire du Seigneur. Les Épîtres ne parlent pas de lui, mais la tradition conservée par Eusèbe, H. E., iii, 1, t. xx, col. 216, et dont il faut chercher l’origine dans des documents qui, pour avoir été défigurés par l’esprit de secte et de ridicules légendes, n’en furent pas moins tout d’abord une histoire peut-être très authentique de l'œuvre des Apôtres, assure qu’André alla prêcher chez les Scythes : Ἀνδρέας δέ εῖληκην τὴν Σκυθίαν. Ce qui n’exclut pas l'évangélisation des colonies grecques qu’il trouva sur sa route vers la rive méridionale du Pont-Euxin, Héraclée, Sinope, Trapézonte. Nicéphore, H. E., ii, 39, 40, 41, 42, 43, 44, t. cxlv, col. 860-880. Après être retourné à Jérusalem, par Néocésarée et Samosate, il serait remonté de nouveau jusqu'à Byzance, d’où il passa en Grèce, S. Jérôme, Epist. lix ad Marcell., t. xxii, col. 589, et Théodoret, In Ps. cxvi, t. lxxx, col. 1805, pour y mourir à Patras, sur une croix dressée en forme d’X, et depuis appelée la Croix de Saint-André. Voir Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 105-166 ; ou Epistola de martyrio Sancti Andreæ, dans Migne, Patr. gr., t. ii, col. 1218-1248.
2. ANDRÉ BERNA. Voir Berna.
3. ANDRÉ D’ALERET ou DALERET, mineur conventuel, est qualifié simplement de Segusianus, c’est-à-dire de Forézien, par Franchini, bibliographe des conventuels, Wadding et autres. Sbaraglia estime que cet auteur n'était pas conventuel, mais capucin ; il le conclut de ce qu’un de ses ouvrages est une défense de l’Apologie des capucins, parue sous le pseudonyme de Bonice Combasson, conventuel, dissimulant un nom de capucin. Nous estimons que l’orthographe d’Aleret et Daleret doit être remplacée par d’Allerey, qui est le nom d’un village du département de Saône-et -Loire, compris par conséquent dans la région dont Lyon était le chef-lieu, à laquelle les géographes étrangers étendaient le nom de Forez. André d’Allerey a publié : Notæ in universam Sacram Scripturam, 2 in-f°, Sion (en Valais), 1625.
4. ANDRÉ de Césarée, archevêque de la ville de ce nom, en Cappadoce, vivait vers la fin du ve siècle. Voir Rettig, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1831, p. 739. Quelques savants le placent cependant au VIe et même au VIIIe ou IXe siècle. Il nous reste de lui un commentaire de l’Apocalypse (Migne, Patr. gr., t. cvi, col. 216-457) ; œuvre importante, non seulement parce qu’elle est l’explication la plus ancienne de ce livre qui soit parvenue jusqu'à nous dans son intégrité, mais aussi et surtout parce que les commentateurs ecclésiastiques qui sont venus après André, lui ont beaucoup emprunté. Il distingue dans l’Apocalypse le sens littéral ou historique, le sens tropologique et le sens anagogique. Il s’attache principalement à montrer l’accomplissement des prophéties de saint Jean ; mais il a soin de remarquer qu’on ne peut tout expliquer, parce qu’une partie des prédictions ne sont pas encore réalisées et ne se réaliseront que dans un avenir encore obscur. Voir R. Ceillier, Histoire des auteurs sacrés, t. xii, 1862, p. 426 ; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., t. i, col. 830.
5. ANDRÉ DE PÉROUSE, frère mineur, fut fait évêque de Gravina, dans la Pouille, en 1343, et mourut deux ans après, laissant entre autres ouvrages : 1° Postilla super Genesim ; 2° Postilla super novem Psalmos.
6. ANDRÉ Émeric, prémontré belge, mort en 1640, abbé de Saint-Michel d’Anvers, a laissé plusieurs ouvrages parmi lesquels se trouve un Commentaire sur les Épîtres et les Évangiles de l’année.
7. ANDRÉ PLACUS. Voir Placus.
8. ANDRÉ SOTO. Voir Soto.
ANDREA (Dr) Bernard, de Naples, capucin de la province de ce nom, né le 26 octobre 1819, de Gabriel d’Andréa et de Fortunata Arienzo, prit l’habit religieux le 30 janvier 1836. Après avoir enseigné la philosophie et la théologie dans les couvents de sa province, de 1844 à 1858, il en fut élu ministre provincial en cette dernière année, devint examinateur du clergé des diocèses de Naples, Noie, Aversa et Salerne, et membre des académies Tibérine et des Arcades. Il est mort à Naples, le 22 juin 1889, laissant au public un grand nombre d’œuvres oratoires et poétiques, parmi lesquelles La Cantica volta in rima italiana dal testo ebraico, in-8, Naples, 1854.
ANDREW James, orientaliste écossais, né à Aberdeen,
en 1773, mort à Edimbourg, le 13 juin 1833. Il fut le premier directeur de l’East India Collège à Addiscombe. On a de lui : Hebrew Dictionary and Grammar without points, in-8o, Londres, 1823 ; A Key to Scripture Chronology mode by comparing Sacred History with Prophecy, and rendering the Bible consistent with itself, in-8o, Londres, 1822. Voir Gentleman’s Magazine for 1833, p. 89.
ANDREWES Lancelot, théologien anglican, né à
Londres en 1555, mort le 25 septembre 1626. Il tut élevé
à Cambridge et y donna, en 1585, des « Lectures », célèbres en Angleterre, sur les dix commandements. Il occupa
successivement des positions importantes dans l'Église anglicane. Jacques Ier le nomma, en 1605, évêque de Chichester, d’où il fut transféré, en 1609, à Ély, et enfin, en 1618, à Winchester, siège qu’il occupa jusqu'à sa mort. Il avait une grande réputation de science. Sur l’ordre de Jacques Ier, il écrivit en latin Tortura Torti sive ad Matthæi Torti librum responsio, in-4o, Londres, 1609. Ouvrage mis à
l’index par décrets du 9 novembre 1609 et du 30 janvier
1670. C’est une réponse à Bellarmin, qui, sous le nom de
Matthieu Tortus, avait réfuté le livre du roi Jacques Ier sur la Prérogative royale (Oath of allegiance, in-8o,
Oxford, 1851). Andrewes est un des auteurs de la célèbre « Version autorisée » anglaise. Il a traduit les livres historiques de l’Ancien Testament depuis Josué jusqu’aux
Chroniques ou Paralipomènes. On a aussi de lui des sermons, etc. Voir Isaacson, Life of Bishop Andrewes ; Cassan, Life of Ihe Bishops of Winchester, Londres, 1827.
ANDRONICUS. Voir Andronique.
ANDRONIQUE. Grec : Ἀνδρόνικος, « homme vainqueur, conquérant. » Nom commun parmi les Grecs, et porté par plusieurs personnes mentionnées dans l'Écriture.
1. ANDRONIQUE, officier d’Antiochus Épiphane, roi de Syrie, qui le laissa comme vice-roi (διαδεχόμενος, II Mach., iv, 31) à Antioche, pendant qu’il allait lui-même faire la guerre contre les villes de Tarse et de Mallo, en Cilicie (171 avant J.-C). Andronique abusa de son pouvoir pour faire périr le grand prêtre juif Onias III. Ménélas, frère de Simon, Juif ambitieux de la tribu de Benjamin, s'était fait le zélé partisan des idées grecques, afin d’arriver au souverain pontificat, quoiqu’il ne put point y aspirer légitimement, n'étant-pas de la descendance d’Aaron. Il acheta le souverain sacerdoce, vers 172, du roi de Syrie, en surenchérissant sur Jason. Mais, comme il ne put payer à Antiochus Épiphane les sommes qu’il lui avait promises, il fut chassé du pontificat. Cet échec ne le découragea pas. Il déroba des vases d’or du temple de Jérusalem et en offrit à Andronique, pendant que ce dernier remplissait les fonctions de vice-roi à Antioche, afin de capter sa faveur. Quand Onias III, le pontife légitime déposé par Antiochus Épiphane, eut appris le sacrilège commis par Ménélas, il lui en fit des reproches, mais en ayant soin, pour prévenir sa vengeance, de se tenir à Daphné, près d’Antioche, à l’abri du sanctuaire d’Apollon et de Diane, lieu de refuge sacré pour les Syriens. Ménélas se plaignit à Andronique ; le vice-roi, pour le satisfaire, décida, par un faux serment, le malheureux Onias à sortir de son asile et le mit à mort. Cette violation frauduleuse du droit d’asile excita l’indignation générale à Antioche. Au retour du roi, Andronique fut publiquement dégradé et exécuté dans le lieu où il avait commis son crime (170 avant J.-C). II Mach., iv, 30-38. Josèphe place la mort d’Onias III avant le pontificat de Jason, Ant. jud., XII, v, 1, et ne dit rien d’Andronique. G. Wernsdorf, Commentatio historica de fide librorum Machabæorum, Breslau, 1747, p. 90, a voulu se servir de l’autorité de Josèphe pour contester la véracité du récit du second livre des Machabées ; mais la plupart des critiques protestants eux-mêmes reconnaissent que la narration vague de l’historien juif ne saurait prévaloir contre les témoignages circonstanciés et précis que nous venons de rapporter.
2. ANDRONIQUE, officier d’Antiochus Épiphane, différent du vice-roi d’Antioche du même nom, quoi qu’en aient dit quelques critiques. Il commandait les troupes syriennes qui occupaient le mont Garizim, à cause de sa forte situation, et peut-être aussi à cause du temple qu’y avaient élevé les Samaritains. Il ne nous est connu que par la mention qu’en tait II. Mach., v, 23. Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 4, parle d’un Andronique, fils de Messalomos, qui convainquit Ptolémée Philométor de l’orthodoxie du temple de Jérusalem, par opposition à celui du mont Garizim. On a supposé que cet Andronique était le même que le gouverneur de Garizim, mais il est impossible de le prouver.
3. ANDRONIQUE, chrétien d’origine juive, parent de saint Paul et son compagnon de captivité. Rom., xvi, 7. Il s’était converti avant saint Paul au christianisme, comme Junias ou Junie que le docteur des nations nomme avec Andronique et qu’il qualifie l’un et l’autre « d’apôtres », c’est-à-dire sans doute, dans un sens large, de prédicateurs de l'Évangile. Nous ignorons dans quelles circonstances ils avaient partagé l’un et l’autre la captivité de saint Paul. D’après le Pseudo-Dorothée, Patr. gr., t. xcii, col. 1061, Andronique devint évêque d’Espagne ; d’après saint Hippolyte, t. x, col. 956, de Pannonie. Voir Orlog, De Romanis quibus Paulus epistolam misit, Copenhague, 1722 ; Bosc, De Andronico et Junio, Leipzig, 1742.
ANE. — I. Nom et caractères. — Cet animal domestique est nommé plus de cent trente fois dans l'Écriture. Il porte en hébreu le nom de ḥâmôr, qui signifie roux, parce qu’il a souvent cette couleur en Orient. Ḥâmôr désigne toujours le mâle, excepté II Sam. (II Reg.), xix, 27 (26), où il s’applique à l’ânesse. La dénomination ordinaire de celle-ci est ʾȧṭôn. Num., xxii, 23, 33 ; II (IV) Reg., iv, 24. L'ânon s’appelle ʿayîr. Gen., xlix, 11 ; Zach., IX, 9, etc. L'âne sauvage ou onagre avait un double nom, celui de pér’é (rapide) et celui de ʿârôd (le fuyant). Voir Onagre. Cette richesse de noms, peu commune en hébreu, montre combien l’âne était répandu en Palestine et, l’on peut ajouter, combien il y était apprécié et estimé.
L'âne d’Orient ne mérite pas, en effet, le mépris dont l'âne d’Occident est l’objet parmi nous. Cet animal est une espèce du genre cheval. Il se distingue du cheval proprement dit par ses longues oreilles, par la touffe de crins qui pend seulement au bout de sa queue, par son braiment et par la croix noire qui est tracée sur le dos et sur les épaules du mâle (fig. 141). Il est originaire de l’Asie et du nord-est de l’Afrique, où on le trouve encore à l'état sauvage. Dans sa patrie primitive, il est plus vigoureux et plus vif que dans nos contrées ; et la durée de sa vie, qui n’est que de quinze à seize ans en Europe, est de vingt-cinq à trente dans son pays d’origine.
La chaleur lui est favorable, mais les soins lui sont également nécessaires ; aussi dans l’Inde, où il n’a pas été assez bien traité, il a dégénéré, malgré la chaleur du climat. En Syrie et en Egypte, où cet animal est convenablement entretenu, il dépasse en taille et surtout en vigueur ses congénères de l’Occident. Les Arabes et les Persans conservent la généalogie de leurs ânes comme celle des chevaux. En Syrie, d’après Darwin, il y en a quatre espèces principales : « La première, gracieuse et légère avec une allure agréable, sert principalement aux dames ; la seconde, race arabe, est réservée exclusivement pour la selle ; la troisième, plus forte, sert au labourage et à des travaux divers ; « la quatrième, qui est la race de Damas, est la plus grande et se distingue par la longueur du corps et des oreilles. » Animals and Plants under domestication, t. i, p. 62. Damas et Bagdad se glorifient particulièrement de leurs ânes blancs. Les animaux de cette couleur paraissent aussi avoir été fort appréciés chez les Israélites, d’après le cantique de Débora, qui dit aux chefs de son peuple : « Vous qui montez de blanches ânesses. » Jud., v, 10 (texte hébreu ; la Vulgate traduit : nitentes asinos, « ânes luisants » ). Quelques interprètes pensent que le terme hébreu ṣâḥôr, employé dans ce passage du livre des Juges, indique que les ânesses dont parle la prophétesse Débora étaient peintes de bandes de couleur. Tous ceux qui ont visité l’Orient, et en particulier le Caire, ont remarqué ces singulières peintures par lesquelles on veut parer les plus beaux ânes et rehausser les couleurs voyantes de leur riche harnachement. Le mot arabe correspondant à ṣâḥôr, et , ṣaḥor et ʾaṣoḥaru, se dit d’un âne blanc et roux. Quelque bizarre que nous paraisse la coutume d’orner ainsi cet animal domestique, elle nous montre du moins combien il est aimé de ceux à qui il sert de monture.
Ce qui rend l'âne si précieux en Egypte et en Syrie, c’est qu’il est fait pour les pays chauds et pour les régions montagneuses et arides. Ses sabots sont longs, creux en dessous, avec des bords aigus, de sorte qu’il plante son pied avec sûreté, soit dans les montées, soit dans les descentes, là où le sabot plat du cheval est exposé à glisser. De plus, il souffre peu de la soif et de la chaleur ; il boit rarement, et en petite quantité ; la transpiration est chez lui presque insensible, grâce à sa peau dure et coriace. Les herbes sèches et aromatiques sont sa nourriture de prédilection ; il préfère les chardons (fig. 142) et les plantes épineuses au fourrage le plus tendre et le plus succulent. Ce sont là tout autant de qualités inappréciables dans un pays sec et entrecoupé de collines et de vallées.
142. — Âne broutant. Le scribe Uerchu est assis sur son âne. Il est précédé d’un coureur (Ve Dynastie). Lepslus, Denkmäler, ii, 13.
On n’a point trouvé l'âne domestique représenté sur les monuments assyriens, A. Layard, Nineveh and its remains, 1849, t. ii, p. 425 ; mais Hérodote le nomme néanmoins parmi les animaux connus dans la région de l’Euphrate I, 194, édit. de Londres, 1679, p. 81 ; cf. I Esdr., ii, 67, et les bas-reliefs reproduisent souvent l’onagre, qui y existait alors et y existe encore aujourd’hui. A. Layard, ibid., t. i, p. 324. Voir Onagre. Quoi qu’il en soit, du reste, de l’Assyrie, il est certain que l'âne était très commun en Egypte et en Palestine.
II. Histoire de l'âne dans l'Écriture.
Les ânes ont toujours été considérés par les Hébreux comme une partie importante de leurs richesses. Exod., xiii, 13 ; xxl, 33 ; xxii, 4, 10 ; xxiii, 4, 5, 12 ; Deut., v, 14, etc. ; Luc, xiii, 15 ; xiv, 5. Les patriarches en possédaient de véritables troupeaux, Gen., xii, 16 ; xxiv, 35 ; xxx, 43 ; xxxii, 5 ; cf. xxxvi, 24 ; Job, i, 3, 14 ; xlii, 12 ; Num., xxxi, 39, 45, de même que les Égyptiens, ainsi que nous l’attestent leurs monuments (fig. 143). Voir aussi I Sam. (I Reg.), ix, 3 ; I Par., xxvii, 30 ; I Esdr., ii, 67 ; II Esdr., vii, 69. La loi défend de convoiter l'âne de son prochain, Exod., xx, 17 ; Deut., v, 21 ; cf. Job, xxiv, 3, parce qu’il était souvent un objet d’envie. Cf. Deut., xxviii, 31. C'était, avec le bœuf et les brebis, l’animal domestique par excellence. Cf. Gen., xxii, 5 ; Exod., xxii, 4, etc. L'âne était en effet, comme nous l’avons dit, la monture la plus commode et la plus usitée, Gen., xxii, 3, etc., comme elle l’est encore aujourd’hui en Orient, où il sert aux personnes du plus haut rang et est richement harnaché comme le cheval. Celui-ci n'était pas élevé en Palestine avant Salomon ; il y fut probablement toujours rare dans l’antiquité, et l’on n’en fit guère usage que pour la guerre. Le chameau n'était pas non plus très commun ; c’est d’ailleurs un animal moins agréable à monter que l'âne, et celui-ci, dont le pas est très sûr dans les montagnes, peut rendre beaucoup plus de services dans toutes les parties de la Palestine. Non seulement il portait les hommes et les femmes dans leurs voyages, Gen., xxii, 3 ; Exod., iv, 20 ; Num., xxii, 21 ; Jos., xv, 18 ; Jud., i, 14 ; v, 10 ; x, 4 ; xii, 14 ; I Reg., xxv, 20, 23, 42 ; II Reg., xvii, 23 ; xix, 26 ; I (iii Reg., xiii, 23 ; II (IV) Reg., iv, 24 ; Zach., ix, 9 ; Matth., xxi, 7 ; Marc, xi, 7 ; Luc, xix, 30 ; mais il transportait aussi les fardeaux. Gen., xlii, 26 ; xlv, 23 ; Jos., ix, 4 ; I Reg., xvi, 20 ; sxv, 18 ; II Reg., xvi, 1 ; 1 Par., xii, 40 ; II Esdr., xiii, 15 ; Eccli., xxxiii, 25 (fig. 144). On l’employait, du moins du temps de Notre-Seigneur, pour tourner la meule et moudre le blé, comme le prouve l’expression du texte grec de saint Matthieu, xviii, 6 ; de saint Marc, ix, 41, et de saint Luc, xvii, 2, μύλος ὀνικός, « meule d'âne » (voir Meule) ; on l’utilisait également pour labourer les champs, Is., xxx, 24 ; xxxii, 20 ; cf. Deut., xxii, 10, et aussi, d’après Josèphe, Cont. Apion., ii, 7, pour battre le blé. Il servait certainement à ce dernier usage en Egypte. Voir fig. 45 et 48, col. 277, 283.
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143. — Troupeau d'ânes en Egypte. Un scribe en inscrit le compte. Tombeau de Beni-Hassan (XIIe Dynastie).
Lepsius, Denkmäler, ii, 132.
L'âne de Palestine est capable de faire une bonne journée de marche, à un pas modéré. Aujourd’hui on lui préfère le cheval pour les longues courses ; mais, depuis Abraham jusqu'à l'époque de Notre-Seigneur, les personnages les plus honorables faisaient leurs voyages à âne, comme nous le voyons en particulier par l’histoire des Juges, x, 4 ; xii, 14, de même que par les monuments égyptiens (11g. 142 et 145).
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144. — Ânes portant (les fardeaux en Egypte. Dans l’original, la scène se continue sur la même ligne.
Peinture du Musée Guimet, a Paris.
Notre-Seigneur lui-même se servit de cette monture pour faire son entrée triomphale à Jérusalem, le dimanche des Rameaux, Matth., xxi, 7 ; Marc, xi, 7 ; Luc, xix, 30, non pour nous donner un exemple d’humilité, comme on pourrait le croire d’après nos idées occidentales, mais pour montrer qu’il était un roi pacifique, l'âne étant comme l’emblème de la paix, de même que le cheval celui de la guerre. Voir Anon. De cette manière différente d’envisager l'âne en Orient et en Occident, il résulte qu’il n’est pas dans nos Livres Saints, comme il l’est parmi nous, l’objet de comparaisons désavantageuses et méprisantes. Au contraire, il est considéré comme un animal noble, auquel on assimile les personnages dont on veut faire l'éloge, dans la plus haute poésie. Ainsi Issachar est appelé « un âne fort », Gen., xwx, 14, dans la prophétie de Jacob. Voir aussi Jud., v, 10 ; 1s., 1, 3, etc. Cf. Iliade, xi, 588. Néanmoins, après sa mort, cet animal utile est jeté à la voirie. De là la prophétie de Jérémie, xxii, 19, contre Joakim, roi de Juda : « Il aura la sépulture d’un âne ; il sera traîné (pourri, dit la Vulgate) et jeté hors des portes de Jérusalem. » Voir Joakjm.
On ne se servait point primitivement de selle pour monter l'âne, mais on étendait simplement sur son dos une couverture ou un morceau d'étoile qu’on attachait pour l’empêcher de tomber. C’est ce que le texte original appelle « lier autour » ou « ceindre » l'âne. Gen., xxii, 3 ; Num., xxii, 21 ; Jud., xix, 10 ; II Sam., xvi, 1 ; IV Reg., IV, 24, etc. Les Apôtres étendirent leurs vêtements sur l'âne dont se servit Notre-Seigheur pour faire son entrée solennelle à Jérusalem. Matth., xxi, 7. L'ânier ou un serviteur accompagnait souvent la monture (flg. 142), Jud., xix, 3 ; IVReg., iv, 24 ; Erubin, iv, 10, en courant à côté ou en arrière, comme cela se pratique de nos jours en Orient. Le mari marchait aussi à pied, à côté de l'âne qui portait sa femme et ses enfants, Exod., IV, 20 ; c’est ce qu’on voit encore fréquemment, quand on voyage en Palestine. L'Évangile ne nous donne point de détails sur la manière dont s’accomplit la fuite en Egypte ; mais l’art chrétien, en représentant la sainte Vierge et l’enfant Jésus sur un âne, et saint Joseph à pied, a reproduit fidèlement les coutumes orientales.
On recourait aux services de l'âne, même en temps de guerre, où il était chargé de porter les bagages. IV Reg., vii, 7. Chez les Perses, on faisait même monter cet animal par des soldats, et Isaïe nous montre la cavalerie de Cyrus, composée non seulement de chevaux, mais aussi de chameaux et d'ânes. Is., xxi, 7. Cet usage est attesté par Strabon, xv, 14, édit. Didot, p. 618, qui rapporte que les Caramaniens, peuple qui faisait partie de l’empire perse, combattaient sur des ânes, et aussi par Hérodote, iv, 129, édit. Teubner, 1874, p. 350, qui nous apprend que Darius, fils d’Hystaspe, marcha avec des ânes contre les Scythes. Chez les Phéniciens et les Syriens, l'âne était un animal sacré. Les Juifs furent accusés par les païens d’adorer une tête d'âne. Le grammairien Apion prétendait qu’Antiochus Épiphane, en pillant le temple de Jérusalem, y avait découvert une tête d'âne en or. Josèphe, Cont. Apion., il, 7. On retrouve des traces de cette calomnie dans Plutarque, Sympos., iv, 5, et dans Tacite, Hist., v, 3-4. On sait que le même reproche fut fait aux chrétiens. Voir J. G. Müller, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1843, p. 906-912, 930-935, et ce que nous avons dit nous-même sur ce sujet dans Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. i, p. 99-102.
III. Prescriptions légales relatives à l'âne. — On voit souvent aujourd’hui, en Egypte et en Syrie, des animaux d’espèce différente attelés à la même charrue. La loi de Moïse, Deut., xxii, 10, défend d’attacher au même joug le bœuf et l'âne, parce qu’on se servait de ces deux espèces d’animaux pour labourer les champs. La prescription de Moïse était fort humaine en interdisant de faire travailler ensemble des bêtes de force et de taille très différentes.
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145. — Âne de la reine de Pount. La reine, remarquable par son embonpoint, vient de descendre de son âne pour aller au-devant des Égyptiens à qui elle apporte son tribut. Temple de Deir el-Bahari.
Il est probable que cette défense avait aussi une portée morale plus haute et qu’elle était destinée, comme les ordonnances de Lev., xix, 19, à inspirer aux Israélites l’horreur de tout commerce avec les païens, pour leur faire mieux conserver la pureté de leur foi religieuse. Moïse avait prescrit aussi de prendre soin de l'âne de son prochain, s’il s'était égaré ou s’il lui était arrivé un accident. Deut., xxii, 3-4.
Chez les Perses et les Tartares, on faisait grand cas de la chair de l'âne sauvage. Chez les peuples chananéens, il ne devait pas en être de même. Cf. Ezech., xxiii, 20. Ils ne paraissent pas avoir fait usage de la viande d'âne. Les règles posées par le Lévitique, xi, 20 (cf. Deut., xiv, 6-8), rangent cet animal domestique parmi les animaux impurs, parce qu’il ne rumine pas. En cas de famine, on mangeait cependant les ânes, comme bien d’autres espèces d’animaux. Pour donner une idée de l’extrémité à laquelle était réduite la ville de Samarie, lorsqu’elle fut assiégée, sous Joram, par Benadad, roi de Syrie, l’auteur sacré raconte qu’une tête d'âne se vendait dans cette ville quatre-vingts sicles d’argent (225 francs environ). IV Reg., vi, 25. Plutarque rapporte un trait analogue. Il dit qu’Artaxercès ayant fait la guerre en Egypte, ses troupes manquèrent complètement de vivres dans un désert, de sorte qu’on mangea la plupart des chevaux et qu’on avait peine à trouver une tête d'âne à acheter au prix de soixante drachmes ( 52 francs environ). Artax., xxiv, 1, édit. Didot, t. ii, p. 1219.
IV. L’âne dans la grotte de Bethléhem. — L’art chrétien représenta de bonne heure un âne et un bœuf à côté de la crèche de Notre-Seigneur. Le plus ancien monument connu à ce sujet est un petit monument de l’an 343 (fig. 146). Voir de Rossi, Inscriptiones christianæ urbis Romæ, t. i, no 73, p. 51. Cette représentation n’est guère que la mise en scène du passage d’Isaïe, i, 3 : Cognovit bos possessorem suum, et asinus præsepe domini sui : « Le bœuf a reconnu son maître, et l'âne, la crèche de son Seigneur. » De ces paroles du prophète, rapprochées de celles d’Habacuc, iii, 2, telles qu’elles sont traduites dans les Septante et l’ancienne Italique : « Vous vous manifesterez entre deux animaux, » est venu l’usage de représenter l'âne et le bœuf dans la grotte de la Nativité, quoique ces textes n’aient pas directement la signification qu’on leur a attribuée.
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146. — L'âne et le bœuf dans l'étable de Bethléhem.
Dans Habacuc, iii, 2, le texte original porte, comme le traduit exactement notre Vulgate : « Au milieu des années, » c’est-à-dire bientôt, sans attendre trop longtemps, et non pas : « entre deux animaux. » Voir Tillemont, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, note v, 2e édit., 1701, t. i, p. 423, et pour la thèse contraire Baronius, Annales ecclesiastici, ann. 1, no 3, édit. de Lucques, 1738, t. i, p. 2. L'âne et le bœuf sont représentés dans le mystère de la naissance de Notre-Seigneur sur de nombreux sarcophages, à Rome, à Milan, à Arles, sur des gemmes et sur des diptyques. Voir F. X. Kraus, Real-Encyklopädie der christlichen Alterthümer, t. i, 1880, p. 431 ; J. E. de Uriarte, El buey y et asno, testigos del nacimiento de Nuestro Senor, dans La ciencia christiana, t. xii, 1879, p. 260-275 ; t. xiii, 1880, p. 64-87 ; 167-188.
Sur l'âne, voir J. G. Wood, Bible animals, in-8o, Londres, 1869, p. 264-279. — Pour l'âne sauvage, voir Onagre ; pour l'ânesse de Balaam, voir Balaam ; pour la mâchoire d'âne de Samson, voir Samson et Ramathlechi.
ANEITUMÈSE (VERSION) DE LA BIBLE. — La langue aneitumèse, parlée dans l'île d’Aneitéum, la plus méridionale des îles Hébrides, appartient à l’extrême groupe polynésien et est une branche du papou. Le Nouveau Testament a été traduit en aneitumèse par deux ministres protestants, J. Geddie et J. Inglis ; il a paru en 1863. L’impression de l’Ancien Testament, traduit par J. Inglis, a été terminée en 1878.
ANEM (hébreu : ʿAnêm ; Septante : τὴν Ἀινάν), ville de la tribu d’Issachar, donnée, avec ses faubourgs, aux fils de Gerson. I Par., vi, 73 (hébreu, 58). Dans le passage parallèle, Jos., xxi, 29, et dans la liste générale des villes de la même tribu, Jos., xix, 17-23, elle est omise, et à sa place on trouve Engannim. Aussi la plupart des auteurs regardent 'Anem comme une contraction de ce dernier nom, de même que Carthan, Jos., xxi, 32, est mis pour Cariathaïm. I Par., vi, 76. Cependant Conder et les explorateurs anglais proposent de l’identifier avec ʿAnîn, village situé à l’ouest de la plaine d’Esdrelon, non loin de Djenin (Engannim). Cf. Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1887, p. 402 ; Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1800, feuille 10. Voir Engannim.
ANÉMONE, genre de la famille des Renonculacées,
type de la tribu des Anémonées, dont on compte un très
grand nombre d’espèces et de variétés. Pline dit, H. N., XXI, 23 (94), que son nom vient du grec àvs^oç, « vent, » parce que cette fleur ne s’ouvre qu’au souffle du vent. La mythologie la fait naître du mélange du sang d’Adonis et des larmes de Vénus, flos de sanguine concolor ortus, dit Ovide, Metam., x, 735. Elle fait par là allusion à la couleur de l’anémone rouge commune en Syrie. Cette plante est une herbe vivace, à tige souterraine souvent charnue et ramifiée. Ses feuilles sont alternes, découpées, d’un vert foncé, du milieu desquelles s'élève une hampe portant une fleur solitaire. Les anémones croissent dans l’hémisphère boréal et dans l’hémisphère austral. L’anémone
rouge abonde en Syrie. Quand on arrive en février ou en mars en Palestine, dès qu’on quitte Jaffa pour se rendre à Jérusalem, et qu’on entre dans la plaine de Saron, on est aussitôt frappé par la vue de cette petite fleur, dont la couleur vive attire invinciblement le regard au milieu de la verdure qui l’entoure. On la trouve ensuite sur toute sa route, à Jérusalem, au mont des Oliviers, en Samarie, en Galilée. Nulle autre fleur n’est aussi commune en Palestine, et c’est presque invariablement la variété rouge qu’on rencontre ; parce que les jaunes, les
bleues et les pourpres fleurissent de très bonne heure
ou sont plus rares.
L'éclat de sa couleur (fig. 147) a porté plusieurs naturalistes à supposer que cette fleur est celle dont Notre-Seigneur dit, dans son sermon sur la montagne : « Jetez les yeux sur les lis des champs (τὰ κρίνα τοῦ ἀγροῦ) : ils ne travaillent point, ils ne tissent point, et cependant Salomon dans toute sa gloire n'était pas vêtu comme l’un d’eux. » Matth., vi, 28-29 ; cf. Luc, XII, 27. « L’anémone coronaria, dit M. Tristram, est la plus magnifiquement colorée, la plus remarquable au printemps, la plus universellement répandue de toutes les fleurs que renferme la riche flore de la Terre Sainte. Si une plante peut prétendre à la prééminence parmi cette opulence merveilleuse qui couvre la terre d’Israël d’un tapis de fleurs au printemps, c’est l’anémone, et c’est donc à elle que nous nous arrêtons comme étant le plus probablement le lis des champs du discours de Notre-Seigneur. » H. B. Tristram, The Fauna and Flora of Palestine, 1884, p. 208.
Cette identification n’est pas sans souffrir quelques difficultés, et elle est loin d'être admise par tout le monde. Ce qui est du moins certain, c’est qu’elle a des raisons à faire valoir en sa faveur et que, sur le mont des Béatitudes, à l’endroit même où la tradition place la scène du Sermon sur la montagne, le divin Maître pouvait montrer à ses auditeurs de nombreuses anémones qui y étalaient alors, comme aujourd’hui, leur riche et brillante couleur. Ce qui est également certain, c’est que « le lis des champs » n’est pas le lis blanc ordinaire ; car on ne le rencontre nulle part dans les champs de la Palestine. Une autre raison à faire valoir en faveur de l’anémone, c’est que les traits par lesquels le Cantique des cantiques caractérise le šôšannâh ou lilium convallium lui conviennent en général fort bien, tandis qu’ils ne sauraient s’appliquer à ce que nous appelons le lis. L’anémone se voit partout dans les « vallées » de la Palestine, Cant. ii, 1, et elle étale ses pétales rouges « au milieu des épines », ii, 2, ainsi que dans les prairies où les bergers font paître leurs troupeaux, ii, 16 ; vi, 2 ; dan s les champs où broutent les gazelles, iv, 5 ; là où la rosée féconde la terre. Osée, xiv, 6 ; cf. Eccli., L, 8. Elle croît aussi dans les jardins, où celui qui aime les belles fleurs la cueille volontiers. Cant., VI, 1. Sa forme gracieuse nous explique pourquoi l'épouse du Cantique dit d’elle-même : « Je suis le šôšannâh des vallées, » Cant., ii, 1, et sa couleur rouge fournit à l’épouse la comparaison de Cant., v, 13 : « Ses lèvres sont des šôšannîm qui distillent la myrrhe. »
On objecte contre l’identification de l’anémone avec le šôšannâh que les Septante ont rendu le mot hébreu par κρίνον, et la Vulgate par lilium, « lis ; » ce qui, assure-t-on, ne permet pas de douter que le terme sémitique ne désigne une plante liliacée, quoique tout le monde reconnaisse qu’il ne saurait être question du lis ordinaire. Mais la raison tirée des anciennes versions peut n’être pas aussi concluante qu’elle le semble de prime abord. On peut admettre, en effet, sans difficulté, que le terme šôšannâh s’appliquait en général, chez les Hébreux, aux diverses espèces de lis, et que les traducteurs grecs devaient par conséquent le traduire naturellement par lis ; toutefois il ne suit point de là que l’anémone ne fut pas comprise dans le mot šôšannâh. Les Hébreux n’avaient point fait, tant s’en faut, dans la flore de la Palestine toutes les distinctions qu’a établies la science occidentale ; ils rangeaient sous un même nom des plantes très différentes. Aujourd’hui encore, et c’est une remarque importante dans la question présente, les Arabes comprennent l’anémone dans les fleurs qu’ils appellent susan. En Egypte, le sėšen désignait le lotus. Les anciens Hébreux ont donc bien pu comprendre l’anémone parmi les plantes qu’ils appelaient šôšannîm et avoir voulu souvent désigner par ce mot, dans leurs descriptions poétiques, cette belle fleur, si commune en Terre Sainte. Les Septante ayant traduit le šôšannâh de l’Ancien Testament par κρίνον, il est naturel que l’Évangile ait employé le même mot, quoique κρίνον fût le nom du lis véritable chez les Hellènes. On peut observer enfin que si le šôšannâh ne s’applique pas à l’anémone, il en résulte que cette fleur, l’une des plus belles et les plus communes en Palestine, n’est jamais nommée dans l’Ecriture, ce qui est difficile à admettre et paraît peu vraisemblable. S’il existe quelques difficultés contre l’identification du « lis des champs » avec l’anémone, il faut donc convenir du moins que l’on peut apporter aussi, en sa faveur, des raisons qui ne sont pas sans force. Voir Lis.
ANER, hébreu :‘Ânêr ; Septante : Αυνάν.
1. ANER, un des trois chefs amorrhéens d’Hébron qui avaient fait alliance avec Abraham, et l’aidèrent à poursuivre Chodorlahomor et ses alliés, et à reprendre le butin qu’ils emportaient. Gen., xiv, 13, 24.
2. ANER (hébreu :‘Ânêr ; Septante : τὴν Ἀνάρ, ville de la tribu de Manassé occidental, attribuée, avec ses faubourgs, aux fils de Caath. I Par., vi, 70 (hébreu, 55). Dans la liste parallèle de Jos., xxi, 25, on lit, à sa place, Thanach. On peut donc admettre ici une corruption de mot ou une faute de copiste, ענר, ‘Aner, pour תענך, Ṭa‘ânâk, par l’omission du thav initial et la confusion entre le resch et le caph final. Cependant Conder et les auteurs de la carte anglaise proposent de l’identifier avec ‘Ellâr, localité située « sur les collines sud —ouest de la plaine d’Esdrelon », à quelque distance au nord-ouest de Sebastiyéh (Samarie). Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 11 ; Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10. Voir Thanach.
ANESSE. Voir Ane et Anon.
ANETH. Voir Axis.
ANGARIER (Ἀγγαρεύω ; Vulgate : angariare), terme vieilli qu’on n’emploie plus en français. Il est d’origine perse, et signifie « contraindre, forcer », parce que les courriers publics des rois de Perse, appelés ἄγγαροι, obligeaient ceux dont ils avaient besoin à un service forcé.
Ces courriers étaient chargés de porter les lettres et les édits des rois de Perse, appelés dans les livres de l’Ancien Testament écrits sous la domination perse, ’iggerôṭ (singulier : iggéreṭ ; perse : انڭاره, engâré, « écrit. ») Neh. (II Esdr.), ii, 7, 8, 9 ; vi, 5, 17, 19 ; II Par., xxx, 1, 6 (Vulgate : epistola, epistolæ). L’organisation de la poste perse a été décrite en détail par Hérodote, viii, 98. Les rois Achéménides, pour faire transmettre plus rapidement leurs messages, avaient créé des relais d’hommes et de chevaux, stationnés de distance en distance. Les courriers, montés sur leurs chevaux, n’étaient arrêtés ni par le mauvais temps ni par l’obscurité, et ils se remettaient de main en main leurs lettres, comme les lampadophores grecs se remettaient le flambeau allumé dans la λαμπαδηφορία ou course aux flambeaux. Afin de ne pas éprouver de retard, ils avaient le droit d’exiger de vive force les hommes, les chevaux et les barques qui leur étaient nécessaires. Ces courriers sont nommés dans Esther, viii, 10, 14 : hârâṣim rokbê hârékėš, « des coureurs montant des chevaux rapides » (Vulgate : veredarii celeres). Le mot ἀγγαρεία devint ainsi synonyme de contrainte et de corvée forcée pour le service public.
La domination perse introduisit le nom et la chose en Palestine. Le nom se trouve sous la forme ’angaryâ’ dans le Talmud. Voir Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 131 ; Lightfoot, Horæ hebraicæ, in Matth., v, 41. Entre autres avantages que Démétrius Soter offrit au grand prêtre Jonathas Machabée pour l’attacher à sa cause, il lui proposa d’affranchir les Juifs de l’obligation de fournir (ἀγγαρεύεσθαι leurs animaux domestiques pour le service public, d’après ce que raconte Josèphe, Ant. jud., XIII, ii, 8. Tous ces détails montrent que l'’angaryâ’ était odieuse aux populations qui avaient à la supporter ; mais l’organisation perse de la poste était si avantageuse aux gouvernements, qu’elle avait été adoptée par les Séleucides après la ruine de l’empire de Darius, et qu’elle le fut plus tard par les Romains, qui latinisèrent le mot sous la forme angario (cf. Pline, H. N., x, 14, 121, 122), comme les Hellènes l’avaient grécisé sous la forme ἀγγαρεύω. Cf. Xénophon, Cyrop., viii, 6, §17, 18 ; Athénée, iii, 91, 122 ; Eschyle, Agamemnon, 282 ; Pers., 217 (édit. Dindorf) ; Plutarque, De Alexandro, p. 326.
Le mot ἀγγαρεύω, angariare, se lit trois fois dans les Évangiles : une première fois dans le Sermon sur la montagne, Matth., v, 41 : « Si quelqu’un te force (t’angarie comme un courrier) à faire avec lui un mille de chemin (ou mille pas), fais-en deux autres milles. » Les deux autres passages où se retrouve ce mot sont les deux passages parallèles de Matth., xxvii, 32, et Marc, xv, 21, où il est rapporté comment ceux qui conduisirent Jésus au supplice, ayant rencontré sur leur passage Simon le Cyrénéen, l’« angarièrent », c’est-à-dire exigèrent de lui comme un service public de porter la croix du Sauveur.
1. ANGE. On donne le nom d’anges d’une manière générale à des esprits que Dieu a créés sans les destiner, comme nos âmes, à être unis à des corps. Leur vertu ayant été mise à l’épreuve, plusieurs de ces esprits se révoltèrent contre Dieu et devinrent ainsi de mauvais anges. En punition, ils furent précipités en enfer. Ce sont les démons. D’autres furent fidèles à Dieu, qui les confirma en grâce et leur donna le bonheur du ciel. Ce sont les bons anges, qui sont appelés d’une façon plus particulière anges tout court. C’est de ces derniers uniquement que nous nous occuperons dans cet article.
I. Noms des anges.
Les anges sont désignés dans la Bible par des noms multiples qui ne leur sont pas exclusivement réservés. Leur nom le plus habituel est celui de messager : en hébreu, mal’âk ; en grec, ἄγγελος, que la Vulgate a presque toujours traduit par angelus, mais qu’elle a aussi rendu parfois par nuncius, legatus, « messager, envoyé. » C’est ce nom grec ἄγγελος, qui a fourni Dict. de la Bible
Letouzey et Ané. Edit.
anémone. l’étymologie de leur nom latin angelus et de leur nom français ange. Ils sont aussi appelés fils de Dieu, Job, I, 6 ; ii, 1 ; saints, Dan., viii, 13 ; habitants du ciel, Matth.,
xviii, 10 ; armée des cieux, II Esdr., ix, 6 ; esprits, Ps. cl, 6 ; Hebr., i, 14. L’Écriture nous indique, en outre, les noms de divers chœurs d’anges. Ce sont les Chérubins, Gen., iii, 24 ; Exod., xxv, 22 ; Ezech., x, 1-20 ; les Séraphins, Is., VI, 2, 6 ; les Principautés, les Puissances, les Dominations, Eph., i, 21 ; Col., i, 16 ; les Vertus, Eph., i, 21 ; les Trônes, Col., i, 6 ; les Archanges, I Thess., iv, 15 ; Judæ, 9.
Les livrés inspirés ne nous donnent que trois noms propres d’anges : Gabriel, « Dieu est force, » Dan., viii, 16 ; îx, 21 ; Luc, i, 19, 26 ; Michel, « qui est comme Dieu ? » Dan., x, 13, 21 ; xii, 1 ; Juda>, 9 ; Apoc, xii, 7 ; Raphaël, « Dieu guérit, » Tob., iii, 25. Le quatrième livre d’Esdras met en scène les anges Jérémiel, iv, 36, et Uriel, v, 20, et les rabbins croient connaître les noms d’autres anges encore ; mais l’Ecriture ne nous fournit que les trois noms de Gabriel, de Michel et de Raphaël. Aussi les autres noms ont-ils été rejetés par le pape Zacharie au concile de Rome de 745 et par le xvie chapitre du concile d’Aix-la-Chapelle de 789. Héfelé, Histoire des conciles, traduction Delarc, Paris, 1870, § 367, t. iv, p. 446, et § 393, t. v, p. 87 ; cf. § 93. Il est clair d’ailleurs que les noms par lesquels nous désignons les anges ne sont pas ceux qu’ils se donnent mutuellement, attendu que leur langage n’a rien de vocal et de sensible. On a remarqué aussi que le nom d’aucun ange n’avait été connu des Juifs avant la captivité de Babylone. Cette ignorance contribua sans doute à les empêcher d’adorer les anges, Jud., xiii, 18, comme ils y auraient été portés au temps des Juges et des rois.
II. Erreurs et opinions sur l’existence et la nature des anges. — L’existence des anges a été niée autrefois par les Sadducéens, Act., xxiii, 8, qui rejetaient également la spiritualité de l’âme et la résurrection des corps. Tous les chrétiens ont toujours cru à la réalité des esprits angéliques, dont il est si souvent parlé dans le Nouveau Testament ; mais quelques Pères se sont trompés plus ou moins gravement sur leur nature. Origène, De princ, I, viii, 4 ; II, viii, 3, t. xi, col. 180, 222 et passim, entraîné par les théories platoniciennes, et imitant en cela Philon, De confusione linguarum et De gigantibus, Opera, Genève, 1613, p. 270, 222, soutint que la nature des anges ne différait pas de celle de nos âmes. Il pensait, en effet, que celles-ci avaient été unies à un corps en punition d’une faute. Voir Ame. L’opinion d’Origène sur la communauté de nature des anges et des âmes a été renouvelée par les spirites de nos jours. Un assez grand nombre de Pères des premiers siècles, trompés par l’autorité qu’ils accordaient au livre d’Hénoch (voir ce mot), pensèrent que les anges avaient un corps plus ou moins subtil, voir Klee, Histoire des dogmes, traduct. Mabire, Paris, 1848, t. i, p. 343, et Petau, De Angelis, lib. I, c. ii, édit. Vives, 1865, t. iii, p. 607. Plusieurs crurent même que la Genèse parle des anges, quand elle rapporte, vi, 2, que les fils de Dieu épousèrent les filles des hommes et en eurent des enfants. Quelques rabbins ont été jusqu’à penser qu’il y a entre les anges différence de sexe et qu’ils se multiplient par la génération. Calmet, Dissertation sur les bons et les mauvais anges, en tête de son Commentaire sur saint Luc. Ce que Notre-Seigneur dit dans l’Évangile, Matth., xxii, 30, des anges de Dieu qui ne se marient point, n’a permis à aucun auteur chrétien d’admettre qu’ils ont un sexe. Cependant M. Reuss conteste que telle ait été la pensée de Notre-Seigneur, Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, Strasbourg, 1864, t. i, p. 464.
Les exégètes rationalistes ne veulent point reconnaître l’existence des anges. Ils expliquent donc de diverses manières ce que la Bible rapporte du monde angélique. Les uns prétendent que notre notion des anges n’existait pas chez les Juifs avant la captivité ; ils la recueillirent parmi les Babyloniens, et elle devint chez eux une croyance populaire ; Notre-Seigneur et les évangélistes n’admirent pas cette croyance, bien qu’ils y aient accommodé leur langage. Voir Oswald, Angélologie, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1889, p. 6. D’autres pensent que les Juifs étaient primitivement polythéistes ; à mesure qu’ils devinrent monothéistes, ils regardèrent les anges comme d’une nature inférieure à celle de Jéhovah ; ils en firent, en conséquence, ses messagers et les ministres de ses desseins auprès des hommes, et Jésus-Christ et les auteurs du Nouveau Testament adoptèrent cette conception. Haag, Théologie biblique, Paris, 1870, § 96, 108, 121, 132, p. 338, 411, 459, 497. Cette manière de voir est fort en vogue aujourd’hui.
III. Doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges. — La doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges a été formulée par le quatrième concile de Latran (1215) et par le concile du Vatican (voir § v), qui affirment l’existence et la complète spiritualité des anges, et les distinguent non seulement des créatures corporelles, mais encore des hommes composés de corps et d’âme. Les théologiens catholiques admettent que la connaissance des anges s’est accrue depuis Moïse jusqu’à Jésus-Christ par des révélations successives (voir § 7) ; mais, à leurs yeux, c’est une erreur de penser que la croyance aux anges est la simple transformation d’un polythéisme primitif, ou qu’elle n’est pas confirmée et démontrée par le Nouveau Testament. — Montrons que le témoignage des plus anciens livres de la Bible, comme celui des plus récents, confirment la doctrine catholique et renversent les théories qui lui sont opposées.
Les anges sont très souvent en scène dans les récits des premiers livres de la Bible, le Pentateuque, Josué, les Juges. Ils y jouent un rôle qui démontre qu’on les regarde comme des êtres absolument personnels et qu’ils le sont réellement. Pour ne rien dire des chérubins, dont il sera question dans un article spécial, un ange apparaît à deux reprises, Gen., xvi, 7 ; xxi, 17, à Agar fugitive dans le désert et lui parle ; des anges prédisent à Abraham la naissance d’Isaac et vont délivrer Loth de Sodome, xviii, xix ; un ange empêche Abraham d’immoler son fils, xxii, 11-19 ; Jacob, endormi, voit des anges qui montent au ciel par une échelle et en descendent, xxviii, 12 ; cf. xxxi, 11 ; xxxii, 1 ; xlviii, 16 ; un ange apparaît à Balaam et lui marque ce qu’il devra faire, Num., xxii ; un ange, l’épée à la main, promet à Josué de combattre avec lui, Jos., v, 13-16 ; un ange rappelle au peuple les bienfaits et les volontés de Dieu, Jud., ii, 1-4 ; un ange donne à Gédéon sa mission, Jud., vi, 11-23 ; un ange annonce la naissance de Samson, Jud., xm. Ces anges sont sans aucun doute des êtres doués d’intelligence et de volonté, et ils se présentent dans les autres livres de la Bible avec les mêmes caractères. Le Nouveau Testament raconte des apparitions semblables à Zacharie, à la sainte Vierge, à saint Joseph, aux bergers de Bethléhem, aux saintes femmes après la résurrection. Notre-Seigneur dit que les anges des petits enfants voient la face de Dieu, Matth., xviii, 10 ; il parle de ceux qui assisteront au jugement dernier, et sépareront les bons des méchants, de ceux qui sont au ciel et auxquels les élus seront semblables. Matth., xxii, 30 ; Marc, xii, 25. Il serait trop long d’énumérer ici toutes ces apparitions et tous ces témoignages ; ce qui précède montre suffisamment que les auteurs des premiers livres de la Bible et ceux du Nouveau Testament regardaient les anges comme de véritables personnages.
Quant à la nature de ces personnages, reconnaissons qu’elle n’est pas complètement expliquée dans les plus anciens livres de la Bible. Cependant le Pentateuque et les livres suivants nous fournissent bien des traits qui la caractérisent de plus en plus. On ne leur attribue point la nature de l’homme. Sans doute ils revêtent souvent sa forme et, pour ce motif, sont parfois appelés des hommes ; mais aussitôt qu’on les reconnaît pour des anges, on leur suppose une nature à part. D’ailleurs la manière dont ils paraissent et disparaissent et tout ce qu’ils font prouvent qu’ils n’ont rien d’humain. L'Écriture déclare du reste que l’homme leur est inférieur, Ps. viii, 6 ; Hebr., ii, 7 ; II Petr., ii, 11, et si quelques Pères ont affirmé la supériorité de l’homme sur eux, c’est en se plaçant au point de vue surnaturel. Voir Klee, Histoire des dogmes, t. i, p. 347.
Mais la nature angélique est-elle purement spirituelle ? les anges n’ont-ils point de corps ? C’est aujourd’hui une vérité que les définitions invoquées plus haut rendent certaine ; mais nous avons dit que plusieurs Pères en avaient douté. Cependant l'Écriture s’exprime assez clairement à ce sujet. Quoique elle raconte leur apparition aux hommes sous une forme corporelle, jamais elle ne dit qu’il leur soit naturel d’avoir un corps. Pendant qu’elle parle de l'âme ou de l’esprit de l’homme, marquant ainsi que nous sommes composés de deux principes, elle ne parle jamais de l’esprit des anges ; elle les appelle simplement des esprits. Hebr., i, 14 ; Apoc, i, 4 ; cf. Matth., viii, 16 ; Luc, x, 20. Job dit qu’ils n’ont point comme nous des corps formés de terre. Job, iv, 18, 19. D’après d’autres textes, ils sont invisibles, Col., i, 16 ; ce n’est qu’en apparence qu’ils prennent la nourriture que les hommes leur offrent, Tob., xii, 19 ; ils n’ont aucun commerce charnel. Matth., {rom|xxii}}, 30. Les enfants de Dieu dont la Genèse, VI, 2, nous raconte l’union avec les filles des hommes, ne sont donc point des anges, mais des descendants du vertueux Seth.
Mais les anciens Hébreux faisaient-ils une différence entre ces esprits si élevés et la Divinité? Ne faut-il pas considérer la croyance aux anges comme un reste de polythéisme ? Les Livres Saints, particulièrement dans la Genèse, nous rapportent des apparitions où un même personnage est appelé tantôt ange et tantôt dieu. Cette manière de parler soulève la question de savoir si ce personnage était Dieu lui-même ou un ange. Nous reviendrons, au § xi, sur cette question. En tout cas, quelque solution qu’on lui donne, il est certain que les Hébreux ont toujours regardé les anges comme des êtres supérieurs à l’homme, mais inférieurs à Dieu. Sans doute ils n’ont pas précisé, comme nos théologiens chrétiens, les différences qui distinguent la nature angélique de la nature divine ; mais ils présentent sans cesse les anges comme des ministres de Jéhovah, qui agissent en son nom et exécutent ses ordres, jamais comme des êtres indépendants. Jacob fugitif voit une échelle qui relie le ciel à la terre et sur laquelle les anges montent et descendent ; mais Jéhovah est au haut de l'échelle, c’est sa protection qui est promise à Jacob. Gen., xxviii, 12-13. Au commencement du livre de Job, i, 6, les anges sont représentés autour de Dieu. Les anges sont multiples ; Dieu est unique, et il n’y a que Dieu à qui l’on puisse rendre le culte d’adoration proprement dite. Aussi est-ce à Dieu que l’ange qui apparaît à Manué fait offrir un holocauste. Jud., xiii, 16.
Nous ne dirons rien de la connaissance naturelle des anges et de leur langage. Les théologiens ont longuement étudié ces questions, mais à la lumière de la philosophie plutôt qu'à celle de l'Écriture Sainte et de la révélation.
IV. Hiérarchie et nombre des anges. — La Bible ne nous a pas seulement fait connaître les anges en général ; elle nous parle aussi de divers ordres entre lesquels ils se partagent et nous en donne les noms (voir § i) ; mais elle ne s’explique pas sur la nature de chacun de ces ordres ni sur leur rang respectif dans la hiérarchie céleste. Aussi les anciens Pères ne sont-ils pas d’accord sur ce point. Cependant la division adoptée par le livre de la Hiérarchie céleste, attribuée à saint Denys l’Aréopagite, est devenue courante depuis longtemps. Elle partage les anges en trois hiérarchies, qui sont elles-mêmes partagées en trois ordres. La première hiérarchie se compose des Séraphins, des Chérubins et des Trônes ; la seconde, des Dominations, des Vertus et des Puissances ; enfin la troisième, des Principautés, des Archanges et des Anges. Saint Thomas et les thomistes soutiennent que dans ces ordres chaque ange est d’une espèce à part et a sa nature distincte ; mais leurs raisons sont plutôt empruntées à la philosophie qu'à la révélation. Les anges forment une multitude innombrable. Jacob, Gen., xxviii, 12, en voit qui montent au ciel et en descendent ; et plus tard il en rencontre une armée. Gen., xxxii, 2. Daniel, vii, 10, dit qu’un million d’anges servaient l’Ancien des jours et que mille millions se tenaient en sa présence. Notre-Seigneur assure à ses apôtres, Matth., xxvi, 53, qu’il pourrait obtenir de son Père plus de douze légions d’anges. L'Épître aux Hébreux, xii, 22, et l’Apocalypse, v, 11, nous donnent des chiffres qui expriment qu’il y a une quantité incalculable de ces esprits bienheureux. Les Livres Saints s’en tiennent à cette affirmation générale. Plusieurs Pères et écrivains ecclésiastiques ont essayé de déterminer ce chiffre en se fondant sur diverses conjectures. Ils appliquent, par exemple, aux anges et aux hommes la parabole du pasteur qui abandonne quatre-vingt-dix-neuf brebis pour aller à la recherche d’une centième égarée dans le désert. Matth., xviii, 12 ; Luc, xv, 4. Ils en concluent que le nombre des anges est quatre-vingt-dix-neuf fois plus considérable que celui des hommes.
V. Création des anges. — Les anges ont-ils été créés, c’est-à-dire tirés du néant ? Ont-ils été créés dans le temps ou de toute éternité? Ont-ils été créés avant le monde matériel, après lui ou en même temps que lui ? — Le premier verset de la Genèse : « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, » semble répondre à ces trois questions. Le ciel, en effet, renferme les anges ; et ce texte paraît nous dire que les anges ont été créés de Dieu, qu’ils ne l’ont pas été de toute éternité, mais dans le temps et avec la terre. Seulement on peut contester cette interprétation, car les anges ne sont pas mentionnés nominativement dans ce passage. Mais les Livres Saints nous fournissent ailleurs des renseignements sur ces trois questions. Ils nous disent, en effet, que tous les êtres finis ont Dieu pour auteur, Eccli., xviii, 1 ; Esther, xiii, 10 ; Rom., xi, 36, et ils rangent expressément les anges parmi les créatures. Ps. cxlviii, 2 et suiv. ; Dan., iii, 57 ; II Esdr., IX, 6 ; Col., i, 16. C’est donc contrairement à l'Écriture que les gnostiques Cérinthe, Carpocrate, Saturnin, et que les manichéens ont prétendu que les anges procédaient de Dieu par émanation. Klee, Histoire des dogmes, t. i, p. 340. Suivant la doctrine de quelques philosophes, il ne serait pas absolument impossible que les anges aient été créés de toute éternité. Origène semble même avoir admis qu’ils ont été produits de cette manière. Klee, ibid. ; Freppel, Origène, Paris, 1868, lec. 16 et 17. Mais l'Écriture Sainte est positive sur ce point. Elle nous représente l'éternité comme n’appartenant qu'à Dieu, et elle affirme qu’il vivait avant qu’il existât aucun autre être. Ps. xcix, 3 ; Prov., viii, 22 ; Eccli., xxiv, 5 ; Joa., xvii, 5, 24 ; Eph., i, 4 ; Col., i, 16. Les anges ne sont donc pas éternels.
S’ils n’ont pas toujours été, depuis quel temps existent-ils ? Un assez grand nombre de Pères : saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Chrysostome, saint Jean Damascène, saint Ambroise, saint Hilaire, saint Jérôme, ont pensé que les anges avaient été créés longtemps ou au moins quelque temps avant la matière. Ils s’appuient sur un texte de Job, xxxviii, 4-7, qui représente les anges assistant dans la joie à l'œuvre de Dieu, qui posait les fondements de la terre. Gennade croyait que la création des anges avait eu lieu après celle de la matière brute, pendant que les ténèbres couvraient la terre, et cela plusieurs siècles avant la production de la lumière. Sa raison, c’est qu’il fut convenable que Dieu ne restât pas inactif pendant ce temps. Suarez traite son opinion assez sévèrement. Le Juif Philon et saint Eucher ont cru que la création des anges avait suivi celle de l’homme, parce que les anges sont plus parfaits que l’homme, et que l'œuvre de Dieu a été en se perfectionnant. Mais le texte de Job que nous avons rapporté est contraire à ce sentiment.
Aussi plusieurs Pères, parmi lesquels saint Épiphane, saint Augustin, et à peu près tous les théologiens du moyen âge et des derniers siècles ont-ils admis que les anges ont été créés en même temps que le monde terrestre et avant l’homme. Le texte de Job cité en faveur de la première opinion ne suppose pas, en effet, que les anges ont été créés avant la terre, mais seulement qu’ils assistaient à l'œuvre des six jours. D’autre part le livre des Proverbes, viii, 22, laisse entendre qu’avant la production de la terre il n’existait aucune créature, mais seulement la Sagesse éternelle. La simultanéité de la création des habitants du ciel et de la terre est en outre affirmée dans ces paroles de l’Exode, xx, 11 : « Le Seigneur a fait en six jours le ciel, la terre et la mer et tout ce qu’ils renferment, » et dans ces paroles plus succinctes de l’Ecclésiastique, xviii, 1 : « Dieu a créé toutes les choses ensemble, creavit omnia simul. » Mais ce dernier texte a reçu un grand nombre d’interprétations. Cornélius a Lapide en énumère jusqu'à dix. On peut les ramener à deux classes principales. Les unes entendent simul d’une simultanéité de temps, et y voient l’expression du sentiment que les anges ont été créés en même temps que le ciel et la terre. Les autres donnent à ce mot un des sens du terme grec κοινῇ, qu’il traduit. Ici, selon eux, simul voudrait dire en commun, soit qu’il exprime que Dieu a fait également toutes choses, soit qu’il signifie qu’il a fait toutes choses suivant un plan d’ensemble qui les embrasse toutes.
Cette dernière interprétation avait autrefois assez peu de partisans, mais elle est plus communément adoptée aujourd’hui. C’est que la simultanéité temporelle de la production des anges, du monde et de l’homme n’offrait aucune difficulté au temps où l’on pensait que Dieu avait produit toutes les créatures en six jours de vingt-quatre heures ; car six de ces jours font un espace de temps si court, que les parties d’une œuvre considérable accomplie en ce temps seraient appelées simultanées dans notre langage courant. Mais il n’en est plus de même dans la théorie des jours-périodes suivie aujourd’hui par tant d’exégètes ; car, d’après cette théorie, il s’est écoulé de longs siècles entre l’apparition de la première créature et celle de l’homme ; et, cela posé, il paraît peu exact de dire que Dieu a fait toutes choses au même temps.
La création des anges a été l’objet de déclarations dogmatiques de l'Église. À la fin du XIIe siècle et au commencement du XIIIe, les Albigeois prétendaient que ce n'était pas Dieu, mais le démon, qui avait créé la matière ; au sujet du démon, ils disaient tantôt, avec les manichéens, qu’il n’avait pas Dieu pour auteur, tantôt qu’il avait été créé bon par Dieu, puis qu’il s'était perverti. Héfélé, Histoire des conciles, § 645, t. viii, p. 62. Le quatrième concile de Latran, tenu en 1215, condamna leur erreur. Nous avons déjà, § iii, col. 578, parlé de son décret. « Dieu, dit-il, par sa vertu toute-puissante a produit du néant ensemble, au commencement du temps, les deux classes de créatures spirituelles et corporelles, c’est-à-dire les anges et le monde ; puis ensuite les créatures humaines comme réunissant dans leur constitution l’esprit et le corps. » Cap. Firmiter ; Denzinger, Enchiridion, no 355. Le concile du Vatican a reproduit textuellement ce passage du concile de Latran dans le premier chapitre de la constitution Dei Filius. Il a en outre défini, au quatrième canon de ce chapitre, que les choses finies, soit corporelles, soit spirituelles, ne sont pas des émanations de la substance divine, et, au cinquième, que le monde et toutes les choses qu’il renferme, tant les spirituelles que les matérielles, ont été produites de rien par Dieu dans la totalité de leur substance. Il est donc de foi, en ce qui concerne les anges, qu’ils ont été tirés du néant par Dieu, ou, autrement dit, créés dans la totalité de leur substance ; par conséquent, qu’ils ont eu un commencement et ne sont point éternels.
Mais ces déclarations ont-elles tranché la question de savoir à quel moment les anges ont été créés ? Sur ce point les théologiens sont loin de s’accorder. Remarquons d’abord que les assertions des anciens théologiens au sujet du concile de Latran s’appliquent au concile du Vatican, qui le reproduit textuellement. Or, d’après saint Thomas (Opusc. xix ou xxiii, suivant les éditions, In Decretalem, I, cap. h), l’erreur que le concile de Latran a voulu frapper serait celle des origénistes, qui regardaient la création de la matière comme n’entrant point dans le plan que Dieu avait en vue en créant les esprits. Suivant le même docteur, Sum. theol., i, q. 61, art. 3, il n’est pas certain, mais seulement plus probable, que les anges ont été créés au même moment que la matière. Cajetan, Sixte de Sienne, Vasquez et Petau disent avec saint Thomas que le décret de Latran n’a point transformé en erreur le sentiment des Pères qui plaçaient la création des anges avant celle de la matière. Sylvestre de Ferrare, In 2 cont. Gent., c. 83 (D. Thomæ Opera, Anvers, 1612, t. ix, p. 206), pense, au contraire, que le concile a voulu définir et qu’il a défini la simultanéité de ces deux créations. Suarez, De Angelis, lib. I, c. iii, nos 13-15, Paris, 1856, t. ii, p. 11, estime que le concile ne s’est point proposé de trancher ce point, attendu qu’il s’est contenté d’y toucher en passant. Il ajoute que la pensée du décret de Latran est que les deux créations ont été simultanées ; il conclut qu'à cause de ce décret, il serait téméraire de nier cette simultanéité. Il reconnaît cependant qu’on peut admettre que le corps de l’homme n’est pas le seul qui ait été formé après la création des anges ; car, si le concile ne parle que de l’homme, cela peut venir de l’impossibilité où il était de nommer toutes les créatures. Le sentiment de Suarez était et est resté jusqu'à ces derniers temps l’opinion commune des théologiens. Nous le retrouvons sans aucun correctif dans Mazzella, De Deo creatore, 2e édit., Rome, 1880, nos 258 et 259, p. 173, qui l’appelle certain. Mais d’autres auteurs, comme Hurter, Theol. dogm., 6e édit., Inspruck, 1886, t. ii, nos 425 et 426, p. 231 ; Jungmann, De Deo creatore, 4e édit., Ratisbonne, 1883, no 77, p. 63, admettent qu’on peut entendre le mot simul employé par les conciles de Latran et du Vatican dans le sens, non d’une simultanéité de temps, mais d’un plan unique ou d’une communauté d’origine. Ils font observer cependant qu’en plaçant au commencement du temps, ab initio temporis, la création des anges et de la matière, le texte laisse entendre que les anges n’ont pas été créés longtemps avant les corps. À notre avis, le concile de Latran visait surtout l’erreur des Albigeois, voir Héfélé, Hist. des conciles, trad. Delarc, Paris, 1872, t. viii, § 645, qui plaçaient la création de la matière après la chute des anges et en dehors du plan primitif de Dieu. Cela ressort de la suite du décret, qui justifie la déclaration qui nous occupe par cette autre : « En effet, le diable et les autres démons ont été créés tous par Dieu ; mais, par leur propre fait, ils sont devenus mauvais. Pour l’homme, il a péché à la suggestion du diable. » Bien que saint Thomas dise que cette condamnation a été portée contre les origénistes et non contre les Albigeois, il nous semble donc l’avoir mieux comprise que personne.
Cependant le concile de Latran et celui du Vatican ont aussi marqué le temps des diverses créations Ils affirment nettement que la création de l’homme a eu lieu après celle des anges et du monde corporel. Le sentiment de Philon et de saint Eucher est donc rejeté par l'Église. Nos conciles affirment encore que les anges et les corps ont été tirés du néant au commencement du monde. Ce qui suppose, comme le remarque Hurter, ibid., que ces deux créations n’ont point été séparées par un très long intervalle, ou, en d’autres termes, qu’elles ont été moralement simultanées. Il importe donc assez peu qu’on entende le mot simul dans le sens que lui attribue saint Thomas, ou dans celui que leur donnent Suarez et Mazzella. Il est d’ailleurs indubitable que les Pères du Vatican ne regardaient point leur déclaration comme inconciliable avec la théorie des jours-périodes ; car la plupart d’entre eux admettaient cette théorie, et tous la considéraient au moins comme soutenable.
VI. Élévation surnaturelle des anges. — Les anges furent-ils créés dans l'état de pure nature, c’est-à-dire avec les seuls dons auxquels leur nature leur donnait droit, ou bien furent-ils élevés dès le premier moment de leur existence à l'état surnaturel, c’est-à-dire à la participation de la vie divine, à laquelle ils n’avaient aucun droit ? Hugues et Richard de Saint-Victor, Pierre Lombard, saint Bonaventure et beaucoup de leurs contemporains, ont pensé que l'élévation des anges à l'état surnaturel ne s'était produite qu’après qu’ils eurent été laissés quelque temps à leurs seules ressources naturelles. Saint Thomas a soutenu, au contraire, qu’elle avait eu lieu au moment même de leur création, et cette opinion a été adoptée par la grande majorité des théologiens. Les jansénistes l’outrèrent en prétendant que les anges non plus que l’homme n’auraient pu vivre dans l'état de pure nature. Les théologiens ont réfuté cette erreur ; car qui dit état de nature, dit un état dans lequel une créature possède tout ce à quoi elle a droit, et par conséquent un état possible. Mais quoi qu’il en soit de l'état dans lequel furent créés les anges, il est certain qu’au moment de leur épreuve ils avaient été élevés à l'état surnaturel. L’Ecriture les appelle, en effet, anges de lumière, II Cor., xi, 14 ; fils de Dieu, Job, xxxviii, 7 ; saints, Dan., viii, 13 ; Marc, viii, 38. Ces noms indiquent que les anges participent à la vue de Dieu, à sa vie et à la sainteté surnaturelle. Ils jouissent aujourd’hui au ciel de la vision intuitive de Dieu. Matth., xviii, 10. Ils possèdent par conséquent un bonheur surnaturel, qui est une récompense pour eux, comme l’enfer est un châtiment pour les démons. Or une récompense surnaturelle suppose des actes de vertu surnaturelle, et par conséquent une élévation surnaturelle dans ceux qui ont accompli ces actes. Parmi les théologiens, les scotistes pensent que la grâce fut donnée aux anges en vue des mérites futurs de Jésus-Christ ; mais les thomistes combattent ce sentiment.
VII. Épreuve des anges. — L'épreuve des anges n’est pas racontée expressément dans l'Écriture ; mais son existence n’est point douteuse, car la tradition l’affirme unanimement. Il est en outre certain que les démons ont été créés bons, et qu’ils étaient primitivement comme les anges. Or saint Pierre nous dit que les démons ont été précipités en enfer à cause de leur péché, II Petr., ii, 4 ; cf. Matth., xxv, 41 ; Judæ 6, d’où il résulte que les bons anges auraient pu pécher comme eux, et qu’ils ont été soumis à une épreuve.
En quoi consiste cette épreuve ? Nous pouvons le conclure encore de la nature du premier péché des démons, qui, suivant l’opinion commune, fut une faute d’orgueil. Eccli., x, 15 ; Tob., iv, 14 ; I Tim., iii, 6. Il semble probable que cette épreuve ne fut pas de longue durée, car l'Écriture ne laisse pas entendre qu’aucun des bons anges ait péché ; elle suppose, au contraire, que les démons furent précipités en enfer dès leur première faute. II Petr., ii, 4.
Quel fut le nombre des anges qui tombèrent et celui des anges qui persévérèrent ? Nous l’ignorons. Plusieurs auteurs ont cru que les démons sont deux fois moins nombreux que les anges, parce que l’Apocalypse, xii, 4, nous représente le dragon entraînant avec sa queue le tiers des étoiles du ciel et les précipitant sur la terre ; mais, outre que ces étoiles du ciel paraissent être les saints persécutés, on ne doit pas regarder le chiffre donné ici comme avant une précision mathématique.
VIII. État actuel des bons anges. — Les bons anges depuis leur épreuve jouissent du bonheur du ciel. L'Écriture les appelle non seulement, comme nous l’avons vii, anges de lumière, fils de Dieu, saints, mais encore anges élus, II Mach., xi, 6 ; xv, 23 ; anges du ciel, Matth., xxii, 30. Elle dit qu’ils sont en la présence de Dieu, Tob., xii, 15 ; Dan., vii, 10 ; qu’ils habitent le ciel, Marc, xii, 25 ; qu’ils sont citoyens de la Jérusalem céleste, Hebr., xii, 22 ; qu’ils ont le sort qui sera donné aux élus, Luc, XX, 36 ; que ceux même qui nous gardent sur la terre voient sans cesse au ciel la face de Dieu. Matth., xviii, 10. Puisque les anges du ciel ont le sort que Dieu réserve aux saints ses élus, ils ne perdront jamais le bonheur dont ils jouissent. Du reste Notre-Seigneur dit expressément qu’ils voient toujours et pour toujours (διὰ παντός) la face de Dieu.
La gloire des anges n’est pas égale. Nous avons déjà parlé de leur hiérarchie. L'Écriture nous apprend en outre qu’il y en a sept d’entre eux qui se tiennent devant le trône de Dieu. Tob., xii, 15. Tout ce qui est vrai du bonheur des saints dans le ciel, de leur connaissance de Dieu, de la manière dont ils l’aiment et le louent, de leur impeccabilité, de leur connaissance surnaturelle du monde, est également vrai des anges. Aussi n’en parlerons-nous point ici. Mais nous devons nous occuper des fonctions qu’ils exercent vis-à-vis des hommes et qui leur ont fait donner le nom d’anges ou députés.
IX. Fonctions des anges. Les anges gardiens. — Dieu se sert de ses créatures pour accomplir ses desseins. Ce n’est point qu’il ait besoin d’elles ; mais, dans sa bonté, il veut leur donner une part à ses œuvres. C’est pour cela qu’il a accordé à tous les êtres une certaine puissance naturelle. C’est aussi pour ce motif qu’il se sert du ministère des hommes pour nous instruire des vérités révélées et pour nous communiquer la grâce des sacrements. Il n’y a donc rien d'étonnant qu’il emploie le ministère des anges pour exécuter les plans de sa providence, soit dans l’ordre naturel, soit surtout dans l’ordre surnaturel. Il a chargé ces esprits bienheureux de protéger le juste, Ps. xc, 11-13 ; Hebr., i, 14 ; d'écarter de lui les dangers, ibid., et Judith, xiii, 20 ; de le défendre contre les embûches du démon, Tob., viii, 3 ; de présenter ses prières à Dieu, Tob., xii, 12 ; de conduire son âme en l’autre vie, Luc, xvi, 22 ; il leur réserve aussi le soin de séparer les bons des méchants au jour du jugement général. Matth., xiii, 49. Un ange est même député auprès de chacun de nous pour nous aider. On l’appelle pour ce motif ange gardien. C’est une doctrine certaine et qu’il serait téméraire de contredire en ce qui regarde les fidèles prédestinés ; elle est communément admise dans l'Église pour les autres hommes. Elle était déjà crue par les premiers chrétiens ; car lorsque saint Pierre, tiré miraculeusement de la prison, frappait à la porte de Marie, mère de Jean, les chrétiens stupéfaits se disaient les uns aux autres que c'était son ange. Act, xii, 15. Notre-Seigneur avait, du reste, confirmé cette croyance en disant, Matth., xviii, 10, que les anges des petits enfants voient sans cesse la face de Dieu ; et elle s’appuyait sur les paroles du patriarche Jacob, Gen., xlviii, 16, et de Judith, Judith, xiii, 20, qui affirment que l’ange de Dieu les avait gardés.
Chaque peuple a aussi un ange spécialement chargé de lui, suivant un sentiment admis par les saints Pères et par les théologiens catholiques. Le livre de Daniel, x, 13, 21, fait en effet mention de l’ange des Grecs et de celui des Perses. En outre, la traduction des Septante, Deut., xxxii, 8, porte que Dieu a partagé la terre aux nations suivant le nombre de ses anges. Et plusieurs auteurs en ont conclu que chaque nation a son ange gardien. L’ange du peuple juif était Michel, Dan., x, 13, 21 ; xii, i ; Judæ 9, qui est maintenant le protecteur spécial de l'Église universelle, Apoc. xii, 7, pour laquelle il combat. Il était assez naturel de penser que les Églises particulières ont aussi leur ange gardien. C’est donc un sentiment fort répandu. Il est même des interprètes qui pensent que saint Jean s’adresse aux anges des sept Églises d’Asie au début de l’Apocalypse ; mais ceux qu’il appelle anges en cet endroit sont les évêques de ces Églises, comme le prouvent les reproches qu’il leur fait. La croyance aux anges gardiens n’est point particulière aux Juifs et aux chrétiens ; elle existait chez les Perses, chez les Grecs et chez d’autres peuples ; mais ce n’est pas une raison pour la rejeter.
Saint Étienne, Act., vii, 53, et saint Paul, Hebr., ii, 2 ; Gal., iii, 19, déclarent que la loi et la révélation mosaïques avaient été données aux Juifs par le ministère des anges. Saint Paul en prend occasion de montrer la supériorité de la révélation chrétienne qui a été apportée au monde par le Fils de Dieu en personne. Hebr., i.
Si la participation des anges aux ouvrages de Dieu a été considérable, il est cependant des œuvres que Dieu s’est réservées à lui seul, savoir : la création et la rédemption du monde.
Cependant Simon le Magicien et après lui Ménandre, Saturnin et en général les gnostiques, attribuaient la création du monde aux anges (Voir Schwane, Histoire des dogmes, trad. Belot, t. i, § 31 et 32, p. 251-255). Marcion et les manichéens attribuaient celle des corps au démon. Ces opinions furent toujours rejetées par l'Église, qui, dans ses symboles et ses conciles, proclama Dieu le créateur de toutes choses. Les théologiens se demandèrent même si Dieu pouvait communiquer, dans une certaine mesure, sa puissance créatrice à des êtres finis. Quelques-uns crurent cette communication possible ; mais la plupart admettent avec saint Thomas, i, q. 45, a. 5, qu’aucune créature ne peut recevoir le pouvoir de créer.
Basilides et les autres gnostiques faisaient de Jésus-Christ un éon. Ils attribuaient, en conséquence, notre rédemption aux anges. Mais la doctrine de saint Paul, Hebr., i et ii, des Pères et des théologiens, voir Klee, Hist. des dogmes, t. ii, p. 4, c’est que l’homme n’aurait pu être sauvé par un ange et qu’il l’a été par le Fils même de Dieu. On trouvera traitées dans les théologiens les questions relatives à la manière dont les anges agissent sur les corps, se transportent d’un lieu dans un autre (voir en particulier Schmid, Quæstiones selectæ ex theologia dogmatica, Paderborn, 1891, q. ii, p. 128-145), et nous suggèrent des pensées. L'Écriture affirme ces faits sans les expliquer. L'Écriture ne nous fait pas non plus connaître si Dieu confie des missions sur la terre à tous ses anges ou s’il n’en donne qu’aux cinq derniers ordres. Un grand nombre de Pères, saint Athanase, saint Chrysostome, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Bernard, après eux Scot, et plus près de nous Petau, Knoll et d’autres auteurs ont pensé que tous les anges remplissent des ministères auprès des hommes. L'Épitre aux Hébreux, i, 14, dit en effet que tous les anges sont les ministres que Dieu emploie pour le salut des élus. Dieu plaça des chérubins à l’entrée du paradis pour en défendre l’accès, et les anges Michel, Gabriel et Raphaël, qui accomplirent plusieurs missions, sont du nombre des anges qui se tiennent devant le trône de Dieu. Néanmoins, à la suite de l’auteur de la Hiérarchie céleste, connue sous le nom de saint Denys l’Aréopagite, et de saint Grégoire le Grand, les principaux théologiens du moyen âge, saint Bonaventure, saint Thomas et l'école thomiste ont soutenu que les quatre premiers ordres d’anges n'étaient occupés qu'à louer et à adorer Dieu. Suivant cette opinion, lorsque ces anges supérieurs remplissent un ministère parmi les hommes, c’est par l’intermédiaire des anges des cinq derniers ordres. D’après saint Thomas, i, q. 112, a. 2, quand l'Écriture nous parle d’un ministère rempli sur la terre par les séraphins, Is., vi, 2-6, ou les chérubins, Gen., iii, 24, il faut regarder ces termes comme une dénomination générale qui ne désigne pas un ordre particulier de la hiérarchie céleste, mais qui s’applique à tous les anges, ou qu’explique la forme revêtue par les envoyés de Dieu.
X. Culte des anges. — Il était naturel que ceux qui attribuaient aux anges la création et la rédemption leur rendissent le culte qui n’est dû qu'à l'Être suprême. Saint Paul met les Colossiens, Col., ii, 18 ; cf. Matth., v, 34, en garde contre ce qu’il appelle la religion des anges. C’est sans doute à cause de ce culte que l’ange devant qui saint Jean voulait se prosterner, dans l’Apocalypse, lui défendit de le faire, et lui dit de réserver ses adorations pour Dieu. Apoc. xxii, 9. Cependant l'Écriture ne condamne point les honneurs rendus aux anges en tant que ministres de Dieu, ni les prières qu’on leur adresse pour qu’ils les portent au pied de son trône. Moïse, Exod., iii, 5, et Josué, v, 13, 14, ôtent leur chaussure par respect pour le lieu où l’ange du Seigneur leur apparaît. Daniel se prosterne devant un ange qui se présente à lui sur le Tigre, x, 5, 6. Cf. Gen., xviil, 2 ; xxxii, 36 ; xlviii, 16 ; Exod., xxiii, 20 ; Ose., xii, 4. Saint Jean, Apoc, v, 8, nous montre ces esprits bienheureux occupés à présenter à Dieu les prières des saints. Aussi l'Église catholique rend-elle un culte aux anges ; mais le culte qu’elle leur rend n’est point celui de latrie, qui est réservé à Dieu, c’est le culte de dulie.
XI. L’ange de Jéhovah. Les apparitions des anges. — C’est ici le lieu de nous poser une question qui a été l’objet de nombreuses discussions. Les anges ont apparu très souvent aux hommes. Parmi les apparitions rapportées dans l’Ancien Testament, il en est un grand nombre où celui qui apparaît est nommé l’ange de Jéhovah. Gen., xvi, 7 ; xxi, 17 ; xxii, 11, 15 ; xxiv, 40. xxxi, 11 ; Num., xx, 17 ; xxii, 22 ; Jud., ii, 1, 4 ; vi, 11 ; xiii, 3 ; II Reg., xxiv, 16 ; III Reg., xix, 5-7 ; IV Reg., i, 15 ; xix, 35 ; I Par., xxi, 15 ; Ps. xxxiii, 8 ; Isai., xxxvii, 36, etc. Il arrive aussi assez souvent que le même personnage qui vient d'être appelé ange est ensuite nommé Dieu. Ainsi par exemple, Gen., xviii, 19, lorsque le Seigneur apparaît à Abraham, celui-ci voit trois personnages ; or, dans la suite du récit, tantôt ces personnages sont supposés plusieurs, tantôt ils sont supposés un seul ; deux d’entre eux vont à Sodome secourir Loth, et sont appelés anges ; l’un reste avec Abraham et est appelé le Seigneur. De même encore Dieu, ou l’ange de Dieu suivant l’hébreu, Exod., iii, 2, apparut à Moïse dans le buisson ardent, et saint Étienne, rappelant cet événement, nomme celui qui apparut à Moïse tantôt un ange, tantôt Dieu. Act., vii, 31-35. Or on s’est demandé si l’ange de ces apparitions n'était point Dieu lui-même, avec lequel il semble se confondre, ou le Fils de Dieu, qui est nommé ailleurs l’Ange du Testament. Malac, iii, 1.
On peut ramener à trois classes les opinions diverses qui ont été émises à ce sujet. La plupart des Pères ont pensé que dans toutes ces apparitions ce n'était point un ange, mais Dieu lui-même qui se montrait. Leur raison, c’est que ce personnage est appelé Dieu et agit comme Dieu, et aussi que ces apparitions étaient des préliminaires de l’Incarnation. Plusieurs ont vu la Trinité dans quelques-unes de ces apparitions, en particulier dans les trois anges qui visitèrent Abraham ; d’autres ont vu une manifestation du Dieu unique dans cette apparition, qui montre l’unité de nature des trois personnes divines, et dans celle où Dieu déclare qu’il se nomme Jéhovah, qu’il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; mais ordinairement on a cru, aux quatre premiers siècles de l'Église, que c'était le Fils de Dieu qui se manifestait sous la forme des anges, et préparait ainsi son incarnation. Cette opinion a été formulée par saint Irénée, saint Justin, Origène, Tertullien, saint Cyrille d’Alexandrie, Eusèbe de Césarée, saint Cyprien, saint Cyrille de Jérusalem, saint Chrysostome, saint Hilaire, saint Épiphane, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianze, saint Ambroise. Elle a gardé d’ailleurs jusqu'à nos jours des représentants très autorisés. Citons Bossuet, Élévations sur les mystères, 10e semaine, 6e élévation, qui s’exprime en ces termes : « Croyons que toutes ces apparitions, ou du Fils de Dieu ou du Père même, étaient aux hommes un gage certain que Dieu ne regardait pas la nature humaine comme étrangère à la sienne, depuis qu’il avait été résolu que le Fils de Dieu égal à son Père se ferait homme comme nous. Toutes ces apparitions préparaient et commençaient l’incarnation du Fils de Dieu, l’incarnation n'étant autre chose qu’une apparition de Dieu, I Tim., iii, 16, au milieu des hommes plus réelle et plus authentique que toutes les autres : pour accomplir ce qu’avait vu le saint prophète Baruch, iii, 37, 38, que Dieu même, après avoir enseigné la sagesse à Jacob et à ses enfants, avait été vu sur la terre et avait conversé parmi les hommes. » Cf. Vandenbrœck, qui s’applique à établir cette opinion dans sa Dissertatio theologica de theophaniis sub Veteri Testamento, Louvain, 1851, p. 58 -113.
Cependant saint Jérôme, saint Augustin et saint Grégoire pape s'étaient montrés favorables à un sentiment différent, celui qui attribue ces apparitions à des anges. Ce sentiment fut suivi par la plupart des théologiens et des exégètes scolastiques. Citons saint Bonaventure, saint Thomas, les théologiens de Salamanque, Sylvius, Estius, Suarez, Billuart, Perrone, Tostat, Cornélius a Lapide, Bonfrère, Calmet, Menochius. Suivant ces auteurs, ce sont des anges qui ont apparu aux hommes non seulement dans les cas où celui qui apparaît est appelé tantôt Dieu, tantôt ange, mais encore dans les apparitions où il n’est point parlé des anges, et où Dieu seul semble intervenir. Ils s’appuient principalement sur divers passages de l'Écriture où il est affirmé tantôt que personne n’a jamais vu Dieu, Joa., i, 18 ; Joa., iv, 12, tantôt que dans l’Ancien Testament Dieu s’est toujours servi du ministère des anges. Heb., i, 1 ; II, 2 ; Gal., iii, 19 ; Act., vii, 53. Voir en particulier saint Thomas, Quæst. disp. de Potentia, q. 6, art. 8, ad. 3 ; Suarez, De Angelis, VI, xx, édit. Vives, 1850, t. ii, p. 765 ; Cornélius a Lapide, In Exodum, cap. iii, édit. Vives, 1868, t. i, p. 451.
Une troisième manière d’expliquer les apparitions qui nous occupent consiste à dire que ce sont des anges qui ont apparu, mais que c’est Dieu qui parlait en eux. Elle a été admise par le franciscain Frassen. M. Vandenbrœck, De theophaniis sub Veteri Testamento, p. 59, l’attribue aussi à Wouters et aux Bénédictins qui ont édité saint Hilaire. Cette troisième opinion mérite à peine d'être signalée ; car elle est peu en harmonie avec les textes de l'Écriture, qui dit que les paroles sont prononcées par le personnage qui se montre dans les apparitions.
M. Vandenbrœck distingue une quatrième opinion, qu’il attribue à Witasse, et suivant laquelle Dieu aurait apparu médiatement et les anges immédiatement. Mais ce sentiment est celui de tous les scolastiques, qui attribuent ces apparitions aux anges ; car ils font tous observer que ces anges remplissaient une mission de Dieu et parlaient en son nom. C’est pourquoi, suivant eux, l'Écriture affirme tantôt que c’est un ange, tantôt que c’est Dieu qui parle et se manifeste.
Les anges ont apparu sous des formes diverses : sous forme de chérubins à corps d’animaux, à Ézéchiel et probablement à Adam, sous forme de nuée dans le désert, sous forme de voyageurs, de guerriers, de prêtres en habit de liii, parfois avec et le plus souvent sans ailes. On peut se demander s’ils ont pris pour ces apparitions des corps véritables. L’opinion commune est qu’ils se sont formés, ou que Dieu leur a formé des corps véritables pour les apparitions que la Bible présente comme réelles.
II en est autrement dans le cas où les anges apparaissent en songe, comme cela eut lieu pour la vision de Jacob, Gen., xxviii, 12, 13, et pour celles de saint Joseph, Matth., I, 20 ; II, 19.
XII. Développement de la doctrine des anges. — On peut considérer ce développement soit dans la Bible, soit dans la théologie catholique. L’angélologie de l'Écriture Sainte s’est précisée peu à peu ; mais on en trouve tous les éléments en germe dès les premiers récits bibliques.
Certaines couleurs de ces récits ont changé, certaines parties des croyances se sont développées, mais le fond est resté le même. La plupart des représentants de l’exégèse rationaliste se sont cependant persuadé que la croyance aux anges avait été notablement modifiée depuis Moïse jusqu'à Jésus-Christ. Voici quelle serait, suivant plusieurs d’entre eux, les étapes de ce développement. A l’origine les Hébreux auraient été polythéistes et auraient adoré les astres. Le monothéisme, qui prit racine en Israël, aurait rabaissé les anciens dieux à un rang secondaire et les aurait transformés en ces anges, serviteurs de Jéhovah, qui forment la milice céleste. Ce serait pour ce motif que le même personnage nous est présenté dans les premiers récits de la Bible, tantôt comme un envoyé de Dieu, tantôt comme Dieu lui-même. Les anges auraient gardé le caractère des dieux de l’Olympe dans Job, où ils forment le conseil de Dieu, Job, i, 6, et dans les passages nombreux où ils paraissent en guerriers. Gen., xxxii, 1-2 ; Jos., v, 14 ; I Keg., xxii, 19 ; II Reg., vi, 17, etc. Ensuite ils auraient pris de plus en plus le caractère de simples messagers. Leur spiritualité n’aurait pas été admise dans les premiers temps, mais seulement plus tard. Ainsi s’expliquerait qu’ils aient bu et mangé avec Abraham, Gen., xviii, 8, tandis qu’ils refusèrent de s’asseoir à la table de Manué, père de Samson, Jud., xiii, 16, et qu’ils déclarèrent à Tobie, Tob., xii, 19, que ce n'était qu’en apparence qu’ils prenaient la nourriture des hommes. Les Juifs auraient adopté pendant la captivité de Ninive et de Babylone diverses croyances des Chaldéens et des Perses, en particulier la distinction entre les bons et les mauvais anges, qui fait le fond du zoroastrisme. C’est aussi à cette source qu’ils auraient emprunté la division hiérarchique des anges, la notion des sept anges qui se tiennent devant le trône de Dieu et les noms de quelques-uns d’entre eux. Plusieurs autres conceptions contraires aux croyances primitives de l’hébraïsme se seraient introduites à partir de ce moment. « Dans l'âge patriarcal, dit M. Haag, Théologie biblique, Paris, 1870, p. 414, Dieu habitait au milieu des tentes de son peuple et protégeait directement la famille du patriarche. Pendant la période de l’hébraïsme (avant l’exil), la Bible nous montre le Dieu national des Israélites trônant entre les chérubins dans la tente-sanctuaire ( le tabernacle) et intervenant encore quelquefois dans les affaires de la nation. Depuis l’exil, retiré dans le ciel comme les rois d’Orient dans leur palais, d’où ils ne sortent que rarement pour se montrer à leurs sujets, nous le voyons continuant à gouverner le monde, non pas encore, il est vrai, par des lois physiques et morales établies de toute éternité et immuables comme lui (qu'était donc le Décalogue ?), mais par des ministres de sa volonté, par des anges, et à cet égard les Juifs vont si loin dès la fin de cette période, que déjà les Septante traduisent ʾeš dôṭ, Deut., xxxiii, 2, qui signifie feu de la loi, par ἄγγελοι, les anges, première trace d’une croyance que l’on trouve enseignée dans le Nouveau Testament, comme dans le Talmud. » (Notre Vulgate traduit ʾeš dôṭ par lex ignea ; mais comment M. Haag n’a-t-il point remarqué que, dans le même verset et le suivant, le texte original parle de qôdês, de « saints » qui accompagnent Dieu par milliers, et dans lesquels les rabbins voient les Docteurs qui ont composé le Talmud, pendant que les exégètes catholiques y voient les anges ?) « Cette croyance qui fait intervenir directement les anges dans la promulgation de la loi sur le Sinaï est aussi étrangère à l’hébraïsme que la doctrine des anges protecteurs, qui commence seulement à se produire dans les apocryphes de l’Ancien Testament. » Notre-Seigneur et ses Apôtres auraient accepté les idées courantes parmi les Juifs de leur temps. Voir Haag, Théologie biblique, §96, 108, 121 et 132, p. 338-347, 411415, 459-460 et 497-502.
Ces vues sont absolument exagérées, et par conséquent fausses. Sans doute la connaissance des anges, de leur caractère personnel et de leur nature s’est précisée de plus en plus. Il en est résulté que la part des anges dans l'œuvre de Dieu a paru davantage ; mais il n’y a eu là qu’un éclaircissement des données les plus anciennes de la Bible. Au temps des patriarches, les anges ne se distinguent point les uns des autres par des noms particuliers. On ne prend presque point garde à eux, mais seulement au Dieu dont ils sont les députés. C’est pourquoi on les appelle tantôt anges de Dieu, tantôt Dieu. Il faut remarquer cependant que la même confusion apparente qui fait donner au même personnage le nom d’ange et de Dieu se retrouve jusque dans les derniers livres du Nouveau Testament. Qu’on lise pour s’en convaincre le discours de saint Etienne, Act., vii, 30, 33, et la fin de l’Apocalypse, xxii, 9, 13. Il est certain pourtant que les auteurs de ces derniers livres distinguaient parfaitement Dieu des anges, et que leur croyance sur ces derniers n’avait rien de polythéiste. Dieu, sur lequel toute l’attention se porte dans les premières pages de la Bible, semble par suite remplir en personne les ministères qui seront plus tard attribués aux anges qu’il envoie. Cependant, dès les temps les plus reculés, les anges s’acquittent, à la sortie du paradis terrestre, près d’Abraham, d’Agar, de Loth, de Jacob, de Moïse, de ministères de la même nature que ceux dont ils seront chargés auprès de Tobie, de Daniel, de Marie et de Joseph. Du reste, le nom de messager donné aux anges de toute antiquité montre bien qu’on leur a toujours attribué le même ministère que dans les derniers temps de l’Ancien Testament.
Les anges n'étant pas distingués individuellement les uns des autres à l'époque des patriarches, on ne pouvait arriver à la conception d’un ange gardien spécial, chargé de protéger les individus et les peuples pendant toute leur existence. Cependant Agar est sans cesse protégée par un ange ; Jacob mourant invoque l’ange qui l’a délivré de tous les dangers, Gen., xlviii, 1(5, et un ange accompagne et guide le peuple d’Israël dans le désert, avec la même vigilance que Raphaël mit à accompagner Tobie. Sans être formulée théoriquement, la notion des anges gardiens des individus et des peuples a donc toujours fait partie des croyances hébraïques. Quant à la pensée que les anges concoururent à la promulgation de la loi qui fut entourée de tant de prodiges, on voit qu’elle était conforme aux idées reçues du temps de Moïse. Du reste, ce n’est pas seulement d’après la version des Septante, mais encore d’après le texte hébreu aussi bien que d’après la Vulgate, que le cantique de Moïse rapporté au Deutéronome, xxxiii, 2, parle de la part que les anges ont eue à la promulgation de la loi.
Les démons sont mieux connus et se distinguent mieux des anges après la captivité, mais de la même manière que les bons anges sont mieux connus et se distinguent mieux les uns des autres. L’attention était moins appelée à l’origine sur la différence de ces êtres supérieurs à l’homme, mais qui n’agissent que par l’ordre ou la permission de Dieu. Cependant la notion de l’esprit mauvais et méchant est dans les plus anciens livres de la Bible. Le serpent qui tente Ève a une personnalité aussi nettement dessinée qu’aucun des bons anges qui interviennent dans la Genèse ; or son rôle est celui du démon. Il en est de même du rôle de Satan vis-à-vis de Job, Job, ii, et de celui de l’esprit malin qui agite le roi Saûl. 1 Reg., xvi, 11. Sans doute ces esprits mauvais nous sont présentés, au moins dans ces deux derniers cas, comme agissant par la permission, et d’une certaine manière par la volonté de Jéhovah, tandis que dans les livres postérieurs de la Bible le démon semble avoir plus d’initiative ; mais nous avons déjà fait une remarque analogue pour les bons anges. Du reste, il ne faut pas oublier qu’alors même que la Bible représente le démon laissé à lui-même, elle sous-entend toujours cette permission de Jéhovah sur laquelle les anciens récits portent notre attention. Il y a en effet toujours eu une différence radicale entre le dualisme des doctrines zoroastriennes, qui égalent le principe du mal au principe du bien, et les doctrines de la Bible, qui sont essentiellement monothéistes et soumettent à Dieu le principe même du mal.
Les divers ordres de la hiérarchie des anges n’avaient pas été déterminés avant la captivité ; mais leur existence était déjà indiquée d’une façon générale, car dès lors les anges étaient comparés à une armée, et celui qui apparut à Josué s'était nommé le chef de l’armée du Seigneur. Josué, v, 14.
— Enfin les exégètes catholiques ne font pas difficulté de reconnaître que les noms des anges et quelques détails de l’angélologie hébraïque ont pu être empruntés aux croyances des Perses. Ces croyances n'étaient pas, en effet, fausses à tous égards. L’esprit de Dieu a pu révéler et faire discerner aux écrivains inspirés ce qu’elles contenaient d’exact. Pour ce qui est des noms donnés aux anges, nous avons déjà remarqué que ce ne sont pas les noms par lesquels ils se désignent eux-mêmes dans leur langage, puisqu’ils ne se servent pas de mots comme nous. Il importe, du reste, de ne pas oublier que s’il existe quelque ressemblance entre les croyances des Hébreux sur les anges et celles des autres peuples, et en particulier des Perses, il y a aussi de notables différences, et que l’angélologie des Juifs s’est développée sur un fonds tout hébraïque, ainsi que nous l’avons montré.
Ce fonds s’est encore développé davantage dans la théologie catholique. Deux influences y ont puissamment contribué : c’est l’action de la dogmatique chrétienne et les données de la philosophie grecque. Nous avons signalé les principaux problèmes sur lesquels l’attention des Pères et des théologiens s’est portée et les solutions diverses qu’ils ont reçues. Ces problèmes sont surtout la question de la nature des anges qui s'éclaircit en même temps que la doctrine de la spiritualité de l'âme humaine ; la question de l’action des anges dans l’Ancien Testament, qui fut envisagée différemment par les Pères et par les scolastiques ; celle de leur hiérarchie, sur laquelle l’accord ne se fit qu’au moyen âge sous l’influence du traité attribué à saint Denys l’Aréopagite ; la question de l’objet de leur science étudiée déjà par les Pères, en particulier par saint Augustin ; les questions plus philosophiques que théologiques qui ont été discutées par la scolastique au sujet de leur mode de connaissance, de leur langage et de leur action sur le monde et sur nos âmes.
À consulter : Pierre Lombard, Sententiarum liber, D. 3-11, et tous ses commentateurs ; S. Thomas d’Aquin, Summa theologica, I p., q. 50-62, 106-108, 111 -113, et ses commentateurs ; Suarez, De Angelis, lib. i-iv ; Collegii Salmanticensis cursus theologicus, tract. vii, De Angelis ; Petau, Dogmata theologica, de Angelis ; D. Calmet, Dissertation sur les bons et sur les mauvais anges, avant son Commentaire sur saint Luc ; Albertus (Knoll) a Bulsano, Institutiones theologicæ theoreticæ, 5e édit., Turin, 1875, p. 2, cap. iii ; Jungmann, De Deo creatore, editio quarta, Ratisbonne, 1883, p. 57-96 ; Mazzella, De Deo creante, editio altera, Rome, 1880, disput. 2°, p. 169-340 ; Hurter, Theologiæ dogmaticæ compendium, 5e édit., lnspruck, 1888, t. ii, p. 319-336 ; Scheeben, La dogmatique, trad. Belet, Paris, 1881, § 135-142 ; Schell, Katholische Dogmatik, Paderborn, 1890, t. ii, p. 170-262 ; Oswald, Angelologie, 2e édit., Paderborn, 1889 ; Wetzer et Welte, Kirchenlexicon, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, t. iv, 1886 ; article Engel.
2. ANGE CÉLESTIN, mineur observant, né à Monte-Corvino, ville du Principato, se rendit recommandable par l’enseignement, par la prédication et par la publication de beaucoup de bons ouvrages, parmi lesquels Alva note un Commentaire italien sur le Magnificat, imprimé à Naples en 1609, in-4o.3. ANGE DE ANGELIS, natif de Feltria, mineur réformé de la province dite de Saint-Antoine-de-Padoue, dans laquelle il fut honoré des dignités de définiteur et de custode. II mourut au couvent de Venise, en 1694. Il a publié : Lux desiderata ad intelligendos Psalmos et Cantica, in-4o, Venise, 1684.
4. ANGE DE L’ABÎME (ἄγγελος τῆς ἀβύσσου). Un des chefs des démons, appelé Abaddon ou Exterminateur. Apoc, ix, 11. Voir Abaddon.
5. ANGE DEL PAS. Voir Pas (ange del).
6. ANGE DE LUMIÈRE (ἄγγελος φωτός), nom par lequel saint Paul, II Cor., xi, 14, désigne les bons anges. Parlant de Satan, qui est un ange de ténèbres, parce qu’il habite l’enfer, le royaume des ténèbres, et qu’il cherche à faire le mal, l’Apôtre dit que le chef des démons se transforme quelquefois en « ange de lumière », c’est-à-dire veut paraître un ange bon, pour tromper les justes. Cf. Matth., vii, 15.
7. ANGE DE SATAN (ἄγγελος Σατᾶν). II Cor., XII, 7. Satan est considéré dans l'Écriture comme un prince qui domine sur le royaume de l’enfer et commande à des démons qui lui sont soumis. Cf. Matth., xii, 16. Ces démons sont appelés « ses anges », Matth., xxv, 41 ; Apoc. xii, 7, parce qu’ils exécutent ses messages et accomplissent les ordres qu’il leur donne. « L’ange de Satan soufflette » saint Paul, c’est-à-dire le traite d’une manière cruelle et humiliante. Voir Aiguillon, col. 309-310.
8. ANGES DES ÉGLISES. Saint Jean, dans l’Apocalypse, I, 20 ; ii, 1, 8, 12, 18 ; iii, 1, 7, 14, parle des anges des sept Eglises d’Asie et leur adresse des messages. On entend communément par le mot « ange » de ces Eglises, dans ces passages, l'évêque qui les gouvernait et qui était « l’envoyé » de Dieu auprès d’elles, selon la signification du mot ἄγγελος, « ange » en grec. L’usage de désigner les évoques par ce nom ne prévalut point dans le langage ecclésiastique. On trouve cependant quelques exemples de cette dénomination dans les anciens historiens. Ainsi Socrate, H. E., iv, 23, t. lxvii, col. 520, appelle « ange » Sérapion, évêque de Thmuis. — Des exégètes protestants ont entendu : les uns, des anges gardiens des sept Églises, les anges dont parle saint Jean ; les autres, des messagers envoyés à saint Jean par les sept Églises. Ces explications sont inadmissibles. — 1° Les esprits célestes ne pouvaient être blâmés par l’Apôtre, comme le sont quelques-uns de ceux à qui il écrit. Apoc. ii, 4, 14, 20, etc. — 2° On n'écrit pas aux messagers, mais à ceux qui les ont envoyés.
9. ANGE EXTERMINATEUR. 1° Nom donné communément à l’ange qui frappe les sujets de David de la plaie de la peste, II Reg., xxiv, 16-17, et qui extermine l’armée de Sennachérib. IV Reg., xix, 35 ; Is., xxxvii, 36 ; Eccli., xlviii, 24 ; I Mach., vii, 41. Cet ange est surnommé Exterminateur, à cause de la mission qu’il remplit ; mais ce titre, adopté dans la langue usuelle, ne se lit pas dans l'Écriture, qui appelle simplement « ange de Jéhovah » ce ministre des vengeances célestes. Voir David et Sennachérib. — 2° Le nom d’exterminateur (Exterminans) n’est donné dans la Vulgate qu'à un mauvais ange, Abaddon, un des chefs des démons. Apoc, ix, 11. Voir Abaddon.
10. ANGE ou ANGELÔ ROCCA. Voir ROCCA.
ANGÉ, montagne de la Cappadoce, mentionnée seulement dans la Vulgate à propos d’une campagne d’Holopherne contre l’Asie Mineure. Judith, ii, 12. Le généralissime d’Assurbanipal, nous dit le texte latin, « ayant franchi les frontières de l’Assyrie, vint aux grandes montagnes d’Ange, qui sont à gauche (c’est-à-dire, d’après le langage oriental, au nord de la Cilicie ; et il entra dans toutes les forteresses, et il s’empara de toutes lus places fortes. Il emporta d’assaut la ville fameuse de Mélothi (Mélite ou Mélitène de Cappadoce), et il pilla tous les habitants de Tharsis (Tarse en Cilicie), etc. » Laissant ainsi au sud l’Amanus et le Taurus oriental, Holopherne se dirigea tout de suite vers le centre ou l’ouest de l’Asie Mineure, l’un des principaux foyers de la révolte. Le mont Ange, qui se trouvait sur sa route, ne peut être que le mont Argée des auteurs classiques, l’Ἀργαῖος de Strabon, xii, p. 533, le pic principal du massif central de la Cappadoce. Cf. Calmet, Commentaire sur le livre de Judith, Paris, 1712, p. 381.
Le mont Argée, aujourd’hui Ardjéh-dagh (fig. 148), appartient à la région volcanique qui s'étend au nord du Taurus cilicien et à l’ouest de l’Anti-Taurus. C’est avec raison que la Vulgate le qualifie de « grand » ; ce cône puissant, en effet, dépasse toutes les autres cimes de l’Anatolie, et son altitude, selon les différents voyageurs, va de 3 962 à 4 008 mètres. Strabon, né à quelques journées de marche au nord du volcan, dit de son côté, loc. cit. : « C’est la plus haute de toutes les montagnes de cette contrée ; son sommet est toujours couvert de neige. Ceux qui l’ont escaladé (et ils sont peu nombreux) assurent que, par un ciel clair, le regard découvre à la fois les deux mers, le Pont-Euxin et la mer d’Issus. » Cette assertion est démentie par les explorateurs modernes. Élisée Reclus, dont la description s’appuie sur les données de P. de Tchihatcheff, d’Hamilton et de Tozer, dit que du sommet on contemple, il est vrai, un immense horizon ; mais, au sud, les remparts du Boulgar-dagh et de l’Aludagh cachent la Méditerranée, et c’est à peine si au nord-est on aperçoit les vagues linéaments des montagnes pontiques. Asie antérieure, Paris, 1881, p. 476.
« Le mont Argée, continue le même géographe, repose sur un socle très élevé : au nord, la plaine de Kaïsariéh (Césarée, la plus basse du pourtour, a plus de mille mètres d’altitude, tandis qu'à l’ouest un col, qui sépare le massif central d’un autre groupe volcanique, dépasse la hauteur de quinze cents mètres. Des contreforts, des cônes adventices, des coulées de roches fondues entourent la montagne proprement dite, et donnent à l’ensemble du groupe une superficie qui dépasse onze cents kilomètres carrés. En montant par le versant du sud, que choisit Hamilton, le premier gravisseur moderne de l’Argée, on s'élève successivement sur de larges terrasses disposées en degrés autour de la cime. Le cône suprême, haut d’environ huit cents mètres, est coupé de crevasses profondes, et les intempéries y ont creusé des ravins divergents, qui dessinent au bord du cratère une collerette de neiges blanches, descendant en longues traînées entre les scories rougeâtres… En été, la neige disparaît complètement du versant méridional de l’Argée ; mais il en reste toujours dans le profond cratère, où elles forment même de véritables glaciers. Encore à l'époque de Strabon, le mont avait un reste d’activité volcanique. Les pentes étaient couvertes de forêts, — qui ont disparu ; — mais la plaine était « minée par un feu intérieur », d’où jaillissaient fréquemment les flammes. » E. Reclus, ouv. cité, p. 476-478.
ANGELICUS (CODEX), manuscrit du Nouveau Testament grec, ainsi appelé parce qu’il a fait partie de la bibliothèque Angelica des religieux augustins de Rome (A 2, 15). Il a porté autrefois le nom de Passionei, parce qu’il avait appartenu au cardinal de ce nom. On le désignait autrefois par la lettre G, on le désigne aujourd’hui par L 2. Il est du ix 8 siècle. Il commence aux mots μις τοῦ θεοῦ, Act., viii, 10, contient toute la suite des Actes et les Épîtres de saint Paul jusqu'à Heb., xiii, 10, οὐκἔχουσιν. Il a été collationné par Scholz, par Fleck, par Tischendorf et par Tregelles.
ANGELIS (Mutius de), jésuite italien, né à Spolète en
1561, mort à Rome, le 1er décembre 1597. Il entra dans
la Compagnie de Jésus, en 1577, et professa la théologie
au Collège romain. Il a laissé en manuscrit Notæ in Epistolas D. Pauli, in Evangelium D. Matthæi. Voir C. Sommervogel, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, 1890, t. i, col. 388.
ANGÉLOME, commentateur bénédictin, de l’abbaye de Luxeuil, mort vers 855. Il fut élevé dans cette abbaye, sous la direction de Mellin, et fut quelque temps professeur à l'école du palais de l’empereur Lothaire. On a de lui un Commentarius in Genesin et des Enarrationes in libros Regum, dans lesquels il s’attache principalement à exposer le sens littéral, et enfin des Enarrationes in Cantica canticorum, dont il dit : « Nihil in hoc volumine historialiter quæras, sed flores allegoriarum cum morali sensu investiges. » Præf., t. cxv, col. 554. Voir ces trois commentaires dans Migne, Patr. lat., t. cxv, col. 107-628. Cf. histoire littéraire de la France, t. v, p. 133-140 ; R. Ceillier, Histoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques, t. xii, 1862, p. 442-446.'
ANGER Rudolph, théologien protestant, né à Dresde,
en Saxe, en 1806, mort à Elster, le 10 octobre 1866. Il
professa la théologie à l’université de Leipzig et composa
un grand nombre d’ouvrages : De temporum in Actis Apostolorum ratione, Leipzig, 1830-1833 ; Beiträge zur Historisch-kritischen Einleitung in das alte und neue Testament, Leipzig, 1843 ; De Onkelo, Chaldaico, quem ferunt Pentateuchi paraphraste, 2 fascicules, Leipzig, 1846 ; Der Stern der Weisen und das Geburstjahr Christi, Leipzig, 1847 ; Zur Chronologie des Lehramtes Christi, Leipzig, 1818 ; Synopsis Evangeliorum Matthæi, Marci, Lucas, cum locis qui supersunt parallelis, Leipzig, 1852 ; Ratio qua loci Veteris Testamenti in Evangelio Matthæi laudantur, 3 fascicules, Leipzig, 1861 - 1802.
ANGLAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE.
I. Premières versions, versions anglo-saxonnes. — On ne connaît point de traduction complète des Écritures en anglo-saxon, c’est-à-dire dans la langue d’où est sortie la langue anglaise actuelle. Les premiers essais de traduction ou au moins de vulgarisation de l’histoire sainte en anglo-saxon se trouvent dans les remarquables poèmes de Cædmon, moine du couvent de Streoneshalch en Northumbrie, qui vivait au VIIe siècle, et auquel le V. Bède a consacré tout un chapitre de son Historia ecclesiastica gentis Anglorum, iv, 24, t. xcv, col. 212-215. Cædmon avait mis en vers toute la Genèse et plusieurs autres parties de l’Ancien et du Nouveau Testament. Il n’en reste que des fragments, qui ont été publiés par Fr. Junius, Cædmonis monachi Paraphrasis poetica Genesios ac præcipuarum sacræ pagines Historiarum abhinc annos cmlxx anglo-saxonice conscripta, in-4°, Amsterdam, 1655. D’autres éditions ont été données par Renj. Thorpe,
Metrical paraphrase of parts of the Holy Scripture in
Anglo-Saxon, with an English translation, Londres,
1832 ; par C. W. Routerwek, Cædmon’s des Angelsachsen biblische Dichtungen, 2 in-8o, Gütersloh, 1849-1854 ; par C. W. M. Grein, à Gœttingue, en 1857, dans sa Bibliothek der angelsächsischen Poesie. Voir Sandras, De carminibus saxonicis Cædmoni adjudicatis, Paris, 1859. Cf. Frd. Hammerich, Aelteste christliche Epik der Angelsachsen, Deutschen und Nordländer, aus dem Dänischen von Al. Michelsen, in-8o, Gütersloh, 1874.
Les versions littérales des parties de l'Écriture qui ont été traduites en anglo-saxon nous sont parvenues pour la plupart sous forme de versions interlinéaires dans les manuscrits latins. C’est ainsi qu’un psautier latin, qu’on dit avoir été envoyé par le pape saint Grégoire le Grand à saint Augustin, l’apôtre de l’Angleterre, est conservé au British Muséum parmi les manuscrits Cottoniens et contient une version interlinéaire anglo-saxonne dont la date est inconnue. Saint Aldhelm, évéque de Sherborne, et Guthlac, le premier anachorète anglo-saxon, traduisirent les Psaumes au commencement du viiie siècle ; mais leur traduction est perdue, de même que celle de diverses parties des Écritures faite par le V. Bède, qui employa les dernières heures de sa vie, au rapport de son biographe, à achever sa traduction de l'Évangile de saint Jean. Cuthbert, Vita Bedæ, Migne, Patr. lat., t. xc, col. 40-41. Le roi Alfred le Grand traduisit aussi quelques passages des Livres Saints en anglo-saxon, quelques fragments de l’Exode, qu’il inséra avec le Décalogue dans un code, et des extraits qu’il inscrivait dans un Hand-boc. Voir W. de Malmesbury, De Gestis reg. Angl., édit. Bohn, p. 44, 121.
On connaît trois versions différentes des quatre Évangiles en anglo-saxon. La plus ancienne est la Glosse northumbrienne, connue sous le nom de Durham Book et conservée parmi les manuscrits Cottoniens. C’est un des plus beaux spécimens de l'écriture saxonne. Dans ce manuscrit, le texte latin de la Vulgate a été écrit par Eadfrith, évêque de Lindisfarne, vers 080 ; son successeur sur le siège épiscopal, Ethihvold, l’orna de belles enluminures, et un prêtre nommé Aldred y ajouta plus tard, probablement vers l’an 900, une version interlinéaire (of gloesade on Englisc). — La seconde version anglo-saxonne des Évangiles est du xe siècle : elle fut faite, à Harewood, par deux prêtres, Farmen et Owen, sur un texte latin de la Vulgate, datant du viie siècle et écrit par Macregol. Le manuscrit, connu sous le nom de Glosse de Rushworth, du nom d’un de ses premiers propriétaires, est conservé à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford. — La troisième version des Évangiles, œuvre d’un inconnu, paraît avoir été faite peu de temps avant la conquête normande, non sur la Vulgate actuelle, mais sur une version latine plus ancienne.
Une édition des quatre Évangiles en anglo-saxon fut publiée in-4o, à Londres, en 1571, d’après un manuscrit de la bibliothèque Bodléienne d’Oxford, avec une version anglaise parallèle, par l’archevêque hérétique Parker. La préface est de John Fox. Cette édition, collationnée sur quatre manuscrits par Fr. Junius le jeune, fut réimprimée par Marshall, in-4o, à Dort, en 1(305, en colonnes parallèles avec la version mœsogothique. Quelques exemplaires ont reçu un nouveau titre, qui porte la date d’Amsterdam, 1684. Toutes les versions connues des Évangiles anglo-saxons furent publiées par Thorpe, in-12, Londres, en 1642. M. W. W. Skeat en a donné une édition critique : The Holy Gospels in Anglo-Saxon, Northumbrian, and old Mercian versions, synoptically arranged, with collations exhibiting ail the readings of ail the mss. ; together with the early Latin version as contained in the Lindisfarne ms., collated with the Latin version in the Rushworth ms., 4 parties en 1 in-4°, Cambridge, 1871-1887.
Outre les versions anglo-saxonnes des Évangiles, on a publié des versions de quelques parties de l’Ancien Testament. Une édition du Psautier anglo-saxon fut publiée en 1640, in-4o, à Londres, par Spelman, d’après un ancien manuscrit anonyme : la version est faite sur le latin de la Vulgate. Une autre édition, d’après un manuscrit de la bibliothèque royale de Paris, a été donnée par Thorpe, in-4o, Oxford, 1835. L'éditeur la rapporte au xi » siècle ; d’autres critiques supposent que c’est la copie de la version d’Aldhelm, évêque de Sherborne ; c’est moins une traduction qu’une paraphrase, et elle est partie en prose et partie en vers.
Le British Muséum conserve, parmi les manuscrits Cottoniens, une version partielle interlinéaire des Proverbes faite au Xe siècle. À la même époque appartiennent les traductions d’Alfric ou Ælfric, archevêque de Cantorbéry ; elles comprennent les sept premiers livres de l’Ancien Testament et Job, traduits sur la Vulgate latine, ordinairement d’une façon littérale, quelquefois en abrégeant ou résumant. Ces traductions ont été publiées par Thwaites, in-8°, Oxford, 1699, d’après un manuscrit unique de la bibliothèque Bodléienne ; le livre de Job a été imprimé d’après une copie d’un manuscrit de la bibliothèque Cottonienne.
Il existe aussi quelques manuscrits contenant des traductions des Psaumes de l'époque de la conquête normande qui méritent d'être mentionnées parce qu’elles ne sont plus écrites en anglo-saxon, mais, comme on l’appelle, en anglo-normand. L’anglo-normand servit de transition entre l’anglo-saxon et l’anglais simplement dit.
II. Premières versions anglaises. — Les premiers essais de traduction de la Bible, en anglais comme en anglo-saxon et en diverses autres langues, furent faits sous une forme poétique. Pendant la seconde partie du xiie siècle, un prêtre nommé Orm ou Ormin, qu’on croit, à cause du dialecte qu’il a employé, avoir habité le nord de l’Angleterre, composa une paraphrase métrique de l’histoire évangélique, en vers de quinze syllabes. Elle est connue sous le titre d’Ormulum, du nom de son auteur, et conservée en manuscrit à la bibliothèque Bodléienne.
Une autre paraphrase métrique, plus étendue, comprenant tout l’Ancien et le Nouveau Testament, se trouve dans un recueil de poésies religieuses intitulé Sowle-hele ou Santé de l’âme, qui appartient à la bibliothèque Bodléienne ; on le rapporte à la fin du XIIe siècle.
Il existe encore quelques autres traductions ou paraphrases, du xiiie ou XIVe siècle, de diverses parties des Livres Saints. Parmi elles on remarque celle des Psaumes, par William de Schorham, prêtre de Chart Sutton (Kent), parce qu’elle est la première version en prose anglaise d’un livre entier de la Bible. Elle est généralement fidèle et littérale et date de la première partie du xive siècle. Cette version des Psaumes n'était peut-être pas encore terminée, quand une nouvelle fut entreprise par Richard Rolle, prêtre et chantre de Hampole, près de Doncaster, mort en 1349. Elle est accompagnée d’un commentaire. Toutes ces traductions sont faites sur le latin.
On a communément attribué une traduction complète de la Bible à John de Trevisa, vicaire de Berkeley dans le comté de Glocester ; mais il paraît n’avoir traduit que des passages détachés. La première version complète de la Bible en anglais est celle de John Wickliffe ou Wicklef (1324-1384), l’un des précurseurs du protestantisme. Ella est faite sur la Vulgate, et fut achevée vers 1380. On croit qu’il traduisit lui-même le Nouveau Testament et que l’Ancien fut traduit par Nicholas de Hereford et d’autres disciples de Wicklef. Cette version provoqua une grande agitation. Un bill fut présenté en 1390, à la Chambre des lords, pour sa suppression complète ; mais le duc de Lancastre l’empêcha de passer. Ses sectateurs, sans doute vers cette époque, en publièrent une édition revisée par Purvey. En 1408, une assemblée, tenue à Oxford par l’archevêque Arundel, défendit la traduction et la lecture des Écritures en langue vulgaire. La version du Nouveau Testament de Wicklef n’a été imprimée qu’en 1731 par Lewis. Elle est précédée d’une introduction contenant l’histoire des traductions anglaises de la Bible. Elle a été rééditée, en 1810, par H. H. Baber ; en 1841, par Bagster, dans les Hexaples anglais. Ce n’est pas la version propre de Wicklef comme l’avaient cru les éditeurs, mais la revision de Purvey. La véritable traduction du Nouveau Testament de Wicklef a été publiée pour la première fois en 1848, in-i", par Pickering, d’après un manuscrit de 1380 environ, faisant partie de la collection Lea Wilson. L’Ancien Testament a été imprimé, pour la première fois, à Oxford, en 1850, 4 in-4o (avec le Nouveau Testament et la revision de Purvey en colonnes parallèles), par J. Forshall et F. Madden.
III. La version autorisée (Authorised version). — La version officielle de l’anglicanisme, connue sous le titre de Authorised version, peut être considérée comme remontant historiquement à l’an 1524, époque où les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc, formant les premières parties de la traduction de William Tyndal (1477-1536), furent imprimés à Hambourg. Le Nouveau Testament parut en entier, in-4o, à Cologne, et petit in-8o, à Worms, en 1525. Le seul exemplaire connu de l'édition in-8o est conservé dans la bibliothèque du Baptist College, à Bristol. Il a été reproduit, en 1862, à Bristol, en fac-similé, par Fr. Fry. Tyndal publia à Anvers en novembre 1534 une nouvelle édition de son Nouveau Testament, « soigneusement corrigé et comparé avec le grec. » La version de Tyndal a été faite en effet sur le texte original, d’après la troisième édition du Nouveau Testament grec d'Érasme ( 1522) ; elle a servi de base à toutes les versions anglaises postérieures.
Tyndal publia aussi, en 1530-1531, une traduction sur l’hébreu du Pentateuque et de Jonas ; il avait également traduit les autres livres historiques de l’Ancien Testament jusqu’aux Paralipomènes inclusivement et divers autres fragments des Livres Saints ; mais il subit le dernier supplice, à cause de ses opinions religieuses, en 1536, près d’Anvers, sans avoir complété la version de l’Ancien Testament. La traduction de Miles Coverdale compléta son œuvre : elle embrasse tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, et fut publiée, en 1535, sur le continent, on ignore en quel endroit (peut-être à Zurich). Elle est intitulée : Biblia, the Bible, that is the holy Scripture of the Olde and New Testament, 1535. Il se servit beaucoup des travaux de Tyndal. Son œuvre plut à Henri VIII, qui l’autorisa et qui ordonna, en 1536, qu’un exemplaire de la Bible complète, en latin et en anglais, serait placé dans le chœur de toutes les églises du royaume, à la disposition de ceux qui voudraient la lire.
La Bible, appelée Matthew’s Bible, fut publiée par John Rogers, un ardent ami de Tyndal. Tout le Nouveau Testament, la première partie de l’Ancien jusqu'à la fin du second livre des Paralipomènes et plusieurs chapitres des prophètes sont tirés de la version imprimée ou restée manuscrite de Tyndal ; le reste, que Tyndal n’avait pas traduit, est pris de la version de Coverdale. Cette Bible fut imprimée in-folio, en 1537, jusqu'à Isaïe inclusivement, à l'étranger (probablement à Lubeck) ; à partir d’Isaïe, à Londres. Rogers y prit le pseudonyme de Thomas Matthew, d’où le nom donné à cette version. Elle fut d’abord proscrite par le gouvernement, mais ensuite elle reçut son approbation (Set forth with the King’s most gracions license), et le clergé reçut l’ordre d’en placer un exemplaire dans toutes les églises.
On publia plusieurs revisions de la Bible de Matthew. — La Grande Bible (Great Bible) est ainsi appelée à cause de la grandeur de son format. Cette édition revisée de Matthew fut commencée à Paris, mais elle y fut saisie avant d'être terminée ; les imprimeurs français transportèrent alors leurs caractères et leurs presses à Londres, et c’est là que la grande Bible parut en 1539, après avoir été revue et corrigée par Coverdale. Une nouvelle édition, parue en 1540, est connue sous le nom de Cranmer’s Bible, parce qu’elle est précédée d’un prologue de l’archevêque Cranmer. — La Bible de Taverner, in-f°, 1539, est également une revision de celle de Matthew, faite sous le patronage de Cromwell.
La « Bible de Genève » est une revision de celle de Tyndal, dans laquelle le travail de ce dernier a été de nouveau comparé avec les textes originaux, pour le Nouveau Testament par William Wittingham, qui devint dans la suite doyen de Durham ; pour l’Ancien Testament par Wittingham, Gilby et Sampson. L’Ancien Testament parut en 1540. Le Nouveau Testament fut publié à Genève, en 1557 ; c’est le premier de la langue anglaise où la distinction des versets soit indiquée par des chiffres.
La « Bible de l’archevêque Parker » ou ce des évêques » (Bishops' Bible) est ainsi nommée parce que, parmi les quatorze savants qui y travaillèrent, huit étaient évêques. Parker, qui avait conçu le projet de cette œuvre, la dirigea lui-même ; mais, outre les quatorze reviseurs qui avaient été chargés chacun d’une partie de la version, il eut recours encore à d’autres critiques qui la comparèrent avec les autres éditions savantes des Écritures. Son but n'était pas de faire une traduction nouvelle, mais de corriger et de perfectionner celle de Cranmer. Son édition, publiée en 1568, et exécutée avec grand luxe (elle est ornée de 143 gravures), fut imposée pour l’usage des églises, en 1571, et elle resta pendant quarante ans la version officielle, quoique la Bible de Genève fût lue de préférence dans les familles. La Bible des évêques fut réimprimée, en 1572, grand in-folio, avec des corrections ; cette dernière édition est communément appelée la Bible de Matthew Parker.
La Bible du roi Jacques (King James' Bible) est la « Version autorisée » de l'Église anglicane. Elle fut commencée avec l’approbation de ce prince, en 1604, à la suite d’objections qu’on avait formulées contre la Bible des évêques. Cinquante- quatre personnes furent choisies, parmi celles qui avaient la plus grande réputation de savoir, pour travailler a cette version ; mais quarante-sept seulement purent y travailler de fait. Les traducteurs se partagèrent en six groupes, chargés chacun d’une partie des Livres Saints. Ces groupes se réunissaient périodiquement et examinaient avec grand soin la partie qui avait été préparée. La version de Tyndal servit de base ; mais elle fut comparée minutieusement avec les textes originaux, et l’on se servit aussi des éditions de Coverdale, de Matthew, de Cranmer, de Taverner, et de la Bible de Genève, auxquelles on emprunta tout ce qui parut bon. La « Version autorisée » est donc plutôt une compilation des anciennes versions qu’une version nouvelle. Commencée au printemps de 1607, elle fut terminée en 1611 et parut en un magnifique in-folio, sous ce titre : The Holy Bible Conteyning the Old Testament and the New : Newly translated out of the originall tongues : And with the former translation diligently compared and revised by his Majesties speciall Comandement. Appointed to be read in Churches. C’est un monument classique de la langue anglaise. Le style en est simple, pur, nerveux. Elle est restée jusqu'à ces derniers temps la Bible de tous les anglicans, et elle a exercé sur l'Église d’Angleterre une grande influence. « Qui voudrait soutenir, dit le P. Faber, Lives of the Saints, p. 118, que la Bible protestante n’est point, par sa rare beauté et son style merveilleux, l’une des principales citadelles de l’hérésie dans ce pays (l’Angleterre)? Elle continue à vivre dans l’oreille, comme une musique qu’on ne peut oublier… Elle est une portion de l’esprit national et l’ancre de la gravité nationale. »
Cependant les progrès de la philologie et de l’exégèse ont fait reconnaître aux anglicans eux-mêmes qu’elle avait besoin de corrections ; de plus, la langue a vieilli. Quoique généralement fidèle, elle n’a pas toujours saisi exactement le sens ; des termes obscurs n’ont pas été compris ; les modes et les temps des verbes sont souvent mal rendus ; les règles de la poésie hébraïque, en particulier le parallélisme, sont ignorées, etc. Certaines expressions qu’elle emploie sont aujourd’hui hors d’usage ou choquantes. Aussi depuis le xviiie siècle en demande-t-on la revision. H. Ross la réclama dès 1702, Essay for a new Translation, mais sans réussir à attirer l’attention publique. Plus tard, en 1758, le célèbre Lowth se prononça aussi en faveur d’une revision, et ce projet gagna peu à peu du terrain. Un catholique, Geddes, proposa un plan de revision, Prospectus for a new translation, 1786, et l’exécuta en partie. La révolution française fit oublier quelque temps la question. Elle fut reprise, en 1818, par John Bellamy. Depuis, on n’a cessé de s’en occuper. Enfin, en février 1870, la convocation ou synode de la province ecclésiastique de Cantorbéry nomma un comité composé d’un grand nombre de savants, qui se mit à l'œuvre de la revision. On remarquait parmi eux : Ellicott, président ; Alford, Lightfoot, Scrivener, Tregelles, Westcott, Wordsworth. Voir The Nineteenth Century, juin 1881, p. 919 ; Farrar, The revised Version, dans la Contemporary Review, mars 1882. Depuis 1816, il existait aux États-Unis une société de revision qui n'était pas restée inactive. Des reviseurs travaillèrent dès lors dans ce pays avec un nouveau zèle, en même temps qu’en Angleterre. L'édition fruit de tous ces travaux a paru enfin. Le Nouveau Testament a vu le jour en 1881 ; l’Ancien, en 1884. Cette publication a été applaudie et attaquée avec passion ; l'émotion qu’elle a soulevée n’est pas encore calmée, et les avis sont très partagés sur la valeur du travail exécuté par les nouveaux éditeurs. Voir, sur les règles suivies dans la revision, la préface placée en tête du New Testament of our Lord and Saviour Jésus Christ, translated out of the Greek : being the version set forth A. D. 1011 compared with the most ancient authorities and revised A. D. 1881, in-32, Oxford, 1881, p. v-xviii.
IV. Version catholique anglaise de Reims et de Douai. — Les catholiques anglais, écrasés par la tyrannie d’Henri VIII et d’Elisabeth, ne pouvaient plus pratiquer librement leur religion sur le sol de la Grande-Bretagne ; un grand nombre avaient été obligés de se réfugier sur le continent et surtout en France. C’est dans l’exil que fut faite et publiée la traduction anglaise des Écritures à l’usage des catholiques. Des hommes de grand mérite, professeurs du collège anglais de Reims : Grégoire Martin, gradué de Cambridge ; Allen, depuis cardinal, et Bristow, traduisirent et publièrent dans cette ville le Nouveau Testament, en 1582, d’après la Vulgate, avec des notes dogmatiques et polémiques. L’Ancien Testament parut à Douai, en deux volumes, en 1609 et 1610. Cette version a été attaquée fort injustement par plusieurs critiques protestants k Voici ce qu’a écrit sur cette traduction un juge compétent, Mgr Kenrick, archevêque de Baltimore : « L’auteur de l’introduction historique des Hexaples anglais reconnaît que « les traducteurs possédaient toutes les qualités nécessaires pour remplir leur tâche, en tant que le savoir et l’habileté peuvent y servir ». Scrivener dit de cette version : « Elle est très recommandable pour son exactitude scrupuleuse et sa fidélité. C’est un acte de justice « de reconnaître qu’on n’a jamais pu reprocher chez nous « aux traducteurs de Reims aucun cas d’altération votante taire des Écritures… » Toutefois, quoique je ne puisse être d’accord avec Geddes, qui caractérise la version de Reims comme « barbare ». je ne nierai point que l’attachement scrupuleux des traducteurs à la lettre de la Vulgate, en rendant les noms de lieux et de personnes, et leur désir de conserver des mots hébreux et grecs qui avaient été gardés dans le latin, de même que leur système d’exprimer les mots latins par des termes anglais correspondants d’origine latine, au lieu de puiser aux sources du pur anglais, n’aient nui beaucoup à la clarté et à la beauté de leur version. Pour remédier à ces défauts, le Dr Cornelius Nary, prêtre irlandais, publia, en 1709, à Londres, une version nouvelle qui fut réimprimée à Paris, en 1717. Le Dr R. Witham, théologien anglais du collège de Douai, publia, en 1736, une revision de la traduction de Reims, avec de savantes notes où il n’y a aucune aigreur. La nécessité de cette revision était alors si profondément sentie, que le Dr Challoner et d’autres théologiens, alors attachés au collège de Douai, lui donnèrent leur approbation écrite, et quelques années après, en 1749-1750, ce vénérable prélat publia lui-même à Londres, en cinq volumes, une édition revisée de toute la Bible, avec des notes peu nombreuses et nullement agressives. On lui reproche d’avoir considérablement affaibli le style, en évitant les inversions qui mettent souvent en relief les parties principales de la phrase, et en insérant des qualificatifs inutiles ; mais sa revision n’en a pas moins été favorablement accueillie, et elle a toujours servi depuis de règle aux éditions qui ont été publiées en Angleterre, en Irlande, en Ecosse et aux États-Unis. — Une édition de Dublin, approuvée par l’archevêque catholique de cette ville, Mgr Troy, fut publiée, en 1791, par R. Cross. — En 1810, Bernard Mac Mahon fit paraître une autre édition, dans laquelle on signala de graves erreurs typographiques et quelques changements de texte. Des libertés semblables ont été prises par d’autres éditeurs, de sorte qu’il n’est pas aisé de déterminer toujours la vraie leçon ; des omissions et des méprises importantes déparent la plupart des éditions, en remontant jusqu'à l'édition de Dublin, donnée par Reilly, en 1794. — Une autre édition de Dublin, par Coyne, en 1816, contient la préface de Reims, qui est placée au commencement de la Bible, et les notes de Reims, pour le Nouveau Testament ; mais le texte, ainsi que les notes pour l’Ancien Testament, sont de la revision de Challoner. Mgr Troy désavoua les notes. Un écrivain de la Dublin Revieiu, qu’on croit être le cardinal Wiseman, a insisté sur la nécessité impérative de la revision et de la correction de la version catholique. » Fr. P. Kenrick, The New Testament, 2e édit., Pref., in-8o, Baltimore, 1802, p. iv-vi. Cette revision désirée par les catholiques de langue anglaise a été faite par le savant archevêque de Baltimore lui-même, Mgr Kenrick (1797-1803). Il a publié, en 1849, la revision des Évangiles ; en 1851, celle du Nouveau Testament complet, et celle de tout l’Ancien Testament, de 1858 à 1800. — Voir aussi, sur la Bible catholique anglaise, Th. G. Law, Introductory Dissertation on the Latin Vulgate, reprinted from the new édition of the Douai Bible, in-12, Londres, 1877 ; Fr. Newman, The Douay Version, dans le Rambler, juillet 1859, et Tracts theological and ecclesiastical, 1874.
V. Bibliographie. — Baber, Account of Saxon and English versions, dans son édition de Wyckliffe, New Testament, in-4o, Londres, 1810 ; Johnson, Account of the several English translations of the Bible, in-8o, Londres, 1730 ; Newcome, Historical view of the English Biblical translations, in-8 « , Dublin, 1792 ; Marsh, History of the translations which have been made of the Scriptures from the earliest to the présent age, in-8o, Londres, 1812 ; Lewis, History of the principal translations of the Bible, 3e édit., in-8°, Londres, 1818 ; Todd, Vindication of our Authorised Translation, in-8o, Londres, 1819 ; Walter, Letter on the Independance of the Authorised Version of the Bible, in-8o, Londres, 1823 ; Wilson, Catalogue of Bibles, Londres, 1845 ; Anderson, Annals of the English Bible, 2 in-8o, Londres, 1845 ; Anonyme, Renderings of the principal English Translations of the Bible, in-4o, Londres, 1849 ; Hinds, Scripture and the Authorised Version, in-12, Londres, 1853 ; Mac Lure, Authors of English Bible, New-York, 1853 ; Malan, Vindication of the Authorised Version of the Bible, in-8o, Londres, 1856 ; Harness, State of the English Bible, Londres, 1856 ; Mrs. Conant, History of English Bible translations, in-8o, New York, 1856 ; Londres, 1859 ; Cumming, Bible Revision, Londres, 1856 ; Scholefield, Hints for an improved Translation of the New Testament, in-12, Londres, 1832 ; 1857 ; Trench, On the Authorised Version of the New Testament, Londres, 1858 ; Beard, Revised English Bible the Want of the Church, in-8o, Londres, 1857 ; 2e édit., 1860 ; Dowes, Plea for translating Scriptures, in-8o, Londres, 1866 ; (S. Bagster), The Bible of every Land, in-4o, Londres (1860), p. 191-205 ; E. Beckett, Should the revised New Testament be authorised, Londres, 1881 ; Samson, The English Reviser’s Greek Text shown to be unauthorised, New York, 1882 ; W. A. Osborne, The revised Version of the New Testament, Londres, 1882 ; The Revisers and the Greek Text of the New Testament, Londres, 1882 ; L. Cl. Fillion, La revision du Nouveau Testament de l’Eglise anglicane, dans les Essais d’exégèse, in-12, Lyon, 1884, p. 177-203 ; Mac Clintock et J. Strong, Cyclopædia of Biblical literature, t. i, p. 554-566 ; t. iii, p. 208-293 ; H. A. Glass, The Story of the Psalters, a history of the metrical versions of Great Britain and America from 1549 to 1885, in-16, Londres, 1888 ; English Hexapla, contenant les versions de Wyckliffe, Tyndal, Cranmer, de Genève, anglorémoise, autorisée, in-4o, Londres, 1841 ; J. B. Lightfoot, On a fresh revision of the English New Testament, 3e édit., in-12, Londres, 1891.
ANGLE (PORTE DE L'). Hébreu : šaʿar happinnâh (happônéh, II Par., xxv, 23) ; Septante : πύλη τῆς γωνίας; Vulgate : porta Anguli ; (porta Angulorum, Zach., xiv, 10), porte de la ville de Jérusalem. II (IV) Reg., xiv, 13 ; II Par., xxv, 23 ; xxvi, 9 ; Jer., xxxi, 38 ; Zach., xiv, 10. Elle était située à l’ouest de Jérusalem, au nord de la ville haute, à un endroit où le mur de la ville formait sans doute un angle très prononcé, d’où son nom. Elle était à quatre cents coudées (210 mètres environ) de la porte d'Éphraïm. IV Reg., xiv, 13 ; II Par., xxv, 23. Joas, roi d’Israël, ayant battu et pris Amasias, roi de Juda, à Bethsamès, amena son prisonnier à Jérusalem, où il fit abattre le mur de la ville depuis la porte d'Éphraïm jusqu'à la porte de l’Angle. IV Reg., xiv, 13 ; II Par., xxv, 23. C'était la partie la plus vulnérable de Jérusalem et par conséquent celle où elle avait le plus besoin de défense ; aussi Ozias, successeur d 'Amasias, se hâta-t-il de la fortifier (Josèphe, Ant. jud., IX, x, 3) par un « large mur », cf. Il Esdr., ni, 8, et de protéger par des tours la porte de l’Angle et les autres portes de ce côté de sa capitale. II Par., xxvi, 9. La tour de la porte de l’Angle est probablement celle qui est nommée dans Néhémie « la tour des Fours ». II Esdr., m, 11 ; xii, 37 (hébreu, 38). Voir Jérusalem.
ANGLO-SAXONNES (VERSIONS) DE LA BIBLE. Voir Anglaises (versions) de la Bible.
ANGRIANI Michel, carme italien, appelé aussi Aygriani, Ayguani, et plus communément Michel de Bologne, parce qu’il était né dans cette ville, dans la première moitié du xive siècle ; il y mourut le 16 novembre 1400, selon l’opinion la plus probable. Il étudia à l’université de Paris et y reçut le titre de docteur ; en 1354, il y fut aussi prieur du couvent des Carmes. Vers 1372, on lui confia la charge de définiteur de la province de Bologne. Dans un chapitre
de son ordre tenu à Bruges, en 1379, et dans un autre
tenu à Milan, en 1381, Angriani fut élu général. Il fut
déposé, en 1386, par le pape Urbain VI ; on ignore pour
quelle cause. Il se retira alors dans le couvent de Bologne, où il mourut. On a de lui Commentaria in Psalmos, in-f°, Milan, 1510. Cet ouvrage, de médiocre valeur, est souvent appelé Incognitus in Psalmos ou Opus auctoris incogniti, et a eu plusieurs éditions. Il est composé en grande partie de citations de Pères. L’auteur n’a fait aucun usage du texte original. Il s’attache presque exclusivement à appliquer les Psaumes à Notre-Seigneur. Angriani avait aussi composé des commentaires sur l'Évangile de saint Matthieu, de saint Luc, de saint Jean, sur l’Apocalypse, etc. ; mais ils n’ont pas été imprimés. Voir Fabricius, Bibliotheca latina mediæ ætatis, t. v, p. 222.
ANGULAIRE (PIERRE), hébreu : ʾében pinnâh, « pierre de l’angle, » Job, xxxviii, 6 ; Is., xxviii, 16 ; rʾôš pinnâh, « tête de l’angle, » Ps. cxviii, 22 ; Septante : λίθος γωνιαῖος, Job, xxxviii, 6 ; ἀκρoγωνιαῖος, Is., xxviii, 16 ; Éph., ii, 20 ; I Petr., ii, 6 ; κεφαλὴ γωνίας, Ps. cxvii, 22 ; Vulgate : lapis angularis, Job, xxxviii, 6 ; Is., xxviii, 16 ; Eph., li, 20 ; I Petr., ii, 6 ; caput anguli, Ps. cxvii, 22. 'Aἀκρoγωνιαῖος, composé d’ἄκρος, « extrême, » et de γωνία, « angle, » est un mot exclusivement biblique et ecclésiastique, inconnu des auteurs profanes. L’expression « tête de l’angle » du Ps. cxvii (cxviii), 22, est citée dans Matth., xxi, 42 ; Marc, xii, 10 ; Luc, xx, 17 ; Act, iv, 11 ; I Petr., Il, 7.
1o La pierre angulaire est celle qui est placée à l’angle d’un édifice. Elle a une grande importance pour tenir les deux côtés du bâtiment ; aussi est-elle choisie avec soin. Chez les Juifs, elle était d’ordinaire de dimensions considérables : parmi celles qui ont été employées pour les fondements du temple, il v en a qui ont six à sept mètres de longueur et deux à trois mètres d'épaisseur. En Assyrie, les angles sont aussi formés quelquefois par une pierre angulaire, quoique les constructions soient en briques (A. Layard, Nineveh and its remains, t. ii, p. 254), et c’est aux angles que sont placées, dans une sorte de cassette, les tablettes cunéiformes destinées à conserver le souvenir de l'érection du monument.
2o Comme la tribu et le peuple sont souvent appelés une « maison », Gen., xlvi, 27 ; Exod., xvi, 31, etc., et que la pierre angulaire tenait dans l'édifice la place principale, elle désigne, dans un sens métaphorique, un grand personnage, tel que les chefs de l’Egypte. Is., xix, 13. Cf. Jud., xx, 2 ; 1 Ileg., xiv, 38 ( « l’angle, les angles du peuple » ). Le Psalmiste, Ps. cxvii, 22, et Isaïe, xxviii, 16 (cf. I Petr., il, 6), appellent le Messie « la pierre angulaire », et le Psalmiste fait remarquer que la pierre qu’on avait rejetée, c’est-à-dire Jésus, repoussé par les Juifs, est devenue la pierre angulaire de l'Église, son fondement et son chef. Matth., xxi, 42, etc. ; Eph., ii, 20.
ANI (hébreu : ʿUnni, « affligé ; » Septante : Ἐλιωήλ, Ἠλωνεί), Lévite du nombre des musiciens qui accompagnèrent l’arche d’alliance, lorsque David la fit transporter à Jérusalem. I Par., xv, 18-20.
ANIA. Chef du peuple, II Esdr., viii, 4, le même que celui qui est appelé Anaïa. II Esdr., x, 22. Voir Anaïa.
ANIAM (hébreu : ʾĂni'âm, * gémissement du peuple ; » Septante : Ἀνιάν), fils de Sémida, de la tribu de Manassé. I Par., vii, 19.
ANIM (hébreu : ʿÂnim ; Septante : Ἀισάμ), ville des montagnes de Juda, mentionnée une seule fois dans l'Écriture. Jos., xv, 50. Les deux villes qui la précèdent peuvent nous servir à déterminer son emplacement : Anal) est l’une des deux localités qui portent encore le même nom, 'Anab es-Serhir (Anab la Petite) et 'Anab el-Kebir (Anab la Grande), situées à peu de distance l’une de l’autre, au sud-ouest d’Hébron. Voir Anab. Istémo est, d’après l’opinion générale des commentateurs, Semou’a. Voir Istemo. Or, dans la même contrée, un peu au sud des endroits que nous venons de mentionner, il y avait, du temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, deux villes voisines, appelées Anéa, Ἀνεά ou Ἀναιά, placées l’une à l’est, l’autre à l’ouest, la première habitée par des chrétiens, la seconde, et alors la plus considérable, habitée par des Juifs. Cf. Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 221, aux mots Ἀνάβ et Άνσήμ ; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum hebr., t. xxiii, col. 871, aux mots Anab et Anim. Elles correspondent, croyons-nous, aux ruines actuelles de Rhoueïn ech-Charkiéh, « Rhoueïn orientale, » et de Bhoueïn er-Rharbiéh, « Rhoueïn occidentale, » éloignées seulement de dix minutes l’une de l’autre, dans la direction du nord-est au sud-ouest. Robinson avait d’abord vu dans ces ruines, qu’il écrit El-Ghuwein, la ville d’Aïn. Voir Aïn 2. Biblical Researches in Palestine, 1™ édit., 1841, t. ii, p. 625, note 2. Mais plus tard il les identifia avec Anim, après le Dr Wilson, Lands of the Bible, I, p. 354. « Le nom de ʿAnim (pour ʿAyânîm), dit-il, est le pluriel de ʿAïn, « fontaine. » L’arabe Ghuwein est un diminutif de la forme ʿAïn. » Ouv. cité, 2e édit., 1856, t. ii, p. 201, note 1. Il faut reconnaître, avec le même savant, que le nom arabe répond mieux à l’hébreu ʿAïn ; car, la première lettre étant remplacée par le ghaïn (r grasseyé), comme dans Gaza (hébreu : ʿAzza ; arabe : Ghazzéh ou Rhazzéh), les autres sont semblables ; mais la position des deux Rhoueïn nous semble favoriser leur identification avec l’Anim de Josué et les deux Anéa d’Eusèbe et de saint Jérôme : identification admise, au moins pour Anim, par un bon nombre d’auteurs. Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 11 ; et la carte de la Palestine publiée dans la Zeitschrift des Deutschen Palästina-Vereins, Leipzig, 1890, t. xiii, no 1, etc.
Mariette prétend que le n°95 des listes de Karnak, Aïna, n’est autre chose que l’Anim de Juda, et l’Ἀναιά, de l’Onomasticon, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 39. M. Maspero fait remarquer que ce nom figure sur une seule des trois listes, et le suivant, Karman, sur deux. « On a, dit-il, le droit d’en conclure, soit que les deux noms désignaient une même localité, soit qu’ils s’appliquaient à deux localités, différentes, mais si rapprochées, qu’on pouvait les prendre l’une pour l’autre. » Il en cherche l’emplacement au milieu des vignobles qui enveloppent Hébron de toutes parts. Alors Aïna serait Aïn ech-Chems, et Karman serait Khirbet Sérâsir, bien plus au nord que Rhoueïn. Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmès III, qu’on peut rapporter à la Judée, 1888, p. 13-15.
Les ruines de Rhoueïn er-Rharbiéh « couvrent les flancs et le sommet d’une colline, située dans une vallée. Le point culminant du monticule est occupé par les restes d’un petit fort en pierres de taille, de forme carrée. Plusieurs autres constructions, bâties également en pierres de taille, sont encore en partie debout alentour ; elles renferment des citernes et des caveaux creusés dans le roc… À dix minutes de marche de ce point, vers l’est-nord-est, les ruines recommencent à se montrer, et comprennent un espace plus considérable encore… Elles sont désignées sous le nom de Rhoueïn ech-Charkiéh. De nombreuses habitations, dont les assises inférieures existent encore, et dont une vingtaine même ont conservé leurs voûtes cintrées, s'élevaient jadis en amphithéâtre sur les pentes d’une colline. Chacune de ces habitations contenait intérieurement un petit magasin souterrain, pratiqué dans le roc. La plupart étaient bâties avec des pierres bien taillées, de dimensions plus ou moins grandes. Une église chrétienne, maintenant renversée, avait été construite avec des pierres d’un bel appareil, comme l’attestent quelques pans de mur encore debout. Les traces d’une enceinte murée, qui environnait cette ville, sont reconnaissables sur plusieurs points. » V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. iii, p. 191-192. Voir la carte de la tribu de Juda.
ANIMAUX mentionnés dans les Écritures. — La
Bible hébraïque désigne les « animaux » en général par
le mot ḥayyâh, forme féminine de l’adjectif ḥay, « vivant. » Cf. Gen., ix, 5, 10 ; Lev., xi, 46 ; Septante : ζῶον ; Vulgate :
anima vivens, bestia. Ḥayyâh signifie proprement « un être vivant » quelconque, Gen., iii, 1, mais il est souvent employé dans un sens restreint ; tantôt il s’applique aux quadrupèdes domestiques ou sauvages, par opposition aux oiseaux, Gen., i, 28 ; Lev., xi, 2, 27, etc. ; tantôt, et
fréquemment, il se dit des quadrupèdes sauvages, Gen.,
vii, 14, 21 ; viii, 1, 19, etc. ; dans ces deux cas, il est quelquefois suivi du mot haššadéh, « animaux des champs. » Exod., xxiii, 11 ; Lev., xxvi, 22 ; Deut., vii, 22 ; Jer., xii, 9, etc. Les Septante ont traduit : τετράπους ; θηρίον, θήρ, et la Vulgate : fera, bestia, quadrupes. — Deux autres mots hébreux signifient aussi « animal », mais toujours dans un sens plus ou moins restreint : 1o Le mot be‘îr désigne toutes les espèces de bétail, Exod., xxii, 4 (Vulgate, 5) ; Num., xx, 4, 8, 11 ; Ps. lxxviii (Vulgate, lxxvii), 48, et quelquefois, plus spécialement, les bêtes de somme, Gen. xlv, 17 ; Septante : κτῆνος ;
Vulgate : jumentum. 2o Le mot behêmâh désigne ordinairement les quadrupèdes, et encore dans un sens restreint, ainsi que nous l’expliquons plus bas.
La classification des animaux, dans la Bible, est des plus simples ; Moïse et, à sa suite, les Hébreux ont divisé les animaux en quatre grandes catégories : les quadrupèdes, les oiseaux, les reptiles et les poissons. Cette classification, sans être nulle part enseignée scientifiquement, est cependant proposée ou supposée dans un grand nombre d’endroits. Gen., i, 26 ; ix, 2 ; Lev., xi, 46 ; Deut., iv, 16-18 ; III Reg., iv, 33 ; Éz., xxxviii, 20 ; Jac., iii, 7. Cette division est tirée du mode de mouvement des animaux : parmi eux, les uns marchent, les autres volent, ceux-ci nagent, ceux-là rampent ; c’est là ce qu’il y a de plus apparent et de plus frappant dans l’animal, et aussi ce qui entraîne entre les diverses espèces d’animaux les différences les plus importantes. Cette même division est aussi proposée par des auteurs profanes. Cf. Cicéron, Tuscul., V, xiii, édit. Lemaire, Paris, 1830, t. iii, p. 482 ; et De natura deorum, II, xlvii, t. iv, p. 213. Nous devons dire un mot de chacune de ces quatre catégories d’animaux.
1o Quadrupèdes : Moïse appelle le quadrupède behêmâh ; cette expression, dans la Bible, désigne tous les quadrupèdes terrestres, pourvu qu’ils ne soient pas de très petite taille ; nous disons les quadrupèdes « terrestres », pour exclure certains animaux aquatiques ou amphibies, comme le crocodile, qui ont quatre pieds, et que Moïse n’a jamais classés parmi les behêmôṭ ; de même, les petits quadrupèdes, comme les rats, les taupes, etc., sont classés par Moïse, non parmi les behêmôṭ, mais parmi les reptiles. Cf. Bochart, Hierozoicon, Londres, 1663, i, 2, p. 4. Remarquons, pour éviter les confusions, que quelquefois Moïse a donné au mot behêmâh un sens plus restreint, l’entendant simplement des quadrupèdes domestiques, comme le bœuf, la chèvre, le chameau, etc., et l’opposant ainsi aux quadrupèdes sauvages, comme le lion, le loup, l’ours, etc., qu’il appelle alors ḥayyaṭ hââréṣ ; Septante : θηρία τῆς γῆς ; Vulgate : bestiæ terræ. Gen., i, 24, 25.
2o Oiseaux, ou, généralement, « tous les animaux à ailes, » ʿôf. Gen., i, 20, 21 ; Lev., xi, 13, 20 ; Deut, xiv, 11, etc. Parmi ces animaux à ailes, Moïse distingue une catégorie particulière, qu’il appelle kôl šéréṣ hàʿôf, « tout être qui se traîne (sur la terre), et a des ailes. » Lev., xi, 20-25. Ce sont les « insectes ailés », comme les différentes espèces de sauterelles.
3o Poissons, ou, généralement, « tous les êtres vivants qui nagent (šéréṣ a ici ce sens) dans l’eau. » Gen., i, 20, 21 ; Lev., xi, 9 ; Deut., xiv, 9. Parmi ces animaux aquatiques, Moïse fait une mention spéciale des grands cétacés, qu’il appelle ṭannînim gedôlim ; Septante : κήτη μεγάλα ; Vulgate : cete grandia.
4o Reptiles ; Moïse les appelle šéréṣ šôrêṣ ʿal hââréṣ, c’est-à-dire les animaux « qui se traînent en rampant sur la terre ». Gen., i, 24, 25 ; Lev., xi, 29. Il les distingue ainsi, soit des poissons, appelés aussi šéréṣ, mais qui se meuvent « dans l’eau » (cf. Bochart, loc. cit., c. 6, p. 37), soit de ces insectes ailés, que nous venons de signaler, appelés également šéréṣ, qui peuvent se mouvoir ou ramper sur la terre, mais qui ont des ailes, et qui, de ce chef, sont classés parmi les oiseaux. Remarquons que les mots « rampant sur la terre », qui désignent les reptiles, se prennent dans un sens très large, et s’entendent non seulement des reptiles proprement dits, qui sont apodes, mais encore des animaux dont les pieds sont si petits, qu’ils semblent moins marcher que se glisser ou ramper, comme les taupes, les lézards, et un grand nombre d’insectes.
Environ cent cinquante-cinq mots hébreux désignent cent vingt-deux espèces d’animaux, auxquelles il faut ajouter deux espèces nouvelles mentionnées par les livres grecs de l’Ancien Testament, et quatre, mentionnées dans le Nouveau Testament ; en tout cent vingt-huit espèces signalées dans la Bible.
Voici la liste de tous ces animaux ; nous la donnons dans l’ordre alphabétique, sans aucune distinction de classes, afin qu’on puisse les trouver plus facilement. À côté du nom de chaque animal, nous indiquons le mot hébreu qui le désigne dans l’Écriture, puis le mot qui lui correspond dans les Septante et dans la Vulgate ; enfin, s’il y a lieu, le mot qui désigne l’animal dans le Nouveau Testament ; nous signalons les cas où l’identification est douteuse. Les articles spéciaux sur chaque animal compléteront les renseignements qui le concernent.
Abeille ; hébreu : debôrâh, Jud., xiv, 8, etc. ; Septante : μέλισσα ; Vulgate : apis.
Addax, espèce d’antilope ; hébreu : dîšôn, Deut., xiv, 5, etc. ; Septante : πύγαργος ; Vulgate : pygargus.
Agneau, désigné en hébreu par les mots suivants :
- Agneau de moins d’un an, agnelet, tâléh, I Reg., vii, 9, etc. ; Septante : ἀνήρ γαλαθηνός ; Vulgate : agnus lactens.
- Agneau d’un an à trois, kébéṡ ou kéṡéb (par transposition des deux dernières radicales), Num., vii, 15, 17 ; Lev., iii, 7, etc. ; Septante, ordinairement : ἀμνός ; quelquefois : ἀνήρ, ἀρνioν, πρόβατoν ; Nouveau Testament : ἀμνός, Act., viii, 32, etc. ; Vulgate : agnus.
- Agneau gras, kar, Deut., xxxii, 14, etc. ; Septante : tantôt ἀνήρ, tantôt ἀμνός, une fois κριός ; Vulgate : agnus.
- Signalons encore le mot chaldaïque, ʾimmar, I Esdr., vi, 9, 17 ; Septante : ἀμνός ; Vulgate : agnus.
Aigle ; hébreu : néšer, Lev., xi, 13, etc. ; Septante et Nouveau Testament : ἀετός ; Vulgate : aquila. Le mot néšer désigne toutes les espèces d’aigles, et même en quelques endroits, par exemple, Michée, i, 16, le vautour.
Aigle de mer ; hébreu : ʿôzniyâh, Lev., xi, 13 ; Septante : ἀλιαίετός ; Vulgate : haliæetus. Toutefois cette identification est douteuse ; d’après d’autres, le mot ʿôzniyâh signifierait le circaète (espèce d’aigle) ou le balbusard.
Âne, désigné par trois mots hébreux :
- ḥǎmôr, Gen., xlix, 14 ; Ex., xiii, 13, etc.
- ʿayîr, signifiant surtout « jeune âne », Gen., xlix, 11, etc.
- ʾâtôn, ânesse, Gen., xlix, 11 ; Num., xxii, 23, etc.
Les Septante ont traduit par ὄνoς, des deux genres, et πῶλος τῆς ὄνoυ ; Vulgate : asinus, asina, pullus asinæ ; Nouveau Testament : mêmes mots.
Âne sauvage, ou onagre, désigné par deux mots hébreux :
- ʿârôd, Job, xxxix, 5, etc. ; Septante : ὄνoς ἀγρioς ; Vulgate : onager.
- péré’ ou péréh, Gen., xvi, 12 ; Job, vi, 5, etc. ; Septante : ὄνoς ἀγρioς ; Vulgate : onager.
Antilope. Voir, dans la présente liste, les quatre espèces d’antilopes dont parle la Bible : Addax, Bubale, Gazelle, Oryx.
Araignée ; hébreu : ʿakkâbîš, Job, viii, 14 ; Is., lix, 5, etc. ; Septante : ἀράχνη ; Vulgate : aranea. Quelques auteurs traduisent aussi par « araignée » le mot hébreu ṡemâmîṭ. Voir Lézard.
Aspic, serpent venimeux ; hébreu : péṭén, Deut., xxxii, 33 ; Job. xx, 14, etc. ; Septante et Nouveau Testament (Rom., iii, 13) : ἀσπίς, βασιλίσκος ; Vulgate : aspis, basiliscus.
Aurochs, sorte de taureau sauvage ; hébreu : reʾêm, Num., xxiii, 22. Voir Rhinocéros.
Autruche ; hébreu : baṭ hayyaʿănâh (« la fille des cris »), Lev., xi, 16 ; Deut., xiv, 15 ; Septante : στρουθός ; Vulgate : struthio.
Balbusard, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu ʿoznîyâh. Voir Aigle de mer.
Béhémoth. Voir Hippopotame.
Belette ; hébreu : ḥôléd, Lev., xi, 29 ; Septante : γαλή ; Vulgate : mustela.
Bélier ; hébreu : ʾayil, Gen., xv, 9, etc. ; Septante : κρίὀς ; Vulgate : aries.
Blaireau, désigné, d’après quelques auteurs, par l’hébreu ṭaḥaš. Ce mot désigne plutôt le dugong.
Bœuf :
- Un troupeau de bœufs ; hébreu : bâqâr, Gen., xii, 16 ; xiii, 5, etc. ;
- Un animal quelconque de l’espèce bovine, sans distinction de sexe ni d’âge, hébreu : šôr, Ose., xii, 12 (11), etc. ;
- Un taureau, surtout jeune, hébreu : par, Ex., xxix, 1 ; Lev., iv, 3, 14, etc. ;
- Un veau, ʿégél, Ex., xxxii, 4, etc. ;
- Une génisse, pârâh, Num., xix, 2, 6, etc., ou ʿéglâh, Gen., xv, 9, etc.
Septante et Nouveau Testament : βoῦς, des deux genres, bœuf ; ταῦρoς, taureau ; μόσχoς, des deux genres, veau, génisse ; δάμαλις, vache, génisse (Hebr., ix, 13). Vulgate : bos, taurus, vitulus, vitula, vacca.
Bouc, désigné, en hébreu, par quatre mots :
- ṡâʿîr, Lev., iv, 24 (23) ; xvi, 9, etc.
- ṣafîr, Dan., viii, 5, etc. ; Esdras, vi, 17.
- ʿaṭṭûd, Gen., xxxi, 10.
- ṭayyiš, Gen., xxx, 35, etc.
Septante : τράγος, quelquefois χίμαρος ; (quoique ce mot signifie surtout « chevreau ») ; Vulgate : caper, hircus ; Nouveau Testament : τράγος, hircus, Hebr., ix, 12, etc.
Bouquetin ; hébreu : yâʿêl, Ps. civ (ciii), 18 ; Job, xxxix, 1, etc. ; femelle du bouquetin ou chèvre sauvage, yaʿălâh, Prov., v, 19. Septante : τράγέλαφος (qui est plutôt le chevreuil) ; Vulgate : ibex ; l’ibex est une espèce de bouquetin.
Brebis ; hébreu : râḥêl, Gen., xxxi, 38, etc. ; Septante : πρόβατov ; Vulgate : ovis. Le mot ṣôʾn, Gen., xxix, 10, etc., signifie un troupeau de petit bétail, grex (brebis et chèvres) ; et principalement un troupeau de brebis ; de même, le mot ṡéh, Deut., xiv, 4, etc., signifie un animal quelconque du troupeau, pecus ; et surtout une brebis. Voir aussi Agneau.
Bubale, espèce d’antilope ; hébreu : yaḥmûr, Deut., xiv, 5 ; les Septante n’ont pas traduit ce mot ; Vulgate : bubalus. Toutefois l’identification est douteuse ; d’après d’autres, le mot yaḥmûr signifierait le daim.
Buffle, désigné, d’après quelques auteurs, par l’hébreu yaḥmûr ; d’après d’autres, par l’hébreu reʾêm.
Busard. Voir Faucon.
Butor ; hébreu : qippôd, Is., xiv, 23, d’après quelques interprètes. Voir Hérisson.
Caille ; hébreu : ṡelâv, Ex., xvi, 13 ; Num., xi, 31, etc. ; Septante : ὀρτυγομήτρα ; Vulgate : coturnix.
Caméléon ; hébreu : kôǎḥ ; Septante : χαμαιλέων ; Vulgate : chamæleon. Malgré l’autorité des Septante et de la Vulgate, le mot kôǎḥ désignerait plutôt un lézard ou la grenouille, et le caméléon correspondrait à l’hébreu ṭinšeméṭ, Lev., xi, 30. Voir Taupe.
Canard, n’est pas expressément désigné dans la Bible ; il est peut-être compris dans le mot barburim. Voir Oie.
Céraste, espèce de serpent ; hébreu : šefîfôn, Gen., xlix, 17 ; Septante : ἐγκαθήμεvος (« celui qui dresse des embûches ») ; Vulgate : cerastes.
Cerf ; hébreu : ʾayyâl ; biche : ʾayyâlâh, Gen., xlix, 21 ; Deut., xiv, 5, etc. ; Septante : ἔλαφος ; Vulgate : cervus.
Cétacés, terme générique qui désigne les monstres marins, comme le requin, etc. ; hébreu : ṭannînim, Gen., i, 21 ; Job, vii, 12, etc. ; Septante : τὰ κήτη τὰ μεγάλα, Vulgate : cete grandia.
Chacal, désigné en hébreu par trois noms :
- šûʿal (qui lui est commun avec le renard), Jud., xv, 4, etc. ; Septante : ἀλώπηξ ; Vulgate : vulpes.
- ʾi, pluriel ʾîyyîm, « les hurleurs, » Is., xiii, 22, xxxiv, 14 ; Septante : ὀνοκενταύρος ; Vulgate : ulula (au premier endroit) ; onocentaurus (au second).
- ṭan, inusité au singulier, pluriel ṭannîm, Is., xiii, 22 ; xxxiv, 13 ; xxxv, 7, etc. ; Septante : δράκoντες, σειρῆνες, ἔχῖνοι, etc. ; Vulgate : dracones, lamiæ.
Chameau ou dromadaire ; hébreu : gâmâl, Gen., xii, 16, etc. ; Septante : κάμηλος ; Vulgate : camelus. Le mot hébreu békér, Is., lx, 6, désigne un jeune chameau.
Chat, ne se lit que dans Baruch, vi, 21 : ἄιλουρος ; Vulgate : catta. Le texte original hébraïque de Baruch étant perdu, nous ne connaissons pas le nom hébreu du chat.
Chauve-souris ; hébreu : ʿătallêf, Lev., xi, 19 ; Septante : νύκτερις ; Vulgate : vespertilio.
Cheval, désigné principalement en hébreu par le mot sûs, Gen., xlvii, 17 ; Ex., xiv, 9, etc., Septante : ἵππος ; Vulgate : equus. Cf. Nouveau Testament : Jac., iii, 3 ; Apoc., vi, 2, 4, etc. Toutefois quatre autres mots hébreux désignent quelquefois le cheval :
- Le mot pârâš, qui signifie souvent « cavalier » et est rendu ordinairement ainsi par les interprètes, signifie quelquefois « cheval », par exemple : III Reg., v, 6 (hébreu) ; Ezech., xxvii, 14 ; Is., xxviii, 28 (hébreu).
- Le mot rékéš, de signification controversée, indique vraisemblablement le « cheval », au moins I Sam. (III Reg.), v, 8 (hébreu) ; Esther, viii, 14 (hébreu).
- Le mot rammâk, qui ne se trouve que Esther, viii, 10 (hébreu), désigne la jument.
- Le mot rékéb, qui signifie habituellement « char », signifie quelquefois le « cheval », II Reg., viii, 4 ; I Par., xviii, 4.
Chevêche, espèce de hibou ; hébreu : kôs, Lev., xi, 17 ; Septante : νύκτίκοραξ ; Vulgate : bubo.
Chèvre ; hébreu : ʿêz, Gen., xv, 9 ; Deut., xiv, 4, etc. ; Septante : ἄιξ ; Vulgate : capra. Voir aussi Bouc et Chevreau.
Chevreau ; hébreu : gedî, Gen., xxxviii, 23 ; Ex., xxiii, 19, etc. ; Septante : ἔπιφος ; Vulgate : hœdus.
Chevreuil ; hébreu : ʾaqqô, Deut., xiv, 5 ; les Septante n’ont pas traduit ce mot dans ce passage du Deutéronome ; Vulgate : tragelaphus. Identification douteuse ; d’autres traduisent ʾaqqô par « bouquetin ».
Chien ; hébreu : kéléb, Exod., xi, 7 ; Jud., vii, 5, etc. ; Septante : κύων ; Nouveau Testament : κύων, Luc., xvi, 21 ; II Petr., ii, 22 ; Vulgate : canis.
Chouette, désignée probablement en hébreu par le même mot que « chevêche ». Voir ce mot.
Cigogne ; hébreu : ḥasîdâh, « la pieuse, » Lev., xi, 19 ; Deut., xiv, 18, etc., d’après l’interprétation la plus commune. Toutefois les Septante et la Vulgate traduisent ḥasîdâh par « héron », ἐρωδιός, herodio.
Circaète, espèce d’aigle. Voir Aigle.
Cochenille ; hébreu : ṭôlaʿaṭ (cramoisi, couleur produite avec la cochenille), Exod., xxvi, 31 ; xxxv, 25, etc. ; Septante : πορφύρα ; Vulgate : purpura.
Colombe ; hébreu : yônâh, Gen., viii, 8-9, etc. ; Septante : περιστερά ; Vulgate : columba.
Coq ; la Vulgate a traduit par « gallus » deux mots hébreux :
- le mot ṡékvî, Job, xxxviii, 36 ;
- le mot zarzîr, Prov., xxx, 31.
Au second endroit, les Septante ont traduit aussi par « coq », ἀλέκτωρ. Ces interprétations paraissent maintenant abandonnées. Le mot ṡékvî signifie plutôt « âme, cœur, » et le mot zarzîr « ceint, brave ». — Nouveau Testament : ἀλέκτωρ, Matth., xxvi, 34 ; ὄρνις, Matth., xxiii, 37, etc. ; Vulgate : gallus, gallina.
Corail ; hébreu : râʾmôṭ (littéralement : « choses élevées »), Job, xxviii, 18 ; Ezech., xxvii, 16 ; Septante : Job, μετέωρα, « objets élevés ; » Ezech., Ῥαμόθ (comme si c’était une ville) ; Vulgate : Job, excelsa ; Ezech., sericum.
Corbeau ; hébreu : ‘ârab, Gen., viii, 7, etc. ; Septante : κόραξ ; Vulgate : corvus.
Cormoran ; hébreu : šâlak, Lev., xi, 17. Voir Plongeur.
Coucou ; hébreu : šâḥâf, Lev., xi, 16, d’après quelques interprètes. Voir Mouette.
Cousin ; hébreu kinnîm, Exod., viii, 16-19 ; Septante : σκνίφες ; Vulgate : sciniphes.
Crapaud ; hébreu : ṣefardêʿ, comme la grenouille. Voir Grenouille.
Crécerelle. Voir Faucon.
Criquet, sorte de sauterelle. Voir Sauterelle.
Crocodile ; hébreu : livyâṭan, Job, iii, 8 ; xl, 25 (20), etc. ; Septante : δράκων, μέγα κῆτος ; Vulgate : leviathan, draco.
Crocodile terrestre, espèce de grand lézard ; hébreu : ṣâb, Lev., xi, 29 ; Septante : κροκόδειλος ὁ χερσαῖος ; Vulgate : crocodilus. D’après quelques auteurs, le mot ṣâb désignerait la tortue.
Cygne ; hébreu : ṭinšeméṭ, Lev., xi, 18 ; Deut., xiv, 16 ; Septante : κύκνος ; Vulgate : cygnus. L’hébreu ṭinšeméṭ désigne plutôt l’ibis. Remarquons que le mot ṭinšeméṭ, qui signifie ici un oiseau, signifie ailleurs un reptile. Voir Taupe.
Daim, désigné très probablement, en hébreu, par le même mot que le cerf, ’ayyâl. Voir Cerf. D’après d’autres, il serait désigné par le mot yaḥmûr. Voir Bubale.
Daman, désigné, d’après l’interprétation aujourd’hui la plus commune, par le mot hébreu šâfân, Lev., xi, 5. Voir Porc-épic.
Dromadaire. Voir Chameau.
Duc (Grand), espèce de hibou, désigné, d’après beaucoup d’auteurs, par le mot hébreu yanšûf. Voir Ibis.
Dugong, vulgairement « vache marine » ; hébreu : ṭaḥaš, Exod., xxv, 5 ; xxvi, 14 ; Ezech., xvi, 10. Les Septante et la Vulgate ont traduit ces trois passages, où il s’agit de « peaux de ṭaḥaš », en substituant au nom de l’animal celui de la couleur : δέρματα ὑακίνθινα, pelles ianthinæ.
Éléphant, n’est pas mentionné directement dans les livres hébreux de l’Ancien Testament. D’après quelques auteurs, son nom hébreu serait, au pluriel, habbîm ; la raison en est dans le mot šénhabbim, qui signifie « ivoire » ou dent d’éléphant. Le mot šen signifiant « dent », il est probable que le reste du mot signifie « éléphant ». Les Septante ont traduit, III Reg., x, 22 et II Par., ix, 21, le mot šénhabbim par : ὀδὀντα ἐλεφάντινα ; la Vulgate, III Reg., dentes elephantorum. Le mot ἐλέφας se trouve dans les livres grecs de l’Ancien Testament : I Mach., i, 18 ; II Mach., xi, 4, etc.
Émouchet. Voir Faucon.
Engoulevent, espèce d’hirondelle. Voir Hirondelle.
Épervier. Voir Faucon.
Éponge ; Nouveau Testament : σπόγγος, Matth., xxvii, 48 ; Marc, xv, 36 ; Joa., xix, 29 ; Vulgate : spongia.
Escargot. Voir Limaçon.
Faucon ; hébreu : nêṣ, Lev., xi, 16 ; Deut., xiv, 15 ; Septante : ἱέραξ ; Vulgate : accipiter. Le mot nêṣ semble désigner aussi tous les autres petits oiseaux de proie : épervier, crécerelle, busard, émouchet. D’après quelques auteurs, le faucon serait encore désigné par le mot hébreu ’ayyâh, Lev., xi, 14. Voir Vautour.
Fourmi ; hébreu : nemâlâh, Prov., vi, 6 ; xxx, 25 ; Septante : μύρμηξ ; Vulgate : formica.
Frelon ; hébreu : ṣir‘âh, comme guêpe. Voir ce mot.
Gazelle, espèce d’antilope ; hébreu : ṣebî, Deut., xii, 15 ; xiv, 5, etc. ; Septante : δορκάς ; Vulgate : caprea.
Gecko, espèce de lézard, désigné, d’après l’opinion commune aujourd’hui, par l’hébreu ’anàqâh, Lev., xi, 30. Voir Musaraigne.
Gerboise. Voir Rat.
Girafe ; hébreu : zémér, Deut., xiv, 5 ; Septante : καμηλοπάρδαλις ; Vulgate : camelopardalus (qui correspond exactement au mot « girafe » ). Toutefois identification douteuse ; le mot zémér désigne plutôt le mouflon à manchettes.
Grenouille ; hébreu : ṣefardêʿ, Exod., viii, 3 ; Ps. lxxvii, 45, etc. ; Septante et Nouveau Testament (Ap., xvi, 13) : βάτραχος ; Vulgate : rana.
Griffon ; hébreu : pérés, Lev., xi, 13 ; Septante : γρύψ ; Vulgate : gryps. Toutefois identification douteuse ; d’après d’autres, le mot pérés désignerait l’orfraie ou aigle de mer, ou encore le gypaète, espèce de vautour.
Grillon ; hébreu : ṣelâṣal, d’après quelques auteurs. Voir Sauterelle, 6.
Grue ; hébreu : ‘agur, Is., xxxviii, 14 ; Jer., viii, 7 ; Septante : στρουθία ; Vulgate : pullus hirundinis et ciconia.
Guêpe ; hébreu : ṣir‘âh, Exod., xxiii, 28 ; Deut., vii, 20, etc. ; Septante : σφηκία ; Vulgate : vespa, crabo.
Gypaète, désigné, d’après quelques auteurs, par le mot hébreu pérés. Voir Griffon.
Hanneton ; hébreu : yéléq, d’après quelques auteurs. Voir Sauterelle, 8.
Hérisson ; hébreu : qippôd, Is., xiv, 23 ; xxxiv, 11, etc. ; Septante : ἐχίνος ; Vulgate : ericius.
Héron ; hébreu : ’anâfâh, Lev., xi, 19 ; Deut., xiv, 18, d’après l’interprétation la plus commune. Toutefois les Septante et la Vulgate traduisent ’anâfâh par « pluvier », χαραδριός, charadrios, et ils traduisent par « héron » l’hébreu ḥasîdâh. Voir Cigogne.
Hibou ; hébreu : ṭaḥmâs, Lev., xi, 16 ; Deut., xiv, 15 ; Septante : γλαύξ ; Vulgate : noctua. Voir aussi les différentes espèces de hibou : Chevêche, Chouette, Grand duc.
Hippopotame ; hébreu : behêmôṭ, Job, xl, 10 (héb. 15). Les Septante ont traduit θηρία, et la Vulgate : behemoth.
Hirondelle, désignée en hébreu par deux mots :
- derôr, Ps. lxxxiv, 4 ; Prov., xxvi, 2.
- sîs, Is., xxxviii, 14 ; Jer., viii, 7.
Les Septante traduisent derôr par τρυγών, στρουθός, et sîs par στρουθία. Vulgate : pullus hirundinis, turtur, passer.
Huppe ; hébreu : dûkifaṭ, Lev., xi, 19 ; Deut., xiv, 18 ; Septante : ἔποψ ; Vulgate : upupa.
Hyène ; hébreu : ṣàbûăʿ, Jer., xii, 9 ; Septante : ὕαινα. La Vulgate a traduit par avis discolor.
Ibex, espèce de bouquetin. Voir ce mot.
Ibis ; hébreu : yanšûf, Lev., xi, 17 ; Septante : ἴβις ; Vulgate : ibis. Toutefois cette identification est douteuse ; d’après beaucoup d’auteurs, le mot yanšûf signifierait plutôt le grand duc, espèce de hibou, et l’ibis serait désigné par le mot hébreu ṭinšeméṭ.
Lapin, désigné, d’après quelques auteurs, par l’hébreu šâfan. Ce mot désigne plutôt le daman.
Léopard ; hébreu : nâmêr, Is., xi, 6 ; Hab., i, 8 ; Septante : πάρδαλις ; Vulgate : pardus ; Nouveau Testament : πάρδαλις, pardus, Apoc. xiii, 2.
Léviathan. Voir Crocodile.
Lézard ; il y en a de plusieurs espèces, désignées par les mots hébreux suivants :
- ṣâb. Voir Crocodile terrestre.
- ʾanàqâh. Voir Gecko.
- kôah, grand lézard ou monitor, Lev., xi, 30, malgré les Septante et la Vulgate, qui traduisent : χαμαιλέων, chamæleon.
- letâʾâh, lézard vert, Lev., xi, 30 ; Septante : χαλαβώτης ; Vulgate : stellio (lézard étoilé).
- ḥômét, lézard des sables, Lev., xi, 30 ; Septante : σαῦρα ; Vulgate : lacerta.
- ṡemâmîṭ, le stellion vulgaire, Prov., xxx, 28 ; Vulgate : stellio. Toutefois, pour ce dernier mot, qui ne se lit qu’à l’endroit cité des Proverbes, identification douteuse ; d’autres traduisent par « araignée » ou plutôt « tarentule », espèce d’araignée. Bochart les réfute, Hierozoicon, Londres, 1663, IV, vii, t. i, p. 1083 et suiv.
Licorne, animal fabuleux d’après l’opinion commune. Voir Animaux fabuleux.
Lièvre ; hébreu : ’arnébêṭ, Lev., xi, 6 ; Deut., xiv, 7 ; Septante : δασύπους ; Vulgate : lepus. Limaçon ; hébreu : šablûl, Ps. lvii (héb. lviii), 9, malgré les Septante et la Vulgate, qui traduisent κήρος , cera.
Lion, désigné, en hébreu, par les quatre mots suivants : — 1. ʾârî, Num., xxiv, 9, etc. ; Septante : XImv ; Nouveau Testament : λέων, Hebr., xi, 33 ; 1 Pet., v, 8, etc. ; Vulgate : leo. — 2. lâbiʾ, Gen., xlix, 9, etc. ; Septante σκύμνος (lionceau) et λέων ; Vulgate : leo. — 3. layiš, Is., xxx, 6 ; Job, IV, 11, etc. ; Septante et Vulgate : λέων, leo. — 4. šahal Job, iv, 10 ; x, 16, etc. ; Septante et Vulgate : λέων, leo. Ces trois derniers mots sont « poétiques » ; le dernier, šahal, a un sens différent dans quelques autres endroits de l'Écriture.
Lionceau, désigné par les deux mots suivants : — 1. lionceau encore à la mamelle : gûr, Ez., xix, 2, 3, 5, etc. ; Septante : σκύμνος ; Vulgate : leunculus. — 2. lionceau sevré : kefîr, Jud., xiv, 5, etc. ; Septante : tantôt σκύμνος, tantôt λέων ; Vulgate : catulus leonis.
Loup ; hébreu : zeʾêb, Gen., xlix, 27, etc. ; Septante et Nouveau Testament (Matth., x, 16 ; Luc, x, 3, etc.) : λύκος ; Vulgate : lupus.
Martinet, espèce d’hirondelle. Voir ce mot.
Milan ; hébreu : dâʾâh, Lev., xi, 14 ; Deut., xiv, 13 ; Septante : γύψ ; Vulgate : milvus.
Moineau, comme « passereau ». Voir ce mot.
Monitor, grand lézard. Voir Lézard.
Mouche ; deux mots hébreux désignent la mouche ou ses espèces, comme le taon, l'œstre du cheval, du bœuf, etc. : — 1. ʿârôb, Ex., viii, 21 (héb. 17), etc. ; Septante : κυνόμυια ; Vulgate : musca. — 2. zébûb, Is., vii, 18 ; Eccl., x, 1 ; Septante : μυῖα ; Vulgate : musca.
Mouche de l’olive, dacus oleæ, insecte ailé qui ronge le fruit de quelques arbres, surtout de l’olivier