Dictionnaire de théologie catholique/MAISTRE (Joseph de) II. Oeuvres

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 9.2 : MABILLON - MARLETTAp. 129-135).

II. Œuvres. — De Maistre appartient à l’histoire de la pensée religieuse par la plupart de ses œuvres d’abord, puis par la tournure générale de son esprit. Après les ouvrages indiqués, furent publiés, en 1851, par le comte de Maistre des Lettres et opuscules inédits de Joseph de Maistre, 2 in-8° ; par A. Blanc, en 1858, Mémoires politiques et Correspondance diplomatique…, in-8° ; en 1861, Correspondance diplomatique, 2 in-8° ; en 1870 par le comte Charles de Maistre, des Œuvres inédites, in-8°. De 1884 à 1886, parut à Lyon l'édition définitive des œuvres déjà publiées de Joseph de Maistre, sous ce titre : Œuvres complètes. Nouvelle édition contenant ses œuvres posthumes et toute sa correspondance inédite, 14 in-8°, dont les 6 derniers sont consacrés à la Correspondance. Depuis ont encore été publiées des Lettres inédites, en particulier, E. Daudet, Joseph de Maistre et Blacas leur correspondance inédile et l’histoire de leur amitié, in-8°, 1908. Il restait encore des manuscrits inédits ; cf. Goyau, op. cit., i, loc. cit., 1 er mars 1921, p. 139 ; récemment, le comte Xavier de Maistre en a publié une partie, sous cette désignation : Les carnets du comte Joseph de Maistre, in-8°, 1923.

1° Considérations générales sur la France, in-8°, Londres (Lausanne), 1796 : 3éditions parurent en 1797, MAISTRE JOSEPH DE

1666

i -. i.m ! us (Paris, Lyon, Baie). En 181 i. une nouvelle édition fut donnée.1 Paris, mais sans l’aasentlment de l’auteur et avec îles modifications qui lui déplurent. 1e texte dans los Œuvres complète » est

celui de 1797, t. i. p. i 184. Sont la préface < » u le prolongement de cet ouvrage, des Fragments sur la France, ibid., p. 187-220 ; 'Essai sur fa principe générateur des constitutions, ibid, p. 221-308 et îles Études sur la souveraineté, composées en IT'.U, p. 331-509.

En face de la Révolution triomphante, de Maistre, comme nombre d'émigrés Intellectuels, chercha à Lpliquer la Révolution française et son succès, et a pénétrer le secret de l’avenir. Cf. F. Baldensperger, le mouvement des idées dans l'émigration, t. n. l’rophites du passe. Théories de l’avenir, in- 12. Paris, s. d, 15). Il avait conçu la plan d’un vaste ouvrage ou il eût examiné les conditions de l’ordre social Idéal, a-dire Us origines et l’exercice do pouvoir, puis le droit à l’insurrection I enfin, dans une quatrième partie, il eût appliqué ses théories à la France, pour lui donner la consécration de l’expérience. Cf. Lettre à M. le baron Vignet des Etotes, ilu 22 août 1794, t. ix, p. 73-76 et I élire a M. le riconde de Bonald, 20 avril (2 mail 1812. t. xii. p. 124-126. Il ne réalisa pas ce vaste dessein, mais de là sortirent ses Éludes sur la souveraineté qu’il n’acheva pas et ne publia pas et lesConsidérations. — Une chose frappe « le Maistredansla Révolution : c’est cette force entraînante qui courbe tons les obstacles ; et que la Révolution mène les hommesplus que les hommes ne la mènent. Considérations, c. i. Abandonnant cette explication de la Révolution, que les émigrés avançaient volontiers d’une conspiration antichrétienne et antimonarchique, il revient à la grande idée chrétienne, déjà donnée par Bossuel comme explication à l’histoire du monde, la Providence. I.a l’mvideine seule rend la Révolution Intelligible. Si les chefs, des hommes inférieurs d’intelligence et de moralité, ont fort bien conduit le char révolutionnaire « c’est qu’ils n'étaient que les instruments d’une force qui en savait plus qu’eux… Jamais la divinité ne s'était montrée d’une manière si claire dans aucun événement humain ». Considération, c. i. Mais pourquoi ? Si elle emploie les instruments les plus vils, c’est qu’elle punit pour régénérer. » Ibid. Chaque nation, comme chaque individu, a reçu une mission qu’elle doit remplir. » La France exerce sur l’Europe une véritable magistrature. Elle était surtout à la tête du système religieux. Mais la France a été infidèle à sa mission. Elle s’est servie de son influence pour contredire sa vocation et démoraliser l’Europe. Considérations, c. n. Cf. Fragments sur la France, t. iv.

1. I.a France a commis » l’un des plus grands crimes que l’on puisse commettre, l’attentat contre la souveraineté. Si la souveraineté réside sur une tête et que cette tête tombe victime de l’attentat, le crime augmente d’atrocité. Mais si le souverain n’a mérité la mort par aucun crime, si >es vertus mêmes ont armé contre lui. le crime n’a plus de nom. A ces traits on reconnaît la mort de Louis XVI ; mais ce qu’il importe de remarquer, c’est que jamais un plus grand crime n’eut plus de complices. Or. tous les crimes nationaux contre la souveraineté sont punis sans délai d’une manière terrible. riions, c. h.

Toutes les théories de Rousseau sont fausses, en effet : théories du Contrat social, de la souveraineté du peuple et que la loi est l’expression de la volonté Générale. Ibid, c. iv, et Examen d’un écrit de J -.L Rousseau. Œuvres, t. vu. p. 503-569. I.a souverain, qu’il ne faut pas confondre avec la forme de gouvernement — vient de Dieu comme la société. Par nature, l’homme est un être social ; mais cet être social est mauvais ; il doit donc être gouverné ; ainsi toute société

suppose un pouvoir souverain qui décide sans appel.

Quant à la forme de cette souveraineté et a ses rapports avec ses subordonnes, en d’autres tenues, quant aux constitutions, une des grandes erreurs ih siècle qui les professe toutes fut de croire qu’une conslitu

tion politique pourrait être écrite et créée à priori', la i a i son et l’expérience se réunissent pour établir qu’une

Constitution est une œuvre divine '. Essai sur le principe générateur § 1. Dieu la fait pour ainsi dire

germer comme une plante, par le concours d’une Infinité de Circonstances. ou bien, plus souvent, il charge de la créer des hommes rares, de véritables l élus »

qu’il investit d’une puissance extraordinaire > el

qui ont ce caractère distinctif qu’il sont rois ou

éminemment nobles >. Étude sur la souverainté, c. mi : Considérations, c. m. Y a-t-il donc une forme naturelle de gouvernement ? Le meilleur gouvernement pour chaque nation est celui qui, dans l’espace

de terrain occupé par celle nation, est capable de

produire la plus grande sommede bonheur et de force possible, au plus grand nombre d’h< mines possible, pendant le plus longtemps possible. » Élude, p. 494. Ainsi, la forme républicaine conviendra à de très petits étals, niais non à de plus grands. Au fond, la monarchie est le meilleur, le plus durable des gou vernements et le plus naturel à l’homme*. Du pape I. IV, c. vi. Pour la France, cela ne fait aucun doute cl les Français doivent travailler an rétablissement de la monarchie. Considérations, c. viii.

2. Mais le grand crime de la France, ce fut la guerre au christianisme : Qu’on nie les idées religieuses ou qu’on les vénère, n’importe : elles n’en forment pas moins, vraies ou fausses, la base unique de toutes les institutions durables. » Considérations, c. v. Deux choses sont démontrées, dit-il encore, lissai sur le principe générateur, § 0(1 : d’un côté, le principe religieux préside à toutes les créations politiques, et del’autre.lout disparaît, d « s qu’il se relire. » Or, « l’Europe entière a été civilisée parle christianisme, et l’on pouvait dire de tous ses États ce que Gibbon a dit de la France que ce royaume avait été fait par des évêques. » Ibid, § G5. Mais, le xviiie siècle fit une guerre à mort au christianisme : > les philosophes le poursuivirent comme un ennemi capital, » et ils s'élevèrent même de la haine du christianisme jusqu'à la haine personnelle contre son divin auteur. » Ibid, § C4. Cf. Fragments sur la France, t. m. Dès lors, il y a dans la Révolution un caractère satanique : Qu’on se rappelle les lois, les mesures officielles, tout cela sort du cercle ordinaire des âmes. » F.t maintenant, ajoute-t-il que les grands excès ont disparu… les législateurs n’ont-ils pas prononcé ce mot isolé dans l’histoire : La nation ne salarie aucun culte. » Considérations, c. V

Ainsi s’explique la Dévolution. Elle est d’abord le châtiment de la France infidèle à sa mission. Mais en même temps la protection de Dieu est visible sur elle. Dieu a, sans contredit, donné à la France le succès des armes : il veut donc la sauver. S il la châtie, c’est pour la guérir. C’est du reste une loi générale de sa providence : « Tout châtiment a une vertu rédemptrice, et où le sang coule l'âme humaine a des chances de se retremper. Ibid., c. m. Combien donc les puissances de l’Europe se sont trompées sur la France I combien elles ont médité des choses vaines, i Ibid., c. 11.

Quel est exactement le décret divin sur la France, sur l’Europe ? Nul ne le peut dire avec certitude. Cependant tout annonce que l’ordre de choses établi en France ne peut durer. et que l’invincible nature doit ramener la monarchie. - Ibid., e. viii. I.a République ne peut durer. Elle est une folie dans son principe, et ses succès extérieurs ne doivent pas faire illusion sur sa durée. Ibid., c. [V. Toutes les raisons imaginables mréunissent pour établir que le sceau divin n’est pas

sur cet ouvrage », qu’est la constitution de 17 ! ».") ». Ibid., c. vi. Les « prétendus dangers d’une contrerévolution sont créés par l’imagination des coupables » qu’elle menacerait et, en réalité, « le rétablissement de la monarchie qu’on appelle contre révolution, ne sera point un révolution contraire, mais le contraire d’une révolution. » Ibid., c. x.

2° Les Soirées de Saint-Pétersbourg ou entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, 2 in-8°, 1821. Œuvres, t. iv et v, auxquelles se rattachent deux écrits de moindre étendue : Éclaircissements sur les sacrifices, t. v, p. 283-362, et Sur les délais de la justice divine, traduction d’un traité de Plutarque, in-8°, 1816, Œuvres, t. v, p. 382-470. Ces ouvrages, qui tous traitent du gouvernement de la Providence se relient par là aux Considérations.

Les Soirées sont une suite de Il entretiens entre le comte, Joseph de Maistre, le sénateur, un Russe illuminé, M. Tamara, et le chevalier, un jeune émigré français sceptique, de Bray, devenu représentant de Bavière à Pétersbourg. Cf. abbé J. Loth, Le Chevalier des Soirées de Saint-Pétersbourg, dans Mémoires de l’Académie de Rouen, 1883-1884. Ces entretiens touchent à de nombreuses questions, mais toutes se ramènent au gouvernement de la Providence, à l’ordre qu’elle assure dans le monde, aux rapports de l’homme avec Dieu, du libre arbitre avec la puissance divine. Sur ces points de Maistre contredit les solutions rationnelles du xviiie siècle par les solutions traditionnelles.

Une belle nuit d'été sur les bords de la Neva, les trois amis sont amenés à discuter « le grand scandale de la raison humaine, savoir, le bonheur des méchants et le malheur des justes » et par là « à sonder, autant du moins qu’il est permis à la faiblesse humaine, l’ensemble des voies de la Providence dans le gouvernement du monde moral >. L’autre vie assurera le triomphe de la justice, disent habituellement les défenseurs de la Providence. De Maistre va plus loin : il est faux, dit-il, « évidemment faux que le crime soit en général heureux et la vertu, malheureuse en ce monde… Les biens et les maux sont une espèce de loterie où chacun sans distinction, peut tirer un billet blanc ou noir. Il faudrait donc changer la question et demander, pourquoi, dans l’ordre temporel, le juste n’est pas exempt des maux qui peuvent affliger le coupable, et pourquoi le méchant n’est pas privé des biens dont le juste peut jouir ? » I er entretien, Œuvres, t. iv, p. 15. Mais « une loi générale, si elle n’est injuste pour tous, ne saurait l'être pour l’individu. Une loi juste n’est point celle qui a son effet pour tous, mais celle qui est faite pour tous ». Or, le mal physique, la souffrance, n’existe dans le monde que comme remède ou expiation du mal moral qui est le péché. Il est ainsi une loi générale. Ibid., p. 22-25. L’homme de bien souffre donc, non parce qu’il est homme de bien, et le méchant prospère, non parce qu’il est méchant, mais parce qu’ils sont hommes l’un et l’autre. Et même, à bien examiner les choses, si « le plus grand bonheur temporel n’est nullement promis et ne saurait l'être à l’homme vertueux », du moins « la loi visible et visiblement juste est que la plus grande masse de bonheur, même temporel, appartient à la vertu ». Imaginez un autre ordre de choses comme serait, par exemple, la récompense immédiate de l’action vertueuse ou le châtiment immédiat de l’action coupable ; aura-t-il seulement « une apparence de raison et de justice » ? I er et VIIIe entretiens, passim.

Que le châtiment soit un rouage nécessaire du monde, c’est une des croyances les plus anciennes de l’humanité « Le châtiment gouverne l’humanité entière, le châtiment la préserve » disent les lois de Manou.et, dans notre société, « toute grandeur, toute

puissance, toute subordination repose » sur le bourreau ; i ôtez du monde cet agent incompréhensible : dans l’instant même l’ordre fait place au chaos ». Ainsi ' fi y a sur la terre un ordre universel et visible pour la punition temporelle des crimes, et du vice ». I er entretien, passim..Mais tout homme est criminel ou de sang criminel. Le péché originel, qui explique tout, et sans lequel on n’explique ien », est la première affirmation de la solidarité par a race et le sang. Il a entraîné en chacun de nous « la capacité de tous les mau » parce qu’il est, « abtraction faite de l’imputation, la capacité de commettre tous les crimes ». Et « il y a des prévarications originelles de second ordre », c’est-à-dire, qui pèsent sur une descendance. De là viennent ces sauvages qui sont des dégénérés, et leur dégradation se manifeste dans leur langue. IIe entretien.

Si l’homme se plaint sans cesse de la Providence, c’est qu’il ignore les vrais biens, ses propres vices et ce que valent ses tristes vertus. Le vrai juste opprimé ne se plaint jamais. IIIe entretien. D’ailleurs, la Providence permet à l’homme de lutter contre les maux qui le frappent et même, puisque ces maux sont des châtiments, de les prévenir par la prière. L’humanité l’a toujours cru. Sans doute « une philosophie aveugle ou coupable ne voyant dans le mal physique qu’un résultat inévitable des lois de la nature », nie la puissance de la prière, mais aucune objection ne peut tenir contre les faits. « Les fléaux dont nous sommes frappés et qu’on nomme très justement fléaux du ciel sont des lois de la nature, comme les supplices sont des lois de la société », donc* d’une nécessité purement secondaire qui doit enflammer notre prière au lieu de la décourager ». IVe, Ve, VIe entretiens et VIIIe, p. 82, 83. De ces fléaux, châtiments du vice, la guerre, si contraire à l’instinct de sociabilité, avec cette gloire qu’elle apporte au soldat, tandis que le bourreau, « l’exécuteur des arrêts de la justice souveraine, occupe l’autre extrémité de l'échelle sociale », la guerre mystérieuse est une loi du monde. Elle est un anneau de cette longue chaîne des expiations par le sang qui font de la terre « un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin… jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à la fin du mal ». De quelque côté qu’on la regarde, la guerre apparaît comme divine. VIIe entretien.

Enfin les souffrances du juste lui sont utiles et glorieuses ; « elles le perfectionnent et accumulent ses mérites ». VIIIe entr., t. v, p. 85 ; elles sont pour lui un moyen d’expier sur terre, avant ce Purgatoire dont l’existence est si compréhensible. Ibid., t.v, p. 89. De plus « le juste en souffrant volontairement ne satisfait pas seulement pour lui, mais pour le coupable par voie de réversibilité ». Ibid, p. 90, et IXe entretien. Dieu n’a-t-il pas accepté « les souffrances du Christ comme une expiation des péchés du genre humain » ? IXe entretien, t. v p. 121. Le dogme des indulgences n’est qu’une application du dogme universel de solidarité et de réversibilité ainsi prouvé. Xe entretien.

Les Éclaircissements sur les sacrifices développent ces idées : 1° On a toujours cru qu’il y avait dans l’effusion du sang une vertu rédemptrice ; 2° qu’une vie pouvait être offerte pour une autre plus précieuse. Ce dogme de la substitution enfanta même les sacrifices humains ; 3° il n’y a pas de religion entièrement fausse. Le paganisme, en affirmant universellement la rédemption par le sang, ne pouvait se tromper. Le christianisme a simplement « notifié » cette « idée universelle » qui lui avait « rendu d’avance le témoignage le plus décisif ».

Le traité Sur les délais de la justice divine, traduction libre d’un traité de Plutarque, justifie la Providence de ne point punir toutes fautes immédiatement. De Il I '

M US II ! I [JOS] l’ii Dl

1670

Maistre Soit es, 1 1 [ entretien, t. iv, ». 160, a kit dll :

  • si elle (l.i Justice divine) paraît quelquefois ne dm

percevoir les crimes, elle ne suspend nos coups que

p.ir des motifs adorables. Ayant trouve ces motifs admirablement exposés dans i cent de Plutarque, il crut bon tic le traduire.

Du Pape, 2 iu S". 1 yon, 1819, Œuvres, t. u et D,

illicane, in-S'. Paris, 1821, ibid., t. ni.

1. Du Pape, a pour épigraphe les paroles de {'Iliade,

11. 204, ::. : I. OÇ éa-io ; c’est une exaltation tic la

papauté, vie ses droits, de son rôle et de sou action.

lui l'écrivant, cet homme du monde » voulut ira

ailler pour l'Église a laquelle < son ordre. la noblesse, avait nui au siècle précédent, et dont les ministres

avaient une si lourde tache. Il fut. sans doute, amené I choisir ce sujet par ses méditations SUT les rapports

de l’ordre social et de la religion, et sur les conditions d’influence de la religion, d’où il avait conclu : Sans la pape, il n’y a plus de christianisme, et, par une suite inévitable, l’ordre social est blesse au cour, i Préface de la première édition (par G. M. Déplace). Il visera surtout la France, cf. Discours préliminaire. Mais il aura aussi la préoccupation de la Russie. Il l’avait vue un peu lasse de son isolement religieux, désirer d’abord se rapporeher de Rome, puis caresser le rêve d’un christianisme universel tendant a un protestantisme large par l’Hluminisme, et il voulait lui proposer la seule forme d’unité que révèle féconde l’expérience sociale et politique.

I livre lui parut arriver à une heure propice. Un jeune Moldave, Stourdza, annonçait et. en 1816, faisait paraître une apologie de l’orthodoxie russe et un ardent réquisitoire contre l'Église romaine, de tendance wi tiniste sous ce titre : Considérations sur la doctrine et l’esprit île P Église orthodoxe. in-8°, SluttgardVcima---l, aris. Cf. Lettres du il (23) février 1817 au cardinal Severole. Œuvres, t. xiv, p. 56-59, d’avril 1M1 7 à M. le comte de Vallaise, ibid. p. 82-84. Rome tient beaucoup à la réfutât ion de cet ouvrage », écrira, le US septembre 1818, de Maistre à Déplace. ibid.. p 151, mais à ce moment, son livre était presque terminé et, quand il parut, ce livre n’eut de Home aucune approbation officielle. Rome n’en est donc insable à aucun titre. De Maistre n’est pas le seul responsable cependant. Désireux de ne blesser Rome à aucun prix, il avait cherché un censeur. Il finit par trouver un homme de lettres lyonnais, Guy-Marie Déplace. Ce fut un correcteur attentif, dont il semble bien que le nom doive être inséparable désormais seph de Maistre Brunetlère, Joseph de Maistre et ion livre Da pape, dans Revue des Deux '. iii, p. 224. Cf. Lettres inédite- ; de.I. de Ire à M. Déplace et Notice sur /es différentes éditions Du Pape et sur M. Déplace, en tête de la '2 ! édition de l’ouvrage. ln-8°, Paris, 1874. La préface de la première édition, anonyme, est l'œuvre de Déplace.

Kn 1820, de Maistre publia, a Paris, une seconde édition, revue et corrigé. édition définitive, à laquelle il mit unpréface. Le livre est précédé d’un Discours préliminaire, où l’auteur justifie son dessein et dit s'être particulièrement occupé de la France ».

Du pape comprend I livres. Le premier intitulé : /)(/ pape dans ses rapports avec V Église catholique, démontre comment l'Église universelle, appelle la suprématie pontificale et celle-ci l’infaillibilité du souverain pontife, l’as d'Église universelle sans un chef que l’on ne puisse soupçonner d’erreur. Pas n’est In de la théologie pour démontrer cela, invoquer

  • la nature des choses suffit. L’ordre naturel, c’est

que l'Église, société, soit gouvernée comme toute autre association —, que son gouvernement soit une monarchie, vu « le nombre des sujets et l'étendue géographique de l’empire.. Qui dit suprématie dit infail libilité. Ne faut il pas que toute souveraineté son

absolue et que SOS décisions ne puisset cire attaqué) comme erronées ? Il y a la un postulat de la e

sociale. » Goyau, loc. cit., i, p.619. Dans la pratique « l’erreur ne saurait donc être opposée au souverain pontife. pas pins qu’aux souverains temporels. C. i, cf. Étude sur ht souveraineté.

Mais l’infaillibilité du pape n’est pas seulement présupposée comme une nécessité de l’ordre social

elle est réelle, divinement promise elle est « invinciblement démontrée par toute l’histoire, par 1rs témoignages dis catholiques, c. vi, d s dissidents eux-mêmes, gallicans, c. mi. Jansénistes, c. viii, pro testants, c ix, et orthodoxes, c. x. J. de Malstn

s’appliquait à réfuter la célèbre et vaine distinction de Bossuel du Siège t de la personne c. xi i I l’obji C lion qui devait revivre au concile du Vatican « de cctie fameuse session iv, où le conclh (le conseil) d

Constance se déclare supérieur au 1 ape. xii. Rien

dans l’histoire de la papauté ne pi rmel « le l’accusi r

d’erreur, c. xv ; rien non plus n justifie le préjugé protestant contre l’infaillibilité « représentée comme un despotisme épouvantable. lue chose, en particulier, prouve pour Joseph de Maistre que la suprématie pontificale a une source divinc « si qu’elle n’a point été dans son origine ce qu’elle fut quelques siècles après : niais c’est en cela précisément qu’elle se montre divine : car, tout ce qui existe légitimerai ni et pour des siècles existe d’abord en germe et se développe successivement, i C. VI.

Le livre II. Du pape dans ses rapports arec les souverainetés temporelles, justifie contre la Déclaration de 1682 qui la repousse absolument, contre les philosophes <iù l’ont attaquée comme funeste, l’autorité que les papes exercèrent, au Moyen Age et après, sur les rois et sur les peuples. Il ne s’occupe de justifier ni le pouvoir direct ni le pouvoir indirect ; il prend les faits : ces faits ne sont que l’application des lois naturelles. C. ix, Justification de ce pouvoir. — Si la souveraineté est nécessaire et en quelque manière absolue, c. i. ii, ut. cependant « il n’y a point de gouvernement qui puisse tout. lui vertu d’un loi divine il y a toujours, à côté de toute souveraineté, une force quelconque qui lui sert de frein, une loi, une coutume, la conscience, une tiare, un poignard ». C.ix ; cf.c. metiv. Or, « l’autorité des papes fut la puissance choisie el constituée dans le Moyen Age pour faire équilibrée la souveraineté temporelle et la rendre supportable aux hommes, C. ix. i II n’arriva là que ce qui devait arriver. Les papes étaient supérieurs par la sagesse et par la science ; ils commandaient à toute la science de ce temps-là ; ils curent aussi pour eux le principe très vrai que toute souveraineté vient de Dieu ». C’est pourquoi, la force des choses les investit, d’elle même et sans contradiction, de cette supériorité donl on ne pouvait se passer alors. C. x. Et la chrétienté n’eut pas à s’en plaindre. Les papes ont lutté quelquefois avec les souverains jamais avec la souveraineté. L’acte même par 1 quel ils déliaient les sujets du serment de fidélité, déclarait la souveraineté inviolable r, C. v. L’ordre social n'était donc pas troublé. La souveraineté sortait même grandie de cette intervention du représentant de Dieu. Ibid. D’ailleurs, c’esl seulement quand il y avait « rnnel abus, grand crime ou grand doute, que le souverain pontife interposai ! son autorité. C. x. Les papes ne luttèrent jamais que pour ce triple but : la sainteté du mariage, le maintien des lois ecclésiastiques, la liberté de l’Italie, c vii, et, dans tout cela, ils n’ont jamais prétendu excnei qu’une puissance purement spirituelle. C. viii. « L’hypothèse de toutes les souverainetés chic tiennes, réunies par la fraternité religieuse, en une sorte de république universelle sous la suprématie L671

MAISTRE JOSEPH DE

1672

mesurée du pouvoir spirituel suprême, n’avait rien de choquant », conclut de Maistre, et il ajoute « je ne vois pas que les temps modernes aient imaginé rien de meilleur ni même d’aussi bien ». C. x. « Une fièvre constitutionnelle s’est emparée de toutes les têtes, et l’on ne sait encore ce qu’elle produira… Qu’est-ce donc que les souverains ont gagné à ces lumières tant vantées et toutes dirigées contre eux ? J’aime mieux le pape. » C. xi.

Le livre III traite Du pape dans ses rapports avec la civilisation et le bonheur des peuples. Tout bienfait du christianisme est un bienfait du pape. « Sans le pape, l’institution divine perd sa puissance et sa force convertissante ; sans le pape, ce n’est plus qu’un système, une croyance humaine, incapable d’entrer dans les cœurs et de les modifier. » Résumé et conclusion. Aux papes revient l’honneur de la civilisation universelle : « A peine le Saint-Siège est affermi que la sollicitude universelle transporte les souverains pontifes, et les missions se multiplient efficacement », c. i ; l’honneur aussi d’avoir éteint la servitude, c. m (cf. Quatre chapitres sur la Russie, c. i. De la liberté, t. viii, p. 279-297) ; l’honneur d’avoir grandi l’humanité par l’institution du sacerdoce, c. ni et surtout d’avoir créé « ce miracle », la monarchie européenne. C.iv.

Le livre IV, Du pape dans son rapport avec les Églises nommées schismaliques, expose combien la suprématie du pape manque à l'église gréco-russe qu’il appelle photienne. Elle mérite de porter ce nom, puisque Photius l’a séparée de Rome « comme celle de Genève est calviniste, celle de Wittenberg est luthérienne » et, on le sait, toute religion qui porte le nom d’un homme ou d’un peuple est nécessairement fausse. C. iv. Les motifs que cette Église ou plutôt ces Églises invoquent pour justifier leur sécession d’avec Rome, cachent mal les mobiles qui les ont poussées. C. iv-xi. Et, parce qu’elles sont en insurrection contre l’unité souveraine, et séparées de celui à qui « appartiennent les promesses, » « elles sont stériles, » et elles sont protestantes. Il y a entre elles et les formes diverses du potestantisme une sympathie qui s’explique par la haine du pape ; mais elles connaîtront aussi « toutes les phases de dissolution que le protestantisme luthérien et calviniste a déjà mises sous nos yeux. » Qu’elles soient encore « comme des cadavres gelés dont le temps a conservé les formes, » c’est possible, mais « le vent de la science qui est chaud va souffler sur elles : il arrivera ce qui doit arriver selon les lois de la nature. » « Aucune religion, excepté une, ne peut supporter l'épreuve de la science. » C. v et n.

La conclusion de l’ouvrage est d’abord un pressant appel à l’unité adressé aux protestants « qui ont parcouru le cercle entier de l’erreur, » et plus encore aux anglicans : ceux-ci semblent destinés en effet « à donner le branle au grand mouvement religieux qui se prépare. » § 4. Que les Français, « qui ont sans doute de grands préjugés à vaincre, » ne laissent pas échapper cette occasion « de s’employer efficacement et en première ligne à la reconstruction du saint édifice. » Qu’ils cessent d'être gallicans : le gallicanisme est une espèce de protestantisme, § 11, de ce protestantisme qui a préparé les philosophes du xviiie siècle et par eux la Révolution. § 13 et 14. Que tous les ennemis du Saint-Siège, qui avaient annoncé sa chute définitive, en voyant lî pape, « chassé, exilé, privé de ses États par une puissance prépondérante et presque surnaturelle devant qui la terre se taisait, » contemplent aujourd’hui sa résurrection. La main de Dieu n’est-elle pas là? § 1C et 17. Puis, il termine par un acte de foi et d’amour, inspiré de Rossuet et de Fénelon en « la sainte Eglise romaine ».

2. De l'Église gallicane dans son rapport avec le souverain pontife, pour servir de suite à l’ouvrage

intitulé Du pape, par l’auteur des Considérations sur la France. Dès son apparition le livre Du pape avait été attaqué par des ultramontains qui lui reprochaient la manière dont il envisageait l’infaillibilité : Préface de la 2e édition. Cf. Études du 5 octobre 1897, p.."3-.J2, Arnica collatio ou échange d’observations sur le livre français intitulé : Du pape, manuscrit de J. de Maistre, publié par le P. de Maistre ; Goyau toc. cit., ii, p. 618. Il avait été attaqué aussi par les gallicans, Préface. Et à ce sujet, de Maistre disait dans cette même préface, datée du 30 juillet 1820 : « l’auteur avoue n’avoir pas un fort grand respect pour les maximes gallicanes. » Il les avait même attaquées de front dans un Ve livre de son ouvrage, intitulé : Du pape dans son rapport avec l'Église gallicane ; mais il a supprimé ce Ve livre, parce qu’il se trouvait hors de proportion avec les autres, et encore « parce qu’il avait une couleur polémique, peu en harmonie avec le reste de l’ouvrage ». La préface de l'Église gallicane rappelait ces indications.

Cet ouvrage qui comprend 2 livres : I. De l’esprit d’opposition nourri en France contre le Saint-Siège et de ses causes ; IL Système gallican, Déclaration de 1682, est une charge contre le gallicanisme, ses inspirateurs et défenseurs. De Maistre avait dit dans le Pape, c. iv : « Toute religion qui porte le nom d’un peuple est nécessairement fausse, » et la première phrase de son Église gallicane est celle-ci : « Pourquoi dit-on l'Église gallicane comme on dit l'Église anglicane ? et pourquoi ne dit-on pas l'Église espagnole…? » Il conclut de là et de cette parole de Gibbon : « L'Église gallicane, placée entre les ultramontains et les protestants reçoit les coups des deux partis, « non pas qu’elle soit sortie de l’unité en dehors de laquelle on n’est plus dans la vérité, mais elle a eu l’air « en se contemplant trop de ne pas se rappeler assez qu’elle n'était qu’une province de l’empire catholique. » L. I er, c. i.

A qui doit-on la malheureuse opposition à Rome « qui causa tant de maux au christianisme » ? A l'Église gallicane seule ? Non. Que l’on considère « les difficultés que l’on éleva en France contre l’admission pure et simple du concile de Trente » ! Aux États généraux de 1615, le clergé la voulait, mais l’esprit calviniste survivait dans le tiers-état et plus encore dans le parlement, et les prélats sont obligés de céder. « Protestant dans le xve siècle, frondeur et janséniste dans le xviie, philosophe enfin et républicain dans les dernières années de sa vie, » le parlement de Paris a pour trait distinctif « son opposition constante au Saint-Siège ». Le mal fut grand, surtout à partir du jour où l’esprit janséniste se répandit dans toute la magistrature. « Alors le parlement devint en totalité anticatholique, et tel que, sans l’instinct royal de la maison de Rourbon et sans l’influence aristocratique du clergé, la France eût été conduite infailliblement à un schisme absolu. » Ibid., c. u.

Mais l’animosité de l’auteur s’affirme surtout contre le jansénisme, « une secte, ennemie, comme sa mère, de toute hiérarchie, de toute subordination, » contre « ses dogmes atroces, son caractère odieux, sa filiation et sa paternité également déshonorantes, ses menées, ses intrigues et son insolente obstination, » c. xii ; cf. c. m-v, contre Port Royal qui l’incarna. L’influence de Port-Royal a été funeste. « Port-Royal divisa l'Église ; il créa un foyer de discorde, de défiance et d’opposition au Saint-Siège ; il aigrit les esprits et les accoutuma à la résistance… » C. v. On peut vanter « la piété, les mœurs, la vie austère, des gens de ce parti. Tout ce rigosrisme ne peut être en général qu’une mascarade de l’orgueil. » C. vi. « La réputation littéraire d Port-Royal » elle-même est usurpée. C. vi-vm. » Pascal est le seul écrivain de génie qu’ait, je ne dis pas produit, mais logé pendant quelques moments la L673

M USTRE (JOSEPH DE

1 67 '.

trop rameute maison.. C. v. Mais, .1 n’a m. la valeur monde, ni ta valeur littéraire qu’on lui prête. L Eguse M doit rien à Pascal pour ses ouvrages dont elle se passerait fort aisément C…. Cf. Sainte-Beuve 1 ortRogal, principalement, livre 111. p. " » " »  »  » « "> s’efforce de réfuter les assertions de Joseph de Malstre. Puis le livre II. de Malstre, étudie d’abord es eauses prochaines de la Déclaration de ' -*' ' affaire de 1. Régale et surtout la caractère <le Louis XIV. vutant.1 a loue ce roi d’avoir agi vigoureusement, mais non cruellement, contre la secte Janséniste, autant il Màme son. inflexible hauteun dans ses conflits avec Rome, principalement le conflit de la Régale. C i. u. Puis, il étudie eette assemblée de 1682 dont Colberi fut le premier moteur. OÙ les prélats les plus Influents vinrent avec le désir de mortifier le pape : et où Bossuet lui-même ne sut pas être indépendant. C. m. Enfin il juge les guafre artfefes 1 un des plus tristes monuments de l’histoire ecclésiastique, l’ouvrage de l’orgueil, du ressentiment, de l’esprit de parti, et par-dessus tout de la faiblesse. Prenant a partie deux apologies qui viennent de paraître des maximes de l'Église gallicane : Défense des libertés de lise gallicane, par feu M. Louis Malhias de Banal. archevêque de Tours, in-l'. Paris. 1818, et Exposition de la doctrine de VÉglise gallicane, par rapport aux prétentions de la cour de Rome par Dumarsais… avec un discours préliminaire par M. Clavier. in-S Pans 1817, il montre ces quatre articles propres seulement t a rendre le gouvernement de l'Église difficile ou impossible, » ct, « aussi viciés pour la forme que pour le fond. Us ne présentent, en effet, que des énigmes perfides dont chaque mot prête à des discussions interminables… ; il n’y a pas de rebelle qui ne les porte dans ses drapeaux. C. m. V. Les nations catholiques protégèrent contre la Déclaration dont quelques-uns avaient la prétention de faire une loi de l'Église universelle, et les papes la condamnèrent. Mais il y a mieux. Louis XIV, qui déjà avait arrêté le zèle schismatique de rassemblée, reconnut le vice des quatre articles ; toutefois il n’eut pas. la force de les révoquer d’une manière également solennelle. ; leurs auteurs mêmes les condamnèrent et si Bossuet, « le rédacteur mais non le promoteur des quatre articles et qui dans l’assemblée s'était rendu « infiniment utile à l'Église en supposant à des hommes emportés, et surtout en faisant avorter, une rédaction entièrement schismatique », tenta une Défense de la Déclaration, soit sur l’ordre de Louis XIV, soit « par le mouvement même de ses idées, » tout prouve qu’il n’en fut pas content et qu’elle fut publiée « au mépris des volontés les plus sacrées de l’auteur. » C. vi-x. Cf. art. Bossuet, t. ii, col. 10631066, et Déclaration de 1682, t. iii, col. 185-205. Et de Maistre pressait « le fils de saint Louis » qui avait retrouvé le trône de son ancêtre de ne pas maintenir, en les signant, les fameux articles. Enfin, après avoir dénoncé « l’affinité théologique entre les quatre propositions et le jansénisme, il montre que les libertés de l'Église gallicane, telles surtout que les exposent les Pierre Pithou et les Dupuis, assurent l’asservissement de l'Église même au pouvoir civil. Sur un seul point, et c’est un malheur, cette Église est parfaitement libre ; entre elle et le Saint-Siège « les quatre articles ont produit une véritable scission qui ne différait de celle d’Angleterre, par exemple, que, parce que, d’un côté, elle était avouée, et que, de l’autre elle ne l'était pas ; et qu’on refusait en France de tirer les conséquences des principes qu’on avait posés. C. xv. Si l’on cherche les raisons de ce fait, c’est d’abord la modération du Saint-Siège ; c’est aussi l’esprit vraiment royal de l’auguste maison qui gouverne la France. La troisième enfin « c’est le caractère droit et noble, c’est la conscience savante,

c’est le tact sur du s.uerdoee français, i >e Malstre termine son ouvrage par i un appel au clergé français. il manque a la gloire de ce clergé, d grande après la

révolution, une victime sur le préjugé Qu’il renonce au préjugé gallican et que tous les hommes sages trouvent dans les choses eette leçon qu’elles apportent : i la nécessite, c’est-à-dire, {'existence d’un pouvoir suprême, unique, Indéfectible, établi par Celui qui ne

nous aurait rien appris s’il nous avait laissé le doute, établi pour épargner aux enfants de la vérité, l’infortune et la honte de diverger comme l’erreur. » C. xv….

i" Examen de la philosophie iBacon, achevé en 1815, publié seulement eu 1826, 2 in 8° ; Œuores, t. vi,

i.rai un grand ouvrage par les mains, écrivait de Maistre à lionald.le l « (13) Juillet 1814, Œuvres, t. xa,

p. 428 ; il s’agirait entre autres petites choses, d'ôter le sceptre de la philosophie rationnelle aux Anglais et de le rendre à notre langue, i En effet, c’est des Anglais que la secte philosophique a pris. ce système absurde qui voudrait, pour ainsi dire, matérialiser l’origine de nos Idées. Soirées, 11° entretien. Œuvres, t.rv, p. 109. Il s’en ]. rend donc durement à Locke. De l’Essai sur l’entendement humain, l’on peut demander : Montrezmoi le défaut qui ne s’ij trouve pas. Quant a l’auteur, ce qui le caractérise, c’est l’hostilité à l'égard de toute autorité morale, des idées reçues « et par-dessus tout, de son Église ; » c’est ensuite la passion de contredire. C’est enfin la médiocrité : il est logicien médiocre, savant médiocre, erudil médiocre. Médiocre littérateur, il fut également médiocre philosophe : « il ne s’est pas toujours entendu lui-même ; » il a donné de la liberté une idée absurde ; il s’est contredit sur la question du principe pensant, et sur la question de l’origine des idées, « il a constamment battu la campagne. Enfin « après avoir posé les fondements d’une philosophie aussi fausse que dangereuse, son fatal esprit se dirigea sur la politique avec un succès non moins déplorable. Il a parlé sur l’origine des lois aussi mal que sur celle des idées ; et il a posé des principes dont nous voyons les conséquences. Ces germes terribles animésdans les boues chaudes de Paris, ont produit le monstre révolutionnaire. » lbid., VI 8 entretien, p. 316-377.

Plus longuement, de Maistre discute 1 auteur du Novum organum. Il a parlé deux fois entre autres de Bacon ; une première fois, dans les Soirées, V » entretien, principalement p. 268-274. « C<-s six pages, dit A. de Margerie, sont un modèle ; elles ont la force et elles ont la mesure. Il y réduit à sa juste proportion l’influence de Bacon sur le progrès moderne, c’est-à-dire à zéro ; et la direction matérialiste qu’il donne à la science y est signalée sans exagération. » Examen, préface, Œuvres, t. vi, p. i et n.

L’Examen de la philosophie de Bacon, dit le même critique est - un livre puissant et passionné.. lbid., p. x. De Maistre examine successivement la méthode de Bacon la part qui lui revient dans les conquêtes modernes de la science, ses théories cosmologiques et physiques, le but et l’esprit général de sa philosophie, en ce qui concerne Dieu, l’homme et la nature, et de cet examen, il conclut que sa méthode est sans valeur et a été sans action. « que ses vues scientifiques sont fausses et puériles, que le but de sa philosophie est la destruction de toute philosophie et principalement de toute philosophie religieuse. » De Margerie, ibid., p. x. Mais ce qu’il reproche surtout à Bacon, c’est que « sa philosophie tend à bannir Dieu du monde, à tout expliquer sans Lui, à rayer de la liste des connaissances humaines celles qui l’ont directement pour objet. Id ibid p xix, « En résumé conclut le même auteur, ibid p. xxv, d’une part, Joseph de Maistre s’est trompé autrement que Bacon sur la nature vraie et la marche de l’induction ; il c uiteste a tort la valeur

critique des procédés de sa méthode ; il ne justifie pas l’accusation d’avoir voulu par un dessein réfléchi et caché faire servir sa méthode et sa science à la destruction du christianisme. Mais, d’autre part, il établit victorieusement : 1° que Bacon n’est nullement, comme on l’a dit, le père de la méthode et de la science expérimentales ; 2° que sa méthode, soit par ses procédés, soit par son but, est impropre aux découvertes et n’en a causé aucune ; 3° que sa conception de la science, enferme l’expérience humaine dans la sphère du sensible et, supprimant la métaphysique, conduit à nier ou éliminer toutes les vérités de l’ordre moral. »