Dictionnaire de théologie catholique/SCHOLARIOS Georges I. Vie

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 14.2 : SCHOLARIOS - SZCZANIECKIp. 10-13).

SCHOLARIOS Georges, philosophe et.théologien byzantin du xve siècle, devenu patriarche de Constantinople sous le nom de Gennade II, après la prise de la ville par les Turcs. —
I. Vie.
II. Écrits (col. 1527).
III. Doctrine (col. 1559).

I. Vie. —

Jusqu’à ces dernières années, la vie de Georges Scholarios était fort mal connue. Elle l’est un peu mieux depuis la publication intégrale de ses œuvres ; mais que de choses nous ignorons encore d’une existence qui fut fort agitée I Plusieurs causes ont contribué à la rendre obscure. Tout d’abord la multiplicité des noms que Scholarios a portés. Dans sa jeunesse, il s’est appelé : « Georges Kourtésès le Scholaire , recôpyioç KoupTé^ç ô ZyoXâptoç ; puis le nom de Kourtésès n’a plus paru, et l’on a eu simplement « Georges Scholarios ». A partir de 1450, Georges est devenu moine £bus le nom de « Gennade ». Il reparaît sous le nom de Gennade après 1453 comme patriarche de Constantinople, pour se métamorphoser bientôt de nouveau en « l’humble moine Gennade ». Et il a signé successivement de nombreux écrits de ces divers noms. D’abord unioniste et ami des Latins, Scholarios est devenu, à partir d’une certaine date, l’adversaire fougueux de l’union de Florence, le successeur de Marc d’Éphèse dans sa lutte contre les Latins. Il a abordé, dans ses écrits, les sujets les plus divers, depuis la srammaire et la poésie profane ou liturgique jusqu’à l’exégèse de l’Organon d’Aristote, jusqu’aux plus hautes spéculations théologiques. Aussi Allatius, dans son De Georgiis, distingue-t-il trois personnages ayant porté le nom de Scholarios ; Jean-Matthieu Caryophylle en trouve au moins deux ; et l’un des amis de jeunesse de Scholarios, qui l’avait connu à Constantinople en 1420, François Philelphe, le salue du titre de métropolite de Serrés. Cf. E. Legrand, Crut-dix lettres de François Philelphe, Paris, 1892, p. 214.

La date précise de sa naissance est inconnue ; mais tout invite à la placer aux premières armées du xve siècle, vers 1 105 environ : ainsi, antérieurement à 1 125, Georges a entendu prêcher Syméon de Thessalonique ; en 1420, François Philelphe le rencontre a tantinople alors qu’il est dans la prime jeunesse ; au moment où il écrit sa première introduction à la grammaire, Georucs est encore tout jeune et [’empereur Manuel Paléologue est déjà mort ( 1 125), C’est luimême qui nous donne ce détail dans une note autographe inscrite dans VAmbrosianus græcus 291. En 1430, il devait donc avoir environ vingt-cinq ans.

Il naquit à Constantinople d’un père originaire de Thessalie et fut orphelin de bonne heure. Ses parents, qui étaient de condition aisée, lui donnèrent pour précepteur le fameux Marc d’Éphèse qui lui enseigna les premiers éléments, jusqu’aux humanités exclusivement. Pour ce qui regarde la rhétorique, la philosophie et la théologie, Georges nous apprend lui-même qu’il fut un autodidacte ; en fait, il puisa une bonne partie de sa science à des sources latines. Il apprit en effet le latin de bonne heure. La fréquentation des ouvrages latins, comme aussi ses relations, le firent de bonne heure accuser d’être un « latinophrone », c’est-à-dire un partisan des erreurs latines. Il dut s’en défendre plus d’une fois et ces accusations n’étaient pas sans quelque fondement. Ce ne fut pas impunément qu’il lut les ouvrages de controverse catholiques contre la doctrine de Photius sur la procession du Saint-Esprit. C’est sans doute à cette connaissance approfondie de la doctrine adverse qu’il faut attribuer et son zèle unioniste à Florence et la modération relative de sa polémique ultérieure contre les Latins.

Après avoir acquis pour lui-même, il ouvrit dans sa propre maison une école de grammaire et de philosophie, où il eut pour élèves des Grecs et même de ces Italiens qui venaient à Byzance s’initier, sinon à la philosophie d’Aristote, du moins à la connaissance de la langue et de la littérature grecques. C’est pour ses élèves qu’il composa une grammaire, commenta et résuma les œuvres philosophiques d’Aristote, traduisit, résuma ou commenta plusieurs ouvrages de saint Thomas d’Aquin. Grâce à lui, nous connaisson noms de trois de ses disciples : c’est d’abord son propre neveu, Théodore Sophianos, mort à la fleur de l’âge.m monastère de Vatopédi de l’Athos, en 1456. Le second s’appelait Jean et n’est pas autrement connu. Le troisième a laissé un nom dans la littérature byzantine : c’est Matthieu Camariotes, a qui turent dédiés I duction et le commentaire du De ente et cssnitm de saint Thomas d’Aquin.

i’est au milieu de ces occupations studieuses que les honneurs vinrent le trouver. Antérieurement au cile de Florence et Jusqu’en 1 150, il entra au palais impérial avec les titres de juge général des Romains et de secrétaire général de l’empereur, xocOoXocoç

/P’.tt ( ç tcôv’P&>|xa(o>v, xtx80Xix6< ; oexperàpioç toû fJaai>i(oç. En même temps, il était, quoique simple laïc, le prédicateur attitré île la cour, et donnait chaque vendredi, au palais impérial, un sermon en présence du sénat et de tonte la ville. Le juge (les Romains sut se faire aimer tout en restant intègre. Le secrétaire de l’empereur était llatte presque à l’égal de son maître. On rivalisait d’éloges a l’adresse du prédicateur de la cour. C’est lui même qui nous le dit. D’ailleurs ses nouvelles charges ne le distrayaient pas de l’étude, et il continuait a donner ses leçons comme auparavant. Sur ces entrefaites, commencèrent les négociations filtre grecs et latins pour l’union entre l’Église romaine et l’Église byzantine. Scholarios était alors le Grec le plus versé dans la théologie des i.atins, celui qui connaissait le mieux l’histoire « les controverses passées

sur la fameuse question du FUioque, considérée alors comme le plus grand obstacle à l’union. De cette « pus tion il avait fait une étude approfondie en lisant aussi bien les écrits des latins que ceux de ses compatriotes ; il passait pour latinophrone. Rien d’étonnant à ce que l’empereur Jean VII Paléologue l’ait choisi pour être du nombre des laïcs qui devaient l’accompagner au concile. Nous connaissons les noms de deux autres de ces fipjfoVTeç qui portaient, comme lui. le prénom de Georges, à savoir Georges Amiroutzès et Georges Gémiste l’iéthon.

Que notre Georges ait été un chaud partisan de l’union des deux Églises, Ml ne saurait le contester. Sans doute, il prévoyait les difficultés de l’entreprise ; mais ses lectures pat ristiques l’avaient convaincu qu’un accord était possible sur la procession du Saint-Esprit. Or, d’après lui, il n’y avait guère que cette question qui fît vraiment difficulté, invité à donner son avis dans rassemblée que l’empereur réunit à Constanlinople pour délibérer sur les meilleurs moyens d’engager les discussions avec les Latins au futur concile, il lut un discours dans lequel il se déclara partisan d’un examen définitif des divergences dogmatiques en prenant pour base les écrits des docteurs de l’Église. S’il ne s’agit, dit il. que d’une union i économique », c’est-à-dire superficielle et de façade, inutile de réunir un concile ; des ambassadeurs peuvent suffire à pareille besogne, (le conseil fut applaudi, mais pas par tous ; d’autres y mirent des sourdines. Cf. Silvestre Syro poulos, Historia concilii Florentini, éd. H. Creighton, La Haye, 1660, p. 19-51. Sa conduite au concile sera éclaircie plus loin. Il favorisa le parti de l’union par ses discours et ses interventions : ce qui ne veut pas dire qu’il approuva tout ce qui s’y lit. S’il fallait en croire Silvestre Syropoulos, son départ de Florence, dès le 14 juin 1 13’. ». aurait eu pour cause la volonté arrêtée de ne pas assister a la proclamation officielle de L’union. Syropoulos. op. Cit., p. 268. Marc d’Éphèse paraît avoir interprété dans le même sens ce départ précipité. Mais le même Marc reconnaît aussi qu’après le retour à Constantinople son ancien élève lui donna de nouvelles inquiétudes au sujet de son orthodoxie. Cf. sa Lettre à Georges, écrite en il 10, éd. L. Petit, dans P. <>., t. xvii, p. 460.

Ce qui est sûr, c’est quc, dès 1 1 13. le maître et le disciple s’étaient réconciliés. Et lorsque, l’année sui aite, l’archevêque d’Éphèse mourant voulut se donner un successeur pour diriger la lui le contre l’union de Florence, c’est sur Georges Scholarios qu’il jeta les yeux. Celui-ci, dans ses écrits postérieurs, parlera plus « l’une fois du serment qu’il lit alors a son ancien maître de défendre jusqu’à la mort les dogmes nationaux. Voirie texte de la Réponse de Georges ii Marc d’Éphèse mourant publié par L. l’élit dans P. (>.. t. XVII, p. 189 191. Qu’il ait élé Adèle a sa promesse, c’est ce que prouvent surabondamment ses nombreux écrits polémiques contre le dogme catholique de la procession du Saint-Esprit et contre le concile de Florence, composés entre les années 1 1 1 1 et 1 153. Ils remplissent tout le t. h et plus du tiers du Cm des Œuvres. A partir de la mort de Marc d’Éphèse, il s’intitule, lui, simple laïc, « le chef de rassemblée des orthodoxes », rffi tcôv ôpQo-S 6Ço>v ajvâ ; î(oç sExpytov. (lîuvres, t. vi, p. 178. Dès l’automne de 1444, il se lance avec fougue dans la lutte et soutient de longues discussions sur le FUioque, qu’il met sans retard par écrit. Les dissertations, les dialogues, les lettres contre le dogme défini à Florence se succèdent presque sans interruption jusqu’à la mort de Jean VII Paléologue (1 1 18).

A ce moment, la fortune de Scholarios pâlit. Ou réussit à indisposer contre lui le successeur de Jean, Constantin, qui n’a pas encore pris position vis-à-vis de l’union. Sous le coup de la disgrâce, le polémiste antilatin éprouve un profond dégoût du monde ; en

I 150, il exécute le vœu qu’il avait fait au cours de sa trentième année, d’embrasser la vie monastique. Il revêt le saint habit dans le monastère de Kharsianitès, TOÛ Xapa’.avs’lTO’j. et prend le nom de (iennade. Il ne cesse pas pour cela la lutte contre les unionistes de Byzance et les Latins d’Occident. A l’automne de 1451, les hussites de Prague dépêchaient à Constantinople une ambassade conduite par le prêtre anglais Constantin Platris pour conclure l’union avec l’Église orientale, Constantin demanda à être instruit de la foi grecque. On lui donna pour catéchiste le moine Gcnnade, qui s’acquitta parfaitement de sa mission. Ce fut surtout à l’arrivée, eu novembre 1 152, du cardinal Isidore de Kiev, envoyé par Nicolas Y pour promulguer le décret d’union, que notre moine redoubla d’activité pour empêcher ce qu’il considérait comme la pire des catastrophes. Lorsque la proclamation fut un fait accompli (12 décembre 1452), demeuré seul, ou à peu près, à avoir refusé d’accomplir le geste auquel les autres se plièrent, il lit éclater sa douleur. Cf. Œuvres, t. iii, p. 180-18N.

Le 29 mai 1 153. Constantinople tombait au pouvoir des Turcs et, le lendemain, le moine Cicnnade était pris en compagnie de son neveu Sophianos et de plusieurs autres, réduit en servitude et emmené à Andrinople.

II eut la chance déchoir en partage à un riche musulman, qui le traita avec honneur. Bientôt même la fortune lui sourit d’une manière inespérée. Mahomet II voulut donner à la nation grecque une sorte d’organisation autonome sous la haute direction de son chef religieux. Ayant appris que le siège patriarcal était vacant, il lit procéder à l’élection d’un nouveau titulaire, suivant les prescriptions canoniques. Le choix du clergé tomba sur le moine (iennade. Le sultan ordonna di le rechercher. On le découvrit non sans peine, et il (lui. malgré lui. revenir à Constantinople et accepter la charge qu’on lui imposait.

Dans la lettre pastorale qu’il écrivit sur la prise de Constantinople, à l’automne de 115 1. dennade nous apprend qu’il s’écoula un certain temps entre ce retour d’Andrinople à Constant inople par ordre du sultan (fin septembre 1 153) et son élection connue patriarche. Il employa cet intervalle à reconstituer un monastère, dont il dut racheter les moines réduits en esclavage et à relever des églises pour les chrétiens restés dans la ville. Puis se réunit un synode nombreux d’evéques venus d’Europe et d’Asie. Malgré ses instantes proies tations, il dut se soumettre au choix unanime qu’on lit de sa personne. Il fut donc ordonné successivement diacre, prêtre, eveque et patriarche. Le sultan le combla de marques d’honneur et favorisa sa tâche de restaurer l’Église. Il alla même jusqu’à lui faire trois longues visites pour le questionner sur la religion chrétienne. Voir Ci-desSOUS, COl. 1542. Scholarios ne s’est jamais plaint de Mahomet 11. et a regardé comme un miracle le sort qu’il lit aux chrétiens. Cf. Œuores, t. iv, p. 22 1-227. 265-266.

Intronise le 6 janvier 1454, Gennade, après mut mois de gouvernement, en avait assez de la charge pastorale ; le 7 octobre 1 15 1 était l’ultime délai qu’il avait fixé pour se retirer. Sur les installées qu’on lui tit. il déclara qu’il resterait jusqu’au 6 janvier 1 155, anniversaire de son intronisation ; mais, passé ee terme, sa décision était irrévocable de reprendre la vie monastique. Œuvres, t. iv, p. 233. l’es indices sérieux permettent de croire quc son patriarcat se prolongea néanmoins jusqu’au printemps de 1456. Nous apprenons, eu effet, par une note insérée dans le cod. 328 du monastère de Yatopédi. qu’à la date du 12 mai 140(5, samedi de la Pentecôte, le patriarche Gennade visita ce monastère.

Pour connaître les causes de sa démission, qui fut tout à fait volontaire d’après son propre témoignage, pas n’est besoin de recourir aux histoires fantaisistes de certains chroniqueurs de l’époque. Dès les premiers mois, Gennade avait trouvé partout des résistances à ses desseins de réforme aussi bien dans le clergé et les moines, que chez les fidèles. Des cabales s’étaient formées contre lui. Il avait acquis la conviction que, loin d’être utile à l’Église, il était plutôt un obstacle au bien, et qu’il ris ruait, en restant, de compromettre son salut. Il pouvait mettre aussi en avant sa santé lamentable : voir ses deux lettres pastorales. Œuvres, t. i, p. 292 ; t. iv. p. 229.

Démissionnaire, il gagna le Mont-Athos. où depuis longtemps il avait désiré se retirer. Mais dès 1 157, on le trouve au monastère stavropégiaque de Saint-Jean-Baptiste, au mont Ménécée, près de Serrés. C’est là qu’il passa le reste de sa vie, sauf le temps que durèrent ses deux autres patriarcats. Ce fut sûrement après 1460 et avant le mois d’août 1464, qu’eut lieu le deuxième patriarcat, probablement après la déposition de Joasaph I er Koccas (novembre 1463), auquel Scholarios semble faire allusion dans son Ilepl CTio>7r7Jç, adressé à Théodore Branas (1465). Œuvres, t. iv, p. 265. Ce second patriarcat fut très court et se termina par une fuite précipitée. Ibid., p. 272. La cause de cette fuite fut sans doute que l’on voulut l’obliger à admettre le mariage adultère de Georges Amiroutzès, cousin germain du suKan. Joseph I er Koccas avait été déposé justement parce qu’il avait refusé de se prêter à cette besogne. Cf. E. Legrand, Bibliographie hellénique aux XV et xvie siècles, t. iii, p. 195-200. Ramené de force une troisième fois, le pauvre Gennade donnait le sermon pour la fête de l’Assomption, le 15 août 1464, dans le monastère patriarcal de la Pammacaristos. Ce troisième patriarcat dura un peu plus d’un an. S’il a commencé à l’été de 1464, c’est donc à l’automne de 1465 que Gennade regagna, pour ne plus en sortir, son cher couvent du Prodrome. Il y mena une vie toute de recueillement et de labeur intellectuel. C’est là qu’il composa ses meilleurs écrits théologiques, là qu’il prononça quelques-unes de ses plus belles homélies. Nous ignorons encore la date de sa mort, mais nous savons, par une note glissée dans le Parisinus grse.c. 1289, un de ses autographes, qu’il vivait encore en 1472. C’est, en cffet, à ses loisirs monastiques du mont Ménécée. que nous devons les principaux manuscrits autographes qui nous ont conservé la plus grande partie de ses œuvres, C’est dans ce même monastère qu’il fut enseveli. En 1854, le patriarche œcuménique Anthime VI ordonna le transfert solennel de ses restes dans le second narthez intérieur de l’église du monastère, sur la droite l.a cérémonie eut lieu le 7 mai. Une inscription en prose relate le fait et une épitaphe en vers, composée par Élie TantalidèS, lait l’éloue de l’illustre ancêtre.

Depuis le xve siècle, le nom du patriarche Gennade figure dans le Synodicon du dimanche de l’Orthodoxie avec une longue et élogieuse mention, transcrite, peu après sa mort, sur le folio liminaire d’un de ses principaux autographes, le Parisinus 1294, Cf. Œuvres, l. r, introduction, p. xxii ; t. VIII, Appendice, v, p. 33*. Sa mémoire a toujours été en honneur parmi les Grecs modernes. Ils l’ont glorifié surtout comme patriote et comme champion de l’orthodoxie contre les Latins. Mais son influence parmi eux, tant dans le domaine philosophique que dans le domaine théologique, a été minime, la plus grande partie de ses écrits étant demeurée à peu près inconnue jusqu’à l’édition complète qui en a été faite tout récemment.

Si du point de vue de la production littéraire Georges Scholarios figure parmi les plus grands noms de la littérature byzantine, s’il s’est assimilé la science des Grecs et celle des Latins dans le domaine philosophique et théologique, il apparaît bien moins brillant sous le rapport du caractère. Il y a, en effet, dans sa vie, quelque chose qui peut faire suspecter la loyauté de sa conduite : nous voulons parler de ses attitudes successives et nettement contradictoires à l’égard de l’union avec les Latins, de sa palinodie sur la question dogmatique de la procession du Saint-Esprit. A un moment donné, il a soutenu la thèse latine et, tout en blâmant l’addition du Filioque au Symbole, il s’est déclaré prêt à transiger sur cette question, d’ailleurs secondaire. Au contraire, quelques années après le concile de Florence, Marc d’Éphèse une fois disparu, nous le voyons se mettre à la tête du parti antiunioniste et mener une lutte sans merci contre le décret signé par les Grecs au concile ; il reprend la thèse de Photius et de Marc d’Éphèse sur la procession du Saint-Esprit a Paire solo, se montre intraitable sur la question de l’addition au Symbole. Il est vrai que, depuis le xviie siècle et jusqu’à nos jours, le fait de cette volte-face radicale a été nié ou mis en doute par beaucoup d’auteurs. Mais on ne peut désormais en contester la réalité. Les preuves en seront données plus loin (col. 1554 sq).

On peut reprocher encore à notre Byzantin une vanité naïve. La modestie littéraire n’est pas son fort, et il se vante assez souvent de ses écrits. Du reste, devenu moine et même patriarche, il abonde en termes d’humilité sur sa personne. Il s’appelle « l’humble moine Gennade » et implore la miséricorde de Dieu en des oraisons jaculatoires, dont il a parsemé ses autographes. Chose plus remarquable encore et qui montre qu’il avait le sens des réalités : dans les documents officiels qu’il a publiés comme patriarche, il ne prend pas le titre ambitieux de patriarche œcuménique, mais s’intitule « le serviteur des enfants de Dieu, l’humble Gennade », formule qui rappelle la signature de saint Grégoire le Grand. L’impression que donne la lecture de ses écrits est celle d’une âme profondément religieuse, hantée de bonne heure par le désir de la vie monastique. Mais il n’était point fait pour gouverner les hommes, il fut vite dégoûté de la charge patriarcale. A l’en croire, jusqu’à sa retraite au mont Ménécée, il eut à subir les atteintes de l’envie. Cf. la Lamentation sur les malheurs de sa vie, écrite en 1 160, Œuvres, t. i. p. 284-285. Il parle aussi, à plusieurs reprises, du mau vais état de sa santé. Tout cela peut expliquer l’irrita bilité qu’on sent percer ça et la dans quelques-uns dises écrits. Il faut cependant dire a sa louange que, ses plus grands accès polémiques contre les Latins, il s’est abstenu des violences de langage et ne si si pas cru autorisé à traiter d’hérétique l’Églisi catholique ; les Latins sont pour lui non des scliismatiques, mais des dissidents et des séparés, èo^lOftévot, Lz/e>y.<->'> èT&p680Çoi. Cf. Lettre aux moines du Mont Sinal, Œuvres, t. iv, p. 201 202. (.’est un exemple de mode rut ion rare chez ses coreligionnaires, Aussi bien, il ne trouvait que deux points taisant réellement difficulté entre les deux Églises sur le terrain dogmatique, à savoir la procession du Saint-Esprit et la question du palamisme. Voir Œuvres, t. v, p. 2. Cela, pourtant, ne peut nous faire oublier le rôle néfaste que cet homme a joué après le concile de Florence pour maintenir un schisme déplorable dénué de toute base sérieuse dans le domaine de la doctrine.