Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/BEAULIEU-LÈS-LE-MANS

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BEAULIEU-LÈS-LE-MANS, Abbaye d’hommes, de l’ordre des chanoines réguliers de S.-Augustin, fondée en 1114 selon quelques auteurs, en 1120 suivant d’autres, par Bernard, baron de Sillé-le-Guillaume, dans une prairie appelée Luceau, sur la rive droite de la Sarthe, dans l’ancienne paroisse de la Magdelaine du Mans, dont ces chanoines étaient curés ; cette abbaye porta aussi les noms de Luceau et de N.-D. du Parc. Bernard de Sillé assigna pour cette fondation plusieurs terres libres et allodiales, avec la permission du chapitre du Mans, qui possédait le terrain sur lequel on établissait cette abbaye : les fils de Bernard ratifièrent la fondation, à laquelle consentirent le comte du Maine Foulques et la comtesse Eremberge son épouse, qui donnèrent pour ajouter à cette fondation, la seigneurie de S.-Fraimbauld-sur-Pisse, dans le Passais, franche et quitte de toutes redevances. — Philippe, archidiacre et chanoine de l’Eglise du Mans, fils d’un seigneur manceau nommé Gauderit ou Waldrit, fit don de 84 onces d’or et de 38 marcs d’argent (environ 10 mille fr. de notre monnaie, mais qui avaient une valeur relative bien plus considérable alors), ainsi que du fief de la Motte-Saunière, pour bâtir le monastère ; et Foulques Riboulé, seigneur d’Assé, contribua aussi à cette fondation. — L’abbaye de Beaulieu a eu 21 abbés réguliers, et fut mise en commande en 1572 et donnée à ce titre au célèbre Cardinal Charles de Bourbon, que la Ligue nomma roi, sous le titre de Charles X. Le nombre des abbés commendataires fut de 12 ou de 13. On compte parmi les premiers, Félix, le 15.e d’entre eux, homme fort savant, qui vivait en 1427, et qui transigea avec l’évêque Adam, pour le droit de pèche dans la rivière de Sarthe ; Gui Ier du Parc, le 19.e, qui en 1481, aux assises publiques de Sillé, reconnut que les barons de Sillé étaient fondateurs de son abbaye. Parmi les seconds, on remarque le 2.e Charles Ronsard, pourvu en 1575, frère du poëte Ronsard ; Charles et Emmanuel de Beaumanoir, qui tous deux devinrent évêques du Mans : ce fut ce dernier qui, en 1642, introduisit dans cette abbaye la réforme des chanoines de S. Augustin ; Cohon, qui fut évêque de Nîmes, puis de Dôle, et prêcha au sacre de Louis XIV ; enfin, le dernier, l’abbé de Montesquiou, ministre de Louis XVIII à la restauration. — L’abbé de Beaulieu avait, dans le diocèse, la présentation à 30 cures, dont 23 prieurés conventuels : 13 seulement appartiennent aujourd’hui au département, savoir : S.-Pavin-de la-Cité (du Mans), supprimée, chapelle que l’évêque Hildebert avait donnée à l’abbaye et érigée en paroisse ; Chauffour, Degré, Rouillon, S.-Saturnin, Rouessé-Fontaine, Thoiré-sous-Contensor, Dissay-sous-Courcillon, Auvers-sous-Montfaucon, Brains, Vouvray-sur-Huisne, S.-Aubin-des-Coudrais, Vernie. Les religieux présentaient à celle de la Magdeleine, où était située l’abbaye, supprimée aujourd’hui. — Il existait dans l’église de Beaulieu, une ancienne confrérie de S. Marcou ou Marculf, dont cette église possédait les reliques : les membres de cette confrérie, en très-grand nombre, s’y rendaient en dévotion chaque année le premier mai. De même, le chapitre de la Cathédrale y venait en procession, le lundi de Pâques, prier sur le tombeau de l’archidiacre Philippe, leur ancien confrère, l’un des fondateurs du monastère, qui y était inhumé.

Le 20 décembre 1408, l’abbé de Beaulieu assista par procureur, à l’assemblée du clergé du diocèse, convoqué par l’évêque Adam Châtelain pour conférer « sur ce qu’ils avaient à faire au sujet de la tenue du concile de Pise. » — En 1508, le 8 octobre et jours suivans, frère Jean Dabatan, prieur, assista au nom de l’Abbé et des Religieux de Beaulieu, à l’examen de la Coutume du Maine, et le 15 du même mois à l’acte de sa publication. — Un arrêt du conseil d’état du 14 janvier 1658, obligea les moines de Beaulieu, à fournir à l’hôpital-général du Mans, en remplacement des aumônes que l’abbaye faisait aux pauvres, 38 charges de blé (environ 92 hectolitres), moitié seigle et moitié froment ; un arrêt postérieur fixa les espèces de grains, moitié seigle et moitié moulure. Les aumônes de cette abbaye, dites générales, avaient lieu pendant sept mercredis de carême et consistaient chacune, dans une livre de pain moitié seigle et moitié mouture, donnée à chaque pauvre. — Cette abbaye contribua de ses générosités à l’établissement du collège-séminaire du Mans, établi par l’évêque Claude d’Angennes. Jacques Pelletier, qui y était religieux, donna à ce collège la chapelle de la Pohorie , à l’effet d’y fonder une pension pour un ou plusieurs religieux de Beaulieu, don auquel l’abbaye ajouta quelque chose, de manière qu’elle entretint des élèves dans ce séminaire jusqu’à la réforme de 1642, qui ne permit plus qu’on y en envoyât.

La maison conventuelle de Beaulieu fut reconstruite dans un style moderne, sous le pontificat de l’évêque de Tressan, qui siégea de 1671 à 1712. Il ne reste plus qu’un pavillon de cette belle maison ; une partie de son enclos qui formait un joli parc, et qui appartenait à M. le Prince-Clairsigny, a été vendue depuis peu d’années à divers particuliers qui y ont tracé des rues et bâti des maisons. — L’abbaye de Beaulieu valait 9 mille livres de rente à l’abbé qui en était commandataire , et 6 mille livres pour la maison, où se trouvaient six chanoines en 1700. Elle payait en cour de Rome 112 florins.