Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Polyphage

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Henri Plon (p. 550-551).
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Polyphage. On a publié à Wittemberg, il y a vingt ou trente ans, une dissertation sous ce titre : De polyphago et alio triophago Witlemlergensis dissertatio, in-4o. C’est l’histoire d’un des plus grands mangeurs qui aient jamais existé. Cet homme, si distingué dans son espèce, dévorait quand il voulait (ce qu’il ne faisait toutefois que pour de l’argent) un mouton entier, ou un cochon, ou deux boisseaux de cerises avec leurs noyaux ; il brisait avec les dents, mâchait et avalait des vases de terre et de verre, et même des pierres très-dures ; il engloutissait des animaux vivants, oiseaux, souris, chenilles, etc. Enfin, ce qui surpasse toute croyance, on présenta un jour à cet avale-tout une écritoire couverte de plaques de fer ; il la mangea avec les plumes, le canif, l’encre et le sable. Ce fait si singulier, qui doit consterner nos hommes sauvages, nos mangeurs de cailloux et nos jongleurs de places publiques, a été attesté par sept témoins oculaires, devant le sénat de Wittemberg. Quoi qu’il en soit, ce terrible estomac jouissait d’une santé vigoureuse ; il termina ses prouesses à l’âge de soixante ans. Alors il commença à mener une vie sobre et réglée, et vécut jusqu’à l’âge de soixante-dix-neuf ans. Son cadavre fut ouvert ; on le trouva rempli de choses extraordinaires, dont l’auteur donne la description[1]. La seconde partie de la dissertation renferme l’histoire de quelques hommes de cette trempe et l’explication de ces singularités. Mais le tout nous semble un peu farci de ce que l’on appelle, en termes de journalisme, des canards ; et il y en a beaucoup dans les récits de merveilles.

  1. Extrait de l’Almanach historique de l’an xi.