Dictionnaire des proverbes (Quitard)/bec

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bec. — N’avoir que du bec.

Bec pour caquet, se trouve dans Villon, Coquillart, Marot, etc., et dans plusieurs autres locutions proverbiales que je vais rapporter.

Faire le bec à quelqu’un.

C’est le styler, lui faire la leçon, lui apprendre ce qu’il doit répondre pour ne rien dire de compromettant dans une affaire.

Prendre quelqu’un par le bec.

C’est prendre quelqu’un par ses paroles, l’amener à se couper dans son discours, le faire tomber en contradiction.

On a remarqué qu’il n’y a pas dans la langue française de mot plus ancien que le mot bec, qui se retrouve dans tous les dialectes celtiques. Suétone (In Vitell., cap. 18) nous apprend que le toulousain Antonius Primus, ami du poëte Martial et poëte lui-même, dont la victoire valut l’empire à Vespasien, avait été surnommé Bec par ses compatriotes.

Les bègues sont ceux qui ont le plus de bec.

Balbutientes plus cæteris ioquuntur.

Ceux qui parlent moins bien sont ceux qui parlent davantage. Il semble qu’ils ne puissent énoncer une idée qu’en recourant à un nombre infini de paroles, de même que les bègues ne parviennent à articuler un mot qu’à force d’en répéter les syllabes. L’esprit des premiers et tout juste comme la langue des seconds.

Ce proverbe s’emploie pour critiquer des prétentions ridicules et sans fondement.

Caquet-bon-bec, la poule à ma tante.

On appelle ainsi une cajoleuse, une enjôleuse.

M. de Walckenaer croit que l’expression vraiment comique de caquet-bon-bec est de l’invention de La Fontaine, qui dit en parlant de la pie dans la fable 11 du livre xii ;

Caquet-bon-bec alors de jaser au plus dru.

Mais il se trompe, puisque le dicton dont elle fait partie se trouve dans les Curiosités françaises d’Antoine Oudin, recueil imprimé en 1640, c’est-à-dire 54 ans avant le douzième livre des fables, qui ne parut qu’en 1694.

Ce dicton a fourni à M. de Junquières le titre d’un poëme badin qui est d’une lecture agréable.

Tenir quelqu’un le bec dans l’eau.

Le tenir dans l’incertitude, en différant de prendre une détermination sur une affaire qui l’intéresse, l’amuser par de vaines espérances. C’est comme si l’on disait le tantaliser, car cette expression est évidemment une allusion au supplice de Tantale, que les poëtes représentent plongé jusqu’au menton dans un étang dont l’eau, échappant sans cesse à ses lèvres desséchées, l’empêche d’apaiser la soif brûlante qui le dévore.

Passer la plume par le bec à quelqu’un.

Le frustrer des espérances qu’on lui a données ; le prendre pour dupe ou pour jouet.

Cette façon de parler a sans doute été prise, dit Moisant de Brieux, de ce qui se pratique à la campagne par les paysans, qui passent effectivement une plume par le bec ou dans les narines des oies et des canes, quand ils veulent les empêcher de couver. Cependant, ajoute-t-il, un grand homme croit qu’elle fait allusion à une espiéglerie de clercs ou d’écoliers qui, pour faire pièce à un nouveau venu, lui tirent la plume lorsqu’il la met à la bouche, et lui barbouillent les lèvres d’encre. Voilà deux origines au lieu d’une, et toutes deux sont probables. Mais quelle est celle qu’il faut préférer ? En vérité, je ne le sais, et je ne cherche pas à le savoir, car je ne vois pas que ceux qui le savent aient un grand avantage sur ceux qui l’ignorent. J’espère que mes lecteurs voudront bien penser comme moi.