Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/BOULOIRE

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BOULOIRE, BOULOIR, BOULLOIRE, BOULOERE, BOULOUERE, S.-GEORGES-DE-BOULOIRE, Bolleverium ; de Boulouvard ou Bouloiiard qui, en celtique, signifie un fort entouré d’eau ; ou, suivant M. Cauvin, d’après M. Eloi Johanneau, d’une fontaine qui se trouve au bas du bourg, ce qui ne nous a point paru exact ; ou, encore, des pierres de grès en forme de boules, qui se rencontrent fréquemment dans les sables de ses environs. Commune, chef-lieu de canton, ayant eu autrefois le titre de ville, de l’arrondissement et à 15 kilomètres 8 hectom. O. N. O. de Saint-Calais ; à 27 kil. 1/2 E. S. E. du Mans ; jadis du doyenné et de l’archidiaconé de Montfort-le-Rotrou, du diocèse du Mans et de l’élection de Château-du-Loir. — Distances légales, 18 et 32 kilomètres.

descript. Bornée au N., par le Breil et S.-Michel-de-Chavaigne ; à l’E., par Coudrecieux ; au S., par Maisoncelles ; à l’O., par Surfond; son diamètre du N. au S., est de 10 kilom. ; et de 7 kilom. de l’E. à l’O. Le bourg bâti sur le penchant S. E. d’un coteau, se trouve au centre de ces diamètres, et se compose d’une rue longeant la route du Mans à S.-Calais ; cette rue s’élargit à sa gauche et forme une petite place avec l’église et le château. Église fort simple voûtée en bois, à ouvertures à plein-cintre, excepté celle de la tour, formant la porte occidentale, qui est en ogive primitive ; la tour, de forme carrée, est surmontée d’un clocher en flèche menue et allongée. Cimetière clos de murs et de haies, au N. N. E. du bourg et y attenant. V. plus bas, au paragraphe antiquités, la description du château.

populat. De 257 feux autrefois, on en compte 350 aujourd’hui, qui se composent de 916 individus mâles et 99 femelles ; total, 1885 ; dont 700 dans le bourg et 162 dans le faubourg de Falaise, compris le Mont-Hubert, à 1 kil. au S. du bourg, sur la route de S.-Calais.

Mouv. décenn. De 1803 à 1812, inclusivement : mar., 146 ; naiss., 565 ; déc., 455. - De 1813 à 1822 : mar., 148 ; naiss., 615 ; déc., 394.

hist. ecclés. Église dédiée à S.-Georges et à S.-Mathieu, assemblées les dimanches les plus voisins de ces deux fêtes (23 mai et 21 septembre). Une troisième, peu suivie aujourd’hui, tenait le jour de S.-Sébastien, patron de la chapelle du cimetière. — La cure était à la présentation de l’abbé de S.-Calais qui, d’après le censif dressé en 1391, possédait dans la paroisse, outre ce patronage, plusieurs métairies, bordages, bois, étangs, etc. ; notamment la métairie de la Guimaudière où il avait justice, ainsi que dans la forêt de Bois-Gaudin et dans les autres métairies, avec droit de haute-vanerie (droit de pêche). Les dixmes qu’il y percevait, soit en entier, soit par portions avec les seigneurs de fiefs et le curé, consistaient en grains, pailles, vins, marc des vins et charrois. Le curé de Bouloire devait au dit abbé, dix sous par chacun an « pour la portion des oblations et des aigneaux que ledit abbé soûlait (pouvait) prendre en ladite paroisse, et les doit payer à Pentecoste, à peine de 5 sols chaque jour, le terme passé, que ledit abbé pourroit prendre et avoir de principal. » C’est un demi par jour d’intérêt !!! — Une chapelle située dans les bois des Guérets a été détruite, ainsi que celle du fief de la Vassorerie. Voyez plus bas, histoire féodale et histoire civile. Les seigneurs de Saint-Calais, soit comme suzerains, soit comme bienfaiteurs, ce qui paraît plus probable, avaient des droits sur la cure de Bouloire. On lit dans l’aveu de cette châtellenie, rendu le 21 octobre 1465 : « Le curé de Boulouère tient de moi en garde et au divin service, le presbitaire et appartenances du dit lieu. »

hist. féod. Bouloire était une seigneurie attachée au château de ce nom, relevant de la châtellenie de S.-Calais : elle fut érigée en baronnie en 1593, mais les lettres-patentes de cette érection ne furent enregistrées au parlement de Paris que le 25 mai 1598, à cause des oppositions qu’apporta à cet enregistrement l’un des principaux vassaux du fief de Maisoncelles, qui en dépendait. On objecta, à ce qu’il paraît, que Bouloire n’était pas muré, ce qui engagea M. de Balincourt à faire barricader d’anciennes rues du vieux Bouloire, devenues inutiles, et à faire enfermer le surplus. Cette terre appartenait, lors de la révolution, à la famille Testu de Balincourt, à qui elle était venue par alliances et successions de celles de Chabot et de Maillé de la Tour-Landri. Ce fut en faveur de Jean de Maillé de la Tour-Landri et comme récompense de ses services, que la terre de Bouloire fut érigée en baronnie, avec la forêt de Bois-Gaudin et les seigneuries de Maisoncelles et d’Ecorpain, qui lui appartenaient également, ces deux dernières par le mariage de Kobert Chabot (et non pas Jacques), avec Antoinette d’Illiers. V. les articles Maisoncelles et Ecorpain. — En 1674, Charles Testu, baron de Bouloire, capitaine au régiment des gardes-françaises, fut tué à la bataille de Senef. En 1717, Claude-Guillaume Testu, chevalier, marquis de Balincourt, baron de Bouloire, était brigadier des armées du Roi : il fut fait maréchal de France en 1746; les autres membres de cette famille, après lui, ont presque tous occupé des grades dans l’armée. — On voit dans l’aveu rendu, en 1465, pour la châtellenie de S.-Calais, qu’à cette époque, « messire Guillebert Dupuis, chevalier, doit foi et hommage à Jean de Bueil, chastelain dudit S.-Calais, et une maille d’or de service à muance (mouvance) d’homme, pour raison de sa terre et appartenances de Boullouer, ainsi qu’elle se poursuit et comporte, justice et doumaine, et 100 sols de taille quant elle eschet par la coustume du pays. » — Mais, avant ces familles, il en existait une qui portait, comme il était d’usage alors, le nom du lieu. En 1222, Mathaeus de Bouloir, assiste à la sépulture de Guillaume des Boches, dans l’abbaye de Bonlieu qu’avait fondée ce célèbre sénéchal. Mathaeus ou Mathieu fait don à ce monastère d’un muid de vin de rente, de sa terre de Fontaines : unum modium vini, apud Fontenas in suis plantis. (Menage, Hist. de Sablé.) — Il y avait en outre à Bouloire, les fiefs de la Vassorerie ou Vasselerie, avec chapelle, qui, de la famille de Dagues, passa à celle le Villain ; et celui de la Quoirie ou peut-être Queurie, appartenant à la famille Cailleau du Mans. En 1393, Gillette la Bouyne, veuve de Jean Quarré, bourgeois du Mans, rend aveu pour ce fief, qu’elle tient à foi et hommage lige ( ?).

hist. civ. A la fin d’août 1681, la ville de Bouloire fut presque totalement brûlée. Le château, les murs de l’église, la maison vicariale, où fut transporté le S.-Sacrement, et la chapelle du cimetière, échappèrent seuls à cet accident. Bouloire, abandonné à ses propres ressources, ne put être reconstruit en entier : de-là les ruines ou anciennes fondations accompagnées de charbon, que l’on rencontre de toutes parts ; différens noms de rues, de fermes et maisons, comme la Houssaie, la Volerie, la Jugerie ; un espace de terrain appelé le Marché du Coin ; un autre assez vaste, coupé en différens sens par de petites ruelles, qu’on croit avoir été des rues autrefois ; qui tous sont présumés avoir dépendu de la ville incendiée, et avoir occupé un espace égal à celui du bourg actuel, au nord de celui-ci. Il y avait, dit-on, des tanneries dans ce quartier que l’on appelait alors S.-georges- de-la-forêt, nom qui porte à croire que la forêt de Bois-Gaudin, dont les bois des Loges paraissent être les restes, s’étendait beaucoup au N. et au N. O.

Bouloire possédait, à l’époque de la révolution, un bureau de la marque des toiles et des fers ; un grenier à sel établi en 1694, qui approvisionnait 25 paroisses. Avant cette époque, Bouloire n’avait qu’une chambre ou magasin de celui de la Ferté-Bernard, dont les officiers venaient distribuer cette denrée à certains jours. Le prix du sel y était fixé à 7 liv. 5 s. le quintal. Il y existait aussi un entrepôt de tabac, dont les produits étaient recherchés à cause de l’odeur de rose que l’entreposeur savait lui procurer. Il y avait un collège, dont le principal était à la présentation du seigneur, du curé et des habitans : le prêtre qui en était chargé, acquittait aussi les fondations de la chapelle du bois des Guérets.

antiq. Près du bourg de Bouloire, en arrivant par le chemin du Grand-Lucé, on trouve un carrefour triangulaire qui était hérissé de gros blocs de grès, qu’on appelle perrons dans le pays, sur l’un desquels on montrait le pas de la fée : on nommait ce carrefour le Cimetière aux Sorcières. Depuis l’époque où le savant Eloi Johanneau a observé ce lieu, les perrons ont été exploités comme carrière de la route royale n.° 157, et le Pas de la Fée a disparu. — Le château, véritable forteresse du moyen âge, est une construction dont les ouvertures des croisées sont en croix de pierre, à moulures à filets, à lucarnes allongées : genre de sculpture qui paraît signaler l’intervalle de temps entre Philippe-Auguste et François Ier. Une porte d’entrée de la tour hexagone, servant de cage d’escalier, a ses chambranles en moulures et filets ; une pierre carrée la surmonte, sur laquelle étaient sculptées des armoiries dont on n’apperçoit plus qu’un vaisseau, avec un encadrement en feuillages et grappes de raisin, assez délicatement travaillés. Ce château avait une double enceinte de murailles du côté de la place ou du bourg, laquelle commençait où est l’auberge des Bons-Laboureurs et se prolongeait en cintre jusqu’à l’église, et de-là jusqu’à la fontaine bouillante, où il y avait une tour et une porte de ville ; il était flanqué de quatorze tourelles et défendu par un pont-levis. L’une de ces tourelles, où était placé le chartrier, était, dit-on, remarquable par son élégance et son élévation. Ce qui reste encore de ce château mériterait d’être conservé par le dessin. — Un ruisseau, qui prend sa source à la Fontaine Bouillante, située au bas du bourg, porte le nom de Gué-Maris, de l’ancien usage féodal qui obligeait les nouveaux mariés à venir sauter ce ruisseau en présence du seigneur et de sa Maison. Un carrefour de Bouloire, où l’on voyait un grès debout de près de 3 mètr. de haut, qui était peu-être un ancien peulven, auquel M. de Balincourt fit attacher les portes et les barricades dont il enceignit sa nouvelle ville, s’appelait le Carrefour de la Billette, parce que c’était là où se payaient les droits féodaux de péage, droits qui n’ont cessé d’y être perçus qu’à la révolution.

hydrogr. La commune est arrosée au S., à l’E. et au N. E., par les ruisseaux de Tortue, des Loges, de Gué-Perré et de Gué-Maris ; au S. E., par celui d’Etangsort ; ce dernier qui, comme nous l’avons dit, sort de la fontaine dite Bouillante, qui ne nous a guère paru mériter son nom, située au bas du bourg et qui y sert de lavoir, se jette dans le Gué-Perré, à peu de distance au N. N. E. du bourg. Celui-ci prend sa source près de la Guémandière, à 3 kil. 1/2 au S. E. du bourg, et se perd dans la Tortue, à 1 kil. 1/2 au N. du même bourg. Les deux autres sont décrits à l’ordre alphabétique. — Moulins à blé de Grignan, de l’Etang et Petit, sur la Tortue, le Gué-Perré et le Gué-Maris. — Trois étangs sur ce territoire, dans lesquels on nourrit carpes tanches, brochets, anguilles et gardons.

géolog. Terrain secondaire d’alluvion et généralement montueux, offrant le calcaire jurassique en petites masses arrondies, ou têtes de chat ; des sables profonds dans lesquels on trouve des grès en grosses boules, et d’autres en roches ; de la marne, de la pierre-cosse ou silex corné.

divis. des terr. En labour 1,174 hectares ; landes, bruyères et pinières, 255 ; prés et pâtures, 80 ; vignes, 2 ; jardins, 3 ; bois futaies, 16 ; bois taillis, 155 ; étangs, 5 ; total, 170.

contrib. Foncier, 6,803 f. ; personn. et mobil., 1,027 f. ; port. et fen., 325 f. ; 57 patentés : dr. fixe, 385 f. 50 c. ; dr. proport., 171 f. 08 c. ; Total, 8,711 f. 58 c. — Chef-lieu de perception.

cultur. Sol généralement peu fertile, où l’on cultive le seigle, le méteil, l’avoine en majeure partie ; moins d’orge, très-peu de froment ; chanvre, trèfle, pommes de terre. Elèves de quelques chevaux, de bêtes à corne, moutons, chèvres, porcs, volailles, abeilles. Arbres à fruits et châtaigniers. — Assolement quadriennal. 30 fermes et métairies, 56 bordages ou closeries, le tout labouré par 75 charrues, dont partie communes à plusieurs cultivateurs.

comm. agric. Peu d’exportation réelle de grains, les produits suffisant à peine à la nourriture des habitans ; bestiaux, porcs jeunes et porcs gras, moutons et laine, volailles, gibier, cire et miel en assez grande quantité ; chanvre et fil ; cidre, fruits, châtaignes, menues denrées.

comm. industr. Fabrication d’environ 300 pièces par an de toiles de chanvre, dites communs, et canevas, de 50 aunes de long sur 3/4, 7/8 et 1 aune de large, qui se vendent à la Ferté et au Mans ; avant la révolution, il s’y en fabriquait plus de 5 mille pièces ; un fabricant de sangles de corde; extraction du grès.

foir. et march. Marché le mardi, pour grains et denrées du sol. Avant l’incendie de 1681, ces marchés étaient très-suivis pour le commerce des bestiaux : les auberges ayant été réédifiées en trop petit nombre, ce genre d’affaires s’est réparti sur les marchés du Grand-Lucé et de Vibraye. Il se vendait aussi, avant 1789, plus de 200 pièces de toile à chacun de ces marchés, et nous avons vu qu’il y existait un bureau pour la marque des toiles. Depuis 15 ans ces marchés sont devenus très-forts pour les grains : il s’y en vend à chacun, environ trois mille boisseaux (de 25 litres chaque) ; pendant l’été de 1825, ce commerce s’éleva jusqu’à trente mille boisseaux par semaine. — Foires, 3 par an : le mardi après la Quasimodo ; le 1.er mardi de juillet ; le mardi le plus proche de la S.-Mathieu, époque de l’une des principales assemblées. Quoique fixée à un jour, par l’ordonnance du 19 janvier 1823, cette dernière foire dure quelquefois 2 et 3 jours. Il se vend à ces foires toute espèce de bestiaux. Les habitans de la commune fréquentent en outre les marchés de Dollon, du Grand-Lucé, de S.-Calais et de la Ferlé-Bernard, pour la vente des toiles.

rout. et chem. La route royale n.° 157, de Blois à Laval, traverse le bourg et la commune du S. E. à l’O., en conduisant de S.-Calais au Mans ; le chemin de Montfort à Saint-Calais, les traverse également du N. O. au S. E. ; enfin l’ancien chemin du Mans à S.-Calais, par Changé, passe à l’extrémité S. de la commune.

habit. et lieux remarq. Nous avons cité plusieurs terrains et habitations situés au N. du bourg, qui semblent en avoir dépendu avant l’incendie de 1681, et lui donnaient une étendue double au moins de celle actuelle : le nom de Haute-Rue que porte l’un de ces terrains, confirme cette opinion. Celui de Jugerie s’explique de lui-même ; la Volerie semble être le lieu de détention des voleurs ; les noms de Vassorerie ou de Vassolerie, de Pagerie, de Parc, de Borde, de Forterie, sont tous des vestiges de féodalité ; Haute-Folie, indique un lieu de plaisance ou d’agrément des seigneurs, situé sur une élévation. Aucune de ces habitations n’offre rien de bien remarquable. — Une jolie maison dans le bourg, appartient à M. le Villain, propriétaire de l’ancien fief de la Vassolerie.

etabl. publ. Mairie, justice de paix, cure cantonnale. Instituteur et institutrice primaires, logés dans l’ancien collège. Résidence d’un notaire, d’un huissier ; bureau d’enregistrement. Résidence d’un percepteur. Bureau de déclaration des boissons, débit de tabac, débit de poudre de chasse. Brigade de gendarmerie à cheval. — Bureau de poste aux lettres à Connerré.

etabl. partic. Deux officiers de santé. Voitures publiques de S.-Calais au Mans, passant par Bouloire ; un messager de ce dernier lieu au Mans, deux fois par semaine.