Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Swedenborg

La bibliothèque libre.
Henri Plon (p. 642-643).
◄  Suttée
Sycomancie  ►

Swedenborg (Emmanuel), célèbre visionnaire suédois.

« Nous ne savons guère, en France, qu’une chose de Swedenbord, dit M. Émile Souvestre, c’est que, dînant un jour de bon appétit dans une taverne de Londres, il entendit la voix d’un ange qui lui criait : « Ne mange pas tant ! » et qu’à partir de cet instant il eut des extases qui l’emportèrent régulièrement au ciel plusieurs fois par semaine. Selon quelques auteurs, l’illuminé suédois fut un des savants les plus distingués des temps modernes, et celui qui, après Descartes, remua le plus d’idées nouvelles. Ce fut Swedenborg qui, dans un ouvrage intitulé Opera philosophica et mineralia, publié en 1737, entrevit le premier la science à laquelle nous avons donné depuis le nom de géologie. La seconde partie de son livre contient un système complet de métallurgie, auquel l’Académie des sciences a emprunté tout ce qui a rapport au fer et à l’acier dans son Histoire des arts et métiers. Il composa aussi plusieurs ouvrages sur l’anatomie (ce qui est un nouveau trait de ressemblance entre lui et Descartes), et sembla même indiquer, dans un chapitre sur la pathologie du cerveau, le système phrénologique auquel le docteur Gall dut plus tard sa célébrité. Il publia enfin, sous le titre de Dædalus hyperboreus, des essais de mathématiques et de physique qui fixèrent l’attention de ses contemporains.

 
 

» Il parlait les langues anciennes, plusieurs langues modernes, les langues orientales, et passait pour le plus grand mécanicien de son siècle. Ce fut lui qui fit amener par terre, au siège de Frédérick-Hall, en se servant de machines de son invention, la grosse artillerie qui n’avait pu être transportée par les moyens ordinaires.

» Loin d’être écrits dans un langage mystique, comme on le croit communément, la plupart des traités religieux de Swedenborg se recommandent parla méthode, l’ordre et la sobriété. Ils peuvent se partager en quatre classes, que l’on n’aurait jamais dû confondre : la première renferme les livres d’enseignement et de doctrine ; la seconde, les preuves tirées de l’Écriture sainte ; la troisième, les arguments empruntés à la métaphysique et à la morale religieuse ; enfin, la quatrième, les révélations extatiques de l’auteur. Les ouvrages compris dans cette dernière catégorie sont les seuls qui affectent la forme apocalyptique, et dont l’extravagance puisse choquer. »

Swedenborg fit toutefois, dans sa mysticité, une religion, comme en font tous les illuminés. De même qu’il avait devancé les savants dans quelques découvertes mathématiques, il a été aussi le précurseur des philosophes d’aujourd’hui. Il a prétendu « réunir toutes les communions en un vaste catholicisme où toutes elles trouveront satisfaction ». D’après lui, « le principe de tout bien est dans un premier détachement de soi-même et du monde. Cet état constitue le bonheur présent et futur, c’est le ciel. L’amour exclusif de soi-même et du monde constitue au contraire la damnation, c’est l’enfer. »

Il annonce une nouvelle révélation de l’Esprit, et se pose le Christ d’un christianisme régénéré, comme font présentement quelques professeurs de philosophie. En même temps, Swedenborg se disait en communication avec des intelligences supérieures et avec les âmes de certains morts de ses amis. Ceux qui le copient aujourd’hui ont-ils les mêmes avantages ?