Dictionnaire de théologie catholique/VITALIEN

La bibliothèque libre.
Dictionnaire de théologie catholique
Texte établi par Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Émile AmannLetouzey et Ané (Tome 15.2 : TRINITÉ - ZWINGLIANISMEp. 793-794).

VITALIEN, pape du 30 juillet 657 au 27 janvier 672. — Originaire de Segni, il succédait au pape Eugène I er, lequel avait été élu après l’enlèvement, mais avant la mort de saint Martin I er. Comme son prédécesseur, Vitalien dut être choisi sous la pression de l’exarque byzantin, ferme soutien, en Italie, de la politique monothélisante du basileus Constant II. Le « Type » de 648 restait toujours en vigueur, encore que, au Sacré-Palais, on fût incliné à un peu plus de modération. Quoi qu’il en soit, Vitalien évita, pour son compte, de prendre à l’endroit de Constantinople une attitude irréductible. Il envoya aux deux basileis (Constant II et son fils Constantin IV Pogonat ) la lettre synodique annonçant son élévation. Jaffé, Regesta pont. Rom., n. 2085. Bien mieux, il l’envoya également au patriarche Pierre, qui avait tenté de proposer un compromis au pape Eugène I er dans la question monothélite. Nous n’avons pas la lettre adressée par le pape Vitalien à Pierre, mais seulement la réponse du patriarche, qui fut lue à la xme session du VIe concile. Mansi, Concil., t. xi, col. 572. Cf. Grumel, Régestes de Constantinopte, n. 303. Pierre y constatait son accord avec le pape lequel, sans doute, n’avait pas insisté sur les questions brûlantes. C’est vraisemblablement à la suite de cet échange de lettres que le nom de Vitalien fut inscrit aux diptyques de Constantinople, sur lesquels, depuis Honorius I er, aucun pape n’avait plus figuré. De son côté, le basileus Constant II, le bourreau de Martin I effet de l’abbé Maxime, se montra bienveillant envers Vitalien. Les envoyés de celui-ci repartirent pour Rome avec de riches présents et un renouvellement des privilèges de l’Église romaine.

Ces rapports pacifiques devaient continuer pendant tout le règne de Constant IL En 663, le basileus qui, devant les succès croissants des Arabes, songeait à établir dans l’Italie, reconquise sur les Lombards, le centre de l’Empire romain, débarquait à Tarente et tentait, depuis l’Apulie, une attaque brusquée contre le duché lombard de Bénévent. Depuis 661, le duc Grimoald, devenu roi des Lombards, avait resserré l’unité entre le duché et le royaume. Alors que Constant tenait Bénévent assiégé, Grimoald accourait du Nord et contraignait le basileus à retraiter sur Naples. Dès lors, la visite que Constant fit à Rome en juillet 663 n’était plus qu’un geste sans portée. Reçu par le pape à six milles de la Ville, le basileus fit ses dévotions aux grands sanctuaires, Saint-Pierre, la basilique du Latran, Sainte-Marie-Majeure ; un banquet d’apparat fut offert par le pape au Latran. Bref, tous les signes d’une bonne entente 1 On fut donc extrêmement surpris quand, au moment de son départ, l’empereur donna l’ordre, comme maître souverain de Rome, d’enlever des

monuments anciens tous les métaux plus ou moins précieux. Les tuiles de bronze doré qui recouvraient la coupole du Panthéon d’Agrippa, devenu, depuis 609, l’église Notre-Dame des Martyrs, subirent le sort commun. Le Liber pontificalis en témoigne au moins de la mauvaise humeur ; mais son indignation éclate surtout au récit des exactions fiscales ordonnées par Constant II, quand celui-ci se fut installé à Syracuse, où il passa les cinq dernières années de son règne et où il sera assassiné en 668.

De ce séjour du basileus en Sicile, rien n’est connu, sauf un acte qui ne témoignait pas d’une spéciale bienveillance à l’endroit de l’Église romaine. Depuis longtemps, les archevêques de Ravenne avaient une situation assez spéciale. Bien qu’ils jouassent à l’égard des évêques d’Emilie le rôle de métropolitains, ils ne laissaient pas d’être soumis eux-mêmes au Siège apostolique, qui confirmait leur élection et les consacrait. Bref, ils n’étaient pas des métropolitains autonomes au sens où l’était par exemple l’archevêque de Milan. L’évêque Maur réussit à obtenir de Constant II un privilège du 1 er mars 666, qui l’exemptait définitivement de la juridiction métropolitaine de Rome. Cf. F. Dôlger, Regesten der Kaiser. Urkunden des Ostrômischer Reiches, n. 233. Au dire d’Agnelli, Lib. pontif. Ecoles. Ravenn., c. cxii, P. L., t. cvi, le pape aurait réagi avec une certaine violence. Sommation fut adressée à Maur de comparaître à Rome sans retard. Sur son refus, il fut menacé, au cas où il persévérerait, de déposition et d’excommunication. Cf. Jaffé, Regesta, n. 2096, 2097. À quoi Maur aurait répondu en menaçant lui-même le pape de suspense ! Là-dessus, le pape aurait voulu écrire à Constantinople, où commandait pour lors Constantin IV, pour demander que Maur fût contraint à comparaître devant le synode romain et à y répondre de son audace. Les deux adversaires seraient d’ailleurs morts presque simultanément ; Maur, même sur son lit d’agonie, ne cédait pas et recommandait à celui qui lui succéderait de solliciter le pallium de Constantinople. Peut-être Agnelli a-t-il dramatisé le conflit, mais l’existence du « privilège » de Constant II est certaine. Il faut ajouter que, pour le moment, le conflit ne s’éternisa pas : le successeur de Maur, Reparatus (671-677), rentra en communion avec le Siège apostolique. Voir Liber pontif., Vila Dont, éd. Duchesne, p. 348 ; cf. Dôlger, op. cit., n. 238.

Un autre incident montra que Vitalien n’était pas disposé à laisser prescrire, en matière de droit ecclésiastique, les privilèges du premier siège. Toute une série de pièces de sa correspondance est relative à un appel interjeté par un évêque de Crète, Jean de Lappa, contre la sentence de son métropolitain, Paul. Jaffé, Regesta, n. 2090-2093. Vitalien cassa cette sentence en synode romain, demanda aux fonctionnaires byzantins de faire exécuter les décisions prises par ce synode, tout en déclarant que, malgré les torts qu’avait pu avoir Paul, il. ne sévirait pas contre lui, car il avait agi plus par ignorance que par malice. On ignore quelle fut la conclusion de l’incident.

De l’activité pontificale de Vitalien, nous ne savons pas grand’chose d’autre. Tout au moins faut-il signaler son intervention en Angleterre, où la conquête chrétienne, commencée au temps de saint Grégoire, était paralysée surtout par les dissensions entre missionnaires romains et clergé breton. Il subsiste de Vitalien une lettre adressée à Oswin, roi de Northumbrie, en réponse à une ambassade envoyée à Rome par celui-ci. Le pape promet d’expédier un de ses représentants, qui « extirpera la zizanie » et fera l’union tout spécialement dans la question de la date pascale. Jafïé, n. 2089. La lettre doit être de 665. Quelques années plus tard, le 25 mars 668, le pape consacrait

comme métropolitain de Cantorbéry, avec pleins pouvoirs sur l’Église d’Angleterre, le moine grec Théodore, voir ci-dessus, col. 229, assurant par là même dans l’île la prédominance romaine. — Nous n’avons pas de données sur les rapports de Vitalien avec les royaumes francs ; les quelques pièces où interviennent les noms de souverains de ces pays sont apocryphes, de même que celles où il est question du vol, au Mont-Cassin, des reliques de saint Benoît et de leur transfert à Fleury-sur-Loire. Jafïé, n. 2099-2101. Ce que nous disons d’ailleurs sans rien préjuger de la vérité de ladite « translation ».

L’assassinat de Constant II à Syracuse fut l’occasion, en Sicile, d’un pronunciamento militaire, qui donna la pourpre au cornes obsequii, Mezezius. Vitalien demeura loyal envers l’empereur Constantin IV Pogonat, fils et légitime successeur de Constant II. Le jeune basileus montra sa reconnaissance à l’endroit de Rome. Dans sa lettre au pape Donus, qui inaugurait la reprise de contact entre le Sacré-Palais et la Curie romaine pour mettre fin au monothélisme, Constantin IV rend hommage au loyalisme de Vitalien. Dôlger, op. cit., n. 242. À quelque temps de là, quand le nouveau patriarche œcuménique Théodore II (677-679) voulut faire rayer des diptyques le nom de Vitalien, le basileus s’y opposa avec la plus grande énergie. Ainsi, même après sa mort, se faisait sentir l’action pacificatrice de Vitalien.

.laffé, Regesta pontificum Romanorum, t. i, p. 231237 ; L. Duchesne, Liber pontificalis, t. i, p. 343 sq. ; Caspar, Geschichte des Papsttums, t. ii, p. 580 sq.

É. Amann.