Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Abstémius

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ABSTÉMIUS[* 1] (Laurent), né à Macerata, dans la Marche d’Ancône, s’attacha à l’étude des belles-lettres et y fit assez de progrès. Il les enseigna dans Urbin et y fut bibliothécaire du duc Guido Ubaldo[a], auquel il dédia un petit livre où il expliquait quelques passages difficiles des anciens auteurs[b]. Ce fut sous le pontificat d’Alexandre VI qu’il publia cet ouvrage, et un autre qui a pour titre Hecatomythium, et qui fut dédié à Octavien Ubaldini, comte de Mercatelli. La raison de ce titre fut tirée de ce que l’ouvrage était un recueil de cent fables[c]. Il en doubla le nombre dans la suite. On les a souvent imprimées (A) avec celles des anciens faiseurs d’apologues, Ésope, Phèdre, Gabrias, Aviénus, etc., que Névelet a rassemblées en un corps et accompagnées de quelques notes. Abstémius ne s’est pas toujours borné à l’idée de ces anciens originaux ; il mêle quelquefois parmi ses fables ce que l’on appelle un conte pour rire, et il n’épargne pas toujours le clergé (B). On trouve de ses conjectures sur quelques passages des anciens dans le premier volume du Trésor Critique de Grutérus, on en trouve, dis-je, sous le titre d’Annotationes variæ. Elles sont en bien petit nombre et ne remplissent pas quinze pages. Il y a une préface de sa façon à la tête de l’Aurélius Victor, qui fut imprimé à Venise en 1505[d]. Je ne sais pas s’il survécut beaucoup à cette édition. Il est un de ceux que Laurent Valle a censurés.

Prenez garde aux observations que l’on m’a communiquées depuis la première édition (C).

  1. * Son véritable nom, dit le Menagiana, 1715, III, 411, était Bévilacqua.
  1. Voyez Gruteri Thes. Crit, tom. I. pag. 878.
  2. Opusculum de nonnullis Locis obscuris. Vide Epist dedicat. ejus Hecatomythii.
  3. Voyez-en l’épître dédicatoire.
  4. Epitome Bibliot. Gesneri.

(A) On les a souvent imprimées. ] Gesner marque l’édition de Strasbourg, en 1552. Celle dont Névelet a eu soin est plus moderne de quatre-vingt-huit ans. Les notes qu’il y a jointes sont peu de chose ; et ce n’est point sans doute pour l’amour d’elles qu’on a renouvelé souvent l’impression. Il n’en a point fait sur les fables d’Abstémius : aussi n’en avaient-elles pas besoin.

(B) Il n’épargna pas toujours le clergé. ] En voici une preuve. La CIVe. de ses fables est qu’un prêtre fut commis par son prélat à la garde d’un couvent où il y avait cinq religieuses, de chacune desquelles il eut un garçon au bout de l’an. L’évêque, apprenant cette nouvelle, s’en fâcha, fit venir le prêtre, lui fit une rude mercuriale, et le traita de perfide, de sacrilége, d’homme qui avait osé violer le temple du Saint-Esprit. Seigneur, lui repondit-on, vous m’aviez commis cinq talens, voici j’en ai gagné cinq autres par-dessus. Le prélat prit tant de plaisir à une réponse si facétieuse, qu’il donna pleine absolution au prêtre. Quo dicto tam faceto permotus episcopus, homini veniam dedit. La moralité que l’auteur a mise au bas de la fable ne vaut pas mieux que la fable même, par rapport à de semblables profanations de l’Écriture. Puisqu’on ne peut pas, dit-il[1], se justifier d’un crime par de bonnes raisons, il faut recourir à quelque plaisanterie. Il est certain que cela a réussi en plusieurs rencontres ; mais un évêque qui se paierait d’une profanation aussi goguenarde que celle qu’on vient de lire, ne ferait guère mieux son devoir que le gardien des cinq religieuses.

(C) Prenez garde aux observations que l’on m’a communiquées depuis la première édition. ] « Les conjectures d’Abstémius, insérées dans le premier volume du Trésor Critique de Gruter, ne sont qu’un extrait de l’ouvrage intitulé Obscurorum locorum [2], dédié au duc d’Urbin. Gruter, qui nous a donné cet extrait, a mis au commencement une petite note marginale, dans laquelle il dit que Laurent Valle a critiqué cet Abstémius. Je doute fort de ce fait ; nulle trace de cette prétendue critique ne se trouvant dans les œuvres de Laurent Valle, que d’ailleurs Abstémius a hautement loué dans la préface de son second Hecatomythium, et avec qui apparemment il n’a pas dû avoir de grands démêlés, lui ayant survécu tout au moins quarante-huit ans. Il est le premier, que je sache, qui ait écrit le conte des talens multipliés. Le Bandel, Verville, et d’autres l’ont depuis rapporté. » Ces paroles sont tirées d’une lettre qui m’a été écrite par M. de la Monnaie.

  1. Fabula indicat, peccata, cùm ratione nequeant, urbanitate diluendâ. Abstemi Fabul. CIV.
  2. Voyez ci-dessus la citation (b) de cet article.

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