Dictionnaire de théologie catholique/UNITÉ DE L'ÉGLISE I. L'Écriture

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Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 321-325).

UNITÉ DE L’ÉGLISE. Pour le petit noyau de disciples qui constituaient l’Église naissante, le Christ priait ainsi à la dernière cène : « Je vous prie afin que tous soient un comme vous, mon Père, êtes en moi et moi en vous, afin qu’eux aussi soient un en nous et qu’ainsi le monde croie que vous m’avez envoyé. » Joa., xvii, 21. L’unité de l’Église est ici affirmée et comme propriété et comme note. On verra ce qu’enseignent à ce sujet :
I. L'Écriture
II. Les Pères , col. 2179.
III. La théologie catholique, col. 2198.
IV. La théologie orthodoxe, col. 2209.
V. La théologie protestante, col. 2216.
VI. La conclusion, s’inspirant et de l’enseignement du magistère et des faits, montrera sous quel aspect il convient de présenter aujourd’hui l’argument de l’unité de l’Église, col. 2224.

I. L’Écriture.

L’unité du royaume de Dieu annoncé par le Christ, c’est-à-dire de l’Église.

1. Le royaume de Dieu sur la terre.

Un royaume représente une unité sociale, groupant autour d’un principe d’autorité les éléments qui le constituent. Or, Jésus annonce qu’il vient établir sur terre le royaume des cieux ou de Dieu, Matth., iv, 17 ; x, 5-7 ; Marc, i, 15 ; annonce déjà faite par le Précurseur, Matth., m, 22. Royaume de nature religieuse où l’on adore Dieu « en esprit et en vérité ». Joa., iv, 21-24. On s’y prépare par la pénitence, Matth., iv, 17 ; cf. Marc, i, 15 ; Matth., iii, 2. Pour avoir part au royaume, il faut boire au même calice et être baptisé du même baptême que Jésus, Matth., xx, 20-21 ; Marc, x, 38-39 ; le vrai caractère de la messianité du Christ est dévoilé par l’annonce de sa passion et de sa mort. Matth., xvi, 17-18 ; 21-24 ; cf. xvii, 22-23 ; Marc, viii, 31-32 ; Luc, ix, 22-25. Devant le sanhédrin, Jésus déclare la nature spirituelle de sa mission, Marc, xiv, 61-62 ; cf. Matth., xxvi, 62-64 ; Luc. xxii, 67-69 ; et, devant Pilate, le caractère de sa royauté, Matth., xxvii, 11 ; cf. Marc, xv, 2 ; Luc, xxiii, 3 : « Mon royaume n’est pas de ce monde », Joa., xviii, 36 ; cf. xix, 8-16. Aussi, pour entrer dans le royaume, il faut rompre avec les préjugés juifs relatifs à sa nature, Matth., xi, 12 ; cf. xxi, 43 ; xxiii, 37-38 (exclusion des Juifs récalcitrants).

Ce royaume, malgré certaines perspectives eschatologiques, voir ici Parousie, t. xi, col. 2047, est appelé à se constituer et à se développer sur terre. Sous son aspect temporel, il est déjà là, avec le Messie. Luc, xvii, 20. Jésus, dans nombre de paraboles, indique les perspectives de son développement : paraboles du semeur, Matth., xiii, 3-9 ; 18-23 et parall. (prédication de la parole de Dieu, faite à tous et différemment reçue) ; du froment et de l’ivraie, Matth., xiii, 24-30 ; 36-43 (lutte entre la vérité et l’erreur, le bien et le mal, la sanction finale étant reportée au jugement). Le royaume grandira comme la moisson à venir, Marc, iv, 26-29 ; comme le levain qui soulève la pâte, Matth., xiii, 33-35 ; cf. Luc, xiii, 20-21 ; comme le grain de sénevé qui, toute petite semence, devient une grande plante sur laquelle perchent les oiseaux du ciel, Matth., xiii, 31-32 ; cf. Marc, iv, 3032 ; Luc, xiii, 1-19. Le royaume aura une existence terrestre d’une certaine durée, car le recul de la gloire eschatologique est figuré par la longue absence du maître dans la parabole des mines, Luc, xix, 12 ; par le retard apporté par l’époux à sa venue, Matth., xxv, 5 ; par l’interdiction faite de séparer le bon grain de l’ivraie jusqu’au moment de la moisson, Matth., xiii, 30, c’est-à-dire jusqu’au jugement dernier. Ibid., 40-41. D’ici là, les membres du royaume auront, comme leur maître, à souffrir persécution, Matth., x, 16 sq. ; Luc, x, 3 ; cf. Matth., x, 24 ; 34-40 ; et c’est seulement après que toutes les nations auront manifesté leur haine aux disciples du Christ, Matth., xxiv, 9 ; cf. Marc, xiii, 13 ; Luc, xxi, 17 ; Joa., xv, 18-21 et que l’Évangile aura été prêché dans l’univers entier, c’est seulement alors que viendra la fin. Matth., xxiv, 14.

2. Les membres du royaume.

C’est dans l’entourage de Jésus que commence le royaume. Ceux qui en font partie sont reconnus à leurs fruits, Matth., vu, 16 ; cf. xxi, 43 : fidélité aux enseignements divins, observance des commandements, amour du prochain, obéissance des « brebis » à la voix du Christ et des pasteurs envoyés par lui. Matth., vii, 24 ; xiii, 19 ; Luc, vi, 44-45 ; 47-48 ; xi, 28 ; Marc, iv, 20 ; Joa., v, 24 ; viii, 51 ; x, 1-18 (parabole du bon pasteur) ; xviii, 37 ; cf. Luc, x, 16 ; Matth., x, 40-41. Ceux dont l’obéissance à Dieu se traduit par des fruits de sainteté constituent la « famille » de Jésus. Luc, viii, 21 ; cf. Matth., xii, 50. Eux seuls connaissent les « mystères » du royaume. Matth., xiii, 11 ; Marc, iv, 11 ; Luc, viii, 10.

Ainsi, de l’ensemble des auditeurs de Jésus, se distinguent déjà ceux qui sont appelés à faire partie du royaume. Les miracles accomplis par le Sauveur montrent le royaume déjà arrivé (eqQtxæv). Matth., xii, 28 ; cf. Luc, xi, 20. Voir Lagrange, Evangile selon saint Marc, Paris, 1911, p. 16. En s’entêtant dans ses préjugés et sa résistance, le peuple juif perd les droits que sa situation privilégiée lui donnait à faire partie du royaume et ses droits seront transférés à d’autres : paraboles des ouvriers de la vigne, Matth., xx, 1-16 ; des vignerons homicides, xxi, 33-II ; des noces royales, xxii, 1-14. Sages et prudents selon le monde en seront exclus ; aux petits, avant tous, sa révélation. Matth., xi, 25-27 ; Luc, x, 21 ; cf. Matth., xviii, 3-4 ; xix, 14. Exclus, les hypocrites et les orgueilleux. Marc, vii, 6-8 ; cf. Matth., xxiii, 13-32 ; xii, 39 ; xiii, 13 ; xvi, 4. Enfin, pour entrer dans le royaume, il sera nécessaire de « renaître de l’eau et de l’Esprit », Joa., iii, 5 ; c’est-à-dire de recevoir le baptême dans l’Esprit et le feu, annoncé par Jean-Baptiste. Matth., iii, 1 1. Tout aussitôt après son entretien avec Nicodème, Jésus inaugure ce baptême et le fait conférer à ceux qui doivent devenir ses disciples. Joa., iii, 22 ; cf. iv, 1-2.

3. Les grandes lignes de la hiérarchie dans le royaume naissant. — Dans la communauté naissante, Jésus choisit douze apôtres, qui seront les chefs du nouveau royaume. Marc, iii, 14 ; cf. Luc, vi, 12 ; Matth., x, 1. Il leur donne pouvoir sur les esprits immondes, Matth., x, 1 ; les envoie prêcher la proximité du royaume. Ibid., x, 7. Leur situation est tellement prépondérante qu’ils seront désormais « les Douze » (ol 8<18exa). Matth., x, 1 ; xi, 1 ; xx, 17 ; Marc, iii, I I ; vi. 7 ; xiv, 10, 43 ; Luc, îx, 1 ; xxiv, 9 (les Onze). etc. Sel de la terre, lumière du monde, Mat th., v, 13-14, ils seront les témoins exceptionnels de la prédication et des mirai les du Christ, Act., i, 21 sq. ; ils ont ainsi un rapport étroit avec la constitution du royaume. Cf. Franzelin, De Ecclesia, th. xiii. À côté des Douze est constitué le groupe des soixante douze disciples qui vont, deux à deux, dans les villes et les villages où Jésus doit passer, annoncer que le royaume de I lieu est proche. Luc, x, I ; 9. Les dénions leur sont soumis au nom de Jésus. Luc, x. 17.

Tant que Jésus est vivant, il n’est pas besoin de constituer un autre chef qui soit le centre d’unité du

royaume. Mais, soucieux de l’avenir, le Christ laisse

d’abord entendre qu’un des apôtres deviendra le chef

du royaume. Aussi les apôtres se demandent parfois, et jusqu’à la dernière cène, « qui serait le plus grand parmi eux ». Matth., xviii, 1 ; Marc, ix, 35 ; Luc, ix, 46 ; xxii, 24. Pour marquer que la primauté aura sa manifestation dans le dévouement au service de tous, Jésus rappelle que le plus grand dans le royaume devra être humble comme un petit enfant, Matth., xviii, 2-4 ; cf. Marc, îx, 34-36 ; Luc, ix, 47-48 ; et il tire cette conclusion : « Que celui qui est le plus grand parmi vous devienne comme le moindre, » Luc, xii, 25 ; cf. Matth., xx, 26-27 ; Marc, x, 43-44, à l’exemple du Fils de l’Homme qui est venu, non pour être servi, mais pour servir, Matth., xx, 28 ; Marc, x, 45. Cf. Joa., xiii, 12-27.

Le chef désigné comme futur centre de l’unité est Simon Pierre, dont le rôle est implicitement marqué dans le nom que lui impose Jésus. Marc, iii, 16 ; Luc, vi, 13-14 ; cf. Matth., x, 2 ; Joa., i, 42. Vers la fin de sa vie publique, avant d’annoncer sa passion et sa mort prochaine, Jésus déclare expressément que Pierre recueillera l’autorité suprême sur l’Église, dont il sera le fondement, 1’ « assise rocheuse » ; cf. Jer., iv, 29 ; Job, xxx, 6. Pierre a confessé sa foi en la divinité du Sauveur : à cette confession, Jésus répond par la promesse de la primauté. Matth., xvi, 18-19. Jésus n’entend pas d’ailleurs enlever aux autres apôtres leur prérogative de chefs. Matth., xviii, 1518. Ainsi se trouve esquissée la hiérarchie du futur royaume, les simples membres pouvant être déférés au jugement des chefs : « Si ton frère a péché…, dis-le à l’Église. »

4. L’unité du culte dans le royaume. -- Le futur royaume avait déjà son rite d’initiation, le baptême. A la dernière cène, le Christ lui donnera le sacrifice unique destiné à remplacer les sacrifices de l’Ancien Testament. Pour fonder le royaume, il fallait le sacrifice sanglant du Christ. De ce sacrifice sanglant, avant même qu’il fût accompli, le Christ instituait le renouvellement non sanglant qui devait caractériser l’alliance nouvelle. I Cor., xi, 24-25 ; cf. Matth., XXVI, 26-28 ; Marc, xiv, 22-23 ; Luc, xxii, 19-20. L’unité du royaume apparaît une fois de plus dans le sacrifice unique prophétisé par Malachie.

Cette unité n’empêchera pas l’universalité : le royaume doit s’étendre à toutes les nations, tout en maintenant son unité dans la foi au Christ et la soumission aux chefs établis par lui. Matth.. viii, 11-13 ; xxviii, 19-21). Cf. Joa., xii, 20-28, 32 ; Marc, xvi, 15 ; Act., i, S. On comprend mieux le sens de la parabole du bon pasteur : « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail, et il faut que je les y amène. » Joa., x, 16.

2° L’unité de l’Eglise dans la prière sacerdotale. 1. La prière pour l’unité.

À cinq reprises, Jésus insiste dans sa prière pour que ses disciples soient « un », ut sint unum. Joa., xvii, 21 sq. Cette prière est aussi certaine d’être exaucée que la demande de glorification exprimée au v. 5 et renouvelée au v. 24. Elle concerne le corps entier de l’Église, c’est-à-dire la hiérarchie apostolique, ainsi que la multitude des croyants soumis à cette hiérarchie.

Il s’agit d’abord des apôtres. Jésus les recommande à son l’ère, parce qu’il les a reçus de I)ieu et leur a fait connaître sa parole. Il prie pour eux, non pour le monde. Appartenant au Christ, ils appartiennent au l’ère et le Christ est glorifié en eux : deux raisons pour que le l’ère les prenne sous sa protection. Le Christ va les quitter pour retourner à son l’ère : autre raison pour celui ci de ne point les laisser orphelins. . 11-12. Lue quatrième raison pour le l’ère de protéger le collège apostolique, c’est la fidélité des apôtres a garder l’enseignement du Christ. Il ne s’agit pas de les enlever du monde, mais de les pré server du mal et, à cet effet, de les sanctifier dans la vérité, c’est-à-dire de les consacrer comme ministres du sacrifice, eux pour qui le Christ s’est sanctifié, c’est-à-dire sacrifié. Maldonat, In Joa., xvii, 17-19, cité par Billot, De Ecclesia, th. iii, § 1, note. La raison de cette sanctification, intimement liée au sacrifice, c’est que le Christ les envoie dans le monde, comme lui-même a été envoyé par le Père. Aussi demande-t-il l’unité pour ceux qui, après lui, continueront à prêcher l’évangile, apôtres et continuateurs des apôtres, avec qui il sera « tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles ». Matth., xxviii, 20.

Mais il s’agit encore de tous ceux qui croiront en Jésus, grâce à la prédication apostolique. Pour tous ces croyants, Jésus prie également et demande l’unité : ut sint unum sicut et nos… ; ut omnes unum sint… ; ut et ipsi in nobis unum sint… ; ut sint unum sicut et nos unum sumus… ; ut sint consummuti in unum. Joa., xvii, 20-23. La comparaison avec l’unité des personnes divines montre jusqu’à quel point Jésus veut que cette unité règne parmi les membres de son royaume : ut sint consummuti in unum !

2. En quoi consiste l’unité demandée par le Christ ? — a) C’est tout d’abord une unité dans la foi transmise par les apôtres. Jésus, en effet, prie « pour ceux qui, par leur parole, croiront en lui ». Joa., xvii, 20. Si l’on veut être sauvé, il faut croire et être baptisé, le baptême étant profession extérieure de foi en même temps que rite introducteur dans l’Église. Marc, xvi, 16 ; cf. Luc, x, 16.

b) C’est aussi une unité par la subordination des membres aux pasteurs et particulièrement aux pasteurs suprêmes. Cela ressort des promesses faites aux apôtres, Matth., xviii, 18, et à Pierre, ibid., xvi, 18-19 ; cf. Luc, xvii, 32-34. La métaphore du royaume suggérait déjà cette idée, qui est plus nettement indiquée dans la métaphore du bercail, dont le bon pasteur a la direction. Joa., x, 11. C’est à l’aide de ce symbole que la primauté sera effectivement conférée à Pierre : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Joa., xxi, 15-17. Cette unité ne suppose pas seulement l’unité dans le commandement ; elle comporte l’unité dans l’obéissance des subordonnés. Cf. Matth., x, 40 ; Luc, x, 16 ; Joa., xiii, 20.

c) C’est enfin une unité de communion entre pasteurs et fidèles et des fidèles entre eux. « Qu’ils soient consommés en un ! » Joa., xvii, 23. Cette unité est l’union dans la charité mutuelle des membres sous la direction des chefs et cette unité ne peut être réalisée que par la vie du Christ, chef de l’Église, circulant dans les membres de son corps mystique. Parabole de la vigne et des sarments. Joa., xv, 1-12. Ainsi, intérieurement, cette communion suppose la participation des âmes à la vie du Christ. Extérieurement, elle implique d’abord l’adhésion des intelligences à la même foi, mais aussi la cohésion des volontés sous l’impulsion du chef suprême : ainsi, à l’unité extérieure de la foi et du gouvernement s’ajoute la sympathie des membres entre eux, singuli alter alterius membra, dira saint Paul.

3° Réalisation effective de l’unité après la résurrection. — La constitution définitive du « royaume » fut accomplie, après la résurrection, en diverses apparitions. La première eut lieu le jour même de la résurrection, Jésus se manifestant aux Onze assemblés dans le cénacle : « Comme mon Père m’a envoyé, leur dit-il, moi, je vous envoie. » Joa., xx, 21. C’est, confiée aux apôtres, la mission d’établir l’Église par toute la terre. Une autre eut lieu près du lac de Tibériade, après la seconde pêche miraculeuse : Jésus confère la primauté à Pierre : « Pais mes agneaux, pais mes brebis. » Ibid., xxi, 15-17. L’unité de gouvernement est ainsi définitivement établie. Et saint Matthieu fait

écho, relatant les paroles de Jésus : « Toute puissance, m’a été donnée au ciel et sur la terre ; allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du I-’ils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai recommandé. Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des siècles. Matth., xxviii, 16-20. Pouvoir de gouverner, d’enseigner la vraie foi, d’imposer une discipline conforme aux prescriptions du Christ, promesse d’assistance perpétuelle et d’indéfectibilité, ces paroles du Sauveur condensent les éléments essentiels de l’unité et de la stabilité du royaume, tout en promulguant la nécessité du baptême pour y entrer. L’universalité du royaume — toutes les nations — ne doit affecter en rien l’unité promise.

4° L’unité de l’Église et l’enseignement des apôtres.

— Cet enseignement continue et précise celui du Christ. Aussitôt après la Pentecôte, le souci des apôtres est de conserver entre eux une unanimité qui s’affirme en maintes occasions ; cf. Act., i, Î4 ; iv. 24 ; v, 12. La communauté naissante persévère elle-même dans la doctrine des apôtres, la communion à la fraction du pain et les prières. Ibid., ii, 42. La mise en commun des biens n’est que la manifestation de la communion des âmes. Ibid., 44-46. Pour rester unis dans leur ministère sacré, les apôtres, après avoir choisi le successeur de Juda, i, 15-26, élisent les sept diacres et, en commun, leur imposent les mains, vi, 1-6. C’est aussi le collège des apôtres qui envoie Pierre et Jean en Samarie, viii, 14 ; discute de l’admission des gentils dans la communauté chrétienne, xi, 1 sq. ; décide de ne pas imposer aux païens convertis les rites mosaïques, xv, 6-30. Pratiquement, l’unité est conservée et l’entrée de saint Paul dans le collège des apôtres ne fait que l’affermir. Gal., ii, 7-9.

Cette parfaite communion des apôtres n’empêche pas Pierre de manifester sa suprême autorité. C’est lui qui prend l’initiative de l’élection de Matthias, Act., i, 15 ; qui, accompagné des Onze, explique aux Juifs étonnés le mystère de la descente du Saint-Esprit, n, 14 sq. ; qui guérit le boiteux de la Belle Porte, iii, 4 ; qui, à la suite de ce miracle, prend de nouveau la parole, iii, 12 ; qui, au nom des apôtres, proclame leur devoir commun de prêcher le Christ, iv, 8 ; qui punit Ananie et Saphire coupables d’avoir voulu tromper Dieu, v, 1 sq. ; qui préside la réunion de Jérusalem, xv, 7. Le « conflit d’Antioche », montre au moins le cas exceptionnel que Paul faisait de l’attitude et de l’autorité de Pierre. Voir Boiron, Saint Paul témoin de la primauté de saint Pierre, dans Recherches de science religieuse, 1913, p. 489-531. Sur la primauté de Pierre par rapport aux autres apôtres, voir ici Primauté, t. xiii, col. 151-262 ; d’Herbigny, Theologica de Ecclesia, § 156-161.

1. Enseignement particulier de saint Paul.

L’unité de la foi est une des principales préoccupations de l’apôtre : « Un seul Seigneur, une seule foi. un seul baptême, un seul Dieu et père de tous, qui est au-dessus de tous, (agissant) par tous et (demeurant) en tous. » Eph., iv, 5. Cette unité de la foi est en corrélation étroite avec l’unité du corps entier et la paix qui doit relier entre eux les membres du corps. Ibid., 3-4. Cette unité de la foi sera, dans l’Église, le résultat des dispositions prises par le Christ, tant pour l’enseignement de la vérité que pour la coordination des membres de l’Église dans la charité, jusqu’à la fin du monde :

Lui-même a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes d’autres comme évangélistes, d’autres comme pasteurs et docteurs, en vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du corps du Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à l’âge de la plénitude du Christ (sur la signification eschatologique de ces dernières expressions, voir I Cor., xiii, 10-12). Il veut que nous ne soyons plus des enfants, flottants et emportés à tout vent de doctrine par ta 1 romperie des hommes, par leur astuce pour nous induire en erreur ; mais que, pratiquant la vérité dans la charité, nous croissions à tous égards en union avec celui qui est le chef, le Christ. C’est de lui que tout le corps, bien coordonné et solidement uni par tous les liens d’une assistance mutuelle, suivant une opération mesurée pour chaque membre, tire son accroissement et s’édifie lui-même dans la charité. Eph., iv, 11-16.

Ainsi l’unité de la foi va de pair avec l’unité de communion sous la direction suprême du Christ : doctrine du corps mystique dont le Christ est la tête, le Saint-Esprit l’âme. Corps mystique du Christ, l’Eglise est tô 7rXy]pcou.a toù Ta TcâvTa èv ttôccti TrXrjpou(iivou, Eph., i, 23, c’est-à-dire que le Christ est complété par l’Église, comme la tête est complétée par les membres. Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, t. i, Paris, 1908, p. 413. De ce corps mystique, l’analogie du corps humain est la meilleure illustration : la variété des organes avec toutes les diversités qu’elle comporte ; leur unité dans un principe commun de mouvement et de vie. Cf. Rom., xii, 4, 5 ; I Cor., xii, 12, 14-19. Paul ne fait guère qu’énoncer ces deux conditions ; il insiste sur la solidarité des membres entre eux. I Cor., xii, 14-2fi. Aux fidèles, quelle que soit leur situation dans l’Église et quels que soient les charismes dont ils sont favorisés, il enseigne à avoir les uns pour les autres les sentiments d’une mutuelle charité : « Vous êtes corps du Christ et membre d’une partie (de ce corps) ». Ibid., xii, 27. Paul écrit ici : ôpxiç Se ÈaTec ; wp.aXpiaToù : o"a>u.a sans article, parce qu’il s’agit d’une Église particulière, Corinthe. Mais l’argument prend de ce chef une valeur nouvelle, puisqu’il laisse entendre que l’Église universelle est to 0cô(aa Xpicrroù. Pc Christ mystique, dont parle Paul, ne se présente pas sous le même aspect que le Christ naturel. Le Christ naturel, c’est le Verbe incarné, partie principale, tête du Christ mystique. Le Christ mystique, c’est la vraie vigne avec ses rameaux, la tète avec ses membres ; c’est Jésus avec l’Église : Christus lotus, dira plus tard l’auteur du De unilale Bcclesiæ, n. 7, P. L., t. xliii, col. 396.

Le principe de cohésion, d’unité, de vie du corps mystique, c’est l’Esprit. I Cor., xii, 11 ; cf. Eph., iv. I. L’Esprit agit en nous d’une façon si intime que nous agissons, vivons, sommes mus par lui. Rom., i, 11 : xii. Il ; Gal., v, lfi, 18, 25. De même que le corps humain est un malgré ses diversités ; de même aussi le Christ mystique. El la raison en est que tous les organes de ce corps mystique sont unis par le même principe de vie, l’Esprit, I Cor., xii. Cf.

Le Christ est la tête du corps mystique. Des six passages où le Christ est appelé » chef - ou télé ». deux n’ont avec le corps mystique qu’un rapport assez lointain. Col., n. H) ; i, ], s. Dans les quatre autres passages, l’idée de prééminence est plus nette et se rapporte expressément à l’idée d’un chef dont l’influence est nécessaire pour rendre vivant l’organisme entier. Dans Eph., i, 22. 23. parlant du Christ. Paul écrit : Il (Dieu le Père) a mis toutes choses sous ses pieds ri la établi chef de toute l’Église (ccurov ïfo.yLz i t ; i <-.z : ~, —, -.’/- -r ey.xXïjafa), laquelle est son corps et la plénitude de celui qui est complété entiè il en tous ses membres » CSjTlÇ iaxl ~'> <-, <>).-L

-’, -/t Ê.’/i’-’, '> rà Jîâvxa êv Ttâoi irX7)pou(iévou),

à-dire que le Christ est complété entièrement

(omnia ou rcàvra étant pris adverbialement) par

e. Cf. l’rat, op. cit., p. 413, note 2. La com paraison du corps humain et du corps mystique se complète, ibid., v, 23, d’une analogie avec le mariage, dans lequel l’homme est le chef de la femme. L’épouse est subordonnée à l’époux ; ainsi tout homme au Christ, 1 Cor., xi, 3 ; ainsi l’Église est soumise au Christ, son chef, sauveur de son corps (mystique) : ô Xpio-TÔç xscpaXy) tt ; ç’ExxX^aîaç, xal ocùtôç sem acoT/)p Toû atopiaToç. Le rôle de tête assigné au Christ dans l’Église revient encore sous la plume de Paul à propos d’un illuminé de Colosses, « vainement enflé des pensées de sa chair et n’adhérant pas à la tête par laquelle le corps entier, entretenu et uni ensemble au milieu des contacts et des ligaments, tire l’accroissement que Dieu lui donne ». Col., ii, 18-19 (où xpotTcov tïjv xscpotX^v, èî où Tcàv to aâ>[xoc âtà tcov àcpôiv xal auv-Ss ^i-cûv è~i./op7)Yoùu.evov xal au ; j.6t.ëx’Çôii.svov aù^st. tyjv aû^TjtTtv toù 0soû). Ainsi le corps reçoit de la tête : 1. Son unité (auu.616a^6pisvov) ; 2. Son accroissement normal (au^si ttjv aù^aiv tou f)zo>) ; 3. Tout l’influx vital (sTri.yopriYouji.svov) et cela au moyen des communications (âcpaî, aùvSsapioi, nerfs, muscles, etc. ; entre la tête et le corps, dont la condition essentielle est d’adhérer (xpocTstv) à la tête. Prat, op. cit., p. 423.

Enfin, dans Eph., i, 15-16, Paul ajoute quelques traits nouveaux concernant le rôle de la tête dans l’Église. Non seulement la tête donne au corps son unité ; mais, par elle, l’harmonie et l’accord résultent de la juste disposition des parties. C’est sous son influence que le corps se développe dans une proportion convenable. En un mot, conclut E. Prat, « la tête est, aux yeux de Paul, le centre de la personnalité, le lien de l’organisme et le foyer de tout influx vital ». Op. cil., p. 423.

En tant que corps mystique du Christ, l’Eglise est une et notre incorporation au Christ est le grand principe de l’unité. La doctrine paulinienne de l’unité de l’Église est condensée dans Eph., iv, 3-(i : « Ayez soin de conserver l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix : un seul corps ( :  ; Tv.>|J.a) et un seul esprit (xa ! Ev LlvEÛfjia), comme vous fûtes appelés dans une même espérance de votre vocation (xa60>ç y.y.1 éxXt|8t)ts âv (Xii èXiceSe Tf|Ç L’/rrr-ciç ûu, <ï>v) ; un seul Seigneur ( ; ] ; K-jpior), une seule foi (iv.x nldTi :), un seul baptême (lv [^.tct tapis) ; un seul Dieu et Père de tous les hommes, qui est au-dessus de tous, agit par tous, réside en tous ( :  ! ’; 6>e<K xai 71aTr, p 7Civt<ov, o S71î 7I7vto>v, xat Six ndtVTtov xai sv Tzy.if/). » Ainsi, sept éléments — trois intrinsèques, trois extérieurs et transcendants — entrent dans la constitution de l’Eglise et en resserrent l’unité. L’Église est une dans son principe matériel, puisqu’elle est un seul corps ; une dans son principe formel car elle est animée par un même Esprit, une dans sa tendance et sa cause finale qui est la gloire de Dieu et de son Christ par le bonheur des élus. Elle est une aussi par l’autorité qui la gouverne une par la commune foi qui lui sert de règle et de nonne extérieure, une par sa cause efficiente, le rite baptismal, qui lui donne l’être et l’accroissement. Saint Paul résume d’un mot ces six principes d’union : « Tous, vous êtes un ( - : et non pas ; —, ) dans le Christ-. Jésus. » Cal., III, 28. Reste le septième principe : » le Dieu et Père de tous les hommes »… L’apôtre précise ailleurs sa pensée. Il nous apprend que toute l’humanité est destinée désormais à former une même famille dans la maison d’un commun l’ère, une même théocratie sous le sceptre d’un même roi (cf. Eph., ii, 14-22). F. Prat, op. cit., p. 426-427.

L’unité de gouvernement, telle que nous l’entendons sous la conduite du pasteur suprême. Pierre, ou son successeur, n’est pas expressément marquée. Paul a surtout voulu mettre en relief l’obligation de se soumettre au Christ, l’unique Chef. Les chrétiens ne relèvent finalement ni de. Paul, ni d’Apollos, ni de Kèphas, mais du Christ qui ne saurait être divisé. I Cor., i. 12-13. De là. l’obligation d’éviter toute division, xii, 25 ; d’établir une sollicitude mutuelle entre

les membres, ibid. ; de supprimer toute distinction entre « Juifs » et « Grecs », Rom., x, 12 ; cf. iii, 22 ; de garder intacte la foi enseignée au nom du Christ. Gal., i, 8 ; cf. I Tim., vi, 20 ; II Tim., ii, 16. C’est, au fond, l’idée d’une Église universelle, une et indivisible, dominant toutes les Églises particulières. Cf. Cerfaux, La théologie de V Église suivant saint Paul, Paris, 1942, 1. II ; K.-L. Schmidt, art.’ExjtXvjCTta, dans Kittel, Theologisches Worlerbuch, t. iii, p. 508 sq. ; A. Wikerhauser, Die Kirche als der mystische Leib Cliristi nach dem Apostel Paulus, 2e éd., Munster-en-W. , 1940, p. 6 sq. ; A. Fridrichsen, Église et Sacrement .dans le Nouveau Testament, dans Revue d’hist. et de philos, religieuses, t. xvii (1937), p. 345.

2. L’enseignement des autres apôtres.

Les autres apôtres n’ont pas, même de loin, exposé comme saint Paul la doctrine de l’unité de l’Église. Ils insistent surtout sur l’union qui, par la charité, doit régner entre les fidèles. Jac, iv, 1 ; I Pet., i, 22 ; iii, 8 ; II Pet., i, 7 ; I Joa., i, 7-11 ; iv, 16, 18 ; v, 20 ; II Joa., 4-6 ; III Joa., 5-6.

Saint Pierre, se préoccupant de la persévérance des chrétiens, I Pet., iii, 13-16 (cf. iv, 1-16), recommande aux pasteurs de l’Église de paître le troupeau de Dieu, non en dominateurs, mais en se faisant les modèles du troupeau ; et aux fidèles, d’être soumis aux « anciens ». Ibid., v, 1-5. D’autre part, il met en garde contre les faux docteurs qui « renient le Seigneur » et qui « attirent dans les convoitises de la chair, dans le libertinage, ceux qui s’étaient à peine retirés des hommes vivant dans l’égarement ». II Pet., ii, 1 sq., 18. En toutes ces assertions se trouve un écho de l’idée d’unité de communion, de gouvernement, de foi.

Saint Jean insiste auprès des chrétiens pour qu’ils vivent dans la lumière, c’est-à-dire dans la vérité. I Joa., i, 6-7. Vérité et lumière appellent l’amour, ii, 9-11. Pour rester fidèle à la lumière, il faut se garder des séducteurs, des antéchrists. ii, 18. Les vrais chrétiens n’écouteront pas leurs mensonges, mais garderont ce qu’ils ont entendu dès le commencement et demeureront ainsi dans le Fils et dans le Père. il, 26, 27. Ils s’éloignent ainsi des faux prophètes déjà venus en ce monde, pour rester fidèles à l’Esprit de Dieu qui « confesse que Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ». iv, 2 ; cf. v, 6. Il y a opposition irréductible entre « l’esprit de la vérité » et « l’esprit de l’erreur ». v, 5. Dans la deuxième épître, Jean met encore en garde « la dame Électe » contre les mêmes faux docteurs, 7-11.

Même préoccupation chez saint Jude, t. 8-13 : les faux docteurs provoquent des divisions…, n’ayant pas l’esprit de Dieu ». ꝟ. 19. Les fidèles élèveront l’édifice de leur perfection sur le fondement de la foi. ꝟ. 20.

Ainsi, une double préoccupation hante les apôtres : union dans la foi et dans la charité. Leur autorité sur l’Église est implicitement affirmée par les recommandations et les ordres qu’ils formulent à l’adresse de leurs destinataires.