Dictionnaire de théologie catholique/MESSE VIII. La messe dans la liturgie 4. L'anaphore du Testamentum Domini
IV. Le testament de Nôtre-Seigneur. —
C’est en 1899 que Mgr Ignatius Ephræm II Rahmani publia à Mayence le Testamentum domini nostri Jesu Christi, texte syriaque, traduction latine, des prolégomènes et sept dissertations sur le texte. L’auteur ne craignait pas d’en faire remonter la date au temps
de saint Irénée, le commencement ou le milieu du il » siècle. Mais les critiques n’ont pas souscrit à ce jugement. Malgré les archaïsmes que contient ce document, on ne peut le situer avant le milieu du IVe siècle (Zahn, dom Morin), et même quelques critiques le placent plus bas, au ve siècle (Wordsworth, Harnack, Batifîol, Funk). Nous citerons plus loin les principaux travaux sur ce document. Pour le moment nous nous contenterons de dire que les relations entre le Testament et les Constitutions apostoliques sont nombreuses, et qu’il n’est pas possible de faire remonter sa rédaction dernière à une époque de beaucoup antérieure à ce dernier document.
Quelle que soit la date qu’on lui assigne le Testament n’en reste pas moins un document précieux pour la liturgie, notamment pour l’histoire de la messe, et il nous conserve des traditions anciennes.
Le t. I, c. xix, nous donne une description détaillée de l'église (Rahmani, p. 23) qui peut nous aider à nous rendre compte des divers rites de la messe au iv « -v » siècle. L’auteur nous décrit, comme celui des Constitutions apostoliques l’avant-messe. A cette époque les deux rites sont étroitement liés et semblent n’en plus faire qu’un. Elle a lieu après un office matinal, l’oralio ou laudalio aurorse. L. I, c. xxvi. Après quoi le lecteur lit les prophéties et les autres leçons. Au prêtre ou au diacre est réservée la lecture de l'évangile. Suit l’homélie. Rahmani compare cette messe des catéchumènes avec les deux types qui nous sont donnés dans les Const. apost., t. II, c. lvii et t. VIII, c. v-xi. Les deux descriptions ne diffèrent pas essentiellement. Cf. p. 170 sq.
Le diacre donne alors congé aux catéchumènes et à tous ceux qui ne doivent pas assister au sacrifice. P. 83. La prière litanique dite par le diacre suit la même ligne que celle des Const. apost., qui a été conservée avec des changements plus ou moins importants dans les liturgies orientales, et même dans quelques liturgies latines. Pro pace… pro flde… pro concordia, etc. L'énumération est très complète ; on prie pour les apôtres, les prophètes, les confesseurs, l'évêque et tous les ordres, les catéchumènes, les princes, les voyageurs, les défunts, etc. Après cette proclamation le diacre dit la prière : Surgamus in Spiritu Sancto p. 87, et l'évêque conclut par une prière qui est simplement indiquée par ces mots : Episcopus deinceps perficial. Populus dicat : Amen. P. 89.
A un autre endroit, t. I, c. xxviii, p. 59, l’auteur nous donne une instruction : Mystagogia quæ profertur ad fidèles ante oblalionem. Elle est récitée seulement pour Pâques, l’Epiphanie, la Pentecôte, le samedi et le dimanche. Dans ce texte l'évêque fait un exposé théologique, une sorte de commentaire très étendu du symbole de foi. Le Fils est homme et Dieu tout ensemble ; il a vaincu la mort et le démon ; il est descendu aux enfers ; il est le roi du royaume éternel, il est la sagesse, la puissance, il est le Seigneur, il est le bras du Père. Lumière, salut, sauveur, docteur, libérateur, pasteur, porte, vie, remède, nourriture et breuvage, juge, il est tout cela. Avec Dieu avant les siècles, il s’est incarné pour sauver les hommes ; sa croix est notre vie. Ces thèmes sont développés avec une piété touchante mais prolixe. C’est l’instruction mystagogique qui se termine par la doxologie et le peuple répond : Amen. P. 59-67.
La messe des fidèles est longuement décrite et avec tous les détails. L. I, c. xxiii, p. 35.
Pour l’offrande, l'évêque offre le samedi trois pains, symbole de la Trinité ; quatre le dimanche, symbole des évangiles. Il offre avec les prêtres, les diacres, les veuves, les sous-diacres, les lecteurs et ceux qui ont des charismes. L’ordre suivi est minutieusement
décrit. Les prêtres concélèbrent et imposent avec l'évêque la main sur les pains. Avant l’offrande a lieu le baiser de paix. Le diacre proclame longuement ceux qui ne doivent pas assister à la messe ou participer :
Si quis odium contra proximum habet, reconcilietur ; si quis conscientia incredulitatis versatur, confiteatur ; si quis pollutus, Iocum det ; si quis prophetas despicit, semet segreget ; etc., etc.
Enfin le dialogue de la préface Dominus vobiscum, Sursum corda, Sancla per sanctos (dit l'évêque) et il entonne l’anaphore : Graiias libi agimus.
C’est le même thème, quelquefois mot pour mot, que celui d’Hippolyte, mais longuement paraphrasé. 1° Dieu est le Père saint,
Animarum nostrarum corroborator, vitæ nostræ donator, Pater unigeniti tui salvatoris nostri, quem ultimis temporibus misisti ad nos redemptorem et præconem tui consilii, etc.
2° Le Fils est :
Virtus Patris, gratia gentium, scientia, sapientia vera, etc. C’est le Père qui l’a envoyé, le Père :
Fundator excelsorum, rex thesaurorum lucidorum, inspecter Sion cælestis, etc. Tu domine, Verbum tuum, filium tuæ mentis, per quem omnia fecisti, cum ipso complacueris, in uterum virginalem misisti… qui voluntatem tuam adimplens et præparans populum sanctum… qui cum traderetur passioni voluntariæ etc., même développement que dans Hippolyte.
3° Le récit de l’institution est aussi à peu près calqué sur Y Apostolica traditio, pour la consécration du pain. Celle du calice au contraire est conçue en termes assez insolites :
Similiter calicem vini quod miscuit dédit in typum sanguinis, qui effusus est pro nobis.
L'éditeur fait remarquer qu’il y a ici erreur du copiste qui a omis les paroles consécratoires : hic est sanguis meus qui efjunditur pro vobis. Les passages parallèles, notamment la liturgie des Canons ecclésiastiques empruntée à celle-ci, ont en effet ces paroles.
4° L’anamnèse paraphrase la Traditio apostolica en ces termes :
Memores ergo mortis tuæ et resurrectionis tuæ offerimus tibi panem et calicem, gratias agentes tibi, qui es solus Deus in sæculum et salvator noster, quoniam nos dignos effecisti, ut staremus coram te et tibi sacerdotio fungeremur. Quapropter gratias agimus tibi, nos tui famuli, Domine.
Et le peuple répète cette formule.
5° L'évêque reprend la prière d’oblation qui aboutira comme celle de la Traditio à une épiclèse de même nature. Mais ici intervient un élément qui faisait défaut dans l’anaphore d’Hippolyte, c’est une prière d’intercession litanique, mais sans la réponse du peuple qui est un des éléments de cette prière :
Curam habe eorum qui tuam voluntatem semper faciunt ; viduas visita orphanosque adjuva. Mémento eorum qui in fide obdormierunt…
à noter en particulier la mention des charismes qui est une des curiosités du Testamentum :
Eos qui sunt in charismatibus revelationum sustine usque in finem, qui sunt in charismate sanationis, confirma, qui habent virtutem linguarum, robora, qui laborant in verbo doctrinæ dirige.
L'épi elèse consiste en une simple prière au Saint Esprit :
Da deinde, Deus, ut tibi uniantur omnes, qui participando accipiunt ex sacris [mysteriis] tuis, ut Spiritu Sancto repleantur ad confirmationem fidei in veritate ut tribuant tibi semper doxologiam et Fliio tuo dilecto Jesu Christo, per quem tibi gloria et imperium cum Spiritu Sanclo in sæcula sæcuiorum. Le peuple dit : Amen. 1363
- MESSE DANS LA LITURGIE##
MESSE DANS LA LITURGIE, L’ANAPHORE DE BALYZEH 1364
Le Saint-Esprit est encore mentionné par l'évêque :
Da nobis concordem mentem in Spiritu Sancto, et sana animas nostras per oblationem…
Quelques avertissements sont donnés pour recevoir la communion, avec des prières. En recevant le pain consacré on dit : Amen, puis :
Sancta, sancta, sancta Trinitas ineffabilis, da mihi ut sumam hoc corpus in vitam, non in condemnationem…
En recevant le calice :
Amen, in plenitudinem corporis et sanguinis.
Et quand tous ont communié, le diacre fait une prière d’action de grâces : confïteamur Domino, etc.
L'évêque en fait une autre de son côté : elle se termine par une doxologie trinitaire, à laquelle le peuple répond : Amen, p. 48, 49.
6° Une doxologie a été dite à la fin de l'épiclèse, une autre après les prières d’action de grâces. La messe se termine sur la bénédiction :
Sit nomen Domini benedictum in sœcula. Populus : Amen. Benedictus qui venit in nomine Domini, benedictum nomen gloriæ ipsius. Populus : fiât, fiât.
L'évêque : Emitte gratiam Spiritus super nos.
Après la publication du texte par Rahmani (voir cidessus) divers articles ont paru sur son livre : Aremzen, dans Journal of theological Studies, t. n et iii, 1901, 1902 ; P. Batiffol, Le soi-disant Testament de N.-S. J.-C, dans Revue biblique, 1900, p. 253-260 ; H. Achelis, dans Theologische Lileraturzeitung, 1899, p. 705 ; F. X. Funk, Das Testament unseres Herrn und die verwandten Schriften, Mayence, 1901 ; cf. Der Katholik, 1900, 1. 1, p. 9 ; A. J. Maclean, The ancient Ciiurch Orders, Cambridge, 1910, p. 163 ; du même, Récent discoveries illustrating earlg Christian Life and Worship, Londres, 1915, p. 119, 120 ; dom G. Morin, Revue bénédictine, 1900, p. 25 ; A. Harnack, Comptes rendus de l’Acad. des sciences de Berlin, 30 nov. 1899 ; J. Wordsworth, deux articles dans Church Quarterly Review, janv. et avril 1900, et un art. dans Revue internationale de théologie, 1900, t. xxxi ; James Cooper et A. J. Maclean ont publié The Testament of our Lord, trad. anglaise sur le syriaque avec introd. et notes, Edimbourg, 1902.