Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/BEAUMONT-SUR-SARTHE

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BEAUMONT-SUR-SARTHE, Bellus mons ou Bellomontium ad Sartham ; Beaumont-le-Vicomte, Bellomontium-Vice-comitis ; ville située sur la rive droite de la Sarthe, d’où elle tire son nouveau surnom : celui de vicomte lui venait de ce que ses premiers seigneurs furent les lieutenans ou vicaires, vice-comites, des comtes bénéficiaires du Mans. Commune chef-lieu de canton, de l’arrondissement et à 23 kilom. S. O. de Mamers ; à 25 kilom. 1/2, N. N. O. du Mans. Autrefois chef-lieu du doyenné de son nom, de l’archidiaconé de Lignière, du diocèse et de l’élection du Mans. — Distances légales, 26 et 29 kilomètres.

descript. Bornée au N. par Juillé ; à l’E., par Vivoin ; au S., par Maresché ; à l’O., par S.-Christophe-du-Jambet ; cette commune se trouve comprise dans une presqu’île formée par une sinuosité de la Sarthe, qui l’entoure du N. au S. par E. ; elle est bornée par le ruisseau de Gomer, au N. O. Son diamètre du N. au S. est de 2 k. 3 h., et de 5 k de l’E. à l’O. — La ville proprement dite, bâtie en amphithéâtre sur la partie méridionale d’un coteau, se compose d’un certain nombre de rues escarpées, la principale tortueuse, assez mal bâties ; d’une grande place, insuffisante néanmoins pour les foires et marchés, et où se trouve une halle en bois ; d’une seconde appelée place d’armes, que traverse la route royale du Mans à Alençon et sur laquelle est bâti l’hôtel de ville. Le faubourg de la Croix-Verte, séparé de la ville par la rivière de Sarthe, sur laquelle sont deux ponts, dépend de la commune de Maresché, mais forme une partie de la ville par le fait. — Église paroissiale d’une construction annonçant différentes époques, dont une très-reculée (les 9.e ou 10.e siècles), caractérisée par quelques unes de ses colonnes intérieures rondes, à chapiteaux à palmes et à ornemens divers, différens pour chaque colonne, supportant des arcades à plein-cintre ; et par sa porte latérale sud, dont le cintre est décoré de trois rangs d’ornemens en zigzags et en demi-cercles, à pointes inférieures formées par la rencontre de deux demi-cercles, terminées par une tête grotesque ; et par les colonnes qui le supportent, rondes, engagées, dont l’un des chapiteaux représente des animaux, et l’autre des dessins différens. Clocher en flèche hexagone. — Cimetière à l’extrémité N. E., en partie clos de murs, dans lequel se trouve une chapelle dédiée à la Vierge, qui paraît être en grande vénération. — Restes de l’ancien château servant de prison, et tombelle appelée motte à madame, dont on a fait une promenade charmante. V. plus bas antiquités.

populat. De 375 feux anciennement, elle est aujourd’hui de 494, qui se composent de 1140 individus mâles, et 1287 femelles ; Total, 2427, dont 422 répandus dans la campagne. La population du faubourg de la Croix-Verte, pouvant être estimée égale à la partie disséminée de Beaumont, la population totale des habitations agglomérées doit s’élever à 2,400 ou 2,500 individus.

Mouv. décenn. De 1803 à 1812 inclusiv. : mar., 145 ; naiss., 639 ; décès 658. — De 1813 à 1822 : mar., 182 ; naiss., 515 ; déc., 517.

hist. ecclés. L’église paroissiale est dédiée à la Vierge et à S.-André ; point d’assemblée. — La cure était à la présentation du prieur de Vivoin. Les autres établissemens religieux, sur lesquels l’histoire offre un peu de confusion, consistaient : 1.° dans le prieuré de S.-Pierre-de-Pont-Neuf, avec chapelle où l’on faisait l’office les dimanches et fêtes : le prieur de Nogent-le-Rotrou y présentait ; 2. celui de S.-Etienne près Pont-Neuf, ou de Falaizé, métairie aujourd’hui, dont la chapelle, quoique ne servant plus au culte, est encore fréquentée par dévotion. Ces deux prieurés étaient des fondations des premiers seigneurs connus de Beaumont ; 3.° celui de S.-Aubin-du-Pont, ou des Vignes, membre du prieuré de Vivoin, fondé par Augustin de Juillé ; 4.° la chapelle de S.-Laurent, à 4 kilom. 3 hectom. au S. O. de la ville, et qui était probablement celle de la léproserie ou maladrerie de Beaumont, à laquelle présentait le prieur de Vivoin : on y faisait le dimanche tous les offices paroissiaux, catéchisme et absolution ; 5.° celle du Grand-Cimetière, encore subsistante ; 6.° celle de S.-Jean, dépendant d’une commanderie de l’ordre de Malte, réunie à la commanderie de Guéliant. Tous ces établissemens, excepté le 5.e, ont disparu. S.-André, ancienne église de la ville ; Pont-Neuf et S.-Aubin, étaient paroissiales anciennement. La première fut réunie à celle de N.-D. en 1260, par l’évêque Geoffroi Freslon, qui en trouva les revenus insuffisans : cet évêque confirma la réunion de celle de S.-Aubin à la paroisse de S-Pierre-de-Pont-Neuf, faite par Guillaume Roland, son prédécesseur. — En 1007, l’évêque Avesgaut souscrivit à la fondation d’une abbaye de filles à Beaumont. — En 1634, un sieur de Brunelières et sa femme, fondèrent un couvent de religieuses cordelières de S. te-Claire, dites Urbanistes, qui fut supprimé par Arrêt du Conseil du 18 mars 1739. Le système de Law ayant occasionné le remboursement en billets de cette banque, d’une grande partie des revenus de ce couvent, et ces billets étant devenus sans valeur entre les mains de ces religieuses, elles et les Filles-Dieu du Mans, les religieuses de Montsort, de Noyen et de S.-Calais, qui avaient eu le même sort, demandèrent des secours au Roi, ce qui occasionna l’arrêt de leur suppression.

hist. féod. La seigneurie de Beaumont, à l’époque de la révolution, était une baronnie-pairie appartenant à la maison Froulai de Tessé, originaire de Coësme dans le Passais-Manceau. Bâtie dans le 10.e siècle, par les anciens vicomtes du Mans, cette ville possédait, depuis sa réunion à la couronne sous Henri IV, une juridiction royale, composée d’un lieutenant-général, un avocat, un procureur du Roi et un greffier ; une brigade de Maréchaussée, dépendant de la compagnie du Mans ; un Hôtel-de-Ville, composé d’un maire, d’un commissaire, d’un procureur du Roi et d’un greffier : elle était du ressort du Mans.

Beaumont a donné son nom à deux familles illustres, celle dite de Beaumont et celle de Tessé. La première a plusieurs fois changé de maison : commençant à Raoul, premier vicomte ou lieutenant du comte du Mans, fondateur du prieuré de Vivoin, qui épousa Emmeline, dame de Montrouveau et du Lude, et donna au second fils qu’il en eut, le titre de vicomte du Lude, et à Foulques, son troisième fils, celui de vicomte de Montrouveau, ce qui confirme la remarque d’un historien, que le titre de vicomte, qui venait dans l’origine d’une fonction héréditaire, fut donné comme simple titre aux enfans de ceux qui en étaient pourvus, d’où il résulte qu’il n’y eut point de fonctions de vicomtes du Lude, en réalité. Raoul, vicomte du Lude, se soumit, à des conditions honorables, à Guillaume-le-Roux, quand ce prince vint soumettre le Maine en 1098. Hubert, son aîné, vicomte du Mans, épousa Ermengarde de Nevers, dont il eut Raoul II, fondateur de l’abbaye d’Etival en Charnie, lequel se trouva à la bataille d’Alençon, dans le parti du comte du Maine, contre Guillaume-le-Conquérant, (v. le précis historique, page lxxxvi). Le second fils de cet Hubert devint vicomte de Beaumont, sous le nom de Raoul III, par la mort de son frère aîné Richard, et fonda le prieuré de Loué. Il fut un des seigneurs de France qui, en septembre 1235, écrivirent au pape Grégoire IX, contre les prélats du royaume et leur juridiction, une lettre portant plus de quarante souscriptions et scellée de vingt-huit sceaux. Ce fut lui qui donna à sa nièce la comtesse de Fif, son parc d’Orques, où elle fonda une Chartreuse en 1236. Agnès, fille de Raoul, vicomtesse de Beaumont, épousa avant l’an 1253, Louis de Brienne, troisième fils de Jean, roi de Jérusalem et empereur de Constantinople, et de Bérengère de Castille. La postérité de Louis de Brienne conserva le titre de vicomte de Beaumont. Un fils de Jean II, vicomte de Beaumont, nommé Louis, fut tué à la bataille de Cocherel en Bretagne, en 1364 ; et Marie, seconde fille de Jean et d’Isabeau d’Harcourt, épousa Guillaume Chamaillard, seigneur d’Antenaise. Leur fille, Marie Chamaillard, vicomtesse de Beaumont après la mort de Louis son oncle, dont on vient de parler, épousa le 20 octobre 1371, Pierre II, comte d’Alençon, du Perche et de Porhoet Jean Ier, leur fils, vicomte de Beaumont, duc d’Alençon, etc., avait le principal commandement à la funeste bataille d’Azincourt, où il fut tué en 1415. « La bataille, où il y avoit pareil nombre de gens comme en l’avant-garde, conduisoient les Ducs de Bar, d’Alençon, etc. » (Forestel, Chron. d’Angl., manuscr.) Un aveu de 1405, fait connaître que Jean de Beaumont, à cause d’Isabeau de Combres sa femme, relève d’Ollivier de Prez, alors seigneur châtelain de Ballon. Jean II, surnommé le Bon, fils de Jean I.er, épousa en secondes noces Marie d’Armagnac, fille de Jean IV et d’Isabelle de Navarre, dont il eut un fils, René, duc d’Alençon, père de Charles, qui mourut sans enfans, et de Françoise, qui fut l’aïeule d’Henri IV. Françoise, princesse célèbre à juste titre dans la province, hérita, par la mort de son frère, du duché d’Alençon et de la vicomte de Beaumont. Mariée en secondes noces, le 18 mai 1513, à Charles de Bourbon, comte, puis duc de Vendôme, qui mourut à Amiens en 1536, elle en eut 13 enfans, dont le second fut Antoine de Bourbon, roi de Navarre, père de Henri IV ; le 5.e, le cardinal de Bourbon, nommé Charles X par les Ligueurs ; et le 7.e, Louis de Bourbon, premier prince de Condé et tige de l’illustre maison de ce nom. Les seigneuries de Beaumont, la Flèche, Château-Gontier, S.te-Suzanne, Fresnay, et la baronnie du Saosnois, dont avait hérité Françoise d’Alençon, furent érigés en sa faveur en duché-pairie de Beaumont, par François I.er, avec déclaration que cette pairie serait transmissible aux héritiers de la princesse, tant hommes que femmes, « encore que jadis, disent les lettres-patentes du mois de septembre 1543, les duchés et comtés en ce royaume, étaient affectés aux masles seulement qui portaient les armes. » Par ces lettres, le roi établit deux sièges de juridiction, l’un à la Flèche, l’autre à Beaumont, le premier ressortissant à la sénéchaussée d’Anjou, le dernier à celle du Maine. Mais, en 1545, la baronnie de Château-Gontier fut distraite du ressort de la Flèche, il y fut établi un siège du sénéchal du duché de Beaumont. Ensuite, lorsque par la mort de Françoise d’Alençon, arrivée à la Flèche en 1548, et par celle d’Antoine de Bourbon et de plusieurs de ses frères, Henri IV fut devenu propriétaire du duché de Beaumont, dont il avait porté le nom après la mort d’un frère aîné, ce prince érigea la Flèche, qu’il affectionnait, où il avait été conçu et qu’il avait habitée long-temps dans sa jeunesse, en Présidial, et en fit le ressort des sièges de Beaumont, de Fresnay, de Mamers, pour le Saosnois, de manière que la juridiction de la Flèche s’étendit jusqu’au faubourg de Montsort d’Alençon. L’édit d’érection, donné à Lyon, porte aussi la création à la Flèche d’une juridiction prévôtale pour le duché de Beaumont, composée d’un grand Prévôt des maréchaux de France, de deux lieutenans, un de robe courte et un de robe longue, d’un greffier et de treize archers.

Lors de son avènement au trône, Henri voulut conserver son domaine particulier, notamment le duché de Beaumont, séparé et distinct de celui de la couronne, et rendit des lettres-patentes à cet effet, datées du 31 décembre 1596 ; mais le parlement de Paris se refusa à leur enregistrement, motivé sur ce que « tout domaine particulier d’un prince qui parvient à la royauté, est de plein-droit réuni à la couronne. » Après quelques instances de la part du Roi, restées inutiles par la fermeté du parlement, le duché de Beaumont fut réuni au domaine royal, la justice y fut exercée au nom du Roi, et cette maxime de notre droit public n’a plus souffert de contradiction depuis cette époque.

Les anciens seigneurs de cette première famille de Beaumont, fondèrent outre les établissemens religieux déjà nommés, les prieurés de Solesme, de Loué et de Luché. Leurs armes étaient : d’azur, au lion d’or ; puis : d’azur, semé de fleurs de lis d’or, au lion de même.

La terre seigneuriale de Beaumont-le-Vicomte, fut probablement vendue ou engagée plus tard, puisque le recueil intitulé Noms féodaux, fait connaître que de 1662 à 1670, Henri-François de Vassé, chevalier, marquis de Vassé, Vidame du Mans, etc., la possédait comme l’ayant acquise d’Angélique-Claire d’Angennes de Rambouillet.

En 1701, le 25 mai, Louis XIV donna à René III de Froulai, comte de Tessé, les villes et domaines de Beaumont et Fresnay, avec leurs châteaux, fiefs et dépendances, en échange des terres, fiefs, etc., que possédait ledit comte de Tessé, dans les parcs de Versailles et de Marly, auxquels le roi les voulait réunir. Par lettres-patentes des 12 septembre 1706 et d’avril 1713, duement enregistrées, le roi unit en un seul et même corps de fief, sous les titre et dignité de Comté de Froulai, « pour relever de S. M. à une seule foi et hommage, à cause de la grosse tour du Louvre, » les terres, seigneuries, fiefs, châteaux, domaines et métairies des baronnie de Vernie, châtellenie de Clermont-le-Mont, seigneuries de la Cussonnière, la Chauvière, Ségrie, S.-Christophe-du-Jambet, Beaumont-le-Vicomte et Fresnay. La grandesse d’Espagne, accordée au maréchal de Tessé, par Philippe V, roi d’Espagne, fut, par le roi de France, assise également sur le comté de Froulai.

Les personnages les plus remarquables de cette famille sont : Roland, le plus anciennement connu, il vivait en 1140 ; Guillaume II, son arrière-petit- fils, qui se croisa pour la Terre-Sainte en 1244 ; Michel, arrière-petit- fils de Guillaume, perdit la vie dans le célèbre combat des trente, au chêne de Mi-voye, entre Josselin et Ploërmel en Bretagne, le 7 mars 1350 ; Guillaume IV, qui fut tué à la bataille de Châtillon, en 1453 ; René III, acquéreur de Beaumont et Fresnay, fait maréchal de France en 1703, et du conseil de Marine créé par le régent, pendant la minorité de Louis XV, dont une des filles épousa le marquis de la Varenne, gouverneur de la Flèche ; Elisabeth-René, chevalier de Malte, colonel du régiment d’infanterie de la Reine, qui mourut des blessures qu’il reçut à la bataille de Plaisance, en 1746 ; René-Mans, brigadier des armées du Roi, tué à la fameuse sortie de la garnison de Prague, le 22 août 1742. Dans la branche de Monflux, on remarque : Louis, grand-maréchal des logis de la maison du Roi, lequel fut tué au combat de Consurbrie, en 1691 ; et Charles-Elisabeth, maréchal de camp, qui mourut de blessures reçues à la bataille de Laufeld, en 1747. — A l’époque de la révolution, le comte de Tessé était lieutenant-général pour le Roi dans ses provinces du Maine, Perche et comté de Laval. — Les armes de la maison de Froulai étaient : d’argent, en sautoir de gueule, dentelé de sable. — Voyez à la Bibliographie, relativement à Beaumont : Edits des Rois François II, etc. imprimés.

Assistèrent, les 8 et 15 octobre 1508, à l’examen et publication de la coutume du Maine, Nicole le Camus, procureur de Madame d’Alençon, comme ayant le bail de M.gr le Duc, son fils, à cause de sa vicomté de Beaumont et baronnie de Mayenne-la-Juhée et Saosnois ; Jean de Langlée, lieutenant du bailli de Beaumont ; et Jean Renault, procureur de la vicomte dudit lieu. On voit par plusieurs articles de cette coutume, que le vicomte de Beaumont possédait haute, moyenne et basse justice ; droit d’avoir gibet à 6 piliers, au merc de sa justice ; qu’outre les droits de foires, marchés, sceaux, péages, etc., qu’avaient tous les seigneurs châtelains, il avait, comme le comte du Maine et les barons, le droit de conférer la haute, moyenne et basse justice à ses vassaux, en retenant le ressort à sa suzeraineté ; comme aussi le droit de prévention sur son vassal, de degré en degré ; c’est-à-dire le droit d’instruire d’un crime commis sur le territoire de son vassal, lorsque la dénonciation lui en était faite.

Parmi les fiefs de cette commune, celui de la Motte, cette belle tombelle dont nous parlerons plus bas, n’appartenait point en propre à la seigneurie de Beaumont : c’était un fief particulier que possédait, en 1658, Charles Deniau, conseiller au siège royal de Beaumont. De nos jours, M. le comte de Faudoas, baron de Sérillac, qui en était propriétaire, en fit don à la ville de Beaumont, moyennant une rente de 75 francs pour les pauvres, et à la charge de lui ériger un monument avec inscription, en souvenir de ce don ; devoir qu’on s’occupe de remplir en ce moment. La Courbe, autre fief, possédé en 1650, et 1663, par Guillaume Surgan.

Historique. La ville de Beaumont placée entre la Normandie et la capitale du Maine, fut une des plus exposées de cette province aux ravages de la guerre, lorsque, à partir de 1002 (voir le précis historique, page lxxxvii et suivantes), les héritiers directs d’Hubert II, comte du Maine, et Guillaume-le-Bâtard qu’il avait désigné pour lui succéder dans le gouvernement de ce comté, se le disputèrent pendant quarante ans, eux et leurs successeurs, les armes à la main. Guillaume étant venu défendre le Maine, attaqué par Gautier de Meulan, époux de Biote, mit le siège devant Fresnay, où commandait Hubert II de Sainte-Suzanne, vicomte de Beaumont, qui en était seigneur. Celui-ci, trop faible pour lui résister, remet la place à Guillaume avec celle de Beaumont, et entre à son service où il reste quelque temps ; mais dévoué intérieurement au parti des compétiteurs du duc de Normandie, il reprend bientôt les armes en leur faveur, s’empare de Beaumont, et cette malheureuse ville passe alternativement trois fois de suite, des mains de Guillaume en celles du vicomte Hubert son seigneur. Ces événemens eurent lieu de 1062 à 1064 ou 1065. Plus tard, vers l’an 1083, un différent avec Guillaume, ou la haine naturelle que les Manceaux portaient à la domination Normande, ayant engagé Hubert II à lever l’étendard de la révolte, il abandonna ses châteaux de Fresnay et de Beaumont, et se retira avec sa famille dans celui de Sainte-Suzanne, d’où attaquant sans cesse le Mans et les autres places occupées par des garnisons normandes, celles-ci appelèrent le roi Guillaume-le-Conquérant à leur secours. Ce prince accourut dans la province avec une forte armée, et tenta, mais en vain, de soumettre Sainte-Suzanne et son défenseur. Ne pouvant y parvenir, il fit construire un fort dans le val de Beugic, in valle Beugici, lieu dont nos historiens ne peuvent déterminer l’emplacement, et y plaça une forte garnison pour contenir son ennemi : il n’y réussit pas mieux. Hubert, Robert de Bourgogne, oncle de sa femme, et une foule de chevaliers, accourus de l’Aquitaine, de la Bourgogne et des autres provinces de France, offrent le secours de leurs bras au vicomte et se signalent sous ses yeux ; tous s’enrichirent des dépouilles de l’ennemi et de la rançon des plus riches seigneurs normands dont ils firent un grand nombre prisonniers, de sorte que Guillaume ne trouva rien de mieux à faire que de saisir la première occasion qui se présenta de traiter de la paix avec un si redoutable ennemi. Orderic Vital, historien normand qui raconte ces détails, et qui n’est pas prévenu en faveur des Manceaux, dit du vicomte de Beaumont, qu’il était remarquable par un mérite éminent, plein de courage et d’audace, et que ses grandes qualités avaient porté sa renommée fort loin. Nous devons dire ici que les dates des événemens que nous venons de rapporter sont incertaines, ou plutôt presque toutes erronées dans nos historiens Manceaux, si ce n’est P. Renouard, dans son article Guillaume-le-Bâtard, (Ess. Hist., t. i, page 238). La paix conclue entre Guillaume et Hubert, doit être de l’année 1086, ou du commencement de celle 1087, d’après Orderic Vital.

En 1098, Hélie de la Flèche, qui avait ajouté à ses prétentions naturelles sur le comté du Maine, l’acquisition de celles de Hugues, fils d’Azon de Ligurie, ayant été fait prisonnier auprès de Dangeul, dans le Saosnois, par Guillaume Talvas II ; Guillaume-le-Roux, fils et successeur de Guillaume-le-Conquérant, croyant le moment favorable pour rentrer en possession du Maine, s’avance dans la province et envoyé sa cavalerie entourer Fresnay. Raoul, fils de Hugues de Sainte-Suzanne, vicomte de Beaumont, alla trouver Guillaume, lui demanda une suspension d’armes, en lui exposant que c’était au Mans qu’il devait porter ses pas, pour faire prévaloir ses droits, ce à quoi le roi accéda. Après différens événemens peu importans, Raoul de Beaumont, Geoffroi de Mayenne, Robert-le-Bourguignon et plusieurs autres seigneurs Manceaux, firent alliance avec le roi.

En 1135, le vicomte Roscelin fut assiégé dans sa ville de Beaumont, par son beau-père Geoffroi d’Anjou, qui brûla la ville en entier, à ce que nous apprend encore Orderic Vital. Elle est prise d’assaut en 1412, par Artus, comte de Richemont, frère de Jean V, duc de Bretagne, lequel allait au secours du parti d’Orléans ou des Armagnacs, contre celui des Bourguignons. Ambroise de Loré, dans la guerre des Anglais contre Charles VII, reprend Beaumont sur les premiers qui s’en étaient emparés en 1417. Les Anglais, sous les ordres du comte d’Arondel, s’en rendent maîtres de nouveau en 1433.

Nous parlons, au Précis historique, de quatre pauvres femmes que fit arrêter le bailli de Beaumont, et qui comparurent le 17 juin 1457, devant l’évêque du Mans, Martin Berruyer, qui se trouvait alors au prieuré de Vivoin. Après un interrogatoire de deux jours que leur fit subir ce prélat, convaincues de sortilèges et de maléfices, elles furent condamnées au supplice de l’échelle, c’est-à-dire à être exposées en public sur un terrain élevé, disposé en forme d’échelle, après avoir eu les cheveux coupés ; à faire amende honorable et au bannissement hors du diocèse. Les premières parties de ce jugement, furent exécutées devant une multitude innombrable accourue de toutes parts pour assister à ce spectacle, et pour entendre l’admonition du prélat, qui présida à cette cérémonie en habits pontificaux.

Après que les calvinistes de la ville du Mans se furent emparés par surprise de cette ville, en avril 1562, et s’y furent livrés à de nouveaux excès, ayant appris que le duc de Montpensier, gouverneur de la province, s’avançait contre eux, ils l’abandonnèrent le 11 juillet 1562, au nombre de huit à neuf cents hommes de guerre, sans compter les bourgeois, et huit pièces d’artillerie qu’ils tirèrent du château. La Motte-Tibergeau qui les commandait « arriva aux portes de Beaumont-le-Vicomte, dont les habitans ayant refusé le logement, huit des plus généreux étant morts dans la défense, la place que l’on força fut exposée à l’insolence et à l’avarice du soldat. » Au sortir de Beaumont, Tibergeau alla se joindre aux troupes insurgées que Montgommery commandait en Normandie. Le 20 septembre suivant, Charles IX, ayant adressé au Sénéchal du Maine des lettres de pardon général pour tous les séditieux, le procureur du Roi s’opposa à leur enregistrement, disant dans l’exposé de ses motifs, que « lorsqu’ils sortirent du Mans… allèrent d’un trajet à la ville de Beaumont, en rompirent les portes à coups d’artillerie, y entrèrent le tambourin sonnant, enseignes déployées, tuèrent huit personnes, blessèrent et outragèrent grand nombre d’autres, brûlèrent l’église, fondirent les cloches, mirent le feu aux halles et à quelques autres maisons, pillèrent et emportèrent les biens des catholiques… » — En 1589, après la prise du Mans par Henri IV, Beaumont se soumit à ce prince.

hist. civ. Beaumont avait anciennement, comme nous l’avons dit plus haut, une Maladrerie de 300 liv. de revenu, suivant le Pouillé Manceau ; une maison de charité, fondée par délibération des magistrats et des habitans, du 21 février 1779, où furent installées deux sœurs de la Chapelle-au-Riboul, par l’évêque Jouffroy de Gonssans, le 20 mars suivant. Cette maison jouissait de 1,656 francs de revenus en 1789, réduits à 662, en 1805, et portés actuellement à 1,315 fr. par la réunion des revenus recouvrés de la maladrerie de S.-Michel-du-Pré, située en Maresché, et par la rente imposée à la ville par M. de Faudoas, etc. Cinq sœurs d’Evron y font les écoles aux jeunes filles, et donnent des secours à domicile aux indigens. — Le 8 octobre 1664, Jacques Le Maître, curé de Beaumont, y fonda un collège dont le principal, qui devait être un prêtre né dans cette ville, présenté par le curé, les officiers du siège royal et le procureur de la fabrique, devait faire les premières écoles, enseigner le latin et le grec, catéchiser les enfans à l’église, etc. Ce collège, remis en activité, avait pour dotation une maison avec jardin, remplacée par une allocation de 300 fr. sur le budget communal.

antiq. On remarque tout près et au N. O. de la ville, la tombelle, nommée Motte à Madame, dont nous parlons plus haut, l’une des plus belles et des plus considérables buttes artificielles qui existent en France, si l’on en croit M. Vaysse de Viliers (Itinér. descript.), qui doit en avoir beaucoup vu. Elle forme un cône tronqué autour duquel on a dessiné un sentier en spirale qui conduit à son sommet, planté d’arbres, d’arbrisseaux, orné d’un parterre de fleurs, de sièges, le tout entretenu avec infiniment de soin. A sa base, une terrasse également plantée d’arbres, dominant le beau vallon où serpente la Sarthe, forme avec elle un ensemble de promenade publique, d’un genre tout particulier et que bien des grandes villes pourraient envier. Un cipe en granit d’Alençon, incrusté d’une table de marbre devant recevoir une inscription, sera incessamment élevé sur cette tombelle, à la mémoire du donateur, M. le comte de Faudoas. Nous remarquerons que si cette élévation eut été destinée à la défense de la ville ou du château, elle eut été accompagnée de quelques constructions maçonnales, dont on retrouverait des débris ; qu’elle eut appartenu aux propriétaires de ce château, au lieu d’être un fief particulier : d’où l’on peut conclure qu’elle notait point le merc ou lieu de la justice de la vicomté de Beaumont. Ajoutons qu’elle est peu éloignée de la rivière qu’elle domine, position qui est générale pour toutes les tombelles du pays. - L’ancien château fort, dont il ne reste qu’une portion de tour et une masse de murs inférieurs, n’offre plus de forme régulière, et sert de prison actuellement.

hydrogr. La rivière de Sarthe entoure et borne Beaumont du N. au S. par O. ; le ruisseau de Gommer limite la commune de l’O au N. — Moulins de S.-Pierre-de-Pont-Neuf, de la Ville, tous deux à blé et à deux roues ; à tan, faisant mouvoir un foulon, une mécanique à filer et une autre à carder la laine, sur la Sarthe ; de Lorière et de Bois-Landon, à blé, sur le Gommer.

geolog. Sol montueux sur toute la superficie de la commune ; terrain secondaire, offrant un grès rouge micacé, le calcaire jurassique, la marne grise, etc.

divis. des terr. En labour, 461 hectares ; jardins, 11 ; vignes, 19 ; prés, 40 ; bois taillis, 09 ; superfic. des batim., 26 ; rout. et chem., 37 ; eaux courant., 13 ; Total, 616 hectares.

contrib. Foncier, 8,059 fr. ; personn. et mobil., 2,661 ; port. et fen., 1,003 fr. ; 219 patentés ; dr. fixe, 1,550 fr. ; dr. proport., 1,725 fr. 16 c. ; Total, 14,998 fr. 16 c. — Chef-lieu de perception.

cultur. Terre argilo-calcaire et argilo-graveleuse, meuble et productive, cultivée principalement en froment et orge ; peu en seigle, avoine et menus ; trèfle, chanvre, pommes de terre, légumes ; élèves de chevaux et de bestiaux ; volailles, oies grasses, abeilles. Assolement triennal et quadriennal ; 43 charrues.

comm. agric. Grains, graine de trèfle, chanvre, fil, chevaux, bestiaux, volailles, miel, cire, cidre, vin de peu de qualité, consommé sur les lieux ; menues denrées. — Comparaison des anciennes mesures : pinte, 1 litre 23 centilitres ; boisseau, ras, 41 litr. 32 centil. ; comble, 46 litr. 05 centil.

comm. industr. La fabrication des étamines, principale industrie autrefois, qui occupait 116 métiers à Beaumont, et 40 ouvriers encore, en 1804, est totalement tombée. Fabrique de toiles de chanvre, façons Mamers et Fresnay ; quelques pièces de cotonnades et de calicots ; fabrique de couvertures ; mécanique à filer le coton ; autre à carder la laine ; une tannerie.

foir. et march. Très-fort marché le mardi, servant de centre à un commerce assez considérable de grains, bestiaux, laines estimées, oies grasses, volailles, gibier, fil, fruits, etc. Autre petit marché de menues denrées le vendredi. — Foires fixées aux mardis 3.e de janvier, 4.e de mars, d’avant la fête de Pentecôte, 1.er d’octobre et 1.er de décembre. — Les cultivateurs de la commune fréquentent aussi le marché de Fresnay. Vente des toiles, au Mans et à Alençon.

rout. et chem. Route royale du Mans à Alençon, passant dans la ville ; chemins communaux allant de Beaumont à Mamers, Ballon, Sillé et Fresnay.

habitat. et lieux remarq. L’ancien château de Mozé, le fief de la Courbe, S.-Etienne-de-Falaizé, S.-Aubin, sont des métairies ou bordages actuellement ; S.-Pierre-de-Pont-Neuf, maison bourgeoise ; le prieuré du même nom, détruit ; S.-Laurent, hameau.

établ. publ. Mairie, justice de paix, cure cantonnale, maison et bureau de charité, collège, résidence de deux notaires, de deux huissiers, bureau d’enregistrement, brigade de gendarmerie à cheval, prison de dépôt pour le passage des condamnés allant joindre la chaîne à Alençon. — Chef-lieu de perception ; recette à cheval des contributions indirectes, bureau de déclaration des boissons, 3 débits de tabac (un 4e dans le faubourg de la Croix-Verte), et 1 de poudre à canon. — Bureau de poste aux lettres ; relais de poste aux chevaux.

établ. partic. Un docteur en médecine, deux officiers de santé, deux pharmaciens, une sage-femme ; un expert-arpenteur ; trois messagers pour le Mans.