Dictionnaire de théologie catholique/MARIE I. Privilèges essentiels de la Vierge Marie II. Médiation universelle de Marie en vertu de sa maternité divine

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 9.2 : MABILLON - MARLETTAp. 492-502).

II. Médiation universelle de Marie en vertu de sa maternité divine

La médiation universelle de Marie étant une conséquence de sa maternité divine, telle qu’il a plu à Dieu de la réaliser dans l’ordre actuel, il convient de l’étudier immédiatement après la maternité divine, bien que l’exercice plénier de cette médiation ait été possédé par Marie seulement après son entrée au ciel.

Nous allons donc considérer la médiation universelle de Marie sous le double aspect de l’acquisition et de l’impétration de toutes les grâces, en dépendance de la médiation de son divin Fils.

I. MÉDIATION UNIVERSELLE DE MARIE POUR L’ACQUISITION DE TOUTES LES GRACES

Implicitement contenue dans le Nouveau Testament, cette vérité a été exprimée par la tradition catholique constante.

C’est une vérité implicitement contenue, dans l’enseignement néo-testamentaire. Luc. i. 26-38.

L’archange Gabriel négocie avec Marie le grand événement duquel doit dépendre le salut du monde. Comme condition pour l’accomplissement de l’incarnation, l’ambassadeur céleste demande le consentement de Marie : il attend la réponse de Marie et s’éloigne seulement après l’avoir obtenue.

Ce qu’il importe surtout d’observer, c’est que l’incarnation pour laquelle le consentement de Marie est demandé, c’est l’incarnation rédemptrice entraînant. pour Marie une participation aux souffrances de son divin Fils et à son œuvre régénératrice. Ce que montrent particulièrement Léon XIII et Pie X.

Par son admirable consentement donné pour tout le genre humain, dit Léon XIII dans l’encyclique Fidentem piumque du 26 septembre 1896, Marie a procuré aux hommes leur Sauveur, et pour cette cause elle est une très digne et très acceptée Médiatrice, auprès du Médiateur. Et selon l’enseignement de Pie X, dans l’encyclique Ad diem illum du 2 février 1904, c’est à cause de la communion de douleurs et de souffrances entre Marie et Notre-Seigneur, que Marie a mérité de devenir très justement la réparatrice de l’humanité déchue.

Nous allons d’ailleurs constater que la coopération de Marie à notre rédemption, d’après le fait de son consentement à l’incarnation, a été fréquemment affirmée par la tradition catholique.

Enseignement traditionnel.

1re période, depuis des temps apostoliques jusqu’au commencement du ve siècle, caractérisée par une affirmation au moins implicite de la médiation universelle de Marie.

Au iie et au commencement du iiie siècle, cette affirmation est virtuellement contenue dans l’antithèse, plusieurs fois répétée, entre Eve qui, par sa désobéissance commise à l’instigation du démon, a été pour toute l’humanité une cause de mort, et Marie qui, par son obéissance à la parole de l’ange, a été pour toute l’humanité une cause de salut. S. Justin, Dial., 100, P. G., t. vi, col. 711 : S. Irénée, Cont. hær., III, xxii. 4 ; V, xix, 1. P. G. t. vii, col. 958 sq., 1175 : Tertullien, De carne Christi, 17, P. L., t. ii, col. 782. Outre les passages que nous venons de citer de saint Irénée, on remarquera particulièrement deux textes Cont. hær., Iv, xxxiii, 4. 11, P. G., col. 1074 sq., 1080, que dom Massuet, col. 1074, avait entendus de Ia régénération spirituelle procurée à l’humanité par l’intermédiaire de l’Église. Le P. Galtier. La Vierge qui nous régénère, dans les Recherches de science religieuse, mars-avril 1914, p. 136 sq. à montré que les deux textes doivent s’entendre de la régénération spirituelle provenant de Marie, comme aux deux textes précédemment cités, où Marie, cause de salut pour toute l’humanité, est mise en contraste avec Eve, qui avait été une cause de mort, Comment l’homme, affirme saint Irénée contre les ébionites, deviendra-t-il Dieu en obtenant la régénération surnaturelle, si Dieu ne devient pas homme où ne se fait pas homme pour le sauver ? Comment l’homme abandonnera-t-il la génération de mort produite en lui par le péché, s’il ne passe point à une génération nouvelle, à une régénération merveilleusement et inopinément donnée par Dieu en signe de salut, et causée par la foi de la Vierge : Quemadmodum autem relinquet mortis generationem, si non in novam generationem mire et inopinate a Deo in signum autem salutis datam, quæ est ex virgine per fidem, regenerationem ? col. 1074 sq. La foi de la Vierge, par laquelle la régénération nous a été procurée, est bien la foi par laquelle Marie a été, pour tout le genre humain, la cause du salut ; tandis que, par son incrédulité et sa désobéissance, Eve avait causé notre perte, col. 960, 1175 sq. La régénération qui est ex virgine per fidem est aussi la même que celle qui, à ce chapitre est expressément attribuée au sein de Marie, dans cette phrase où il est question du Fils de Dieu fait homme, purus pure puram aperiens vulvam, eam quæ regenerat homines in Deum. quam ipsa puram fecit, col. 1080, Voir Irénée (saint), t. vii, col. 2485 sq. Dans la Demonstratio apostolicæ prædicationis, 33. Irénée donne la même doctrine, comme le montre J. Bittrémieux, De mediatione universali B. M. Virginis quoad gratias. Bruges, 1926, p. 104 sq.

Au ive siècle, l’antithèse entre Ève, cause de mort, et Marie, cause de salut ou cause de vie pour toute l’humanité, est reproduite par S. Cyrille de Jérusalem, Cat., xii, 5, 15. P. G., t. xxxiii, col. 7141 : S. Épiphane, Hær., lxxviii, 18, P. G., t. xlii, col. 728 : S. Jérôme, Epist., xxii. 21, P. L., t. xx, col. 408. Même enseignement chez S. Jean Chrysostome, Homil. in sanctum Pascha, 2, P. G., t. lii, col. 768, Expos. in ps. XLIV, 7, P. G., t. lv, col. 193. On remarquera particulièrement l’interprétation donnée par ce dernier à Gen., iii, 15, annonçant la femme ennemie de tout pacte avec le démon ; qui sera, elle et sa race, l’ennemi perpétuel du démon, In Gen., iii, hom. xvii, 1, P. G., t. liii, col. 143. De cet enseignement n’est-il pas évident que Marie, d’où la vie était provenue pour toute l’humanité régénérée est Vraiment la mère des vivants, selon l’expression employée par saint Épiphane, loc. cit. ? Signalons aussi, chez saint Ephrem, l’appellation post mediatorem mediatrix totius mundi, dans une prière dont l’authenticité, affirmée par Assémani et Lamy, n’est cependant pas entièrement certaine, Opera omnia, édit. Assémani, Rome, 1740, t. iii, græco-lat., col. 528, 539 ; Lamv. Sancti Ephræm Syri hymni et sermones, Malines, 1882-1889, t. i, proleg., p. xlix. À la même époque, saint Ambroise dit expressément que Marie a engendré l’auteur du salut, De instit. virg., xix, P. L., t. xvi, col. 326 sq., qu’elle a opéré le salut du monde et conçu la rédemption de tous. On observera chez saint Nil († 420), une affirmation qui, toutefois, d’après ce que l’on sait de l’ensemble de ses épîtres, n’est pas d’une authenticité certaine, Ève appelée, après sa création du nom de mère de tous les vivants, était la figure de Marie, la seconde Ève, qui a enfanté Jésus-Christ, la vie des hommes. Marie est vraiment la mère de tous ceux qui vivent selon les préceptes évangéliques, et dont l’âme ne meurt point par l’incrédulité, Epist., ii, 266, P. G, , t. lxxxix, col. 1840.

2° période, depuis le commencement du ve jusqu’au 2391

MARIE MÉDIATRICE : ACQUISITION DE LA GRACE

XV.n

xiie siècle, caractérisée principalement par une affirmation assez explicite, quoique encore générale, de la maternité humaine et de la médiation universelle de Marie.

Chez saint Augustin, outre l’antithèse entre Eve, cause de mort, et Marie, source de vie pour toute l’humanité, De agone christiano, xxiii, P. I.., t. xl, col..'jo.'i, on remarque une indication très nette de la maternité humaine de.Marie, appelée mère de tous les membres de notre chef Jésus-Christ, De sanctu virginitate, vi, (i, col. 399. En même temps Augustin signale la coupération de charité donnée par Marie à notre rédemption, cooperata est caritule ut fidèles in Ecclesia nascerentur qiuv illins capitis (Salvatoris) membra sunt. Loc. cit.

Saint Pierre Chrysologue appelle Marie muter viventium per gratiam, par opppsition à Eve qui a été mater moricnliiun per natunim. Serm., cxl, P. L., t. iii, col. 576. Ailleurs, en affirmant que dans l’annonciation l’ambassadeur divin traite avec Marie l’affaire de notre salut ou la réparation du genre humain, le saint docteur laisse bien entendre que Marie est, de quelque manière, associée au plan divin de notre rédemption. Serm., cxlii, col. 579.

Au viii° siècle, saint 13ède reproduit l’antithèse entre Eve, par laquelle la mort est entrée en ce monde, et Marie, qui y a ramené la vie. Homil. i, in feslo annuntiationis B. M., P. L., t. xciv, col. 9 ; Homil. ii, //i lesto visitationis B. M., col. 16 sq.

Saint André de Crète († 720), en faisant ressortir ce même contraste, In nalivit. B. M. homil., P. G., t. xcvii, col. 813, appelle Marie médiatrice de la grâce, In nativit. B. M., nom. iv, col. 865 ; dispensatrice et cause de la vie, In dormitione S. M., iii, col. 1108. — Chez saint Germain de Constantinople († 730), même contraste entre Eve et Marie, et surtout affirmation, beaucoup plus explicite de la médiation universelle de Marie que nous étudierons plus loin, et de laquelle nous détachons pour le moment, cette seule phrase, que personne n’a été racheté si ce n’est par la Mère de Dieu. In dormit. B. M., ii, P. G., t. xcviii, col. 349. Saint Jean Damascène († 754) donne à Marie le titre de médiatrice, In dormit. B. M., hom. i, 8, P. G., t. xevi, col. 713, et affirme que nous lui devons tous les biens qui nous sont conférés par Jésus-Christ. In dormit. B. M., hom. i, 3, 12 ; hom. ii, 16, col. 705, 717, 744. Jean d’Eubée († 744), en expliquant que le serpent devait être écrasé par Marie, enseigne indirectement sa coopération à notre salut. Sermo in conceplione Deiparse, xxi, P. G., t. xevi, col. 1496. Au ixe siècle, saint Théodore le Studite († 828) reproduit simplement l’antithèse entre Eve et Marie. In dormit. Deiparse, hom. v, 2, P. G., t. xcix, col. 721.

En Occident, saint Fulbert de Chartres († 1028) ajoute au contraste entre Eve et Marie, Serm. IX, de annuntiatione, P. L., t. cxli, col. 336, cette affirmation indiquant le rôle du consentement de Marie dans l’accomplissement de notre rédemption : O beata Maria, sseculum omne captivum deprecatur tuum assensum, col. 337. Saint Pierre Damien († 1072), outre le titre de Mère du rédempteur qu’il donne à Marie, Serm., xlv, P. L., t. cxliv, col. 741, 743, montre que, dans l'œuvre de notre rédemption, rien ne s’est accompli sans elle, ita sine illa nihil refectum sit. Serm., xi, col. 558. Chez saint Anselme († 1109) se rencontre plusieurs fois cette affirmation que les bienfaits de la rédemption nous sont venus par Marie, Oral., xlvii sq., lu sq., P. L., t. clviii, col. 945 sq., 955, 959, 964. Plus explicite encore, Eadmer († 1124) dit que, par ses mérites, Marie a contribué à notre rédemption. De excellentia B. M., ix, xi, P. L., t. clix, col. 573, 578 sq. L’enseignement de saint Bernard († 1153) est formel relativement à la coopération de Marie à notre rédemption. Tandis qu’Eve a suggéré notre prévarication,

Marie a procuré notre rédemption. Serm. de XII prœrog. B. Y. M.. 2, P. I.., t. clxxxiii, col. 430. C’est pai elle que la miséricordieuse main du Tout-Puissant a recréé tout ce qu’elle avait créé. In festo Penlecosles, serin, ii, 2, col. 328 : In assumptione B. M. '.. serm. ii, col. 417 sq. Aussi Marie est-elle appelée gratis inventrix, mediatrix salutis, reslauratrix sœculorum. Epiât., ci. xxiv, 2, t. clxxxii, col. 333. C’est par son consentement a l’accomplissement du mystère de l’incarnation que notre délivrance a été effectuée : statim Itberabimur si consentis. Super M issus est, hom. iv, 8, /'. L., t. clxxxiii, col. 83.

3e période, depuis le milieu du XII » siècle jusqu'à l'époque contemporaine, période caractérisée, surtout depuis le xvie siècle, parla fréquente affirmation très explicite de la coopération de Marie à notre rédemption, consommée par son propre sacrifice consenti au moment de l’annonciation et accompli sur le Calvaire. Nous nous bornerons pour cette longue période, à marquer sommairement le mouvement des idées relativement à la nature de la coopération de Marie et à l’emploi du terme corédemptrice ou d’expressions analogues.

Au xii c siècle, l’auteur qui parla le plus explicitement sur ce point lut Ernald ou Arnaud de Chartres († 1156). Arnaud loue particulièrement le sacrifice par lequel Marie s’est immolée intérieurement pour le salut du monde. Sacrifice d’holocauste simultanément offert à Dieu par Jésus et Marie, par Jésus in sanguine carnis, par Marie in sanguine cordis, loc. cit. Ainsi, en commun avec Jésus, Marie causa e salut du monde. De laudibus B. M. Y., P. L., t. clxxxix, col. 1727. A sa manière, Marie coopérait ad propitiandum Deum… cum lam propria quam matris vola caritas Christi per/erret ad Patrem, cum quod mater peteret, Filius approbaret, Pater donaret. Tract, de VII verbis Domini in cruce, iii, col. 1694 sq. Selon Richard de Saint-Victor († 1173), Marie a désiré, cherché et obtenu le salut de tous. Elle est le salut de tous, parce que par elle le salut de tous a été accompli. Explic. in Cant. cantic, xxvi, P. L., t. cxcvi, col. 483. Adam de SaintVictor († 1192), dans sa séquence pour la fête de l’Assomption, dénomme Marie mediatrix hominum, salutis puerpera. Sequentiæ, xxv, P. L.. t. exevi, col. 1502.

Au xiip siècle Albert le Grand célèbre Marie coadjutrix et socia Christi. Pour le genre humain, elle a participé aux souffrances de son divin Fils. Tous les disciples fuyant, elle est restée seule près de la croix. Dans son cœur, elle ressentit les plaies que Jésus ressentait dans son corps. Mariale sive queesliones super evang. Missus est, q. xlii, Opéra omnia, Paris, 1898, t. xxxvii, p. 81. Marie fut associée à la passion de son divin Fils, facta fuit ei in adjutorium simile sibi, pour aider à l'œuvre souveraine de miséricorde et régénérer toute l’humanité. Op. cit., q. cxlviii, p. 214. — Vers la même époque, Richard de SaintLaurent loue Marie devota coadjutrix ad mundi redemptionem. De laudibus B. Mariée, iii, xii, 5, dans les œuvres du B. Albert le Grand, Lyon, 1651, t. xx b, p. 96. Saint Thomas émet ce principe si riche en enseignements : Marie, au moment de l’annonce qui lui fut faite par l’ange, exprima son consentement loco totius humanæ naturæ, pour l’union entre le Fils de Dieu et la nature humaine. Sum. theol., III a, q. xxx. a. 1. Un tel consentement ne suppose-t-il point une coopération elïective à notre rédemption ? Saint Bonaventure dit d’une manière générale que c’est par ses mérites, par ses exemples et par son intercession, que Marie est pour toute l’humanité la porte du ciel. Serm., vi, de annunlialionc B. Y. M. Opéra omnia, Quaracchi, 1901, t. ix, p. 705.

Au xve siècle saint Bernardin de Sienne († 1444) m vin i : m i ni i rk i ::cni [Si riON DE I. G 15 ( I

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enseigne que, quand M. trie donna son consentement a l’incarnation, elle comprit que, par ce consentement, elle se consacrail et s’unissait au sacrifice du Rédempteur, Sermones pro festipitatibus… Y. Mariés, wna.

vu. a. l. c. m. Optra omnia, Paris, lo.'i.'>. t. iv, p, 126. Par un martyre admirable Marie s’offrit dès lors et i-..ur.i a Dieu, on union avec Jésus s’offrant luiméme en holocauste à son Père. Serm., viii, a. '_', c i, l>. 131. En donnant oc consentement pour la réparalion île toute l’humanité, Marie le donna aussi pour son propre salut. Serin. viii, a. 1. c. iv, p. [31, (.ai Manc elle-même eut besoin de rédemption. Saint Antonin île Florence | : l 159) nomme Marie adjutrtx nostnr rtdemplionis et mater noslree spiritualis generationis. Summa theol., part. IV. lit. xv, c. i. 2, t. iv. col. 1002. Vers la même époque. Denys le Chartreux (t tl7l> indique, comme raison providentielle îles souffrances de Marie au pied de la croix, la coopération qu’elle devait, selon le plan divin, apporter à notre salut. De prteconio et dignitate Morue, I. [11, 25, opéra. Tournai. 1908, t. w. p..">r> : > : /)< dignitate et laudibus B. M. Y.. I. 11. a. m. t. wwi. p, 99. C’est par Marie, dit Gabriel Biel, que notre rédemption a été consommée. De /eslis diote Virginia Marinvarit ulque eruditi sermones. xv.Brescia, 1583, p. 82. Pelbart appelle Marie adjutorium redemptionis, <>/>. cit., p. 108.

Suivant Gicbtove ( + 1543), Marie, après son divin Fils, peut à sa manière, être appelée rédemptrice et réparatrice du genre humain. Par ses souffrances volontairement acceptées, elle a coopéré à notre rédemption Ainsi elle a souffert, non pour elle-même, puisqu’elle n’avait point de pèche ; mais pour nous ur notre salut. De dolore H. M. Y. in passione Filii sui. xi sq., Paris. 1517, p. 70 sq. Saint Pierre Canisius affirme que, selon la doctrine des Pères qui [renée ont comparé Marie, cause de notre salut, i Eve, cause de notre damnation, la nouvelle Eve doit être comprise parmi les causes secondaires qui ont coopéré à notre rédemption. Commrnlarii de verbi Dei corruptelis. part. II. I. Y. c. xxxi. [ngolstadt, 1583, t. iii, p. 811.

A cause des attaques des protestants, la coopération de Marie à la rédemption fut particulièrement étudiée par les théologiens à la fin du JCVP et pendant le xviie siècle. Suarez montra, par de multiples téraoi-'s de la tradition catholique, que.Marie, bien qu’elle ne nous ait point rachetés, et qu’elle ne nous ait rien mérité de condigno. a cependant coopéré à notre salut en concevant Jésus-Christ, l’auteur de notre salut, en priant pour nous et en méritant de congruo notre salut. In 1 // m.S. Thomie, t. u. di-p. XXIII. sect. i. ii, -4. Jean de Carthagèno rapporte les deux objections principales que l’on faisait valoir contre la coopération de Marie à la rédemption : on porterait atteinte à la souveraine excellence de la rédemption de Jesus-Cbrist, seul vrai rédemptet r et on pactiserait avec des assertions hérétiques attribuant à Marie le salut du genre humain. Puis il prouve. par de nombreux témoignages, que Marie a vraiment coopéré à notre rédemption. Cette coopération est expliquée dans les terme > mêmes de Suarez. La conclusion est que les objections tombent d’ellesmêmes, puisque Jésus seul nous a vraiment rachetés. Marie a coopéré seulement par ses prières, par ses mérites de congruo, et en fournissant à Xotre-Seigncur le corps qu’il devait immoler pour notre salut, op. il.. I. XII, hom. xi, t. ii, p. 30 sq. Même démonstration chez Novato, op. cit., t. i. p. 379 sq. I.a coopération de Marie a consisteprincipalement dans l’offrande du sacrifice de son divin lils pour la rédemption du monde. A cette offrande, Marie joignit ses propres souffrances, endurées avec une très parfaite charité et offertes pour les pécheurs. Ce fut donc

une simple participation à la rédemption de Jésus Christ, la seule redempt ion véritable. Même enseignement chex Christophe de Vega, op. cit., t. ii, p. lit sq. Théophile Raynaud, tout en admettant la réalité de la coopération de Marie à notre rédemption, msiste pour que cette doctrine soit bien comprise : Non sunt tamen isia vel paastm promenda vel absque convenienti tnterprttatione. Toute notre rédemption, formellement accomplie par.lesiis Christ seul, n’a eu besoin d’aucun complément offert par Marie, op. cit., opéra, t. vi, p. 22 l sq. Selon Georges de Rhodes, Marie peut être appelée véritablement rédemptrice du monde, avec dépendance de Jésus-Christ, lai vertu de ses mérites, et de congruo, elle a mérité tout ce que Jésus-Christ a mérite pour nous, d’une manière principale et de condigno. Op. cil., t. n. p. '_' ! >.'> sq. Mans son iv sermon sur la file <L' l’Annonciation, Bossuet explique comment Marie a coopéré a notre salut par le consentement qu’elle a donné a l’accomplissement du mystère de l’incarnation. Bourdaloue, dans un sermon sur la dévotion a la sainte Yici / prononcé en la fête de l' Assomption, justifie particulièrement, d’après l’autorité de saint Bernard, le titre

de médiatrice et de réparatrice des hommes donne à Marie, et celui de coadjutrice de Dieu dans l’accomplissement de notre salut. Même enseignement dans son deuxième sermon sur l’annonciation.

Au xviire siècle. Trombclli if 1781) montre que le titre de rédemptrice, ou de réconciliatrice du genre humain, peut être donné à Marie, non dans le sens strict qui convient à Jésus seul : mais dans un sens large et non rigoureux, parce qu’elle a coopéré à l’oeuvre de notre rédemption par le' consentement qu’elle a donné à l’incarnation. De cultii publico ab Ecclesia B. Maria exhibito, diss. VIII, dans Bourrasse, t. îv. col. 285 sq. Sedlmayr justifie également le titre de coopératrice à la rédemption, ou de corédemptrice, donné à Marie, op. cit., dans Bourrasse, t. vii, col. 1275 sq.

Au xix° siècle, le même enseignement est communément donné par les théologiens.

Ventura, I.a mère de Dieu, mère des hommes, Lyon, 18 15, p. 293 sq. ; Jeanjacquot, Simples explications sur la coopération de la très sainte Vierge à V œuvre de la Rédemption, Paris, 1868 ; cardinal Pie, Oîuvres, Poitiers, 1800, t. iii, p. I2N ; cardinal Billot, De Verbo incarnats, 3e édit., Rome, 1900, p. 366 ; I. épicier, op. cit., p. 530 sq. ; L’immaculée Mère de Dieu corédemptrice du genre humain, Turnhout, 1906 ;.lanssens, op. cit., p. 109 sq., 786 sq. ; Terrien, L<i mère des hommes, Paris, 1902, t.l, p. 347 sq. ; Depoix, op. cit., p. 178 sq. ; Campana, Maria nel dogma cattolico, Turin, 1909, p. 129 sq. ; I'. IIuRon, Tractaius de D. Yirgine Deipara, Trælalus dogmatici, Paris, 1920, t. iii, p. -176 sq. ; J. Bittrémieux, op. nL, p. 16-133,

Cependant quelques théologiens, comme Scheeben, Ilandbuch der kaiholischen Dogmalik, Fribourg-en-B., 1882, t. m. p. 591 sq., tout en admettant que Marie a coopéré à la rédemption par son consentement donné à l’incarnation, et qu’elle a mérité de congruo tout ce que Notre-Seigneur a mérité pour nous de condigno, estiment que l’expression corédemptrice ou coopéra trice à la rédemption, bien qie susceptible d’un sens très vrai, doit être employée avec quelque restriction ou doit être omise. Noir aussi Revue tics sciences philosophiques et théologiques, 1907, p. 799.

En terminant cette esquisse historique, il est utile de rappeler que la coopération de Marie a nol re rédemtion a été affirmée par le magistère ordinaire des souverains pontifes, notamment de Léon XIII et de Pie X. Dans l’encyclique de Léon XIII Adjutricem popull, du 5 septembre 1895, Marie est appelée sacramenti humanæ redemptionis patrandt administra et reparalrix totius orbis. Pie. dans l’encyclique Ad diem illum, du 2 février 1904, affirme que, par la corn

munion de douleurs et de volonté entre.Jésus et Marie, celle ci a mérité de devenir très dignement la réparatrice de l’humanité décime : Promeruit Ma ut reparaIrix perditi orbi.s dignissime fleret.

i" Conclusions doctrinales. - /" conclusion concernani le fait de la coopération de Marie à la rédemption,

par le consentement qu’elle donne à l’incarnation rédemptrice.

a) Implicitement indiqué dans l’antithèse patristique entre Eve et.Marie, souvent affirmé, selon l’enseignement script uraire, par les théologiens depuis saint Bernard et saint Thomas, le consentement de Marie à notre rédemption est expressément enseigné par Léon XIII et Pic X. Dans l’encyclique Fidentem piumque du 20 septembre 189(1, Léon XIII déclare que Marie a coopéré à notre réconciliation avec Dieu, quand elle a causé la venue de notre divin Sauveur, par son assentiment donné, pour toute la nature humaine, sur la demande du messager céleste. Suivant l’enseignement de Pie X dans l’encyclique du 2 février 1904, Marie, par une parfaite communion de vie et de souffrances entre elle et son divin FiJs, a mérité d'être la réparatrice de l’humanité déchue, et la dispensatrice de tous les dons que Jésus nous a acquis par sa mort et par son sang.

b) A cause des fins providentielles pour lesquelles il était demandé, et pour qu’il pût être dignement associé au sacrifice intime de Notre-Seigneur, le consentement de Marie à l’incarnation dut porter, au moins en substance, sur l’incarnation telle qu’elle devait être réalisée, avec le sacrifice de la croix auquel elle était ordonnée, avec la part de souffrance qui devait en résulter pour Marie. Cette éminente connaissance était nécessaire pour qu'à cette fin Marie pût ordonner tous ses mérites, et qu’avec un très pur amour de sacrifice et d’immolation elle fût dignement associée, ne fût-ce qu'à titre secondaire, au sacrifice de son divin Fils. C’est ce que suggère la parole de Pie X, que nous venons d’entendre, louant la parfaite communion de douleurs et de volonté entre le Fils et la mère,

c) Comme conséquence de cette intime communion entre Marie et son divin Fils, le consentement, exprimant sa participation au sacrifice rédempteur, dut, dans son âme comme dans celle de Notre-Seigneur, être comme incessamment présent, par une constante rénovation, jusqu'à la pleine et suprême consommation du Calvaire. C’est encore ce qu’indique, dans la même encyclique, l’affirmation de Pie X, que Marie eut la charge de garder et de nourrir la divine victime et de l’offrir, au moment voulu, à l’autel du sacrifice. D’où, entre le Fils et la mère, une constante association de douleurs et de volonté, méritant qu'à tous deux l’on applique la parole du Prophète : Déficit in dolore vita mea et anni mei in gemitibus.

Ps. XXX, 11.

d) Très grand fut le mérite d’un consentement si parfait, incessamment renouvelé avec une si excellente charité, unissant Marie à son divin Fils, jusqu'à la consommation suprême du Calvaire. Les mérites ainsi acquis ne pouvaient, comme ceux de Notre-Seigneur, seul médiateur principal, être des mérites stricts, de condigno. Mais, dans leur sphère propre, comme mérites de convenance, de congruo, ils s'étendirent effectivement à l’humanité tout entière, comme nous venons de l’entendre de Pie X.

2e conclusion concernant la nature de la coopération de Marie à notre rédemption. — a) Nécessairement subordonnée à la médiation souveraine de son divin Fils, la coopération de Marie fut toujours secondaire et dépendante.

Coopération secondaire, supposant que tout le mérite de condigno du sacrifice rédempteur provient de

Notre-Seigneur seul, puisque c’est une vérité de fol que Jésus est l’unique rédempteur et médiateur. A ses mérites toute grâce est principalement due, comme le montre saint Thomas, Sum. theol., III a, q. xlvut, a. 5, comme l’enseigne le concile de Trente, sess. v, Décret, de peccato originali, can. 3 ; comme le déclare Pie X dans l’encyclique déjà citée : Equidem non diflUemur horum erogalionem muncrum privai » proprioque jure esse Christi ; siquidem et illu ejus unius morte nobis sunt parla et ipse, pro potestate, mediator Dei atque hominum est. Coopération toujours très dépendante de la médiation souveraine de NotreSeigneur, en ce sens que le consentement, par lequel Marie coopéra à notre rédemption, fut donné par elle avec l’aide de grâces provenant de la rédemption accomplie par Jésus-Christ ; et qu’il en fut de même pour tous ses mérites et satisfactions de congruo. Car Notre-Seigneur est, selon l’enseignement de la foi, le seul médiateur de qui toute grâce procède : De plenitudine ejus omnes nos accepimus. Joa., i, 10.

b) Coopératrice de notre rédemption, Marie a été elle-même, rachetée par Notre-Seigneur, non d’une rédemption libératrice comme le reste des créatures, mais d’une rédemption préservatrice provenant d’une grâce toute particulière. C’est une vérité définie par l'Église que Marie a été inluitu merilorum Christi Jesu salualoris humani gemris. ub omni originalis culpee labe.prœservata immunis. Denzinger-Bannwart, n. 1641. Vérité bien exprimée aussi dans l’oraison pour la fête de l’Immaculée Conception : Quwsumus, ut qui ex morte ejusdem Filii tui præoisa eam ab omni labe præservasti, etc.

3° conclusion concernant le litre de corëdemplrice donné à Marie. — a) Bien que les documents pontificaux n’aient point cette expression, ils ont des termes équivalents. Dans l’encyclique Adjutricem populi, du 5 septembre 1895, Léon XIII appelle Marie sacramenti humanæ redemptionis patrandi administra et reparatri.v tolius orbis. Pie X, dans l’encyclique du 2 février 1904, donne à Marie le titre de reparatrix perditi orbis ; titre d’autant plus significatif que le souverain pontife affirme, au même endroit, la communion de douleurs et de volonté entre la mère et le Fils.

b) Le mot corédemptrice signifiant, par lui-même, une simple coopération à la rédemption de JésusChrist, et ayant reçu, depuis plusieurs siècles, dans le langage théologique, le sens très déterminé d’une coopération secondaire et dépendante, selon les témoignages précités, il n’y a point de difficulté sérieuse à s’en servir, à condition que l’on ait soin de l’accompagner de quelques expressions indiquant que le rôle de Marie, dans cette coopération, est un rôle secondaire et dépendant. Cette précaution peut être souvent opportune, soit dans le langage théologique, soit surtout dans l’enseignement des fidèles et dans la polémique avec les non catholiques.

4° conclusion concernant la participation de Marie au sacerdoce de Jésus. — a) C’est une conclusion théologique certaine, que Marie coopéra, de quelque manière, à l’acte principal du sacerdoce de JésusChrist, en donnant comme l’exigeait le plan divin, son consentement au sacrifice de la croix, tel qu’il a été accompli par Jésus-Christ.

Selon l’enseignement de saint Thomas, Sum. theol., III a, q. xxii, a. 2, l’acte principal du sacerdoce de Jésus-Christ a été l’acte par lequel Jésus s’est offert en sacrifice pour la rédemption du monde. Dès le premier moment de son incarnation, il eut la volonté d’accomplir ce sacrifice ; mais la parfaite consommation à laquelle, selon le plan divin, était attachée notre rédemption, eut lieu seulement sur le Calvaire. Ce fut par ce sacrifice suprême que Jésus remplit M VRIE M EDIA l’Kli I : OB II NON DE LA G H iC I

2398

véritablement sa fonction de prêtre ou de réconcilialeur du monde avec Dieu, qu’il expia tous les péchés de l’humanité, el qu’il mérita pour elle </< condigna tous les dons divins, .s. Thomas. Sum. theol.. III ». q. xxii, a. 1, 3.

.ri acte principal « lu sacerdoce il » - Jésus-Christ, Marie coopéra par le consentement qu’elle donna, au moment de l’annonciation, a l’incarnation telle qu’elle devait être réalisée avec le sacrifice de la croix comme conséquence, el avec l.t communauté >le souffrances qui devait exister entre la mère et le Ris pendant toute la vie de Jésus, jusqu'à la consommation du suprême

lllce du Calvaire. Le consentement tic Marie qui devait avoir pour conséquence une communion Ininterrompue île souffrances outre la mère et le Ris, était une condition effectivement nécessaire pour l’accom < ment du sacrifice île la croix. Nous l’avons ite en étudiant, dans l’enseignement traditionnel, la coopération île Marie à notre rédemption. Donc Marie, en remplissant fidèlement eette condi loin, dans toute son intégrité, Jusqu’aux souffrances

extrêmes endurées au pied de la croix, coopéra. d’une manière secondaire, au sacrifice rédempteur ou a l’acte principal du sacerdoce de Jésus-Christ.

b Marie coopère encore incessamment à la collation de toutes les grâces que Nôtre-Seigneur, souverain prêtre, ne cesse d’appliquer, comme fruit de la rédemption, a toute l’humanité, tomme l’indique saint Thomas, ' outra i/eiit.. i. iv. c. 71>. c’est Notre-Seigneur, souverain prêtre, qui applique lui-même dans les sacrements, par l’intermédiaire des prêtres qui agissent en vertu de son propre pouvoir, les grâces qu’il nous a méritées par sa passion. Par sa médiation. Marie y coopère puisque c’est par elle que l’on obtient les faveurs nécessaires pour se disposer à une digne réception des sacrements.

A eaue de cette coopération a l’acte principal du sacerdoce de Jésus-Christ, ainsi qu'à la constante application faite par Notre-Seigneur, souverain prêtre. de toutes les ritées par sa passion. Marie

peut être légitimement appelée Virgo sacerdos, viergeprêtre, en prenant l’expression sacerdos dans le sens d’un adjectif indiquant ainsi, par lui-même, une simple participation au sacerdoce principal de JésusChrist dans le double sens indiqué, (.'est en ce sens d’une simple participation au sacerdoce de JésusChrist qu’un théologien du xviisiècle expliquait déjà expression : Sacerdos quia, in morem sacerdotis, rum Filio tacerdott sacrificium /miens, seterno Patri oblulil redemptionis hostiam. Reiehenberger, op. cit., p. 116, '>n comprend d’ailleurs qu’il y ait une corrélation intime entre cette expression et celle de médiatrice ou de corédemptrioe. Par le fait que Marie a

coopère encore a l'œuvre de médiation

mplie par Notre-Seigneur, seul vrai médiateur, parle fait qu’elle a coopéré secondairement a l'œuvre de la rédemption accomplie par Jésus, seul vrai rapteur, elle a. dans la même mesure et pour les mêmes raisons, coopéré et coopère encore a l'œuvre de .lesus souverain prêtre. Comme ces trois titres sont. pour Notre-Seigneur, des titres corrélatifs intimement lies l’un à l’autre, ils le -ont également pour Marie, des lors qu’on les emploie pour indiquer une simple ration secondaire de Marie, ou pour marquer une simple participation a un titre de Notre-Seigneur. <, le 9 DM approuvé-, en l’enrichissant

d’une indulgence, une prière a Marie ou. entre autres titres.se rencontre celui de Virgo sacerdos. E. Hugon, Ln Vierge-prétre, examen Utéologique d’un titre et d’une doctrine. Paris, 1911, p.

</> Le sens théologique que nous venons d’indiquer

peut être attribué aux textes que Ion rencontre chez

lésiastiques. particulièrement a partir

du xx hsiècle Textes où le litre Virgo sacerdos, ou quelque titre similaire, est donne a Marie, et pour

lesquels on peut particulièrement consulter le 1'. llu gon, op. cit., p. i sq. :.i. Grimai, S. M., Le sacerdoce ci le sacrifice de Notre Seigneur Jésus-Christ, S" édit., Paris, 1923, p. 109 sq. ; Van den Berghe, Marie , t te sacerdoce, Bruxelles, i.s72 ; p. Belon, s. M., L</ corédemption mariale réalisée, rappori lu au Congrès mariai de Gulngamp, 1911. On remarquera aussi dans le cardinal Pic Œuvres, t. m. p, 128, l’appellation qu’il donne à Marie, de corédemptrlce du Calvaire et d’associée au sacerdoce et au sacrifice de l’Agneau.

II. Ma/ ;  ! / VÊDIATRICB I IVBR3BLLE POUR I.'imPÊTRA.T10A l’f TOI //s /Ls ORACSS, Simple application tle la médiation de Marie pour l’acquisition de toutes les grâces, sa médiation pour leur impétration a le même fondement scripturaire. le même appui

dans la tradition catholique et dans l’approbation de l'Église.

1° Son fondement scripturaire est la vérité souvent affirmée que l’incarnation rédemptrice â laquelle

Marie donna sou consentement es ! la source constante de toutes les grâces conférées à l’humanité entière. Au témoignage de l'Évangile, NotreSeigneur est venu pour que tous possèdent la vie et qu’ils la possèdent 1res abondamment. Joa., x, le II donne l’eau jaillissant jusqu'à la vie éternelle. Joa.. i. 11. Il est la oie, la vérité et la vie ; si ce n’est par lui. personne ne vient au Père. Joa.. xiv, (i. Il est la Vigne et nous sommes les sarments ; sans lui nous ne pouvons rien. Joa.. xv, .">.

Suivant saint Paul, c’est par Notre -Seigneur que la justification est conférée à tous, Rom., V, 18 sq. Par Notre-Seigneur, nous vivons d’une vie nouvelle, m. 4 sq. Par lui, tout le corps de l'Église, bien ordonné el formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chaque partie, et s'édifie lui-même dans la charité comme un organisme plein de vie. T'.ph.. iv. 16 ; voir aussi Eph., n. 21 sq., Col. ii, 19. Même enseignement dans saint Pierre, I Pet., I, 3. Celte conséquence 1res autorisée, et découlant de l’enseignement scripturaire, nous l’avons rencontrée dans renseignement de Pie N, déclarant que c’est à cause de la communion de douleurs et de sacrifice entre Marie et Noire-Seigneur, que Marie a mérité de devenir très justement la réparatrice de l’humanité et aussi la dispensatrice de toutes les grâces que JésusChrist nous a acquises par son sang. C’est a cette vérité scripturaire. comme nous allons le constater, que la tradition catholique rattache le plus souvent sa doctrine, particulièrement explicite à partir du xiir siècle.

Enseignement traditionnel.

i<* période, depuis

les temps apostoliques jusqu’au VIIIe siècle, caractérisée par une affirmation seulement générale de la médiation universelle de Marie OU de sa maternité a l'égard de tous les chrétiens. - - Comme nous l’avons constaté au paragraphe précédent, la médiation universelle de Marie, autant qu’elle est contenue dans l’antithèse entre Eve, cause de morl pour toute l’humanité, et Marie, cause de son salul.est explicitement affirmée par Justin, trénée, Tertullien, Cyrille de Jérusalem, Jean Chrysostome, Épiphane, el Ambroise. — La maternité de Marie à l'égard de tous les membres de.lésus-( Jirisl. noire Sauveur et notre

chef, est particulièrement affirmée par saint Augustin et saint Pierre Chrysologue.

Nous allons constater, dans les périodes subséquentes, que ces affirmations contenaient, en réalité, les conclusions 1res explicites que les théologiens en déduisirent ultérieurement et qui ont eu l’approbation du magistère ordinaire de l'Église.

2' période du VIII* au XVe siècle, caractérisée, surtout depuis le xii° siècle, par une affirmation explicite, quoique générale ! de cette vérité que toutes les grâces sont données à l’humanité tout entière par l’intermédiaire de Marie.

Du viii° au xii c siècle, cette affirmation explicite se rencontre seulement quelquefois, à côté de nombreux textes affirmant, d’une manière générale, la médiation universelle de Marie. Nous signalerons particulièrement, au vine siècle, saint Germain de Constantinople († 730), selon lequel personne n’est sauvé si ce n’est par la Mère de Dieu, personne n'échappe aux dangers, si ce n’est par elle, personne n’obtient miséricordieusement les dons de Dieu si ce n’est par celle qui a porté Dieu. In dormit. B. M., serin, ii, P. G., t. xcviii, col. 349.

Au xie siècle, Jean d’Euehaïtes (Mauropus) appelle Marie la dispensatrice de tous les biens que nous possédons. « Parelle nous vivons, nousnous mouvons et nous existons. » In SS. Deiparse dormit., P. G., t. cxx, col. 1109 sq. Vers la même époque, en Occident, saint Anselme († 1109) enseigne que Marie est la mère de tous ceux qui croient en Dieu, et que, sans elle, m’Aiï pielatis est nihilque bonitatis, Oral., xlvii, P. L., t. clviii, col. 945 ; que, si elle se tait, nullus orabit, nullus juvabit ; que, si elle prie, omnes orabunt, omnes juuabunt. Orat., xlvi, col. 941.

Au xiie siècle, saint Bernard enseigne, sans aucune restriction, cette loi générale de la divine Providence, qu’en ce qui concerne le salut de l’humanité chrétienne Dieu a voulu que tout ce qu’il donne passât par les mains de Marie. Serm., iii, in vigilia Nativitatis Domini, 10, P. I.., t. clxxxiii, col. 100. Dieu a posé en Marie la plénitude de tout bien, de telle sorte que tout ce qu’il y a en nous d’espérance, de grâce, de salut, nous sachions que c’est d’elle que tout cela provient. Serm. in nativit. B. V. M., de aqiiieductu, 6 sq., col. 441. Ce n’est point que Dieu ait été impuissant à nous communiquer sa grâce sans cet aqueduc, mais il a voulu nous la procurer par ce moyen. Nous devons donc tout offrir à Dieu par les mains si recommandables de Marie. Ideoque modieum istud quod ofjerre desideras, gratissimis illis et omni acceptione dignissimis Maria' manibus ofjerendum tradere cura, si non vis sustinere repulsam, col. 448.

Au xiiie siècle, Albert le Grand appelle Marie porte du ciel, quia per eam exivit quidquid gratis ; unquam creatum, vel increatum, in hune mundum venit vel venturum fuit. Mariale, q. cxlvii, Opéra omnia, Paris, 1898, t. xxxvii, p. 211. Selon Richard de Saint-Laurent, vers la même époque, Marie est le cou mystique de l'Église, par lequel Jésus, la médecine de nos âmes, vient à nous, De laudibus B. M. V., . t. V, c. ii, n. 39, dans les Opéra omnia d’Albert le Grand, Paris, 1898, t. xxxvi, p. 302. Marie est aussi l’aqueduc par lequel les dons célestes doivent constamment descendre de Dieu aux hommes, t. IX, c. xv, n. 2, p. 441. Vincent de Beauvais († 1264) reproduit la doctrine de saint Bernard. Opusculum laudum Virginis Mariée, c. cxxviii sq., Bàle, 1481, s. p. Selon saint Thomas, c’est un privilège propre à l’humanité de Jésus-Christ, d’avoir eu la plénitude de la grâce, de manière à la faire rejaillir sur l’humanité tout entière, selon la parole de saint Jean : de plenitudine ejus omnes nos accepimus. Mais Marie a obtenu une telle plénitude de grâce qu’elle a été propinquissima auctori graliæ ita quod eum qui est plenus omni gratia in se reciperet, et eum pariendo quodammodo gratiam ad omnes derivaret. Sum. theol., I II a, q. xxvii, a. 5, ad lum. Marie participant ainsi, à cause de sa maternité divine, à la double plénitude de grâce de Jésus-Christ, plus parfaitement qu’aucune autre créature, est donc vraiment média’trice de la grâce dans toutes les âmes. Saint Thomas

nous montre ainsi le véritable principe théologiquc duquel procède l’universelle médiation de Marie dans la distribution de loutes les grâces. Dans son commentaire sur la salutation angélique, il explique cette plénitude de grâce en Marie, quantum ad refusionem in omnes hommes. Avoir la grâce autant qu’il suffit ad salutem mullorum est une grande chose pour le commun des saints. Mais, en Jésus et en Mari «  la plus grande perfection, qui est d’avoir la grâce en telle abondance qu’elle sulïise ad salutem omnium hominum de mundo. Saint Thomas parle ici non seulement de l’acquisition, mais aussi de la distribution des grâces. En tout danger, ajoute-t-il, nous pouvons, de cette glorieuse Vierge, obtenir le salut et nous pouvons, in omni opère nirlutis, avoir son secours. Expositio super salutat. angel.

Saint Bonaventure († 1274) explique, dans son commentaire sur saint Luc, en quel sens Marie est appelée porte du ciel, quia nullus potest jam cœlum intrare nisi per Mariam transeat tanquam per porlam. A elle nous devons donc avoir constamment recours, afin que par elle qui, au-dessus de toutes les femmes, a, devant Dieu, trouvé grâce et miséricorde, nous trouvions grâce et nous obtenions miséricorde in auxilio opporluno. Comment in Luc. c. i, n. 70 : c. ii, n. 37. Opéra omnia, Quaracchi, 1895, t. vii, p. 27, 52. Conrad de Saxe († 1279), dans son Spéculum B. M. V., souvent attribué à saint Bonaventure, affirme, à la suite de saint Bernard, que, par les mains de Marie, nous avons tout le bien que nous possédons. Et il demande, comme l’abbé de Clairvaux, que par les mains de cette auguste souveraine nous offrions à Dieu tout le bien que nous faisons. Spéculum B. M. V., lect. iii, Quaracchi, 1904, p. 40. Selon Jacques de Voragine († 1298), commme toute la nourriture descend dan ; le corps a capile mediante collo, ainsi c’est par Marie que tous les dons de Dieu nous viennent de Jésus-Christ. Mariale, serm. ix, Lyon, 1688, p. 90

Au xive siècle, Raymond Jordan mentionne la loi providentielle d’après laquelle Marie est notre avocate auprès du Fils, comme le Fils l’est auprès du Père, et il appelle Marie la trésorière des grâces de Dieu. Contemplationes de B. Virgine, prolog., dans la Summa aurea, t. iv, col. 851 sq.

Au xve siècle, le chancelier Gerson (j 1429) appelle Marie notre avocate, notre médiatrice, par les mains de laquelle, selon l’enseignement de saint Bernard, Dieu a résolu de donner tout ce qu’il donne à ses créatures. Serm. de annuntiatione B. M. Y., iv, Opéra omnia, Anvers, 1706, t. iii, col. 1366. Saint Bernardin de Sienne († 1444) proclame expressément que nulla gratia de cœlo nisi ea dispensante ad nos descendit. Sermones pro fest. SS. et V. M., serm. xiii, a. 3. c. m. Opéra omnia, Paris, 1635, t. iv. p. 165. Comme toutes les grâces communiquées au genre humain ont Dieu comme auteur, et Jésus-Christ comme médiateur général, elles ont aussi Marie pour dispensatrice générale. Nam ipsa est collum capilis noslri per quod omnia spiriiualia dona corpori ejus mi/stico communicantur. Sermones /"riales, serm. x, 3, t. i, p. 483. Bie 1 fait sienne la doctrine si explicite de saint Bernard. Sacri canonis missæ lucidissima expositio, lect. xxxii, Brescia, 1576, p. 226 sq. ; De festis divæ virginis Marin' varii atque eruditi sermones, serm. xv, Brescia, 1583, p. 82 sq. Même doctrine à cette époque chez Bernardin de Busti, op. cit., fol. 336, et Pelbart, op. cit., p. 198, 205, et au commencement du xvie siècle chez J. Viguier(† 1553), De annuntiatione dominica, Inslitutiones, Venise, 1560, n. 274.

3e période, de la fin du A’F/e siècle jusqu'à l'époque actuelle, caractérisée par un notable progrès théologique dans la démonstration et dans l’explication de cette vérité, que dans le plan actuel de la Providence, 2401

M K I I Ml. M 1 lï 1 1 I : Ol ! fENTION DE I. CI ! U I

toutes les grâces sont données a l’humanité tout entière par l’intercession de Marie. Ce progrès tut occasionné principalement au r siècle par le-- attaques des protestants contre la dévotion a Marie, et au wiie siècle par l’opposition que l’enseignement traditionnel rencontra chei les partisans des Monita tria. m l.a démonstration théologique de cet enseigne* ment traditionnel fut appuyée principalement sur les nombreux témoignages affirmant, surtout depuis saint Bernard, la médiat ion universelle de Marie dans la ibution de (mites les grâces. Parmi les théologiens qui se servirent de ces témoignages, nous citerons particulièrement à la tin du xvi « et au XVIIe siècle, Bellarmin. Concio xui. De nativitale II. M. Y.. Opéra omnin. Naples, 1861, t. v, p. 298 ; Jean de Carthagène <+ 1617), /V arcanis De i parte et Joseph, I. l. nom. xvii.Anvers, 1622, t. n. p. 122 sq. ; Suarez. In ///" « .t. ii, disp. XXIII, seet. m. n. 5 ; Novato, op. cit., t. n. p. 385 sq. ; Petau, De incarnatione, I. XIV, . De theologicis dogmatibus, Anvers, 1700, t. m.

Christophe de Vega, op. cit.. t. n. p. 102 sq. :

Reichenberger, Mariant cultus vindicte, animadv., . '. 92 sq. ; Bossuet, dans son Sermon sur la dévotion <i /<i très suinte Vierge, prêché à la cour en la fête île la Concept ion de Marie : dans son quatrième sermon, pour l’Annonciation, et dans son discours aux religieuses de Sainte-Marie en la fête de la Visitation ; Bourdaloue dans son sermon déjà cite sur la dévotion à la très sainte Vierge.

Au xviiisiècle. Benoît l’laz/a < + lTiil). Christia

norum in sanctos sanetorumque reginam devotio,

part. II, c v, Païenne. 1751, p. 294 sq. ; Sedlmayr,

.'.. dans Bourrasse, t. viii, p. 63 sq., 192 sq. ;

ihonse de I iuuori. Gloires de Mûrie, part. I. c. v,

vi : part. 11. discours v*.

bt En même temps que l’on apportait des arguments théologiques, on donnait à la thèse des précisions nouvelles, déduites de l 'enseignement des siècles précédents. — a. — Marie est médiatrice de toutes les

- seulement par son intercession. Novato, op. cit., t. n. p. 383. 385 : Petau. op. cit., p. 241 ; Vega, op. cit., t. n. p. 403, 105 ; Georges de Rhodes, op. cit., t. n. p. 267 ; Reichenberger, op. cit.. p. ma sq., 122 sq. ; Plazza. </>. cit., p. 253 sq. ; S. Alphonse de l.iguori. Gloires de Mûrie, part. I. e. v. Ainsi la médiation de Marie, loin de diminuer celle de Jésus-Christ, sert plutôt à la faire ressortir davantage, puisque Marie doit prier son divin Fils pour obtenir de lui toutes les

- qui nous sont concédées, Suarez, In ///"". t. n. disp. XXI II. s, et. m. n. 3. En conséquence, on prit soin de montrer, contre les partisans des Monita sulutarta, et contre les jansénistes qui s’employaient à la

i Uon de la liturgie romaine, que, dans la liturgie de l’Eglise ou dans quelques ouvrages théologiques ou

tiques "U de dévotion populaire, les expressions qui. prises très littéralement, attribueraient a Marie. relativement a la distribution des grâces, un pouvoir

issant le pouvoir d’intercession, ont toujours été comprises par l'Église, ou par leurs auteurs respectifs, dans le sens restreint dune médiation d’intercession. b. — La loi providentielle qui établit Marie médiatrice d’intercession n’exige point que pour l’obtention de chaque « race, on recoure directement à elle par la prière. Par son Intercession, Marie peut nous obtenir le secours de la grâce, sans que nous la priions, ou 'lue nous la priions directement. Novato. op. cit.. t. n. p. 386 ; Plazza. "/<. cit., p. 301, Comme conséquence de cette loi providentielle, les autres saints doivent, dans leur intercession auprès de Dieu, avoir, eux-mêmes, reeour-. a la médiation de Marie. SuareL In III*™. disp. XXIII, sert. m. n. '> : Novato. >,, . cit., t. u. p. 385. Il ne l’ensuil point, cependant, que

la prtèn -i d’autres saints doive elle délaissée.

i 'Église elle même nous donne l’exemple de cette

prière : et les autres saints peuvent nous aider à obtenir la protection de M. nie. SuareI. In lit ". disp. XXIII, seet. m. n. 5. De plus, toute prière faite directement aux saints, ou a Dieu lui même, contient Implicitement une prière a Marie, puisque, selon l’or

dre providentiel, toutes ces demandes doivent elle accompagnées des prières de Marie. Novato. foi dt.

e) Depuis le commencement du kvi 1 siècle jusqu'à l’apparition des Monita salutaria en 1673, rhéophile Raynaud est le seul théologien catholique qui fasse

opposition à l’enseignement traditionnel. Apres avoir rapporté des textes de la tradition eu laveur de cel enseignement et l’avoir qualifié de sententia salis put, Raynaud ajoute qu’il ne voll pas sur quoi l’on peut

fonder cette assertion, que Marie a mérite de congruo, et qu’elle obtient par sis prières, toutes les grâces concédées par Dieu à l’humanité. Il pense que les documents traditionnels doivent plutôt s’entendre en ce sens, que Marie, par sa maternité divine, a été i médiate de toutes les grâces provenant île la rédemption. Diptyeha mariana, part.. n il. Opéra, t. vii, p. '221. d) En 1673, les Monita salutaria H. Y. Maria ad

cultures sans indiscrelOS, ouvrage publié a (.and palvdam Widenfelt de Cologne, récemment converti du protestantisme, s’en prennent particulièrement, dans l’avertissement vtu", à l’enseignement traditionnel : Ne m’honorez point comme s’il n’y avait point possi hilité d’aller à Dieu par Jésus-Christ, sans moi. Car il n’y a qu’un Dieu et qu’un seul médiateur de Dieu el des hommes, Jésus-Christ, i Bourrasse, Summa aurea de taudibus II. viriginis Maria, Paris, 1866, t. v. p. 164 sq. Ces assertions des Monita salutaria furent activement soutenues par les auteurs plus ou moins favorables aux jansénistes, voir particulièrement dans Migne. Encyclopédie catholique, 1° série, t. xiii. col. (.n)l sq., la bibliographie des ouvrages favorables aux Monita : Balllet († 1706), De le dévotion à lu Vierge 't du culte qui lui est dû, Paris. 1693, ouvrage mis à l’Index le 26 octobre 1701 ; Gilbert de Choiseul. Eptstola pastoralis de cuttu V. Maria, Lille, 1614, et Muratori. sous le pseudonyme Lamindo Printanio. Dcllu regolatu divozione de Cristiani, Venise, 1717, p, 817. Contre toutes ces attaques, l’enseignement traditionnel fut défendu par beaucoup de théologiens catholiques, voir la bibliographie donnée par Migne, loc. cit., et Terrien, op. cit., t. iii, p. 584 sq. Nous citerons particulièrement Heichenberger, op. cit., p. 02 sq. : Plazza, op. ci !., p. 294 sq., et S. Alphonse de Liguori, Gloires de Mûrie, part. I, c. v. Dans deux courtes réponses placées à la fin des Gloires de Marie, saint Alphonse réfuta quelques attaques dirigées contre renseignement traditionnel par un auteur anonyme et par un certain Rolfl. Bien que TrombeUi 1 1 17* I ise donne comme opposé à la doctrine commune, en s’appuyant surtout sur Théophile Raynaud et sur le silence des auteurs les plus anciens, op. cit., dans la Summa aurea, t. iv, col. 47 sq., il ne paraît cependant point la combattre formellement. Il n’y a, eu réalité, aucune opposition entre cette doctrine et les deux thèses préférées de Trombelli : Marie n’est point médiatrice universelle, en ce sens que l’on doive recourir a elle seule, que par elle on doive tout demander à Dieu ou a Jésus-Christ, et par elle tout recevoir de Dieu ou de Jésus-Christ : Marie ne doit pas n saireinent être priée directement pour que la yràce divine soit concédée, cette grâce peut être demandée Immédiatement a Dieu ou à Jésus-Christ, col. 59 sq., 62, t :..

Apres la Victorieuse lutte de saint Alphonse, la médiation universelle de Marie ne rencontra plus

aucune opposition ; et avec Léon XIII, Pie X, et Benoît XV elle eut l’approbation de l'Église.

Au début île la première encyclique de Léon XIII sur le rosaire, du 1° septembre 1883. Marie est appelée cœlestium administra gratiarum. L’encyclique Jucunda semper du 8 septembre 1894 rappelle cette loi providentielle déjà exprimée par saint Bernardin de Sienne : Omnis gratia quæ huic sseculo communicatur, Iriplicem habet procession. Nam a Deo in Christum, a Christo in Virginem, a V rgine in nos ordinatissime dispensatur. A la fin de cette même encyclique, le pape lait siennse ces deux phrases de saint Bernard, que Dieu, flans sa très bienveillante miséricorde, a établi.Marie noire médiatrice, et qu’il a voulu que tout nous vienne par elle. Le même enseignement se rencontre encore au début de la lettre Diuturni lemporis du 5 septembre 1898. La même doctrine se retrouve dans l’encyclique Ad diem illum, de Pie X, du 2 février 1904. Marie y est appelée universorurn munerum dispensairix quie nobis Jésus nece et sanguine comparavit. I ! est vrai que la distribution de tous ces dons appartient en propre à Jésus-Christ, et que Jésus-Christe ; t la fontaine, de la plénitude de laquelle nous avons tout reçu. Mais Marie est l’aqueduc transmettant toutes ces grâces, ou le cou mystique de notre chef, par lequel tous les dons spirituels sont communiques à son corps : Ipsa est collum capitis nostri, per quod omnia spirilualia dona eorpori ejus mystico communicantur. Benoît XV consacra cet enseignement en approuvant pour l'Église universelle, la messe et l’office liturgique de Marie médiatrice de toutes les grâces, où la vérité que nous venons d'étudier est très explicitement affirmée.

Conclusions doctrinales.

1° "conclusion, concernant l’existence et la nature de la médiation uninerselle

de Marie pour la distribution de toutes les grimes. — a) C’est un enseignement approuvé par l'Église, que, dans le plan actuel de la Providence, toutes les grâces surnaturelles sont obtenues par l’intercession de Marie. Implicitement contenue, jusqu’au viiie siècle, dans l’affirmation générale de la médiation universelle de Marie, puis affirmée plus explicitement, du vine au xve siècle, dans cette proposition encore générale que tous les dons de Dieu nous viennent par l’intermédiaire de Marie, cette vérité reçut, depuis la fin du xvie siècle jusqu'à l'époque actuelle, un nouveau perfectionnement dans sa démonstration et dans son exposition théologique.

b) La conclusion est vraie de toutes les grâces surnaturelles provenant de la rédemption de JésusChrist. La conclusion, ne comportant aucune restriction, doit s’appliquer même aux grâces conférées par les sacrements, en ce sens, que les dispositions que l’on doit apporter à leur réception, et desquelles dépend la production sacramentelle de la grâce, sont obtenues par l’intercession de Marie.

Il s’agit seulement des grâces surnaturelles provenant de la rédemption de Jésus-Christ. La conclusion ne s’applique donc pas aux biens naturels qui nous sont départis par la Providence, du moins si l’on considère ces biens en eux-mêmes, et non l’usage surnaturel que l’on en fait. La conclusion s’applique avec rigueur seulement à la période qui a suivi l’entrée de Marie au ciel. C’est seulement depuis ce moment que l’on est assuré de la parfaite connaissance possédée par Marie, de tous les besoins et de toutes les prières de chacun des membres de l’humanité. On doit cependant admettre que l’intercession de Marie, pendant sa vie terrestre, fut très puissante pour attirer les dons du ciel sur les apôtres et sur les premiers fidèles. Quant aux siècles qui ont précédé l’incarnation, si l’on peut dire avec raison que la grâce divine y a été donnée à

cause des mérites futurs de Jésus, et secondairement à cause des mérites prévus de.Marie, il est clair qu’il ne peut y être question d’une médiation d’intercession exercée par.Marie.

c) Pour l’exercice de cette médiation d’intercession, il n’est point nécessaire que l’on prie directement .Marie ni même que l’on prie effectivement : Il n’esl point nécessaire que l’on prie directement Marie. Les textes cités attestent que, par le fait que l’on prie les autres saints ou Dieu lui-même, cette prière est toujours accompagnée des prières de Marie. D’autre part, selon l'économie générale du plan divin, la grâce peut être libéralement accordée à une âme qui ne prie point. C’est un enseignement certain que, si la prière est le moyen ordinaire établi par Dieu pour la dispensation de ses grâces, elle n’est cependant point une condition strictement requise pour la concession de la grâce divine qui peut être accordée, et est, de fait, accordée par Dieu, selon les desseins de sa souveraine sagesse, sans la condition préalable de la prière : Deus nobis multa præstat ex sua liberulitute, etiam non petita. S. Thomas, Sum. theol., IIMF 6, q. lxxxjii, a. 2, ad 3um ji es t certain aussi que la prière laite à Marie, avec les dispositions voulues, donne une plus grande assurance d’obtenir la grâce divine, comme nous le montrerons bientôt en parlant de l’assurance de salut provenant d’une filiale dévotion à Marie.

d) Il s’agit uniquement d’une médiation d’intercession, par laquelle Marie obtient de Dieu, et dépendamment des mérites de Jésus-Christ, toutes les grâces surnaturelles. — a. — Le rôle d’intercession exercé par Marie ne diffère donc point en substance de celui des autres saints. Mais tandis que le rôle des autres saints est seulement d’obtenir de façon spéciale le secours divin pour quelques besoins déterminés, ou pour quelques catégories de personnes, la médiation de Marie, comme le fait observer saint Thomas dans son Commentaire sur la salutation angélique, s'étend universellement à tous les besoins de toute l’humanité régénérée. Il y a encore cette différence, comme on le montrera plus loin, que l’intercession de Marie est beaucoup plus puissante et plus efficace que celle de tous les autres saints, même joints ensemble.

b. — L T ne telle médiation d’intercession recevant toute son efficacité des mérites de Jésus-Christ, seul vrai médiateur et rédempteur, loin de nuire à sa médiation, sert, au contraire, à la glorifier et à la mettre en relief. Marie, selon la parole de Léon XIII dans l’encyclique Fidentem piumque du 20 septembre 1896, est en réalité mediatrix ad mediatorem.

Selon l’enseignement de Pie X, dans l’encyclique Ad diem illum du 2 février 1904, les grâces dont Marie a été établie la dispensatrice nous ont été acquises par la mort et le sang de Jésus-Christ. De droit, Jésus en est le dispensateur puisque ces grâces sont le fruit exclusif de sa mort : de droit, il est le médiateur principal entre Dieu et les hommes. Le Christ est la source et c’est de sa plénitude que nous avons tous reçu avec abondance. Marie est seulement l’aqueduc ou le cou mystique par lequel Notre-Seigneur communique à son corps mystique tous les dons spirituels. Elle est médiatrice auprès de son divin Fils et avocate du monde entier. Que l’on se rappelle aussi la parole de saint Thomas : Jésus-Christ est le seul médiateur parfait de Dieu et des hommes, mais rien ne s’oppose à ce que d’autres soient dits médiateurs secundum quid entre Dieu et les hommes, prout scilicet cooperantur ad unionem hominum cum Deo disposilive vel minislerialiter. Sum. theol., III », q. xxvi, a. 1. En fait, comme le montre Xewman, dans l'Église catholique la médiation de Marie ne voile aucunement celle de Notre-Seigneur. L’histoire atteste que ce sont précisément les nations qui ont perdu la foi en la divinité de Jésus M A K I I- 1. Ml RE DES 1 1 « » M M ES

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Christ, nui ont abandonné la dévotion.1 sa mère ;

tandis « .] ttf celles qui on ! toujours été les premières.1

l’honorer, ont gardé leur orthodoxie, Dans l'Église

catholique, Marie s’est toujours montrée non la rivale

mais la servante de son Ris. Dans toute l’histoire de

lise, elle.1 protégé son Ris comme elle l’avait pro

enfance. Cette parole de Faber que

Pusej condamnait : Jésus est voilé parce que Marie

ardée a l’arrière plan. est donc une vérité his

torique manifeste. Attestée par l’histoire, cette érlté

continue Newman, est rendue très manifeste par la

Ifs écrits « les saints qui ont vécu dans ta période

moderne. Il cite comme exemples saint Alphonse

ilf Liguori et saint Paul de la Croix, tous deux recoin mandables par leur grande dévotion envers Marie et

leur amour très parlait envers Notre Seigneur, dont ils

donnèrent le nom à leurs congrégations..1 letter addres the liev. /'. P. Puseg, on occasion <>/ his Eirtnicon,

dans Certain difflculties felt bij anglicans in catholic

teaching considered, Londres, 1910, réimpression, t. n.

p. 91 sq.

I conclusion, concernant l’attribution il Marie du titre de dispensatrice de toutes les grâces, ou de médiatrice pour lit distribution de toutes les grâces.

Ces expressions, consacrées, au moins depuis plusieurs siècles, par l’enseignement théologique, a signifier en Marie un pouvoir émlnent d’intercession ont approuvées par l’emploi qu’en ont fait Léon iu et Pie. dans plusieurs encycliques. Ils y louent particulièrement en Mario les titres glorieux de ecetestium administra gratiarum, unioersorum munerum dispensairiz qu.r nobis Jésus neee et sanguine comparant. On comprend, d’ailleurs, que depuis longtemps ce langage avait l’approbation de l'Église, par l’emploi fréquent de semblables expressions dans la liturgie sacrée, notamment dans l’office de la très sainte Vierge et dans les messes célébrées en son honneur. Cependant il peut être souvent opportun, surtout dans la polémique avec les non-catholiques, ou dans la prédication, d’employer, avec ces titres, quelques termes indiquant que la médiation

ée par Marie est une médiation d’intercession.

Pour eette conclusion et pour la précédente, nous citerons particulièrement. II. Morkelbaoh, Étude sur lu met ailion île lu Mire île Unit. I.iejje 1914 ; I. Bit ti emieiiv. De

mediatione untotrttUi 11. M. Virginia quoad gratias, Bruges

indiquant de nombreux travaux récents ; et pour la

doctrine de s. Thomas, II. tferkelbach, Quid tenserii s. Thunuis Je mediatione H. Mariât oirginis, Rame, 1924,

/II. S DOCTBISALBS COXCJBRNAJfT LA

UATEMSITÊ BOMAIMM DM H AMIS. — 1° conclusion. Marie, à cause de sa double médiation dans l’acquisition et la distribution de toutes les grâces concédées a l’humanité chrétienne, est justement appelée mère de tous les chrétiens. — 1. c’est l’enseignement constant de l'Église, rappelé par Pie X dans l’encyclique Ad diem illum du 2 février 1904. Marie y est proclamée mère de tous les chrétiens, ou mère du corps mystique de Jésus-Christ, parce qu’elle communique a ce corps mystique tous les dons de la grâce de la rédemption de Jésus-Christ, grâces qu’elle a méritées <le congruo

tSSOCJant a la passion de son divin Fils, et grâces qu’elle obtient pour tous par son intercession. L’enseignement de Léon XIII n’est pas moins explicite. L’encyclique Quanquam pluriel du lô août 1889 appelle Marie mère de tous les chrétiens, qu’elle a engendrés sur le Calvaire au milieu des soullranecs

aies fie von divin Ris. L’encyclique Magna Dei mntris du 1° septembre 1892 célèbre Marie mère de miséricorde, tellement disposée a notre égard que, dans tous dos besoins, quels qu’ils soient. surtout en ce qui concerne l’acquisition de la vie éternelle, elle vient toujours proniptement a notre secours, même sans

être sollicitée ; elle nous donne abondamment de ce

trésor de grâce dont elle a etc. des le commencement, enrichie par Dieu. Dansl’encj clique Adfutricem » oi>uli

du."> septembre 1895, elle est proclamée simili mater

Dei, sunul mater nostra. Tel avait été aussi l’enseigne

ment des papes précédents : Pie IV Grégoire l.

Pie ni. Benotl l. etc. Voir m i egnanl, De theo logica certitudine maternllatis II. Virginia quoad fidèles, Venise, 1899, p. 19 sq. ; Terrien, op. cit., t. m. p. 76 sq, .1. Bittrémieux, op. cit.. p. 149 156. La liturgie de l'Église exprime souvent la même doctrine, pu beaucoup de titres signifiant sa maternité universelle,

comme mère de grflce, mère de miséricorde, unie

du perpétuel secours, du bon conseil.

lai même temps que l'Église affirme ce glorieux titre de Marie, elle en montre la parfaite convenance :

Marie n’est elle pas la mère de bieu'.' Elle est dune aussi notre mère. Car c’est un principe bien assure que Jésus Verbe lait chair est en même temps le Sauveur ilu genre humain. Comme I >icu I Ioinine, il a un corps comme les autres hommes, connue Rédempteur de notre race il a un corps spirituel ou mystique qui est la société de ceux qui croient en lui

selon la parole <le saint Paul, Rom., mi, 5. or la sainte Vierge n’a pas conçu le Ris « le Dieu seulement pour qu’il devint homme, en prenant d’elle la nature humaine, mais aussi pour qu’il devînt le rédempteur des hommes par la nature qu’il a prise d’elle. C’est pourquoi l’ange dit aux bergers : Aujourd’hui vous est ne un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Ainsi dans le même sein de sa Mère très pure, Jésus a pris sa chair humaine et s’est adjoint son corps spirituel formé de tous ceux qui devaient croire en lui. Donc Marie avant dans son sein le Sauveur, a aussi porté tous ceux dont la vie était contenue dans la vie du Sauveur..Vous tous qui sommes unis à Notre-Seigneur, qui sommes, comme dit l’Apôtre, Eph., v, .'in, membres de son corps, qui sommes de sa chair et de ses OS, nous sommes sortis du sein de Marie, comme un corps spirituel attaché à Jésus notre chef. Donc nous aussi, d’une manière spirituelle et mystique, nous sommes appelés fils de Marie et elle est notre mère à tous. Encyclique de Pie X, Ad diem illum, du 2 lévrier 1904.

2 conclusion. — La maternité spirituelle de Marie est une vérité implicitement contenue dans l’enseignement néo-testamentaire, au même titre et de la même manière que la double médiation universelle dont elle est une conséquence immédiate. Après avoir montré, selon le texte de saint Luc, la médiation universelle de Marie par le consentement qu’elle donna à l’incarnation rédemptrice, source de toutes les grâces pour toute l’humanité, nous avons donc le droit d’affirmer, en vertu de cet enseignement scripturaire, la maternité universelle de Marie, dans l’ordre actuel relativement à toutes les grâces et pour toute l’humanité.

côté de cette pi cuve pleinement suffisante, indiquons l’usage fréquent que l’on a fait, dans les siècles chrétiens de plusieurs textes néo-test a m eut aires pour exprimer, avec des paroles ou des faits empruntés a l'Écriture, une vérité déjà connue par la tradition et par l’enseignement évangélique.

a) Le fait de la sanctification de Jean-Baptiste accomplie par l’intermédiaire de Marie a été assez

souvent employé comme un symbole scripturaire d la maternité spirituelle de Marie. C'était la pensée de saint Ambroise attribuant a Marie, lelon le texte de Luc, i. 11, II. la sanctification de Jean-Baptiste dans le sein d’Elisabeth, l)< institutionr virginis, vu, 50, /'. L., t. xvi, coi. 319 ; Exposilio evangelii

Mt. Lucam, [I, 29, t. XV, COl. 1562. Dans le même sens citons aussi le sermon de Bossue ! sur la dévotion a la sainte Vierge, prêché a la cour dans la fête rft la Con

ceptfon, son II' sermon pour la fête de la Visitation et saini Alphonse « le Liguori dans son sermon sur la Visitation, Gloires île Marie, part. ii, sermon v.

b) De la même manière, le premier miracle public « le

Jésus accompli à la prière de -Marie, Joa., 11, I sq., est présenté par Bossuet, après beaucoup d’autres auteurs ecclésiastiques, comme une marque que.Marie est associée à l’cem re de la justification des âmes : « Qui n’a il mirera, dit-il dans le sermon déjà cité sur la Dévotion à la sainte Vierge, que Jésus n’ait voulu faire son premier miracle qu'à la prière de la sainte Vierge ? ce miracle en cela différent des autres : miracle (jour une chose non nécessaire. Quelle grande nécessité qu’il y eût du vin dans ce banquet ?.Marie le désire, c’est assez. Qui ne sera étonné de voir qu’elle n’intervient que dans celui-ci, qui est suivi aussitôt d’une image si expresse de la justification des pécheurs ? cela s’est-il fait par une rencontre fortuite ? Ou plutôt ne voyezvous pas que le Saint-Esprit a eu dessein de nous faire entendre ce que remarque saint Augustin, en interprétant ce mystère « que la Vierge incomparable, étant mère de notre chef selon la chair, a dû être aussi, selon l’esprit, la mère de tous ses membres, en coopérant par sa charité à la naissance spirituelle des enfants de Dieu. »

c) Plus fréquemment, pour exprimer la maternité spirituelle de Marie, déjà connue par la tradition catholique et par le texte de saint Luc, on s’est servi, depuis le xii c siècle jusqu'à l'époque actuelle, du texte : Millier, ecce filius tuus, Fili eece mater tua, Joa., xrx, 26 sq. ; comme le montrent les nombreuses citations faites par Legnani, op. cit., p. 7-20 ; Terrien, op. cit., 1. 1, p. 271 sq. ; A. Largent, La maternité adoptive de la très sainte Vierge, Paris, 1909, p. 39 sq. ; J. Bittrémieux, op. cit., p. 189-193 ; comme l’alteste aussi l’usage qu’en a fait Léon XIII dans l’encyclique Octobri mense du 22 septembre 1891, § Ubi vero per myslerium crucis, et dans l’encyclique Adjutriccm populi du 5 septembre 1895, § Eximise in nos caritalis Christi. Sous ces paroles et le plus souvent sans prétendre en donner une véritable exégèse, on a voulu exprimer la sublime réalité qui s’accomplissait alors sur le Calvaire : Marie devenant la mère de tous les chrétiens en les enfantant par ses souffrances unies, pour le salut du monde, à celles de son divin Fils.

Il y a donc divergence de points de vue plutôt qu’opposition d’idées entre cet emploi scripturaire et l’interprétation très littérale de Knabenbauer, Commentarius in Evangelium secundum Joannem, Paris, 1898, p. 546 sq., et du P. Lagrange, Évangile selon saint Jean, Paris, 1925, p. 494 sq., entendant les paroles de Notre-Seigneur du soin temporel de Marie confié à son disciple bien-aimé. Notons que d’autres exégètes entendent littéralement les paroles scripturaires de la maternité spirituelle de Marie s'étendant à Jean et au même titre à tout le corps mystique ou à tous les fidèles, Simon-Prado, Prælectiones biblicæ, Novum Testame.itum, 3e édit., Turin, 1926, t. i, p. 598 sq.

3e conclusion. — La maternité spirituelle de Marie étant une conséquence de sa médiation universelle a été, comme cette médiation elle-même, constamment affirmée par la tradition catholique.

Il est vrai que, jusqu'à la fin du ive siècle, l’expression, Marie mère des chrétiens ou des fidèles ne se rencontre point, d’une manière explicite, dans la tradition chrétienne. Mais elle est virtuellement contenue dans l’antithèse souvent exprimée entre Eve qui par sa désobéissance a été pour toute l’humanité, une cause de mort et Marie cause de salut pour toute l’humanité, par son obéissance à la parole de l’ange. N’est ce pas affirmer que Marie, d’où la vie est provenue pour toute l’humanité régénérée est pour la vie

spirituelle, la mère des vivants ou la mère des chrétiens, comme, pour la vie corporelle, Eve a été la mère de tous les vivants ?

A la fin du iv siècle et dans la première moitié du v siècle, l’expression mère des vivants ou n de tous les membres dont Jésus-Christ est le chef, se rencontre, chez saint Épiphane, Hseres., i.xxvin, ]*, /'. G., t. xi. ii, col. 728 ; S. Augustin, De sancta virginitate, vi, 6, P. J.., t. xl, col. 399 ; et S. Pierre Chrysologue, Serin., cxi., 1'. L., t. lii, col. 576,

Depuis cette époque, l’expression se retrouve a fréquemment chez les auteurs ecclésiastiques et dans la liturgie de l'Église, sans que nous ayons besoin d’en rapporter ici tous les détails. On notera toutefois que, depuis le v siècle jusqu’au xvr sièi et même encore plus tard, les expressions signifiant immédiatement la double médiation universelle de Marie, sont beaucoup plus fréquentes que celles qui signifient directement la maternité humaine. Aussi ce que l’on doit plus particulièrement considéier pendant cette période, c’est Je concept de la double médiation universelle de Marie : très explicite depuis le viiie siècle en Orient avec saint Germain de Constantinople, très explicite aussi en Occident depuis le xie et le xii c siècle, avec saint Anselme et saint Bernard. Depuis le xvie siècle jusqu'à l'époque actuelle, en même temps que l’expression mère des fidèles ou des chrétiens est plus universellement employée, surtout dans les documents ecclésiastiques, le concept de la médiation universelle de Marie est, comme on l’a montré, beaucoup plus explicitement formulé par les théologiens et aussi par le magistère ordinaire des souverains pontifes.

4e conclusion — L’universalité de la maternité humaine de Marie doit s’entendre dans le même sens que l’universalité de l’influence de la grâce de JésusChrist relativement à son corps mystique. C’est une conséquence du plan divin, qui a associé Marie au rôle de Notre-Seigneur en l’instituant médiatrice pour l’acquisition et pour l’impétration de toutes les grâces provenant de la rédemption.

Or, suivant saint Thomas, Sum. iheol., IIP, q. viii, a. 3, il y a trois catégories de membres qui sont unis à Jésus in aclu : les saints du ciel qui lui sont unis per fruitionem patriæ, les fidèles vivant sur la terre qui lui sont unis per carilatem viæ, et ceux qui, de quelque manière, sont ses membres par la foi. Marie est donc in actu mère de tous les saints qui jouissent de la gloire du ciel ; mère de tous les fidèles qui sont unis à Jésus-Christ par la grâce sanctifiante. De quelque manière aussi, elle est mère de ceux qui appartiennent imparfaitement à Jésus-Christ, seulement par la foi.

Comme il y a des degrés de perfection dans la manière dont on est uni à Jésus-Christ par la possession de la grâce sanctifiante, ou par la fruition de la gloire du ciel, il y a aussi des degrés de perfection dans la manière dont les saints du ciel et les justes de la terre ont reçu ou reçoivent les dons célestes par l’intermédiaire de Marie.

Quelles que soient les causes immédiates de cette diversité dans les degrés de perfection, il est bien assuré que la cause suprêma n’est autre que l’amour effectif de Dieu, qui, selon le raisonnement de saint Thomas, veut plus de bien à certaines âmes qu'à d’autres : Volunlas Dei est causa bonitatis in rébus. Et sic ex hoc sunt aliqua meliora, quod Deus eis majus bonum vult. Sum. theol., , I a, q. xx, a. 4. Il y a aussi, selon saint Thomas, deux catégories de membres de Jésus-Christ in potentia : ceux qui lui sont unis de puissance seulement, mais d’une puissance qui doit être réduite en acte secundum divinam preedestinationem ; et ceux qui sont unis à Jésus-Christ, d’une puissance qui ne sera jamais réduite à l’acte, comme les hommes qui vivent en ce monde et qui ne sont point prédestinés. Relativement à ces deux groupes, la maternité humaine de Marie est aussi in potentia ; non qu’aucune grâce ne leur soit concédée par l’intermédiaire de Marie, mais parce que par leur propre faute et malgré les dons divins répandus sur elles par l’intermédiaire de Marie, ces âmes n’arrivent point, ou ne sont pas encore arrivées à la possession de la foi ou de la charité. N’est-ce point une vérité certaine qu’a toutes les âmes Dieu donne toujours les secours suffisant pour les conduire à la foi et aux autres dispositions absolument nécessaires pour le salut ? Aussi on pourrait, en toute vérité, appliquer a la toute puissa, te protection de Marie dont ces âmes se privent par leur propre faute, ce que saint Thomas dit de ceux qui sont privés de la grâce divine, parce qu’ils apportent d’eux-mêmes un obstacle à la grâce divine : Sed illi soli gratia privantur qui in seipsis gratiæ impedimentum præstant, sicut sole mundum illuminante, in culpam impuyatur ei qui oculos claudit si ex hoc aliquod malum sequatur, licet videre non possit nisi lumine solis præveniatur. Contra gent., I iii, c. 159