Dictionnaire des proverbes (Quitard)/noblesse

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noblesse. — Noblesse vient de vertu.

Il n’y a dans la nature que deux classes d’hommes, les bons et les méchants. C’est la division la plus simple et la plus caractérisée. Le besoin et mille autres circonstances ont obligé la société d’établir, parmi les membres qui la composent, un grand nombre de distinctions ; mais, pour les rendre légitimes et sacrées, elle a dû les fonder sur le mérite, et faire dériver la noblesse de la vertu.

On lit dans la Genèse (ch. vi, v. 8 et 9) ce passage remarquable : « Noé trouva grâce devant le Seigneur. Voici la généalogie de Noé : Noé était un homme juste et parfait. » Cette généalogie est aussi rare que nouvelle. Elle nous apprend, dit saint Chrysostome, que toute la splendeur de la naissance n’est rien aux yeux de Dieu, en comparaison de la justice et de la perfection.

Si la noblesse ne reste point unie à la vertu qui l’a produite, elle dément son origine, et n’est plus qu’une ignominie rétroactive pour les aïeux.

Afin de prévenir un tel déshonneur, les Chinois ont fait une loi qui ordonne d’anoblir les ascendants et non les descendants de l’homme généreux que ses vertus ou ses talents ont élevé à un rang supérieur.

Pour juger de ce que c’est que la noblesse sans le mérite, il suffit d’observer que M. de *** qui vit dans l’infamie, est plus noble que son aïeul qui consacra sa vie entière à la pratique de toutes les vertus.

La noblesse héréditaire, disait Arlequin, est la seule chose à laquelle les hommes qui en jouissent n’aient aucune part active. Ils naissent nobles sans leur participation ; et, si leur mère accouchait d’un monstre, il serait d’aussi bonne maison qu’eux.

Les docteurs hébreux disent : Tu demandes pourquoi Adam est seul de première formation ? — C’est afin que, parmi les hommes à venir, l’un ne pût pas dire à l’autre : Je suis de plus noble race que toi.

Qui prend des lettres de noblesse,
Déclare d’où vient sa richesse.

La profession que l’anobli avait exercée et dans laquelle il s’était enrichi, était rappelée dans les lettres de noblesse qu’il obtenait. On peut rapporter à ce proverbe le mot de Ménage : Que les armoiries des maisons nouvelles sont, pour la plus grande partie, les enseignes de leurs anciennes boutiques.

Noblesse oblige.

Proverbe qui se retrouve dans le passage suivant d’un ancien auteur : Hoc unum in nobilitate bonum, ut nobilibus impoposita necessitudo videatur, ne à majorum virtute degenerent. Il n’y a que ceci de bon dans la noblesse, c’est qu’elle semble imposer à ceux qui naissent nobles, l’obligation de ne pas dégénérer de la vertu de leurs ancêtres. — Ce proverbe, qui retrace l’esprit et le caractère de la vraie chevalerie, enseignait à nos anciens nobles qu’ils avaient plus de devoirs à remplir que les autres hommes, et que, pour ne pas déroger à leur naissance, ils étaient tenus de se signaler par la pratique des vertus civiles et militaires. C’est, sous une autre expression, le même précepte que leur fesaient entendre les hérauts d’armes dans les tournois : Souvenez-vous de qui vous êtes fils et ne forlignez point.

Si la noblesse n’est point un mérite, elle est du moins un avantage ; et, quoi qu’en disent les docteurs en libéralisme qui affectent de la mépriser, ils ne persuaderont jamais aux gens sensés que ce soit un point de départ inutile, dans la route de la vertu, que de descendre d’une famille illustre. La mémoire et le respect des aïeux deviennent toujours une source de généreuses inspirations.