Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/Précis historique/IV/IV

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Julien Remy Pesche
(Tome 1p. CCXXXIII-CCLXIII).

§ IV. Depuis la fin de la Ligue, jusqu’à la Révolution.

L’esprit de la Ligue était bien affaibli dans le Maine, à l’époque de la mort de Henri IV, si l’on s’en rapporte aux démonstrations officielles qui eurent lieu lors de ce funeste événement. Des précautions y furent prises par les magistrats et les chefs militaires, pour assurer la tranquillité publique ; un service funèbre qui dura huit jours, fut célébré au Mans ; et un service anniversaire, pour le repos de l’âme du monarque défunt, y fut fondé plus tard, par le roi son fils, qui donna pour cet effet deux muids de sel au chapitre : ce service avait lieu tous les ans le 14 de mai. Partout, dans la province, où passa le nombreux cortège chargé de porter le cœur de Henri IV à la Flèche, conformément à une disposition testamentaire de ce malheureux prince, cette triste relique fut reçue avec douleur et vénération, et des offices funèbres furent célébrés dans les églises où elle reposa. Nous avons parlé à l’article de la Ferté-Bernard de l’oraison que prononça à cette occasion le curé Séverin Bertrand ; nous racontons, à celui de la Flèche, la scène ridicule qui eut lieu lorsque le cortège, conduit par le jésuite Cotton confesseur du roi défunt, entra dans cette ville ; scène qui fut renouvelée plus scandaleusement encore, lorsque le cœur de Marie de Médicis y fut également apporté.

1611. — Le duc de Sully, l’ami de Henri IV, le confident de ses nobles pensées pour la prospérité de la France, de son amour pour les français[1], se retire de la cour, où il voyait ne plus pouvoir continuer le bien que lui permettait de faire son ancien maître. Cette retraite est comme le point où renaissent les nouvelles agitations de la France, où commencent les malheurs de la reine Marie de Médicis, cette reine qu’on n’ose encore, après plus de deux siècles, accuser ni absoudre, du meurtre de son époux.

Des semences de dissention entre les huguenots, les princes de la cour et la régente, se manifestent dès 1612 ; deviennent plus intenses l’année suivante ; éclatent enfin en 1614. Le prince de Condé ; César, duc de Vendôme et fils naturel d’Henri IV ; les ducs de Guise, de Mayenne, de Luxembourg, de Rohan et le maréchal de Bouillon ; se retirent de la cour. Cependant, un traité a lieu le 15 mai, qui satisfait les mécontens, à l’exception du duc de Vendôme : celui-ci se retire dans son gouvernement de Bretagne, où il se tient en armes et d’où il fait des courses dans le Maine, forcé de se mettre en mesure de le repousser. Louis XIII fait marcher des troupes pour soumettre ce prince et se rend à Nantes, où les bourgeois du Mans vont l’engager, en se mettant à ses genoux, de venir visiter leur cité. Le duc de Vendôme ayant fait sa soumission, Louis XIII et sa mère s’en retournent à Paris en passant par le Mans, où ils sont reçus le 5 septembre 1614,avec toutes sortes de solennités : ainsi que Louis XI, le roi accepte l’aumusse, comme premier chanoine, lorsqu’il fait son entrée dans la cathédrale de S.-Julien. Louis XIII revint au Mans en 1621 et y séjourna une quinzaine de jours, avant de se rendre à Saumur, pour enlever par ruse le gouvernement du château à Duplessis-Mornay. Marie de Médicis, alors brouillée et en guerre avec son fils, va, à la même époque, traiter à Sablé du gouvernement de l’Anjou, avec le maréchal de Bois-Dauphin.

1615 — 1617. — Le prince de Condé se retire une seconde fois de la cour, et se lie avec les prolestans ; fait ensuite un traité avantageux à son parti ; est arrêté, mis à la Bastille et de-là à Vincennes. Les princes irrités de la faveur dont jouissait Concini, maréchal d’Ancre, auprès de la reine-mère et auprès du roi, s’éloignent de nouveau ; Richelieu, évêque de Luçon et depuis cardinal, est fait ministre ; la guerre éclate en 1617 entre le roi et les mécontens ; le comte d’Auvergne, fils naturel de Charles IX, que Henri IV avait fait mettre à la Bastille, en est retiré pour commander une armée, destinée à agir contre les princes, dans le Perche et les environs. Ce prince part de Paris, le 26 janvier 1617, s’empare de différentes places, pénètre dans le Maine où il prend la Ferté-Bernard, puis le Mans, dont il fait raser le château, et se rend ensuite à Alençon.

La mort ou plutôt l’assassinat du maréchal d’Ancre ; les nouvelles guerres des calvinistes en 1622, 1625 et années suivantes, que termina la soumission de la Rochelle, en 1628 ; les continuelles brouilleries de Marie de Médicis avec son fils et avec le cardinal de Richelieu ; la mort de cette princesse dans l’exil et dans la misère, en 1642 ; sont des événemens de cette époque, qu’il est nécessaire d’indiquer, quoiqu’ils ne soient pas absolument de notre sujet. Mais la condamnation, d’Urbain Grandier, curé de Loudun, brûlé pour crime de magie, en 1634, s’y rattache davantage, parce que cette déplorable victime de la vengeance et du fanatisme, était née dans le Maine[2] ; et parce que Deniau, procureur de la commission chargée de le juger, était de la Flèche et conseiller au présidial de cette ville. Deniau a fait un traité de la possession de Loudun : il était naturel qu’il cherchât à prouver qu’il avait eu raison de faire condamner le malheureux Grandier.

1643. — La mort de Louis XIII, arrivée le 14 mai 1643, donna lieu à la régence d’Anne d’Autriche et au ministère de Mazarin, qui amena la guerre civile de la Fronde, guerre qu’on a traitée de ridicule avec raison, puisqu’on y vit les principaux personnages qui y figurèrent, passer alternativement, et à plusieurs reprises, dans l’un ou l’autre des deux partis, celui des Frondeurs et celui des Mazarins. Mais avant d’arriver à cette époque, nous devons dire que la bataille de Rocroi, gagnée par le prince de Condé, alors duc d’Enghien, à l’âge de vingt-deux ans, le 19 mai de cette même année y occasionna à la province et particulièrement à la ville du Mans, une charge de mille prisonniers espagnols, qu’elle eut à nourrir pendant trois ans : le clergé du Mans, fut obligé de contribuer à la garde de ces prisonniers, comme les autres citoyens.

1648. — La guerre de la Fronde commença, cette année, par une querelle entre le Parlement de Paris et la cour, à l’occasion d’édits bursaux. L’arrestation de plusieurs membres de cette compagnie, qui montrèrent de la résistance aux prétentions du ministre Mazarin, fit soulever le peuple, agite par le duc de Beaufort, second fils de César de Vendôme et petit-fils d’Henri IV, qu’on appelait le roi des Halles, parce qu’il en parlait le langage et se familiarisait avec le bas peuple dont, par ce moyen, il avait su se faire aimer. À ce prince, échappé tout récemment du château de Vincennes, où il était retenu depuis cinq ans, se joignirent le coadjuteur de Paris, connu depuis sous le nom de cardinal de Retz, homme d’esprit et intrigant, qui a publié sur ces événemens des mémoires fort curieux ; le prince de Conti ; le duc de Bouillon, le chef et l’âme du parti ; le duc de Vendôme ; la duchesse de Longueville ; etc. Le peuple de Paris soulevé, tendit des chaînes dans les rues, le 26 août, ce qui donna lieu à une seconde journée des Barricades : la reine fut obligée de céder, et de faire sortir les magistrats qu’elle avait fait mettre en prison. Le prince de Condé, le vainqueur de Rocroi, était du parti de la cour dans le premier moment de cette guerre ; plus tard il assiégea Paris pour la Fronde, et ensuite ramena dans la capitale le cardinal de Mazarin.

Le Maine, vit se manifester quelques symptômes de troubles dès le début de cette guerre civile, qui dura près de quatre ans. Le marquis de Lavardin, lieutenant du Roi dans la province, vint au Mans, pour contenir les habitans dans le devoir ; mais le marquis de la Boulaye, commandant un corps de troupes de l’armée du duc de Beaufort, soutenu par le baron des Essarts, sénéchal du Maine, chaud partisan des Frondeurs, y entra à son tour à la tête de quatre régimens, fit ouvrir les magasins à sel et distribuer cette denrée au peuple, à 20 sous le minot, prix auquel l’avait taxé le sénéchal, ce qui leur fit de nombreux partisans : la Boulaye s’empara en même temps, de tout l’argent qu’il trouva dans les bureaux des Aides et dans les autres caisses publiques de la ville du Mans. Le duc de la Trimouille, comte de Laval, fit également déclarer cette ville pour le parti du Parlement, ce qui se borna à établir une garde, sans qu’aucun trouble se manifestât. À cette époque, comme dans les commencemens de la Ligue, c’était en protestant de sa soumission et de son dévouement au Roi, qu’on s’armait contre son autorité.

1651.— 1652. — Ces deux années sont celles de cette guerre, sur lesquelles on possède le plus de renseignemens. Les états de la province furent convoqués au Mans, au mois de juillet 1651, pour députer aux états-généraux qui devaient s’assembler à Tours, et qui n’eurent point lieu. Plus de deux cents gentilshommes s’y trouvèrent : les membres du présidial, ayant voulu prendre rang avant la noblesse, probablement d’après la maxime cedant arma togœ, le tumulte fut grand ; on alla même jusqu’aux menaces : une lettre de cachet du roi, défendit les nominations par procureur. L’année suivante ne fut pas plus tranquille ; le retour de Mazarin à la cour, ayant animé davantage encore les esprits, et fait prendre de nouveau les armes aux mécontens. Le marquis de Gesvres, fils du duc de Tresmes gouverneur de la province du Maine, entra au Mans avec huit compagnies d’infanterie du régiment de Piémont, à l’effet de conserver la ville dans l’obéissance du roi : le comte de Sourches qui, par la suite, illustra son nom par les services qu’il rendit à l’empereur, commandait l’une de ces compagnies. La bourgeoisie et les troupes furent tenues continuellement en alarme, par la crainte que l’armée du duc de Beaufort ne voulut s’emparer de la ville. Un corps de cette armée vint camper en effet à ses portes, dans les vignes de Gazonfière ; l’un de ses trompettes et un habitant de la ville furent tués ; mais aucune tentative sérieuse n’eut lieu pour s’en rendre maître, et, ce corps d’année passa outre, pour se rendre en Anjou. Dans la même année 1602, le maréchal de la Meilleraie, partit d’Angers avec deux régimens, pour aller au nom du roi, se saisir du château de Sablé ; mais, sur l’assurance des habitans de cette ville, qui allèrent au-devant de lui jusqu’à Morannes, protester de leur fidélité, le maréchal ne passa pas plus avant.

Des lettres écrites de Montdoubleau, à un gentilhomme de Vendôme, alors en Poitou, fournissent des détails, d’autant plus curieux qu’ils sont plus rares, sur ce qui se passa alors dans le pays. Les troupes de l’armée du roi et de celle des princes, ne ménageaient pas plus les uns que les autres, les malheureux citoyens : ce fut surtout le Perche, le Vendômois, une portion du Haut-Anjou, et la partie du Maine, située entre le Loir et la capitale de cette dernière province, qui furent le plus exposés, non-seulement aux exactions des gens de guerre, mais aussi aux excès d’une foule de voleurs, de pillards, de gens sans aveu, qui profitaient de cette occasion de troubles, pour se livrer à des excès. « Je vous apprendrai, est-il dit dans une des lettres dont je viens de parler, du 27 mars 1652, que l’armée du roi, qui a passé entre Vendôme et Blois, et celle de MM. les princes, qui a passé et repassé par ces quartiers, allant au Mans, pour devoir secourir Angers, où ils allaient après la mort le médecin, et s’en retournant en Beauce, ont entièrement tout ruiné par où ils ont passé, volé, pillé et violé, sans acception de personnes, à l’exception de cette baronnie (Montdoubleau), qui a été entièrement conservée par M. de Beaufort. M. de Vibraye en a reçu bien du déplaisir, les troupes ayant logé jusqu’à sa porte. Le Perche a beaucoup souffert, ils en ont emmené la plupart des cavales. Toute la noblesse se fortifiant en ses maisons, j’ai fait faire ce que l’on a cru nécessaire pour la défense de la vôtre. L’armée du roi, dans le Vendômois et le Blaisois, a tout mis à l’interdit, sans exception : les officiers du roi même n’ont pas été exceptés ; M. de Bezé et son voisinage, ont passé par la même rigueur ; M. de Bische et ses voisins, sont demeurés prisonniers ; et M. de Baposme tué, en voulant défendre sa famille ; enfin, il ne se peut exprimer les cruautés qui y ont été faites : il n’y a que huit jours que la paroisse de Drouet, fut entièrement pillée et les femmes violées… L’on disait hier que les princes s’en allaient retourner en Poitou, pour dégager M. le Prince, que l’on dit faible. J’appréhende bien fort la continuation de ces misérables troubles, ne sachant où l’on pourra avoir de sûreté : nous n’avons à craindre quant à présent, que les voleurs et les coureurs ; il y a beaucoup de déseuvrés, la misère étant fort grande : le malheur des guerres fait bien quitter des métayers, par nécessité, leurs bestiaux ayant été volés… je ne reçois aucun argent pour vous de la Bazoche-Gouet ; ils sont tous ruinés, ayant eu le fort de l’armée. Masle, le Theil (entre Nogent-le-Rotrou et la Ferté- Bernard[3]), et les autres paroisses voisines, sont toutes pillées et ruinées. Bref, le monde est tout effrayé, plus deux fois qu’ils n’étaient lors des guerres de la Ligue »[4]. Les lettres du même, écrites dès le mois de juin 1650, donnent des détails analogues, sur la conduite des gens de guerre, dans les premières années de ces troubles. « La gendarmerie, y est-il dit, a tout ruiné dans le Perche, et vole publiquement tout ce qu’elle rencontre de chevaux, même ceux des gentilshommes, qui ont été contraints de charger ces pillards et d’en tuer. »

De tels détails ne justifient-ils pas ces réflexions de l’abbé de Montgaillard[5], réflexions qu’on ne permettrait pas à notre plume, qu’on nous fera peut-être même un crime de citer : « On serait saisi d’horreur, transporté d’indignation, si l’on connaissait les mémoires, les écrits autographes, tracés par plusieurs des principaux acteurs, dans la guerre de la Ligue et les troubles de la Fronde : ces irrécusables témoignages de l’avidité, de la férocité des grands seigneurs, des rebelles de ces époques, ces témoignages subsistent, et seront, il faut l’espérer, livrés un jour au public. Les Français y verront des brigandages, des crimes et des forfaits, qui surpassent tout ce que les Jacobins de 93 et de 94 ont de plus épouvantablement hideux[6] ».

A l’assemblée des états du Maine, dont il a été parlé précédemment, on nomma député pour le Mans, M. de Tessé ; et, pour Vendôme, le marquis de Cogners : ce dernier fut élu contre le gré du duc de Vendôme, qui désirait qu’on fit choix de M. de Rochambeau, et qui obtint un arrêt du conseil, pour qu’il fut procédé à une nouvelle élection, à laquelle, ceux qui avaient voté pour le marquis de Cogners, ne voulurent pas assister. M. de Rochambeau, fut nommé par le parti du prince, qui se composait, principalement, des gentilshommes du duché de Vendôme, étrangers à la province du Maine ; M. de Souvré, seigneur de Courtenvaux en Bessé, et ses adhérens, firent signifier leur opposition à cette seconde élection. Mais ensuite, la querelle étant devenue personnelle, le marquis de Cogners provoqua M. de Rochambeau, qui choisit pour arme le poignard et l’épée, et qui reçut six blessures, dont deux mortelles : son adversaire également blessé, ne le fut pas d’une manière dangereuse. Cet événement mit fort mal dans l’esprit du duc de Vendôme, le marquis de Cogners, ce qui ne l’empêcha pas de rester fidèle au parti des princes, et de se saisir de la Chartre[7], à la tête de soixante gentilshommes du pays, pour faciliter le passage du Loir par cette place, à l’armée du duc de Beaufort, qui revenait de l’Anjou, « dont il fut fort loué et estimé, et ça fait, s’en retourna auprès de Monsieur le duc d’Orléans, frère du roi, devenu le chef du parti des Frondeurs[8]. »

Les troubles s’appaisèrent, enfin, au commencement de l’année 1653, et se terminèrent par le triomphe de celui qui en avait été l’occasion, le cardinal Mazarin. Louis XIV, quinze ans plus tard, soit qu’il pensât ce que nous avons dit du ridicule de cette guerre, soit par un autre motif que son caractère connu rend facile à deviner, fit ôter, des registres du parlement, tout ce qui s’y était passé depuis 1647 jusqu’en 1652.

1662. — On peut rapportera cette époque le commencement des nouvelles persécutions suscitées au protestantisme, que l’on avait résolu d’extirper entièrement. L’édit de Nantes, permettait aux calvinistes de se réunir en synode national, ce qui avait lieu tous les trois ans : le dernier est de 1659. Lorsqu’en 1662, ils voulurent se rassembler comme à l’ordinaire, le cardinal Mazarin leur insinua qu’ils eussent à se contenter de leurs synodes provinciaux. Deux arrêts de la chambre de l’Édit, rendus en 1665, apportent des restrictions à l’exercice du culte calviniste dans la paroisse d’Ardenai[9], dont le temple est démoli en exécution du second de ces arrêts. En 1669, M.e Geoffroi Arnoul, chanoine métropolitain et syndic du clergé de Tours, Angers, le Mans et Poitiers, présente requête à M. de Voisin, commissaire départi dans la généralité de Tours, « à l’effet de connaître des contraventions et innovations faites à l’édit de Nantes et aux édits, arrêts et déclarations de S. M. », par laquelle il remontre « que plusieurs ministres de la religion prétendue reformée, vont faire le presche et autres exercices de cette religion, hors le lieu de leur demeure et résidence actuelle, et ce en plusieurs lieux, entre autres le nommé Larpent demeurant au Mans, qui se rend à cet effet dans les maisons d’Ardenai, Loudon, le Tronchai, la Goupillère et Dollon ; et le nommé Fleury, qui fait de même au bourg de Saint-Aignan, et dans les maisons d’Avesne, d’Aillères et dans le temple de Saint-Ouen-de-Mimbré[10] ; ce qui est contraire même à la discipline des dits reformés. » Le syndic Arnoul, cite ensuite les différents actes disciplinaires, confirmatifs de sa dernière assertion, avec la bonne foi ordinaire en pareil cas, qui consiste à appliquer a des temps et à des circonstances extraordinaires, ce qui a été fait ou ordonné pour des temps et des circonstances tout opposés, et vice versa. Cette requête est suivie d’une ordonnance du commissaire de Voisin, datée du 15 janvier 1669, qui, « fait défense aux dits ministres de faire le presche en divers lieux et hors celui de leur résidence, à peine de cinq cents livres d’amende et de punitions corporelles en cas de récidive ; défend à tous anciens diacres et autres faisant profession de ladite religion, de faire aucunes assemblées, soit pour faire prières, lecture d’écriture sainte et autres fonctions, en l’absence des dits ministres, et sous les mêmes peines. »

Les chambres de l’édit, dont il a été parlé, établies par celui de Nantes, dans tous les parlements du royaume, sont supprimées au commencement de 1669. Formées, dans l’origine, en parties de catholiques et de réformés, leur composition fut altérée peu-à-peu, à tel point que celle du parlement de Paris, qui était de seize membres, où les calvinistes devaient être en tiers, fut réduite à un seul de cette religion ; ce qui explique la rigueur des deux arrêts rendus contre les protestans d’Ardenai.

Un édit de Louis XIV, du 22 octobre 1685, mit le sceau, d’une manière plus cruelle, mais plus franche, à cette jurisprudence oppressive, en révoquant l’édit de Nantes, rendu par Henri IV, en faveur des protestans. Nous allons laisser le chanoine Morand, exposer par quelles voies on procéda pour arriver à cette conclusion ; ses aveux sont précieux :

« Nous avons vu, dit-il, combien de troubles la religion prétendue réformée avait causés dans l’état. On avait été contraint d’en souffrir l’exercice pendant plus d’un siècle ; mais enfin, le temps de l’abolir dans le royaume étant venu, Louis-le-Grand, à qui la gloire en est due, a réussi à exécuter ce grand mais épineux dessein. Cependant, comme il n’était pas à propos d’attaquer de vive force cette machine fortement soutenue par plusieurs puissances étrangères, ce fut en la sapant peu-à-peu, que ce prince se mit à lui faire la guerre. Il commença à exclure ceux qui faisaient profession de cette erreur, des charges, des emplois publics de judicature, de même des fermes, sous-fermes de son domaine ; et généralement de tout ce qui a du rapport aux droits de sa couronne. Ces préparatifs furent un merveilleux acheminement à la consommation de son dessein. Plusieurs de ceux qui avaient des charges, ou qui aspiraient à en avoir, abjurèrent l’hérésie, et leur abjuration ayant affaibli le parti, le roi fit publier la révocation de l’édit de Nantes ; défendit l’exercice public du calvinisme, que cet édit permettait ; fit sortir du royaume tous les ministres de cette religion ; fit raser leurs temples et confisqua au profit de l’hôpital-général les terres, rentes et autres biens dont jouissaient ceux de la province : l’édit de révocation ayant été exécuté dans le Maine comme ailleurs.

« Mais, de ceux qui firent abjuration, peu le firent de bonne foi ; car on ne les voit plus depuis longtemps fréquenter les églises catholiques, s’approcher des tribunaux de la pénitence, aller à la table du Seigneur ; et quoique l’on fit, pendant longtemps, dans la cathédrale du Mans, des sermons de controverse, ces âmes dures, ces gens nourris dans le libertinage, au lieu d’en profiter, sont retournés à leur vomissement (sic) et font bien connaître par leurs manières, qu’ils couvent dans leurs cœurs un esprit de rébellion tel qu’il a toujours été, et qu’ils n’attendent qu’une occasion favorable telle qu’ils l’espèrent, pour la faire éclore. »

Un pareil texte n’a pas besoin de commentaires ; mais il rend mal les circonstances d’un événement d’un si grand intérêt, et tel qu’il n’en est aucun autre dans notre histoire, qui puisse lui être comparé. Voici comment l’auteur de l’Esprit de la Ligue, que certes on n’accusera pas d’être un écrivain passionné ni un trop hardi penseur, fait connaître les circonstances et les suites de cette révocation. Nous sommes bien réduits à nous servir du texte des autres, puisqu’une susceptibilité extrême, de la part du public, nous interdit de hasarder les réflexions les plus simples et les plus naturelles, sous peine d’être accusé d’esprit de parti, accusation que nous sommes bien loin assurément de chercher à mériter.

« Tout ce que la cour, sous Louis XIV, put imaginer pour faire des prosélites à la religion catholique fut employé : faveurs aux nouveaux convertis ; exemptions de taille, tutelles, contributions et sujétions de toute espèce ; surséances pour le paiement des dettes ; affranchissement, même du pouvoir paternel, et permission de se marier sans le consentement de parens calvinistes ; préférences pour l’admission aux charges et aux emplois, dans la robe, la finance et le commerce, et jusqu’aux grades militaires.

« À ces privilèges, pour les nouveaux convertis, succédèrent les exclusions pour ceux qui persistaient. On se contenta d’abord de défendre qu’ils fussent admis à aucunes fonctions publiques, municipales, judiciaires, doctrinales et même mécaniques. Ensuite on ordonna à ceux qui y avaient été admis auparavant, d’y renoncer. Ainsi, ils furent exclus des corps de métiers, des maîtrises, des apprentissages, du barreau, et il ne leur fut plus permis d’être sergens, recors, huissiers, greffiers, procureurs, à plus forte raison juges et avocats. On leur interdit aussi les fermes du roi, même dans les emplois subalternes. Leurs noms furent rayés des universités, des rôles de la maison du roi, de celles des princes et de toute la famille royale. On retrancha non-seulement aux officiers, même aux veuves et aux enfans opiniâtres, les pensions, les honneurs, le droit de noblesse, et les autres distinctions attachées à ces places. Enfin, il ne leur fut plus permis de pratiquer publiquement la médecine, la chirurgie, la pharmacie, ni même l’état de sages-femmes.

« C’était peu d’inquiéter le troupeau, si on ne frappait les pasteurs ; mais le temps n’était pas encore venu de les proscrire : on se contenta de les gêner dans leurs personnes et dans leurs fonctions. Le ministère fut interdit aux étrangers ; on défendit aux pasteurs de s’entremettre d’affaires publiques, de porter l’habit ecclésiastique, de s’intituler ministres de la parole de Dieu, d’appeler leur religion réformée, sans ajouter le mot prétendue ; de faire corps et d’aller en cette qualité, saluer et haranguer les personnes de distinction ; d’avoir dans les temples des bancs élevés pour les magistrats de leur religion, de les orner de tapis aux armes du roi ou de la ville, et de leur faire cortège en entrant dans le temple, ou en sortant. Il ne leur fut plus permis de faire le prêche ailleurs que dans le lieu ordinaire de leur résidence, ou de le faire en plus d’un lieu, sous prétexte d’annexé ; d’exercer hors des temples, et plus de trois ans dans le même endroit ; d’entrer chez les malades de peur qu’ils ne les empêchassent de se convertir ; de visiter les prisons, de rien laisser échapper dans leurs sermons contre la religion catholique, et de célébrer les baptêmes, les mariages, les enterremens avec un éclat qui pût attirer de la considération à leur ministère. Quant aux consistoires et aux synodes, la cour diminua leur pouvoir, en les rendant moins fréquens, en y envoyant des commissaires fermes, se faisant instruire des délibérations, et interdisant la connaissance de certaines affaires. Elle sapa encore mieux leur autorité, en ôtant à ces assemblées la collecte, le maniement, l’application des deniers, et en transférant aux hôpitaux catholiques les legs ou donations qui se faisaient aux consistoires. Pour l’autre branche de crédit que donnent les sciences, elle fut aussi retranchée, par la défense à leurs maîtres d’enseigner les langues, la philosophie et la théologie, par la destruction de plusieurs écoles fameuses.

« Assujettis dans les villes à respecter les rites catholiques, à s’abstenir du commerce et du travail les jours de fêtes, à saluer le Saint-Sacrement lorsqu’on le portait aux malades, ou à se cacher, et à beaucoup d’autres pratiques qu’ils prétendaient blesser leur conscience ; les calvinistes se réfugiaient dans les campagnes, ou les seigneurs de leur religion les admettaient aux prêches de leurs châteaux : mais la cour les priva bientôt de cette ressource, en fixant le nombre et la quantité de ceux qui pouvaient être reçus à ces prêches, et en disputant même à plusieurs seigneurs le droit d’en avoir ; ce qui menait à interdire les ministres, à les chasser comme inutiles et à abattre les temples (ainsi qu’on l’a vu plus haut). On en comptait déjà plus de sept cents détruits, par différentes raisons, avant la révocation.

« Par ces ruines, on peut juger de l’édifice, qui ne subsistait plus qu’à l’aide d’une faible étaie. Cet unique appui était l’édit de Nantes, dont le nom servait à autoriser les réglemens restrictifs des privilèges des calvinistes, réglemens dont il n’y eut presque aucun dont le préambule n’assurât qu’il était fait en interprétion de l’édit de Nantes. Mais sitôt que le moment de ne plus employer cette ruse fut arrivé, Louis XIV, le révoqua, par un autre édit, en onze articles, dont le 1.er supprime tous les privilèges accordés aux prétendus réformés par Henri IV et Louis XIII ; les 2e et 3e interdisent l’exercice de leur religion par tout le royaume ; le 4e ordonne à tous les ministres de sortir de France dans la quinzaine ; le 5e et le 6e accordent des récompenses à ceux qui se convertiront ; le 7e et le 8e interdisent les écoles et enjoignent aux parens et tuteurs d’élever les enfans dans le catholicisme ; le 9e et le 10e accordent amnistie et restitution des biens confisqués à ceux qui ayant émigré, rentreront convertis dans le délai de quatre mois ; enfin, le 11e renouvelle la menace des peines afflictives, déjà prononcées contre les relaps ; et permet aux calvinistes de rester dans leurs maisons, sans qu’on puisse les inquiéter, pourvu qu’ils ne s’assemblent pas pour l’exercice de leur religion. Cette dernière concession, qui accordait une espèce de liberté de conscience, fut étrangement violée par le zèle outré de quelques gens en place, qui occasionna les vexations auxquelles on donna le nom de dragonades, par ce que, croyant pouvoir employer la violence, comme un moyen court et plus efficace que l’intention de faire exécuter l’édit de révocation, ils firent accompagner les missionnaires par des dragons qui, sous prétexte de chercher les calvinistes pour les mener au cathéchisme et à la messe, se répandaient dans les maisons, s’y établissaient comme en pays ennemi, pillaient les meubles, consommaient les provisions et se livraient souvent aux derniers excès d’indécence et de cruauté. Ces mauvais traitemens firent prendre en foule la fuite aux religionnaires ; il en sortit plus de deux cent mille hors du royaume.

« Il y eut beaucoup de variation dans les édits qui suivirent la révocation. Les uns permettaient de sortir du royaume ; d’autres le défendaient et le permettaient de nouveau. Quelques-uns statuaient des peines sévères contre les opiniâtres, et, presque en même temps, il en paraissait qui accordaient des grâces et donnaient des espérances. Il semblait qu’on ne suivit ni règle ni système : cependant, ou le moment fut habilement saisi, ou les mesures furent tellement prises, qu’il n’y eut aucune émeute considérable. Les réformés cédèrent à l’autorité armée de la force, et cessèrent dans toutes les villes leurs assemblées religieuses. Ils ne se réunirent plus que dans des lieux sauvages, des bois épais, des grottes inaccessibles, où quelques ministres, échappés à la vigilance des magistrats, venaient administrer les sacremens, faire la cène, et exhorter leurs prosélites à la persévérance : c’est ce qu’on a nommé les assemblées du désert. Elles se multiplièrent dans les provinces éloignées de la capitale, surtout dans les endroits éloignés des villes ; et l’attention de la cour ayant été distraite de cet objet pendant la guerre de 1689, il parut dans les Cévennes, montagnes limitrophes du Haut-Languedoc, des fanatiques connus sous le nom de Camisards[11]. Endoctrinés par des ministres enthousiastes, ces paysans grossiers s’imaginaient être inspirés et se croyaient prophètes, et autorisés par la voix intérieure de l’Esprit, à prendre les armes pour la défense de leur religion. Ils déclarèrent la guerre surtout au clergé, contre lequel ils se permirent toutes sortes de cruautés ; pillèrent les abbayes, brûlèrent les églises, et renouvelèrent toutes les horreurs des premières guerres de religion : les Anglais et les Hollandais leurs fournirent des munitions et des officiers pour les exercer. Louis XIV, envoya contre eux, en 1703 et 1704, des troupes réglées, qui n’eurent que des succès médiocres ; mais enfin il les soumit, plus par des grâces que par les châtimens. »

Ce tableau douloureux ne peut être accusé d’inexactitude ; trop d’écrivains l’ont tracé plus ou moins vigoureusement. « Pendant qu’un million de Français, dit Rulhières, n’ayant point d’autre religion que le calvinisme, fuyaient leur patrie, pratiquaient leur culte dans les déserts, transmettaient leur croyance à leurs enfans ; la poésie et l’éloquence, le marbre et l’airain, éternisaient à l’envi cette conversion, si bien crue générale à la cour. On représentait, sous les pieds du roi, l’hydre expirante ; les places publiques offraient à tous les yeux ces monumens d’une éternelle flatterie. Partout on le comparait à Constantin, à Théodose ; les chaires, les académies, les collèges retentissaient de ces panégyriques infidèles ; et, après la mort du redoutable ministre Louvois, qui l’avait trompé sur le choix des moyens, cette adulation publique continuait de le tromper sur l’événement. Chez quelle autre nation trouvera-t-on, en effet, un plus étonnant exemple d’adulation publique, consacrée par plus de monumens et démentie par de plus funestes effets ? »

Nous terminerons ici notre quatrième époque : aucun événement important de l’histoire de France, n’ayant un rapport particulier et direct à celle de la province. Ceux d’un moindre intérêt, qui s’y rattachent, rentrent dans l’exposé de nos considérations sur les mœurs et les usages, pendant le cours de la dernière partie de l’époque qu’elles vont terminer.

L’histoire de la révolution, qui va former le cinquième et dernier chapitre de ce précis historique, nous semble devoir commencer avant l’année 1789, où cette grande catastrophe éclata.

Suivant nous et suivant les meilleurs publicistes, l’année 1787 en est la première période, et c’est aussi celle qu’il nous semble convenable d’adopter. La seconde, qui commencera avec la division départementale de la France, nous conduira promptement à la république, qui fermera la troisième ; puis viendra l’empire ; et, enfin, la restauration.

Mais auparavant il nous reste à terminer, sur la quatrième époque, l’examen relatif aux lois, aux usages et aux mœurs.

Dans un état sans lois fondamentales, où la législation n’avait d’autre principe, d’autre base, que l’autorité royale, depuis la suppression ou plutôt la non-convocation des grandes assemblées nationales ; les lois doivent varier de jour en jour, suivant le temps et les circonstances, ou suivant les caprices de l’autorité. Le besoin d’uniformité dans les lois, se fit pourtant sentir, dès la fin du 15.e siècle, à l’un de nos monarques les plus despotes, à Louis XI, qui disait : « il ne faut dans un état qu’une loi, qu’un poids et qu’une mesure, » principe juste, que Hénaut regardait comme étant d’une exécution trop difficile, en ce qui concerne les lois, et qui cependant ne devait pas tarder longtemps après lui à se réaliser. Les derniers états-généraux tinrent à Paris en 1614 ; une assemblée des notables eût lieu à Rouen en 1627 ; depuis lors, jusqu’aux années 1787 et 1788, il ne fut plus question de ces assemblées, si ce n’est pendant la Fronde, qu’on songea, mais vainement, à rassembler les états-généraux à Tours. D’ailleurs ces assemblées n’offraient plus qu’une vaine apparence de leur première existence : dénaturées comme toutes nos institutions anciennes, elles étaient bien loin, dans ces temps modernes, de représenter les assemblées du champ de mars et du champ de mai, et de satisfaire aux besoins de la nation : on en jugera bientôt, par la manière dont fut composée l’assemblée des notables, convoquée en 1787.

En 1629, sous Louis XIII, le chancelier de Marillac rédigea, en forme d’édit, un recueil des plus célèbres ordonnances des rois de France, qu’on appela de son prénom le Code Michaut : publié dans un lit de justice, malgré l’opposition du parlement, cet édit ne fut point vérifié, cessa d’être exécuté par la suite, et n’est point cité par les jurisconsultes comme ayant l’autorité d’une loi. Les mariages clandestins y sont déclarés non valables ; on y commet des maîtres des requêtes, pour être envoyés dans les provinces, avec des fonctions analogues à celles des anciens Missi dominici, lesquels sont devenu depuis les intendans : ceux-ci, mobiles dans l’origine et chargés des finances, devinrent fixes et à demeure en 1653 ; ils eurent en outre dans leurs attributions, la justice et la police, ce qui subsista ainsi jusqu’à la révolution. Ce même code enjoint à tous les gentilshommes, de signer les actes civils de leurs noms de famille, et non de ceux de leurs terres ; interdit toute action pour les dettes du jeu ; etc. Louis XIII rend, en 1613, une déclaration contre les duels, par laquelle il proteste ne devoir jamais accorder de grâce à ce sujet. Une autre déclaration de 1640, déclare la peine de mort portée contre le rapt encourue, nonobstant le consentement des parties, et celui même des parens ; et déroge aux coutumes qui permettent aux enfans de se marier sans le consentement de leurs pères, après l’âge de vingt ans. Une ordonnance criminelle est rendue par Louis XIV, au mois d’août 1670. Le même prince, par un édit de 1679, rétablit l’enseignement du droit civil, conjointement avec le droit canonique, dans l’Université de Paris : une chaire de droit français y fut établie l’année suivante, cent ans tout juste après que l’ordonnance de Blois de 1579, avait interdit ce professorat à Paris, en conséquence d’une décrétale d’Honorius III, de 1255, et de l’ordonnance de Philippe le Bel, qui l’avait relégué à Orléans.

La vénalité des charges, défendue par Charles VIII ; commencée par Louis XII, pour les offices de finances ; devenue commune, quoique non autorisée, sous François Ier ; fut enfin permise et généralement en usage, pendant et depuis le règne de Charles IX : on en créa de toutes les espèces, pour se procurer de l’argent. Une autre cause engagea encore à changer les noms et la nature des anciens offices, afin de pouvoir en éloigner les protestans : c’est ce qui arriva pour la province du Maine, lorsqu’après la révocation de l’édit de Nantes, on organisa l’hôtel-de-ville du Mans, cité qui jouissait du droit de commune et d’élection populaire, dont elle fut déshéritée, par l’érection, en titre d’office, des fonctions municipales, à la nomination du roi.

En 1620, les charges de procureurs sont également érigées en titre d’office, ainsi que celles d’avocats au conseil, créées par édit du roi, du mois de septembre 1643. La prévôté du Mans, est réunie à la sénéchaussée du Maine, par un autre édit du 9 janvier 1734 ; et un arrêt du conseil, de 1636, porte règlement entre les juges et officiers de cette sénéchaussée et du siège présidial du Mans, et les juges et officiers de la prévôté royale, et des juridictions du chapitre du Mans, de l’abbaye de la Couture, etc.

Les lois de la féodalité elles-mêmes se modifient. Un arrêt notable du parlement de Paris, de 1669, décide entre contendans du Maine, que les ecclésiastiques possédant terres seigneuriales, aux charges du service divin, sont déclarés exempts de faire et jurer la foi et hommage aux seigneurs suzerains.

Plusieurs impôts nouveaux sont créés à la fin de cette quatrième époque : celui du papier timbré, établi par un édit de 1655, renouvelé en 1673 ; la capitation, ordonnée en 1695, pour jusqu’à la paix seulement, époque où elle cessa en effet ; et celui relatif à la levée du dixième des revenus, en 1710.

L’état militaire offre également des phases remarquables. Les nobles avaient été exemptés du service qu’ils devaient au roi, à cause de leurs terres, à condition que les troupes levées pour en tenir lieu, seraient entretenues sur ces mêmes terres par les vassaux et sujets des seigneurs. On obligea ensuite ceux-ci à donner de l’argent au roi, au moyen de quoi le monarque entretint des armées indépendantes d’eux. L’emploi des troupes suisses en France, offre aussi deux époques remarquables : celle pendant laquelle leur service n’avait lieu qu’en temps de guerre, ce qui dura de 1577 à 1671 ; et celle où ce service devint permanent, c’est-à-dire depuis cette seconde époque jusqu’au 10 août 1792. La première compagnie des mousquetaires, créée en 1622, cesse son service en 1646 : elle est rétablie en 1657 ; la seconde est formée de celle des gardes du cardinal de Mazarin, qui la donna au roi : elle avait été formée en 1660. La charge de connétable et celle d’amiral, sont supprimées par Louis XIII, en 1627 ; le titre de lieutenant-général commence à être connu dans les armées, sous le même prince, en 1633 : les maréchaux de camp le furent dès 1547. En 1703, Louis XIV porte le nombre des maréchaux de France de dix à vingt ; le même prince institue l’ordre militaire de S. Louis, en 1693 ; et Louis XV, voulant accorder une marque distinctive analogue, à ceux de ses officiers qui n’étaient pas de la religion catholique, créa l’ordre du Mérite militaire, en 1759.

Aucune autre période ne vit s’élever autant de maisons religieuses dans le Maine : l’évêque Charles de Beaumanoir, en autorisa vingt-trois, à lui seul, pendant son episcopat qui, à la vérité, dura trente-six ans. Les Ursulines, fondées dès 1537, établies en France en 1611, vinrent de Bordeaux élever une maison à Laval, en 1616 ; et peu après une autre au Mans. On voit successivement y apparaître, les Minimes, les Franciscains, les Pères de la Mission, à qui est confiée la maison de Coëffort, etc. ; des religieuses Bénédictines, Visitandines, du Calvaire, Urbanistes, de Saint- François, Dominicaines, etc. etc. : plusieurs de ces maisons de femmes, ruinées par le système de Law, sous la régence, ayant demandé des secours au roi, reçurent l’ordre en 1732, de ne plus admettre de novices ; la suppression de quelques-unes suivit bientôt. L’institution des hospitalières d’Évron (Mayenne) ou des Tullardines, du nom de la dame Tullard leur fondatrice, qui fournit des hospitalières à soixante établissemens de Charité dans la Sarthe, fut établie au commencement du 18e siècle, dans une petite paroisse du diocèse, appelée la Chapelle-au-Riboul. L’introduction des Bénédictins de la réforme de Saint-Maur, dans plusieurs maisons religieuses du Maine, mérite une mention particulière. Ils s’établirent assez paisiblement dans le monastère d’Évron et dans celui de Saint-Vincent du Mans ; mais il n’en fut pas de même dans celui de la Couture, de cette dernière ville : ces moines s’emparèrent de la maison par surprise et y soutinrent un siège contre leurs devanciers. Un scandale semblable avait eu lieu à la Flèche, en 1604, lorsque la protection de la marquise de la Varennes, porta les Recollets de Précigné à venir dans cette première ville, s’emparer, également par surprise, de la maison des Cordeliers qui y étaient établis.

Le P. de Bérulle, fonde en 1612, l’utile institut de l’Oratoire. Cette congrégation est appelée au Mans en 1625 : on lui confie successivement l’administration du séminaire et celle de l’instruction publique, en y réunissant en 1652, le collège de Saint-Benoît. En 1618, les Jésuites ouvrent à Paris le collège de Clermont, et commencent à y enseigner. Un autre établissement religieux et de bienfaisance, tout ensemble, est érigé au Mans, en 1781, sous le nom de Séminaire S.-Charles, pour servir de retraite aux prêtres du diocèse, pauvres et âgés.

En 1657, par lettres patentes du 12 octobre, un hôpital-général pour la province, est créé dans la ville du Mans : tous les anciens établissemens du diocèse, ayant une destination analogue, hôpitaux, maisons-Dieu, maladreries, léproseries, etc., notamment l’hôpital de Coëffort ; ainsi que les aumônes régulières, que faisaient à leurs portes les principaux monastères, sont réunis à cet établissement qui, par la suite, a été destiné au soulagement de toutes les misères humaines et de toutes les infirmités.

Un décret du Consistoire romain, du 1.er janvier 1630, donne le titre d’Eminence aux cardinaux, aux électeurs ecclésiastiques et aux grands-maîtres de l’ordre de S.- Jean-de-Jérusalem. Louis XIII met, en 1638, le royaume sous la protection de la Vierge : un siècle après, son second successeur Louis XV, ordonne une procession générale pour l’anniversaire de ce vœu ; procession qui s’est continuée depuis.

Plusieurs processions générales et stations dévotieuses, ont lieu dans la province, dans des occasions particulières : en 1637, pour faire une espèce d’amende-honorable, relativement à la dévastation des églises, pendant les guerres et les troubles précédens ; pour demander la cessation d’une maladie contagieuse, en 1661 ; et, enfin, en 1735, pour faire cesser la dévastation causée par les chenilles, dans la province et dans tout le royaume, laquelle dura pendant deux ans. D’autres moyens, non moins efficaces, furent employés contre ce fléau, savoir : des arrêts et ordonnances pour prescrire l’échenillage, et le feu qu’il fallut mettre dans les chanvres, encore sur pied, qui en étaient dévorés. Disons aussi que la Confrairie de l’Araignée, fondée dans le 13e siècle, dans la cathédrale du Mans, fut confirmée en 1610, par le pape Paul V ; et que l’évêque Beaumanoir de Lavardin, rendit le 29 avril 1728, une ordonnance synodale en 33 articles, dont le 28e interdit les longs pèlerinages, « qui ne sont, y est-il dit, qu’une occasion de débauche ; » et défend aux curés de faire des processions dont on ne puisse revenir dans le même jour.

La bulle d’Alexandre VII, de 1657, qui condamne les cinq propositions de Jansénius ; le formulaire, que le même pape envoya à signer à tous les ecclésiastiques, en 1665 ; et la bulle Unigenitus de Clément XI, qui causèrent de si vives disputes, occupèrent comme ailleurs les esprits, dans le diocèse, mais n’y troublèrent point la tranquillité publique. L’évêque Rogier du Crévy se brouilla avec son clergé, à l’occasion de cette bulle, qu’il adopta sans difficultés, tandis que le chapitre la refusa et appela contre au futur concile : son successeur, Charles de Froulay, en usant de ménagemens et de prudence, amena son clergé à la révocation de cet appel, et à une acceptation pure et simple, qui mit fin à cette contestation : il n’en resta que les écrits de deux manceaux, ceux du P. Louvart, bénédictin, qui guerroya contre la bulle une partie de sa vie ; et le poëme de six mille vers, avec lequel la combattit le chanoine Bachelot, de Laval.

Le Pape Innocent XI, ayant adressé au clergé de France en 1682, des brefs renfermant des maximes contraires à l’édit de 1683 sur l’étendue de la régale, édit qui avait été reçu par l’assemblée du clergé en 1682 ; cette assemblée examina les propositions présentées sur cette matière par la Sorbonne en 1663 et rendit cette fameuse déclaration touchant la puissance ecclésiastique, qu’invoquent tous les jours encore ceux des prêtres français que l’esprit ultramontain n’a point égarés. Il est bon, peut-être, de remettre aujourd’hui ces propositions sous les yeux des lecteurs : 1.° que le pape n’a aucune autorité sur le temporel des rois ; 2.° que les conciles sont au-dessus des papes, conformément à ce qui a été reconnu dans les sessions 4e et 5e du concile de Constance ; 3.° que l’usage de la puissance apostolique, doit être régie par les canons, sans donner atteinte aux libertés de l’Église Gallicane ; 4.° qu’il appartient principalement au pape de décider en matière de foi ; que ses décrets obligent toutes les églises ; que ses décisions néanmoins ne sont irréformables qu’après que l’église les a acceptées. Un édit du roi, enregistré au parlement le 23 mars 1682, confirma cette déclaration, qui par ce moyen, acquit l’autorité d’une loi de l’état.

Enfin, et pour terminer tout ce qui concerne les matières ecclésiastiques, nous dirons, qu’avant une ordonnance de l’évêque Charles de Froulay, de 1738, il était d’usage que les morts fussent portés dans les églises et y restassent exposés, la nuit comme le jour, depuis le moment de leur ensevelissement jusqu’à celui de leur inhumation.

La famine et les maladies contagieuses affligent de nouveau et à plusieurs reprises la province, pendant cette période de 175 ans. En 1621, la rareté et la cherté du pain furent telles, que l’on contraignit toutes les personnes aisées à subvenir aux besoins des malheureux, et, « tel était taxé, dit Morand, à nourrir les autres, qui n’avait pas du pain pour soi. » La même calamité se renouvelle dans les années 1738 et 1739 et en 1760 ; pendant les deux premières, l’évêque Charles de Froulai fit venir des blés étrangers ; et, lors de la dernière, ce prélat charitable se rendit à Versailles, pour solliciter des secours du roi. L’hiver qui suivit l’année 1789, fut l’un des plus rigoureux dont se rappellâssent les contemporains ; la gelée commença le jour des Rois 1740, et dura jusqu’au 7 mars suivant.

Une maladie contagieuse accompagna la disette de 1621 ; l’année 1637, en vit le renouvellement d’une manière si redoutable, qu’il fallut séquestrer les malades et prendre toutes les mesures de police nécessaires, pour arrêter ou du moins limiter les ravages de l’infection. Ces contagions, ou d’autres non moins redoutables, firent également de nombreuses victimes, en 1649 et en 1660, à tel point qu’il fallut au Mans, lors de cette dernière époque, faire sortir de la ville et confiner dans des baraques qu’on construisit entre les murs de la Couture et le grand-cimetière, les malheureux qui en étaient attaqués.

En 1746, une épizootie s’étant déclarée sur toutes les bêtes aumailles, leur transport dans les foires et marchés fut suspendu jusqu’au mois de mars 1749 : — On fit tuer tous les chiens, dans la crainte que, se couchant sur les litières, ils n’occasionnassent le transport du virus. La maison-de-ville du Mans ordonna que la Chasse de Sainte-Scholastique, en vénération dans le diocèse, fut descendue, afin que de tous les monastères et de toutes les autres églises, on put venir l’invoquer processionnellement : beaucoup des paroisses des environs du Mans, furent de la même manière en voyage (en dévotion), à l’abbaye de l’Épau, peu éloignée de cette ville, afin d’y prier pour obtenir la cessation de ce fléau.

Enfin, de nouvelles épidémies fort meurtrières exercèrent leurs ravages sur les hommes, dans le Maine, de 1755 à 1772, particulièrement au Mans, à Beaumont, à Bonnétable et à Mamers ; à plusieurs époques, de 1773 à 1789, à la Ferté-Bernard et dans les environs ; en 1779, dans plusieurs cantons, particulièrement dans celui de Lucé ; et en 1788, aux environs de Saint-Calais. Les médecins Vétillard du Ribert du Mans, Th. D. Verdier de la Ferté-Bernard, et plusieurs autres, furent chargés par le gouvernement de donner des soins aux malades à ces différentes époques. Le premier a trouvé des historiens[12] pour louer son talent et son zèle philantropique ; on ne nous blâmera pas, sans doute, de relever le silence gardé sur le second, praticien non moins courageux, ni moins habile peut-être, qui fournit à la Société Royale de Médecine dont il était membre, un grand nombre de mémoires, sur toutes celles de ces épidémies qu’il eût occasion d’observer[13].

A toutes ces calamités, il faut ajouter encore la charge des gens de guerre et leur licence, autre fléau non moins difficile à réprimer alors. Les troupes qui occupèrent la ville du Mans en 1636, se livraient à mille excès dans les campagnes où les officiers eux-mêmes exigeaient des contributions des paysans, et exerçaient à leur égard des violences qui les désespéraient. L’évêque de Beaumanoir en ayant porté ses plaintes au roi, obtint des défenses expresses, d’exiger rien au-delà de ce qui était prescrit par las réglemens ; et le gouverneur de la province, le duc de Trêmes, fut investi de pouvoirs suffisans pour réprimer les chefs. En 1638, une garnison de mille Irlandais ayant été placée au Mans, le clergé qu’on voulut forcer à supporter sa part de cette charge, obtint un arrêt du conseil qui l’en dispensa.

La réformation du calendrier, proposée par le pape Grégoire XIII, en 1582, n’avait point été admise par les protestans, qui s’y conformèrent enfin en 1689, à la réserve de l’Angleterre, de la Suède et du Danemarck, qui différèrent cette adoption jusqu’en 1752 : la différence du nouveau style à l’ancien, qui est de dix jours, se remarque encore dans la manière de compter des Russes et de leurs co-religionnaires, qui n’ont point admis le calendrier Grégorien. En 1700, le Czar ordonna néanmoins que le commencement de l’année qui, en Russie, avait lieu en septembre, partirait désormais du mois de janvier. A l’occasion du jubilé séculaire de 1700, l’église et les savans disputèrent pour savoir si le 18.e siècle devait commencer avec l’année 1700, ou avec celle 1701 : c’était demander si quatre-vingt-dix-neuf font un cent.

En 1626, paraît une législation sur la presse : c’est la déclaration du roi qui ordonne que tous les livres porteront le nom de leur auteur ; législation renouvelée de celle de Henri II, de l’année 1555. En 1642, le cardinal de Richelieu établit l’imprimerie royale. Denis de Salo, conseiller au parlement de Paris, crée le journal des Savans, en 1665 : ce fut le modèle de tous les journaux littéraires qui ont été entrepris depuis.

L’académie française, dont les fondateurs avaient commencé à se réunir en 1634, obtient en 1635 des lettres-patentes de Louis XIII ; et l’an 1672, Louis XIV donne une salle au Louvre, pour tenir les séances de cette compagnie. La société royale de Londres est moins ancienne, Charles II ne l’ayant fondée par lettres-patentes, qu’en 1660 seulement. Après la fondation de l’académie française, vient celle de l’académie d’architecture, en 1671 ; de celle des inscriptions, commencée en 1663 ; et de celle des sciences, en 1666 ; lesquelles n’obtiennent qu’en 1713, des lettres-patentes de confirmation. Les villes de Soissons, Nîmes, Bordeaux, Angers, Lyon, et plusieurs autres, voient successivement, de 1674 à 1710, s’établir des sociétés semblables, dans leur enceinte : celle d’Angers est de l’année 1686. Un arrêt du conseil, du 24 février 1761, établit dans la généralité de Tours, une société d’agriculture composée de trois bureaux, dont un pour chacune des villes de Tours, Angers et le Mans : ce dernier bureau est l’origine de la seule société académique déinique qui existât dans le Maine avant la révolution : il en sera parlé plus loin. En 1756, le manceau Picard du Vau, capitoul de Toulouse[14], fonde au Mans, à ses frais, une école gratuite de dessin, qui subsiste encore aujourd’hui.

Malgré les progrès rapides des sciences à cette époque, l’inquisition de Rome condamne Galilée à retracter son opinion, sur le mouvement de la terre autour du soleil : elle tourne pourtant ! s’écrie l’homme de génie, forcé d’acheter sa liberté par un désaveu. La grande comète qui parut à la fin de l’année 1680, la même, à ce qu’on croit, qui avait présagé la mort de César et dont le retour périodique a lieu tous les 575 ans environ, jeta un grand effroi dans les esprits : il en parut une autre en 1682, dont la périodicité n’est que de 75 à 78 années, qui revint en 1758, ainsi que l’avait annoncé Hallai, et ; que nous reverrons sans doute en 1835. L’observatoire de Paris fut construit en 1665.

Tout le monde sait quels pas immenses fit la littérature française dans les 17.e et 18.e siècles : la langue fut fixée, dit le président Hénaut, par la publication des Lettres provinciales de Pascal, en 1654. Cependant, on trouve dans ces lettres des expressions, des tournures de phrases déjà vieillies pour nous ; et si l’on pouvait préciser le terme de la fixation d’une langue, ce serait à la Bruyère et à Fénélon, parmi les prosateurs ; à Boileau et à Racine, parmi les poètes, que nous l’assignerions. Mais une langue ne s’arrête pas plus à un point fixe et invariable, que l’esprit et l’imagination de l’homme, à qui elle sert d’instrument. Quoiqu’il en soit, quelle distance existe, sous ce rapport, entre Corneille et Racine, qui furent contemporains.

Cette impulsion générale, donnée aux sciences et aux lettres, s’étend à l’industrie et au commerce, favorisés par les sages réglemens de Colbert. Ce grand homme établit un conseil chargé de s’occuper des matières d’administration relatives à la justice, à la police, au commerce, à la marine, dont les fonctions commencèrent le 28 août 1666. Trois magistrats célèbres, le premier-président Lamoignon, et les avocats-généraux Talon et Bignon, furent joints aux membres de ce conseil, pour la rédaction de l’ordonnance civile, qui parut au mois d’avril 1667. L’an 1665 avait vu la création de la compagnie des Indes occidentales, de plusieurs manufactures de glaces, de point de France, de toiles, de tapisseries, etc. ; la façade du Louvre est commencée, la même année, sur les dessins de Charles Perrault. En 1680, a lieu le premier établissement des français dans les Indes orientales, par suite de l’acquisition qu’ils avaient faite, en 1675 de Pondichéri. Un édit de 1669, porte que le commerce de mer ne dérogera point à la noblesse. A la fin de la même année, on présente du café à une audience donnée par un ministre à l’envoyé turc, alors à Paris : l’usage de cette fève était si nouvellement introduit en France, que les gazettes en estropiaient le nom en l’appelant cavé.

Ces progrès du commerce se firent sentir dans le Maine, pendant cette même période : celui des étamines, des bougies du Mans et des toiles de Laval, y fut dans sa plus grande splendeur, et enrichit ceux qui s’y livrèrent alors. La plupart des grandes routes du Maine furent ouvertes, de 1733 à 1772.

Un autre progrès, bien funeste, des connaissances humaines, fut celui de la science des poisons. Nous ignorons heureusement la composition de laqua tophana, cette liqueur subtile, au moyen de laquelle la vie de l’homme ne tenait en quelque sorte qu’à un fil, et dont les italiens faisaient, à certaine époque, un usage aussi fréquent que meurtrier ; et si quelques substances, dont la découverte est récente, offrent quelque chose d’analogue, quant au danger, au moins sont-elles difficilement à la disposition des méchans. En 1676 la Brinvilliers, en 1680 la Voisin, sont décapitées et brûlées pour crime de magie et de poison : des femmes du premier rang, un maréchal de France, sont compromis dans l’affaire de cette dernière ; on soupçonna la Brinvilliers d’avoir empoisonné l’évêque du Mans, Emmanuel de Beaumanoir, qui mourut à Paris en 1671.

Le Maine ne resta point en arrière, je le répète, dans ce mouvement progressif des connaissances humaines, le plus puissant et le plus rapide qui se fût encore manifesté : plusieurs pages seraient remplies des noms des hommes illustres que fournit la province, pendant la fin de cette quatrième époque, soit dans les sciences et les lettres, soit dans l’industrie et les beaux-arts. Il nous suffira de nommer ici, Bernard Lami et le P. Bouvet ; Dalibard et Barbeu-Dubourg ; D. Housseau et l’historien Garnier ; Mersenne et Gerberon ; le comte de Tressan et Caraccioli ; des Malicotes et Bodereau ; Véron de Forbonnais ; l’abbé Yvon ; Ambroise Duval et Eustache Lesueur ; pour prouver que, dans tous les genres, les manceaux eurent leur part de gloire, dans celle de ce siècle éclairé. Mais, c’est au Dictionnaire Biographique de cet ouvrage, qu’il faut recourir, pour cette époque comme pour les autres, si l’on veut se faire une juste idée des richesses intellectuelles du pays.

  1. L’abbé de Montgaillard, dans l’introduction de son Histoire de France, a singulièrement ; cherche à obscurcir le vernis brillant dont est couverte la mémoire de Henri IV. Que de haros, que de malédictions sur le pauvre auteur provincial, qui se serait permis la centième partie des hardiesses, qu’on ne s’avise pas de reprocher au noble allié de la maison d’Albret et de Bourbon !
  2. A Bouère, près Sablé, actuellement du département de la Mayenne.
  3. Voir la Carte jointe à l’article fertois, t. ii, p. 336.
  4. Ce qui justifie complètement ce que j’ai dit sur les Beauforts, à l’article ferté-bernard, t. ii, p. 325.
  5. histoire de france, t. i.er, Introduction.
  6. Ceux qui ne connaissent l’histoire de France que superficiellement, d’après les historiographes salariés, ou les historiens timides et peu consciencieux, traiteront l’assertion de Montgaillard, de déclamatoire et de paradoxale. Mais que les hommes qui veulent véritablement s’instruire, recourent aux sources : ils y verront qu’en fait de massacres, de pillages, de confiscations, de ventes de biens confisqués, de papier-monnaie, d’emprunt forcé, de banqueroute de l’état ou de réduction des rentes, et jusqu’au Maximum, non-seulement la révolution n’a point eu l’initiative, mais encore n’a renchéri sur rien de ce qui avait été fait auparavant.
  7. Voir cet article au Dictionnaire.
  8. Lettres manuscrites précitées.
  9. Voir cet article au Dictionnaire.
  10. Tous ces lieux ont leur article spécial au Dictionnaire.
  11. De Camisade, parce qu’ils attaquaient brusquement ; camise, prononciation du mot chemise, dans le pays, parce qu’ils en manquaient ; camis, grands chemins, parce qu’ils les infestaient.
  12. P. Renouard, Ess. hist. sur le Maine, t. ii, p. 204.
  13. Voir ces articles à la Biographie.
  14. Voir son article à la Biographie.