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Dictionnaire de théologie catholique/JUSTIFICATION : Doctrine dans la Sainte-Ecriture II. La théologie juive à l'époque néo-testamentaire

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 8.2 : JOACHIM DE FLORE - LATRIEp. 318-319).

II. La théologie juive a l'époque néo-testamentaire. —

Le R. P. Frey, article cité, a étudié avec quelque détail la notion de péché originel dans la littérature juive du premier siècle de notre ère. Hénoch, Jubilés, Testaments des douze Patriarches, Assomption de Moïse, Hénoch slave, Philon, Josèphe, Johanan ben Zakkaï, Apocalypse de Moïse, IV Esdras, Baruch syriaque. Il conclut en ces termes : « Les écrits juifs du temps de Notre-Seigneur ne nous fournissent donc aucune attestation de la croyance au péché originel. S’ils conviennent le plus souvent que le premier péché a eu une répercussion fâcheuse sur le monde physique, qu’il en est résulté la mort et même, au témoignage surtout des apocalypses postérieures (IV Esdras, Baruch syriaque, Apocalypse de Moïse), une diminution des énergies morales, ils ne donnent point à entendre que l’homme soit constitué pécheur par le seul fait de sa filiation adamique, en d’autres termes que la mort spirituelle se propage d’Adam à toute sa postérité. L'élément essentiel du péché d’origine ne s’y rencontre donc pas. On peut ainsi s’expliquer, dans une certaine mesure, pourquoi les rabbins n’ont jamais entrevu dans le Messie, le Rédempteur spirituel, le nouvel Adam, qui dût, par ses souffrances et sa mort expiatoires, réparer les blessures morales que la désobéissance du premier Adam avait faites à l’humanité. » Loc. cit., p. 544 sq. ; cf. Lagrange, Éptlre aux Romains, p. 113, 118.

Pour ce qui regarde la justice et la justification, la théologie juive au I er siècle de notre ère, se résume dans ces quelques données caractéristiques.

Le rôle de la circoncision.

Il est clairement

exprimé dans le Livre des Jubilés, xv, 25 sq. : « Cette loi (de la circoncision) vaut pour toutes les générations à jamais. Il n’y a pas de circoncision du temps ni de possibilité de laisser passer un jour au delà des huit jours. Car c’est une ordonnance éternelle, prescrite et gravée sur les tables célestes. Et quiconque est né et dont la chair du prépuce n’a pas été circoncise le huitième jour n’appartient pas aux enfants -de l’Alliance que le Seigneur fit avec Abraham mais il appartient aux enfants de perdition ; il n’y a plus sur lui aucune marque qu’il appartient au Seigneur mais (il est destiné) à être détruit et anéanti de la terre, car il a violé l’Alliance du Seigneur notre Dieu… » Les rabbins pousseront cette doctrine jusqu'à enseigner que nul circoncis ne peut être précipité dans 1 a Géhenne tant que les traces de la circoncision n’ont pas été abolies en lui.

Le rôle de la foi.

Voici quelques textes qui

le mettent en relief : Ps. de Salomon, xvii, 45 : « Paissant le troupeau du Seigneur dans la foi et la justice, » (Il s’agit du Messie). — IV Esdras, vi, 28 : Florebil autem fides et vincetur corruplela ; vii, 34 : Judicium autem solum remanebil, veritas stabil et fides convalescet ; ix, 7 sq. : El eril, omnis qui salvus factus fuerit et qui poterit effugere per opéra sua et per fidem in qua credidit, is relinquetur de prædiclis periculis et videbit ; salulare meum in terra mea… xiii, 23 : Ipse

custodibit qui in periculo inciderint, lii sunt qui habenl opéra et fidem ad Fortissimum. — Baruch syriaque uv, 5 : « Tu illumines les choses obscures et tu révèles les choses cachées pour ceux qui sont sans tache, qui se sont soumis dans la foi à Toi et à ta Loi ; » 16 : e Car, en vérité, celui qui croit en reçoit la récompense ; » 21 : < Tu glorifieras ceux qui croient selon leur foi. »

Le rôle de la Loi.

Cependant dans le judaïsme

contemporain de.I.-C. se développe, avec une rigueur sans cesse croissante, une doctrine de la justification par la Loi et par ses œuvres. On peut en trouver le point de départ dans Eccli., xv, 11-10 : « Il a fait luimême l’homme dès l’origine et il l’a remis à son propre conseil. Si tu veux tu garderas les commandements. » — Eccli., xxi, 11 : « Celui qui observe la Loi maîtrise son penchant mauvais. » Nous voyons poindre la doctrine, jusqu'à un certain point nouvelle, de la justice propre, de la justice acquise par l’homme luimême et par la voie des œuvres. Le IVe livre d’Esdras précise le caractère de. ce penchant et célèbre la grandeur de la Loi destinée à le vaincre, iii, 17-22 : El factum est cum educeres semen ejus ex JEgqplo, adduxisti super montem Sina. El inclinasti cœlos et staiuisti terram et commovisli orbem et tremere fecisti abyssos et conturbasli sœculum et transiit gloria tua portas quatuor, ignjs et lerrœmotus et spirilus et gelu ut dares semini Jacob legem… El non abslulisti ab eis cor malignum ut faceret in eis lex tua fructum. Cor enim malignum bajulans primus Adam Irangressus et victus est, sed et omnes qui de eo nali sunt. El facta est permanens infirmilas et lex cum corde populi, cum malignilale radicis… Nous voyons ici la pensée juive frôler, mais sans l’atteindre, la notion de péché originel. Le cor malignum est antérieur à la chute ; la permanens infirmilas n’apparaît pas comme péché. Mais on voit dans quelles conditions se présente le problème de la justification et le rôle unique assigné à la Loi. Cf. IV Esdras, v, 27 ; vii, 21, 79 ; îx, 31-37. Cette doctrine, accueillie par les maîtres palestiniens, ira s’imprégnant de plus en plus d’un esprit strictement juridique et contractuel. Dieu tient au jour le jour la comptabilité des œuvres de chacun. Lors du jugement final, il n’y aura plus qu'à faire la balance, et à proclamer le résultat. Ps. de Salomon, ix, 7 sq. : « Nos actes sont au libre choix et au pouvoir de notre âme, comme de faire la justice ou l’injustice par les œuvres de nos mains. Quant (à Dieu) il observe en sa justice les fils des hommes. Celui qui fait la justice se thésaurise la vie près du Seigneur. Celui qui fait l’injustice est lui-même cause de perdition pour son âme. »

La doctrine, un peu indéterminée, de l’Ancien Testament sur la justification était incontestablement plus large et plus souple. Nous la voyons, dans le judaïsme postérieur et surtout palestinien, systématisée et faussée. C’est bien, cette fois, la notion de justice propre, fruit des œuvres propres, sans autre participation de Dieu que le don de la Loi, que saint Paul combattra et dont il assurera qu’elle n’a jamais été valable. Cf. W. Bousset, Die Religion des Judentuna im neuleslamentlichrn Zeilalter, Berlin, 2e édit., 1906, ]>. 445. Le caractère forensique et eschalologique de la justification s’affirme de façon exclusive. Ce n’est rien de plus qu’une sentence de Dieu

constatant et déclarant ce qui est. Elle s’effectue au dernier joui-, lors du jugement final.