Dictionnaire topographique, historique et statistique de la Sarthe/Précis historique/V/III/C

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Julien Remy Pesche
(Tome 1p. CDII-CDIV).

C. Gouvernement Consulaire.

1799 — 1804. — La révolution du 18 brumaire an VIII, avait placé le vainqueur de l’Italie, le conquérant de l’Egypte, Napoléon Bonaparte, à la tête du gouvernement français. C’était en consolidant la paix intérieure, que le premier Consul espérait affermir son administration et la perpétuer, s’il est vrai, comme l’ont prétendu quelques publicistes, que des projets de monarchie héréditaire eussent déjà germé dans la tête du futur empereur ; s’il ne l’est pas plutôt, que l’accroissement de pouvoir qu’il obtint, fut le résultat des efforts même que firent ses ennemis intérieurs et extérieurs, pour le lui arracher. Quoiqu’il en soit de ces conjectures, qui resteront sans doute éternellement hypothétiques, la première période de l’administration du général Bonaparte, fut une époque de bienfaits pour le département de la Sarthe, qu’elle parvint à rendre enfin à la tranquillité.

Le rétablissement du culte fut celui de ces bienfaits, qui fut le plus sensible aux habitans d’un pays où les opinions religieuses avaient, plus encore peut-être que l’opinion royaliste, contribué à étendre et à perpétuer l’insurrection.

Mais l’une des grandes affaires de l’époque, fut la soumission du clergé, c’est-à-dire la promesse de fidélité à la constitution, que le gouvernement en exigea. M. l’abbé Duperrier-Dumourier, ex-grand vicaire du diocèse, qui, depuis, devint évêque de Bayeux, et qui alors était à la tête du clergé réfractaire, ayant donné l’exemple de cette soumission, avec plusieurs autres ecclésiastiques marquans, cette démarche, qu’imitèrent à un très-petit nombre près, tous les autres prêtres du pays, contribua puissamment à y rétablir la paix. Quelques mois après, la démission du respectable évêque constitutionnel, et le concordat de 1801, vinrent achever cette œuvre de conciliation. La tranquillité en étant devenue la suite, permit de lever l’état de siège dans ce département, le 23 novembre 1801.

En conformité de l’article 2 du concordat, les départemens de la Sarthe et de la Mayenne qui, depuis la constitution civile du clergé, avaient formé deux évêchés distincts, furent réunis en un seul, dont le siège fut établi au Mans. L’esprit conciliant et les vertus véritablement apostoliques du vénérable prélat donné à ce diocèse, par le premier Consul, achevèrent de rétablir et de consolider l’union entre les ecclésiastiques, comme entre les autres citoyens.

Peu d’événemens marquans signalent les quatre années du consulat, pendant lesquelles Bonaparte, premier Consul, obtint une prolongation de pouvoir, d’abord pour dix ans, ensuite à vie. Appelés à se prononcer sur la question du consulat à vie, les Sarthois y adhérèrent, comme le reste de la France, à une immense majorité.

C’est pendant cette époque que furent supprimées les administrations centrales de département et les administrations cantonnales, remplacées par des préfets, des sous-préfets et des maires ; et qu’à la subdivision administrative des départemens, par districts et ensuite par cantons, on substitua celle bien moins rationelle des arrondissemens de sous-préfectures, rouage inutile, propre seulement à ralentir la marche des affaires, et par cela même, nuisible souvent. Le système d’administration cantonnale, créé par la constitution de l’an III, était bien préférable, comme réunissant l’avantage de l’économie, à celui de relations directes avec l’administration départementale, par conséquent de la simplicité et de la rapidité de l’action administrative. C’est l’organisation à laquelle on reviendra un jour, lorsque le bien être des administrés sera l’intention formelle de la haute administration.

La loi sur les cautionnemens, celle relative à l’organisation du notariat, l’établissement des droits-réunis, devenus impôts-indirects, lorsqu’on arriva à se repentir de leur suppression en 1814 ; enfin, l’adoption du code civil, qui porta pendant plusieurs années le titre de Code Napoléon ; sont des institutions de l’époque consulaire, qui paraissent s’être enracinées dans notre législation, et devoir, du moins quelques-unes, s’y perpétuer.

Ici se termine l’existence de cette république éphémère, qui, sous le gouvernement consulaire, n’était déjà plus guère qu’une ombre, et dont la courte existence a laissé croire que cette forme de gouvernement ne pouvait convenir à nos principes, à nos mœurs, à nos préjugés, ni à la versatilité du caractère français.