Dictionnaire des proverbes (Quitard)/fièvre

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fièvre. — La fièvre de Saint-Vallier.

Jean de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, père de la célèbre Diane de Poitiers, ayant été arrêté après la fuite du connétable de Bourbon, dont il était le parent et l’ami, fut condamné à être décapité, en place de Grève, par arrêt du 24 janvier 1524, comme complice de ce prince et criminel de lèse-majesté. Mais il fut préservé du supplice par des lettres de rémission arrivées au moment même où il allait se baisser pour recevoir le coup de la hache du bourreau[1]. Presque tous les historiens rapportent que la terreur qui le frappa, quand on lui lut son arrêt de mort, fit blanchir ses cheveux en quelques heures, et qu’en allant de la prison à l’échafaud, il fut saisi d’une fièvre extraordinaire qu’ils attribuent à la même cause, quoique les actes du procès et le rapport de Braillon, médecin du parlement, prouvent que c’était une fièvre invétérée qui lui avait fait obtenir un sursis, et lui avait épargné les tourments de la question. C’est à cette fièvre, regardée comme l’effet subit de la peur, que fait allusion l’expression proverbiale, employée pour signifier le tremblement qu’éprouve un homme en présence du danger.

On trouve dans les Contes d’Eutrapel : Il en fut quitte pour une once de la peur de Saint-Vallier.

  1. On croit à tort que les lettres de rémission furent obtenues par l’entremise de Diane de Poitiers qui désarma le courroux de François Ier, ému, dit-on, à sa vue, d’un autre sentiment que celui de la pitié. Rien n’est moins prouvé que ce fait qui, s’il était vrai, donnerait quelque fondement à l’opinion de certains auteurs qui veulent que cette dame ait été la maîtresse de ce monarque avant d’être celle de Henri II, d’où vient que Buchanan l’a surnommée Diana venatrix regum. Ce n’est pas à elle que les lettres de rémission furent octroyées, mais à son mari, le comte de Maulevrier-Brézé, grand sénéchal de Normandie, qui avait découvert la conspiration. Elles n’accordaient pas du reste une grâce pure et simple au coupable : elles commuaient sa peine en une détention perpétuelle entre quatre murailles, où il ne devait recevoir le jour et la nourriture que par une petite lucarne. E. Pasquier (Recherches, liv. viii, ch. 39) prétend qu’il mourut de la fièvre quelques jours après la terrible épreuve à laquelle il fut soumis. Cependant le traité de Madrid, conclu en janvier 1526, atteste qu’il existait encore et était prisonnier, à cette époque, puisque sa délivrance est stipulée dans une des clauses de ce traité.