Dictionnaire de théologie catholique/PALAMITE (CONTROVERSE)

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 11.2 : ORDÉRIC VITAL - PAUL (Saint)p. 322-342).

PALAMITE (CONTROVERSE). —
I. Considérations préliminaires.
II. Les faits et les documents conciliaires (col. 1778 ;.
III. Le palamisme, doctrine officielle de l’Église byzantine (col. 1793).
IV. Les principaux défenseurs du palamisme aux XIV-XVe siècles. Le palamisme mitigé (col. 1795).
V. Les principaux adversaires du palamisme. Leur doctrine sur la lumière thaborique (col. 1802).
VI. Le palamisme et l’Occident catholique (col. 1809).
VII. Le palamisme dans l’Église gréco-russe, à partir du XVIe siècle jusqu’à nos jours (col. 1811).
VIII. La controverse palamite et l’apologétique catholique (col. 1817).

1. Considérations préliminaires. —

Nous avons parlé, dans l’article Palamas, des origines lointaines et de ce qu’on peut appeler la première phase de la controverse hésychaste ou palamite. Les origines sont à chercher dans la fausse mystique qui a commencé à se glisser dans le monachisme byzantin, a peu près à l’époque où l’Église byzantine elle-même rompait les derniers fils qui la rattachaient à l’Église romaine et maintenaient tant bien que mal l’union très lâche, à laquelle on s’était habitué depuis plusieurs siècles. L’occasion prochaine a été la polémique entre Birlaam et les hésychastes athonites représentés par Grégoire Palamas. Nous avons montré comment, harcelé par la logique rigoureuse du moine calabrais, le défenseur des hésychastes avait été amené à inventer une théologie nouvelle sur l’essence de Dieu et son opération, à distinguer dans l’Être divin un élément primaire et un élément secondaire, à imaginer une lumière divine éternelle et incréée, mais réellement distincte de l’essence de Dieu. Cette première phase de la controverse, qui avait duré prés de quatre ans (13381311), se termina par le concile tenu à Sainte-Sophie de Constantinoplc. le 10 juin 1341. Ce concile, nous l’avons à peine signalé. Il est nécessaire d’en parler un peu plus longuement, car il est d’une importance capitale pour la compréhension des événements qui ont suivi.

L’histoire de la querelle, après ce concile, devient, en effet, très compliquée et passablement obscure. De purement religieux qu’il était, le débat, à partir de ce moment, revêt aussi une couleur politique. L’empereur Andronic III est mort, le 15 juin, quatre jours après le synode, laissant pour successeur un enfant. L’ambitieux Jean Cantacuzène, non satisfait de son titre de grand-domestique, veut prendre en main les rênes du gouvernement, que lui disputent l’inipératrice-mère et le patriarche Jean Calécas. Il rêve de se faire associer à l’empire, et se laisse bientôt proclamer basileus à Didymotique (26 octobre 1341). Pour mieux réussir dans ses desseins et contrecarrer l’influence du patriarche qui, peu de temps après le concile, a été obligé de sévir contre Palamas, il s’appuie sur la faction des hésychastes et sur tous les prélats mécontents. Il devient lui-même un fervent partisan de la théologie nouvelle, qu’il fera bientôt triompher par la force. Enfin, lorsqu’il est obligé de se retirer des affaires, il se mêle d’écrire l’histoire des événements dont il a été le principal artisan, et le fait avec une partialité habilement dissimulée, qui a trompé bien des historiens.

Le parti antipalamite trouve aussi son historien en la personne de Nicéphore Grégoras ; mais ce n’est pas a lui non plus qu’il faut demander un récit impartial, tellement il est atteint de la maladie de l’égocentrisme. C’est pourtant principalement sur ses dires, ainsi que sur ceux de Cantacuzène, qu’on a bâti jusqu’ici l’histoire de la controverse palamite. Cette histoire est complètement à refaire avec l’appoint des documents inédits, dont la masse énorme, conservée dans d’excellents manuscrits des" xive et xve siècles, constitue à elle seule une bibliothèque. De cette masse nous avons pu consulter des morceaux de choix, patiemment réunis par Mgr Louis Petit. Ces pièces donnent la clef de bien des énigmes, et nous révèlent par quelle voie le palamisme réussit à devenir la doctrine officielle de l’Église byzantine.

Le peu de documents publiés, les seuls qu’ont utili ses la plupart de ceux qui, jusqu’ici, se sont mêles d’écrire l’histoire de cette querelle, conseillait d’éviter les généralisations hâtives, les vues synthétiques et les constructions systématiques. Plusieurs, cependant, n’ont pas eu cette sagesse. Ils nous ont parlé soit de la lutte de deux courants philosophiques, baptisés des noms d’arislotélisme et de platonisme, ou de nominalisme et de réalisme ; soit de l’opposition de deux cultures, la culture latine représentée par Br.rlaam et ceux qui, après lui, ont attaqué Palamas, et la culture proprement byzantine que représenteraient les palamites ; soit de l’antagonisme de deux partis ecclésiastiques, le parti des moines et celui du clergé séculier ; soit enfin de la rivalité entre les adversaires de l’union avec les Latins et ceux qu’on appelait les Laiinophrones, c’est-à-dire qui avaient des tendances unionistes. De ces généralisations on peut dire qu’aucune n’est complètement vraie et qu’aucune n’est complètement fausse. Tour à tour, suivant les phases du conflit et les personnages qui y ont été mêlés, un de ces points de vue a prédominé sans que les autres aient été complètement exclus. Dans le fond, comme nous l’avons dit plus haut, à l’article Palamas, col. 1750 sq., la querelle a été avant tout d’ordre theologique. Deux méthodes pour arriver à la connaissance de Dieu et des choses divines se sont affrontées : la méthode scientifique et rationnelle, prenant ses principes tant dans les lumières de la raison que dans les données traditionnelles authentiques, représentées par la doctrine des Pères et les définitions des conciles œcuméniques, et la méthode expérimentale et mystique, prétendant arriver à la connaissance de Dieu et a l’union avec lui par les pratiques de l’ascèse et les illuminations intérieures de la grâce, et interprétant les données traditionnelles d’après l’expérience mystique. C’est pour cela que le palamisme, comme nous l’avons montré par quelques textes suggestifs, n’a pas craint de se présenter comme un développement et une manifestation de vérités implicitement et obscurément contenues dans le dépôt traditionnel. C’est ce qui explique la résistance tenace qu’il a reni outrée dans un milieu séculairement hostile à toute innovation ou développement en matière doctrinale, résistance qui n’a pu être vaincue que par l’emploi de la force brutale.

II. Les faits et les documents conciliaires. —

I. LES DEUX CONCILES DE 1341 ET LE TOME SYNODAL.

— La première question qu’il nous faut élucider, avant de poursuivre l’histoire de la controverse amorcée dans l’article précédent, est la provenance et la véritable portée d’un document, sur lequel Grégoire Palamas et ses partisans se sont appuyés pour résister ouvertement à l’autorité ecclésiastique, dès la fin de l’année 1341 et jusqu’à la déposition du patriarche Jean Calécas (février 1347). Nous voulons parler du tome synodal de 1341, ô auvoSixôç tÔiioç, qui porte dans les manuscrits d’origine palamite le titre suivant : « EuvooYx.oç xôtzoç YEypaLxjiivoç stcî tocîç èçs-’ksyï ^à.aai^ x.al à7ro6aAAO[i.svat.ç tt/v toù BapXaàix xai’AxivSûvou SuCTcéêsiav |jt, syâXai.< ; ouvoSoiç, èv alç oùj( r, ’ExxXTjaia [xàvov, àXÀà y.cà t aûyy.Ar^oc, xal oî xa60-Xtfxol TrapYJcrav tcov’Pwfxatcov xpiTat, 7rpoxo<G7 ; jjLévou xcà toù Gslotoctûu (îaaivécoç é’coç ou nepirp. » Ce titre est curieux sous plus d’un rapport. Il nous présente le document comme étant le résultat de plusieurs synodes, qui ont rejeté l’impiété de Bariaam et d’Acindyne et qui ont été réunis du vivant et sous la présidence 1779

    1. PALAMITE (CONTROVERSE)##


PALAMITE (CONTROVERSE). CONCILES DE 1341

I 7 M I

d’Andronic III Paléologue. En fait.cn lisant la pièce. on s’aperçoit qu’il n’y est question que du synode tenu dans l'église Sainte-Sophie, le 10 juin 1341, quatre jours avant la mort d’Andronic (là juin), et que Barlaam seul est nommé. Le titre est donc faux, mais pas complètement cependant. Eclaircissons le mystère. Et commençons d’abord par parler de ce fameux concile de juin 1341, ou les accusations de Barlaam contre les hésychastes furent rejetées et son opinion sur la nature de la lumière thaborique condamnée comme contraire à la doctrine des Pères.

Nous avons dit qu'à son retour de l’ambassade d’Avignon (1339), Barlaam, après une courte halte à Constantinople pour rendre compte de sa mission, avait regagné Thessalonique, et avait refait son ouvrage contre les hésychastes. en l’intitulant : KaT-i MaaaaXtavcTiv. Sans retard, l’alamas avait répondu à cette nouvelle édition par une troisième triade de discours contre le moine calabrais. Dans ces derniers opuscules, le théologien bésychaste accentuait ses nouveautés hétérodoxes, tant pour le fond de la doctrine que pour les formules. Dès qu’il les eut en main. Barlaam reprit le chemin de la capitale et alla dénoncer son rival au patriarche. Il alla aussi trouver Acindyne pour solliciter son appui dans la lutte contre les hésychastes et leur défenseur..Mal lui en prit, car Acindyne, à ce qu’il nous raconte lui-même dans son Discours au patriarche Jean et à son synode, écrit en 1344, le rabroua vertement, lui faisant remarquer que ce n'était pas à lui, étranger, de se mêler de critiquer et de réformer les abus de l'Église byzantine, où tov BapXaàji. TcpocyrçxELV èpeuvav xà Tj^té-epa xai SiopOoùv. Monæensis grâce. 223, fol. 51 v°. Puis, avec quelques moines, le même Acindyne se rendit chez le patriarche. On examina les écrits de Palamas. apportés par Barlaam, et on y trouva de telles énormités théologiques, qu’on ne voulut point croire qu’elles fussent authentiques. On pensa que le Calabrais les avait inventées. On lut aussi l’ouvrage de ce dernier contre les moines, et il apparut qui ! n'était pas à l’abri de toute critique. Le patriarche chargea Acindyne de l’examiner et d’en écrire, au besoin, une réfutation, ("est ce qui fut fait. Acindyne trouva Barlaam répréhensible sur deux points : Il parlait de la lumière du Thabor d’une manière peu respectueuse, en enseignant qu’elle était inférieure en dignité non seulement aux anges, mais même à l’esprit humain et à ses concepts, alors cpie les l'ères de l'Église en avaient dit des choses si merveilleuses. De plus, ses critiques de la méthode de prière des hésychastes étaient fort exagérées, et ces bons caloyers ne méritaient pas qu’on les traitât de massaliens ou de bogomiles. D’accusateur, le moine calabrais risquait fort de passer au rang d’accusé, car Acindyne l’attaquait ouvertement et défendait Palamas. Il alla même jusqu'à publier plusieurs disserta lions contre lui.

Mais, sûr de ce qu’il avançait, Barlaam ne se laissa pas déconcerter par ce premier insuccès. Il continua à dénoncer Palamas par toute la ville et le présenta même comme tenant des conciliabules au mont Athos et à Thessalonique, contrairement aux saints canons. <oç apa ô lIaXa(i.àç napaauvaYMyàç èv tu opst tcû àyîco tt’j'.ôï jtàv ~ꝟ. 0s<T<TaXovb17) Tiapà toùç Œîo’jç xai îspoùç Kavôvaç. Ibid. De ces conciliabules de Palamas nous connaissons au moins celui dont parle Philothée dans son Panégyrique, c’est-à-dire cette réunion des principaux athonites où fut élaboré un autre document palamite déjà signalé, le t6(x, oç àyiopeiTixoç. Devant cette accusation positive et grave par ellemême, qui fut portée à ses oreilles non seulement par le Calabrais, mais par plusieurs autres, Jean Calécas se décida enfin à agir. Une lettre synodale assez dure de ton fut envoyée à l’archevêque de Thessalonique

pour qu’il lit diriger sur Constantinople le moine Palamas. Barlaam lui-même fut chargé de la faire parvenir à destination. Acindyne en eut connaissance et. trouvant le procédé peu délicat pour son ami Palamas. eut l’audace d'écrire au patriarche pour lui faire des remontrances sur la sévérité de la missive. Il se présenta ensuite lui-même au prélat, ajoutant qu’on aurait dû au moins envoyer un exemplaire de la lettre à Palamas lui-même pour ménager son amourpropre. Le patriarche se laissa convaincre et résolut de n’adresser la lettre synodale qu'à Palamas. Mais il était trop tard. Quand on demanda à Barlaam de rendre la lettre qui lui avait été remise pour le métropolite de Thessalonique, il répondit que l’expédition était déjà faite. Jean Calécas poussa alors la condescendance jusqu'à faire envoyer un exemplaire du document à Palamas lui-même par l’intermédiaire d' Acindyne. Ainsi le coup serait quelque peu amorti pour le défenseur des hésychastes.

Le pli avait à peine pris la direction de Thessalonique qu’Acindyne reçut de Palamas lui-même la fameuse lettre où celui-ci lui exposait tout au long son système sur l’essence de Dieu et son opération, la lumière et la grâce incréée. On y lisait en particulier la phrase suivante : La grâce déifiante du Saint-Esprit est une divinité inférieure, don de la divinité supérieure, i} Qeonoibç, Scùpeà roù IIveûp-ocTÔc ; ècm Qeàrr^ ûtpeir ji.évy), Scopov oùaa ttjç 'mepïieiy.évrfc. Acindyne alors ouvrit les yeux et comprit que les accusations d< Barlaam n'étaient pas des racontars, mais la vérité pure. Il résolut pourtant de mettre tout en œuvre pour épargner à son ami une condamnation certaine cl se lit fort d’obtenir de lui la suppression d’une terminologie offensive des oreilles pies.

Justement, quelques jours après, Palamas délui ! quait à Constantinople et prenait logement chez lui. On s’entretint des accusations de Barlaam. On parla aussi de la lettre qu’Acindyne avait reçue peu de jours auparavant. Lue discussion s’engagea. Acindyne lit remarquer à son ami que sa doctrine était opposée à celle des Pères ; mais il ne réussit pas à le convaincre. Tout ce qu’il put obtenir de lui, ce fut la promesse d’effacer de ses écrits les expressions choquantes, aînés qu’on se serait débarrassé de Barlaam, cet ennemi commun de toute la corporation des moines, xoivôv È7r/]psa<T7Yjv ôVra toû er/y^a-roç toù y ; cA£Tspou. En attendant, Acindyne s’engagea à garder le silence sur les innovations doctrinales du nouveau théologien, qui ne présenta au patriarche que la partie de ses écrits où il n’y avait rien à reprendre au point de vue dogmatique.

Le plan concerté par Acindyne jour faire condamner Barlaam réussit. Nous apprenons, en effet, par un document encore inédit, conservé dans le Vatic. grsec. 2335, et composé vers 1370 sous forme de projet de concile contre la doctrine palamite, au nom du patriarche d’Antioche, que, dans une réunion privée, tenue avant le synode public, l’empereur, le patriarche et quelques membres éminents du Sénat décidèrent de donner à la future assemblée un caractère purement disciplinaire. On écarterait systématiquement toutediscussion d’ordre dogmatique. On ferait semblant de ne voir en l’affaire qu’une pure querelle entre moines et l’on réglerait le différend à l’amiable. Barlaam serait débouté de son action en diffamation contre les hésy chastes, et on l’inviterait à se réconcilier avec Palamas. Quant au débat doctrinal, il serait remis à plus lard. Un nouveau synode se réunirait en temps opportun pour le trancher. En attendant, on défendrait, tous les peines les plus sévères, d’agiter des questions don matiques. On espérait ainsi étouffer l’affaire et faire l'économie d’une controverse toujours dangereuse pour la paix et l’unité de l'Église : BouX-r ; v (30uXe>jov

tati, et i l notre document, oLxovo[x.7Jo~ai xà toû TrpaYfiaTOç « xî r » )v 'JTrovooufxévTQv sptv SixXôaaaOai Si’eÊpYjVTjç. Le récit de Nicéphore Grégoras, 7/i’sI. bijzant.. t. XI, c. x. P. (/'.. t. cxi. viii, col. 764, laisse entendre la même chose et donne les raisons qui firent prévaloir ce dessein : tx tièv t9jç èyxaXoujJiévYjç GeoXoYÎaç aici>7rîj xp’JTC-eaÔoa Seîv Èvopûa6r, .

Ce programme fut exécuté de point en point. Réuni à Sainte-Sophie le 10 juin 1341, sous la présidence de l’empereur en personne — - car Barlaam avait refusé de comparaître devant le synode patriarcal en L’absence du souverain, ayant eu vent sans doute du complot tramé contre lui (cf. le tôu, oç auvoSixéç, P. G., t. cli, col. 680-681) — le synode, auquel assistèrent le Sénat au complet et de nombreux curieux, régla l’affaire en une journée. Barlaam fut d’abord invité à développer contre Grégoire Palamas et les hésychastes les accusations qu’il avait formulées contre eux dans son rapport écrit au patriarche. Au lieu d’aborder tout de suite le point précis qu’on lui indiquait, il crut habile d’entamer au préalable la question dogmatique de la nature de la lumière thaborique. On l’arrêta net. Il eut beau insister. On ne lui permit pas <le développer ses arguments contre la théologie de Palamas. Il prit alors le parti de garder le silence et l’on lit lire à son adresse le canon 64 du concile m Trullo et le canon 19 du concile de Chalcédoine défendant aux simples particuliers, clercs ou laïques, de se mêler d’enseigner les vérités religieuses et d’agiter les questions de dogme. les évêques seuls ayant pouvoir légitime d’enseigner dans l'Église. Puis on donna connaissance de son accusation écrite contre les moines, a laquelle Grégoire Palamas fut invité à répondre. Celui-ci fit brièvement l’histoire de sa querelle avec le moine calabrais et se garda bien de se compromettre en parlant de ses Osqttjtsç. Pour achever la défaite de l’accusateur des hésychastes. on lui quelques passages « le son livre intitulé Contre les massaliens. A sa doctrine sur la lumière thaborique on opposa, non tous les textes patristiques qui se lisent dans le -6|xoç rruvoSixôç, mais seulement des extraits des discours de saint Jean Damascène et de saint André de Crète sur la Transfiguration. Cf. l’Explication du tôjjioç par le patriarche Jeun. P. G., t. cl, col. 900 1). Cette simple confrontation suffisait à établir la témérité de son langage. On lut aussi les passages les plus faibles de son accusation touchant la méthode de prier des hésychastes. Tout le monde en vit le peu de fondement. Enfin, l’empereur assena au Calabrais le coup de grâce en réfutant luiinème quelques-uns de ses arguments, spécialement sur la prière : Seigneur Jésus, etc.

Barlaam, qui était perspicace, vit la manœuvre. Il devina l'économie, comme disent les Grecs, dont on lui faisait faire les frais, et eut le bon esprit d’entrer dans les vues pacifiques de l’empereur et du patriarche. Il promit de cesser ses attaques contre les moines et évita ainsi l’excommunication. Mais la défense qu’on lui fit de continuer la polémique fut aussi intimée à Grégoire Palamas, aux siens et à tous les fidèles. On interdit à quiconque, sous peine d’excommunication, de dogmatiser sur des questions nouvelles. Un prochain synode dirimerait, s’il y avait lieu, la question doctrinale soulevée par Barlaam.

Tel fut le synode du 10 juin 1341. Il se plaça uniquement sur le terrain pratique et disciplinaire, et n’aborda pas la question de fond qui mettait aux prises Barlaam et Palamas. Il se proposa uniquement de fermer la bouche à l’accusateur et d’arrêter toute discussion ultérieure. Il ne promulgua aucun tome dogmatique, et le t6[aoç auvoSixôç n’est pas son œuvre. Le seul document officiel qui résulta de ses délibérations fut la lettre encyclique par laquelle le patriarche Jean ordonna la destruction des écrits de

Barlaam dirigés contre les moines. Cette lettre, qui nous a été conservée (cf. P. G., t. clii, col. 1211), ne porte malheureusement pas de date. Selon toute vraisemblance, elle fut publiée peu de jours après le synode, alors que Barlaam avait déjà repris le chemin de l’Occident, s’il est vrai qu’il partit dès le lendemain même du synode, comme l’affirme le tome du concile palamite de février 1317 : tï)v S'ôorepatav <j’j/eto « psûycov àSrjXeoc. Codex Dionysianus Athonensis 147, fol. 265.

Quatre jours après ce concile de juin 1341, l’empereur Andronic mourait sans laisser d’indication précise sur la constitution du conseil de régence qui s’imposait, le successeur légitime Jean Y étant encore un enfant. Les compétitions et les intrigues commencèrent autour de l’impératrice-mère, Anne de Savoie. L’ambitieux Jean Cantacuzène prétendait prendre en main la direction des affaires. Le patriarche contrecarra ses projets et une rupture devait bientôt s’ensuivre avec la guerre civile. Cependant Palamas et les moines qui l’avaient accompagné au concile étaient toujours là. Barlaam ayant pris la fuite, ils triomphaient bruyamment et attendaient le second synode qui devait statuer sur la question dogmatique. Au lieu de tenir la promesse qu’il avait faite d’effacer de ses écrits les expressions malsonnantes, oublieux également de la défense portée par le synode, Palamas prêchait ouvertement sa théologie dans ce qu’elle avait de plus cru. De vives altercations s’ensuiviienl avec Acindyne. Le patriarche arriva à les récopeilier une première fois. Mais la querelle s’envenima. La colère des amis du novateur se tourna alors contre Acindyne qu’on traita de barlaamite. Des menaces de mort furent proférées contre lui, et deux des moines de son couvent faillirent être écharpés. Le patriarche essaya encore d’arrêter les disputes en faisant comparaître devant son synode les deux antagonistes. Il fit lire à leur adresse un passage significatif de saint Basile raillant les téméraires qui veulent scruter l’essence de Dieu, alors qu’ils sont incapables d’expliquer les phénomènes les plus simples de la nature. Rien n’y fit. Le démon de la dispute était entré dans l'âme des mystiques. Ils réclamaient à cor et à cri le synode promis, qui devait, dans leur pensée, sanctionner de son autorité la théologie de leur patron, Palamas.

L’ambitieux Cantacuzène entendit leurs plaintes. Au moment où il rêvait de jouer au basileus, une occa sion propice s’offrait à lui de faire une démonstration publique de son autorité. Un concile, en tout égal au premier, se réunirait à Sainte-Sophie sous sa présidence. Acindyne y remplacerait Barlaam, et les hésychastes auraient leurs apaisements. La question dogmatique y serait abordée et résolue. Ainsi fut fait. Lin second synode fut convoqué par Cantacuzène à Sainte-Sophie, et se tint dans la partie de l'édifice réservée aux catéchumènes, au mois d’août de cette même année 1341. Mais ce fut un conciliabule, non un concile, car le patriarche refusa d’y paraître, et ce fut contre sa volonté que l’assemblée se réunit. Explication du t6[xoç pai Jeun Calécas, P. G., t. cl, col. 901 A. C’est ce qui explique pourquoi la plupart des historiens contemporains font le silence autour de ce synode. L’astucieux Cantacuzène embrouille le récit avec le premier concile de juin, et ne craint pas de le faire convoquer par le patriarche lui-même, Histor., 1. IL c. xl, /'. G.. t. cliii, col. 676-689. Le tome du concile palamite de Février 1347 nous en parle également, ainsi que le tome anonyme du patriarcal d’Antioche signalé plus haut. Les métropolites et les sénateurs crurent devoir s’y rendre. Les détails nous manquent sur ses délibérations. Tout ce que nous en savons, c’est qu’on y discuta sur la théologie de Palamas. Acindyne était pré

sent et attaqua ouvertement la doctrine de son ancien ami. Palamas se défendit, et donna vraisemblablement lecture du fameux tome hagioritique, 6 tou.oç àyiopsiTixôç, composé par Philothée en 1339 et signé par les principaux représentants du monachisme athonite. Nous avons dit, à l’article Palamas, col. 1749, que ce document était un résumé des principales thèses palamites. S’il fallait ajouter foi à Cantacuzène, loc. cit., col. 673 B, Palamas l’aurait présenté déjà au synode de juin. C’est une erreur manifeste, comme il ressort de ce qui a été dit plus haut. Acindyne fut condamné comme infecté de l’hérésie barlaamite, xsXécoç xaraSixY) xa0u7to6X7)0£VTOç à>ç Suaaeêoijç xai tû BapXaàji. aaçxïôç ôu.ocppovoûvTo< ; Sei/Oévtoç, dit le tome synodal de février 1347. On dut vraisemblablement rédiger quelque tome dogmatique, où le palamisme le plus cru était enseigné, et on vint le présenter à la signature du patriarche. Celui-ci refusa catégoriquement et considéra comme non avenu tout ce qui avait été fait. Plusieurs prélats, du reste, avaient protesté contre les nouveautés doctrinales du théologien hésychaste, et s'étaient rangés à la doctrine d’Acindyne.

Cependant les athonites continuaient à s’agiter. Leur réputation commençait à baisser dans l’opinion publique. Acindyne nous apprend que tout le monde les condamnait et leur disait des choses désagréables, are mxpà 7ïâvTcov v^Sv) xaTeyvcoojiivo !. xai xaxciç àxo’jovTeç. Patronnés par Cantacuzène, ils insistèrent pour.qu’on leur délivrât un document oiïiciel garantissant leur orthodoxie et leur réputation : èyxsi|j.£vo(. fjTOÏivTO ypâjj.[i.a ocÙtoïç yevéaOai, wote u.7) à7r66X7)TOi sïvtu Soxeïv. Acindyne, loc. cit. Cf. Jean Calécas, Explication du xôfxoç, loc. cit., col. 901 B : 'E^YjTYjas ensnix xai Yjvâyxacjev, ïva 7rotY)aco[i.Ev ypâ(i.[jia toïç fiova^oîç. Le patriarche finit par accéder à leur demande : il consentait à la publication d’une décision officielle portée au nom du synode du 10 juin et relatant ce qui y avait été fait, c’est-à-dire la condamnation des écrits de Barlaam contre les moines et la défense absolue d’agiter des questions dogmatiques. Mais qui allait rédiger le document ? Le clan palamite s’en chargea avec la collaboration de certains des prélats qui avaient assisté au conciliabule de Cantacuzène. De leur commune entente sortit ce qu’on a appelé le SuvoSoxôç rôjjioç commençant par les mots 'ErauvsTÔç àXr)0<ôç 6 eîtoôv, P. G., t. ci.i, col. 079-692. Il se présente comme un récit officiel, fait par le patriarche, de ce qui s’est passé au synode du 10 juin. On n’y rencontre pas la moindre allusion au conciliabule du mois d’août. Nulle part la doctrine palamite n’y est formellement disculée ou approuvée, mais tout est habilement disposé et agencé pour donner l’impression d’une approbation tacite et indirecte. Au début, par exemple, on raconte que Barlaam a accusé les hésychastes d’enseigner que l’essence de Dieu était participable et que les moines se sont défendus en répondant que ce n'était pas l’essence de Dieu qui était participable, mais la grâce incréée, éternelle et déifiante du Saint-Esprit, où ttjv oùaîav, àXXà ttjv axTiatov xai aiStov xai Osottoiôv /âptv toû IIvstJfiaToç. Puis, quand il s’agit de réfuter l’opinion du Calabrais sur la nature de la lumière thaborique, au lieu de rapporter simplement les extraits des homélies de saint Jean Damascène et de saint André de Crète, qui furent réellement lus au concile du mois de juin, on aligne une longue enfilade de textes patristiques, tout ce que Palamas avait pu trouver de mieux en faveur de sa doctrine sur la lumière divine éternelle et incréée. Cette longue suite de passages constitue donc une véritable interpolation. Sans doute aucun d’eux n’enseigne explicitement ce que les Palamites veulent y trouver ; mais il y a des expressions vagues et ambiguës, des

métaphores et des synecdoques qui paraissent appuyer la thèse de Palamas. Sans doute aussi, le tout est cité directement dans le but de combattre Barlaam, qui faisait de la lumière thaborique un phénomène matériel, une apparition transitoire d’une lumière miraculeusement produite par Dieu et aussitôt évanouie, inférieure par conséquent en dignité à la lumière intellectuelle de l’ange ou de l’esprit humain ; mais l’ensemble va naturellement appuyer la doctrine de^ hésychastes.

Quand la pièce fut rédigée, on la présenta à la signa ture du patriarche. Celui-ci s’aperçut bien de la fraude, et refusa d’abord son approbation, déclarant que le document ne rendait pas la vraie physionomie du concile du 10 juin, et avait un caractère tendancieux au point de vue doctrinal : oùx eûXoyov eîvai -po6aXX6[j.£voç èç>'oîç oixovo[j. !.xoj< ; 7) aùvoâoç SteTrpâÇa-ro, t6 ; aov 7îpo6r ; vai auvoSixov, dit le tome du patriarche d’Antioche. Acindyne, du reste, était là pour lui dévoiler la perfidie des palamites, lui qui écrira trois ans plus tard : « Le tome fut rédigé, et Palamas y glissa frauduleusement son hérésie, en partie du moins, contre la volonté du patriarche : ysyove xoivuv 6 TÔ[i.oç, xai 7rapEjjr.6X-/]0'/) SoXiax ; Trapà v/jv cty ; v yvw[xr ( v sv tû t6[xcù èx [iipouç Ta Éau-roô roxp’aÙTOÛ. » Loc. cit., fol. 53 v°. Jean Calécas, cependant, finit par céder devant les instances des partisans secrets de Cantacuzène et, comme malgré lui, apposa sa signature. Il crut parer à l'équivoque doctrinale que présentait la pièce et à l’abus que pourraient en faire les partisans de Palamas, en ajoutant, à la fin, la défense sévère, sous peine d’excommunication, de dogmatiser à l’avenir sur quoi que ce soit, soit verbalement, soit par écrit. Il dira plus tard que, dans sa pensée, le tome visait simplement à repousser les accusations de Barlaam contre les moines et sa doctrine sur la lumière thaborique. Les textes patristiques cités ne tendaient qu'à cela, et l’on n’en avait donné aucune interprétation officielle : ùnkp wv Sy) xeçaXaiwv xai rà pyjTà twv àyiojv sTS07)cav STcsÇspyacrîaç tzô.gtc, ycùçXc, xai IheSt)yr)a£cùç. Explication du tome, loc. cit., col. 901 C.

Avec le patriarche, plusieurs métropolites souscrivirent le document : mais d’autres refusèrent, parmi lesquels Athanase de Cyzique, qui ne signa qu’en 1346, au moment de se joindre à la faction des prélats mécontents qui allaient se rebeller contre le patriarche et bientôt le déposer. D’autres signatures postérieures, que rapportent les manuscrits en appendice au tome, s’expliquent de la même manière, et certains historiens ont eu tort de s’appuyer sur ces additions postérieures pour contester l’authenticité du document. Cette authenticité, du reste, est tout à fait relative. La pièce est authentique en ce sens qu’elle a été signée par le patriarche et plusieurs métropolites. Mais : 1° Elle n’a pas été rédigée parle synode du tOjuin 1341. 2° Elle donne un récit tendancieux et interpolé de ce qui s’est passé et fait dans ce synode ; 3° Elle respire l’air du conciliabule palamite du mois d’août, après lequel Palamas et les siens l’ont composée. Ainsi s’explique le litre donné par les manuscrits : SovoStxôç t6|xo< ; ysypajji^.évoç ztX xatç ÈÇsXsyÇâo-aiç xai àno6aXXo|jivai.< ; ty ; v tou BapXaàjj. xai 'AxtvSûvou [i.eyâXaiç auviSoiç.

II. LE TOME il A GIOR1 TIQ UE. — Nous avons déjà parlé plus d’une fois de ce document, que l’on trouve dans la P. G., t. cl, col. 1225-1236. Composé au mont Athos, dès 1339, par Philothée Kokkinos, encore simple moine, sous la dictée, pour ainsi dire, de Palamas, il vise directement Barlaam, et résume la théologie nouvelle de Palamas sur la grâce et la lumière divine incréée, la distinction réelle entre l’essence de Dieu et ses opérations éternelles et incréées, le siège du vouç dans le cœur ou le cerveau, l’influence du corps sur 1785 PALAMITE (CONTROVERSE). ADVERSAIRES DE PALAMAS 1786

l'àme, et vice versa. La pièce a l’allure d’un manifeste doctrinal collectif des moines athonites, comme si ces derniers étaient investis d’un magistère officiel dans I liglise. Le dernier signataire, Jacques, évêque de Iliérisos et de la Sainte-Montagne, déclare que les athonites ne recevront à leur communion que ceux qui accepteront la doctrine contenue dans le tome. Bien plus, au début, cette doctrine est présentée comme une manifestation de mystères contenus implicitement dans l'Évangile et les écrits des Pères et révélés expérimentalement aux contemplatifs.

Comme nous l’avons dit plus haut, il est vraisemblable que les hésychastes exhibèrent pour la première fois cette profession de foi, non au concile du lu juin 1311, mais au conciliabule du mois d’août, présidé par Cantacuzène. D’après Nicéphore Grégoras, Histor. byzant.. 1. XXXVII. P. G., t. cxlix, col. 480, elle n’aurait été divulguée que vers 1344. En comparant le témoignage de cet historien avec un passage de Palamas dnns sa Réfutation du tome d’Ignace d’Antioche, Coisl. 99, fol. 147, nous concluons que les athonites partisans de Palamas l’envoyèrent, sur la fin de 1344, à l’impératrice Anne et aux principaux magistrats, sans doute en réponse à la lettre que le patriarche leur écrivit en novembre 1344, pour leur notifier la condamnation de Palamas. Cf. P. G., t. ciii, col. 12691273. En réponse à cette bravade, le gouvernement impérial lit appréhender tous les signataires, qui furent réunis en un seul endroit. On les somma d’abjurer la doctrine de Palamas. Ceux qui refusèrent furent expulsés de la Sainte-Montagne. Grégoras, ibid.

Après le triomphe du parti palamite en 1347, le tojxoç aYiopeiTixôç est considéré comme l’expression de la vraie doctrine, et c’est sans doute par allusion à cette pièce que le tome synodal de 1341 reçoit parfois, à partir de cette époque, le titre de ô auvoSixôç xocl àytopsiTixôç t6[j.oç, comme si les deux documents n’en faisaient qu’un. Au concile de 1351, dont nous parlerons tout à l’heure, le t6[aoç àyiopsiuxôç fut officiellement approuvé. P. G., t. cli, col. 757 CD. Sur son attribution à Piulothée, voir P. G., t. clii, col. 329 A ; t. cliv, col. 861 D.

/II. LE PATRIARCHE JEAN CALÉ CAS ET ACINDYNE

contre palamas (octobre 1341 -février 1347). — Avec la promulgation du tome synodal se clôt la première phase de la controverse palamite. On pouvait espérer que Grégoire Palamas et les siens se tiendraient pour satisfaits, après avoir obtenu un document qui leur était si favorable et que, dociles à la défense finale, ils garderaient le silence sur les étranges doctrines et formules que la polémique avec Barlaam leur avait fait inventer. Mais il n’en fut rien.

Acindyne nous raconte que, aussitôt en possession du tome, Palamas se mit à publier partout que sa doctrine et ses écrits avaient été approuvés par l'Église, et qu’il fallait les accepter sous peine d’excommunication, xcà S'.ïcov tv]v otxoo[jiév/jv a/eSov è'XeyE xexupcôaOai Ttâvra aùfoG Ta ayyYpâufjt.aTa auvoSixcôç. Monac. 223, fol. 54. Bien plus, il composa de nouvelles dissertations dogmatiques, où sa théorie sur l’essence de Dieu et ses opérations revenait avec les mêmes formules hérétiques qui se lisaient dans ses précédents ouvrages. A cette désobéissance manifeste il ajouta des critiques publiques de la politique suivie par le patriarche contre Cantacuzène, le protecteur des hésychastes. Mis au courant de tout par Acindyne, qui à partir de ce moment devint son conseiller intime et joua le premier rôle dans la lutte contre l’hérésie nouvelle, Jean Calécas se décide à sévir et à user contre le moine rebelle de sa double autorité religieuse et civile. Palamas est mandé à Constantinople. Il arrive sur la fin du carême de 1342, et a une entrevue privée avec le patriarche, qui lui demande de renoncer à ses nouveautés dogma tiques. Il refuse catégoriquement d’obéir. Une sommation canonique suit, qui l’appelle à comparaître devant le synode patriarcal. Il se dérobe et compte sur son ami, le moine Isidore, pour prendre sa défense. Le synode se réunit vraisemblob'.nent dans le courant de juin 1342. Isidore justifie.a conduite de Palamas en se fondant sur le tome synodal, qu’a signé le patriarche. Celui-ci, d’accord avec les membres du synode, condamna au feu les écrits du novateur comme scandaleux et semant partout la discorde. Cette sentence est confirmée par un nouveau synode qui se tient quelque temps après (probahlement en septembre 1342) au palais impérial et auquel assistent les sénateurs.

De ces deux premiers synodes, qui ont condamné les écrits de Palamas, mais non directement sa personne, il ne nous reste que le souvenir, que nous a conservé Acindyne, op. cit., fol. 54 v°. L’excommunication contre le rebelle ne fut portée que deux ans après, le 4 novembre 1344, après qu’il avait déjà passé deux ans en prison. Il fut, en effet, arrêté à Héraclée, où il s'était réfugié, à l’automne de 1312, et après quelques semaines passées dans les dépendances de SainteSophie, il fut enfermé dans le monastère de l’Incompréhensible, 7) ji.6vï) toÎ) 'AxaTaXyjTCToo, où il resta jusqu’au triomphe de Cantacuzène. L’excommunication fut motivée par la propagande qu’il ne cessait de faire dans sa retraite, en faveur de sa théologie, tant par la plume que par la parole. Le texte même de la sentence ne nous est pas parvenu, mais il nous reste plusieurs documents officiels de Jean Calécas qui nous la signalent, et nous apprennent que la sentence atteignit également tous les partisans de Palamas, et nommément le fameux Isidore, alors évêque élu de Monembasie. Ces documents sont : 1. Une lettre encyclique à tous les fidèles, leur annonçant la condamnation de Palamas, d’Isidore et de leurs partisans (Incip. : 'H y.sTpiôrrçç /]fi.wv àva8sSsY[i.Év7]), dans P. G., t. cl, col. 891894, d’après l'édition d’Allatius, De perpétua consensione, etc., t. II, c. xvi, 5, n ; 2. Une lettre aux moines athonites, écrite aussitôt après le synode du 4 novembre, dans P. G., t. clii, col. 1269-1273. Le patriarche, après avoir parlé de la condamnation de Barlaam en 1341, raconte la contumace de Palamas, son emprisonnement et, sans mentionner expressément son excommunication, exhorte les moines à user de leur influence pour le ramener dans la voie de l’obéissance. Pour toute réponse, les athonites envoyèrent à l’impératrice et aux principaux magistrats un exemplaire du tôjaoç àyiopeiTixôç et s’attirèrent par cette incartade les représailles dont nous avons parlé cidessus ; 3. Une explication officielle du tojjloç auvoSixôç de 1341 par le patriarche, composée après la lettre aux athonites (Incip. : "Ecm [i.èv àno TOÙTÔ[i.ou xocracpavsç), dans P. G., t. cl, col. 900-903, d’après l'édition d’Allatius, op. cit., t. II, c. xvii, 2 ; 4. Le début de la sentence contre Isidore, publié par G. Mercati, Notizie cd appunti, etc., Rome, 1930, p. 202-203. Quand l’excommunication fut portée contre Palamas et Isidore, le patriarche d’Antioche, Ignace, se trouvait de passage à Constantinople. Après s'être fait expliquer le cas des deux rebelles, il s’associa à la mesure prise par le patriarche œcuménique, et libella de son côté deux tomes, l’un assez long, dirigé contre Palamas, qui est resté inédit et qui a été réfuté par Palamas lui-même (cf. plus haut, col. 1745) ; l’autre, plus court, contre Isidore, qu’Allatius a publié dans son ouvrage : De libris ecclesiasticis Grœcorum, p. 188-189 (Incip. : 'EXaXyjOy) TCpî toù ûtto^cjhou). Ils ont été promulgués tous les deux après le synode du 4 novembre 1344, et dans le même mois.

L’activité de Jean Calécas contre Palamas et ses disciples ne se borna pas là. Soutenu par l’autorité 1787 PALAM1TE (CONTROVERSE). ADVERSAIRES DE PALAMAS 1788

civile, il sévit contre les novateurs et ne nomma aux évêchés que des clercs d’une orthodoxie éprouvée. Cf. Jean Cyparissiotès, Palamiticarum trangressionum, i. I, sermo iv, c. 4, P. G., t. clii, col. 709 D. Il encouragea Acindyne à réfuter les écrits de Palamas, et lui-même s’employa à cette tâche. Tout alla bien tant que l’impératrice Anne lui donna sa faveur. Pendant plusieurs années, elle ne fit rien que par ses conseils. Si nous en croyons l’historien Nicéphore Grégoras, ce fut même une de ses suggestions qui prépara sa perte et, par le fait même, le triomphe du palamisme. Histor. byzant., t. XV, e. vu et ix. P. G., t. cxlviii, col. 1008, 1029. Ne regardant que le bien de l’empire, Jean engagea l’impératrice à se réconcilier avec Jean Cantacuzène. Toujours docile, Anne goûta le projet, et des pourparlers secrets durent s’engager avec le GrandDomestique. Les événements qui suivirent nous permettent de supposer que ce dernier posa comme conditions de la réconciliation l'éloignement du patriarche qui l’avait excommunié au début de sa révolte contre la cour, et l’acceptation de la doctrine palamite. L’impératrice eut la faiblesse de ne pas rejeter catégoriquement ces suggestions, qui la poussaient à sacrifier à la fois la vraie doctrine et son meilleur conseiller. Elle essaya d’abord de tranquilliser sa conscience sur la question de la doctrine et voulut se faire une opinion sur la théologie de Palamas. C’est dans ce but qu’elle demanda à celui-ci de la lui exposer brièvement. On devine la joie du théologien hésychaste devant ce revirement inespéré. Bien qu’il fût encore en prison, il ne fit pas attendre sa réponse, que Poivin a publiée en note dans son édition de V Histoire byzantine de Grégoras, t. XV, c. vii, P. G., loc. cit., col. 1010-1012. Elle est fort habile. Anne est complimentée de son zèle pour l’orthodoxie, et la doctrine d’Acindyne présentée comme apparentée au massalianisme et aboutissant logiquement à l’athéisme. L’impératrice voulut aussi avoir l’avis du philosophe Nicéphore Grégoras. Celui-ci se déclara contre Palamas et en faveur d’Acindyne. Désappointée, Anne lui demanda de mettre par écrit les raisons de sa décision.

Ceci se passait dans les premiers mois de l’année 1346. Jean Calécas et Acindyne durent bien vite s’apercevoir du changement qui commençait à se dessiner dans la politique de l’impératrice, et firent leur possible pour l'éclairer sur les erreurs de Palamas. Anne, elle, cherchait une occasion d’entrer en conflit avec le patriarche, afin d’avoir un prétexte pour se débarrasser de lui. L’occasion s’offrit, lorsque, vers le milieu de l’année 1346, le bruil courut qu' Acindyne, cette bête noire des palamites, allait être promu à l’ordre du diaconat. Elle fit savoir à Jean que cette ordination lui déplaisait. Le patriarche passa outre. Un décret d’expulsion contre le nouveau diacre fut la réponse de l’impératrice vexée. Le conflit parvenait à l'état aigu. Ce fut bien pire, lorsqu’il fut question de nommer Acindyne à la métropole de Thessalonique, qui avait perdu son pasteur antipalamite, nommé Hyacinthe, enlevé par une mort prématurée. A cette nouvelle, Anne n’y tint plus, et s'échappa en injures contre le prélat. Pour la calmer et se justifier, Jean lui fit remettre un recueil de dissertations, composées par lui-même, par Acindyne et par d’autres théologiens, où les erreurs de Palamas étaient exposées et réfutées. Nous soupçonnons que, dans ce recueil, se trouvaient les deux pièces anonymes publiées par Allatius dans son ouvrage, De libris ecclesiasticis Grsecoruw, dissert. II, et reproduites dans P. G., t. cl, col. 864-872.

La nouvelle du conflit entre l’impératrice et le patriarche porta la joie et l’espérance dans le camp des palamites. Cantacuzène crut le moment venu de faire déposer Jean Calécas par le petit groupe de prélats

qu’il traînait à sa suite. Leur chef était Lazare, patriarche de Jérusalem. On ne sait ou se tint la réunion. Le tome du synode de février 1347, dont nous parle rons tout à l’heure, nous apprend seulement que ce fut hors de la capitale. Le conciliabule rédigea un tome de déposition en bonne et due forme, qui ne nous est pas parvenu : xal aûvoSov iepàv ai>YxpoTY ; aavT£ç, xaOaiperixov TOfiov toù Toiaûxa toL|j !.côvtoç a>jYYP a ~

4*dqjievot xaGoapéast. TsXeîa xaOuîioêâÀXouaiv. Cod.

Dionys. Allion. 147, fol. 268. Cf. P. G., t. clii. col. 1278, où ce passage manque. En même temps, les six prélats palamites qui étaient gardés à vue dans leurs cellules, à Constantinople, adressèrent à l’impératrice un rapport virulent contre le patriarche. Ils l’accusaient d’avarice, de népotisme, de simonie, de parjure ; le traitaient de loup, de lion, de serpent, de persécuteur des orthodoxes, de protecteur des barlaamites et demandaient son expulsion. Voir le texte de ce rapport dans P. G., t. cli, col. 767-770. Il est daté de septembre 1346. Nous trouvons parmi les signataires deux prélats qui passeront bientôt au camp des antipalamites, à savoir Matthieu d'Éphèse et Chariton d’Apro.

Cependant l’impératrice était pressée d’en finir avec Jean Calécas, qui avait osé braver ses volontés Elle se tourna résolument du côté des palamites, et finit par trouver une dizaine de prélats, qui se prêtèrent à ses desseins et se convertirent, eux aussi, au palamisme. Lhiis à deux des signataires du rapport précédent, ils se réunirent sous sa présidence au palais impérial, au début de février 1347. Il y avait là, outre les sénateurs, le Premier de l’Athos, plusieurs moines et laïcs instruits. Le public ne fut pas admis. Appelé à comparaître devant ce conciliabule, Jean Calécas ne répondit pas : mais, quelques jours auparavant, instruit de ce qui se tramait contre lui, il avait lancé de nou veau l’anathème contre Palamas et tous ceux qui admettaient « ses dogmes impies ou, pour mieux dire, ses radotages », englobant dans cette condamnation les prélats qui, d’une manière anticanonique et sans jugement, avaient récemment supprimé son nom dans les diptyques sacrés. Voir le texte de cet anathème dans Allatius, De libris ecclesiasticis Grsecorum, dissert. II et dans P. G., t. cl, col. 863-864. G. Mercati, Notizic ed altri appunti, etc., p. 195, donne une addition à ce texte d’après le cod. Barber. 291, et croit le décret postérieur à la déposition de Jean, contre l’affirmation du tome anonyme d’Antioche, qui écrit : toûtwv S’exi. [j.e>, £Tco|jtéva)V ô mxTpiâpx’yiç, auXXoYioà[jLevoç ôtcoîov zaïau. tô 7répaç ocûtoïç, èaj(âT7]v t<xùtt)v ÈYYpacpcoç ty)v à7tox7)pu£w xaxà tgjv IIaXau.y)TÔJV SX9WVSÏ. Cod. Vatic. 2335.

Mais revenons au synode de l’impératrice. Le grand grief qu’on releva contre le patriarche fut que celui-ci avait combattu, de concert avec ce nouveau Barlaam qui s’appelait Acindyne, les dogmes de Palamas. Pour se donner de l’importance, on rédigea un long tome, où se trouve un exposé très partial de la controverse palamite jusqu'à 1347. Au demeurant, ce tome renferme des détails historiques intéressants et nous renseigne spécialement sur le contenu du recueil antipalamite que Jean Calécas avait fait remettre à Anne Paléologine pour éclairer sa religion, au moment où elle était sur le point de donner sa faveur aux sectateurs de Palamas. Le document se termine par la déposition du patriarche et la condamnation expresse d’Acindyne et de sa doctrine. On promet aux clercs antipalamites de leur conserver leur rang dans la hiérarchie, s’ils adhèrent aux dogmes de Palamas. Enfin, l’anathème est lancé contre tous ceux qui oseront attaquer à l’avenir Palamas et ses disciples, « ces véritables soutiens et défenseurs de l'Église et de l’orthodoxie. Tel est le tome du conciliabule palamite de février 1347. L789 PALAMITE (CONTROVERSE). TRIOMPHE 1)1 PALAMISME L790

dont on trouvera un texte lacuneux dans P. G.. t. clii, col. 1273-1284, et le texte complet dans le Dionysianus Athon. 14?. fol. 263-272, avec trois séries de signatures. Le document fut, en effet, souscrit, peu de jours après, par les prélats qui entrèrent dans la capitale à la suite de Cantacuzène ; puis, quelques mois plus tard, par les métropolites de la promotion d’Isidore (mai 1347).

Le conciliabule venait de se terminer, et aux prélats courtisans, qui avaient si bien exécute ses desseins, Anne venait de faire servir un copieux festin dans l’une des salles du palais impérial. On trinqua joyeusement à la santé de Falamas jusqu'à une heure fort avancée de la nuit. lorsque tout à coup, d’effrayantes clameurs surgirent : Cantacuzène venait de franchir les murs de la cité avec ses soudards. Affolée, l’impératrice ordonna de fortifier son palais et appela à son secours les Génois de Galala. Ceux-ci furent repousses par la garnison impériale vendue à Cantacuzène. Il n’y avait plus qu'à négocier avec le vainqueur. Palainas, délivré enfin de prison, fut l’un des parlementaires. La réconciliation, après laquelle soupirait l’impératrice depuis si longtemps, fut un fait accompli, le S février. Cf. Cantacuzène, op. cit., t. III, c. xcix-c, P. G., t. cliii, col. 1292-1300 ; Nicéphore Grégoras, op. cit., t. XV, c. IX, P. G., t. cxlviii, col. 1027 sq. t’n des premiers actes de Cantacuzène fut de confirmer la déposition de Jean Calécas et le tome synodal qu’on venait de rédiger contre lui. Le décret est daté du mois de mars. Noir le texte dans P. G., t. cli, col. 769-774. D’abord enfermé au monastère de SaintBasile, Jean, qui ne cessait de protester contre l’injuste sentence qui l’avait frappé, fut exilé à Didymotique. Il tomba bientôt malade, et Cantacuzène, mû par la pitié, à ce qu’il raconte lui-même. Hisl., t. IV, c. iii, P. G., t. cliv, col. 29-33, le fit revenir dans la capitale, où il mourut bientôt (29 décembre 1347), âgé d’environ soixante-cinq ans. Cf. Grégoras. op. cit., 1. XVI. c. iv, P. G., t. cliii, col. 1064.

IV. LE TRIOMPHE D V PALA UISME. LES l’A TRI ARCHES

ISIDORE et calliste (mai 1347-févi’ier 1354). — Il fallait donner un successeur à Jean XIV. Ce n'était pas chose aisée. Cantacuzène se trouva en face de plusieurs prélats ambitieux, qui convoitaient le siège œcuménique et attendaient cette récompense de leur complaisance envers le vainqueur. Celui-ci patronnait la candidature de Palamas, mais n’osait l’imposer par la force, car le moine rebelle avait mauvaise réputation dans l’opinion publique, et il s’en fallait que tout le monde fût converti à sa théologie. La majorité des électeurs finit par choisir le fameux Isidore de Moneml>asie, qui portait sur sa tête plusieurs anathèmes lances par le patriarche précédent (17 mai 1347). Une fois nommé, le nouveau patriarche fit une nombreuse promotion d'évêques attachés aux doctrines nouvelles. C’est ainsi que Philothée Kokkinos reçut la métropole d’Héraclée et Palamas celle de Thessalonique.

Le parti des mécontents, à la tête desquels étaient Néophyte de Philippes, Joseph de Ganos et Matthieu d'Éphèse, se réunit en synode au mois de juillet de cette année (1347). Ils n'étaient guère plus d’une dizaine ; mais ils avaient reçu les lettres approbatives des évêques antipalamites des provinces au nombre d’une vingtaine. Au point de vue doctrinal, ce synode des dix constituait un curieux mélange d’anciens antipalamites et de palamites d’hier, et il devait être assez embarrassé pour rédiger une profession de foi. Il voulut pourtant, puisque c'était la mode, y aller aussi de son tôu.oç. La pièce nous est parvenue et reflète assez bien la mentalité incertaine de ces ambitieux. Publiée par Allatius, De perpétua consensione, etc., t. II, c. xvi, 4, elle est reproduite dans P. G., t. cl, col. 877-885. La question doctrinale est super ticiellement et obscurément traitée, La théologie de Barlaam et d’Acindyne est aussi bien rejetée que celle de Palamas, et l’on ne voit pas très bien quelle est la posit ion de ces opporl unistes. Ce qu’ils reprochent surtout à Palamas, c’est sa terminologie et la multitude de ses GsoT/jTsç. Au demeurant, ils ne s’attardent pas longtemps sur ce terrain. Le principal pour eux est de démontrer que l'élection d’Isidore, qui leur a été préléré. est anticanonique, et leur tache est facile. Isidore et Palamas sont déposés et excommuniés. Palamas est traité de àp/Y)YÔç -rijç xocxoSo^îat ; et d’inventeur de divinités supérieures et inférieures, visibles et invisibles.

La réponse de l'épiscopat de Cantacuzène à cet audacieux défi ne se lit pas attendre. Dès le mois d’août suivant, Isidore réunit les évêques présents dans la capitale et prononça la déposition et l’excommunication des récalcitrants. Un nouveau tome fut rédigé avec l’inévitable préface sur l’hérésie de Barlaam et d’Acindyne. Il a été publié par Porphyre Ouspenskii, L’Orient chrétien. L’Athos, t. iii, éd. Syrkou, Saint-Pétersbourg, 1892, p. 728-736. Néophyte de Philippes et Joseph de Ganos sont condamnés comme imbus de l’hérésie de Barlaam et d’Acindyne. Quant à Matthieu d'Éphèse, on le traite plutôt comme un schismatique et un parjure, et on a l’air d’espérer qu’il reviendra à résipiscence. De fait, Cantacuzène. dans son ouvrage contre Cyparissiotès, nous a conservé une lettre de rétractation de Matthieu datée du 22 avril 1350. La même pièce est donnée par le Dionys. Athon. 147. fol. 276 V-277, et certifiée conforme à l’original par Philothée. Si elle est authentique, le retour de l’ambitieux prélat au palamisme ne dura pas longtemps ; car dès l’année suivante, au concile des Blachernes, nous le voyons siéger parmi les adversaires de Palamas.

Pendant les deux ans et demi qu’il occupa le siège œcuménique (mai 1347-décembre 1349), Isidore chercha à faire accepter les dogmes palamites par l’ensemble de l'Église byzantine. Les évêques furent choisis parmi les partisans de la théologie nouvelle. On prit des mesures de rigueur contre les réfractaires. Des réfractaires, il s’en trouvait dans toutes les classes de la société : parmi les clercs, parmi les moines, parmi les laïques instruits. C’est à cette époque que le philo sophe Nicéphore Grégoras entre résolument dans la lutte et devient le principal champion de l’ancienne orthodoxie. En 1348, il se mesura une première fois avec Palamas, H. B., XVI, v, 11, P. G., t. cxlviii, col. 1081. Un groupe de fidèles disciples popularisait renseignement du maître, et le palamisme était visiblement en baisse. Pour le relever, Canl a cuzène voulut lui faire subir l'épreuve d’une discussion publique, où l’on laisserai ! aux opposants toute liberté de le combattre et d’expo ser leur propre doctrine. Mais, auparavant, il nomma au siè^e œcuménique, laissé vacant par la mort d’Isi dore, le moine athonite Calliste, que les historiens contemporains nous dépeignent comme un cerveau étroit et un brutal, dont il fallut modérer l’ardeur persécutrice (10 juin 1350). Ce ne fut qu’un an après, le 27 mai 1351, que se réunit l’assemblée qui, dans la pensée de Cantacuzène, devait faire cesser le schisme intérieur de l'Église byzantine.

Le concile se tint au palais des Blachernes, dans le triclinium d’Alexis, et fut présidé par l’empereur Can tacuzène en personne. Plusieurs récits détaillés nous en sont parvenus, qui sont loin d'être concordants. Le plus long, mais non le plus exact, ni le plus complet, est celui de Grégoras, qui ne consacre pas moins de quatre livres de son Histoire byzantine (livres XVIII-XXI) à nous parler du rôle qu’il y joua. Il ne compte que quatre sessions. L’auteur anonyme du tome du patriarcal d’Antioche donne un bon résumé avec des détails 1791 PALAMITE (CONTROVERSE). TRIOMPHE DU PALAMISME 1792

que n’a pas Grégoras, mais ne distingue que trois sessions. La narration la plus claire et la plus complète, bien que faite du point de vue palamite et passant sous silence les discussions et incidents défavorables au parti, est encore le tome synodal, qui fut rédigé et souscrit deux mois après la clôture du concile (août 1351). D’après ce document, dont on peut lire le texte dans P. G., t. cli, col. 717-763, il y eut cinq sessions, dont quelques-unes furent séparées par plusieurs jours d’intervalle. La clôture eut lieu le 9 juin. Les palamites y étaient représentés par Jean Cantacuzène, le patriarche Calliste et une trentaine d'évêques, si l’on en juge par les signatures apposées au tome. Grégoras, op. cit., t. XVIII, c. iii, P. G., t. cxlviii, col. 1141, ne parle que de vingt-deux évêques présents, et nous dit que la plupart étaient des rustres sans instruction. Quant aux antipalamites, les plus marquants étaient, en dehors de Grégoras, le vieux métropolite d'Éphèse, Matthieu, dont nous avons conté les palinodies, l'évêque de Ganos, Joseph, l'évêque de Tyr, représentant le patriarche d’Antioche, Théodore Dexios, le hiéromoine Athanase, le moine Ignace, Théodore Atouémès encore tout jeune. Étaient présents aussi les élèves de Grégoras, qui ajoute que le peuple, dans son ensemble, était hostile à Palamas.

La première session s’ouvrit le 27 mai par un discours de Cantacuzène invitant les assistants à la concorde, mais laissant entendre que celle-ci devait être réalisée par la reconnaissance des dogmes palamites. Grégoras répliqua, au nom des opposants, que la paix était impossible à cette condition et qu’il fallait expulser de l'Église le polythéisme de Palamas. Devant cette attaque brusquée, Palamas accusa ses adversaires d’enseigner les doctrines de Barlaam et d’Acindyne et proposa un examen des ouvrages de ces deux personnages. Les opposants ripostèrent que ce n'était ni Barlaam, ni Acindyne qui étaient en cause, qu’au demeurant, ils étaient prêts à jeter au feu leurs écrits : la vraie question était de savoir si la théologie de Palamas était conforme à la doctrine traditionnelle de l'Église. C'étaient ses ouvrages à lui qu’il fallait examiner. Cette demande provoqua une discussion orageuse. Allait-on permettre que Palamas parût au concile en accusé? On se résigna pourtant à cette solution, et il fut décidé qu'à la prochaine séance le groupe de Grégoras aurait toute liberté pour exposer ses griefs.

La seconde session n’eut lieu que le 30 mai. Elle fut des plus mouvementées. Comme, dans l’intervalle des deux sessions, la foule avait poussé des cris hostiles contre les palamites, ceux-ci réclamèrent protection auprès du bisileus. Cantacuzène se repentit alors de la liberté qu’il avait accordée aux opposants d’attaquer Palamis. L’entrée au concile fut sévèrement contrôlée, et l’empereur ouvrit la séance par un discours plein de menaces contre les réfractaires. Devant cette violation de la parole donnée, ceux-ci se retirèrent, et Palamas put lire et faire approuver sa profession de foi sans rencontrer de contradiction.

Cependant la sécession des opposants ne faisait pas l 'affaire de Cantacuzène, et le but qu’il s'était proposé en réunissant le concile était manqué, s’il ne ramenait ceux-ci aux séances. Il y réussit par des flatteries et des promesses, et, deux sessions durant, les antipalamites purent développer leurs attaques contre Palamas avec une liberté relative. On se battit à coups de textes patristiques. A la troisième session, Palamas parut f lire une concession sur l’emploi du mot 0e6ty)ç appliqué aux opérations divines, concession qui fut retirée aux sessions suivantes. Comme la discussion sur les chapitres de Palamas n’en finissait pas — les antipalamites en avaient réuni soixante pour être soumis à l’examen — à la cinquième et dernière session, Cantacuzène proposa de terminer l’affaire par

une série de cinq questions résumant toute la doctrine du théologien hésychaste. Les réponses favorables au palamisme furent appuyées sur de nombreux textes des Pères. Les opposants réclamèrent contre l’exégèse fantaisiste de leurs adversaires et citèrent des passages contredisant directement les thèses novatrices. On ne les écouta pas, et on les somma d’adhérer à l’orthodoxie régnante sous les peines les plus sévères. Le synode se termina par la dégradation brutalement exécutée des métropolites d'Éphèse et de Ganos et l’excommunication de tous les récalcitrants. Les uns furent enfermés dans les prisons publiques ; les autres, parmi lesquels Nicéphore Grégoras, gardés à vue à leur domicile.

Le palamisme triomphait ainsi par la force brutale. On l’avait déjà introduit, avant le synode de 1351. dans la profession de foi des évêques, le jour de leur ordination. Il ne restait plus qu'à lui donner une place de choix dans le Synodicon du dimanche de l’Orthodoxie. Le patriarche Calliste opéra cette interpolation dans un synode tenu encore aux Blachernes, dans le triclinium d’Alexis, au mois de juillet 1352. Une série d’anathématismes contre Barlaam, Acindyne et leurs adeptes et tout autant d’acclamations à Grégoire Palamas et aux partisans de sa doctrine furent composés sur le modèle des anathématismes et des acclamations rituelles déjà usitées. Le cod. Monacensis griec. 505, fol. 2 v°, en attribue la rédaction à Philothée. Ils résument bien le palamisme tel qu’il est exprimé dans le tome du concile de 1351. Nous aurons à en reparler tout à l’heure. Cf. Porphyre Ouspenskii. L’Athos, t. iii, p. 781-785.

V. LE PALAMISME APRÈS 1354. LE SYN0LE ET LE

tome contre prochoros GTDONÈs (1368). — Le patriarche Calliste, qui s'était signalé par son zèle à poursuivre les antipalamites, fut déposé au début de 1354 pour avoir refusé de couronner empereur le fils de Jean Cantacuzène, Matthieu. On lui donna pour successeur, dès février, le complaisant Philothée Kokkinos, un des fervents disciples de Palamas, En présence de son père et du synode patriarcal, Matthieu fit profession officielle de palamisme, en souscrivant le tome de 1351, qu’il déposa sur l’autel de SainteSophie de ses propres mains. Voir sa déclaration dans P. G., t. cli, col. 754.

En décembre de cette même année 1354, Jean V Paléologue, qui s'était de nouveau brouillé avec Jean Cantacuzène, triomphait de lui et l’obligeait à abdiquer (1355). En même temps, Philothée était déposé et Calliste rappelé. A ce moment, les choses faillirent mal tourner pour les palamites. Jean V n’avait point pour eux les tendresses des Cantacuzènes, et il voyait plutôt dans leurs doctrines un obstacle à l’union des Églises, qu’il projetait pour obtenir du pape et des souverains d’Occident des secours contre les Turcs. Aussi les mesures persécutrices prises contre les antipalamites après le synode des Blachernes de 1351 furent-elles rapportées, et Nicéphore Grégoras put sortir librement de son couvent. Dans le courant de l’année 1355, l’empereur l’appela à discuter publiquement avec Grégoire Palamas en sa présence et celle du légat du pape, Paul de Smyrne. Nous avons déjà parlé, à l’article précédent, col. 1740, de l’issue de ce débat contradictoire, sur lequel Grégoras nous a laissé deux livres de son Histoire byzantine, 1. XXX et XXXI. P. G., t. cxlix, col. 233-330. Dans les années qui sui virent, le gouvernement impérial se désintéressa pratiquement de la querelle intestine qui divisait encore les esprits ; mais le patriarche et l'épiscopat étaient désormais acquis aux dogmes nouveaux, et les sanctions d’ordre religieux continuèrent à être appliquées à quiconque leur était hostile. L’une de ces sanctions était la privation de la sépulture ecclésiastique. 1793 PALAMITE (CONTROVERSE). LE PALAMISME CANONISÉ 1794

Le patriarche Calliste, mort au mois d’août 1363, eut pour successeur, le 12 février 1364, son prédécesseur, Philothée, qui s'était réconcilié avec Jean V Paléologue par les bons offices de Démétrius Gydonès, converti au catholicisme. Il avait été convenu, lors de cette réconciliation, que Philothée laisserait en paix ceux qui n’adopteraient pas la doctrine palamite. Mais ce disciple zélé de Palamas ne tint pas longtemps sa promesse et, dès 1368, il se mit à sévir contre ie propre frère de Démétrius Gydonès, Prochore, moine et prêtre au mont Athos. Il est vrai que celui-ci était un adversaire redoutable pour les palamites. Connaissant bien le latin, très versé dans la théologie augustinienne et thomiste, rompu à la dialectique aristotélicienne, il démolissait avec une aisance et une clarté étonnantes les thèses du théologien hésychaste. C’est à lui, et non à Acindyne, qu’il faut attribuer le De essentia et operationc, ouvrage en six livres, dont le premier seulement et le début du second ont été publiés (cf. P. G., t. cli, col. 1191-1242), et qui est un vrai résumé de théologie thomiste. Barlaam n’avait jamais rien écrit d’aussi fort et d’aussi net. Cydonès composa aussi d’autres ouvrages et opuscules (sur la lumière thaborique, sur le tome synodal de 1351, etc.), et détourna du palamisme plusieurs athonites. Dénoncé au patriarche et invité à se rallier à l’orthodoxie officielle, il continua à argumenter contre Palamas et à jeter ses contradicteurs dans le plus grand embarras. Philothée réunit enfin contre lui un synode, en avril 1368. Malgré les ménagements dont on usa à son égard et les délais qu’on lui accorda pour venir à résipiscence, il resta inébranlable dans ses convictions, et parut plusieurs fois se moquer plus ou moins ouvertement de ses juges. Ceux-ci finirent par prononcer contre lui, en son absence — - car il n’avait pas paru à la séance finale — la sentence d’excommunication et de suspense perpétuelle du sacerdoce. On rédigea, à cette occasion, un long tome, dont le contenu est fort curieux et qui se termine par le décret de canonisation de Grégoire Palamas. Texte dans P. G., t. cli, col. 693-716, d’après l'édition de Dosithée dans le Téjxoç àydOTrjç, Bucarest, 1698, Prolegomena, p. 93-114.

Le tome de 1368 clôt la série des conciles palamites, et la canonisation de Palamas avec l'établissement de sa fête, au second dimanche de carême, consacre une fois de plus le triomphe de sa doctrine dans l'Église grecque. Cette doctrine rencontra cependant de terribles adversaires encore dans la seconde moitié du xive siècle. Contrairement à la tradition byzantine, l’empereur régnant, Jean V Paléologue, s’en désintéressa totalement et l’abandonna même ouvertement, en 1369, en faisant profession de foi catholique.

III. LE PALAMISME, DOCTRINE OFFICIELLE DE

l’Eglise byzantine. — Une fois maîtres du patriarcat œcuménique, les palamites déployèrent une activité extraordinaire à propager leurs doctrines.

Dès avant le synode des Blachernes de 1351, ils avaient inséré dans la profession de foi que récite l'évêque, à la cérémonie d’ordination, un passage où les premiers conciles palamites étaient reçus à l'égal des anciens conciles œcuméniques et locaux et où étaient anathématisés, avec Barlaam et Acindyne, ceux qui ne croyaient pas à la distinction réelle entre l’essence divine et ses opérations incréées, et en particulier à la lumière thaborique incréée. Cf. le tome du concile de 1351, P. G., t. cli, col. 721 C. Cette addition, qui a disparu dans la suite, nous ne savons à quelle époque, se lit dans certains euchologes du xve siècle. Dmitrievskii, dans son ouvrage, Eô)(oX6Yi.a, Kiev, 1901, p. 622-623, donne le texte de celle qui se trouve dans le Sinaiticus 1006, fol. 42 v°. Tout métropolite élu dans le patriarcat de Jérusalem devait la réciter, à son ordination : IIpôc ; toûto^ç tjTspyco xai àTto8sy_o[i.ai xai xàç

DICT. DE THÉOL. CATH.

xaxà KojvaTavuvo’jTToX'.v auyxpoTTjOslaaç auvôSouç sv te roi 7T£pia)vù[xcû vacô t^ç àylaç toû ©sou Aôyou croeplae ; xai èv tû (ko<ppoupr)Tw TraXaiia) vacji xarà toù KaXa6poù BapXaàji, xai, toù ji, ST'èxstvov Ta èxslvou çppovoûvtoç… 'AxivSûvou, etc. Certains théologiens de la secte allèrent même jusqu'à donner le titre d'œcuménique au concile de juin 1341, sous Andronic III, à cause évidemment du rôfzoç auvoSixôç, dont nous avons raconté la genèse. C’est ce que fait Nil, métropolite de Rhodes, dans la seconde moitié du xive siècle. Cf. son opuscule, De sanctis et œcumenicis synodis enarratio synoptica, éd. Woel et Justel, Bibliotheca juris canonici veteris, t. ii, Paris, 1651, p. 1160.

Les patriarches œcuméniques, à partir de Calliste I er, essayèrent de faire accepter la doctrine nouvelle par les autres patriarcats orientaux et par les métropoles les plus lointaines soumises à leur juridiction. Ils n’y réussirent pas du premier coup. Pendant assez longtemps, le patriarcat d’Antioche resta rebelle à toute innovation. On s’y souvenait sans doute de la condamnation portée par le patriarche Ignace contre Palamas, en novembre 1344. Mais, avant la fin du xive siècle, le palamisme y était déjà victorieux, comme nous le voyons par la profession de foi de Michel II, datée du 7 février 1395. Cf. Miklosich et Mùller, Acta patriarchatus Constantinopolilani, t. it, Vienne, 1862, p. 248-249. Nicéphore Grégoras nous apprend que le métropolite de Kiev repoussa, au début, avec vigueur les tomes palamites, que lui envoya le patriarche Calliste, et en réfuta la doctrine dans sa réponse. Histor. byzant., t. XXVI, 22, P. G., t. cxlix, col. 96-97. Des résistances semblables se manifestèrent dans les métropoles soumises à l’autorité des Latins et dans certaines autonomies ecclésiastiques, comme l'Église de Chypre. Mais, peu à peu, elles s’atténuèrent et finirent par disparaître complètement. Les cas de retour de « l’hérésie barlaamite » à l’orthodoxie palamite sont assez fréquents dans la seconde moitié du xive siècle. Cf. Miklosich et Millier, op. cit., 1. 1, p. 501505, 530, 568, 574 ; t. ii, p. 267, 295-296, où l’on trouvera sept cas d’abjuration de cette nature entre les années 1369-1397. Nous voyons par le même recueil que les patriarches œcuméniques de cette époque font profession de foi palamite en prenant possession de leur siège. Ibid., t. ii, p. 112-114, 293-295. Cf. Porphyre Ouspenskii, op. cit., t. iii, p. 786-797.

Les anathématismes et les acclamations insérés au Synodicon du dimanche de l’Orthodoxie sont l’expression de ce palamisme officiel. Les principales thèses de Grégoire Palamas y sont canonisées : 1. La lumière qui brilla au Thabor, lors de la Transfiguration du Sauveur, est déclarée n'être ni une créature, ni l’essence de Dieu, mais la grâce et l’illumination incréée et physique jaillissant éternellement et sans séparation de l’essence divine elle-même : jjiyjts xxîcjji.a slvat. Gslotocxov èxsïvo cpw :  ; j.rxz oùaiav 0soû, àXX’axT(.arov xai cpuaiX7)v /âpw xai sXXajjuJnv èJ ; aÙTTjç -rîjç Œtaç oùalaç à^coplaroç àsl irpol’oùaav (1 er anathématisme). — -2. Il y a en Dieu deux choses inséparables : l’essence et l’opération physique et substantielle découlant de l’essence suivant la relation de cause à effet. L’essence est impari icipable, l’opération est participable ; l’une et l’autre sont incréées et éternelles : xaxà tÔ tîjç 'ExxXïjaiaç sùcrsoèç 9pôvY)[i.a ô(i.oXoyoù[i.sv oùatav km. 0sou xai oùaicâSv) xai ç'jctoxt)v toutou èvspy£t, av… eïvai xai Siaçopàv à8ldcciTaTOv xaTà Ta àXXa xai (iâXiaxa tô aÏTiov xai alT'.axôv, xai àiiiÔexTov xai jjLeOsxtÔv, tô fjtiv -rrjç oôaîaç, tô ftè svspyelaç (2e anathématisme). — 3. Cette distinction réelle entre l’essence et l’opération ne détruit pas la simplicité de Dieu, comme l’enseignent les saints et le pieux sentiment de l'Église, xaxà t<xç tô>v àylov 0eoTivsûaTouç GeoXoylaç xai tô -rTiç'ExxXYiataçsùaeSèççpôvï)[i.a, [XSTa tîjç Ô£07rp£7raû< ; TaÙT7)ç Siaçopâç xai tt)v

T. — XI — 57.

Œiav à71XÔT7)Ta 7ràvu xaXcoç âiaawÇsaôat. (4e anathématisme). — 4. Le mot de Œôttjç ne s’applique pas seulement à l’essence divine, mais se dit aussi de son opération, d’après l’enseignement inspiré des saints et le sentiment de l'Église. — 5. La lumière thaborique est la gloire ineffable et éternelle du Fils de Dieu, le royaume de Dieu promis aux saints, l'éclat avec lequel il paraîtra au dernier jour pour juger les vivants et les morts : 86J ; av a7r6pp7)Tov -rîjç 6s6t, /)toç) (ïxpovov tou Yioû 86£av xal PaooXslav 0eoù xai xàXXoç àX7)61vôv xal spâaLuov (6e acclamation).

Telle est la doctrine, présentée comme un développement et une explication du VIe concile, que Grégoire Palamas et ses disciples ont réussi à faire adopter par l'Église byzantine, grâce à l’intervention du pouvoir séculier représenté par Jean Gantacuzène. Jean V seul eût pu, par la force, rétablir l’ancienne orthodoxie. Comme il ne le fit pas, le triomphe du palamisme était fatal. Le fait que les Latins et les Latinophrones lui étaient nécessairement hostiles, loin de lui nuire, contribua à son succès. Latinisme et antipalamisme ne firent bientôt plus qu’un dans l’esprit du grand nombre.

IV. Les principaux défenseurs du palamisme

AUX XIVe ET XVe SIÈCLES. Le PALAMISME MITIGÉ.

La controverse palamite a donné naissance à une littérature théologique considérable, dont on n’a pas encore dressé l’inventaire complet et qui est pour la plus grande partie inédite. Sectateurs et adversaires de Palamas ont rivalisé de fécondité, et l’on est vraiment surpris qu’un si maigre sujet que celui de la nature de la lumière thaborique ait pu passionner à ce point les Byzantins des xive et xve siècles, alors que les Turcs leur enlevaient les derniers lambeaux de leur empire. Notre intention n’est point ici de signaler tous les monuments de cette controverse. Il nous suffira de donner une vue d’ensemble sur la marche de la querelle, la physionomie des principaux combattants, l’opposition de leurs doctrines et aussi les nuances plus ou moins accusées qui, dans un même camp, ont parfois séparé des compagnons d’armes. Occupons-nous pour commencer des principaux représentants du palamisme.

1° Le palamisme authentique, cela va sans dire, doit être cherché dans les œuvres mêmes de Grégoire Palamas. Nous en avons parlé suffisamment à l’article précédent. Inutile d’y revenir. Remarquons seulement qu’il faut distinguer dans ce système, tel qu’il a été élaboré par son auteur, deux choses : le fond de la doctrine et la terminologie. Four ce qui regarde le fond, Palamas a eu beaucoup de disciples : pour ce qui est des formules, on n’en trouve presque aucun. Les principaux théologiens palamites que nous connaissons donnent sans doute à leur maître de grands éloges ; ils l’honorent comme un saint et saluent en lui le grand défenseur de l’orthodoxie, qui ne le cède en rien aux docteurs les plus illustres de l’ancienne Église. Aucun d’entre eux pourtant, pas même le fidèle Philothée Kokkinos, n’emploie habituellement ses formules les plus criardes ; pas un qui nous parle, par exemple, de la Gsottjç ÙTtEpxEiLiÉvy) et de la Geôtyjç ûcpeiiAÉV/] ; qui nous dise que la première s'élève à l’infini au-dessus de la seconde ; qu’il y a une multitude de Œôtyjteç ôçei[zsvai, àvoùcuot ou èvoûaioi ; que les saints, par la participation à la grâce incréée, deviennent incréés et éternels, ôcxticttoi, à'ISioi. Il y a donc eu, dès le début, et du vivant même de Palamas, une édulcoralion de son système pour ce qui regarde les formules. Lui-même, au concile de 1351, parut, un moment, renoncer à l’emploi du pluriel 6e6t7)teç. Plusieurs antipalamites ont signalé cette reculade des disciples devant les audaces du maître. Cf. Jean Cyparissiotès, Palamiticarum transgressionum, t. I, sermo i, c. 2,

P. G., t. clii, col. 676 ; Manuel Calécas, De essentia et operatione, P. G., ibid., col. 336 B : xai ïcaiç LiET'ÈxEÎvov ol tou ; éxstvou aovYjyopsïv PouXôlievoi…. oùx ôXiyov tcov toioùtcov ùcpsïXov. Mais pas n’est besoin de recourir aux antipalamites pour mettre ce fait en évidence. Le cod. 135 de la grande laure Saint-Athanase au mont Athos contient, fol. 776 v° sq., une curieuse lettre de l’empereur Jean Cantacuzène, malheureusement incomplète du début, adressée à un évêque, après le concile de 1351, où ce grand protecteur du palamisme dit anathème à quiconque emploie plusieurs des formules chères à Palamas. Il écrit, par exemple : « Nos adversaires nous accusent de placer en Dieu deux divinités, l’une, qui est essence, l’autre, qui n’est pas essence ; et je réponds : Anathème à qui pense cela : XÉyoocnv coç 8t)6ev SoÇàÇoçj.sv ï)[i.sîç ètù 0eoG 8ùo Gso-nrjTaç, [jiav oùcnav, xal érépav àvoùaiov scp’oj xai Xsyoi èycô, cm ùtco àvâOsfi.a è'cttco ô toOto cppovcov. » Et encore : « Ils prétendent que nous disons que ceux qui participent aux divinités inférieures deviennent, sans commencement, incréés et éternels, et je dis anathème à qui a pareil sentiment : "Exi XÉyoucuv cm XÉyoçAEV côç toùç |j.ETsxovTaç tcov Ùoeilzëvcov Œot^tcov àvâpyouç xai àx-ria-rouç xai àïSîouç yevéaGaixai Xsyco Sxt àvâ0ELLa è'cttco ô toùto cppovcov. — Ils disent encore que nous affirmons qu’il y a en Dieu de nombreuses et différentes facultés et opérations. Anathème à qui pense de la sorte 1 Mais nous confessons trois hypostases du Père, du Fils et du Saint-Esprit, une seule essence et puissance et opération, et non plusieurs différant les unes des autres, comme nous le font dire ces calomniateurs : |iiav 8è oùaîav xai 8ùvaçuv xai ÈvÉpysiav, xai où TroXXàç 81.acpEpoùaaç àXXrjXcov, côç outol oi [xâraiot. StaëâXXouaiv. » Cantacuzène a beau protester : on peut lui montrer que les expressions sur lesquelles il jette l’anathème se trouvent dans Palamas à peu près dans les mêmes termes.

Les formules mises à part, il faut reconnaître que la plupart des théologiens palamites des xive et xve siècles retiennent ce qui constitue le fond de la doctrine du maître. Comme lui, ils conçoivent Dieu d’une manière anthropomorphique, et placent en lui la composition métaphysique d’essence et de personne, de substance et d’accident. Tous enseignent les propositions exprimées dans les anathématismes et les acclamations du Synodicon du dimanche de l’Orthodoxie.

2° C’est un fidèle disciple de Palamas que ce moine David Dishypatos dont nous avons déjà signalé, col. 1754, le court opuscule sur l’origine de la controverse, et dont le cod. Paris, grfec. 1247, fol. 1-51 v°, nous a conservé un Traité sur les blasphèmes de Barlaam et d’Acindyne, adressé à Nicolas Cabasilas. Pour lui, la comparaison du soleil et de ses rayons rend bien l’idée qu’il faut se faire de l’unique essence divine et de ses multiples opérations, ainsi que de leurs relations.

3° Philothée Kokkinos, un autre disciple de la première heure, est, plus que Palamas lui-même, le théologien du palamisme officiel. C’est lui qui a rédigé le TÔpioç âyiopEmxoç, les anathématismes contre Barlaam et Acindyne, le tome de 1351, avec la collaboration de Nil Cabasilas, cf. P. G., t. cli, col. 677 D ; lui qui a glissé la doctrine nouvelle dans la profession de foi des évêques ; lui qui a canonisé Palamas, écrit sa vie et composé en son honneur l’office que chante encore l'Église gréco-russe. De ses nombreux écrits de controverse antipalamite seuls sont publiés les quinze livres contre Nicéphore Grégoras. Dans P. G., t. cli, col. 773-1186, d’après la mauvaise édition de Dosithée, Tôptoç à.yànrfi. Il faut noter que les deux Xéyoi et l'Ê7ÛXoyo< ; donnés en appendice, col. 1139-1186, constituent en réalité les trois premiers livres de l’ouvrage contre Grégoras, qui compte ainsi quinze livres, comme l’indiquent plusieurs manuscrits. Cf. G. Mercati, Noti1797

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lie di Procoro eDemetrio Cidone, di Manuele Caleca, di Teodoro Melileniota, ed altri appunti per la storia délia teologiae dclla letteratura bizanlina del secvlo XI v, Rome, 1930, p. 245. Voir l’article : Philothée Kokkinos.

1° Après Philothée. c’est bien Jean Cantacuzène qui mérite la première place parmi les théologiens palamites. Sans doute, comme nous l’avons montré plus haut, il sacrifie et réprouve plusieurs des formules du maître ; sans doule aussi, quand il discute avec un Latin comme Paul, archevêque de Smyrne, puis patriarche de Constantinople, il mitigé autant qu’il peut le fond même de la doctrine, usant d’artifices et de réticences. Mais il n’en maintient pas moins les thèses principales du tome de 1351. C’est après avoir abdiqué et s'être fait moine qu’il a pris la plume pour défendre la doctrine qu’il avait fait triompher par la force, alors qu’il était basileus. Son principal ouvrage en la matière est une longue réfutation des IIaXau.iTixal Trapaoâoetç de Jean Cyparissiotès, contenue dans le ccd. Laurentianus VIII, 8. Le prologue seul, qui est un court aperçu historique de la controverse, a été publié dans P. G., t. cliv, col. 694-700 : IIpooÎLuov sic toùç reapà toû piovâyou Xpicro&oûXou cuyypatpévTaç Xôyouç xocrà tt, ç toû BapXaàfi. xal 'AxivSùvou aîpécecoç. Cantacuzène controversiste s’appelle, en effet, tantôt le moine Joasaph, tantôt le moine Christodoulos, et quelquefois, il garde l’anonymat. Ses autres écrits polémiques, tous inédits, sont : 1. l’ne Réfutation de Prochoros Cydonès, contenue dans le Paris. 1241 ;

2. Une Réfutation d’Isaac Argyros, dans le Paris. 1242, fol. 9-70, et dans d’autres manuscrits. L’ouvrage a été écrit à la suite d’une discussion avec le moine Argyros, qui a soutenu que la grâce et les sept dons du Saint-Esprit sont créés. Cantacuzène enseigne qu’ils sont incréés et éternels, tout comme la lumière thaborique.

3. Une Apologie de la doctrine palamite adressée à Paul, patriarche latin de Constantinople, et comprenant quatre lettres dogmatiques écrites en réponse aux questions du patriarche. Cette correspondance avec le prélat latin est fort intéressante, et nous aurons à y revenir tout à l’heure. Cantacuzène y atténue tant qu’il peut la distinction réelle posée par Grégoire Palamas entre l’essence de Dieu et son opération, au point qu’en certains passages, il paraît n’admettre que ce que nous appelons une distinction virtuelle. Mais en d’autres, il maintient la thèse palamite, dit, par exemple, que l’oùoia et l'èvépyeia diffèrent entre elles xarà tô aiTiov xal tô aiTiarov, et que l’essence reste inaccessible, invisible, imparticipable, tandis que l’opération est participable. Ce qu’il rejette catégoriquement, c’est la formule chère à Palamas : 0e6tï]ç Ô7?epxei(xévir}, 0eÔT7 ; ç ûcpeiu, év7], et il fait remarquer que cette expression ne se trouve pas dans le tome de 1351 : oûts èv tû -TÔjxoi eûpoi tiç av 'jepeijiiviqv 6eÔT7)Ta, oûte irap'7)[i.<ûv XéyeTai. Voir la correspondance en question dans le Barocc. 193, fol. 307-354.

5° A côté de Cantacuzène il faut nommer Théol’hane, métropolite de Nicée, qui prit part à la correspondance échangée entre l’ancien basileus et le patriarche Paul. Le cod. Panlaleim. Athonensis 179, fol. 108 sq., nous a conservé, en effet, une réponse aux questions de Paul, écrite par lui au nom de Cantacuzène : ' EtuotoXt, Èv ên-ôj-Up SrjXoôcra TÎva SoÇav ë/si yj xa6'r r uàç 'ExxXrjaîa xrepi -rcTiv : rapà toû IlaûXoo 7rposvY ; v£yuivcov Ç'/)Tr, aecov auyypaçsîaa 7tapà ©eoçàvouç èmixÔ7tou Nixaîaç àç èx 71poa<Ô7TOU toû [iaoïXéwç. Comme (e basileus, au nom de qui il parle, Thcophane minimise la distinction palamite, mais non pas au point de la rendre acceptable pour un catholique ; car il nie qu’en Dieu le possesseur et la chose possédée soient la même chose (xal èv 6sîoiç àSûvarôv èaTi tô te e^ov xal tô è/ÔLLevov TaÙTÔv ti 7tpây|i.a EÏvai xaOô h/zi xal

è'/ETai), et assimile la distinction entre l’essence et l’opération à la distinction des personnes divines entre elles. Il s'étend longuement sur la fameuse comparaison entre le disque solaire et ses rayons, et la trouve adéquate pour exprimer la distinction entre l’oùaîa et l'èvépyeia divines en tant qu’elle indique que les deux sont inséparables et constituent deux réalités différentes : où txovov xaTà tô à}(o>pLCTTOV tîjç oùaîaç xal èvepyslaç <TUL16âXXeTai Ta TOiaôra, àXXà xal xaxà tô Siâcpopov twv TtpayjjiâTcov.

Le métropolite de Nicée ne se contente pas d’envoyer au patriarche Paul la courte réponse dont nous venons de parler. Questionné peut-être de nouveau lui-même par le prélat, il lui adressa un assez long ouvrage en cinq livres sur le même sujet, qu’on trouvera dans le Paris. 1249, fol. 26-112 v°.

6° Les deux Cabasilas, Nil et Nicolas, l’oncle et le neveu se convertirent eux aussi au palamisme. C’est avec Nil, et r.on avec Nicolas, comme l’a écrit Boivin d ; ns son édition de l’Histoire byzantine de Grégoras, que ce dernier eut une longue discussion sur les thèses palamites rapportée aux livres XX1I-XXIV, P. G., t. cxlviii, col. 1328-1450. Nil ne trouve rien de répréhensible dans la doctrine de Palamas. Il enseigne en particulier que la grâce et les sept dons du Saint-Esprit sont incréés. Signalons de lui l’opuscule suivant, contenu dans le Vallicel. 87, fol. 428-433 v° : Acyoç oûvtoixoç Tpôç Tr, v xaxôiç èxXajjiëavoi/év^v cj cvy.v 7rapà twv alpETixcôv 'AxivSuviavâJv tou Gelou rpT, yopîoo toû Nùaar.ç XéyovTOÇ- ccxtiotov 8è nXr, v tt, ç ÊEÎaç (pûoscoç oùSév, xal ôti oùꝟ. 7) toû ©eoû cpùoiç d’xTioToç ptôw), àXXà cùv aÙTvj xal Ta cpuatxà aÙTOû tSiofjaTa. Ce titre seul nous indique que Nil est bien un disciple authentique de Palamas.

De son neveu Nicolas, qui s’est heureusement illustré par d’autres ouvrages, nous connaissons l’opuscule intitulé : Kaxà tô>v toû Tp^yopà Xr ; pr ; Lx.âTcov, contenu dans l’excellent Paris. 1213, fol. 282-284 v ».

7° Signalons encore parmi les thc’o ogiens palamites du xive siècle, Philothée, métropolite de Sélivri, qu’il faut se garder de confondre avec son contemporain, Phi othée Kokkiros. Sous le titre : AiâXoyoç Ttepl ŒoXoyîaç SoyuaTixr, !  ;, cet auteur a conposé un vrai drame sur la controverse palamite, d’où la note comique, voire même un grain de persiflage, r.e sont pas absents. Prennent part à l’action une douzaine de personnages, plus un choeur de sophistes, qui joue le rôle d’arbitre et de conseiller, et pousse de temps en temps des exclamations pittoresques comme on en trouve dans les choeurs de Sophocle, d’Euripide ou d’Aristophane : 'T7tÉpeuy£, toû, îoû, epeû, çeû, exclamations qui viennent heureusement rompre l’exposé ardu des thèses théologiques et égayer les spectateurs. Après une scène d’introduction entre Mercourios, Philothée et Sophianos, paraissent Barlaam et Grégoras, qui nous donnent une répétition de la dispute racontée dans le Florenlios de Grégoras. Vainqueur sur la grammaire, l’astronomie et la géométrie, Grégoras est battu par le Calabrais sur la dialectique et la philosophie. Après cette scène, d’un comique achevé, commencent les dialogues sur la théologie entre partisans et adversaires de Palamas. Barlaam, Palamas, Acindyne, Grégoras, Cantacuzène, le patriarche (qui doit être Isidore, ou Calliste), Isaac Argyre, Atouémès, Dexios, Philothée exposent tour à tour leurs opinions. C’est, comme de juste, Palamas qui parle le plus souvent. Le chœur des sophistes ne lui ménage pas les applaudissements, mais on a l’impression qu’ils sont un peu ironiques. Ce qu’il y a de remarquable dans cette curieuse composition, c’est l’exactitude avec laquelle y sont rapportées les opinions et la physionomie intellectuelle et morale de chacun des personnages. Elle constitue, à ce point de vue, un excellent résumé 1799

de toute la controverse palamite. Mais après l’avoir parcourue, on ne peut s’empêcher de penser que son auteur était quelque peu sceptique à l’endroit des thèses de Palamas. La pièce se trouve dans le Patmiacus 366, fol. 369-111.

89 Au xve siècle, la controverse n’est pas encore complètement éteinte. Il se rencontre encore à Byzance des barlaamites et des acindynistes, et nous voyons plusieurs théologiens s’occuper de les réfuter. Siméon de Thessalonique, dans son Dialogue contre les hérésies, parle en termes fort sévères des antipalamites. Il est vrai qu’il leur prête des erreurs qu’ils n’ont jamais enseignées, par exemple celle-ci : μηδεμίαν δύναμιν προσεῖνα ! λέγοντες τῷ Θεῷ. Dialogus contra hæreses, C. XXX-XXX1, P. G., t. CLV, col. 144-158.

9° C’est un vrai disciple de Palamas que nous trouvons en Joseph Bryennios. Nous avons un de ses sermons prêché à la cour, où il cherche à prouver par le témoignage de dix-sept docteurs, parmi lesquels les saints apôtres Jean, Pierre et Paul, que l’opération divine, la grâce et la iumière du Thabor sont incréécs et que les élus, au ciel, voient non l’essence divine, mais 58 lumière. Il enseigne aussi explicitement que les hypostases divines diffèrent réellement de l’essence divine et sont autre chose qu’eiles : « De même, dit-il. qu’en affirmant en Dieu une seule essence, qui est autre chose que les trois hypostases, ct trois hVpostases, nous n’introduisons pas de composition en Dieu et nous ne constituons pas de quaternité ; de même en plaçant en Dieu une opération, ἐνέργεια, qui est autre chose que l’essence et les trois hypostases, nous ne le faisons pas composé : οὐσίαν λέγοντες ἐν τῷ Θεῷ μίαν, ἄλλο τι οὖσαν παρὰ τὰς κατ᾽ αὐτὸν ἁγίας τρεῖς ὑπωστάσεις, οὔτε σύνθεσιν, οὔτε τετράδα ποιοῦμεν. » Λόγος περὶ θεΐας ἐνεργείας, dans ᾿Ιωσὴφ μοναχοῦ τοῦ Bpnevνίου τὰ εὑρηθέντα, éd. Eugène Bulgaris, t. τι, Leipzig, 1768, p. 112-140 ; voir en particulier p. 118-123. Ailleurs, il reproche à saint Thomas d’Aquin comme un blasphème d’enseigner qu’en Dieu l’essence s’identifie avec la puissance et l’opération et avec chaque personne prise à part, et qu’elle peut être vue par les saints : Διάλεξις πρώτη περὶ τῆς τοῦ ἁγίου Πνεύματος ἐχπορεύσεως, Œuvres, t. 1, p. 414. Voir aussi son Discours sur la Transfigquralion, t. 111, D. 25-386.

10° Un autre palamite rigide est Mare d’Éphèse, qui a consacré le plus long de ses ouvrages à réfuter l’écrit de Manuel Calécas : Περὶ οὐσίας καὶ ἐνεργείας. Cf. article Marc EUGÉNiIcos, t. IX, coi. 1981-1983, où cet ouvrage est décrit avec la doctrine qu’il expose. Il est encore inédit, sauf pour ce qui regarde la troisième partie : Κεφάλαια συλλογιστικὰ κατὰ τῆς αὐτῆς αἷοέσεως τῶν ᾿Ακινδυνιστῶν καὶ πρὸς Λατίνους περὶ οὐσίας καὶ ἐνεργείας, publiée par Séraphin de Pisidie, dans l’édilion d’Eustratios Argentis : Βιθλίον καλούμενον “Ῥαντισμοῦ στηλίτευσις, Leipzig, 1718, p. 221-227, puis par W. Gass, Die Mystik des Nikolaus Cabasilas, Greifswaid, 1849, p. 217-233. Faisons remarquer que ces éditions ne donnent pas tous les χεφάλαιχ, en particulier celui que nous avons cilé à l’article PALAMAS, Col. 1760.

11° Versé comme il l'était dans Ja connaïssance de la scolastique latine et en particulier de la théologie thomisie, Georges Scholarios devait être assez embarrassé par la doctrine de son Église sur la distinction réelle entre l’essence de Dieu et son opération et sur la lumière thaborique incréée. Cet embarras est visible dans les deux dissertations qu’il nous ἃ laissées sur le sujet, l’une à l’allure polémique : Πρὸς κῦρ ᾿Ιωάννην τὸν Βασιλικὸν ἐρωτήσαντα περὶ τῆς τοῦ μακαρίου Θεοδώρου τοῦ ἸΤ᾽ραπτοῦ ῥήσεως, ἀφ᾽ ἧς οἱ ματαιόφρονες ᾿Ακινδυνισταὶ θορυθδοῦσιν, ἔτι δὲ καὶ περὶ ὧν οἱ αὐτοὶ περὶ τοῦ [Πνεύματος τοῦ ἁγίου σοφίζονται ; l’autre, irénique, intitulée : Περὶ τοῦ πῶς διακρίνονται αἱ θεῖαι

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ἐνέργεια ! πρός τε ἀλλήλας καὶ τὴν θείαν οὐσίαν, ἧς εἰσιν ἐνέργειαι, καὶ ἐν ἢ εἰσιν. Cf. Œuvres complètes de Georges Scholarios, t. ππι, Paris, 1930, p. 204-239. Dans la première, écrite en 1445, où notre théologien aborde l’exégèse d’un des principaux textes patristiques apportés par les antipalamites contre la théologie de Palamas (passage qui appartient non à Théodore Graptos, comme le croyaient les Byzantins du xiv® et du xve siècle, mais à saint Nicéphore, patriarche de Constantinople, cf. Antirrheticus 1 adversus Constantinum Copronymum, 41, P. G., t. ©, col. 304 C-305 A), la thèse palamite sur la lumière thaborique incréée et la distinction réelle entre l’essence de Dieu et son opération est fortement mitigée, quoique non complètement abandonnée. Le passage capital est celui-ci : « Comme est la nature, ainsi est l’opération de Dieu ; c’est-à-dire, puisque la nature est infinie, incréée et éternelle, l’opération l’est également, car en Dieu l’opération doit être sur le pied d'égalité avec la nature, contrairement à ce que l’on voit dans tous les autres êtres, en qui se rencontre une essence, puis une opération qui, bien que substantielle, rentre dans l’ordre des accidents. Voici comment on peut expliquer la chose : L’essence de Dieu est formellement infinie, mais son opération n’est pas formellement infinie, car plusieurs infinis sont impossibles. Mais, parce qu’elle a une seule existence avec l’essence, qui est infinie, l’opération est aussi infinie ; de sorte que l’essence et l’opération, considérées comme telles, diffèrent entre elles comme l’infini et le non infini. L’infini. en effet, ne vient pas à la bonté de Dieu du concept de l’opération, mais s’attache à elle à cause de l’essence ; au contraire. l’infinilé convient à l’essence de Dieu par elle-même et à cause d’elle-même. Mais, par le fait que l’une et l’autre ont le même mode d’existence, ce qu’exige la simplicité divine, les deux constituent un seul infini et un seul Dieu, la distinction formelle ne pouvant ici introduire, ni une division, ni une composition des réalités, attendu que la nature divine est fondée sur un sujet unique et très simple : τῷ δὲ τὸν αὐτὸν τῆς ὑπάρξεως τρόπον ἔχειν, τῆς θείας τοῦτ᾽ ἀναγκαζούσης ἁπλότητος, ἕν τε ἄπειρόν εἰσιν ἄμφω καὶ εἷς Θεος, τῆς εἰδιγεῆς διακρίσεως οὔτε διαίρεσιν ἐκεῖ πραγμάτων οὔτε σύνθεσιν δυναμένης ἐογάζεσθαι, ἅτ᾽ ἐφ᾽ ἑνὸς ὑποκειμένου καὶ ἁπλουστάτου τῆς θείας φύσεως ἱδρυμένης. » Op. cit., p. 225-226. Avouons que ce langage n’est pas la limpidité même, et Scholarios n’est plus là pour nous l’expliquer. Si nous l’entendons bien, le théologien byzantin rejoint ici, à peu de distance près, la distinction formelle a parte rei de Duns Scot. Le mot même de distinciion formelle s’y trouve et doit venir de Scot lui-même, que Scholarios n’ignorait pas. Cette interprétation est d’autant plus plausible que notre théologien prêtait aux acindynistes, qu’il combat ici, le pur nominalisme. D’après lui, entre l’essence de Dieu et son opération et ses divers attributs, ils ne posaient qu’une pure distinction de raison, la distinetio rationis ratiocinantis de nos scolastiques : ἠγνόουν δὲ ἄρα, ὡς ἔοικε, τίς τέ ἐστιν ὡς ἀληθῶς ἣ τῆς ἐπινοίας διάκρισις, ὅτι ὅρων ἐστὶν ἐν τῇ ψυχῇ καὶ ὑπ᾽ αὐτῆς πεποιημένων D πεπλασμένων. 1014., p. 212, $ 5. Pour lui, il affirme que, antéricurement à toute opération de notre esprit, les divers attributs de Dieu se distinguent formellement, εἰδικῶς, de l’essence divine et entre eux. Cette distinction formelle, il l’appelle aussi réelle, πραγματιυκῆ ; mais c’est une distinction réelle plus faible que celle qui distingue les personnes divines entre elles : τῆς δὲ πραγματικῆς ἐκείνης αὖθις ἀδρανεστέραν, ἢ τὰ θεῖα διακρίνονται πρόσωπα. Ibid. Ῥ. 215, ὃ 6. Parmi les palamites, Scholarios est seul à s’exprimer ainsi. Il a beau, dans l’opuscule dont nous parlons, s’en rapporter à Palamas et faire son éloge. Il est trop évident que nous sommes loin du ver

biage anthioponiorphique du théologien hésychaste et des distinctions réelles enseignées par ses vrais disciples. Sa distinction réelle à lui équivaut à peu près à la distinctio virtualis cum fiwdamenlo in re du commun des théologiens catholiques, et celle-ci, à notre avis, ne diffère pas, pour le fond, de la distinction formelle a parte rei de Scot.

Reste la question de la lumière thahorique incréée. Scholarios la maintient dans ton premier opuscule ; mais il l’explique en fonction de la théorie générale sur le rapport entre l’essence et les attributs, et il l’identifie en fait avec la divinité elle-même. La vision du Thabor fut une manifestation de la divinité : ià è'èv tcô opet y116[i.eMoi. T ° Te <*ùt6 toOto Geôv/jtoç ètûSeiEiç f, v. Par un miracle très rare, les apôtres, sur le Thabor, jouirent de la vision béatifique et possédèrent pour un instant le royaume de Dieu : tocû-ry tt, v PaaiXetocv êvtoiç aÙTtovxal rpà toû Gavârou Sià 77, v t ?, ç oty.ovo(jita !  ; àv<x"pc/)v iT.r^zÛMiô iz SeISelv xal sSslEev. Ibid., § 8, p. 221.

L’opuscule polémique dont nous venons de parler lut écrit en 1445, alors que l’auteur était dans tout le feu de la controverse contre les Latins. L’autre dissertation sur l’essence divine et ses opérations est postérieure à la prise de Constantinople. Scholarios avait sans doute lu plus attentivement, dans l’intervalle, les deux « Sommes » de saint Thomas d’Aquin, dont il nous a laissé un résumé en grec, écrit de sa main. Ce qui est sûr, c’est que la doctrine exprimée dans ce second opuscule, d’où toute polémique est absente, se rapproche encore davantage de la solution catholique. Tout d’abord, on n’y fait nulle mention de la lumière thahorique. De plus, l’auteur, avant de donner sa solution, examine les diverses sortes de distinctions réelles et mentales. Il peut ensuite se prononcer sur la question avec une plus grande précision. « Les divines perfections ou opérations, dit-il, se distinguent entre elles et de l’essence où elles sont ; mais cette distinction n’est ni complètement réelle comme celles qui se trouvent dans les autres êtres, ni seulement mentale, l.a distinction pleinement réelle détruirait la simplicité divine ; la distinction purement mentale rendrait aine et superllue notre théologie. Cette distinction, du point de vue de la réalité, est inférieure à la distinction qui existe entre les personn.es divines entre elles. Elle est dite réelle en tant qu’elle s’oppose à la distinction de pure raison. Le concept de chacune des perfections est distinct réellement du concept des autres, (.'est en ce sens qu’elles se distinguent réellement et formellement, et ne sont pas le pur produit de notre esprit : SiaxpivovToci Se outs rrâv-ra Ttpay[jtaTixô)ç xaxà

7T, V TCÔV SX^COV TtoV £V TOtÇ O’JCUV OUTCO 8lO ! Xp(.VOj.LévCOV

Slâxpiaiv, cote xaT'ÈTiîvoiav [lôvry… 'Exocott) tcov Gstcov èvspYet, oiv 7rpây|i.â eotiv êv tS> ©eio xarà ÀeuTOTÉpav -où TïpâyjiaToç È'woiav, o-rt. StjXov ôti ti toù Trpây^aTCÇ Èa-ri xàv tw 7rpàY[i.om 7rpèç àvu81aaTOA7 ; v tcov 8euTÉptov voy ; tcov. Op. cit., p. 235-239.

Le vrai palamisme, on le voit, se dissout sous l’analyse de l’aristotélicien élève de saint Thomas qu’est Georges Scholarios. Nous avons un autre indice de sa pensée dernière. Dans son résumé des deux « Sommes » de l’Ange de l'École, il note sans doute, dans la préface, que saint Thomas s'écarte de l’orthodoxie bjzantine sur les deux points de la procession du Saint-Esprit et de la distinction de l’essence de Dieu et de ses opérations. Mais, alors qu’il passe les articles qui traitent de la procession du Saint-Esprit ab utroqæ il résume fidèlement et sans aucune note les nombreux articles où le théologien latin affirme l’identité réelle, en Dieu, de l’essence et des attributs et opérations, et aussi l’identité réelle de chaque personne avec l’essence. N’est-ce pas nous avouer implicitement qu’il souscrit à la doctrine thomiste et qu’il est. au fond, très embar rassé par le palamisme officiel, auquel sa raison répugne ?

V. Les principaux adversaires du palamisme. Leur doctrine sur la lumière thaborique. — Si le palamisme recruta de fervents adhérents dans la Byzance du xive siècle, il y rencontra aussi de nombreux et terribles adversaires, qui en auraient sans doute triomphé sans l’intervention du bras séculier. Une liste de ces adversaires, d’ailleurs incomplète, nous a été conservée dans le Vatic. grwe. 1096, fol. 29 v°, qui est du dentier quart du xiv c siècle. Nous y relevons, entre autres noms, les suivants, qui ont pris une part active à la controverse : Barlaam, Grégoire Acindyne, Nicéphore Grégoras, le hiéromoine Niphon, le philosophe Georges Lapithès, Jean Calécas, Ignace, patriarche d’Antioche, Matthieu d'Éphèse, le hiéromoine Prochoros Cydonès. Cf. Giovanni Mercati, op. cit. Il faut y ajouter : Atouémès, Théodore Dexios, Isaac Argyros et les unionistes Démétrius Cydonès, Jean Cyparissiotès et Manuel Calécas.

De Barlaam nous avons déjà suffisamment parlé. Nous avons montré comment, dès le début de la querelle, il avait été lâché par tout le monde, même par Acindyne, et par celui-ci moins à cause du fond de sa doctrine sur la nature de la lumière thaborique que pour la manière dont il s'était exprimé. Aussi bien les palamites ne s’arrêtèrent pas à ces divergences superficielles, et ils traitèrent de barlaamites tous ceux qui n’admirent pas une distinction réelle entre l’essence de Dieu et son opération, ainsi que l’existence d’une lumière divine éternelle et d’une grâce incréée.

Avant de parler des principaux défenseurs de l’orthodoxie et de la saine philosophie contre les innovations de Palamas, remarquons qu’il ne faut pas juger de leur véritable doctrine d’après les dires des théologiens palamites. Si nous en croyions ceux-ci, Acindyne, Jean Calécas, Grégoras et les autres auraient enseigné le pur nominalisme. Ils auraient dénié à Dieu l’activité et l’opération et en auraient fait une nature inerte ; ou bien ils auraient rabaissé au rang des choses créées l’action de Dieu et tous ses attributs relatifs et opératifs. Toutes ces imputations sont à mettre sur le compte de la polémique déloyale, qui, pour mieux écraser l’adversaire, lui prête des insanités. Nous ne voulons pas dire par là que tous les antipalamites aient été irréprochables dans la manière de s’exprimer sur Dieu et ses attributs ; que tous aient eu l’esprit suffisamment délié pour faire les distinctions nécessaires et réduire à néant les objections parfois subtiles et embarrassantes de Palamas et de ses disciples. La plupart des Byzantins n'étaient pas initiés à la méthode scolastique de l’Occident, et telle équivoque qu’un docteur en Sorbonne eût déchirée comme une toile d’araignée par une distinction appropriée a pu laisser muet un Nicéphore Grégoras. Mais les adversaires du palamisme ont eu assez de philosophie et de théologie pour maintenir l’absolue simplicité de l'Être divin et refuser à tout autre qu'à lui les épithètes d’incréé et d'éternel.

Il y a du reste une différence marquée entre l’attitude des antipalamites de la première heure et celle qu’ont tenue les polémistes de la seconde phase de la controverse. Les premiers, c’est-à-dire Acindyne, Jean Calécas, Théodore Dexios, Matthieu d'Éphèse et même Nicéphore Grégoras, sont préoccupés d'éviter toute innovation doctrinale et de s’en tenir, en fait de dogme, aux enseignements du symbole et des sept conciles œcuméniques. Cette attitude leur est commandée et par la défense portée par le z6y.oç ouvoSixôç et par la prétention de Palamas et des siens de développer et d’expliquer les antiques définitions. Ce sont des conservateurs résolus, qui ne veulent même pas se poser la question de la nature de la lumière thaborique. Inter1803

    1. PALAMITE (CONTROVERSE)##


PALAMITE (CONTROVERSE). LES ANTIPALAMITES

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rogés sur ce point, ou ils refusent de répondre, comme ils le firent au concile de 1351 ; ou ils disent : « Si la lumière du Thabor était incréée, il faut l’identifier avec Dieu lui-même, car Dieu seul est incréé ; rien d’incréé en dehors de lui. Si vous posez une lumière réellement distincte de l’essence divine, nécessairement il faut la ranger parmi les choses créées. » En vertu du même principe, ils déclarent créés et la grâce divine et les sept dons du Saint-Esprit. Ils identifient avec l’essence divine l’opération divine considérée dans son terminus a quo, et la disent créée, si on la considère dans son terminus adquem, c’est-à-dire dans ses effets. Les paternités se montrent incapables de saisir cette distinction pourtant si simple, et ils accusent leurs adversaires de versatilité et de contradiction ; d’enseigner tantôt que la lumière thaborique est créée, tantôt qu’elle est incréée ; de réduire à l'état de créature l’opération divine, ou de la supprimer en l’identifiant avec l’essence.

1° L’attitude dont nous parlons a toujours été celle d’Acindyne. Il nous reste de lui, outre un certain nombre de lettres : 1. Trois confessions de foi, dont l’une adressée à l’impératrice Anne Paléologine. 2. Un Exposé abrégé des détestables hérésies de Palamas, "Ex6eaiç è7ÛTop.oç tûv toû IIaXau.â 7rovï)pOTaTcov aipéaewv. 3. Une Réfutation de la confession de foi de Grégoire Palamas, 'H toù I±aXa|i.(x ô(jt.oXoyîa àvsaxeuaffjxévTj. Cette réfutation vise non la confession de foi de Palamas présentée au concile de 1351, mais une autre formule antérieure. 4. Une Réfutation de la lettre de Palamas à Acindyne envoyer de Thessalonique un peu avant le concile de 1311, 'EtucttoXy] toù llaXafià àvsaxsuaatzivY), tjv ànb 0sa<7aXovîxY]< ; àTTsaTsiXsv xqi 'AxtvSuvep, où le théologien hésychaste expose son système avec les formules les plus audacieuses. 5. Un Rapport au patriarche Jean et à son synode racontant les origines de la querelle entre Barlaam et Palamas, Aôyoç upôç tov fjLaxaptcôxaTOV 71aTpiàpXY)v xùp 'IwdcvV7)v xai Tï)v 7tepi kÙtov auvoSov, Sisçicov otccoç r toG llaXap.a xai BapXaàp. ç'Xovsixia tJ]V àpxV auvéaTY). Ce rapport, écrit vraisemblablement avant l’excommunication de Palamas (4 novembre 1344), est fort intéressant pour l’histoire des origines de la controverse, et nous l’avons mis à contribution dans notre étude. 6. Une autre Exposition et réfutation des hérésies de Palamas, 'Exépoc exŒeriç xai àvacoceuï) ràv toG IlaXap.â 7rov/)poT(XTcov aîpéasov. 7. Cinq autres discours antirrhétiques contre Palamas. Tous ces écrits, sauf la Profession de foi adressée ù Anne. Paléologine, qui se trouve dans le Barberinus 201, fol. 218-222 v". sont rassemblés dans le Monacensis 223, de 363 fol. (xve siècle). Ils sont tous inédits.

On a été amené à porter, jusqu’ici, un jugement faux sur la théologie d’Acindyne par suite de l’attribution qui lui a été faite de l’ouvrage De essentia et operatione, qui appartient à Prochoros Cydonès. Loin d'être un Lalinophrone, pénétré de la doctrine thomiste, c’est un Byzantin au rigide conservatisme, tout aussi ennemi des Latins que de Palamas, et qui s’en tient à la foi traditionnelle. Rien qui dénote, chez lui, la connaissance de la scolastique latine. Toutes ses formules, toutes ses expressions dérivent de la patristique grecque. La grande thèse qu’il soutient contre Palamas est celle-ci : Dieu est un être absolument simple, en qui tout s’identifie réellement à l’exception des propriétés hypostatiques : TaÙTÔTYjç [i.6v7) èv to 0£<o xai à71 : apaXXac ; îa t : Xt]v twv xaxà xàç xpsîç Œapxixàç ÛTroaTâcreti ; î810ty)T(i>v, Monac. 223, fol. 19 v°. En lui, point d'élément primaire et d'élément secondaire. Rien d’incréé en dehors de lui. Il est le premier ; tout ce qui vient après est créature ; aucun intermédiaire entre le créateur et la créature. Rien d'éternel en dehors du Père, du Fils et du Saint-Esprit : rcàv t6

ëXaxTov toO Œoù xTtepia. xai u.6vov tô Œîov axTiat6v ts xai avapyov xai ©sôç u.èv 7tpcï>TOv, u.exà $è toùtov xtîctiç, 81à jj-Éctou 8è tô aôujrav oùâév, xai (aôvï) t"7)ç xtlctecùç Ù7tépxeiTai 7) 6eia ts xai oxtictoç cpôaiç, xai oùSsv 7Tpoaio)viov ttXy]v IlaTpôç xai Tloù xai àyiou IIv£i)[i.aTOÇ. Ibid., fol. 18 v°. Appuyé sur ce principe, il rejette par voie de conséquence toutes les thèses de Palamas : point de lumière divine incréée, à moins qu’on ne l’identifie avec l’essence divine ; point de dons du Saint-Esprit incréés, puisqu’ils sont multiples ; point de grâce incréée, puisque c’est un effet produit dans la créature. Quant à l’objet de la béatitude, c’est bien Dieu lui-même, c’est-à-dire sa nature, son essence, qui entre en communication avec la créature sanctifiée d’une manière incompréhensible et sans subir le moindre changement : toîç ÔEoepôpo'.c ; TtaTpdcaw ztc6[lsvoi xai àvaXXotwTcoç xai urcèp a’ii Gvja'.v xai voùv xai Siavoiav Séysadai cppovoG(Aev touç àyîouç Trjv àyiav xai fzaxaptav oôaiav eiç xoivo>viav àyiaafjioû. Ibid., fol. 31 v°-32.

2° Le patriarche Jean Calécas, qui n'était point théologien de profession, a approuvé et fait sienne la doctrine d’Acindyne. L’ouvrage qu’il présenta à l’impératrice en guise d’apologie (voir plus haut, col. 1787) était un recueil d'écrits composés par Acindyne et par des confesseurs et des professeurs nommés par lui. Le tome du synode de février 1347 qui le déposa nous a conservé quelques-uns des anathématismes lancés par lui contre les palamites : « Anathème à ceux qui osent dire que la gloire de la divinité du Christ est différente de l’essence de Dieu. — Anathème à ceux qui osent dire que la grâce divine est incréée et diffère cependant de l’essence de Dieu.-— Anathème à ceux qui disent que la divinité incréée peut être saisie par des yeux corporels : Toïç à7roToXu.wai. xai Xéyouct. ty]v ôeiav x*P tv axTKJTOv ji.èv eîvai, ÊTÉpav Se 7rap->. TTjv oùaîav to’j Œo’j, àvâ0£u.a. » Cf. P. G., t. cl.ii, col. 1280 A.

3° Théodore Dexios appartient également à l'école d’Acindyne et, plus encore que lui, se montre ennemi de toute spéculation curieuse sur tout ce que n’ont pas éclairci les anciens. Sur la nature de la lumière thaborique il ne veut rien savoir ni décider. Cette attitude agnostique est bien marquée dans le drame de Philothée de Sélivri. Dexios y paraît pour insister sur l’incompréhensibilité de l’essence divine et blâmer les téméraires qui osent soulever à son sujet des problèmes insolubles. Le chœur des sophistes lui répond ironiquement, Palamas étant présent : 'Yuépeuye ô xaXôç xai iravâpiaTOÇ AeÇiôç. Cod. Palm. 366, fol. 393 v". De Dexios, G. Mercati, op. cit., p. 226 sq., et 270-271, vient de découvrir un long traité contre Cantacuzène et son synode de 1351, dans le Vatic. 1111, part. 4, fol. 223 321, et trois courtes apologies à l’adresse des antipalamites, dans le Vatic. 1823, fol. 258-280. Dans le premier ouvrage, ce théologien s'élève contre l’injustice des décisions de 1351 et leur caractère novateur. Pourquoi, dit-il, agiter la question de la lumière thaborique, qu’aucun des anciens conciles n’a éclaircie ? Pour lui, la lumière qui a brillé sur le Thabor, c’est le Verbe incarné lui-même, l’un de la Trinité, qui s’est révélé aux apôtres non comme il se manifestera au ciel aux élus, mais d’une manière imparfaite, que lui seul connaît. Ce que les apôtres contemplèrent de leurs yeux, ce ne fut point l’essence divine, mais l’humanité du Sauveur brillant comme le soleil : Aâ[i.iJ>av (pôjç ètù toû Ôpouç 0a6wp aÙTÔv tov sva Tpr.àSoç, tov ttjv xaO’r^aç àveoX7)çÔTa çûaiv Aôyov toû ©soû xai IlaTpôç oï8au.ev. Vatic. 1111. Cf. aussi la première apologie dans le Vatic. 1823, fol. 258 v° : ô yàp coTTTai toiç aÙT07TTaïç XptaToù aco|i.aTt.xo tç Ô[i.p ; aari. xticttôv àXvjôcôç xai aïaOv)tov 9jv Jjv 8' Spa ot>x sTspov y) tô 6eïov 7tp6aXy)[a|i.a jasTap.opçw6èv xai o>ç ô ^Xioç Xâjx^bav. C’est justement

cette opinion singulière sur la lumière thaborique, opinion dont il ne voulut pas se départir, qui le mit aux prises avec ses amis antipalamites, entre autres avec Isaac Argyros, et lui fit écrire ses trois courtes apologies. Pour se justifier, il disait qu’il ne fallait pas chercher à préciser plus que ne le font les Évangiles, et en appelait à l’autorité de Nicéphore Grégoras et de Matthieu d'Éphèse.

1° Grégoras, en effet, suit, lui aussi, les traces d’Acindyne, et nous avons en lui un autre représentant du byzantinisme conservateur, ennemi de toute nouveauté. Comme Acindyne, il enseigne l’identité réelle, en Dieu, de l’essence et de l’opération, et montre bien que la simplicité divine est unique en son genre et qu’on n’en peut trouver aucun exemple dans les créatures, toute créature étant composée d’essence et de qualité : èxeIvy) U-ôvr) tîj 0£Îa xai àTcXouaTocTY) cp’iæt Trpocr/jxei, ÉTÉpa Se oùSsfjiicje twv xtkttûv à7raaâ>v… 7râaa xrîatç aùvôerôç Èctti, èÇ oùataç xai tto'.Ôtvjtoç. Hist. Bijzant., 1. XXXI (6 Seûxspoç 80yu.a-n.x6c), P. G., t. cxlix, col. 321 D, 324 A. Cependant, quoi qu’en ait dit Dexios, Nicéphore a une doctrine bien arrêtée sur la lumière du Thabor. D’après lui, cette lumière ne pouvait être que créée, puisqu’elle fut perçue par des yeux mortels, et qu’il n’y a rien d’incréé en dehors de l’essence divine. Ce ne fut qu’une manifestation symbolique et énigmatique de la lumière incréée, analogue à la lumière parue en d’autres théophanies. Sur le Thabor, les apôtres contemplèrent non la divinité incrééc, non Dieu, mais une réalité connaissable, c’est-à-dire quelque chose de créé : ol à7r6atoXoi zb êv Tw ©aêcopîw Xâu-t^av tÔte 0Eaaâu.£Voi. epcoç, outs ÔecOTjTtx eïSov axTiarov, oote ©sôv, àXXâ ti tmv ovtcov xai yivtoaxofjtivMv. Op. rit., t. XXXIII, c. xiii, P. G., toc. cit., col. 384-385. Il nie également qu’une pareille lumière puisse être l’objet de la béatitude céleste. Ibid., col. 37C-380. Au demeurant, bien des points demeurent obscurs dans la théologie du moine de Chora. On voit qu’il ne s’est pas frotté à la scolastique occidentale et qu’il est novice en l’art de faire les distinctions lumineuses qui dissipent les équivoques.

5° Ce qui manque à Nicéphore Grégoras, Proehoros Cydonès, le frère de Démétrius, le possède à un rare degré. Dans son ouvrage Hspi oûataç xai svspysîaç, en six livres (cf. Vatic. græc. 1435, et l'étude citée de G. Mercati), nous entendons un vrai disciple de saint Thomas d’Aquin. qui s’est bien assimilé sa doctrine, et fait la pleine lumière sur les questions agitées entre palamites et antipalamites par les distinctions appropriées. Avec raison, il commence par faire remarquer que ceux qui, avant lui, à Byzance, ont traité la question de l’essence de Dieu et de son opération, ont oublié de déterminer les divers sens du mot opération, èvÉpysta. De là, leur marche incertaine dans la discussion, leur manque d’assurance dans le combat : 8tô xai àxpiTÔç ècmv ocÔtoïç ô àya>v, xai axiau.a ; j(îa tô ôXov. De essentia et operalione, t. I, c. i, P. G., t. cli, col. 1192-1193. La critique est particulièrement juste pour Grégoras, qui professait tant de mépris pour les théologiens latins. Avec un sang-froid imperturbable et d’une main très sûre, Proehoros promène le fer de la dialectique aristotélicienne et thomiste dans la plaie palamite, et en crève toute la boursouflure de fausseté. Aussi Philothée était étourdi de tant d’audace et n’en revenait pas. Le diable, disait-il, parle par la bouche de Proehoros. Barlaam n'était rien auprès de luil Les disciples de Palamas ne pouvaient le suivre dans ses déductions implacables. Le soleil et ses rayons s'éclipsaient devant la transcendance infinie de l’Acte pur, et les Geottjteç de Palamas fondaient devant lui comme neige au soleil. "Voir des extraits intéressants de Proehoros, dans le tome synodal de 1368 signalé

plus haut. La lecture de ce tome montre bien le désarroi dans lequel le hiéromoine thomiste jetait ses contradicteurs palamites. Sur ses ouvrages, voir G. Mercati, op. cit.

6° Le moine Isaac Argyros n’a point la science thomiste de Proehoros, mais c’est un esprit très net et très clair, un vrai théologien versé dans la connais sance des Pères grecs, et ses réfutations du palamisme comptent parmi les meilleures de celles qui nous sont parvenues. G. Mercati, op. cit., p. 236 sq., apporte d’excellentes raisons de lui attribuer la longue réfutation anonyme d’un écrit de Jean Cantacuzène contenue dans le Vatic. 1096. fol. 65-147, incipit : 'Çïç ànoXoito, cpTjalv ô 6£oXoyixwTaTOç voGç. Au début de cet ouvrage, Argyros, qui écrit vers 1370, nous apprend qu’il a composé précédemment une histoire de la controverse palamite. Cette histoire n’a pas encore été retrouvée. Argyros ne manifeste pas les réserves et les timidités des premiers adversaires du palamisme. Sur la nature de la lumière du Thabor, il a une doctrine bien arrêtée. Cet éclat qui brilla sur la face du Sauveur, lors de sa transfiguration, fut un phénomène transi toire produit, à ce moment, par voie de création autour de son humanité par la toute-puissance du Verbe, qui habitait en elle. Cet éclat, cette beauté physique, Adam l’avait reçue de Dieu, au moment de sa création. II la perdit par le péché. Elle sera restituée aux corps des justes, à la résurrection générale. L’humanité sainte du Sauveur ne reçut point cet éclat dès l’instant de sa conception dans le sein de Marie, car le Verbe a pris une chair passible comme la nôtre ; mais elle en fut revêtue, le jour de la résurrection. Au Thabor, par miracle et pour un instant, cette lumière enveloppa Jésus tout d’abord pour signifier et symboliser sa divinité ; ensuite pour convaincre les apôtres qu’un jour les justes brilleraient du même éclat : 7rspl tJ)v aàpxa, Tjvixa ( J i£Tajji£p.6p<pwTa(. ô ctwtyjp, 8-/)u.ioupy(.xwç roxpà ttjç vjvcûjjivYjç aÙTyj xa6, 'jTr6araaiv toù Aoyou 0£Ôtï)toç yeyovoç… 'II Xau.7ïpô-n]ç ïjv xai tô àp/£TU7rov xai cpuaixôv xàXXoç, [j.sQ’oî> uapà ©eoû ô TtpoJToc 8e8/)u.[.o’jpy)r)Tat. ôwOpMîtoç. Vatic. græc. 1096, fol, 71 r°. Argyros répète le même enseignement, dans un autre opuscule que vient de découvrir G. Mercati, op. cit.. dans le Vatic. 1102. fol. 35-45 v°. C’est, au fond, la thèse de Barlaam. et c’est pour cela que Dexios y répugnait. Il y a cependant une différence, qu’Argyros ne manque pas de noter. Le Calabrais avait eu la témérité de dire que la lumière du Thabor était inférieure à notre pensée : toGto tô cpwç /jrrov elvai sÏttsv xai XEÎpov vor)Œtoç 7)(jtâ>v. Or cela, dit Argyros, ne cadre pas avec les saintes Écritures, d’après lesquelles ce que Dieu fait, surtout quand c’est par miracle, dépasse toute intelligence, même si ce miracle peut être vu par les yeux corporels. Comment déclarer inférieur à notre esprit ce qui n’a été visible qu'à ceux qui en étaient dignes et pour lesquels Dieu l’a opéré ? â yàp 6 Qeôç noi.eï, xai p-âXiara xaxà Xôyov 0auu.aToupyîaç, Trâvra voûv 'jTCEpSawsiv èï aÙTcôv è81.8â ;)(6ï]fi.sv, si xai ôpaxà £Ïai aoL>u.axi.xoiç ôcp0aXu, oîç. Cod. Vatic. 1096, fol. 88 r°. C’est encore à réfuter les palamites que sont consacrés deux autres opuscules de notre moine, conservés l’un dans le Vatic. 1096, fol. 171 sq., sous le titre : ITspi SiaxplcrEwç [lsto'/tiç ©soû êv xéaaapai. xpottooç ; l’autre dans le Vatic. 1102, fol. 25-31, adressé au moine-peintre Gédéon : Ilepl ttjç êv [xaxapla TpiâSt Xsyo[j(iv7)< ; TiaTp6-ry]TO< ; xai uEôttjtoç. Cf. Mercati, op. cit Nous savons qu’Argyros persévéra jusqu'à la fin dans son hostilité au palamisme : ce qui lui a valu d'être anathématisé nommément dans le Synodicon du dimanche de l’Orthodoxie, au moins dans certaines Églises.

7° Parmi les adversaires du palamisme, Jean Cyparissiotès occupe certainement la première place tant

par l’ampleur et la netteté de la réfutation que par l’abondance et la variété des arguments produits. La théologie positive et la théologie spéculative s’unissent chez lui dans une harmonieuse proportion. De Palamas et de ses disciples il réfute tout et ne laisse rien passer. Nous avons de lui deux grands ouvrages : 1. L' "ExOsatç aToiy_£io>S7]ç prjæfùv ÔsoXoytxûv, divisée en dix décades, vaste traité De Deo uno et trino dont François Torrès (Turrianus) fit paraître, en 1581, une traduction latine reproduite dans P. G., t. cxii, col. 737-992. Le palamisme n’y est pas directement visé, mais la vraie doctrine y est exposée, à l’aide principalement des textes patristiques, de manière à renverser par la base toutes les thèses palamites. De la lumière du Thabor il est longuement question à la sixième décade, P. G., loc. cit., 839-864. Cyparissiotès est, sur cette question, du même avis qu’Isaac Argyros. Voici sa conclusion : In diuinis luminîbus symbolicis præcipua est apparitio luminis facta in divinissima transfiguration vultus Domini, quee decorem corporis Christi post resurrectionem gtoriosi facti tanquam in imagine reprœsentabat, et symbolum erat divinitatis, qu.se in eo lalebat, pulchritudinemque Adæ anle peccatum significabat eamque jam naturam nostram in luunanitute Christi récupérasse ; quo lumine justi post resurrectionem resplendebunt. Ibid., col. 864. 2. Les IlaXapu-uxat Tza.pa.ey.azic, , énorme traité polémique, divisé en cinq livres, où tout le palamisme est passé en revue et magistralement réfuté. Le livre I, comprenant quatre dissertations ou Xôyot, expose le système palamite, en signale les multiples erreurs, en raconte la genèse, et montre comment l'Église palamite ne saurait être la véritable Église du Christ. De ce premier livre Combefis a publié les discours I et IV ; cf. P. G., t. ciii, col. 663-778. Le livre II réfute le tome synodal de 1351 et compte huit discours. Le livre III, comprenant lui aussi huit discours, épuise la question de la lumière thaborique. Le livre IV, en trois discours, traite des anathématismes du dimanche de l’Orthodoxie. Enfui, dans le livre V, divisé en cinq discours, Cyparissiotès réfute longuement Nil Cabasilas, qui arrivait à poser en Dieu quatre cpôaeiç, à savoir l’ouata y.oivY), l'ÛTtôa-raatç, l'èvépysta-, enfin aùxôç ô 0e6ç, ô lla-r/jp xal ô Ylàç xai tô Ilvsûjjta. Ce cinquième livre, le plus étendu de tous, fut composé avant les autres. Il est tout entier spéculatif. Contrairement à l"'Ex0eatç cttoixskôSyjç, qui est surtout positive, les IIaXau.1Tixai Ttapaêâaeiç font la part du lion à la théologie spéculative. Tous les subterfuges, tous les sophismes, tous les arguments des théologiens palamites y sont clairement exposés et magistralement réfutés. Inutile de dire que l'œuvre polémique de Cyparissiotès laisse bien loin derrière elle les dissertations de Grégoras. Ajoutons que Cyparissiotès a été unioniste, au moins dans la dernière période de sa vie, et a passé quelque temps à la cour pontificale sous Grégoire XI, qui lui faisait payer une pension (1376-1377). C’est ce qu’a démontré récemment Angelo Mercati, dans une note donnée à la Bijzantinische Zeitschrif t(Méangvs Heisenberg), t. xxx, p. 496-501 : Giovanni Ciparissiota alla corte di Gregorio XI (novembre 1376-décembre 1377).

8° Signalons enfin parmi les adversaires du palamisme le dominicain Manuel Calécas (fl410), Grec converti au catholicisme, qui nous a laissé une courte mais excellente réfutation du tome synodal de 1351, dans son opuscule nspt oùaiocç xai èvepystaç, P. G., t. clii, col. 283-428. Manuel recourt surtout aux arguments positifs d'Écriture et de tradition, mais il connaît bien saint Thomas, et cela lui donne une supériorité incontestable sur les polémistes qui n’ont puisé qu’aux sources grecques.

VI. Le palamismi : ei l’Occident catholique. — Pendant tout le temps que dura la phase aiguë de la

controverse palamite, c’est-à-dire entre les années 1341-1368, les pourparlers entre la cour impériale de Byzance et les papes en vue d’une croisade contre les Turcs et de l’union des Églises furent pour ainsi dire constants. Par ailleurs, les Latins ne manquaient pas en Orient, et il s’y trouvait aussi quelques Grecs convertis au catholicisme. Il était dès lors inévitable que le bruit de la querelle qui divisait l'Église byzantine en deux factions rivales ne parvînt aux oreilles des Occidentaux et qu’en particulier les légats du pape n’eussent un jour ou l’autre à s’en occuper.

1° Nous voyons, en effet, en 1355, le légat pontifical, Paul de Smyrne, assister, en compagnie de Jean V Paléologue, à la conférence contradictoire entre Nicéphore Grégoras et Grégoire Palamas. Quelle impression rapporta Paul de cette joute théologique, nous pouvons le conclure d’une lettre qu’il écrivit plus tard, c’est-à-dire postérieurement à la mort d’Urbain V († 1370), au pape et aux cardinaux pour rendre compte des discussions qu’il avait eues sur le palamisme avec l’ex-empereur Jean Cantacuzène aux alentours de 1366-1367. Dans cette lettre, publiée par Arcudius en grec et en latin, dans son ouvrage : Opuscula aurea theologica circa processionem Spiritus Sancti, Rome, 1630, et reproduite dans P. G., t. cliv, col. 835-838, il nous raconte qu’ayant été envoyé par Urbain V auprès de Jean V Paléologue (1366), il avait essayé de se faire une opinion sur la doctrine palamite, et n'était pas arrivé à y voir clair : Cum nosse verum hujus doctrinal cuperem, dit-il, Consktntinopoli degens, quando ad imperalorem Palxologum a commemoralo summo poniifice missus fui, quæsivimus istud scire, non autem potuimus verbo vel re aliquid cerli de hac opinione et impia doctrina comprehendere. Quapropter et coactus sum verbis asperis eos inseclari et veluti quibusdam argumentis provocare. P. G., loc. cit., col. 838. Si en 1366, il n’y avait encore rien compris, il est évident qu’en 1355, après la dispute des deux protagonistes, la lumière ne s'était nullement faite dans son esprit. Il crut pourtant, un moment, avoir saisi, à la suite de ses entretiens avec Cantacuzène, qui lui avait un moment concédé qu’entre l’essence de Dieu et ses attributs il n’y avait qu’une distinction de raison, xaT'èicîvoiav. Mais il fut bientôt déçu en lisant la relation de ces discussions écrite par Cantacuzène lui-même, relation qui nous est parvenue et dont nous avons parlé plus haut, col. 1797. En parlant de distinction xa-r'ÈTUvotav, l’empereur, comme les théologiens palamites, voulait simplement dire que l’essence et les attributs ne pouvaient être séparés que mentalement et non pas dans la réalité. La Statpsatç 7tpayu.a-n.x7], ou même la Stâxpiatç Ttpayjjta-rtxY) était niée, et seule la StaEpeaiç xar' è-tvotav était admise ; mais, en fait, la différence réelle, Stacpopà Ttpayu.a-ri.xr), était maintenue. Cantacuzène continuait à dire : aXXo tj ouata, àXXo tj êvépyeia, àXXo to ë/ov, ôcXXo tô Èyôu.evov. De plus, il proclamait l’existence d’une lumière divine incréée, qui ne s’identifiait pas avec l’essence divine : ce qui est absolument inacceptable : Deinde scripsit de lumine, quod apparuil in monte Thabor, asserens illud esse increatum, et non esse Dei essentiam, sed quandam divinam operationem, quod ne audilu quidem ferendum est ; niliil enim est increatum prælcr divinam essentiam. P. G., t. cit., col. 838.

La même lettre du patriarche Paul nous apprend que quelques Grecs avaient mis le pape au courant de l’erreur palamite et lui avaient appris que Cantacuzène partageait cette erreur : Nonnulli Grseci retulerunt commemoruluni imperalorem Cantacuzenum et Ecclesiam Grœcorum multas suo dogmate divinitates inducere supereminenles et remissas, eo quod assernnt quæ Deo insunt realiter inter se differre. Ibid. On dut encore (lie mieux renseigné quand Démétrius CydoL809

    1. PALAMITE (CONTROVERSE)##


PALAMITE (CONTROVERSE). DESTINÉES ULTÉRIEURES

1810

lies vint à Rome en 1369, accompagnant Jean V Paléologue, et quand, un peu plus tard, le grand adversaire du palamisme, Jean Cyparissiotès, parut à la cour pontificale. C'était une nouvelle divergence, et des plus graves, qui s’ajoutait à celles, déjà trop nombreuses, qui séparaient les deux Églises.

2° Lorsque s’ouvrit le concile de Florence, il y avait lieu de craindre que cette question de l’essence de Dieu et de son opération ne vînt aggraver la difficulté de la réunion. Il n’en fut rien pourtant, parce que les i iiecs eurent la prudence d'éviter la discussion sur ce sujet. A la xxve session, les Latins leur remirent une liste de quatre questions, qui restaient encore à éclaircir. à savoir la primauté du pape, l’existence de trois catégories de défunts, l’usage du pain azyme et fermenté, la distinction entre l’essence de Dieu et son opération : TSTapTov, iva Çy)TYj6fj Ttepî Osîaç oùaîaç xal èvepysîaç Èrrl auvôSoo ; cf. 'H àyîa xal oîxoou.£vix7] èv l’Awpsvxîa aùvoSoç (récit de Dorothée de Mytilène), éd. du bénédictin Nickes, Rome, 1864, p. 304. Ils répondirent qu’ils n'étaient pas autorisés par l’empereur à discuter là-dessus, mais ils consentirent à faire connaître leur sentiment privé sur les trois premiers points. Sur le quatrième, au contraire, ils refusèrent de parler : tô Se repi -rrjç 6eîaç oùaîaç xai jvspYEtaç oùSôXcoç aTcoXoYOÙfxsGa. Ibid. Les Latins, a ce qu’il semble, n’insistèrent pas sur un sujet qui aurait sans doute amené un débat interminable. Toujours est-il qu’on n’en reparla plus et que le décret d’union fut bientôt signé. Indirectement, du reste, les Grecs avaient renoncé au palamisme en déclarant qu’ils croyaient que les âmes des saints dans le ciel contemplent l’essence de Dieu : xal tô Œwpsïv t<xç yoj(àç ty)v oùaîav toû 0soô i’krfiotç TtpoatépxÔa. Ibid. Kt ils signèrent le décret d’union, où il est dit : animas in cselum mox recipi et intueri clare ipsuni Ueum trinum et unum, sicuti est. Marc d'Éphèse, dans son troisième discours sur le purgatoire prononcé à Ferrare, avait nié ce point capital : Ni les anges bienheureux, ni les saints, d’après lui, ne jouissaient de la vision de l’essence de Dieu ; ce qu’il essaya de prouver à grand renfort de textes patristiques. Interrogé -ur l’objet de la béatitude, il répondit que les élus jouissent de la gloire de Dieu, 86^a, de l'éclat qui jaillit de son essence : tj èx Qeoû 7ueij.-oji.Ev7) œïyXr). Quant à expliquer ce qu'était cet éclat, il y renonça, et s’en tira en renvoyant les Latins à la délinition donnée par saint Jean Climaque de l’illumination divine : « C’est une opération ineffable, vue d’une manière invisible et conçue d’une manière inconcevable : "EXXa[jiijJÎç èarw îvépysia app7)Toç ôpcojjtivY) àopdcTwç xal vooojxévT) r-vc.'jcTwç. Et il ajouta : « Vous avez entendu la définition : Ne cherchez pas davantage. » Cf. L. Petit, Documents relatifs au concile de Florence. La question du purgatoire à Ferrare, dans Patrologia orientalis, t. xv, p. 157-162. En s’exprimant de la sorte, Marc, qui était, nous l’avons vii, un palamite rigide, soulevait toute la question du système de Palamas et de la lumière thaborique. On comprend que, lorsqu’on revint a Florence, sur la doctrine des fins dernières, les Lalins aient voulu avoir quelque précision sur l’objet de la béatitude et sur la théorie palamite de l’essence divine et de son opération. Ils paraissent s'être contentés de la réponse sur l’objet de la béatitude, réponse qui repoussait catégoriquement la thèse de Marc soutenue à Ferrare. Il est vraisemblable que l’empereur défendit à ses prélats d’entamer une discussion directe sur l’essence divine et son opération. Les Grecs eux-mêmes durent sentir le danger qu’il y avait à étaler les formules et les théories de Palamas devant ces terribles logiciens qu'étaient les théologiens latins, et Georges Scholarios était là pour leur conseiller de remiser une théologie enfantine, dont l’exposé n’au rait pas tourné à l’honneur de la nation. Durant l'âpre controverse entre unionistes et antiunionistes qui suivit le concile jusqu'à la prise de Constantinople, la question du palamisme, malgré la définition portée sur l’essence de la béatitude, ne fut point agitée. Instinctivement, les plus instruits parmi les Grecs sentaient qu’ils n'étaient point, avec les thèses de Palamas, sur un terrain solide, et bien rares furent, dans la suite, les polémistes qui osèrent reprocher aux Latins de ne pas les admettre.

VIL Le palamisme dans l'Église gréco-russe a

PARTIR DU XVIe SIÈCLE JUSQU’A NOS JOURS. — NOUS

avons vu plus haut que la doctrine palamite était devenue, à partir du concile de 1351, l’enseignement officiel de l'Église byzantine et avait été imposée comme un dogme obligatoire à tous ses fidèles.

Pour que ce dogme ne fût pas oublié, on en inséra l’expression solennelle dans le Synodicon du dimanche de l’Orthodoxie et aussi dans la profession de foi des évêques, au jour de leur ordination. Si l’addition faite à ce dernier document a disparu, les anathématismes contre Barlaam, Acindyne et leurs partisans, ainsi que les acclamations à Grégoire Palamas et à ses disciples sont restés au Synodicon, et on peut les lire encore dans les éditions grecques du livre liturgique appelé Triodion, qui contient les offices du temps du carême. Chaque année, depuis 1352, ces anathématismes et ces acclamations ont été répétés dans l'Église grecque dissidente. De plus, la fête de Grégoire Palamas, placée au second dimanche de carême, n’a pas cessé d'être célébrée jusqu'à nos jours, non seulement dans les autocéphalies de langue grecque, mais aussi dans l'Église russe et les autres Églises de langues diverses détachées du tronc byzantin.

Dans ces conditions, il semble qu’il soit oiseux de se demander ce qu’est devenu le palamisme dans l'Église gréco-russe. Incorporé à la dogmatique de cette Église d’une manière aussi explicite et aussi solennelle, il n’a pu, dira-t-on à priori, que garder le caractère de vérité immuable et intangible qui convient aux dogmes proprement dits. En droit, il aurait dû en être ainsi ; en lait, il en a été bien autrement. De nos jours, malgré la fête de Palamas et en dépit de la lettre des anathématismes contenus dans le Triodion, le dogme palamite dans l’ensemble de l'Église gréco-russe est un dogme à peu près mort. Non seulement il est oublié, mais il est contredit ouvertement dans renseignement théologique officiel.

1° C’est dès le xvie siècle que se dessine un courant hostile aux thèses palamites sous l’influence de la théologie catholique, que les théologiens grecs de cette époque viennent étudier dans les universités occidentales. Dans son ouvrage intitulé : 'OpGôSoÇoç SiSaaxaXîa, publié à Vilna en 1596, Mélèce Pigas contredit assez ouvertement le palamisme, quand il affirme : 1. que chaque personne divine est l’essence divine tout entière avec sa propriété hypostatique respective, èxâa-rv] tûv ÛTcoaTdcaEwv ôXy) u.èv aurJ] oùaîa èa-ïi (J-exà toù IStwp-aTOÇ ; 2. que l’opération en Dieu est la même chose que l’essence, bien qu’il y ait une différence, — il ne dit pas réelle, — entre l’essence et l’opération hypostatique : ei xal oùaîa tj bjipyzw., àXX où TtâvTwç… Aiaçépet ttjç oùaîaç 7) tt^ç oùaîaç èvéçytio, où Tcâaa Se èvépyzia. àXX’y) ÙTtoaTaTixT), « ç tô yevvàv, tô èxTtopEÙeiv. Op. cit., éd. de Jassꝟ. 1769, p. 108-109. Parlant de l’objet de la béatitude, il paraît, au premier abord, s’exprimer comme Palamas, quand il dit que l’cxenee divine est imparticipable à toute créature, 7) oùaîa toû ©sou àp.éGsxT6ç èaTiv oùaîa nâav) xtiott, et que les bienheureux ne participent qu’aux attributs divins, qu’il appelle les propriétés ou les grâces de Dieu, ©soù îSiÔttjtsç eït’oùv /âpiTeç. Mais il s’explique bientôt plus clairement et affirme que ces attri181J IWLAMITE (CONTROVERSE). DESTINÉES ULTÉRIEURES 1812

buts, ces grâces, s’identifient, en dernière analyse, avec la nature, l’essence et la réalité de Dieu, à cause de son extrême simplicité : 0eoû uxv ouata wç svôvxa èvŒwpeîxai, eïx' oùv èv ovxa, xal xaùxô cpûcret xal ouata (-)eoû xal ôvxoxrjxi Stà tyjv àxpaKpvsaxâxrjv àTrX6xY)xa. //>/<L, p. 224-225.

2° Au xvii c siècle, nombreux sont les théologiens grecs qui oublient le palamisme. Métrophane Ctitopoulos, dans sa Confession de foi, c. i (éd. Kimmel, Monumenta fldei Ecclesise orientalis, t. ii, Iéna, 1851, p. 38), affirme qu’en dehors des propriétés hypostatiques, tout en Dieu est indistinct : Ta tîjç Geoxyjxo ::, tcXyjv xcov ÈvSoxépfov, àStôpiaxâ èaxtv… Trâvxa xotvà xal àStôpiaxa. Non moins explicite sur le même point est Nicolas Bulgaris, dans sa Rax/jx^aiç îspâ (éd. princ, Venise, 1681), encore répandue de nos jours parmi les Grecs : Dieu, dit-il. n’admet de distinction que par rapport aux seules personnes. Il est tout entier opération et opération surpassant toute opération : ô Qeôç xaxà (i.6va xà TzpôacùTvx Siai.pouu.evoc… slvat ôXoç èvÉpyeia xal èvépyeta TcâaYjr ; èvEpyEtaç êEY)py)u.Év7), p. 81 et 127 de l'édition de Venise, 1681.

La Confession orthodoxe de Pierre Moghila, telle qu’elle est sortie des corrections de Mélôce Syrigos, ne dit rien de clair sur les thèses palamites. Elle les contredit assez ouvertement en enseignant que, toul comme la nature de Dieu, ses attributs sont incompréhensibles, àxaxâXYjTtxa, part. I, q. viii et xi. éd. Kimmel, op. cit., p. 62 et 68. Elle paraît s’en rapprocher là ou il est dit : « Après le jugement dernier, une lumière nous sera donnée par Dieu, avec laquelle nous verrons la lumière de Dieu, u.è x6 ôtioïov GÉXou.ev ISeïv xo cpcoç xoû 0eoù. I p., q. cxxvi, Kimmel, p. 202.

Dosithée, qui était palamite, paraît l’avoir oublié en rédigeant sa Confession de foi. Il écrit, en elïet, que les saints dans le ciel contemplent clairement la sainte Trinité, à la lumière infinie de laquelle ils voient ce qui

nous regarde : x<ov èaÔTuxpcov XuOsvtwv, xaGapûç sttotctsÛodot xrjv àytav TptàSato àforeipov èxeîvyjç

x(Ôy]o-i. xà -/]u.Éx£pa. Confessio Dosithei, c. viii, Kimmel, p. 435. 3° De nos jours, les théologiens grecs qui contredisent le palamisme ne manquent pas. Signalons : 1. Nectaire Képhalas, qui considère les attributs divins comme des concepts de notre esprit, par lesquels nous définissons l’unique idée, de nous inconnue, exprimant l’essence de Dieu : Stà xwv GeCmv Xoittôv tSuûu, àx<x>v ôplÇofxsv Stà 7roXXâJv èvvotcov zrfj ulav àyvtoaxov TiEpl xrjç oùaitxç TOÛ ©eo’j svvotav. 'Jspà xonif/yioiç, Athènes. 1899, p. 30-31. — 2. Chrestos Androutsos, qui déclare que les attributs divins ne sont que des expressions de l’essence divine, avec laquelle ils s’identifient dans la réalité. Ce ne sont point des distinctions dans l’essence même de Dieu. Ce ne sont pas non plus des mots vides de sens, comme l’enseignent les nominalistes, mais des représentations subjectives des relations réelles du Dieu infini avec le monde fini : 'H àXrjGïjç Gswpla xôv Gsîcov iStoxrjxoJV EyxEtxai. èv xe> p.éo-<o TTJç 7tpayu, axi.x7Jç xal ttjç ôvou.axix - 7]ç Gstoptaç, [i.7)X£ wç àvxiXEtu.svtxàc StaxpîaEtç èv XTJ Gela ouata, [ZT)X£ wç sliiXà ôvou.axa èxSeyouivY) xàç GEÎaç tSt6xv)xac ;, àXX’oiç Ù7roxEi.u.svixà< ; TrapaaxàaEiç xtôv 7xpay[i.axixiï>v crj(Éae(<)v toG àixelpou 0eou 7tpoç xôv Ttsicspao-uivov x6<ru.ov. Aoyjjtaxtxr] xyjç opOoSôÇoo àvaxoXixTJç 'ExxX/)aîaç, Athènes, 1907, p. 44 ; cf. p. 46-47. —3. La plupart des catéchismes grecs contemporains qui, se taisant sur la question des attributs divins ou sur la nature de la grâce, enseignent explicitement que l’objet de la béatitude céleste est de voir Dieu un et trine. tel qu’il est en lui-même. Celui de Damascène Christopoulos, 'OpGôSoÇoç xaTr)X7)o~iç, Athènes, 1881, p. 24, dit même que l’essence de Dieu, que ni les anges, ni les hommes ne peuvent scruter par leurs forces natu relles, nous a été manifestée par la Révélation, è<pocvspwÔT) Se 7)u, tv Sià xîjç àTroxaXù^Ecoç. 1° Parmi les théologiens grecs qui, dans la période moderne, sont restés attachés au palamisme canonisé au xive siècle, il faut signaler : 1. Damascène de Thessalonique, dit le Studile (| 1577), dans un discours sur la transfiguration contenu dans le recueil intitulé 0/)craup6ç, éd. princ, Venise, 1570 ; nombreuses rééditions jusqu'à notre époque ; cf. p. 133 de l'édition de Venise, 1848, et Allatius, De perpétua ronsensione, etc., p. 838. 2. Gabriel Sévéros († 1616), dans son ouvrage : ïlzç. xoiv 7TÉvx£ S'.acpopwv, Constantinople, 1627 : TCpl rff a' Siacpopàç, p. 4-6, 9-10 : àXXo rj Œîa èvépyEia xal aX>.0 ꝟ. 0sîa ouatar) èvèpyEta u.ExÉx£xat xal ytvtiaxExaf /) Se ouata oûxe ii, Exé/sxat, ouxs ytvo'^axExat. 3. Georges Corcssios, à la fin de son ouvrage : Ilept ttjç êxTropeôaecùç toû IIvEou, axoç àyîou, imprimé par Dosithée dans le T6u.oç xaxaXXayîjç, Jassꝟ. 1692. p. 368-410. Ce polémiste admet toutes les thèses de l’alamas sur la distinction réelle entre l’essence et les attributs ; entre les attributs respectifs ; entre l’essence e1 chaque propriété hypostatique ; sur la grâce et les dons du Saint-Esprit incréés ; sur la lumière thaborique incréée, objet de la béatitude. Ce qu’il y a de curieux, c’est que Coressios appelle distinction de raison, Xôyou Stacpopâ, celle que les théologiens latins nomment réelle mineure. Pour lui, il n’y a de distinction réelle, 7tpayu.axt.XT) Siatpopâ, que là où il y a, en fait, ou bien là où il peut y avoir séparedion réelle des réalités distinguées dans la chose. En Dieu, il y a de nom breuses réalités distinctes de l’essence même, mais aucune n’est séparée, ni séparable de l’essence ; c’est pourquoi il faut appeler distinction de raison celle qui existe entre ces réalités, et les scolastiques ont tort ( ! r l’appeler réelle : 'H Siacpopà xcôv Stacpôpcov ovxwv èv tû aùxco TrpâYU.otxt Xoyou Staçopà xèxXr^xat, xal où Ttpàyu.axoç, wç vouiÇouatv ot a/oXaaxtxoL Op. cit., p. 374. Lette multiplicité d’entités en Dieu ne détruit pas la simplicité de son être et n’introduit pas en lui de composition, caril n’y a composition, aùvŒatç, que là où il y a réunion d’essences séparables, ou union de substance et d’accidents : Sixxy) èaxtv rj aùvŒaiç, r t è ; oùaiwv, t) èÇ oùataç xal <7')u.6e67)x6xo !  ;, xptxv) Se où SÉSoxaiOr, il n’y a en Dieu aucun accident, parce qu’il est immuable. Coressios entend par accident le seul accident logique ou prédicable. Pour lui, le propre ou accident physique et ontologique, n’est pas un accident, et il y a en Dieu beaucoup d’accidents de cette sorte, c’est-à-dire beaucoup de propriétés, îSto')[xax-/, '.SlOXY)X£Ç. t. La plupart îles théologiens du XVIire siècle. Il est remarquable qu’au XVIIIe siècle, à l'époque même où l'Église russe, comme nous le dirons tout à l’heure, se détache complètement du palamisme, cette doctrine obtient un regain de vie dans l'Église grecque proprement dite. Au début de ce siècle, Sébaslos Kgménitès compose un traité spécial, resté inédit, sur l’essence divine et son opération. Cf. Papadopoulos Kérameus. Biographie de Sebastos Kgménitès dans le t. xiii de la collection Hurmuzaki. Teste greçesti privitoare la istoria romàncscâ, Bucarest, 1909, p. Xa'. En 1727, les patriarches d’Orient, réunis en concile à Constantinople. rédigèrent une profession de foi adressée à tous les fidèles, où nous trouvons deux articles palamites : Article 9 : « Les fidèles doivent croire que la lumière divine manifestée sur le mont Thabor, à la transfiguration du Christ, notre Sauveur et Dieu, n'était pas quelque chose de créé, mais n'était pas non plus l’essence divine elle-même, car personne n’a jamais vii, ni décrit l’essence et la nature de Dieu ; ils doivent professer que c'était une sorte d'éclat physique incrée, une opération partant de l’essence divine, par laquelle L813 PALAMITE (CONTROVERSE). DESTINÉES ULTÉRIEURES 1814 fut manifesté non toute la gloire divine de l’HomineDieu.mais ce que les disciples en pouvaient contempler sans perdre la vie. Article 10 : « Il faut professer que la grâce commune du Père, du Fils et du Saint-Esprit, la lumière du siècle à venir, dont resplendiront les justes et que manifesta le Christ sur la montagne, en un mot, toute puissance et opération de la divinité en trois hypostases, et tout ce qui, de quelque manière que ce soit, diffère de la nature divine, est incréé. Rien, en effet, de ce qui existe naturellement en Dieu n’a eu de commencement : tô Osiôtoctov <pwç tvjç sv tw Oaôcopîco opet LtsTaLiopepôasax ; … ôcioXoysïv ôcpsîXo’jen |i.r, XTÎap.a EÎvoa, àXX' oùSè oùaîœv â7rX£>ç toû 0£où…, àXX' axTtCTTOv xal çucs'.y.7}) eXXajjL^i.v xal svép yeiav Si a’jTTJç Trpo’ioùaav -rrjç 6slaç oùalaç — Tcâv to àiaçspov ÔTTcoao’jv ttjç Getaç cpùascoç àxTiairov slvai olioXoysïv, airs u.7)§£voç ovtoç Trpoacpà-roo twv ™ 0ew TcpoaôvTtov 9uaixwç. Mansi-Petit, Concil., t. xxxvii, col. 901. Par ailleurs, nous voyons les principaux théologiens de la seconde moitié du siècle soutenir la même doctrine dans leurs manuels. C’est le cas de Vincent Damodos et de son disciple, Eugène Bulgaris (Cf. le QeoXoyixov de ce dernier, Venise, 1872, p. v(3'et 92-122. 284). qui reprennent la doctrine de Georges Coressios. Bulgaris se croit d’accord avec Duns Scot, qu’il n’a pas compris, et qui aurait repoussé l’eîSix-rçv êrepÔTrçTa xal èx -77, ? oûaewç toù TtpàyjzaTOç, qu’il lui prèle. Lui aussi, comme Coressios, n'écarte de Dieu que l’accident prédicable, non les propriétés physiques découlant de l’essence et distinctes d’elle. Les disciples de Bulgaris, Théophile de Campanie, TaLtsïov ôpOoS&Çîaç. éd. d’Ath. de 1908, p. 207, et Athanase de Paros, 'EraTOjiY] tôv Œîcov Soyctârtov, Leipzig, 1806, p. 59-65, <S 1-99, répètent les leçons du maître. 5. De nos jours, bien rares sont les théologiens grecs qui reprennent à leur compte la doctrine exprimée dans les anathématismes du dimanche de l’Orthodoxie contre Barlaam et Acindyne. On en rencontre pourtant quelques-uns. Faisons remarquer aussi que certains ouvrages anciens, où cette doctrine est contenue, sont réédités et répandus parmi les fidèles, tels le 0T J aaupôç de Damascène le Studite et le Tacieîov opOoSoÇîocç de Théophile de Campanie. Des auteurs font un éloge sans réserve de Grégoire Palamas et de sa doctrine, tel Grégoire Papamikhaïl, professeur à l’université d’Athènes, dans la monographie qu’il a consacrée au théologien hésychaste. 'O ayioç Tp^yopioç IIxXa(jiâç, Alexandrie, 1911. Un récent professeur de théologie de la même université athénienne. Zikos D. Rhosis, a repris timidement dans le t. i d’un manuel resté incomplet la thèse palamite de la distinction réelle en Dieu des hypostases et des attributs par rapport à l’essence : La simplicité de l’essence de Dieu, dit-il, n’est pas une simplicité abstraite ; ce n’est pas la suppression de toute d’sfinction en Dieu, comme s’il n’existait en lui aucune distinction réelle des hypostases et des propriétés ; mais cette simplicité considérée négativement écarte seulement toute composition, toute division et toute opposition en lui ; considérée positivement, c’est une unité harmonieuse absolue dans la diversité ou la distinction réelle des hypostases et des propriétés : eîve -roiaù-nr] TauTÔTYjç tîjç oùaîaç toû ©soù Ttpôç ÉaUTÏJV, T^TIÇ slv£ à7TOXuTOÇ àp[i.OVlXT) évÔTY]Ç Èv STEpÔTTjTi, ï) év 7rpayLiaTtxf ; Staxpîaei 'jTToaTaætov xai ïSiwjxdcTwv. SÙCTT/)ji.a 80YfzaTt.xrjç tîjç ôp6086Çou xa60Xoâjç 'ExxX-rçenaç, t. i, Athènes, 1903, p. 309 : cf. p. 300, 302. Reconnaissons, du reste, que les expressions de ce théologien ne sont pas la clarté même et n’ont pas la limpidité de la comparaison du soleil et de ses rayons tant affectionnée par Palamas et. ses premiers disciples. 5° Ce que nous venons de dire regarde l'Église grecque proprement dite. Si nous passons à l'Église russe, nous y verrons le palamisme complètement abandonné depuis longtemps dans l’enseignement officiel. Du palamisme cette Église ne conserve plus, de nos jours, que la fête de Palamas, au second dimanche de carême, et c’est un étrange phénomène que l’opposition qui existe entre la doctrine des manuels de théologie en usage dans les séminaires et les académies russes et les éloges hyperboliques donnés dans l’office de ce jour à Grégoire Palamas, « docteur illustre et i défenseur de l’orthodoxie ». Nous avons vu plus haut, col. 1794, qu’au milieu du j xive siècle, le métropolite de Kiev avait d’abord rei poussé les tomes des conciles palamites qui lui avaient . été adressés de Constantinople. Nous ignorons comi bien de temps dura cette opposition à l’orthodoxie officielle. A cette époque, en effet, l’union de la métroi pôle russe avec le patriarcat œcuménique était assez lâche, et le devint encore plus au siècle suivant. Il est curieux de constater que les triodions slaves manu ; scrits, dont le plus ancien est le n° 667 de la bibliothèque synodale de Moscou remontant à peine au xv siècle, ou ne contiennent pas les anathématismes du dimanche de l’Orthodoxie relatifs aux hérésies byzantines postérieures, ou les donnent sous une forme très abrégée, signalant à peine les noms des hérésiarques. Ils remplacent souvent la mention des hérétiques byzantins par celle de certains hérétiques russes. Pour trouver, au complet, les anathématismes du Synodicon grec, y compris ceux qui sont lancés contre Barlaam et Acindyne, il faut ouvrir les triodions imprimés, ' dont les premiers datent du xvir siècle. Le type grec, du reste, ne fut pas longtemps en usage. Dès le milieu

du xviiie siècle, on s’occupa de modifier complètement
l’office du dimanche de l’Orthodoxie, sans prévenir les Grecs. Le concile de Moscou de 1749 confia à l’archevêque j de Kroutitza, Gabriel, le soin de composer ce nouvel ] office. Sa revision, présentée en 1752 à l’approbation I du Saint-Synode, ne fut pas agréée, parce qu’elle était i trop longue et conservait intacte la liste des hérésies I nationales. On ne l’utilisa que deux fois, aux carêmes
de 1753 et de 1755. l T n nouveau concile de Moscou,
tenu le 23 mars 176(5, ordonna de recueillir tous les offices, imprimés ou manuscrits, du dimanche de l’Orthodoxie, et chargea Gabriel de Tver de faire une nouvelle rédaction. Celle-ci fut approuvée, avec quelques modifications, par le Saint-Synode en séance plé nière du 8 décembre 1766. Le 15 décembre de cette même année, elle était présentée à l’approbation de l’impératrice Catherine II, qui ratifia le projet synodal par un oukaze du 19 février 1767, et le 27 mars suivant, le Saint-Synode ordonnait l’impression du nouvel office à raison de 140 exemplaires sous le titre de Pos liédovanié ve nédiéliou pravoslaviia. Cf. Nicolas Grigorovitch, Rescrits de Catherine II à l’oberprocuror du Saint-Synode Ivan Ivanovitch Mellissène, dans le Rousskii Archiv, t. viii, 1870. p. 751-757. Ce nouvel office était fort écourté. Aux nombreux et longs anathématismes du Synodicon grec on substituait douze anathématismes tout à fait nouveaux de fond et de forme. Les noms des hérétiques étaient supprimés. Seuls les noms des rebelles Otrepiev et Mazepa paraissaient au onzième anathématisme dirigé contre ceux « qui n’admettent pas que les souverains orthodoxes sont élevés au trône par une volonté spéciale de Dieu sur eux, et reçoivent par l’onction du chrême les dons du Saint-Esprit pour l’accomplissement de leur grande mission. » Ces noms mêmes furent supprimés dans l'édition de 1869. Dans les nouveaux anathématismes, pas la moindre allusion n’est faite à Barlaam et à Acindyne pas plus qu'à la doctrine de Palamas. En faisant cette réforme, l'Église russe se mettait 1815 PALAMITE (CONTROVERSE). DESTINÉES ULTÉRIEURES 1816 d’accord, pour ce qui regarde le palamisme, avec la doctrine de ses théologiens, qui, depuis la fin du xviie siècle jusqu'à nos jours, ont régulièrement enseigné tout le contraire des thèses de Palamas. Nous avons pu consulter deux des manuels de théologie utilisés dans les séminaires russes dans la seconde moitié du xviiie siècle et au début du xixe. L’un et l’autre se taisent sur les théories de Palamas et enseignent la doctrine des théologiens catholiques sur l’essence de Dieu et ses attributs. Le premier, Théophylacte Gorskii, écrit : Sciendum est omnia atlributa Dei lam inter se quam cum essentia Dei esse re ipsa idem, ita ut unumquodque de alio, et unumquodque de essentia Dei, et vicissim essentia Dei de unoquoque eorum prædicari possit, verseque sint enuntiationes istæ : Sapientia Dei est ipse Deus ; Sapientia Dei est Dei omnipotentia, etc… Eadem Dei attributa non de essentia Dei tantum, sed et de singulis personis prædicari in recto possunt, ita ut l’erum sit dicere : Deus Pater est divina sapientia ; Deus Filius est divina sapientia, etc. Hinc consequitur personas divinas, qualenus inter se tantum, non autem ab essentia Dei dislinguuntur, non distingui etiam ab altributis divinis. Orthodoxæ orientalis Eeclesix dogmata seu doctrina christiana de credendis, éd. de Saint-Pétersbourg, 1818, p. 77. Le second, Sylvestre Lebedinskri, n’est pas moins explicite : Atlributa divina, dit-il, prout conceptibus nostris formantur, multiplicia sunt, et a se invicem diffère Atia ; sed prout sunt in Deo, ab eo non difjerunt : unica enim essentia divina omnes illas perfectiones in se complectitur, sive est quælibct earum eminenter Nihil est in Deo quod non sit Deus. Com pendium theologiæ classieum, 2e éd., Moscou, 1805, p. 112 et 805. Les manuels de théologie composés au xixe siècle contredisent également le palamisme. Celui d’Antoine Amphiteatrov, qui a été traduit en grec, déclare « qu’il n’y a en Dieu aucune distinction réelle des attributs ; c’est nous qui, à cause de la faiblesse de notre esprit, distinguons en lui des propriétés variées ; quant à lui, il est parfaite unité et identité, esprit très pur et absolument simple. » Théologie dogmatique de l'Église orthodoxe catholique orientale, traduction grecque de Vallianos, Athènes, p. 72. Ailleurs, le même auteur dit qu’au ciel les saints voient l’essence de Dieu : o<)ôu.eQot. -T7]v Gslocv toG XptaTOÎJ oùcrîav [ze-rà xoù ITaTpôç xai toG âyîou Tlvsùiiaroç, . Ibid., p. 418. Macaire Bulgakov, dans son cours développé, parle des deux extrêmes qu’il faut éviter dans la question de l’essence de Dieu comparée à ses attributs : d’un côté, le réalisme, posant une distinction réelle entre l’essence et les attributs et entre les attributs respectifs ; de l’autre, le nominalisme, qui ne voit que des synonymes dans les mots par lesquels notre esprit exprime les diverses perfections qu’il attribue à Dieu. « La première opinion, ajoute-t-il, dans une note, fut soutenue en Occident, au xiie siècle, par Gilbert de la Porrée, évêque de Poitiers, et, en Orient, au XIVe siècle, par quelques moines de l’Athos. » On voit avec quel dédain le célèbre théologien russe parle de Palamas, de sa doctrine et de ses disciples. D’après lui, la doctrine de l'Église orthodoxe, puisée dans la révélation divine, est que l’essence de Dieu et ses attributs, ainsi que les attributs entre eux, ne se distinguent pas dans la réalité même ; mais qu’entre ces notions il y a une distinction réelle dans notre esprit, et qu’il existe en Dieu un fondement à cette distinction. Pravoslavno-dogmalitcheskoe Bogoslovie, t. i, 4e éd., Pétrograd, 1883, p. 144-145. Pour ce qui regarde la nature de la grâce et l’objet de la béatitude, le même théologien ignore complètement l’opinion palamite et s’exprime comme un catholique. Sylvestre Malevanskii, dans l’Essai de théologie dogmatique orthodoxe, 1. 1, Kiev, 1892, p. 6sq., est d’accord avec Macaire, et déch’re, p. 55-56, que saint Thomas d’Aquin a exposé parfaitement la vraie doctrine sur cette question. Philarèle Goumilevski :, dans Pravoslavnoe dogmatitcheskoe Bogoslovie, 3e éd., Pétrograd, t. i, 1883, p. 36-38, s’exprime d’une manière assez obscure sur l’essence de Dieu et ses attributs, et ne paraît pas bien saisir le problème. Il classe pourtant parmi les erreurs la doctrine de <.ilbert de la Porrée, voisine de celle de Palamas. Quant à Barlaam, il le considère comme un pur nominaliste. Un point demeure obscur chez certains théologiens russes contemporains, c’est celui de l’objet de la béatitude du ciel. Impressionnés par les textes de quelques Pères anciens sur l’incompréhensibilité de Dieu, ils paraissent nier que les élus voient l’essence divine en elle-même, mais ne disent pas en quoi consiste la vision béatifique. Philarèle de Moscou, dans son Catéchisme développé, affirme, d’un côté, que l’essence de Dieu est au-dessus de la connaissance des hommes et des anges, sans distinguer entre la connaissance naturelle et la connaissance surnaturelle ; de l’autre, il déclare que la béatitude provient de la contemplation de Dieu dans la lumière et la gloire et que les corps des saints, à la résurrection, seront embellis par la lumière divine, tout comme le corps de Jésus-Christ, au jour de la transfiguration sur le Thabor. Il faut avouer que ce n’est pas très clair, et qu’on pourrait découvrir dans ces expressions des traces de palamisme. Peut-être Philarète est-il resté volontairement dans la pénombre pour ne pas heurter trop violemment l’ancien dogme palamite. Dans l’Encyclopédie théologique orthodoxe, publiée sous la direction de A. P. Lopoukhine, puis de N. Gloubokovskii, Ivan Sokolov, à l’article Varlaam, t. iii, col. 155-157, dit simplement que la doctrine de Palamas fut confirmée par l'Église, sans nous renseigner sur cette doctrine elle-même. On devine l’embarras des théologiens russes pour parler du palamisme. Ils ne peuvent pas ne pas s’apercevoir de la position fausse dans laquelle se trouve l'Église gréco-russe de nos jours par rapport à l’ancienne orthodoxie byzantine du xive siècle. VIII. La controverse palamite et l’apologétique catholique. — C’est précisément sur cette position fausse que nous voudrions attirer l’attention du lecteur, à la fin de cet article. Nos théologiens paraissent parfois à court d’arguments clairs et décisifs pour démontrer que l'Église dissidente d’Orient n’est pas la véritable Église. Les polémistes orientaux, dans leurs attaques contre le catholicisme, ont tellement parlé des innovations latines et tellement vanté l’immutabilité de leur Église, qu’on a presque fini par les croire sur ce dernier point. Or, il n’est pas d'Église qui ait montré plus d’incohérence dans son enseignement dogmatique que l'Église gréco-russe. L’histoire de la controverse palamite vient de nous en donner une preuve entre beaucoup d’autres. Le cas est vraiment trop peu connu, typique. Au xive siècle, on canonise la doctrine palamite. On la présente comme un développement authentique de la définition du VIe concile œcuménique. Quiconque la rejette est un hérétique, qui est poursuivi comme tel, frappé de l’anathème et privé de la sépulture ecclésiaslique. Chaque année, au premier dimanche de carême, on répète les anathématismes et les acclamations où elle se trouve solennellement exprimée. Au second dimanche de carême, on célèbre à l'égal d’un des plus grands docteurs de l'Église le père de cette doctrine, Grégoire Palamas. Dans le même temps, dans les académies ecclésiastiques et les séminaires, on réfute comme une erreur cette même théologie, et l’on enseigne les thèses qui lui sont diamétralement opposées et qu’on a condamnées en la personne de Barlaam, d’Acindyne, de Nicéphore Grégoras et de Prochore Cvdonès. Au XVIIIe siècle, alors que dans l’Église grecque on revient officiellement à l’orthodoxie du xive siècle et que les quatre patriarches d’Orient promulguent une profession de foi où le palamisme est déclaré de foi obligatoire, l’Église russe opère une refonte radicale de l’office du dimanche de l’Orthodoxie d’où est exclue toute allusion aux dogmes palamites, et ses théologiens prennent, dans leurs manuels, la contre-partie de ces dogmes. Mais l’Église russe elle-même ne reste pas à l’abri de la contradiction : elle continue de célébrer la fête de saint Grégoire Palamas et de chanter les éloges dithyrambiques que lui décerne Philothée Kokkinos dans l’office du jour. La contradiction, l’Église grecque contemporaine l’étalé ouvertement, non seulement en laissant enseigner par ses théologiens et à ses clercs ce qu’elle anathématise dans ses offices, mais encore en permettant de répandre parmi ses fidèles des livres d’instruction religieuse et d’édification dont les uns enseignent le palamisme et les autres le rejettent : tels le catéchisme de Nicolas Bulgaris, qui est hostile au palamisme, et le ©Yjaaupôç de Damascène le Studite, qui parle de ! a lumière thaborique incréée. La question est intéressante à un autre point de vue. Pendant tout le Moyen Age, les polémistes byzantins avaient mis un acharnement incroyable à accuser l’Église romaine d’innovation en matière doctrinale. On lui reprochait surtout d’avoir ajouté le mot Filioque au symbole et d’enseigner la doctrine exprimée par ce mot. Or voici qu’à la fin de cette période, un siècle avant la prise de Constantinople, cette Église byzantine, qui se vante tant de rester fidèle en tout à l’antique tradition sans rien ajouter, ni retrancher, se mêle, elle aussi, d’innover et de faire du développement dogmatique. Mais en quoi a consisté ce développement, ce passage de l’implicite à l’explicite ? A altérer gravement la notion même de Dieu, en introduisant en lui la composition de substance et de propriétés découlant de la substance et réellement distinctes d’elle ; à placer en lui un fourmillement d’entités diverses, à en faire un soleil aux multiples rayons. Rien de plus contraire non seulement à la théologie chrétienne, mais aussi, et surtout, à une saine philosophie. C’est cependant une pareille doctrine qui, par une permission de Dieu, où il n’est pas défendu de voir un châtiment, a réussi à s’imposer comme dogme officiel. Ace dogme, du reste, l’Église dissidente n’a pu longtemps rester fidèle et n’a pas tardé à révéler aux yeux de tous l’impuissance de son magistère. De nos jours, la majorité de ses théologiens n’a trouvé rien de mieux, pour couvrir et excuser les variations doctrinales du passé, que de déclarer que seules les définitions des sept premiers conciles œcuméniques, avec le symbole de Nicée-Constantinople, constituent l’élément dogmatique et vraiment invariable de l’enseignement ecclésiastique. Mais cette apologie tardive équivaut à dire que l’Église orientale a perdu pratiquement le pouvoir d’enseigner la vérité, de condamner l’erreur et de dirimer définitivement la moindre controverse. Nous ne connaissons aucune étude d’ensemble qui traite de tous les points examinés dans l’article. Les sources utilisées, dont un bon nombre sont encore inédites, ont été signalées en leur lieu, et nous croyons inutile d’en dresser de nouveau la liste. On trouvera dans l’ouvrage souvent cité de Porphyre OuspensUii, Vostok Khristianskii. Aihon, t. iii, éd. P. Syrcou, Saint-Pétersbourg, 1892, p. 683-861, lerecueil à peu près complet des documents édités, en dehors des Histoires de Nicéphore Grégoras et de Jean Cantacuzène. Ceux qui sont imprimés dans la P. G., t. cl-clii, ont été indiqués au cours de l’article. Parmi les études, à celles qui ont été signalées à l’article Pat.amas, il faut ajouter les suivantes : J. Bois, Le synode hésychaste de 134 1, dans les Échos d’Orient, t. vi, 1903, p. 50-60, travail où ne manquent pas les inexactitudes, l’auteur ayant ignoré plusieurs sources que nous avons utilisées ; Théodore Ouspenskii, Sinodik ve nédiélioa pravoslaviia, Odessa, 1893, travail d’abord publié dans les Zapiski de l’université d’Odessa, t. i.ix, p. 481 sq., et constituant comme un appendice à l’ouvrage du même auteur indiqué à l’article précédent, Aperçu sur l’histoire de la civilisation byzantine ; Thémistoclès Ch. Stavrou, Aï u ; pi tûv r|<T’j) ;  : xaTix< ; '>v tïjç cô’ÉxaTOVTasTï)pt’80ç xac t ?|Ç GtoaTxaXca : aÙTÛv èpi’oî :, Leipzig, 1905 ; Krumbacher-Ehrhard, Geschichte der byzantinischen Literatur, 2e éd., Munich, 1897, p. 100-111 ; G. Mercati, Noliziedi Procoroe Dcmetrio Cidone, di Manuele Caleca, di Teodoro Meliteniola, ed allri appunti per la storia délia teologiae délia lelleratura bizanlina del secolo XIV, Rome, 1930, où l’on trouvera de nombreux renseignements nouveaux et quelques textes inédits relatifs à la controverse palamite ; Alexii, évoque, Vizanliiskie tserkovnye mystiki XIV viéka (Les mystiques ecclésiastiques byzantins du XIV » siècle), Kazan, 1906 ; A. Petrovskii, article Awtlliema, dans la Pravoslavnaia bogoslovskaïa entsiklopediia de A. P. Lopoukhine, t. i, 1900, col. 679-700 ; K. Ranoszek, Sludien zur Geschichle des Ilesychasmus (Supplemenla), dans l’Eos, t. xxxi, 1928. M. Jugie. PALANCO François (1657-1720). — NéàCampo-Real près de Madrid en 1657, il entra dans l’ordre des minimes, où il exerça longtemps les fonctions de professeur ; nommé finalement à l’évêché de Jaca, il en prit possession le 24 novembre 1717 et mourut le 1 er octobre 1720. Théologien de. mérite et dialecticien redoutable, il représente, dans son ordre, la tendance qui cherchait à résister à l’esprit nouveau du P. Maignan et de ses disciples, et à maintenir le thomisme. Ceci se remarque dans ses deux ouvrages principaux : 1. Cursus philosophicus juxta miram S. Tlwmæ doctrinam digestus, 3 vol. qui parurent successivement, Salamanque, 1695 ; Madrid, 1696 et 1697 ; il y rattacha comme t. iv, un Dialogus physico-theologicus contra philosophiæ novatores, sive Thomista contra atomistas, Madrid, 1714, qui lui attira une vigoureuse riposte de son confrère, le P. J. Saguens, Atomismus demonstratus et vindicatus ab impugnationibus philosophico-theologicis R. P. Fr. Palanco. — 2. Opéra theologica ad mentem S. Thomee, 10 in-fol., dont l’impression commencée à Madrid se continua après la mort de l’auteur, 17061731 ; sans suivre l’ordre de la théologie classique, les divers traités se rapportent aux questions les plus importantes : De Deo uno ; de peccabilitate et impeccabilitate creaturæ intellectualis ; de Verbo incarnalo ; de fide, spe et caritate (avait paru séparément à Madrid, 1701) ; de providentia Dei concordala cum hiunana libertate et sanctitate divina (avait déjà paru à Salamanque, 1692) ; de conscientia huniana, où, au dire de Hurter, Palanco se montrerait probabilioriste. E.du Pin, Table univers, des auteurs ecclés., t. ii, X VII’siècle, col. 2791-2795 ; Richard et Giraud, Bibliothèque sacrée éd. de 1821, t. xviii, p. 418 ; Hurter, Nomenclator, 3° édit., t. iv, col. 668-669.
É. Amann.

1. PALANTIER Jean-Paul, frère mineur con ventuel (xvie siècle). — Né à Castel Bolognese, dans la province politique actuelle de Ravenne, en Italie, il fut maître es arts, docteur et maître en théologie, régent à Crémone et à Parme, et lecteur en philosophie et en théologie. Il professa aussi la philosophie aux gymnases de Pavie et de Milan, et la théologie à l’université de Ferrare et chez les bénédictins de SainteJustine à Padoue. Il exerça la charge de consulteur du Saint-Office et, en 1602, il fut élevé par Clément VIII au siège épiscopal de Lacedonia, en Sicile, dans le royaume de Naples ; il y mourut le 26 octobre 1606 (Ughelli, Hurter, J.-H. Sbaralea, Supplementum, t. ii, p. 110) et non 1614 comme le soutient L. Wadding.

Il est l’auteur des ouvrages suivants : 1. Lectiones aureæ in quatluor libros Magistri Sententiarum, in quibus et Magistri littera accurate explicatur, et quæstioncs omnes, quee a scholasticis tractari soient, sublililer exa