Dictionnaire de théologie catholique/SACREMENTS II. La notion 1. Dans l'Ecriture Sainte

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané ( Tome 14.1 : ROSNY - SCHNEIDERp. 254-256).

signe efficace, parce qu’il produit lui-même la sanctification dans l’âme. <> Symbole efficace de sanctification », voilà comment le sacrement chrétien apparaît sous les formules encore hésitantes par lesquelles les premiers auteurs latins ont fait la transposition de [xuaT/ ; pr.ov en sacramentum.

Il est donc nécessaire de quitter l’étude du mot, pour s’attacher au concept exprimé dès le début dans la description des rites et des institutions auxquelles le mot fut appliqué postérieurement. Or, soit dans l’Écriture elle-même, soit dans la tradition préaugustinienne, nous trouvons très nettement marqué, à propos des sacrements, ce double concept de symbole efficace que saint Augustin mettra en pleine lumière au ve siècle.

I. DANS L’ÉCRITURE SAINTE. — L’Écriture, bien entendu, n’a pas de doctrine générale du sacrement chrétien. L’élaboration de ce concept ne s’est faite que peu à peu ; mais, dans l’Écriture, à propos des rites auxquels nous donnons aujourd’hui le nom de sacrements, se trouvent déjà exprimés à la fois leur symbolisme et leur efficacité dans la sanctification des âmes, (’/est à la description de chaque sacrement en particulier qu’il faut demander la démonstration de cette assertion générale. Démonstration plus complète et plus facile en ce qui concerne les deux sacrements de baptême et d’eucharistie que l’Écriture a surtout mis en relief, mais que l’on doit étendre aux autres sacrements sur lesquels l’Écriture ne nous a laissé que des traits rapides.

Le baptême.


Saint Paul, à maintes reprises, a exprimé le symbolisme et l’efficacité du baptême. Mais c’est surtout dans l’épître aux Romains qu’il faut en chercher la formule. « Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c’est en sa mort que nous avons été baptisés ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. Si, en effet, nous avons été greffés sur lui, par la ressemblance de sa mort, nous le serons aussi par celle de sa résurrection : sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché fût détruit, pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché ; car celui qui est mort est affranchi du péché. Mais, si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons avec lui, sachant que le Christ ressuscité des morts ne meurt plus… Ainsi vous-mêmes, regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ. » Rom., vi, 4-11. L’immersion, symbole de la mort et de la sépulture de Jésus-Christ, signifie la mort du « vieil homme », enseveli sous l’eau. Mais, en sortant du bain baptismal, comme le Christ sortant du tombeau, le nouveau chrétien a puisé dans le baptême une vie nouvelle. Ainsi donc, le baptême symbolise la mort et la résurrection du Sauveur ; mais c’est, de plus, un symbole efficace, puisqu’il réalise dans l’âme du néophyte la mort au péché et la résurrection à la vie de la grâce. On remarquera, dans ce passage classique, que le symbolisme du baptême s’étend non seulement à l’effet réalisé dans l’âme, l’ablution signifiant et produisant la purification intérieure, cf. I Cor., vi, 11 : Acf., xxii, 16, mais encore à la réalité sainte qui est le type de cette purification, la mort et la résurrection du Christ, réalité éminente qui, tout en échappant a l’efficacité du sacrement, demeure cependant dans l’orbite de son symbolisme. En réalité, ce n’est pas seulement la mort et la résurrection du Christ qui entre dans le symbolisme sacramentel du baptême, c’est cm me toute la vie chrétienne, avec ses conditions présentes et scs espérances futures. « Dieu, notre Sauveur… nous a sauvés, non à cause des œuvres de justice que nous faisons, mais selon sa miséricorde, par le bain de la régénération et en nous renouvelant par le Saint-Esprit… afin que, justifiés par sa grâce, nous devenions héritiers de la vie éternelle, selon notre espérance. » Tit., iii, 5-7. Par cette régénération spirituelle qu’il réalise en nous, le baptême symbolise également et réalise pareillement notre entrée dans le royaume de Dieu, l’Église. Joa., m, 3, 5. Et c’est encore ce symbolisme qui permet à saint Paul d’étendre la purification du baptême à tout le corps mystique qu’est l’Église, que Jésus a aimée, pour qui il s’est livré, « afin de la sanctifier, après l’avoir purifiée dans l’eau baptismale ». Eph., v, 26-27.

Si nous considérions l’efficacité du baptême, sans nous attacher à son symbolisme, nous trouverions plus d’un texte : rémission des péchés, Marc, xvi, 16 ; Act., ii, 38 ; purification des crimes les plus énormes, I Cor., vi, 9-11 ; vie nouvelle, Rom., vi, 4 ; créature nouvelle, Gal., vi, 15 ; filiation adoptive du Père, Rom., viii, 15-17. Le baptême est « le bain de la régénération ». Tit., iii, 5. Dans Matth., iii, Il et Luc, iii, 16, l’expression « baptiser dans le feu et l’Esprit-Saint », marque symboliquement la purification intérieure que seul peut atteindre et réaliser le Saint-Esprit, par opposition au baptême de Jean qui n’obtient la rémission des péchés que moyennant la confession des péchés, Matth., iii, 6, et la pénitence intérieure, Luc, iii, 3.

L’eucharistie.


L’eucharistie occupe la pensée des écrivains inspirés piesque autant que le baptême. Le symbolisme est ici encore nettement marqué : il fait suite, chez saint Paul, à la doctrine du corps mystique. Participation au corps et au sang du Christ, l’eucharistie est le symbole de notre unité dans le Christ. « Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, nous formons un seul corps, tout en étant plusieurs. » I Cor., x, 17-18. On peut rapprocher de cette assertion la prière sacerdotale de Jésus au moment et à propos de la Cène, demandant au l’ère, pour les hommes qui auront foi en lui, « qu’ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et vous en moi, afin qu’ils soient parfaitement un ». Joa., xvii, 22-23. Ainsi donc. « de même que le juif, en mangeant lachairde la victime immolée, participe au sacrifice qu’il offre et que le païen, par l’idolothyte, entre en communion avec l’idole, c’est-à-dire avec les démons, ainsi le pain et la coupe eucharistique rendent le fidèle participant au sacrifice offert par le Christ sur la croix ». P. Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 92.

Le symbolisme et l’efficacité de l’eucharistie apparaissent peut-être avec plus de force encore dans l’évangile de saint Jean, en tant que le symbole de la nourriture matérielle nous fait comprendre d’une façon saisissante que la chair et le sang du Sauveur sont vraiment nourriture et breuvage. Par l’eucharistie, c’est-à-dire par la chair et le sang du Christ, nourriture et breuvage de l’âme, sont produits, dans l’ordre de la vie surnaturelle, les mêmes effets que la nourriture ordinaire produit dans l’ordre matériel. Par l’eucharistie, Jésus s’unit intimement au fidèle et L’unit à lui ; il lui communique la vie qu’il reçoit lui-même du l’ère et ainsi l’eucharistie est le moyen efficace qui donne au chrétien la vie éternelle et lui devient un gage de résurrection glorieuse. Joa., vi, 56-58.

On voit jusqu’où s’étend h-symbolisme de l’eucharistie. Sans doute, en tant que sacrifice ou participât ion au sacrifice par la communion, l’eucharist ie est le symbole coinmémoralif de la passion et de la mort du Sauveur. Luc. xxii, 19-20 ; 1 Cor., xi, 24-28, c’est-à-dire du sacrifice du Calvaire qui n’a eu lieu qu’une fois. Hcb., ix, 23-28. Mais l’eucharistie est représentative du sacrifice du Calvaire parce que le symbole du pain et du vin signifient, en même temps qu’ils la réalisent par l’efficacité toujours présente des paroles du Christ à la dernière Cène, la présence réelle du corps et du sang sous leurs symboles expressifs. Matth., xxvi. 26, 28 ; Marc, xiv, 22, 24 ; Luc, xxii, 19-20 ; I Cor., xi, 24-25 ; cf. Joa., vi, 48-58. Et, de plus, dans quelques-uns de ces derniers textes, le symbolisme efficace relatif à la vie de la grâce ici-bas, de la gloire dans l’au-delà, est nettement indiqué : Jésus y parle du « sang de la nouvelle alliance, répandu pour la multitude en rémission des péchés », Matth., xxvi, 28, et du « fruit de la vigne », dont, dit-il, « je ne boirai plus désormais, jusqu’au jour où je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père », ibid., 29 ; cf. Marc, xiv, 24-25 ; ’Luc, xxii, 16, 18, 20. D’un trait, saint Paul souligne le symbolisme eschatologique (les scolastiques disaient : prognostique) par rapport à la vie future, en même temps que « remémorat if » par rapport à la passion du Sauveur : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne. » I Cor., xi, 26. Et, dans saint Jean, le symbolisme eschatologique est aussi fortement accentué que possible, puisque la manducation du corps du Sauveur est un gage de vie éternelle et de résurrection glorieuse. Joa., vi, 50, 51, 54, 58.

La confirmation.


Le rite de l’imposition des mains, dans l’Église apostolique, symbolise la descente du Saint-Esprit dans les âmes. Non seulement il la symbolise, mais il la rend effective. Act., viii, 14-18 ; xix, 2-6. Complément de l’ablution baptismale, Act., xix, 5-6, ce rite n’est efficace que s’il est conféré par ceux qui ont reçu la plénitude de l’Esprit, les apôtres. Act., viii, 12-16. Mais, précisément pour manifester avec plus d’éclat dans l’Église naissante l’action de l’Esprit, il était accompagné de charismes merveilleux. Act., xix, 6 ; cf. I Cor., xii, 30-xiv, 40. Toutefois, l’apôtre Paul rappelle que la voie excellente entre toutes n’est pas celle des dons, mais celle de la charité. Ibid., xiii, 1-13.

Ici encore, le symbolisme ne s’étend pas seulement aux effets du sacrement ; il concerne encore l’objet de la confession que les chrétiens, éclairés et soutenus par le Saint-Esprit, doixent avoir la force de faire publiquement pour assurer leur salut. Cf. Marc, viii, 38. Le symbolisme n’est donc pas seulement efficace quant aux effets présents, il est encore remémoratif du Christ crucifié, scandale pour les juifs, folie pour les gentils, I Cor., i, 23, qu’il faut savoir confesser avec courage si l’on ne veut pas — symbolisme eschatologique — être renié par le souverain juge. Luc, xii, 13.

L’ordre.


A plusieurs reprises, Paul parle des charismes qui se rapportent au gouvernement des Églises. I Cor., xii, 28 ; I Thess., v, 12, 13. Le rite symbolique, par lequel s ? transmet le pouvoir sur l’Église, c’est ici encore une imposition des mains, symbole du Saint-Esprit conférant ce pouvoir et la grâce pour le bien exercer. Act., xiv, 22 ; II Tim., I, 6 ; cf. I Tim.. iv, 14 ; v. 22 ; Act., vi, 6. Voir ici Ordre, t. xi, col. 1237 sq. Que le symbolisme du rite ait ici encore une extension qui dépasse le pouvoir signifié et produit par lui, cela résulte de la nature même de ce pouvoir qui n’est qu’une participation du pouvoir sacerdotal du Christ, cf. I Cor., iv, 1, seul médiateur, seul prêtre véritable. Heb., x, 14 ; vii, 23, 24.

L’extrême-onction et la pénitence.


Le symbolisme de l’extrème-onction est indéniable : « Si quelqu’un de vous est malade, qu’il appelle les prêtres de l’Église, et que ceux-ci prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le rétablira et, s’il a commis des péchés, ils lui seront pardonnes. » Jac, v, 1-4. L’onction d’huile, symbole de l’adoucissement des souffrances et de l’apaisement de l’âme est en même temps un symbole efficace de la rémission des péchés. Mais, tout comme la pénitence qui, elle aussi, signifie et produit cette rémission, l’extrême-onction est le prolongement expressif de cette rédemption par laquelle le Sauveur nous a mérité le pardon de nos fautes. Remettre les péchés n’est-il pas le propre de Dieu ? Matth., ix, 2-3 ; Luc, v, 21. Mais précisément Jésus a été envoyé par le Père pour sauver le monde, et il envoie les apôtres et leurs successeurs comme lui-même a été envoyé, et il leur communique le Saint-Esprit, pour bien marquer le prolongement en eux de son pouvoir divin de remettre les péchés. Joa., xx, 21-23.

Le mariage.


C’est encore par le corps mystique que saint Paul explique, en partie du moins, le symbolisme efficace du mariage. L’efficacité du rite, quant à la production de la grâce, n’est touchée qu’indirectement. Mais le symbolisme et l’efficacité du symbole par rapport au lien conjugal est profondément tracé : « Q)ue les femmes soient soumises à leurs maris, comme au Seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme le Christ est le chef de l’Église, son corps, dont il est le Sauveur… Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église… Les maris doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps. Celui qui aime sa femme, s’aime lui-même. Car jamais personne n’a haï sa propre chair ; mais il la nourrit et l’entoure de soins, comme fait le Christ pour l’Église, parce que nous sommes membres de son corps. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et de deux ils deviendront une seule chair. Ce mystère (symbole) est grand, je veux dire, par rapport au Christ et à l’Église. » Eph., v, 22-33. Mais précisément, au coursde ce magnifique développement, l’apôtre explique que « le Christ a aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier… pour la faiie paraître devant lui, cette Église glorieuse, sans tache, sans rides ni rien de semblable, mais sainte et immaculée. Le symbolisme remémoratif de l’union du Christ et de l’Église appliqué par Paul à l’union des époux dans l’état de mariage implique donc l’efficacité du sacrement par rapport à la production d’une grâce qui sanctifie, rend saint et immaculé.

Conclusion.


Ce n’est donc pas une conception scolastique, mais c’est l’intelligence même des données script maires touchant le symbolisme efficace des sacrements, qui amène saint Thomas à conclure que le sacrement est, non seulement un signe sanctifiant, mais le signe d’une chose sacrée en tant qu’il sanctifie l’homme. Par rapport à la « chose sacrée » dont il est le signe, le sacrement possède un symbolisme multiple, bien qu’il ne signifie et ne réalise effectivement qu’une sanctification, celle du sujet auquel il est conféré. « Il faut dire, écrit le saint Docteur, que les sacrements de la Loi nouvelle signifient trois choses : tout d’abord la cause première qui sanctifie ; ainsi le baptême est le symbole de la mort du Christ : sous cet aspect, les sacrements sont remémoratifs. Ensuite, ils signifient l’effet sanctifiant qu’ils réalisent effectivement, et c’est même là leur principal symbolisme ; et ainsi ils sont démonstratifs. Peu importe d’ailleurs que le sujet ait été effectivement ou non sanctifié, car le défaut de sanctification n’est pas le fait du sacrement qui, autant qu’il est en lui, doit conférer la grâce. Enfin, ils signifient la fin de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire l’éternelle gloire et, sous cet aspect, ce sont des signes prognosliques. Les sacrements de l’ancienne Loi sont uniquement prognostiques. » In /Vum Sent., dist. I, q. i, a. 1, qu. 1.


II. CHEZ LES PÈRES AVANT SAINT AUGUSTIN.

Les Pères grecs.


1. Les Pères apostoliques. —

Ce concept de symbole ou signe efficace de sanctification