Dictionnaire de théologie catholique/ORDRE. ORDINATION VIII. La théologie orientale orthodoxe du sacrement de l'ordre

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 129-133).

VIII. La théologie orientale moderne du sacrement de l’ordre. —

Nous avons suivi jusqu’ici le développement de la théologie latine du sacrement de l’ordre ; il est nécessaire d’exposer, tout au moins en raccourci, la théologie orientale. Notre tâche est singulièrement facilitée par la récente publication du tome ni de la Theologia dogmalica christianorum orientalium du R. P. Jugie, Paris, 1929. Nous en résumerons ici les conclusions, quant au sacrement de l’ordre.

Et tout d’abord, de l’exposé de la théologie des orientaux « orthodoxes », il faut éliminer les critiques adressées par les meilleurs écrivains à l'Église romaine, coupable d’avoir surajouté un ordre, la papauté, d’avoir sousajouté les ordres mineurs à la hiérarchie instituée par Jésus-Christ. Nous devons également passer sous silence les controverses relatives au

célibat. Voir sur ce point Célibat ecclésiastique, t. ii, col. 2068 sq.

On peut, avec notre auteur, diviser l’exposé en cinq paragraphes : 1° noms, définition, institution du sacrement de l’ordre ; 2° nombre et distinction des ordres ; 3° matière et forme de chaque ordre ; 4° effets du sacrement de l’ordre et principalement le caractère ; 5° ministre du sacrement de l’ordre, ministre orthodoxe, schismatique, hérétique ou déposé.

1° Noms, définition et institution du sacrement de l’ordre. — 1. Noms. — Sur la synonymie et la différence des expressions y st P°(3saîa et /ei, poT&vta employées pour désigner le rite de l’ordination, voir plus haut. Il faut observer que ^sipo-rovia signifiant l’imposition des mains en général, ne prend la signification d’ordination que selon les exigences du contexte. En tant qu’ordre sacré, déjà possédé, l’ordre reçoit différents noms dont voici les plus usités : [spwaùvï], sacerdotium ; to [xuaTYjpiov tt)* ; Eepoiaûv/jç ou tô tt)ç tepcooûvY]< ; à^ôwfxa ; — y) toc^'.ç, ordo, ou r ; lepà tocÇiç (synode de Chypre, sous Germain Pessimandre, en 1260, et Jean Beccos, Confessio fldei, dans Monumenta spectantia ad unionem Ecclesiarum græcse et latinæ de A. Theiner et F. Miklosich, Vienne, 1872, p. 28) ; r) xâZ, iç, tyjç EepowivYjç (Gabriel Sévéros, dans son SovT<XY[xâTt.ov 7uepl xoiv àywov y.o.1 îepwv xv>aT7)pîcov, Venise, 1691, p. 90) ; — to (j.ua-rrjpiov tcôv îspa-uxâSv TîXeicbaswv (Joasaph d'Éphèse, vers le xive siècle, dans Responsa canonica, resp. xlvii, édit. A. J. Almazov, Odessa, 1903, p. 38) ; — -6 y.uaTY)piov tyjç Upomxrjç /eipo-rovlaç (Confessio de Michel Paléologue, dans Monumenta… de A. Theiner et F. Miklosich, p. 18). Les ordres se nomment tocÇsiç ou TdrffxaTa ou, plus souvent encore, ol (3a6[j.ol (degrés) irfi UpoaûvY)ç rj -rîjç ^s'.poTovtaç. Les clercs revêtus des différents ordres constituent la hiérarchie sacrée, tîjv IspaTixrjv Eepap^toev ; cf. Jugie, op. cit., p. 394-397. L’expression Eepoaûvv) se lit dans la Confession de Moghila, part. I, q. xci ; dans les Actes du synode de Jassi de Métrophane Critopoulos, c. xi, les différents ordres étant appelés ici TàÇeiç, etc. Voir Kimmel, Monumenta fidei Ecclesia ? orientalis, t. i, Iéna, 1850, p. 188, 414, 456 ; t. ii, p. 138, 141, 221.

2. Définition.

Les définitions proposées par les auteurs sont assez variables. Voir différents spécimens dans Jugie, p. 397-398, Les unes englobent le rite et les effets du sacrement ; d’autres font une allusion plus particulière au caractère. Certains auteurs, comme Androutsos, restreignent expressément leur définition aux seuls ordres supérieurs. Dogmatique, p. 389. D’autres restreignent davantage encore et ne formulent qu’une définition convenant à l'épiscopat. Le P. Jugie rapporte une excellente définition, celle du catéchisme de Philarète : « Le sacerdoce est un sacrement dans lequel l’Esprit-Saint, par l’imposition de la main de l'évêque, rend le sujet légitimement élu, apte à conférer les sacrements et à paître le troupeau du Christ. »

3. Institution de ce sacrement par le Christ.

Il semble bien que les auteurs orthodoxes acceptent l’institution du sacrement de l’ordre par Jésus-Christ lui-même. Mais certaines théories paraissent difficilement conciliables avec ce principe. Aucune difficulté chez ceux qui enseignent que le sacerdoce a été institué à la Cène par les paroles : « Faites ceci en mémoire de moi ; » auxquelles ils ajoutent les paroles prononcées après la résurrection : « Recevez le Saint-Esprit, » etc. (N. Bulgaris, xviie siècle, né en 1634, 'lepà xarrjyyja'.ç 'q-coi IÇtjy 7) ^ t% Ôstaç xal Eepàç Xeiro’jpyîaç, c. i, édit. d’Hermopolis, 1884, p. 6), ou bien simplement la promesse générale du pouvoir de lier et de délier, Matth., xviii, 18 (Confession de Dosithée, xv ; Kimmel, t, i, p. 449), ou bien encore 139 ;

ORDRE. LA THEOLOGIE ORIENTALE

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les deux à la fois (Maltzev, Die Sakramente der

vrthodox-katholisctien Kirche des Morgent andes, Berlin, 1808, introduction, p. ccxxxi). Un plus grand nombre d’auteurs tiennent que ce sacrement fut conféré aux apôtres après la résurrection, quand le Christ leur dit : « Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie.., Recevez le Saint-Esprit, » etc. Joa., xx, 21-23, paroles auxquelles il convient d’ajouter, Matth., xxviii, 19-20 : « Allez, enseignez… Voici que je suis avec vous, » etc. (Gabriel Sévéros, SuvTay(i.âTi.ov, p. 04-95 ; Sylvestre Lebedinsky, Compendium theologiæ classicum, Moscou, 1805 ; Athanase de Paros, 'Ett'.tou.-/) sÏte auLXoyT) tcov Gsîcov -rijç nioxeux ; Soy(i.âtcov, Leipzig, 1806, p. 375 ; Antoine Amphitheatrow, Théologie dogmatique (en grec), Athènes, 1858, §314 ; K. J. Dyobuniotis, Ta ji.uaTr ; pia T-rjç àvocToXixîji ; ôp0056 ; ou 'ExxXY)aîaç, Athènes, 1915, p. 152, n. 2 ; Mésoloras, Su[x60)axv), t. ii, Athènes, 1904, 2e éd., p. 325). On sait que saint Thomas appuie ce sentiment : Apostoli receperunt potestatem ordinis anle ascensionem, ubi dictum est eis : Accipite Spiritum sanction, Joa., xx, 22. Suppl., q. xxxv, a. 4, sed contra. Malinovsky croit découvrir un certain rite d’ordination des apôtres dans le double signe tracé sur eux par le Christ, lorsque, leur conférant le pouvoir de remettre les péchés, il souilla sur eux et lorsque, remontant au ciel, il les bénit. Luc, xxiv, 50. C’est progressivement que les apôtres auraient été menés à la possession du sacerdoce souverain. Somme de la théologie dogmatique orthodoxe (en russe), t. ii, Serghief-Possad. 1908, p. 414-416. Beaucoup opinent que les apôtres ont reçu la plénitude du sacerdoce au jour de la Pentecôte. Ainsi, le synode de Chypre, sous Germain, dont les termes sont repris par le patriarche Jérémie 1 1 dans sa Réponse I aux théologiens luthériens de Tubingue, c. vii, dans Gédéon de Chypre, Kpi-rijç T7)< ; àXr.Œîxç, t. i, Leipzig, 1758, p. 40 ; et surtout dans Nectaire Céphalas, MsXéxou rcspi m>v 6e£wv fi’j(T-r/ ; pïov, Athènes, 1914, p. 107-108 (voir le texte dans Jugie, op. cit., p. 400). Un seul auteur place l’ordination des apôtres au moment où le Christ les choisit pour prêcher l’Evangile et fonder l'Église : G. S. Gegle. 'Op06801 ; oç y pî.GTt.avi.y.7 ; xaT/j/yjaic, Patras. 1899, p. 81.

Nombre et distinction des ordres.

1. Nombre.  —

On a vu plus haut (col. 1232) que, tandis que l'Église latine admet sept ou même huit degrés dans l’ordre, l'Église orientale n’en admet que cinq. On sait, en effet, que le psalmistat (office de chantre) est conféré, chez les Grecs, simultanément avec le lectorat. Seul l’eucologe d’AUatius, Codex Barberinus 390 (xme siècle) renferme un rite distinct pour le psalmistat et pour le lectorat ; cf. Morin, op. cit., part. II, p. 85-87. Il faut également se souvenir que si, dans l’ancienne Église gréco-byzantine, on trouve des fonctions correspondant plus ou moins aux ordres mineurs de l'Église latine, ces fonctions n’ont jamais été considérées en Orient comme des ordres véritables.

Nonobstant cette précision dogmatique incontestable des cinq ordres orientaux, il faut reconnaître que les théologiens russo-byzantins sont loin d’accepter unanimement ce chiffre de cinq.

Les uns, à l’instar des Latins, énumèrent sept ordres. Ainsi Gabriel Sévéros admet : 1° Les portiers et acolytes : 2° les exorcistes ; 3° les lecteurs ; 4° les sousdiacres ; 5° les diacres ; 6° les prêtres ; 7° les évêques. Op. cit., p. 91. Le P. Jugie, op. cit.. p. 404, note 3, émet l’hypothèse que Sévéros fait cette énumération pour capter la faveur des Latins et éviter, lors de l’impression de son livre à Venise, toute difliculté avec l’Inquisition. De Sévéros semble dépendre Mctrophane Critopoulos, qui, dans sa profession de loi, c. xi, énumère les mêmes ordres, moins les acolvtes

(dont, en effet, les Pères orientaux n’ont jamais fait mention). Kimmel, op. cit., t. ii, p. 139. La confession orthodoxe de Pierre Moghila ne semble pas distinguer le simple sacerdoce de l'épiscopat, q. cix ; mais elle cite, comme ministres inférieurs aux prêtres, les lecteurs, les chantres, les lampadaires, les sousdiacres, q. exi, Kimmel, t. i, p. 186, 188. Il n’est pas question du diaconat. Mais elle distingue le sacerdoce spirituel, qui appartient à tous les fidèles ; cf. I Pet., ii, 9, et le sacerdoce sacramentel, qui n’appartient qu’aux ministres sacrés. Du « lampadaire », il n’est question dans la liturgie grecque que comme fonction et non comme ordre ; cf. Goar, Euchologion, Paris, 1647, p. 230, 240 ; L. Clugnet, Dictionnaire grec-français des noms liturgiques en usage dans l'Église grecque, Paris, 1895, v° Aa^TraSâpioç. A. von Maltzev énumère les cinq ordres habituels et y ajoute le céroféraire, op. cit., p. ccxxxi sq. S. Lebedinsky admet l'énumération habituelle des cinq ordres ; mais il ajoute, au-dessus, les patriarches, les métropolitains, les archevêques (c’est également ce que fait le Maître des Sentences, voir col. 1303) ; au-dessous, les’acolytes les chantres, les psalmistes, op. cit., p. 521-522. L’auteur n’indique pas la différence entre chantres et psalmistes, pas plus qu’il ne définit l’acolytat. La plupart des auteurs récents se contentent de parler des trois ordres appartenant au sacrement, l'épiscopat, la prêtrise, le diaconat. Ainsi Athanase de Paros, op. cit., p. 375-376 ; Gumilewsky, Dogmatique (en russe), t. ii, p. 208-209 ; Antoine Amphitheatrow, op. cit., § 317 ; Malinovsky, op. cit., p. 420-424.

2. Distinction.

Les Grecs orthodoxes distinguent, sinon en théorie, du moins en fait les ordres majeurs et les ordres mineurs. Les premiers sont conférés à l’intérieur du sanctuaire et pendant le sacrifice de la messe, par une /Eiporovta proprement dite, précédée de la formule d'élection : Divina gratia. Sur cette formule, voir col. 99 et 106. Les ordres mineurs, sous-diaconat et lectorat, sont conférés hors du sanctuaire et sans la célébration de la messe, avec une simple -/si.çioQscsitx sans la solennelle proclamation Divina gratia. Selon Siméon de Thessalonique, le sous-diacre doit être dit x El ? ^ ZTS ^ a ^ ale t 'e l ec ~ leur açpayîÇsaGoct, . quoiqu’ils soient ordonnés tous deux par la ye'.poQeaitx de l'évêque. La açpayiç du lectorat est une tonsure en forme de croix faite sur la tête de l’ordinand. Toutefois, tonsure et lectorat demeurent pour les Grecs eux-mêmes choses distinctes, quoique inséparables dans la cérémonie de l’ordination.

Les Gréco-Russes tiennent à peu près unanimement que l'épiscopat est un ordre adéquatement distinct du simple sacerdoce. Pierre Moghila, en confondant plus ou moins l’un et l’autre, a subi certainement des influences latines. Moghila (Confession de), t. x, col. 2077. Voir, sur la dualité d’ordre dans le presbytérat et l'épiscopat, Lebedinsky, op. cit., p. 529 ; Dyobuniotis, op. cit., p. 159, n. 1. Pour les Orientaux, les ordres inférieurs, y compris le sous-diaconat, ne sont pas des sacrements possédant une origine divine, mais de simples sacramentaux d’origine ecclésiastique ; cf. N. Milasch, dans son Droit ecclésiastique (trad. grecque), Athènes, 1906, p. 334, 339 ; Dyobuniotis, op. cit., p. 157. Les trois degrés supérieurs sont seuls tenus pour sacrements. N. Bulgaris, op. cit., p. 13 ; Macaire, Théologie dogmatique orthodoxe, t. ii, Pétersbourg, 1883, p. 491-492 ; Mésoloras, op. cit., p. 329.

Le sous-diacre, dans la discipline canonique byzantine, est tenu au célibat, comme le diacre et le prêtre : il ne peut donc se marier qu’avant son ordination et les secondes noces lui sont interdites. C’est l’antique discipline des canons des Apôtres, can. 26, promul

guée à nouveau par le concile in Trullo, can. 6 et 13. Les fonctions du sous-diacre grec ne ressemblent pas d’ailleurs aux fonctions du sous-diacre latin ; voir Jugie, op. cit., p. 407. Le lecteur grec a des fonctions assez chargées : il remplit une partie des fonctions de l’acolyte, une partie des fonctions du sous-diacre latin ; voir Sirnéon de Thessalonique, op. cit., c. clx, col. 365-368.

3° Matière et (orme du sacrement de l’ordre. — 1. Matière. — Peu de choses sont à ajouter à ce qui a été dit plus haut ; voir col. 1257. Quelques remarques empruntées à J. Morin font ressortir opportunément les divergences de l'Église latine et des Églises orientales.

Dans l'Église latine, ne sauraient jouer le rôle de matière du sacrement : pour l'épiscopat et la prêtrise, que l’imposition des mains, la porrection des instruments, l’onction ; pour le diaconat, que l’imposition des mains et la porrection des instruments ; pour le sous-diaconat et les ordres mineurs que la porrection des instruments. Dans l’eucologe byzantin, seule l’imposition des mains, yeipOTOvîa ou /eipcOsaîa, peut jouer le rôle de matière du sacrement, non seulement pour les trois degrés supérieurs, mais encore pour le sous-diaconat et le lectorat. Il y a bien, chez les Grecs, une certaine tradition des instruments, mais cette tradition ne se fait qu’une fois l’ordination déjà terminée, et, exception faite pour l’imposition de l'évangéliaire sur le cou du candidat à l'épiscopat, qui est une cérémonie très ancienne commune aux Grecs et aux Latins, elle n’est pas primitive. Il faut encore ici remarquer que l’imposition de l'évangéliaire au futur évêque ne se fait pas dans toutes les Églises orientales : l'Église d’Alexandrie, par exemple, l’omet. J. Morin, op. cit., part. II, exercit. xi, c. vii, p. 171.

Avec Morin, il faut noter une triple différence dans la tradition des instruments chez les Grecs et chez les Latins : 1° Chez les Latins, cette tradition a lieu au début du rite de l’ordination ; chez les Grecs, elle ne se fait qu’une fois l’ordination achevée. — 2° Chez les Latins, la tradition des instruments, tout au moins pour le sous-diacre et les ordinands inférieurs, est le rite même de l’ordination ; chez les Grecs, ce n’est qu’un symbole qui marque les prérogatives déjà concédées dans l’ordination. — 3° Chez les Latins, la tradition est accompagnée de formules expressives, qui sont comme la forme du rite ; chez les Orientaux, il n’y a aucune formule accompagnant la tradition des instruments. Id., exercit. xi, c. vii, p. 170.

D’où vient cette divergence dans le choix de la matière des ordres inférieurs ? C’est, pense Morin. qu’en Orient, les formules employées pour l’ordination de l'évêque, du prêtre et du diacre ont été étendues à l’ordination des clercs inférieurs ; en Occident, l'Église a fait emprunt des formules et gestes par lesquels on créait les titulaires des emplois civils. Id., exercit. xi, c. v, p. 165.

L’onction faite avec l’huile n’a jamais été pratiquée dans l'Église orientale : la seule onction dont parlent les Pères est l’onction spirituelle et mystique, qui signifie la collation des grâces de l’Esprit-Saint. Seul, Job le Pécheur fait allusion à l’onction matérielle employée pour le sacre des empereurs, ou, dans certaines églises, pour le sacre des évêques. Bibl. nat., Sapplém. grec. n. 64, fol. 246. Mais cette allusion ne peut concerner que le rite latin ou le rite arménien. Id., exercit., vi, c. i, p. 97-98. Cf. Arcudius, De concordia Ecclesiæ orienlalis et occidentalis…, Paris, 1619, t. VI, ci, p. 476-479.

Tous les théologiens orientaux admettent donc unanimement que la seule matière du sacrement de l’ordre est l’imposition de la main de l'évêque. Gabriel

Sévéros, op. cit., p. 93, et Pierre Moghila, Confession orthodoxe, part. I, q. cix, Kimmel, t. i, p. 186 ; q. exi, p. 189, parlent de la porrection des instruments comme matière de l’ordination ; mais, déclare le P. Jugie, c’est pour « latiniser ». L’interprétation des PP. Malvy et Viller de la pensée de Pierre Moghila ne paraît pas exacte. La confession orthodoxe de Pierre Moghila, Paris, 1928, p. 66, n. 2 (texte grec).

2. La forme.

En ce qui concerne le sous-diaconat et le lectorat, il ne saurait y avoir de difficulté. Les eucologes indiquent l’oraison, qui doit être récitée sur l’ordinand pendant l’imposition de la main : et telle est la forme.

Mais pour les ordres supérieurs, la discussion que nous avons déjà rencontrée, voir ci-dessus, se retrouve chez les théologiens orthodoxes. Ou plutôt, la plupart d’entre eux acceptent purement et simplement que la formule efficace soit la prière Divina gratia, suivant en cela le sentiment d’Arcadius, de Goar et des autres signalés plus haut. Tels sont N. Bulgaris, op. cit., p. 18 ; Mésoloras, op. cit., p. 328 ; Dyobuniotis, op. cit., p. 154 ; Koidakis, KaTr^rjOiç, Athènes, 1906, p. 164, parmi les théologiens grecs modernes ; et, parmi les russes, Lebedinsky, op. cit., p. 523 ; Antoine Amphitheatrow, op. cit., § 315 ; Ph. Gumilevsky, op. cit., p. 206-207 ; Macaire, op. cit., p. 494495. On retrouve la même opinion professée par le synode ruthène de Zamosz, 1720, Synodus provincialis Ruthenorum habita in civitate Zamosiee, 2e édit., Rome, 1838, p. 100 ; par un autre synode ruthène de Lwow, 1891 ; cf. Acta et décréta synodi Leopoliensis, Rome, 1895. Il semble bien que le fondement de cette opinion soit l’interprétation donnée par Siméon de Thessalonique sur le sens de la prière Divina gratia, op. cit., c. clxix, col. 377 A B.

Un seul auteur contemporain, Malinovsky, se rallie à la solution préconisée par le P. Hanssens, op. cit., p. 418. Le P. Jugie préconise la solution de J. Morin, op. cit., p. 418.

Des effets du sacrement de l’ordre et principalement du caractère.

1. La grâce. — La formules de l’ordination dans les différents rites orientaux sont assez

expressives pour qu’aucun théologien ne puisse révoquer leur efficacité quant à la grâce conférée par le sacrement. Mais un certain nombre de théologiens orthodoxes contemporains ne parlent pas de grâce sanctifiante, mais plutôt de pouvoir spirituel conféré par le sacerdoce. Aussi affirment-ils l’inamissibilité de cette grâce, tandis que par une inconséquence étonnante, ils nient l’existence du caractère. S. Lebedinsky, op. cit., dont la théorie de la justification est d’ailleurs empruntée aux luthériens ; Dyobuniotis, op. cit., p. 159. Par contre, certains canonistes et théologiens byzantins exagèrent tellement l’efficacité de l'épiscopat, qu’ils assimilent cet ordre au baptême, déclarant que to yçiay.'x -rrjç àpyteptoaûv/jç efface totalement les péchés commis avant sa réception. Voir, sur ce point, Théodore Balsamon, In can. 12 concilii Ancyrani, P. G., t. cxxxvii, col. 1156-1157 ; Démétrius Chomaténos, Kesponsum XV ad C. Cabasilam, dans Pitra, Analecla sacra, t. vii, col. 645-646. Sur les raisons qui sont invoquées par ces auteurs, voir Jugie. op. cit., p. 420-421.

2. Le caractère indélébile.

Le caractère indélébile a été attaqué, en Russie, par Philarète Drozdov, pour complaire au procureur du Saint-Synode, désireux de promulguer une loi réduisant les clercs à l'état laïque. Sobranie mnenii i otzyvov Philareta (Collection des mémoires et réponses de Philarète), t. iv, Moscou, 1886, n. 539, p. 478-482 ; n. 561, p. 579-582. Pour cet auteur, il n’est question du caractère de l’ordre ni dans l'Écriture, ni chez les Pères, ni dans les canons conciliaires. Il n’est question que du caractère du

baptême et de la confirmation. S’il est vrai qu’on ne réitère pas l’ordre, il reste cependant que le prêtre tombé dans l’hérésie ou l’apostasie est réduit à l'état laïque. De plus, la Confession de Pierre Moghila ne dit rien du caractère sacerdotal. Il en est de même de la confession de Dosithée, décret xvi (ce qui est faux, car le texte original, « expurgé » à dessein par Philarète, porte : svtîOy)<ïi Se tô pi^-ia^a xoel x*P**T^paàveÇàXeiTCTOv, cùaTrspxxlYjîspospr), Rimmel, t.i, p. 456). D’où il résulte, conclut notre auteur, que la doctrine du caractère de l’ordre n’appartient pas au dogme, mais a été introduite par les théologiens scolastiques et consa -rée par le concile de Trente. A la suite de la promulgation de la loi russe réduisant à l'état laïque certains clercs coupables, nombre de théologiens russes ont admis la thèse de la non-existence du caractère sacerdotal, par exemple, J. Gortchakov, Droit ecclésiastique (en russe), Pétersbourg, 1909, p. 99-100 ; Iastrebov, Des sept sacrements (en russe), dans les Trudy de l’Académie de Kiev, t. ri, 1908, p. 198-199. Mais, par contre, d’autres auteurs ont maintenu la doctrine véritable : Sylvestre Malevansky, dans son Cours de théologie orthodoxe (en russe), t. iv, 2e éd, . Kiev, 1897, p. 381 ; Von Maltzev, Die Sakramente, p. ccxxxiii ; V.-I. Ekzemplarsky, dans sa dissertation sur la Doctrine biblique et patristique touchant l’essence du sacerdoce (en russe), Kiev, p. 245. Plus récemment encore, en 1917-1918, lors du concile général russe, des voix se firent entendre en faveur du caractère sacerdotal inamissible. A. Khotovitsky, N.-G. Popov, etc. Voir Jugie, op. cit., p. -135.

Quoi qu’il en soit de la doctrine du caractère, les Orientaux tiennent unanimement que l’ordre ne saurait être réitéré. On cite cependant quelques cas de réordination, celui (en 1559) de Job, premier patriarche de Moscou ; celui (en 1619) de Philarète Nikitisch et de ses successeurs. Mais ce sont là de purs abus. Jugie, p. 426. Ce qui est plus fréquent en Russie est la réduction d’un prêtre à l'état laïque, comme si aucune ordination ne lui avait été conférée. C’est ce que les théologiens russes, partisans de la non-existence du caractère indélébile, appellent nizuergenie, lichenie, sniatie. Ainsi comprise, la réduction à l'état laïque ne différerait en rien de la doctrine protestante condamnée au concile de Trente, sess. xxiii, can. 4.

Du ministre du sacrement de l’ordre.

Tous les

théologiens orientaux professent que le seul évêque est ministre des trois ordres majeurs, épiscopat, prêtrise, diaconat ; cf. Confession de Dosithée, décret x ; Kimmel, t. i, p. 437. Par délégation de l'évêque, le simple prêtre peut conférer les ordres du sous-diaconat et du lectorat. Toutes les discussions entre théologiens orthodoxes portent sur la validité des ordinations conférées par un ministre simoniaque ; déposé ou dégradé ; hérétique ou schismatique ; né et ordonné dans une secte hérétique ou schismatique ; cat’iolique de rite latin ou de rite oriental ; anglican. Elles rappellent les discussions que l'Église latine a connues du ixe au xiie siècle.

1. Le ministre simoniaque.

L’ordination conférée par un simoniaque est frappée de graves censures, mais nulle part n’est dénoncée comme nulle. On ne trouve aucun auteur, ni à l'époque byzantine, ni dans l'époque moderne qui professe un tel sentiment. Peutêtre pourrait-on interpréter dans le sens de la nullité certaines expressions de saint Taraise, Epist. ad Hadrianum papam 1 adversus simoniacos, ou encore de VEpistola ad Joannem higoumenum, P. G., t. xcviii, col. 1444, 1456. Si non venditur Spiritus, non est procul dubio in eis gratia Spiritus Sancti, id est sacerdotii sanctitas. Ou encore, le simoniaque convaincu de son crime a sacerdotio decidit, ttjç îsptoauvTjÇ

bntimei. Mais nous avons trouvé chez les Latins des expressions analogues, qui n’impliquent pas la nullité de l’ordination reçue. Saint Théodore le Studite affirme la validité des ordinations reçues de bonne foi d’un simoniaque ; il ne statue pas sur la validité des ordinations reçues sciemment. Epist., i, 53, P. G., t. xcix, col. 1105. On peut concevoir quelque doute sur la pensée de Georges Scholarios, De simjniaca hxresi, dans Paris, grxc. 1219, fol. 56 a. 2. Le ministre déposé et dégradé — On sait que la loi russe admettait une dégradation telle que l'évêque déposé était assimilé à un simple laïque, ne possédant plus aucun pouvoir d’ordre. Cette situation (inadmissible au point de vue de la vérité du caractère indélébile) a été envisagée, comme nous l’avons déjà constaté, par Philarète Drozdov et nombre de théologiens russes récents, auxquels il faut ajouter le Serbe Milasch, op. cit., p. 385-387, 403, et quelques grecs, comme Andrutsos, Dogmatique, p. 391, n. 3 et Dyobuniotis, op. cit., p. 159, note, qui, tout en réprouvant la pratique russe, rejettent l’existence du caractère sa-erdotal. Mais on pourrait concevoir que le pouvoir d’ordre, chez les évêques déposés et dégradés, soit tellement lié par l’autorité de l'Église, que les ordinations faites par eux soient non seulement illicites, mais invalides. C’est la thèse que nous avons vu soutenir à l'époque des réordinations latines, voir col. 1287, et par J. Morin lui-même. Peut-être est-ce en ce sens simplement que Milasch nie la validité des ordinations faites par les évêques déposés et dégradés. C’est aussi vraisemblablement l’opinion de Koidatis, dans sa Catéchèse, Athènes, 1906, p. 165, des auteurs du Pédalion, édit. d’Athènes, 1908, p. 44-45, et peut-être de saint Théodore le Studite, Epist., t. II, epist. ccxxv, P. G., t. xcix, col. 1652.

En pratique, comme les sentences de déposition, même totale, sont souvent l’effet d’une sentence, sinon injuste, du moins discutable, les Orientaux ont l’habitude de restituer en leurs pouvoirs et grades les prêtres et évêques déposés dont la sentence de déposition vient à être rapportée ; cf. Jugie, op. cit., p. 433434.

3. Le ministre hérétique ou schismatique.

La question devant être reprise à l’art. Réordinations, il suffira ici de signaler la grande confusion doctrinale qui règne en Orient depuis le ive siècle jusqu’au ixe siècle au sujet de la validité des ordinations conférées par des hérétiques. Aujourd’hui encore, l’accord est loin de régner. Les uns professent l’indulgence et, par le système de l'œconomia, admettent la validité de telles ordinations : ils se réfèrent aux canons 8 de Nicée, 71 de Carthage, 95 du concile in Trullo. D’autres penchent pour la sévérité et refusent de reconnaître ces ordinations ; ils se réfèrent aux canons des apôtres, 46, 37, 68 et aux canons 1 et 47 de saint Basile.

Une théorie a été esquissée sur ce point au ixe siècle par Théodore le Studite, après Timothée, prêtre de Constantinople. Il distingue trois classes d’hérétiques : les canons apostoliques et ceux de saint Basile ne visent que la première classe, les hérétiques proprement dits, dont le baptême n’est pas conféré au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Les hérétiques de la seconde et de la troisième classe sont plutôt des schismatiques dont l’ordination serait valide. Epist., t. I, epist. xl, ad Naucratium, P. G., t. xcix, col. 10531057. Photius admet la validité des ordinations faites par des hérétiques, dans son opuscule Suvaycoyat Jcal àTroSet^sti ;  ; cf. Hergenrôther, Photius, Palriarch oon Constantinopel, Ratisbonne, t. ii, 1867, p. 360. Se rangent à cet avis, parmi les anciens canonistes byzantins, Démétrios Chomatène, Responsum III ad C. Cabasilam, dans Pitra, Analecta sacra, t. vii,

col. 630 ; parmi les modernes gréco-russes, la plupart des théologiens russes depuis le xviiie siècle, tout au moins en ce qui concerne les ordinations nestoriennes, monophysites et catholiques. Voir Bernardakis, Karrjyoaiç, 3e édit., Constantinople, p. 178-179 ; Andrutsos, dans sa Symbolique, p. 329, bien qu’il enseigne le contraire dans sa Dogmatique. La pensée de Macaire, op. cit., p. 497, est assez imprécise : elle semble pencher pour l’invalidité. Très nettement pour l’invalidité se prononcent les anciens canonistes Zonaras. In can. 68 aposlolorum, P. G., t. cxxxvii, col. 176 ; C. Balsamon, id., ibid., col. 176, et la plupart des auteurs grecs modernes, surtout depuis le décret de Cyrille V, patriarche de Constantinople (1755), imposant de rebaptiser les Latins et les Arméniens. Le serbe Milasch n’a pas sur ce point une doctrine bien précise : il fait dépendre la validité de l’ordination de différentes causes dont la constatation est assez difficile : foi du ministre, succession ininterrompue jusqu’aux apôtres, gravité de l’erreur propagée par le ministre, etc. Op. cit., p. 387, 400-404.

4. Le ministre catholique. — Jusqu’au décret de Cyrille V, l’ordination conférée par un évêque catholique, soit de rite latin, soit de rite oriental, était tenue pour valide, tout au moins par les Byzantins. On les recevait dans l’orthodoxie par une simple profession de foi à laquelle on joignait quelquefois une onction du saint chrême ; cf. S. Pétridès, Sentence contre le clergé unioniste (1283), dans les Échos d’Orient, t. xiv, 1911, p. 133-136 ; Démétrios Chomatène, loc. supra cit., col. 625-630 ; J. Biyennios, Opéra, t. iii, édit. E. Bulgaris, p. 130. En 1657, Macaire, patriarche d’Antioche, interdisait la réordination des Latins ; cf. Serge, évêque de Viatk, Des règles et devoirs à observer dans la réception des chrétiens hétérodoxes revenant à l’orthodoxie (en russe), Viatk, 1894, p. 160-161. Depuis le décret de Cyrille V, la discipline grecque est assez variable. En 1860, les évêques et prêtres melkites unis passant à l’orthodoxie ont été reçus par le patriarche de Constantinople avec une simple chrismation et une profession de foi ; en 1846, Macaire, évêque-uni de Diarbékir, fut reçu en simple laïque et réordonné dans tous les degrés de la hiérarchie. Théotokas, NoLtoXoyîa…, Constantinople, 1897, p. 371373.

5. Le ministre anglican.

Sur la validité des ordinations anglicanes, les avis sont partagés chez les auteurs orthodoxes. Beaucoup considèrent ces ordinations commes nulles. Ainsi, Macaire ; cf. Théotokas, op. cit., p. 498 ; von Maltzev, op. cit., p. cm-cx ; Malinovsky, op. cit., p. 433. Le Serbe Milasch les rejette, op. cit., p. 403. A plus forte raison encore les rejettent tous ceux qui n’admettent pas la validité des ordinations hérétiques, quelles qu’elles soient. Certains auteurs n’osent se prononcer, tant que l'Église anglicane n’aura pas promulgué officiellement sa foi dans le sacrement de l’ordre. Ainsi Sokolov, en plusieurs écrits, mais notamment dans sa Hiérarchie de l'Église anglicane épiscopale (en russe), Serghiev Possad, 1897 ; Andrutsos, dans un opuscule spécial, T6 xûpcç tcôv àyyXtxcov x £l P°fovuov, Constantinople, 1903 ; Dyobuniotis, op. cit., p. 164, n. 1 ; et le récent synode de l'Église roumaine, voir Échos d’Orient, t. xxiv, 1925, p. 108-109. D’autres enfin reconnaissent ces ordinations comme valides. Ce sont principalement : Bernardakis, op. cit., p. 180 ; Mélétios IV Métaxakis, patriarche de Constantinople, dans sa lettre encyclique d’août 1922, adressée à toutes les Églises autocéphales ; Damien, patriarche de Jérusalem, avec son synode, le 12 mars 1923, dans une lettre adressée au primat d’Angleterre. Voir Bell, Documents on Christian unity, p. 97-98 ; Cyrille, métropolite de Chypre, dans sa lettre au patriarche œcuménique, 2 mars 1923 ; cf. Bell, op. cit., p. 98-99 ; voir aussi Documentation catholique, t. xiv, 1925, col. 1021-1022.