Discussion:Idylles (Des Houlières)

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Informations sur l’édition de Idylles (Des Houlières)

Édition : Femmes-poëtes de la France, éd. Blanvalet, 1856


Source : Internet Archive - Site poesie.net


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LES OISEAUX
L’air n’est plus obscurci par des brouillards épais,
Les prés font éclater les couleurs les plus vives,
Et dans leurs humides palais
L’hiver ne retient plus les naïades captives.
Les bergers, accordant leur musette à leur voix,
D’un pied léger foulent l’herbe naissante ;
Les troupeaux ne sont plus sous leurs rustiques toits.
Mille et mille oiseaux à la fois,
Ranimant leur voix languissante,
Réveillent les échos endormis dans ces bois.
Où brilloient les glaçons, on voit naître les roses.
Quel dieu chasse l’horreur qui régnoit dans ces lieux ?
Quel dieu les embellit ? Le plus petit des dieux
Fait seul tant de métamorphoses !
Il fournit au printemps tout ce qu’il a d’appas :
Si l’amour ne s’en mêloit pas,
On verroit périr toutes choses.
Il est l’âme de l’univers.
Comme il triomphe des hivers
Qui désolent nos champs par une rude guerre,
D’un cœur indifférent il bannit les froideurs :
L’indifférence est pour les cœurs
Ce que l’hiver est pour la terre.
Que nous servent, hélas ! De si douces leçons !
Tous les ans, la nature en vain les renouvelle ;
Loin de la croire, à peine nous naissons
Qu’on nous apprend à combattre contre elle.
Nous aimons mieux, par un bizarre choix,
Ingrats esclaves que nous sommes,
Suivre ce qu’inventa le caprice des hommes,
Que d’obéir à nos premières lois.
Que votre sort est différent du nôtre,
Petits oiseaux qui me charmez !
Voulez-vous aimer, vous aimez ;
Un lieu vous déplaît-il, vous passez dans un autre.
On ne connoît chez vous ni vertus ni défauts ;
Vous paroissez toujours sous le même plumage,
Et jamais dans les bois on n’a vu les corbeaux
Des rossignols emprunter le ramage :
Il n’est de sincère langage,
Il n’est de liberté que chez les animaux.
L’usage, le devoir, l’austère bienséance,
Tout exige de nous des droits dont je me plains ;
Et tout enfin du cœur des perfides humains
Ne laisse voir que l’apparence.
Contre nos trahisons la nature en courroux
Ne nous donne plus rien sans peine ;
Nous cultivons les vergers et la plaine,
Tandis, petits oiseaux, qu’elle fait tout pour vous.
Les filets qu’on vous tend sont la seule infortune
Que vous avez à redouter.
Cette crainte nous est commune :
Sur notre liberté chacun veut attenter ;
Par des dehors trompeurs on tâche à nous surprendre.
Hélas ! Pauvres petits oiseaux,
Des ruses du chasseur songez à vous défendre :
Vivre dans la contrainte est le plus grand des maux.

LA SOLITUDE
Charmante et paisible retraite,
Que de votre douceur je connois bien le prix !
Et que je conçois de mépris
Pour les vains embarras dont je me suis défaite !
Que sous ces chênes verts je passe d’heureux jours !
Dans ces lieux écartés que la nature est belle !
Rien ne la défigure ; elle y garde toujours
La même autorité qu’avant qu’on eût contre elle
Imaginé des lois l’inutile secours.
Ici le cerf, l’agneau, le paon, la tourterelle,
Pour la possession d’un champ ou d’un verger,
N’ont point ensemble de querelle ;
Nul bien ne leur est étranger ;
Nul n’exerce sur l’autre un pouvoir tyrannique ;
Ils ne se doivent point de respects ni de soins ;
Ce n’est que par les nœuds de l’amour qu’ils sont joints,
Et d’aïeux éclatans pas un d’eux ne se pique.
Hélas ! Pourquoi faut-il qu’à ces sauvages lieux
Soient réservés des biens si doux, si précieux ?
Pourquoi n’y voit-on point d’avare, de parjure ?
N’est-ce point qu’entre vous, tranquilles animaux,
Tous les biens sont communs, tous les rangs sont égaux,
Et que vous ne suivez que la seule nature ?
Elle est sage chez vous qui n’êtes point contraints
Par une loi bizarre et dure.
Quelle erreur a pu faire appeler les humains
Le chef-d’œuvre accompli de ses savantes mains !
Que pour se détromper de ces fausses chimères,
Qui nous rendent si fiers, si vains,
On vienne méditer dans ces lieux solitaires.
Avec étonnement j’y vois
Que le plus petit des reptiles,
Cent fois plus habile que moi,
Trouve pour tous ses maux des remèdes utiles.
Qui de nous, dans le temps de la prospérité,
À l’active fourmi ressemble ?
À voir sa prévoyance, il semble
Qu’elle ait de l’avenir percé l’obscurité,
Et qu’étant au-dessus de la foiblesse humaine,
Elle ne fasse point de cas
De tout ce qu’étale d’appas
La volupté qui nous entraîne.
Quels états sont mieux policés
Que l’est une ruche d’abeilles ?
C’est là que les abus ne se sont point glissés,
Et que les volontés en tout temps sont pareilles.
De leur roi, qui les aime, elles sont le soutien ;
On sent leur aiguillon dès qu’on cherche à lui nuire ;
Pour les châtier il n’a rien :
Il n’est roi que pour les conduire,
Et que pour leur faire du bien.
En vain notre orgueil nous engage
À ravaler l’instinct qui, dans chaque saison,
À la honte de la raison,
Pour tous les animaux est un guide si sage.
Ah ! N’avons-nous pas dû nous dire mille fois,
En les voyant être heureux sans richesse,
Habiles sans étude, équitables sans lois,
Qu’ils possèdent seuls la sagesse ?
Il n’en est presque point dont l’homme n’ait reçu
Des leçons qui l’ont fait rougir de sa foiblesse,
Et, quoiqu’il s’applaudisse, il doit à leur adresse
Plus d’un art que, sans eux, il n’auroit jamais su.
Innocens animaux, quelle reconnoissance
Avons-nous de tant de bienfaits ?
Des présens de la terre, hélas ! Peu satisfaits,
Nous vous sacrifions à notre intempérance.
Quelle inhumanité ! Quelle lâche fureur !
Il n’est point d’animal dont l’homme n’adoucisse
La brutale et farouche humeur,
Et de l’homme il n’est point d’animal qui fléchisse
Le cruel et superbe cœur.
De quel droit, de quel front est-ce que l’on compare
Ceux à qui la nature a fait un cœur barbare
Aux ours, aux sangliers, aux loups ?
Ils sont moins barbares que nous.
Font-ils éprouver leur colère
Que lorsque d’un chasseur avide et téméraire
Le fer ennemi les atteint,
Ou que lorsque la faim les presse et les contraint
De chercher à la satisfaire ?
Vaste et sombre forêt, leur séjour ordinaire,
N’est-ce, en vous traversant, que leur rage qu’on craint ?
Hélas ! Combien de fois cette nuit infidèle
Que vous offrez contre l’ardeur
Dont au milieu du jour le soleil étincelle
A-t-elle été fatale à la jeune pudeur !
Hélas ! Combien de fois, complice
Et de meurtres et de larcins,
A-t-elle dérobé de brigands, d’assassins
Et d’autres scélérats aux yeux de la justice !
Combien avez-vous vu de fois
Le frère, armé contre le frère,
Faire taire du sang la forte et tendre voix,
Et dans l’héritage d’un père
Par le crime acquérir de légitimes droits !
Parlez, forêts ; jadis une de vos semblables
Daigna plus d’une fois répondre à des mortels :
Quelles fureurs aussi coupables
Pouvons-nous reprocher à vos hôtes cruels ?
Si quelquefois entre eux une rage soudaine
Les porte à s’arracher le jour,
Ce n’est point l’intérêt, l’ambition, la haine
Qui les anime ; c’est l’amour.
Lui seul leur fait troubler votre sacré silence ;
Amoureux, rivaux et jaloux,
Leur cœur ne peut souffrir la moindre préférence ;
La mort leur semble un sort plus doux.
D’une si belle excuse, au dur siècle où nous sommes,
On ne peut déguiser les maux que nous faisons ;
Non, des meurtres sanglans, des noires trahisons,
L’amour ne fournit plus aux hommes
Les violens conseils ni les tendres raisons.
VERS ALLEGORIQUES
Dans ces prés fleuris
Qu’arrose la Seine,
Cherchez qui vous mène,
Mes chères brebis.
J’ai fait, pour vous rendre
Le destin plus doux,
Ce qu’on peut attendre
D’une amitié tendre ;
Mais son long courroux
Détruit, empoisonne
Tous mes soins pour vous,
Et vous abandonne
Aux fureurs des loups.
Seriez-vous leur proie,
Aimable troupeau,
Vous, de ce hameau
L’honneur et la joie ;
Vous qui, gras et beau,
Me donniez sans cesse
Sur l’herbette épaisse
Un plaisir nouveau ?
Que je vous regrette !
Mais il faut céder :
Sans chien, sans houlette,
Puis-je vous garder ?
L’injuste fortune
Me les a ravis.
En vain j’importune
Le ciel par mes cris ;
Il rit de mes craintes,
Et, sourd à mes plaintes,
Houlette ni chien,
Il ne me rend rien.
Puissiez-vous, contentes
Et sans mon secours,
Passer d’heureux jours,
Brebis innocentes,
Brebis mes amours !
Que Pan vous défende :
Hélas ! Il le sait,
Je ne lui demande
Que ce seul bienfait.
Oui, brebis chéries,
Qu’avec tant de soin
J’ai toujours nourries,
Je prends à témoin
Ces bois, ces prairies,
Que, si les faveurs
Du dieu des pasteurs
Vous gardent d’outrages,
Et vous font avoir
Du matin au soir
De gras pâturages,
J’en conserverai,
Tant que je vivrai,
La douce mémoire,
Et que mes chansons
En mille façons
Porteront sa gloire,
Du rivage heureux
Où, vif et pompeux,
L’astre qui mesure
Les nuits et les jours,
Commençant son cours,
Rend à la nature
Toute sa parure,
Jusqu’en ces climats
Où, sans doute las
D’éclairer le monde,
Il va chez Téthys
Rallumer dans l’onde
Ses feux amortis.
Source : http : //www.poesies.net