Dictionnaire de théologie catholique/JÉSUS-CHRIST V. Jésus-Christ et la critique 5. Les miracles du Sauveur et leur valeur démonstrative

La bibliothèque libre.
Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.1 : ISAAC - JEUNEp. 708-712).

V. Les miracles de Jésus-Christ ; réalité bt valeur apologétique. La négation de la divinité du Christ par les rationalistes et le^ protestants libéraux, la conception moderniste, du fait surnaturel historiquement indémontrable et Irrecevable, posent la question des miracles du Christ, de leur réalité et de leur valeur apologétique. Afin de demeurer dans les limites que nous nous sommes tracées et pour ne pas revenir sur les précisions déjà apportées en ce qui concerne la théologie catholique et son apologétique, voir col. 1312sq., il nous suffira de déterminer la position prise par les adversaires de la révélation chrétienne à L’endroit des prodiges opérés par Jésus.

Les Juifs des premiers siècles de notre ère n’hésitaient pas à reconnaître la réalité des miracles du Sauveur, mais ils les attribuaient à un pouvoir magique. Cf. H. Laible, Jésus Christus im Talmud, Leipzig, 1900, p. 44-48 ; S. Jérôme, Epist., xi.v, Ad Asellam, P. L., t. xxii, col. 483. Ils ne leur accordaient en conséquence aucune valeur démonstrative dé la vérité.

Sur l’opinion des Juifs anciens, voir : Origène, Contra Celsum, I. I, c. xxviii-xxxviii, P. G., t. xi, col. 713-733 ; Arnobe, Aduersus Gentes, t. I, c. xi.m, P. L., t. vi, col. 773 ; Eusèbe, Demonstratio evangelica, t. III, c. vi, P. G., t. xxii, col. 224-236 ; S. Augustin, De consensu evangelistarum, t. I, c. ix-xt. P. L., t. xxxiv, col. 1048-1050. Cf. Schôttgen, Horm hebraiae et talmudicss in universum N. T., Dresde, 1733, t. i, passim ; Eisenmenger. Entdecktes judenthum, Kônigsberg, 1700, t. i, p. 148-149, 16B ; S. Krauss, n « s Leben Jesu tuich iiidischen Qællen, Berlin, 1902, p. 40-41 ; 53-51 ; 68-69 ; 93-94 ; 118-119 ; 123-121 ; J. Salvador, Jésus-Christ et sa doctrine, Histoire île la naissance de l’Église et de ses progrès pendant le premier siècle, 2’édit., Paris, 1864, t. î, p. 390-105

Quant aux païens, les prodiges attribués à leurs dieux et héros les prédisposaient à admettre les miracles de Jésus-Christ, sans en tirer, pour autant, quelque conséquence en faveur de la mission divine du Sauveur. Ou bien encore, ils dénaturaient purement et simplement le caractère des miracles de Jésus, pour être libérés des conclusions logiques qui s’imposent. Cf. Eusèbe, Conlru Hieroctem ; Demonstratio evangelica, t. III, c. iv-vi, P. G., t. xxii, col. 795-868 ; 198221 ; Origène, Contra Celsum, t. I, c. vi, xxxvi, i.xvii, i.xviii ; t. II, c. xlviii, P. G., t. xi, col. 665, 729, 786, 788. Arnobe représente les païens comme accusant Jésus de magie, Aduersus Génies. I. I, e. xi.iu, P. L., t. vi, col. 773. Voir !.. Coudai. La provenance des Évangiles, Paris, 1898, p. 84-93. Voir également les « miracles » antiques, juifs ou païens, recueillis par P. Fiebig, Jûdische Wundergeschichlen des ncutestamentlichen Zeitalters, Bonn, 1911.

Il faut arriver jusqu’aux xvir et xviii "inr

trouver des attaques précises ou directes contre les miracles, soit chez les déistes, soit chez les panthéistes anglais ou hollandais de l’époque. Hobbes, Spinoza, et, un peu plus tard, Tiudal, el surtout T. WoolstOH († 1731), lequel publia contre la réalité des miracles de JéSUS plusieurs ouvrages, ModéTOtor, 1725 ; Six

discours on the Miracles <d Our Saviour, Mil 1729 ; Defence >J UnDiscourses, 1729-1730. Cf. Vigouroux, Les Livres saints et lu critique rationaliste, ">" édit.. ! 9(ii, t. u. P. 88-122 C est à partit de cette époque que les attaques dira oduisent dans

le camp rationaliste. Noua aou contenterons de résumer, à l’aide de l’ouvrage de M. FUI ion, Miracles’/< N.-S. Jésus-Christ, Pari, 1909, l’hisl des attaques ration I d’esqul

de Justification pi ésentés par la critique.

1399

JÉSl S-CHRIST ET LA CRITIQl ; K. LES MIRACLES

1400

1° Histoire des (iliaques rationalistes. - — 1. Les premiers théologiens rationalistes. --Reimaïus accuse ouvertement les disciples d’avoir inventé d’une manière frauduleuse et de connivence avec Jésus les miracles relatés dans l’Évangile. Jésus se sérail mis d’accord avec quelques-uns de ses compatriotes qui se firent passer pour sourds, muets, estropiés ou fous, alin de lui fournir l’occasion de les guérir en apparence. Sa résurrection même n’aurait été qu’une feinte, après l’enlèvement de son cadavre par les apôtres. Paulus .i recours à la théorie des explications purement naturelles. Les prodiges de l’Évangile, d’après lui, peuvent et doivent tous être ramenés â des causes physiques et humaines. Jésus n’a voulu accomplir aucun miracle propienient dit : les évangélistes ne se sont pas proposés de raconter un seul fait vraiment prodigieux : la marche sur les eaux n’a été qu’une promenade au bord du lac ; le changement de l’eau en viii, une aimable mystification ; les résurrections ne furent que le retour normal à la vie de malades tombés en syn cope ; les maladies guéries par le Christ furent imaginaires, etc.— Schleiermacher n’ose faire de pareilles violences aux textes sacrés. Les prodiges furent réels. Mais, grâce à des dons spéciaux et à des connaissances très vastes, inexplicables pour ceux qui étaient témoins des résultats obtenus, Jésus pouvait accomplir des actes qui paraissaient être des prodiges. quoiqu’en réalité ils n’aient jamais dépassé les limites du domaine naturel. — D. Schenkel rattache, lui aussi, les miracles de Jésus, et surtout les miracles de guérison, â un pouvoir extraordinaire, mais naturel. Toutefois avec cet auteur commence déjà la distinction entre miracles de simple guérison et miracles sur les forces physiques les seconds étant la plupart du temps le fruit de la légende et leur récit ne s’expliquant que par des interpolations. — Strauss inaugure une ère nouvelle. Repoussant le système de Reimaïus comme contraire à la logique et celui de Paulus comme contraire à la méthode historique, il fait intervenir son système personnel des < mythes » pour expliquer les prétendus miracles du Sauveur qui, en réalité, sont « les créations légendaires formées dans l’Église primitive au sujet de Jésus sous la double influence des oracles de l’Ancien Testament et du désir d’exalter les plus possible Notre-Seigneur, envisagé connue le Messie promis. Tantôt les miracles relatés dansl’Évan-Liilc n’ont aucune base historique : ce sont simplement des incarnations de l’idée messianique ou d’autres concepts chrétiens, tantôt ils ont pour origine un l’ail historique réel, mais faussement interprété : le Seigneur avait dit de ses disciples qu’il i les Ici ail pêcheurs d’hommes : cette parole transformée a donné naisami’au miracle de la pêche miraculeuse ; Isae avait annoncé que les aveugles venaient, les muets parleraient, etc., cet li" pi uphél ie 1 1 ansposéc en aile a donné lieu aux miracles de guérison, etc. Plus tard, comme mi l’a « lit plus haut. col. 1378, Strauss modifia quelque peu son système général ; l’explication des miracles

s’en trouva, elle aussi, modifiée. Les miiacles du quatrième évangile appartenant au Christ Idéal ont été intentionnellement fabriqués de toutes pièces ; les autres possèdent peut-être quelque tond de vérité, us ayant pu être doué d’ « une vertu cm ative phy iique, Joui nous pouvons nous taire quelque idée par l’analogie de la toi ce magnétique. Streitschriften zut

Verlheidigung meiner Schrijt ùber dus Leben Jesu, . ;. Tubingue, 1838, p. 153. Baur et ses dis ciples <’e l’école de Tubingue appliquent aux miracles de l’évangile leur sj steme des tendances >. Ainsi, les (liges racontés dans le quatrième évangile sont entièrement Actifs ; ceux que relatent les synoptiques ont parfois une base réelle, mais mal comprise et mal interprétée ; très souvent aussi, ils sont sans aucun

fondement dans la réalité et ne doivent leur existence supposée qu’au désir de glorifier Jésus.

2. La critique éclectique. — La critique relative aux miracles de Jésus suit la même courbe que la critique relative ;  ! sa divinité. Les premiers rationalistes etleurs successem s immédiats ont épuisé la série des systèmes plus ou moins a priori ; les néo-ci itiques de l’école libérale se feront éclectiques empruntant aux nus et aux autres quelques traits et les amalgamant ensemble. Ils ont recours tout à la fois aux interprétations naturelles de Paulus, aux mythes de Stiauss, aux tendances de Baur. aux influences morales ou psychiques de Schleiermacher et de Schenkel, et même, quoique avec une certaine réserve, à la supercherie dont Reimaïus n’a pas craint d’accuser Jésus et ses disciples Généralement, ils rejettent dans le domaine du mythe ou de la légende les miracles opérés par Notre-Seigneur dans le monde de la nature [c’est-à-dire, les modifications apportées par Jésus aux lois physiques qui régissent le monde), les résurrections des morts et certains cas [tout à lait extraordinaires] de guérison : ils consentent à regarder comme authentiques un nombre limité de cures merveilleuses, à condition de les expliquer par l’influence que le Sauveur exerçait sur les malades, grâce â sa volonté énergique, à sa miséricordieuse bonté, â son art de suggestionner, etc. » L.-Cl. Fillion, op. cit., t. i, p. 81. Cf. du même auteur, Ce que les rationalistes daignent nous laisser de la vie de Jésus, dans la Revue du Clergé français, 1 er juillet, P r août. 1 er septembre 1908. Dans cette interprétation des miracles, chacun apporte sa note particulière. - C. Hermann Wcisse rejette comme apocryphes un certain nombre de guérisons plus difficiles, les résurrections de morts, les miracles sur les forces de la nature et les considère comme une < enveloppe » dont le dogme et la tradition avaient entouré l’histoire de Jésus, Die evangelisehe Geschichlc kritiscli und philosophisch bearbeilet, Leipzig, 1838. — Aux grandes lignes du système éclectique, Renan ajoute ses interprétations personnelles, si fragiles et si superficielles qu’il est impossible de les prendre au sérieux. Les guérisons qu’opéraient Jésus furent souvent dues i au contact d’une personne exquise » qui valait « les ressources d’une pharmacie. Pour la résurrection de Lazare, il insinue que Jésus se rendit complice d’une supercherie : d’ailleurs Jésus i subissait les miracles que l’opinion exigeait, bien plus qu’il iules taisait « : c’est équivaleminent affirmer que les miracles sont le produit île l’imagination et de la suggestion, mais qu’ils n’ont pas existé en réalité. D’ailleurs l’auteur les nie a priori : « C’est parce qu’ils racontent des miracles que je dis : Les évangiles sont des légendes : ils peuvent contenir de l’histoire : niais certainement tout n’y est pas historique. Vie de Jésus. _> édit., p. 270 ; 372-375 ; 21’-> : I3e édit., p. vi. — Il est à peine utile de citer ici le nom de M. Loisy, qui marche pleinement sur les traces de Renan, jus qu’à parfois reproduire les expressions de l’auteur de la Vie des Jésus. Cf. Jésus et la tradition éoangélique, Paris, pipi. La négation du surnaturel, principe éminemment rationaliste, a été posée comme base de imite critique par Ernest Havet : La première obligation que nous fait le principe rationaliste, qui est le

fondement de toute critique, est d’écarter de la vie de Jésus le siu naturel… Il n’a pas de surnaturel dans la vie de Jésus : il a pu avoir quelquefois l’illusion du surnaturel i. Revue des Deux Mondes. | » « avril 1881, p. 587, 589. Th. Keiin se rattache à Schleiermacher.

Les miracles autres que les miiacles de guérison sont

ou bien des légendes, fondées sur des faits typiques de l’Ancien Testament (apaisement de la tempête, résurrection de morts), ou des paraboles transformées en acte (pêches miraculeuses, figuier maudit) : les 1401

    1. IÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE##


IÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LES MIRACLES

o.

miracles de guérison seraient l’effet de la rorce spirituelle, compatissante et sympathique de Jésus. — On trouve la même distinction chez Karl von Hase.

11. -.1. Holtzmann. O. Holtzmann, J, Weiss, 11. Weinel, W. Bousset, A. Harnack, I 1. Wernle : il n’a pas d’autres miracles que les guérisons, qui s’expliquent d’ailleurs naturellement par Y impression extraor dinaire que produisait sa personnalité imposante, cf. o. Holtzmann, Leben Jesu, p. 150, par la suggestion, par l’hypnose, par l’hystérie. M. Harnack est un type réussi de l’éclectisme libéral. Il groupe ainsi les récits évangéliques relatifs aux miracles : récits provenant d’exagérations portant sur des faits naturels impressionnants ; récits provenant île paroles ou de paraboles de Jésus, ou d’accidents internes transportés dans le monde extérieur : récits tirant leur origine du désir de voir se reproduire certains faits narrés dans l’Ancien Testament ; récits de guérisons surprenantes, dues à la puissance spirituelle de.lesus ; récits de faits « qui demeurent impénétrables. c’est-à-dire inexplicables. En somme. M. Harnack ne reconnaît de valeur qu’aux guérisons accomplies par Jésus, lesquelles, d’ailleurs, n’ont jamais dépassé les limites du domaine naturel. Dos Wesen des Christentums, p. 1 ! » : tr. fr., p. -12. Jésus n’a donc pas été un thaumaturge au sens propre du mot. mais un docteur merveilleux, Yunderdoktor. Cf. Wrede. Die An lange unserer Religion, p. 00 : P. "W. Schmidt, Die Geschichte Jesu erklârl, p. 68-72. En réalité, la chrétienté croyante a peint sur le fond doré du merveilleux l’image humaine, si simple de Jésus : ses miracles sont une couronne ctincelante que la foi poétique des premiers chrétiens a placée sur son front ». W. Bousset, Jésus, p. 15.

— Un assemblage curieux de toutes les négations et de toutes les hypothèses rationalistes à l’endroit des miracles évangéliques a été fait par M. W. Soltau, Hat Jésus’Wunder gethan ?… Leipzig, 1903. Voir une analyse île cet ouvrage dans I’illion. Les miracles de N.-S. Jésus-Christ, t. i. 88-90. Sur l’attitude des rationalistes contemporains relativement aux miracles de l’Évangile, voir A. Seitz, Das Evangelium des Gotlessohns, Fribonrg-en-B., 1908, p. 134-136 ; 111 : 150 ; 170-194 : 349-350.

3. Attitude hésitante des protestants orthodoxes. — Attitude hésitante est assez peu dire : nombre de protestants orthodoxes et de critiques anglicans. théologiens modérés et se rapprochant de nous sur beaucoup de points, semblent craindre d’accepter les miracles de Jésus-Christ. Lorsqu’ils les admettent, c’est avec une grande répugnance, ou bien en faisant d’étranges concessions aux adversaires du surnaturel. Ils travaillent, semble-t-il, a réduire le plus possible. au double point de vue de la quantité et de la qualité, les miracles évangéliques. Ainsi agissent, à l’aile droite des protestants libéraux confinant au protestantisme orthodoxe, MM. B. Weiss. Beyschlag, Konrad Furrer, chez les orthodoxes, MM.F. Barth, Die Hauplprobleme des Lebens Jesu. 2’édit., Gûtersloh, 1 1)’Beth, Die Wunder Jesu. dans la collection Bi blische Zeit und Streitfragen du l> r Kropatscheck, Berlin, 1905 ; chez les anglicans. MM. I. liel hune I îaker. The Miracle ofChristianilg, Cambridge 191 I ; W. San day, The criticism o/ thefourih Gospel. Oxford, 1905, et, dans sa réponse a l’évêque anglican d’Oxford, Bishop Gore’s Challenge lo Criticism, Oxford, 191 1.

2° Essais de justification de la négation des miracles en regard des textes évangéliques. — Nous avons déjà entendu les vagues assertions des rationalistes : transposition de mythes, incarnation de concepts dogmatiques, idéalisation du Christ, etc. Mais encore faut-il expliquer la présence dans les textes évangéliques de narrations relatant des miracles accomplis par Jésus. Car, ces récits ne sont point simplement juxtaposés a

la trame de la narration évangélique ; ils font pi de la substance même de nos documents, voir col. 1 190 et les pins acharnés adversaires du surnaturel sont

obliges.l’en convenir. On peut, celles, opposer a cette

constatation des difficultés d’ordre philosophique ;

mais cela ne suffit pas pour justifier, en regard des textes, les négations rationalistes. Il faut donc, pailles motifs de critique et d’histoire, légitimer ces assertions.

l. Justification par la méthode comparative. — On nous assure qu’en règle générale, les récils relatifs a l’origine des religions attribuent quantité de prodiges aux fondateurs de ces cultes, cf. Heitmûller, Jésus Christus, p. 61. Personne ne prétendra qu’ils

soient des miracles véritables, les prodiges attribués à certains empereurs païens, à Esculape, à Apollonius de Tyane, au Bouddha, à Mahomet En raisonnant par voie d’analogie, il convient donc, axant d’admettre les miracles (le Jésus-Christ, de montrer une extrême circonspection et de chercher une explication plus conforme aux lois ordinaires de la nature de cette auréole merveilleuse dont on veut nimber le front du Christ. On cite un t miracle i opéré par Yespasien : cf. Tacite. Annal., IV. St et Suétone, De Yita Ctesa mm, l. VIII, Yita Vespasiani, vu. Vespasien aurait guéri deux infirmes, l’un aveugle, l’autre estropié, en lavant avec sa salive les joues et l’orbite des yeux du premier, en donnant un coup de pied au second. D’après Tacite, les médecins consultés par l’empereur, avaient répondu que ces infirmes étaient humainement curables. Les miracles attribués à Esculape ne supportent pas la critique : les malades, du reste, ne recouvraient la santé qu’en usant des remèdes que le dieu était censé leur avoir révélés en songe. Cf. Origène, Contra Celsum, t. III, c. ni. xxiv-xxv. P. G., t. xi. col. 924, 948, 9 19 : A. Harnack. Die Mission und Ausbreilung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderlen, Leipzig, 19(12. p. 7(i-79. Ces prétendus miracles d’Apollonius de Tyane, dont la vie a été écrite plus de cent ans après sa mort par Philostrate de Lemnos, tr. fr. par Chassang, Paris, 1804, sont considérés comme apocryphes : « Personne, écrit Renan, n’accorde de créance à la vie d’Apollonius de Tyane i. Yie de Jésus, Paris, 1803, p. 15. Voir Apollonius de Tyane, Ci, col. 1508-1511 ; cf. E. del’resscnsé. Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, Paris, 1865, p. 379 ; A. Réville, Le Christ païen du ///e siècle, dans la Revue des Deux Mondes, 1 er octobre 1805, p. 620654. Ces miracles du Bouddha sont innombrables : du commencement à la fin, sa légende n’est qu’une accumulation singulière de prodiges ridicules, excès sifs, à tel point qu’on a pu les rapprocher des prodiges des évangiles apocryphes du Nouveau Testament. Cf. E. Kuhn, Buddhislisches in den apocryphen Eoangelien, dans Guruptyâkaumadt, 1896, p. 110-119. Voir, dans le Dictionnaire apologétique île la Foi catholiqiu. I. il, col. 692-095 la discussion de ce rapprochement. Quant aux miracles de Mahomet, ils lui sont très cer tainement attribués par ses disciples, et longtemps après i mort : mais ils sont conl i ouvés. Cf. Marracci. Prodromus adrefutat. Alcorani, 1698, 2’part., c.v, vii i

Quoi qu’il en soit des miracles et des lliaumahi dans les religions païennes ou chez les Infidèles en général, nous refusons absolument d’accepter la comparaison qu’on veut établir entre les récits évangéliques et les histoires plus ou moins controuvées, i il a tives aux origines de ces religions. Abstraction I des différences essentielles qui apparaissent entre les 1rs de Notre s. ceux du paganisme par

rapport a la personne même du thaumaturge, il exi un abîme entre des prodiges dont le récit D’offre aucune garantie d’authenticité <-i de véracité el miracles dont li offrent à nous avec 1<

ties de l’authenticité la plus parfaite et de la véracité la plus absolue-. Aucune méthode comparative ne peut nous obliger à révoquer en doute les certitudes qu’offrent les récits évangéliques à cause des incertitudes que présentent les origines des religions autres que le catholicisme.

2. On entreprend encore de justifier la négation des miracles évangéliques en faisant étal de l’universelle diffusion de la croyance aux prodiges, diffusion aussi grande chez les Juifs que chez les païens de l’époque. Heitmûller, toc. cit. Il ne s’agissait pas, en réalité, de rais miracles, mais de guérisons d’infirmités de toute sorte, infirmité^ (jiie l’ignorance ou la superstition attribuaient aux esprits malins. Ce sont donc ici, très particulièrement, les miracles relatifs à la délivrance des possédés qui sont visés. Assurément on ne peut nier qu’à l’époque où parut Jésus, les Juifs n’aient eu la tendance d’attribuer aux esprits malins l’origine de bien des maux ; cette idée se reflétait dans les expressions et les façons de parler. Mais nous avons déjà dit, voir col. 1193, pourquoi il est impossible de révoquer en doute les cas particuliers de possession diabolique dont il est fait mention dans l’Évangile. Dans les textes qui leur sont relatifs, Jésus y parle trop nettement de son antagonisme personnel avec le démon pour que nous soyons autorisés à voir dans son attitude et ses paroles « une accommodation volontaire, pédagogique, à des erreurs inofîensives, répandues de son temps. » Quant aux cas plus nombreux, signalés in qlobu et sans spécification aucune, il est possible que les Évangélistes, usant de la terminologie du temps, ait langé parmi les démoniaques de simples malades qui offraient avec ceux-ci des symptômes extérieurs semblables. Datu hoc, non concesso, il ne s’ensuit pas encore que les miracles de Jésus à l’endroit de ces malades puissent être niés comme miracles : L’interprétation rationaliste qui réduit les divers cas de possession à des formes variées de maladies mentales ou nerveuses, à l’épilepsie, à l’hystérie, à la manie, à la grande névrose, ne diminue aucunement la difficulté de l’explication naturelle des cures opérées par Jésus. On reconnaît en effet de plus en plus la lenteur, l’extrême rareté, l’instabilité des guérisons obtenues en pareille matière. Mais pour tous ceux qu’un parti pris philosophique Injustifiable n’empêche pas d’admettre l’existence d’esprits séparés, les miracles ne sont pas moins évidents. Aux lieu et place des méthodes alors approuvées, souvent très contestables, toujours lentes, compliquées et précaires, Jésus use de procédés sommaires et souverains… Par la simplicité, par l’efficace, par l’empire, qu’ils attestent dans ce domaine trouble et mystérieux, où une force intelligente tient en échec les efforts humains, les procédés du Maître ne diffèrent pas moins des exorcismes alors usités que sa façon de guérir les autres maux, ne différait de la thérapeutique habituelle. » !.. de Grandmaison, art. Jésus-Christ, n. 332.

3. Mais l’étude des textes évangéliques eux-mêmes fournit, dit-on, un troisième argument justificatif en faveur de la thèse rationaliste. Il y a, dans nos i écits, une tendance à l’amplification, à l’idéalisation. On en trouve le point culminant dans le quatrième évangile. Mais cette tendance existe déjà chez les synoptiques. N’est-ce pas là un argument très fort en faveur de l’hypothèse, si souvent émise par les 1 1 il iques, d’une Idéalisation du (’.lu isi par les premiers chrétiens dans un but dogmatique ou apologétique ? Strauss apporte à l’appui de ces assertions les histoires de l’expulsion des démons à Ciérasa, Marc, v, 1-20 ; Matth., viii, 28-34 ; Luc, viii, 26-39 ; la guérison du lunatique, Marc, tx, 13-28 ; Matth., xvii, 14-20 ; Luc, i. 37 14 ; la guérison du paralytique, Marc, ii, 1-12 : Matth., i. 1-8 ; Luc, v, 17-26. L’argument de

Strauss porte sur le progrès et l’amplification qu’on trouve chez saint Luc sur saint Matthieu, chez saint Marc sur saint Luc : cet argument ne vaudrait (si tant est qu’existent le progrès et l’amplification qu’afiiime Strauss) que dans l’hypothèse de la priorité de Matthieu sur Luc, et de Luc sur Marc C’était la thèse de Strauss : mais on sait que cette thèse n’est plus acceptée de personne aujourd’hui. La critique a i envcrsé la critique. Nous avons déjà dit ailleurs, voir col. 1191, pourquoi les divergences des évangiles entre eux, loin d’être un argument en faveur des interpolations ou des additions possibles, attestaient au contraire leur sincérité et leur véracité.

D’ailleurs comment admettre que la première génération chrétienne ait fait à Jésus-Christ une auréole des miracles qu’il n’aurait point accomplis ? Parmi tous les arguments qu’on a coutume d’apporter contre l’assertion rationaliste, il convient d’en relever ici deux particulièrement satisfaisantes : « Entre la mort de Jésus-Christ et la date indiquée (comme date de composition des évangiles), sous le regard de plusieurs apôtres qui vivaient encore et d’autres nombreux témoins oculaires de la vie de Jésus, une tradition légendaire n’aurait pas eu le temps de se former. D’ailleurs l’école néo-critique est obligée de reconnaître que l’œuvre de saint Marc, sous sa forme actuelle, ou sous la forme primitive que lui donnent quelques-uns de ses membres, est redevable de nombreux enseignements à saint Pierre, même dans les narrations où il est question de miracles. Il suit de la que l’élément miraculeux, dans les évangiles, n’est pas le produit de la foi des chrétiens, mais une partie essentielle et primitive des récits sacrés. Fïllion, I-cs miracles de N.-S. Jésus-Christ, t. i, p. 112. D’ailleurs les apôtres étaient attentifs à ce qu’aucune erreur ne se glissât dans l’Église ; cf. Act., xx. 30 : Gal., i, (i-7 ; I Tim., iv. 1-3 ; vi, 3-5, 20-21 ; II fini., m. 1-9, 14 ; II PeL.u, 1-19 ; I Joa"., iv. 1-li : II Joa., 9-11 ; Jud., 19 ; Apoc, ii, 14-15, 20, etc. ; ils n’auraient toléré aucune addition légendaire à la vie du Seigneur… à moins que nous ne les accusions de duplicité ou d’illusion ; mais alors ce serait revenir aux plus anciennes positions rationalistes de Reimarus ou de Renan, positions condamnées aujourd’hui par la critique elle-même. Un deuxième argument convaincant a été formulé par J. H. Bernard, dans le Diclionary of the Bible de Ilastings, t. iii, p. 391 : « Si les preuves de la réalité des miracles de Notre-Seigneur n’avaient point paru entièrement satisfaisantes à ceux qui avaient les meilleurs moyens d’en juger, l’Église catholique n’aurait pas vécu pendant une seule année après le crucifiement de Jésus. » Loin d’avoir créé les miracles, c’est aux miracles qu’elle doit en partie son existence. Quant à la vérité des miracles du quatrième évangile, elle est démontrée par le fait même de l’historicité de cet écrit.

4. Les textes évangéliques et Jésus lui-même fournissent aux rationalistes un nouveau moyen de tenter leur justification. Jésus nous est montré refusant un signe du ciel aux pharisiens qui le demandent, Marc, vm, Il sq., cf. Matth., xvi, 1, sq. ; Matth., xii, 38-10, cf. Luc, xi, 29-30, et impuissant à accomplir des miracles, à cause de l’incrédulité de ses auditeurs, Marc, vi, 5-6, cf. Matth., xiii, 58. « Ces deux traits de la plus ancienne tradition nous fournissent deux normes historiques inattaquables : non seulement nous pouvons, mais nous devons traiter avec défiance tout ce qui porte le caractère de miracles extraordinaires, et nous ne devons admettre dans le domaine du possible que ceux des événements merveilleux dans lesquels la confiance personnelle pouvait jouer un rôle. » Heitmûller, op. cit., p <>. r >. Et n’est-ce pas comme malgré lui que Jésus accomplissait des miracles puisqu’il recommandait à ceux qui en étaient bénéficiaires la 1405

    1. JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE##


JÉSUS-CHRIST ET LA CRITIQUE. LA RÉSURRECTION

L406

plus entière discrétion et imposait le silence absolu aux démons expulsés. Cf. Marc, t. 25, 34 ; iii, 12 ; v, 43 : vu. 36 ; viii, 28 ; Mat th., viii. 4 ; rx, 30 ; mi. 15 ; Luc, iv. 35, 41 ; v, 14 ; viii

A vrai dire cet te difficulté est résolue par tout ce que nous avons dit du caractère économique i de la révélation de Notre-Seigneui Jésus-Christ et plusspé cialement de la limitation, que Jésus imposa, volontairement et par mesure île sagesse, à la manifestation de sa puissance. « Admettons dans leur ampleur les faits qu’on nous oppose. Oui. Jésus a refusé constamment d’accomplir un certain genre de miracles ; oui. dans ceux-là même qu’il accomplit, nous devons relever une double restriction ou, si l’on veut, une double limitation. Limitation relative aux conditions du sujet. A Nazareth, il fait peu de miracles, à cause de l’incrédulité de ses compatriotes ; il « ne peut faire que peu de miræles. » Marc, vi, 5, 6 ; Matth., xiii, 58. Mot admirable de l’évangéllste, et qui fait voir jusqu’au fond la valeur, la portée, la qualité spirituelle et religieuse de la puissance thaumaturgique du Maître I Ce n’est pas une force inconsciente, une puissance d’expansion sans frein, sans règle et sans but. Jésus n’impose pas plus la force bienfaisante qui guérit que la lumière qui sauve. — Limitation par rapport à la divulgation des faits merveilleux, qui sont soumis comme le reste et au même litre que l’enseignement et les paraboles à la mai che progressive et volontairement dosée, de la manifestation totale. !.. de Grandmaison, art. cit., n. 317.

5. Il ne reste plus comme dernier îefuge aux critiques rationalistes que d’invoquer la puissance des /crées inconnues de la nature et autres banalités de ce genre, dont nous n’avons pas à nous occuper ici. A moins que, disséquant les textes sacrés, distinguant les différentes couches qu’ils voient s’y superposer, ils n’en arrivent à nous dire péremptoirement quel noyau historique se retiouve au fond de nos lécits évangéliques et quelles additions, insertions, intcipolations ont été faites pour y introduite les éléments étiangers, légendaires et mythiques, embellissements poétiques, par où se serait infiltré le miracle. M. Soltau excelle dans ce genre d’exercice. Et M. Loisy ne veut lui céder en rien. Nous ne les suivrons pas sur ce terrain, nous acceptons les textes que la critique historique nous présente comme solidement attestés, et ainsi armés, nous pouvons, à la suite de Jésus, présenter ses œuvres comme les preuves authentiques de la crédibilité de sa doctrine. Joa., xiv, 12.

I..-C1. Fillion, Les miracles de S. -S. Jésus-Christ, Paris, 1909, 2 vol., on consultera surtout le second volume pour l’étude de chacun des miracles en particulier.étude que nous ne pouvons aborder dans cet article. — L. deGrandmaison, art. Jésus-Christ, dans le Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, t. ii, col. 1446-1471 ; FI. Chable.Die Wunder Jesu, Fribourg-en-Brisgau, 1897 ; I.. Fonk, Die Wunder des Herrn in Lvangelium, Inspruck. t. i, 1903 ; tr. ital., Rome, 1914 ; J. Iiourchany-E. Jacquier, Les miracles évangéliques, dans Conférences apologétiques, Paris, 1911 ; E. tgarto de Ereilla, Los Milagros del f^vangelio, Madrid, 1913. — Les ouvrages les plus utiles, protestants orthodoxes ou anglicans, ont été suffisamment signalés au cours de l’article.