Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Zuylichem

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ZUYLICHEM (Constantin Huygens, seigneur de), secrétaire et conseiller des princes d’Orange, et l’un des beaux esprits et des bons poëtes (A) du XVIIe. siècle, naquit à la Haye, le 4 de septembre 1596. Il était le second fils de Christien Huygens (B), secrétaire du conseil d’état de la république des Provinces-Unies, et il entra sous le prince Frideric Henri dans l’emploi dont j’ai parlé. Il continua de l’exercer sous ses successeurs, jusques à ce qu’il l’eût résigné à son aîné[a]. On l’envoya à la cour de France, l’an 1661, pour solliciter la restitution d’Orange, dont le roi Louis XIV s’était mis en possession. Ayant obtenu enfin, en 1665, ce qu’il demandait, il fit un voyage à Orange pour faire remettre cette principauté entre les mains de son légitime maître. Cela fut fait avec beaucoup de solennité[b]. Il parvint à une extrême vieillesse, avec le bonheur de ne point perdre ni la solidité, ni même la vivacité de son esprit, et de voir sa famille bien établie, et l’agrément des services qu’il avait rendus pendant soixante-deux années à la maison d’Orange. Il avait entretenu un grand commerce de lettres avec les savans les plus illustres (C), et comme il aimait et qu’il entendait tous les beaux-arts, il s’était plu à favoriser ceux qui en faisaient profession. Il mourut l’an 1687, à l’âge de quatre-vingt-dix ans et six mois. Il était président du conseil du prince d’Orange : M. Huygens, l’un des premiers mathématiciens de l’Europe ; était l’un de ses trois fils (D).

  1. Voyez la remarque (D).
  2. Voyez la relation que M. de Chambrun, ministre d’Orange, en publia l’an 1666.

(A) Et des bons poëtes. ] On a de lui une infinité de vers flamands : il a publié aussi des poésies latines sous le titre de Momenta desultoria.

(B) Il était le second fils de Christien Huygens. ] Ce Christien était fils de Corneille Huygens, gentilhomme de Brabant, et de Gertrude Back [1]. Il fut le premier de sa famille qui s’établit en Hollande. Il prit alliance [2] dans une famille très-considérable d’Anvers ; car il épousa Susanne Hoefnagle, fille de Jacques Hoefnagle et d’Élisabeth Veseler[3] Ce Jacques Hoefnagle était si riche, qu’il donna trois cent mille francs pour se racheter de la garnison espagnole quand elle se mutina dans Anvers l’an 1576. Cette grosse rançon le mit à couvert de la fureur du soldat lui et sa famille, et la belle maison qu’il avait bâtie ; mais elle n’empêcha pas qu’on ne tuât entre ses bras un de ses parens qui s’était réfugié auprès de lui. La maison de plaisance qu’il fit bâtir à un quart de lieue d’Anvers y est encore connue sous le nom de Lanternhof. Balthazar Hoefnagle, son fils aîné, se maria avec la fille du chancelier de Brabant [4]. Quant à Christien Huygens, il se trouva auprès du prince Guillaume en qualité de secrétaire des commandemens, dès la fondation de la république des Provinces-Unies. L’histoire de Reydanus et celle de Hooft rapportent une belle action qu’il fit étant député de ce prince, après la mort duquel il fut secrétaire du conseil d’état. Il mourut à la Haye l’an 1624, laissant deux fils et deux filles. Maurice Huygens son fils aîné, filleul du prince Maurice, naquit à la Haye le 12 de mai 1595, et fut secrétaire des états après la mort de son père : il a laissé postérité. Constantin Huygens, second fils de Christien, est celui qui fait le sujet de cet article. Il avait deux sœurs : Gertrude Huygens, l’aînée, épousa Philippe Doublet, seigneur de Saint-Annelant, etc., receveur-général de la république des Provinces-Unies. De ce mariage est sorti Philippe Doublet, seigneur de Saint-Annelant, etc., qui a épousé Susanne Huygens sa cousine germaine, fille de notre Constantin Huygens. L’autre sœur dudit Constantin s’appelait Constance Huygens ; elle naquit le 2 d’août 1602, et épousa David le Leu de Wilhelm, comme je l’ai dit ci-dessus[5].

(C) Il avait entretenu un grand commerce de lettres avec les savans les plus illustres. ] Principalement avec Daniel Heinsius, avec Nicolas Heinsius fils de Daniel, avec Vossius, avec Éricius Putéanus, avec Balzac [6], avec Corneille, et plus encore avec le père Mersenne et avec M. Descartes [7]. Notez qu’il est fort parlé de lui dans les lettres qu’on a imprimées de plusieurs savans : voyez entre autres celles de M. de Wicquefort et de Barléus, qu’on vient de donner au public en latin et en français[8].

(D) M. Huygens, l’un des premiers mathématiciens de l’Europe était l’un de ses trois fils. ] Il s’appelait Christien ; il est mort le 8 de juillet 1695, à l’âge de soixante-six ans, sans avoir jamais été marié. L’hymen n’eût convenu guère à une personne toute consacrée, comme lui, à la recherche de ce qu’il y a de plus profond dans les mécaniques, dans l’astronomie, dans la géométrie, etc. Voyez son éloge dans l’Histoire des Ouvrages des Savans[9]. Pour le bien dresser, M. de Beauval n’a eu besoin de nous donner la liste des écrits et des inventions de ce grand homme. Vous trouverez aussi son éloge et celui de M. de Zuylichem son père, dans une lettre qui fut écrite par Sorbière le 13 de juillet 1660[10]. M. Huygens n’avait alors que trente-un ans[11]. Son frère aîné, qui s’appelait Constantin, fut secrétaire de M. le prince d’Orange, par la démission de son père, et il continua de posséder cet emploi depuis l’installation de ce grand prince sur le trône de la Grande-Bretagne. Il mourut à la Haye au mois de novembre 1697. M. de Zuylichem laissa un troisième fils, qui est mort à Rotterdam au commencement de juillet 1699. Il avait la charge de député à l’amirauté de la Meuse pour toute sa vie. Il a laissé une fort belle famille. Son fils aîné possède la seigneurie de Zeelhem, dont M. Huygens le mathématicien a porté le nom les dernières années de sa vie.

  1. Qui était fille de Christien Back, et de Lucie Back de Weelden, de la même tige que ceux d’Asten.
  2. Étant âgé de vingt-six ans.
  3. Fille aînée de George Veseler intendant-général des monnaies du roi d’Espagne.
  4. Nommé Théodore van Liefvolt, seigneur de Hamme, Sainte-Anne, Opdorp, etc.
  5. Dans l’article Wilhem, tome XI, page 573, remarque (F). Tout ceci est tiré d’un Mémoire communiqué au libraire.
  6. Balzac lui adressa La Critique de l’Herodes infanticide de Heinsius, Diverses lettres qu’il lui a écrites sont imprimées.
  7. Voyez M. Baille, dans la Vie de Descartes, passim.
  8. À Amsterdam, 1696.
  9. Mois d’août 1695, art. IX, pag. 542 et suivantes.
  10. Sorbière, Lettres et Relations, pag. 143 et suiv., édition de Paris, 1660, in-8°.
  11. Sorbière ne lui en donne que vingt-quatre ; il se trompe.

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