Dictionnaire de théologie catholique/NESTORIENNE (Eglise) I. Généralités, définition, sources et bibliographie générales

La bibliothèque libre.
Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.1 : NAASSÉNIENS - ORDALIESp. 86-87).

II. L'ÉGLISE NESTORIENNE.
I. Généralités.
II. Évangélisation de l’empire parthe (cal. 159). —
III. L'Église de Perse sous la dynastie sassanide (col, 163). —
IV. L'Église nestorienne sous la domination arabe (col. 187). —
V. Les établissements nestoriens dans l’Inde (col. 195). —
VI. L’expansion nestorienne vers l’Asie centrale et la Chine (col. 199). —
VII. Les papes et l'Église nestorienne au Moyen Age (col. 218). —
VIII. L'Église chaldéenne catholique (col. 225). —
IX. L'Église nestorienne à l'époque moderne (col. 255). —
IX. Liste des patriarches nestoriens et chaldéens (col. 256). -
X. La littérature nestorienne (col. 203). —
XI. Théologie de l'Église nestorienne (col. 288). —
XIII. Droit canon de l'Église nestorienne (col. 313). —
XVI, Liturgie des Églises nestorienne et chaldéenne (col. 314).

I. DÉFINITION, SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALES. —

L'Église considérée dans cet article est celle des régions où, gràce à leur situation en dehors de l’empire byzantin, l’hérésie nestorienne a pu se maintenir. C’est l'Église née sur le territoire de l’empire perse, avec ses Irradiations vers l’Inde et la Chine. A vrai dire, le titre d' « Église nestorienne i ne convient pas adéquatement au sujet traité, car, dans ses débuts, c’est-à-dire jusqu'à la mort du catholicos BabowaI en 481, l'Église de Perse est orthodoxe. En outre, au cours des âges, surtout à l'époque moderne, un nombre considérable de nestoriens sont revenus à la communion romaine en Mésopotamie, aux Indes et en Perse, formant l'Église chaldéenne catholique. Cette Église aura dans le présent article une pari importante.

Nous ne possédons pour reconstituer l’histoire de l'Église nesloiienne aucun ouviage analogue aux grandes compositions historiques des jacobites Michel le Grand et Barhébrseus. Pour coordonner les renseignements épars dans les documents particuliers, les historiens ont trouvé cependant un fil d’Ariane dans la chronique patriarcale, s'élendant jusqu’au milieu du xile siècle, que Mari ibn Sulayman a insérée au ebap. v, secl. v, de son livre intitulé La Tour. Amr ibn Maltaï, écrivant deux siècles plus tard un ouvrage du même titre. presque aussitôt retouché parle mossouliole, Slïbâibn Yuhannâ. a lepiis la chronique de Mari, presque toujours en l’abrégeant, mais aussi en l’enrichissant à l’occasion de détails nouveaux ; en la poursuivant jusqu'à la mort de Yabballâhâ III (1329), il a fourni pour deux aulres siècles l’ordre de la succession patriarcale. Ces documents, déjà largement utilisés par J. S. Assémani et par d’autres, ont élé publiés et traduits en lalin par H. Gismondi, Maris Amri et Slibæ de patriarchis nestorianorum ccmmentaria, Rome, 1896-1899.

C’est seulement au début de ce siècle que le feu archevêque de Séert, Addaï Scher, a retrouvé des fragments considérables d’une chronique nestorienne en arabe, de plan assez vaste, dans les deux parties d’un manuscrit du xive siècle, dont certains feuillets se trouvaient au patriarcat chaldéen de Mossoul et d’autres à l’archevêché de Séert. Cet ouvrage, publié avec traduciion française sous le titre -.Histoire nestorienne inédite (Chronique de Séerl), Patrologia Orientons, i. iv, fasc. 3, 1908 ;  !. v, fasc. 2, 1910 ; i. vii, fasc. 2. 1911 ; l. xiii, fasc. 4, 1919. a élé composé au cours du xre siècle, peu après 1036, comme l’a établi C. F. Seybold, Zeilschri/t der deulschen morgent andischen Gesellschaft, I. lxvj, 1912, p. 742 sq. Quelle qu’ait été l'élendue originelle de cette chronique, où il faut probablement reconnaître la source principale de Mari, elle ne sert plus à présent que pour l’histoire de l'époque sassanide, car le début jusqu’au règne de Yalérien a disparu, et le iexle s’airêie, mutilé, quelques années après la mort d’Héraclius. Il y a en ouire une lacune s'élendanl de 422 à 484.

Dans celle absence presque complète de textes synthétiques, on est heureux de trouver passablement de etei ails historiques et de précieuses données chronologiques, pour la période comprise enlre 420 et 790, dans la deuxième par lie du recueil canonique nestorien contenu dans le manuscrit du monastère de Xolre-Dame-des-Semences à Alkoche, n. 169, et ses copies modernes, Borgia syriaque 82 (ohm K, VI. 4) et Paris syriaque 332 ; cf. J. Yosté. Catalogue de la bibliothèque syro-chaldéenne du couvent de Xotre-Dame des Semences près d' AlqoS (Iraq), dans Angelicum, t. v, 1928, ». 180-190 (extrait, p. 63-66), Cette partie a été publiée avec traduction française par J -B. Chabot, sous le litre de Synodicon orientale, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale et d’autres bibliothèques, l. xxxvir, Paris, 1902.

Joseph Si moni us Assémani, utilisant avec une facilité étonnante l’abondante document al ion que lui fournissait la bibliothèque Vaticane, a consacré à l'Église neslorienne les deux derniers volumes de sa Bibliotheca Orientalis ClementinoVaticana. La première partie du l.m, De scriptoribus nestorianis, Home, 1725, 36 pages non numérotées, p. 1-709, contient surtout une édition, enrichie de nombreuses notes, du catalogue des auteurs ecclésiastiques par Ébedjésus, p. 1-362 ; viennent ensuite, p. 363-610, diverses notices sur des ailleurs inconnus ou postérieurs à Ébedjésus, ei. p. 611-628, un 1res bref catalogue des patriarches nestoriens et chaldéens catholiques. La deuxième partie du même tome, Ile Syris nestorianis, Home, 172X, (censure de 1730), 3-1 pages non numérotées, p. i-cmlxiii, est formée par une dissertation ou plutôt une série de dissertations, où sont touchés la plupart des points qui doivent être considérés dans cet article.

Depuis Assémani, aucun ouvrage d’importance n’a traité dans son ensemble et à nouveaux frais l’histoire de l'Église nestorienne et celle de ses institutions. .Mais la première tranche, des origines à 632, ayant été étudiée avec une méthode très sûre par J. Labourt, Le christianisme dans l’empire perse sous la dynastie sassanide (224-632), Paris, 1901, son ouvrage mérite d'être cité ici comme intéressant plusieurs sections de l’arl icle.

De même, il faudra recourir d’un bout à l’autre de notre exposé à l' excellente histoire littéraire d' A. Baumstark, Geschichte der syrischen Literatur mit Ausschluss der christlich-paldstinensischen Texte, Bonn, 1922. Cet ouvrage, qui contient la bibliographie la plus complète des sources en langue syriaque, a le très grand mérite d’avoir distingué, pour chaque époque, les deux courants littéraires jacobite et nestorien, et d’avoir indiqué le plus souvent par laquelle des deux lignes de transmission nous sont parvenus les ouvrages neutres

Voici, pour terminer, l’indication de quelques ouvrages généraux et articles d’encyclopédies : A. Cirant, The Neslori<uis ; or, llw lost tribes : containing évidence <>/ Iheir identily ; an account <>/ Iheir manners, cusloms, and cérémonies…, Londres, 1841 ; G. P. Badger, 271r nestorians and their rituals, with Uie narrative nf a mission ta Mesopotamia and Coordislan in 1842-1844, and o/ a laie visit lo those countries in 1850 ; also, researches inlo Ihe pressent condition <>l ihe syrian Jacobites, papal Syrians, and Chaldœans, and an inquiry into Ihe rcliqioas tends of the Yczeedees, Londres, 2 vol., 1852 ; A..1. Maclean et W. H. Browne, The catholicos o/ the Hast and his people, being Ihe impressions of fine years' work in the < Archbishop o/ Caalerbury’s Assyrian mission' ; an account o/ the religions and secular life and opinions of the Eastern syrian ehristians o/ Kurdistan and Northern Persia (knomn also as nestorians), Londres, 1892 ; A. Fortescue, The lesscr Eastern Chnrches, Londres, 1913, 1°. 3-159 ; G. T. Stokes, Xeslorianisni, dans Smith and Wace, .4 dictionary of Christian biography, Londres, 18X7, t. iv, p. 28-33 (parle surtout de la période antique) ; von Funk, Sestorius und die Neslorianer, dans Kirchenlexikon, 2e édit., 1895, t. ix, col. 156-180 ; K. Kessler, remaniant Petcrmann, Nestorianer, dans Protest. Realencyclopàdie, 3e édit., Leipzig, 19(13, t. xiii, p. 723-736, voir aussi Persien (Christentum in), parN. Bonwetsch, ibid., 1904, t. xv, p. 1(13 sq., jusqu’au Ve siècle ; dans The catholic Encyclopædia, la matière du présent article est divisée sous les titres Chaldœan ehristians, par.1. Labourt, t. iii, New-York, 1908, p. 559-561 ; Nestorias canl nesiorianism, par.1. Chapman, t. x, 1911, p. 755-759 ; Persia, surtout par. III, Christianity m Persia, par G. Oussani, t. xi, 1911. p. 712-725 ; A..1. (irieve et.1. A. L. Hiley, Nestorians, dans Encyclopædia britannica, ll p édit., Londres et New-York, 19101911, t. xix, p. 408-109 ; A..1. Maclean, Nesiorianism, dans Pncyclopiicdia o/ religion <aul ethics, t. ix, 1917, p. 323-332.

II. ÉVANGÉUSATION DE L’EMPIRE PARTHE —

Aucun document ne pi ;  ; met de déterminer avec précision, quand et comment le christianisme fut introduit dans le domaine des Arsàcides. Au moment où

les apôtres s'éloignent de Jérusalem pour répandre l'évangile, la frontière entre l’empire romain et celui des Par thés est, sur l’Euphrate, simple ligne de démarcation politique. L’influence hellénique s'étend à l’est comme à l’ouest de cette ligne, s' enfonçant bien avant jusqu’au cœur de l’Asie. Les Arsàcides, affaiblis par des dissensions familiales, n’imposent à leurs peuples qu’une domination assez lâche, et, tandis que l'étendue et les ressources de leur empire leur permettraient d'être pour Rome de redoutables adversaires, ils s’appliquent à vivre en paix avec elle.

Rien ne semble donc s'être opposé à une prompte pénétration en Perse de la prédication évangélique. Parmi les convertis de la première heure, à Jérusalem, le livre des Actes, ii, 9, cite des pèlerins parthes et mèdes, des Élamites et des habitants de la Mésopotamie. On sait que les Juifs étaient nombreux en ces régions depuis le temps de l’exil, et s'él aient répandus très loin à l’est de la vallée du Tigre. Il se peut que certains néophytes de la Pentecôte, rentrés dans leur pays, y aient travaillé à la constitution de communautés chrétiennes. Aucune cependant des Églises mésopotamiennes n’a, dans les siècles suivants, revendiqué si ancienne origine. Bien plus, il ne s’est formé aucune vraie tradition autour du merveilleux pèlerinage des mages, adorateurs de l’Enfant-Dieu. Le patriarche nestorien, Timothée I er, vers la fin du vme siècle, voulant, pour appuyer sa doctrine, affirmer aussi solennellement que possible l’antiquité de son Église, en place l'évangélisation à la période apostolique, dans un texte, que l’on voudrait pouvoir innocenter d’un vigoureux anachronisme : « Car nous possédions le christianisme avant que naquît Nestorius, cinq cents ans à peu près, vingt ans environ après l’ascension au ciel de Notre-Seigneur. » Ms. Boryia syriaque 81, fol. 326 sq. Lorsque le même patriarche écrit un peu plus haut : « Chez nous, il est vrai, il n’y eut jamais de rois chrétiens, si ce n’est au début, d’entre les mages », il n’y a pas d’allusion à une évangélisalion. Ce silence de la tradition relativement à une action évangélisa'.riee des mages est d’autant plus frappant, que les chrétiens de Perse les ont toujours considérés comme leurs compatriotes. Salomon de Bassorah, dans son livre intitulé L’Abeille, consacre un long paragraphe au voyage en Palestine des douze princes dont il donne les noms, quatre pour chaque don, et il ajoute qu’ils rapportèrent en souvenir un lange de l’enfant ; il ne dit pas qu’ils se soient faits les propagateurs du christianisme. E. A. W. Budge, The Book of the Bee, dans Aneedota Oxoniensia, Semitic séries, vol. i, part. 2, Oxford, 1886, p. 84 sq. Cf. inscription de Si-ngan-fou, infra, col. 199 sq.

Les prétentions de l'Église de Perse à l’apostolicité reposent sur le nom de saint Thomas. Le premier échelon de la tradition écrite est constitué par Origène, cité par Eusèbe, H. E., t. III, c. i, 1, P. G. A. xx, col. 216 : à la dispersion des apôtres, Tnomas a reçu la Parlhie pour son lot. D’Eusèbe, ceve donnée a passé, en s’amplifiant, dans ces textes légendaires sur l’activité et la mort des apôties, que l’on trouve en grec sous les noms d’Hippolyte, Dorothée ou Epiphane, chez les principaux chroniqueurs syriens, Michel le Grand et Barhébra ?us, chez Denys bar Salibi et Salomon de Bassoiah, en Occident même dans l'œuvre encyclopédique d’un Isidore de Séville et ailleurs ; cf. Th, Schermann, Prophetenund Apostellegenden…, dans Texte und Unlersuchungen, t.xxxi, Leipzig, 1907, fasc. 3. p. 272-276. Thomas y est donné comme prédicateur de l'Évangile chez les Parthes, les Mèdes, les Perses, les Hyrcaniens, les" Bact riens, les Margiens ou, dans les lexles les plus brefs, chez les Parthes et les Mèdes seulement.

Il paraît étrange après cela que les Actes de Thomas