Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle/Banc

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BANC, s. m. Il n’était pas d’usage, avant la fin du XVIe siècle, de placer dans les églises, des chaises ou bancs en menuiserie pour les fidèles. Les femmes riches qui se rendaient à l’église se faisaient suivre de valets qui portaient des pliants et coussins pour s’asseoir et se mettre à genoux. Le menu peuple, les hommes, se tenaient debout ou s’agenouillaient sur les dalles. À Rome, dans presque toute l’Italie et une partie de l’Allemagne catholique, encore aujourd’hui, on ne voit aucun siège dans les églises. Mais quand, au XVIe siècle, des prêches se furent établis sur toute la surface de la France, les réformistes placèrent dans leurs temples des bancs séparés par des cloisons à hauteur d’appui destinés aux fidèles. Le clergé catholique, craignant sans doute que la rigidité de la tradition ancienne ne contribuât encore à éloigner le peuple des églises, imita les réformistes et introduisit les bancs et les chaises.

L’effet intérieur des édifices sacrés perdit beaucoup de sa grandeur par suite de cette innovation ; et pour qui a pu voir la foule agenouillée sur le pavé de Saint-Pierre de Rome ou de Saint-Jean-de-Latran, cet amas de chaises, ou ces bancs cellulaires de nos églises françaises, détruisent complètement l’aspect religieux des réunions de fidèles. Il n’y avait autrefois, dans nos églises, de bancs que le long des murs des bas-côtés ou des chapelles ; ces bancs formaient comme un soubassement continu entre les piles engagées sous les arcatures décorant les appuis des fenêtres de ces bas-côtés ou chapelles (voy. Arcature). Quelquefois même ces bancs fixes en pierre s’élevaient sur un emmarchement, comme on peut le voir à l’intérieur de la cathédrale de Poitiers (fin du XIIe siècle) (1), et le long des murs de la nef de la cathédrale de Reims. On en plaçait presque toujours aussi sous les porches des églises, dans les ébrasements des portails, dans les galeries des cloîtres, soit le long des claires-voies, soit le long des murs.
Voici (2) quelle est la disposition des bancs formant soubassement intérieur de la claire-voie du cloître de Fontfroide près Narbonne (commencement du XIIIe siècle). Ces bancs se combinent adroitement avec la construction des piles principales de ce cloître, ainsi que nous le voyons dans la figure. Le bahut de la claire-voie lui tient lieu de dossier. On voit encore des bancs avec une marche au devant dans les salles capitulaires, dans les chauffoirs des monastères, et dans les parloirs.

Les grandes salles des palais royaux, des châteaux, les salles synodales étaient toujours garnies de bancs au pourtour, ainsi que les salles des gardes et les vestibules des habitations princières (voy. Salle). On plaçait aussi à demeure des bancs de pierre le long des jambages des cheminées, particulièrement dans les habitations de campagne, dans les maisons de paysans, les fermes, dont l’unique cheminée servait à faire la cuisine et à chauffer les habitants.

Des deux côtés des portes des maisons, il était également d’usage de placer des bancs de pierre sur la voie publique, soit taillés dans une seule pierre, soit composés d’une dalle et de montants avec ou sans accoudoirs. Nous avons encore vu de ces sortes de bancs de pierre très-simples, avec accoudoir, le long de quelques maisons anciennes du midi de la France (3), à Cordes, à Saint-Antonin près Alby ; c’était là que se reposaient les piétons fatigués, les pauvres ; que le soir, après le travail, on venait s’asseoir et causer entre voisins. Si les façades des maisons étaient garanties par des contreforts très-saillants portant des galeries et les charpentes du comble, les bancs étaient alors posés le long de ces contreforts perpendiculairement au mur de face (voy. Maison). Lorsque les murs des maisons ou châteaux présentaient une assez forte épaisseur, on réservait des bancs en pierre dans les ébrasements, à l’intérieur des fenêtres. Voici (4) l’un de ces bancs tenant à la fenêtre de premier étage d’une des maisons construites pendant le XIIIe siècle dans la ville de Flavigny (Bourgogne).
Il est placé dans l’ébrasement de la baie ; le meneau A sépare ce banc en deux stalles et se termine en accoudoir ; les personnes assises tournaient le dos au jour. Mais ordinairement, quand les murs sont très-épais, comme par exemple dans les châteaux fortifiés, les bancs sont disposés perpendiculairement au jour, le long des deux ébrasements si la fenêtre est large (5), ou d’un seul côté si la fenêtre est étroite (6).

Ce dernier exemple de banc est fréquent dans les tours de guet, où l’on plaçait des sentinelles pour observer ce qui se passait à l’extérieur par des fenêtres étroites. Les meurtrières percées à la base des courtines sous de grands arcs formant comme de petites chambres pouvant contenir facilement deux hommes, sont toujours garnies de bancs posés le long des deux côtés du réduit, perpendiculairement au mur de face. Cette disposition de bancs à demeure dans les ébrasements des fenêtres se conserva jusqu’au XVIe siècle (voy. Fenêtre, Meurtrière).