Dictionnaire de théologie catholique/CYRUS, patriarche d'Alexandrie

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant et Eugène MangenotLetouzey et Ané (Tome 3.2 : CONSTANTINOPLE - CZEPANSKIp. 657-658).

CYRUS, patriarche grec monothélite d’Alexandrie, au viie siècle. La première fois que nous rencontrons ce personnage, c’est à Phasis, métropole de la province de Lazie, sur la mer Noire. Cyrus était métropolitain de cette ville, lorsque, en l’année 626, durant un long séjour qu’il fit dans ces contrées, l’empereur Héraclius tâcha de gagner le prélat aux idées monothélites, que Sergius, patriarche de Constantinople, répandait dans l’ombre et pour lesquelles il recrutait des adhérents de marque. Cyrus fut donc prié d’approuver un décret de l’empereur à Arcadius, archevêque de Chypre, et une lettre du patriarche Sergius au même Arcadius, deux écrits, dans lesquels il était défendu « de parler des deux énergies de Notre-Seigneur Jésus-Christ après l’union des deux natures. » Cyrus protesta tout d’abord contre cette doctrine, qui lui paraissait être en contradiction avec le tomos du pape saint Léon Ier, mais, remarque-t-il lui-même, « je reçus l’ordre de me taire à l’avenir sur ce point, de ne pas contredire et de te (Sergius) demander de nouvelles instructions sur la nécessite d’admettre, après l’union des deux natures, une seule énergie dirigeante. » . Cyrus écrivit, en effet, aussitôt à Sergius une lettre, d’où nous avons extrait ces renseignements. Mansi, Concil., t. xi, col. 557-561. On a la réponse de Sergius, Mansi, op. cit., t. xi, col. 524-528, laquelle, d’après le Libellus synodicus, Mansi, t. x, col. 606, aurait été rédigée dans un synode tenu à Constantinople en 626 ou 627. Sergius y confirme pleinement Cyrus dans les idées monothélites que lui avait déjà suggérées l’empereur et il lui envoie à cet effet tous les documents qu’il avait réunis depuis quelques années afin de conquérir des adeptes.

Pour tant de bonne volonté, Cyrus obtint en récompense le siège patriarcal d’Alexandrie, que l’empereur lui fit offrir, après la mort de Georges II, entre les mois de mai et d’août de l’année 631, d’après A. von Gutschmid, Kleine Schriften. Leipzig, 1890, t. ii, p. 178, à l’automne de la même année, d’après A. Butler, The arab conquest of Egypt, Oxford, 1902, p. 176. Il arriva en Egypte avec les pouvoirs d’augustalis ou de vice-roi, et rien que le bruit de sa venue mit en fuite le patriarche copte Benjamin, qui quitta Alexandrie. Réunissant entre ses mains les deux pouvoirs, spirituel et temporel, Cyrus, le terrible Mukaukas (Le Caucasien), comme l’appellent les indigènes, avait pour programme déterminé d’opérer l’union de l’Église copte ou mieux des diverses Eglises coptes avec l’Église byzantine officielle. Il s’y employa de son mieux, ne reculant pas devant la persécution, mais ses cruautés, loin de ramener les dissidents, eurent pour résultat de les préparer contre la domination byzantine et de les préparer à l’occupation arabe. Cependant, avec sa formule ambiguë monothélite, Cyrus obtint un petit succès. Le 3 juin 633, il réconciliait avec l’Église grecque la secte des théodosiens, fraction importante du parti monophysite d’Egypte. La lettre et le document d’union en 9 articles, souscrit par les théodosiens et qu’il envoya à Sergius après la cérémonie, Mansi, t. xi, col. 561-568, montrent bien qui c’est la doctrine catholique des deux énergies et des deux volontés dans le Christ qui fit les frais de cette réconciliation. Sergius n’en exprima pas inoins ses remerciements à son ami. Mansi, t. x, col. 971 —976. Il n’en fut pas de même du moine palestinien Sophrone, qui avait assisté à l’entrevue d’Alexandrie entre les théodosiens et les catholiques. Il protesta tout haut contre une pareille union et alla tout aussitôt se plaindre à Constantinople auprès de Sergius, qu’il ne soupçonnait pas du complot et qui le tranquillisa sur l’orthodoxie de son confrère. P. G., t. xci, col. 433, 333 ; Mansi, 1. xi, col. 529 sq. Sur ces entrefaites, Sophrone devenait patriarche de Jérusalem et le pape Honorius, trompé par les lettres de Sergius, prenait en 634 fait et cause pour Cyrus contre Sophrone et interdisait à l’avenir l’emploi des expressions une ou deux énergies. Mansi, t. x, col. 527 sq. Un peu plus tard cependant, Honorius revint à de meilleurs sentiments à l’égard de Sophrone. Il négocia avec les arnhassadeurs que ce dernier lui avait envoyés et les pria de déterminer leur patriarche à ne plus employer l’expression de deux énergies ; en retour, il s’engageait à prier Cyrus de ne plus employer l’expression d’une énergie. De fait, Honorius nous dit lui-même, Mansi, t. XI, col. 580 sq., qu’il écrivit dans ce sens des lettres particulières à Sophrone, à Cyrus et à Sergius. En somme, la question n’avait pas fait un pas et Cyrus pouvait se vanter d’avoir pour lui la cour romaine.

A l’automne de l’année 638, Sergius renouvelait la discussion en faisant publier par Héraclius l’Eclhèse, édit dogmatique composé par le patriarche de Constantinople lui-même en 636. Mansi, t. xi, col. 9. Cyrus fit lire publiquement l’Ecthèse et en remercia Sergius par une lettre que nous avons encore, Mansi, t. x, col. 1004 sq., et qui date d’octobre ou de novembre 638. Son adhésion au monothélisme n’est donc pas contestable, et saint Maxime de Chrysopolis, comme les conciles du Latran en 0’« 9 et de Constantinople en 680-681, le représentent toujours comme un des principaux chefs de cette hérésie. Néanmoins, il importe de bien remarquer que Cyrus ne connut probablement pas les condamnations portées par les papes, successeurs d’Honorius, contre la doctrine d’une seule énergie et d’une seule volonté. Les derniers jours de Cyrus furent surtout occupés par l’invasion arabe. Son titre de vice-roi l’obligeait à prendre des mesures politiques et militaires contre les envahisseurs ; il ne faillit pas à ce devoir. Il s’illustra pendant le siège de Babylone ou le Caire et conclut avec les assiégeants un traité, que la cour byzantine jugea trop défavorable, 640. Disgracié et exilé pour ce motif, l’actif patriarche revint au pouvoir en septembre 641 et défendit Alexandrie contre les Arabes. Il eut la tristesse, avant sa mort, survenue le 21 mars 642, de se voir encore une fois destitué et d’assister à la prise de sa chère Alexandrie et à la conquête de l’Egypte. {{P début|90|mt=1 Pour le rôle de Cyrus dans la question monothélite, voir mon article, Sophrone le sophiste et Sophrone le patriarche, dans la Revue de l’Orient chrétien, 1902, p. 36-41 du tirage à part ; pour son rôle politique et religieux en Égypte, voir A. Butler, The arab conquest of Egypt, in-8°, 1902, passim.

S. Vailhé.