Dictionnaire des proverbes (Quitard)/femme

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femme. — Ce que femme veut, Dieu le veut.

Il n’y a pas moyen de résister à la volonté des femmes : ce qu’elles veulent se fait presque toujours, comme si Dieu le voulait. — Ce proverbe, qui égale l’opiniâtreté du sexe à la puissance divine, a inspiré à La Chaussée ce joli vers :

Ce que veut une femme est écrit dans le ciel.

Les Latins avaient deux adages analogues qu’ils appliquaient aux hommes comme aux femmes : Nobis animus est deus ; notre esprit est un dieu pour nous. — Quod volumus sanctum est ; ce que nous voulons est saint ou sacré. Le premier est rapporté en grec par Plutarque, qui en attribue l’invention à Menandre ; le second est cité par saint Augustin.

Il faut chercher une femme avec les oreilles plutôt qu’avec les yeux.

Il faut considérer la bonne réputation plutôt que la beauté de celle qu’on veut prendre pour épouse. Ne regarder qu’à la beauté dans le choix d’une épouse, c’est vouloir, comme disait la reine Olympias, se marier pour les yeux, ou, suivant l’expression de Corneille, épouser un visage. Lamothe Levayer dit que le sommeil dans lequel Dieu plongea notre premier père, au moment où il voulut lui donner une compagne, est un avis de nous défier de notre vue et de prendre une femme, les yeux fermés.

La plus belle femme ne peut donner que ce qu’elle a.

C’est-à-dire, lorsqu’une personne fait tout ce qu’elle peut, il ne faut pas en exiger davantage. — Ce proverbe n’est pas juste sous tous les rapports, car une femme donne précisément ce qu’on croit recevoir d’elle, puisque, en ce genre, c’est l’imagination qui fait le prix de ce qu’on reçoit. Les faveurs qu’elle accorde ont plus que leur réalité propre, suivant l’heureuse expression de Montesquieu.

La plus honnête femme est celle dont on parle le moins.

« Les anciens, dit Jean-Jacques Rousseau dans sa lettre à d’Alembert, avaient en général un très grand respect pour les femmes ; mais ils marquaient ce respect en s’abstenant de les exposer au jugement du public, et croyaient honorer leur modestie en se taisant sur leurs autres vertus. Ils avaient pour maxime que le pays où les mœurs étaient le plus pures était celui où l’on parlait le moins des femmes, et que la femme la plus honnête était celle dont on parlait le moins. C’est sur ce principe qu’un Spartiate entendant un étranger faire de magnifiques éloges d’une dame de sa connaissance, l’interrompit en colère : Ne cesseras-tu point, lui dit-il, de médire d’une femme de bien ? De là venait aussi que, dans leur comédie, les rôles d’amoureuses et de filles à marier ne représentaient jamais que des esclaves ou des filles publiques. »

Quoique nous n’ayons point pour les femmes le même respect que les anciens, nous n’en avons pas moins adopté la maxime proverbiale dont ils se servaient comme d’une espèce de critérium qui leur fesait reconnaître le degré d’estime qu’ils devaient à chacune d’elles. Il y a même dans notre langue une expression vulgaire qui confirme la vérité de cette maxime : c’est l’expression Faire parler de soi ; quand elle s’applique à une femme, elle emporte toujours une idée de blâme, tandis qu’elle se prend généralement dans un sens d’éloge quand elle se rapporte à un homme. Cette femme fait parler d’elle est une phrase qui signifie que cette femme donne lieu à de mauvais propos sur son compte par une conduite répréhensible ; Cet homme fait parler de lui se dit ordinairement pour exprimer que cet homme se distingue par ses talents ou par ses belles actions.

Prends le premier conseil d’une femme et non le second.

Les femmes jugent mieux d’instinct que de réflexion : elles ont l’esprit primesautier, suivant l’expression de Montaigne ; elles savent pénétrer le secret des cœurs et saisir le nœud des intrigues et des affaires avec une merveilleuse sagacité, et les soudains conseils qu’elles donnent sont presque toujours préférables aux résultats d’une lente méditation. C’est pour cela sans doute que les peuples celtiques les regardaient comme des êtres inspirés, leur attribuaient le don des oracles, et leur accordaient une grande influence dans les délibérations politiques.

Les Chinois ont un proverbe tout à fait semblable au nôtre : Les premiers conseils des femmes, disent-ils, sont les meilleurs, et leurs dernières résolutions les plus dangereuses.

Qui de femme honnête est séparé, d’un don divin est privé.

Une femme honnête est vraiment un don divin, et il n’y a pas de plus grand malheur pour un mari que d’en être privé ; car il perd avec elle un sage conseil dans ses entreprises, une douce consolation dans ses chagrins, une heureuse assistance dans ses infirmités, une source d’agréments et de joie dans toutes les situations de la vie. Et quel trésor sur la terre pourrait valoir cette fidèle amie, cette tendre bienfaitrice, ou plutôt cette providence de tous les instants ? Procul et de ultimis finibus pretium ejus. (Salomon, Prov., c. 31, v. 10.)

Il n’est attention que de vieille femme.

Une jeune femme ne s’occupe guère que d’elle-même. Elle est enivrée de sa beauté au point de croire qu’elle n’a pas besoin d’autre séduction pour régner sur les hommes. Mais il n’en est pas de même d’une femme qui commence à vieillir : elle sent que son empire ne peut plus se maintenir par des charmes qu’elle voit s’altérer chaque jour. Elle sacrifie sa vanité aux intérêts de son cœur ; elle s’applique à fixer l’homme qu’elle aime par les attraits de la bonté ; elle est toujours aux petits soins pour lui, et il n’y a pas de douces prévenances, de délicates attentions qu’elle ne lui prodigue.

Ce proverbe s’entend aussi de certaines fonctions domestiques confiées aux femmes. Il est reconnu qu’une vieille femme s’en acquitte plus soigneusement qu’une jeune. Par exemple ; elle est bien meilleure garde-malade, car elle ne cherche pas autant à prendre ses aises et ne craint pas que la privation de sommeil lui donne un teint pâle avec des yeux battus.

Maison faite et femme à faire.

Il faut acheter une maison toute faite afin de ne pas être exposé aux inconvénients et aux dépenses qu’entraîne la bâtisse, et il faut prendre une jeune femme dont le caractère ne soit pas formé, afin de pouvoir la façonner sans peine à sa manière de vivre.

La femme est toujours femme.

C’est-à-dire toujours faible, toujours légère, toujours inconstante. Varium et mutabile semper femina. (Virg.)

Foi de femme est plume sur l’eau.

Un proverbe des Scandinaves dit : Ne vous fiez point aux paroles de la femme, car son cœur a été fait tel que la roue qui tourne.

Il ne faut pas se fier à femme morte.

Ce proverbe nous est venu des Grecs et des Latins. Diogénien rapporte qu’il a dû son origine à la funeste aventure d’un jeune homme qui, étant allé visiter le tombeau de sa marâtre, fut écrasé par la chute d’une colonne élevée sur ce tombeau.

Si la femme était aussi petite qu’elle est bonne, on lui ferait un habillement complet et une couronne avec une feuille de persil.

Manière originale et comique de classer la bonté de la femme parmi les infiniment petits.

Bonne femme, mauvaise tête
Bonne mule, mauvaise bête.

Jean Nevizan, professeur de droit à Turin, au commencement du seizième siècle, dit dans son curieux ouvrage intitulé : Sylva nuptialis, la Forêt nuptiale, que Dieu forma dans la femme toutes les parties du corps qui sont douces et aimables, quæ sunt dulcia et amicabilia ; mais que pour la tête il ne voulut pas s’en mêler, et qu’il en abandonna la façon au diable : de capite noluit se impedire, sed permissit illud facere dæmoni.

Femme rit quand elle peut, et pleure quand elle veut.

Un autre proverbe dit grossièrement : À toute heure chien pisse et femme pleure. — Ovide prétend que la facilité des larmes chez les femmes est le résultat d’une étude particulière.

Ut fierent oculos erudiere suos.

Une femme ne cèle que ce qu’elle ne sait pas.

C’est-à-dire qu’une femme est incapable de garder un secret. Mais ceci doit s’entendre d’un secret qui lui est confié, et non d’un secret qui lui appartient en propre ; car elle cache toujours très bien ce qu’il lui importe personnellement de cacher : par exemple, son indiscrétion ne va jamais jusqu’à révéler son âge.

À qui Dieu veut aider sa femme lui meurt.

On dit aussi : À qui perd sa femme et un denier, c’est grand dommage de l’argent. Ces deux proverbes, usités chez nos aïeux, démentent formellement la réputation de galanterie qu’on a voulu leur faire.

Ce n’est rien ; c’est une femme qui se noie.

Mauvaise plaisanterie de quelque Sganarelle. Celui de Molière en fait une de la même espèce. Lorsque la suivante de Célie l’appelle en s’écriant : Ma maîtresse se meurt, il lui répond :

Quoi ! n’est-ce que cela ?
Je croyais tout perdu de crier de la sorte.

Un proverbe espagnol venge le beau sexe de l’injustice du nôtre ; une femme y dit : Ce n’est rien ; c’est mon mari que l’on tue.

Je partage le sentiment exprimé par La Fontaine dans ces vers du début de sa fable intitulée La femme qui se noie :

Je ne suis pas de ceux qui disent : Ce n’est rien ;
C’est une femme qui se noie.
Je dis que c’est beaucoup, et ce sexe vaut bien
Que nous le regrettions, puisqu’il fait notre joie.

Il est permis de battre sa femme, mais il ne faut pas l’assommer.

Ce proverbe a été originairement une formule de droit. Plusieurs anciennes chartes de bourgeoisie autorisaient les maris, en certaines provinces, à battre leurs femmes, même jusqu’à effusion de sang, pourvu que ce ne fût point avec un fer émoulu, et qu’il n’y eût point de membre fracturé. Les habitants de Villefranche en Beaujolais jouissaient d’un pareil privilége qui leur avait été concédé par Humbert IV, sire de Beaujeu, fondateur de leur ville. Quelques chroniques assurent que le motif d’une telle concession fut l’espérance où était ce seigneur d’attirer un plus grand nombre d’habitants, espérance qui fut promptement réalisée.

On trouve dans L’Art d’aimer, poëme d’un trouvère, le passage suivant : « Garde-toi de frapper ta dame et de la battre. Songe que vous n’êtes point unis par le mariage, et que, si quelque chose en elle te déplaît, tu peux la quitter. »

La Chronique bordelaise, année 1314, rapporte ce fait singulier : À Bordeaux, un mari accusé d’avoir tué sa femme comparut devant les juges, et dit pour toute défense : Je suis bien fâché d’avoir tué ma femme ; mais c’est sa faute, car elle m’avait grandement irrité. Les juges ne lui en demandèrent pas davantage, et ils le laissèrent se retirer tranquillement, parce que la loi, en pareil cas, n’exigeait du coupable qu’un témoignage de repentir.

Un de ces vieux almanachs qui indiquaient à nos bons aïeux les actions qu’ils devaient faire jour par jour donne, en plusieurs endroits, l’avertissement que voici : Bon battre sa femme en hui.

Cette odieuse coutume, qui se maintint légalement en France, suivant Fournel, jusqu’au règne de François Ier, paraît avoir été fort répandue dans le treizième siècle ; mais elle remonte à une époque plus reculée. Le chapitre 131 des lois anglo-normandes porte que le mari est tenu de châtier sa femme comme un enfant, si elle lui fait infidélité pour son voisin. Si deliquerit vicino suo, tenetur eam castigare quasi puerum. Un article du concile tenu à Tolède l’an 400 dit : Si la femme d’un clerc a péché, le clerc peut la lier dans sa maison, la faire jeûner et la châtier, sans attenter à sa vie, et il ne doit pas manger avec elle jusqu’à ce qu’elle ait fait pénitence.

Comment des ministres de la religion chrétienne, qui a tant fait pour l’émancipation et la dignité des femmes, ont-ils pu concevoir la pensée de les soumettre à une pénalité si brutale et si dégradante ! Ils auraient dû être conduits par l’esprit de cette religion, où tout est amour et charité, à proclamer le principe de la loi indienne qui dit dans une formule pleine de délicatesse et de poésie : « Ne frappe pas une femme, eût-elle commis cent fautes, pas même avec une fleur. »

Remarquons, du reste, que le droit de battre n’a pas toujours appartenu aux maris exclusivement. La dame noble qui avait épousé un roturier pouvait lui infliger la correction avec des verges, toutes les fois qu’elle jugeait cela convenable. (Voyez la fin de l’article : Porter la culotte.)

Jean Belet, dans son Explication de l’office divin, parle d’un singulier usage de son temps : La femme, dit-il, bat son mari la troisième fête de Pâques, et le mari bat sa femme le lendemain : ce qu’ils font pour marquer qu’ils se doivent la correction l’un à l’autre et empêcher qu’ils ne se demandent, en ce saint temps, le devoir conjugal[1].

Qui femme a, noise a.

Saint Jérôme dit : Qui non litigat cælebs est, celui qui n’a point de dispute est dans le célibat, ce qui paraît avoir été un proverbe de son temps, inventé probablement par quelque moine. Ainsi il est décidé par l’autorité même d’un père de l’Église que les querelles sont inséparables de l’état de mariage. Mais est-ce avec raison que le tort de ces querelles est imputé aux femmes seules ? Consultez ces dames ; elles répondront toutes qu’il appartient en entier aux maris, qui ont voulu les charger des reproches qu’ils méritent eux-mêmes. Après cela, tâchez de résoudre, si vous le pouvez, une question qui divise le genre humain en deux opinions si tranchées. Le plus sage est de croire que ces opinions sont également fondées. Il est plus facile, dit très bien Montaigne, d’accuser un sexe que d’excuser l’autre.

Temps pommelé et femme fardée
Ne sont pas de longue durée.

Le temps est pommelé lorsqu’il y a des couches de ces petits nuages qui ressemblent à des flocons de laine et qui sont appelés, en quelques endroits, les éponges du ciel, par une métaphore assez heureuse. Ce signe paraît-il quand il fait beau, c’est une preuve que les vapeurs se condensent ; se montre-t-il quand il fait mauvais, c’est une preuve qu’elles se divisent ; et dans les deux cas il indique un changement prochain dans l’état de l’atmosphère. — Le fard est un cosmétique pernicieux à la peau : les femmes qui en font usage sont flétries bien promptement, et c’est là tout ce qu’elles gagnent à vouloir mettre sur leur visage plus que Dieu n’y a mis, comme dit le troubadour Pierre de Résignac.

Il faut toujours que la femme commande.

Le désir le plus vif et l’étude la plus constante des femmes, de mère en fille, depuis que le monde existe, c’est, dit-on, de dominer. Elles ont pour y parvenir une tactique merveilleuse qui ne se trouve presque jamais en défaut. Les hommes ne savent pas y résister. Ce n’est qu’en apparence qu’ils sont les maîtres, et le droit du plus fort, dont ils se glorifient, n’est rien en comparaison du droit du plus fin, dont elles ne se vantent pas.

Un vieux Minnesinger, dans un accès de gynécomanie poétique, a cherché à montrer par une allégorie singulière que la femme est réellement la maîtresse : il l’a représentée assise sur un trône superbe, avec douze étoiles pour couronne, et la tête de l’homme pour marche-pied.

On a prétendu à tort que, dans l’antiquité, le beau sexe fut généralement réduit à une espèce de servage. Cet état, inconciliable avec le caractère dont il est doué, n’a pu exister que par exception, et chez un petit nombre de peuples. Il ne serait pas difficile de prouver que la gynécocratie politique et la gynécocratie domestique ont été plus en usage dans les siècles antérieurs au christianisme que dans les siècles postérieurs. Voici quelques faits historiques assez curieux à l’appui de cette assertion. Sémiramis fit une loi réputée longtemps inviolable qui attribuait aux femmes l’autorité sur les hommes. La législation des Sarmates prescrivit qu’en toutes choses, dans les familles et dans les villes, les hommes fussent sous le gouvernement des femmes. En Égypte, chaque mari devait être esclave de la volonté de la sienne : il s’y engageait formellement par une clause indispensable exigée dans tous les contrats de mariage. À Carras, en Assyrie, il y avait un temple dédié à la lune où l’on n’admettait que ceux qui fesaient hautement profession de se montrer toujours soumis à leurs épouses, et l’on assure que de toute la contrée les dévots pèlerins ne cessaient d’y affluer.

Femme qui prend, se vend ; — Femme qui donne, s’abandonne.

Ce proverbe, qu’on divise quelquefois en deux, n’a une juste application qu’en matière galante. C’est une sentence émanée des anciennes cours d’amour. Des femmes et des chevaux, il n’y en a point sans défauts.

La perfection n’appartient à aucun être sur la terre, et sans doute il n’en faut pas chercher le modèle chez les femmes. Mais les hommes sont-ils donc moins imparfaits qu’elles ? La vérité est que les femmes ont plus de petits défauts, et les hommes plus de vices achevés.

Que les femmes fassent les femmes et non les capitaines.

Ce n’est point un ridicule imaginaire que signale ce proverbe. Les dames françaises, à diverses époques, affichèrent réellement des prétentions militaires, non-seulement dans leurs discours, mais dans leurs actions, comme si elles n’avaient pas eu de passe-temps plus agréable que d’imiter les Marphises et les Bradamantes ; et plusieurs histoires, notamment les Antiquités de Paris, par Sauval, an 1457, parlent des capitainesses investies du commandement de certaines places fortes. Cette manie, à laquelle contribua sans doute beaucoup la lecture des romans chevaleresques, prit un nouveau développement dans le seizième siècle, lorsque l’imprimerie eut multiplié les exemplaires de plusieurs de ces livres, par les soins de François Ier, qui les jugeait propres à favoriser le projet qu’il avait de faire revivre l’ancienne chevalerie dans une nouvelle chevalerie de sa façon. Les sallons devinrent alors des espèces d’écoles d’amour et de guerre, où les dames se montraient jalouses de donner des leçons dans les deux arts. Elles tenaient en honneur d’exercer en public une sorte d’empire sur leurs amants ; elles les engageaient dans telle ou telle faction de l’époque, et les envoyaient, parés d’écharpes et de faveurs, remplir le rôle qu’elles leur avaient assigné. Souvent même elles leur fesaient la conduite, et traversaient la ville à cheval, caracolant à côté d’eux, ou montées en croupe avec eux.

Les femmes sont trop douces, il faut les saler.

Cette ironie proverbiale, qui s’entend sans commentaire, fait allusion à l’ancienne farce des Femmes salées, dont il est parlé dans l’Histoire du Théâtre français. Voici la piquante analyse que M. A.-A. Monteil a donnée de cette pièce curieuse imprimée à Rouen, chez Abr. Cousturier, en 1558. — « Des maris sont venus se plaindre que leur ménage sans cesse paisible était sans cesse monotone, que leurs femmes étaient trop douces. L’un d’eux a proposé de les faire saler. Aussitôt voilà un compère qui se présente, qui se charge de les bien saler : on lui livre les femmes ; et le parterre et les loges de rire. Les femmes, quelques instants après, reviennent toutes salées, et leur sel mordant et piquant se portant au bout de la langue, elles accablent d’injures leurs maris ; et le parterre et les loges de rire. Les maris veulent alors faire dessaler leurs femmes : le compère déclare qu’il ne le peut ; et le parterre et les loges de rire davantage. Enfin la pièce si plaisamment nouée est encore plus plaisamment dénouée, car les maris, qui sont des maris parisiens, c’est-à-dire des maris de la meilleure espèce, qu’on devrait semer partout, particulièrement dans le Nouveau-Monde, au lieu de dessaler, comme en province, leurs femmes avec un bâton, se résignent à prendre patience ; et le parterre et les loges de rire encore davantage, de ne pouvoir plus applaudir, de ne cesser de se tenir les côtés de rire. »

Trois femmes font un marché.

C’est-à-dire qu’elles échangent autant de paroles qu’il s’en échange dans un marché. Le proverbe italien associe une oie aux trois femmes : Tre donne e una occa fan un mercato. — On trouve dans le recueil de Gabriel Meurier : Deux femmes font un plaid, trois un grand caquet, quatre un plein marché. — Les Auvergnats disent : Les femmes sont faites de langue, comme les renards de queue.

La langue des femmes est leur épée, et elles ne la laissent pas rouiller.

Proverbe que nous avons reçu des Chinois, qui, du reste, ne se bornent pas à une telle plaisanterie sur l’intempérance de la langue féminine ; car un de leurs livres classiques met le babil fatigant au nombre des sept causes de divorce que les épouses ont à craindre.

Les Allemands ont fait une variante grossière à ce proverbe. Ils disent : Die Weiber fuhren das Schwerd im Maule, darum muss man sie auf die scheide Schlagen. Les femmes portent l’épée dans la bouche, c’est pourquoi il faut les frapper sur la gaîne.

Ils disent encore : Einer todten Frau der muss man die Zunge besonders todt Schlagen. À femme trépassée, il faut tuer la langue en particulier.

D’après un proverbe du moyen âge, la langue des femmes est tellement vivace, que l’amputation même n’en peut arrêter le caquet : Lingua mulieris ne quidem excisa silet. L’idée de ce proverbe, que saint Grégoire de Nazianze a rappelé dans la première de ses épîtres, paraît avoir été suggérée par une plaisanterie d’Ovide, qui raconte que la langue d’une femme ayant été arrachée de son palais, s’agitait parterre en parlant toujours. Étrange pouvoir de l’habitude !

La rage du babil est-elle donc si forte
Qu’elle doive survivre en une langue morte !

Un auteur facétieux a prétendu que la langue, chez les femmes, n’est pas l’unique instrument des paroles, et que les bonnes commères ne resteraient pas muettes quand même elles seraient privées de cet instrument. Il cite à l’appui de son assertion l’exemple d’une jeune fille portugaise qui, étant née sans langue, jasait du matin au soir ; ce qui donna lieu au distique suivant :

Non mirum elinguis mulier quod multa loquatur :
Mirum cum linguâ quod taceat mulier.
Il se peut que sans langue une femme caquette,
Mais non qu’en ayant une elle reste muette.

  1. La raison pour laquelle les époux devaient s’abstenir du devoir conjugal, non-seulement pendant les fêtes de Pâques, mais pendant les autres fêtes et les dimanches, d’après la recommandation même de l’Église, était fondée sur une superstition qui leur fesait croire que les enfants procréés ces jours-là ne pouvaient manquer d’être noués, contrefaits, épileptiques ou lépreux. Cette superstition existait dès le sixième siècle. (Voyez Grégoire de Tours, de Mirac. S. Martini, lib. 11, c. 24.)