Dictionnaire des proverbes (Quitard)/encens

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encens. — Selon les gens l’encens.

Il y a des vers latins dialogués dans lesquels le diable et un moine échangent les paroles suivantes, que les uns regardent comme le principe et les autres comme la conséquence du dicton :

Diabolus. Super latrinam non debes dicere primam.
Monachus. Quod vadit supra do Deo, tibi quod vadit infra.

Voici une imitation de ces vers :

Un jour le diable ayant trouvé
Saint Pacome sur un privé,
Qui disait tout bas ses matines,
S’écria : Dans un sale lieu,
Pacome, peux-tu prier Dieu,
Et faire un autel des latrines !
Lors le bon moine lui repart :
Que cela ne te mette en peine ;
Ce qui monte en haut, Dieu le prenne ;
Ce qui tombe en bas soit ta part.

Je ne sais si le fait attribué à saint Pacome est rapporté dans quelque légende, mais il y en a un d’analogue que citent plusieurs historiens. L’impératrice Agnès, veuve de Henri III surnommé le Noir, chargea, disent-ils, un évêque de faire cette belle question à Pierre Damiani, savant ecclésiastique regardé comme l’oracle de son siècle : Utrum licenet homini inter ipsum debiti naturalis egerium aliquid ruminare psalmorum ? À quoi Pierre Damiani répondit qu’il était permis de réciter les psaumes aux latrines tout en faisant ses besoins naturels, puisque saint Paul avait dit dans sa première épître à Thimothée (ch. ii, v. 8) : Volo ergo viros orare in omni loco, je veux qu’on prie en tout lieu.

L’encens entête et tout le monde en veut.

Le pape Jean XXIII, avait coutume de dire, Tu m’aduli ma mi piace. Tu me flattes, mais tu me plais.. Mot charmant dont on trouve une traduction originale dans cet autre mot plus charmant encore qui était familier à Henri IV : Tu me flattes, mais va toujours. Je ne sais si ce n’est pas le même pape qui, étant comparé à Dieu lui-même par un moine italien, s’écria : C’est un peu fort, mais ça fait toujours plaisir.

Les louanges les plus outrées sont toujours bien accueillies ; si ce n’est comme l’expression exacte de la vérité, c’est du moins comme le témoignage indulgent de la bienveillance qu’on se flatte d’inspirer ; tout en reconnaissant qu’elles ne sont pas justes, on les croit sincères, et il n’y a personne qui ne soit charmé de voir les autres se tromper ainsi à son avantage. Cependant il en est d’ordinaire de ces louanges comme des calomnies, dont il reste toujours quelque fâcheux effet.

 L’encens noircit l’idole en fumant pour sa gloire.

(Mercier.)