Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Somnambulisme magnétique

La bibliothèque libre.
Henri Plon (p. 614-618).
Soneillon  ►

Somnambulisme magnétique. Nous devons parler aussi de celui-là. Une personne magnétisée s’endort profondément et parle aussitôt pour révéler les choses secrètes et lire dans les cœurs, par un prodige jusqu’ici inexplicable. Le fait dans tous les cas est constant. Nous ne l’apprécierons ni ne le jugerons, nous contentant de citer des passages curieux de divers observateurs sur un sujet si mystérieux. Voici d’abord un article digne d’attention, publié, il y a une trentaine d’années, par la Revue britannique et répété dans plusieurs journaux ; il contredit les dénégations systématiques de certaines académies. Nous mentionnerons après cela le jugement de la cour de Rome sur certains usages du somnambulisme, que dans sa profonde sagesse elle ne condamne pas en fait, mais dont elle réprouve les abus et les procédés au moins dangereux.

« A différentes époques, dit l’auteur anglais, le magnétisme a donné lieu à des discussions si vives et si animées, que des deux côtés on arriva promptement aux extrêmes ; c’est presque dire à l’erreur. Les partisans du magnétisme prétendirent que l’homme possède, dans cet état, des facultés jusqu’alors inconnues. Pour quelques-uns d’entre eux, l’espace disparaissait devant les prodiges de leurs sujets magnétisés ; il n’en coûtait que le simple effort de la volonté pour la nature des choses les plus différentes, pour métamorphoser une tonne d’eau de la Tamise en vin de Champagne, ou pour répandre sur une population affamée les bienfaits d’une nourriture agréable et abondante. Pour eux, les sciences les plus problématiques, celles qui exigent les études les plus profondes et les plus sévères, s’apprennent en quelques instants. La femme nerveuse, qu’une pensée sérieuse de quelques minutes fatigue, devient, entre les mains des habiles du parti, plus savante et plus heureuse dans ses prescriptions qu’aucun de nos praticiens les plus expérimentés.

» De leur côté, les antagonistes du magnétisme ne veulent admettre aucun phénomène insolite, aucune exception aux règles ordinaires de la nature : pour eux, tout l’échafaudage du magnétisme ne repose que sur l’erreur des sens de quelques personnes et sur la fourberie de quelques autres. Le fait suivant, exemple remarquable de somnambulisme naturel, ne permet pas de douter que, dans cet état, l’homme ne possède quelquefois des facultés qui sont à peine appréciables dans l’état de veille. Au reste, ces phénomènes, quoique très-curieux, n’ont rien de surnaturel ; et il est facile d’expliquer ce qu’ils ont de surprenant par la concentration de toutes les forces de l’intelligence sur un seul objet et par l’exercice de quelques sens dans des circonstances particulières. Les faits rapportés dans la brochure américaine dont nous allons donner l’analyse, et sur la véracité desquels aucun praticien des États-Unis n’a élevé de doute v présentent un haut degré d’intérêt, surtout si on les rapproche de ceux du même genre qui ont été offerts par l’infortuné Gaspard Hauser, quoique dans des circonstances différentes.

» Jeanne Rider, âgée de dix-sept ans, est fille de Vermont, artisan. Son éducation a été supérieure à celle que reçoivent ordinairement les personnes des classes moyennes de la société. Elle aime beaucoup la lecture et fait surtout ses délices de celle des poètes. Bien que son extérieur annonce une bonne santé, cependant elle a toujours été sujette à de fréquents maux de tête ; il lui est arrivé plusieurs fois de se lever du lit au milieu de son sommeil ; mais il n’y avait rien là qui ressemblât aux phénomènes remarquables que depuis elle a éprouvés.

» Cette singulière affection a débuté chez elle subitement. D’abord ses parents firent tous leurs efforts pour l’empêcher de se lever ; les secours de l’art furent même invoqués sans un grand succès, car au bout d’un mois elle fut prise d’un nouveau paroxysme, pendant lequel on résolut de ne la soumettre à aucune contrainte et de se contenter d’observer ses mouvements. Aussitôt qu’elle se sentit libre, elle s’habilla, descendit et fit tous les préparatifs du déjeuner. Elle mit la table, disposa avec la plus grande exactitude les divers objets dont elle devait être couverte, entra dans une chambre obscure, et de là dans un petit cabinet encore plus reculé, où elle prit les tasses à café, les plaça sur un plateau qu’elle déposa sur la table, après beaucoup de précautions pour ne pas le heurter en l’apportant. Elle alla ensuite dans la laiterie, dont les contrevents étaient fermés, et poussa la porte derrière elle ; après avoir écrémé le lait, elle versa la crème dans une coupe et le lait dans une autre sans en épancher une seule goutte. Elle coupa ensuite le pain, qu’elle plaça sur la table ; enfin, quoique les yeux fermés, elle fit tous les préparatifs du déjeuner avec la même précision qu’elle eût pu y mettre en plein jour. Pendant tout ce temps, elle sembla ne faire aucune attention à ceux qui l’entouraient, à moins qu’ils ne se missent sur sa route ou qu’ils ne plaçassent des chaises ou d’autres obstacles devant elle ; alors elle les évitait, mais en témoignant un léger sentiment d’impatience.

» Enfin, elle retourna d’elle-même au lit ; et lorsque le lendemain, en se levant, elle trouva la table toute préparée pour le déjeuner, elle demanda pourquoi on l’avait laissée dormir pendant qu’une autre avait fait son travail. Aucune des actions de la nuit précédente n’avait laissé la plus légère impression dans son esprit. Un sentiment de fatigue fut le seul indice qu’elle reconnut à l’appui de ce qu’on lui rapportait.

» Les paroxysmes devinrent de plus en plus fréquents ; la malade ne passait pas de semaine sans en éprouver deux ou trois, mais avec des circonstances très-variées. Quelquefois elle ne sortait pas de sa chambre, et s’amusait à examiner ses robes et les autres effets d’habillement renfermés dans sa malle. Il lui arrivait aussi de placer divers objets dans des endroits où elle n’allait plus les chercher éveillée, mais dont le souvenir lui revenait pendant le paroxysme. Ainsi, elle avait tellement caché son étui qu’elle ne put le trouver pendant le jour, et l’on fut étonné de la voir la nuit suivante occupée avec une aiguille qu’elle avait dû certainement y prendre. Non-seulement elle cousait dans l’obscurité, mais encore elle enfilait son aiguille les yeux fermés. Les idées de Jeanne Rider relatives au temps étaient ordinairement inexactes ; constamment elle supposait qu’il était jour. Aussi, quand on lui répétait qu’il était temps d’aller se coucher : — Quoi ! disait-elle, aller au lit en plein jour ! Voyant une fois une lampe brûler dans l’appartement où elle était occupée à préparer le dîner, elle l’éteignit en disant qu’elle ne concevait pas pourquoi on voulait avoir une lampe pendant la journée. Elle avait le plus souvent les yeux fermés ; quelquefois cependant elle les tenait grands ouverts, et alors la pupille offrait une dilatation considérable. Au reste, que l’œil fût ouvert ou fermé, il n’en résultait aucune différence dans la force de la vue. On lui présentait des écritures très-fines, des monnaies presque effacées ; elle les lisait très-facilement dans l’obscurité et les yeux fermés.

» Si les idées de la somnambule, par rapport au temps, étaient ordinairement erronées, il n’en était pas de même de celles qui étaient relatives aux lieux ; tous ses mouvements étaient toujours réglés par ses sens, dont les rapports étaient le plus souvent exacts, et non par des notions préconçues. Sa chambre était contiguë à une allée à l’extrémité de laquelle se trouvait l’escalier. Au haut de ce dernier était une porte qu’on laissait ordinairement ouverte, mais que l’on ferma un jour avec intention après qu’elle fut couchée, et que l’on assura en plaçant la lame d’un couteau au-dessus du loquet. À peine levée, dans son accès de somnambulisme, elle sort avec rapidité de sa chambre, et, sans s’arrêter, elle tend la main d’avance pour enlever le couteau, qu’elle jette avec indignation en demandant pourquoi on veut l’enfermer.

» On fit diverses tentatives pour l’éveiller, mais elles furent toutes également infructueuses ; elle entendait, sentait et voyait tout ce qui se passait autour d’elle ; mais les impressions qu’elle recevait par les sens étaient insuffisantes pour la tirer de cet état. Un jour qu’on jeta sur elle un sceau d’eau froide, elle s’écria : — Pourquoi voulez-vous me noyer ? Elle alla aussitôt dans sa chambre changer de vêtement et redescendit de nouveau. On lui donnait quelquefois de fortes doses de laudanum pour diminuer la douleur de tête dont elle se plaignait habituellement, et alors elle ne tardait pas à s’éveiller. Les excitations de toute espèce, et surtout les expériences que l’on faisait pour constater les phénomènes du somnambulisme, prolongeaient invariablement les accès, et aggravaient habituellement sa douleur de tête.

» Les paroxysmes du somnambulisme étaient précédés tantôt d’un sentiment désagréable de pesanteur à la tête, tantôt d’une véritable douleur, d’un tintement dans les oreilles, d’un sentiment de froid aux extrémités et d’une propension irrésistible à l’assoupissement. Ces paroxysmes, au commencement, ne venaient que la nuit et quelques instants seulement après qu’elle s’était mise au lit ; mais à mesure que la maladie fit des progrès, ils commencèrent plus tôt. À une époque plus avancée, les attaques la prirent à toute heure de la journée, et quelquefois elle en eut jusqu’à deux dans le même jour. Lorsqu’elle en pressentait l’approche, elle pouvait les retarder de quelques heures en prenant un exercice violent. Le grand air surtout était le meilleur moyen qu’elle pût employer pour obtenir ce répit ; mais aussitôt qu’elle se relâchait de cette précaution, ou même quelquefois au milieu de l’occupation la plus active, elle éprouvait une sensation qu’elle comparait à quelque chose qui lui aurait monté vers la tête, et perdait aussitôt le mouvement et la parole. Si alors on la transportait immédiatement en plein air, l’attaque était souvent arrêtée ; mais si l’on attendait trop longtemps, on ne pouvait plus se mettre en rapport avec elle, et il était tout à fait impossible de la tirer de cet état. On aurait cru qu’elle venait de s’endormir tranquillement ; ses yeux étaient fermés, la respiration était longue et bruyante, et son attitude, ainsi que les mouvements de sa tête, ressemblaient à ceux d’une personne plongée dans un profond sommeil.

» Pendant les accès qui avaient lieu durant le jour, elle prit toujours le soin de se couvrir les yeux avec un mouchoir, et ne permettait jamais qu’on l’enlevât, à moins que la pièce où elle se trouvait ne fût très-obscure, et cependant elle lisait à travers ce bandeau des pages entières, distinguait l’heure de la montre ; elle jouissait enfin d’une vision aussi parfaite que si elle eût eu les yeux libres et ouverts. Dans quelques expériences qui furent faites par le docteur Beiden, on appliqua sur ses yeux un double mouchoir, et l’on garnit le vide qu’il laissait de chaque côté du nez avec de la ouate. Toutes ces précautions ne diminuèrent en rien la force de sa vue ; mais un fait important, bien qu’il n’explique pas ce phénomène curieux, c’est que, de tout temps, elle a eu les yeux si sensibles à la lumière qu’elle n’a pu jamais s’exposer au grand jour sans son voile. Cette sensibilité était encore bien plus vive pendant le somnambulisme, comme le docteur Beiden le constata.

» Cependant toutes ces expériences fatiguaient considérablement la pauvre fille, dont l’état, au lieu de s’améliorer, allait au contraire en empirant. Cette circonstance et l’insuccès de tous les moyens employés jusqu’alors firent prendre la résolution de l’envoyer à l’hôpital de Worcester, où elle entra le 5 décembre 1833. Les accès s’y répétèrent avec la même fréquence et la même intensité ; mais on remarqua bientôt des changements importants dans les paroxysmes. D’abord la malade commença à rester les yeux ouverts, disant qu’elle n’y voyait pas clair lorsqu’ils étaient fermés ; ensuite les accès se dessinèrent moins bien. Elle conservait dans le somnambulisme quelque souvenir de ce qui lui était arrivé dans l’état de veille, et on avait de la peine à distinguer le moment exact où finissait l’accès de celui où elle était éveillée. Peu à peu, ces accès eux-mêmes se sont éloignés, et, d’après le dernier rapport du docteur Woodward, médecin de l’hôpital de Worcester, on avait tout lieu d’espérer une guérison complète. »

On rapporte un fait de magnétisme tout récent et qui semblera extraordinaire. « M. Ferrand, marchand quincaillier à Antibes, ayant trouvé dernièrement, dans sa propriété, une pièce de monnaie en argent frappée du temps des Romains, l’envoya à ses correspondants de Paris, MM. Deneux et Gronnet aîné, 18, rue du Grand-Chantier, en les priant d’aller avec cette pièce chez le magnétiseur Marcillet, pour consulter Alexis à ce sujet. Ce dernier, dans l’état de somnambulisme, leur dit qu’il voyait chez M. Ferrand, à Antibes, une petite urne enfouie à quelques pieds en terre… renfermant une assez grande quantité de ces mêmes pièces… mais qu’il lui faudrait le plan de la propriété, afin de mieux désigner le lieu où ce petit trésor avait été enterré. Le plan ayant été envoyé par M. Ferrand à ses correspondants, puis communiqué ensuite par eux à Alexis, il leur indiqua, en faisant une marque au crayon, l’endroit où l’on devait creuser. Les instructions du somnambule ayant été suivies, l’urne indiquée par lui fut trouvée… Elle contenait trois kilogrammes cinq cents grammes de pièces de monnaie en argent, semblables à celle qui lui avait été remise précédemment. »

Magnétisme dans ses rapports avec la religion. — La sacrée pénitencerie à Rome a été saisie, en 1841, de la question de savoir si le somnambulisme obtenu par les pratiques magnétiques, dans les maladies, était chose convenable et permise. À l’exposé rapide des procédés employés pour obtenir l’état du somnambulisme, ainsi que des résultats extraordinaires produits par les somnambules, la sacrée pénitencerie a répondu expressément que l’application du magnétisme animal, dans les termes de l’exposé en question, n’était pas chose licite. Voici la traduction de la consultation envoyée à Rome et du jugement laconique du saint-siège :

« Éminentissime Seigneur, vu l’insuffisance des réponses données jusqu’à ce jour sur le magnétisme animal, et comme il est grandement à désirer que l’on puisse décider plus sûrement et plus uniformément les cas qui se présentent assez souvent, le soussigné expose ce qui suit à Votre Éminence. Une personne magnétisée (on la choisit d’ordinaire dans le sexe féminin) entre dans un tel état de sommeil ou d’assoupissement, appelé somnambulisme magnétique, que ni le plus grand bruit fait à ses oreilles, ni la violence du fer ou du feu ne sauraient l’en tirer. Le magnétiseur seul, qui a obtenu son consentement (car le consentement est nécessaire), la fait tomber dans cette espèce d’extase, soit par des attouchements et des gesticulations en divers sens, s’il est auprès d’elle, soit par un simple commandement intérieur, s’il en est éloigné, même de plusieurs lieues.

» Alors, interrogée de vive voix ou mentalement sur sa maladie et sur celles de personnes absentes, qui lui sont absolument inconnues, cette magnétisée, notoirement ignorante, se trouve à l’instant douée d’une science bien supérieure à celle des médecins : elle donne des descriptions anatomiques d’une parfaite exactitude ; elle indique le siège, la cause, la nature des maladies internes du corps humain, les plus difficiles à connaître et à caractériser ; elle en détaille les progrès, les variations et les complications, le tout dans les termes propres ; souvent elle en prédit la durée précise et en prescrit les remèdes les plus simples et les plus efficaces.

» Si la personne pour laquelle on consulte la magnétisée est présente, le magnétiseur la met en rapport avec celle-ci par le contact. Est-elle absente ? une boucle de ses cheveux la remplace et suffit. Aussitôt que cette boucle de cheveux est seulement approchée contre la main de la magnétisée, celle-ci dit ce que c’est, sans y regarder, de qui sont ces cheveux, où est actuellement la personne de qui ils viennent, ce qu’elle fait. Sur sa maladie, elle donne tous les renseignements énoncés ci-dessus, et cela avec autant d’exactitude que si elle faisait l’autopsie du corps.

» Enfin la magnétisée ne voit pas par les yeux. On peut les lui bander, elle lira quoi que ce soit, même sans savoir lire, un livre ou un manuscrit qu’on aura placé ouvert ou fermé, soit sur sa tête, soit sur son ventre. C’est aussi de cette région que semblent sortir ses paroles. Tirée de cet état, soit par un commandement même intérieur du magnétiseur, soit comme spontanément à l’instant annoncé par elle, elle paraît complètement ignorer tout ce qui lui est arrivé pendant l’accès, quelque long qu’il ait été : ce qu’on lui a demandé, ce qu’elle a répondu, ce qu’elle a souffert, rien de tout cela n’a laissé aucune idée dans son intelligence, ni dans sa mémoire la moindre trace.

» C’est pourquoi l’exposant, voyant de si fortes raisons de douter que de tels effets, produits par une cause occasionnelle manifestement si peu proportionnée, soient purement naturels, supplie très-instamment Votre Éminence de vouloir bien, dans sa sagesse, décider, pour la plus grande gloire de Dieu et pour le plus grand avantage des âmes si chèrement rachetées par Notre-Seigneur Jésus-Christ, si, supposé la vérité des faits énoncés, un confesseur ou un curé peut sans danger permettre à ses pénitents ou à ses paroissiens : 1° d’exercer le magnétisme animal ainsi caractérisé, comme s’il était un art auxiliaire et supplémentaire de la médecine ; 2° de consentir à être plongés dans cet état de somnambulisme magnétique ; 3° de consulter, soit pour eux-mêmes, soit pour d’autres, les personnes ainsi magnétisées ; 4° de faire l’une de ces trois choses, avec la précaution préalable de renoncer formellement dans leur cœur à tout pacte diabolique, explicite ou implicite, et même à toute intervention satanique, vu que nonobstant cela quelques personnes ont obtenu du magnétisme ou les mêmes effets ou du moins quelques-uns.

 
» Eminentissime Seigneur, de Votre Excellence, par ordre du révérendissime évêque de Lausanne et Genève, le très-humble et très-obéissant serviteur,
» Jac.-Xavier Fontana,
» chancelier de la chancellerie épiscopale.
» Fribourg en Suisse, palais épiscopal, le 19 mai 1841.»
 
RÉPONSE.
 

» La sacrée pénitencerie, après une mûre délibération, se croit en droit de répondre que l’usage du magnétisme, dans les cas mentionnés par la présente consultation, n’est pas chose licite.

 
» À Rome, dans la sacrée pénitencerie, le 4er juillet 1841.
» C. Castracane, M. P. — Ph. Pomella,
» secrétaire de la sacrée pénitencerie. »
 

« Pour les catholiques dévoués, ajoute l’écrivain distingué à qui nous empruntons ces réflexions, l’arrêt de la sacrée pénitencerie est un jugement sans appel, qui n’a nul besoin d’explications ni de commentaires. »

» Mesmer ne connaissait pas ou n’a pas mentionné le somnambulisme magnétique. Ses pratiques ordinaires se réduisaient à traiter les maladies au moyen de crises accompagnées fréquemment de convulsions. Rien de plus prestigieux que les opérations de Mesmer. C’était autour d’un baquet, dans un appartement éclairé d’un demi-jour, que les malades allaient se soumettre aux influences magnétiques. Le baquet consistait dans une petite cuve de diverses figures, fermée par un couvercle à deux pièces ; au fond se plaçaient des bouteilles en rayons convergents, le goulot dirigé vers le centre de la cuve ; d’autres bouteilles, disposées sur celles-ci, mais en rayons divergents, étaient remplies d’eau comme les premières, bouchées et magnétisées également. La cuve recevait de l’eau de manière à recouvrir les lits de bouteilles ; on y mêlait quelquefois diverses substances, telles que du verre pilé, de la limaille de fer, etc.; d’autres fois, Mesmer ne se servait que de baquets à sec. Le couvercle du baquet livrait passage à des baguettes de fer mobiles et d’une longueur suffisante pour être dirigées vers diverses régions du corps des malades. De l’une de ces tiges, ou d’un anneau scellé au couvercle du baquet, partait en outre une corde très-longue, destinée à toucher les parties souffrantes ou à entourer le corps des malades sans la nouer. Les malades se formaient en cercle, en tenant chacun cette corde, et en appuyant le pouce droit sur le pouce gauche de son voisin. Il fallait de plus que tous les individus composant la chaîne se rapprochassent les uns des autres, au point de se toucher avec les pieds et les genoux. Au milieu de cet appareil apparaissait Mesmer, vêtu d’un habit de ; soie d’une couleur agréable, tenant en main une baguette qu’il promenait d’un air d’autorité au-dessus de la tête des magnétisés. Nous tenions à reproduire, au moins en abrégé, les traits principaux du spectacle magnétique dont le premier magnétiseur avoué avait soin de s’environner, afin de mettre le lecteur en mesure de juger qui avait plus de part aux effets tant vantés du magnétisme animal de la fin du dix-huitième siècle, ou des jongleries de Mesmer, ou de l’imagination des malades irritables, ou de la sotte crédulité des mesméristes bien intentionnés. Les jongleries de Mesmer couvraient pourtant une puissance réelle ; car il est certain, — et on l’a expliqué ailleurs, — que son regard, ses gestes, ses paroles, ses attouchements obtenaient maintes fois des résultats surprenants et des cures vraiment prodigieuses.

» Le somnambulisme magnétique ne fut découvert que par le marquis de Puységur. Lui seul commença à se servir de cet état pour traiter les maladies, soit chez les somnambules mêmes, soit chez les autres personnes. Alors s’ouvrit une nouvelle source de fraudes que la foi des magnétiseurs était incapable de dévoiler, et qui en imposait, à plus forte raison, à la masse du public. Beaucoup de magnétisés feignaient de succomber au sommeil magnétique, tout en restant très-éveillés, voyaient à leur aise, en apparence les yeux fermés, répondaient aux questions qui leur étaient adressées, obéissaient, en un mot, au moindre mouvement du magnétiseur abusé. C’était bien autre chose, ce qui ne manquait pas d’arriver, quand le magnétiseur et le somnambule, aidés de quelques compères avisés, se concertaient derrière les coulisses et s’appliquaient de leur mieux, par cupidité ou par une vanité puérile, à mystifier les spectateurs. »