Discussion:Un mariage sous l’empire
Éditions[modifier]
Titre et éditions | ||||
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1832 : | Un mariage sous l’empire | Roman | Chez Vimont | |
1863 : | — | Michel Lévy frères, libraires éditeurs | ||
1872 : | — | Michel Lévy frères, éditeurs | ||
1885 : | Un mariage sous l’empire | Calmann Lévy, éditeur |
Critiques, réception…[modifier]
- 1832 : Le Figaro : journal littéraire : théâtre, critique, sciences, arts, moeurs, nouvelles, scandale, économie domestique, ... [1]
UN MARIAGE SOUS L’EMPIRE[1].
PAR Mme SOPHIE GAY
Mme Sophie Gay a saisi avec un rare bonheur un des traits caractéristiques de la société sous l’empire assez d’autres avaient dit la gloire, les conquétes, les traités diplomatiques, les détails sur l’empereur et sa famille, mais personne jusqu’ici n’avait songé à résoudre les questions sociales qui devaient résulter de la politique de Napoléon. L’empereur connaissait bien l’influence et le prestige des noms historiques liés à toutes les gloires de l’ancienne France. L’homme qui fondait une dynastie pour ses descendans devait comprendre mieux que personne la religion des aïeux. Son système de fusion le demandait, ainsi qu’il a dit lui-même, rattachant le passé à l’avenir, il voulait que sa monarchie à lui parut continuer la monarchie de Louis xiv et que les Montmorency de sa cour fussent de la même souche que les Montmorency du grand roi.
93 avait, il est vrai, singulièrement déplacé les fortunes, les grands seigneurs étaient devenus pauvres, et les fournisseurs, presque tous acquéreurs des biens de la noblesse, étaient devenus prodigieusement riches ; mais l’empereur sachant qu’un manteau ducal devait être d’or, de velours et de soie, que, surtout en France, l’aristocratie ne pouvait exercer aucune influence sans afficher un grand luxe et sans dépenser beaucoup l’empereur calmait les scrupules des consciences qu’il lui convenait de supposer aux fournisseurs, en leur conseillant de donner leurs filles aux fils de ceux dont ils avaient partagé les dépouilles, et qu’il voulait voir représenter dignement à sa cour et dans ses armées.
Ces conseils étant toujours accompagnés d’une menace d’épuration de compte en cas de refus ces sortes de mariages manquaient rarement de s’accomplir c’était ce qu’on appelait alors des mariages par ordre.
C’est donc l’histoire d’un de ces mariages par ordre que’ Mme Gay raconte.
Un jour l’empereur songeant aux immenses richesses du fournisseur Brenneval, dit à un aide-de-camp : « Avec la carrière militaire la plus distinguée et un des beaux noms de France, Adhémar de Lorency est sans aucune fortune, les biens de sa famille ayant été vendus, il faut qu’il épouse Ermance Brenneval, arrangez cela avec Mme Campan. »
Et d’un mot, la destinée de deux êtres qui n’ont jamais pensé l’un à l’autre est irrévocablement fixée, Ermance est jolie, spirituelle et bonne ; Adhémar est brave, élégant et beau, ils se seraient peut-être adorés s’ils n’en avaient pas reçu l’ordre, mais l’esprit de contradiction est tellement enraciné, instinctif en nous, que du jour où ils sont unis, ils éprouvent l’un pour l’autre un invincible éloignement.
Et puis Ermance avait avant son mariage une de ces passions de jeune fille oisive et rêveuse dont une tête de seize ans fait à elle seule tous les frais, et dont l’homme qui l’a inspirée ne se doute presque jamais, car les jeunes filles font souvent deux romans, comme Rousseau faisait le sien en s’écrivant les lettres de Julie et en y répondant.
Adhémar a de son côté une liaison moins platonique avec la belle duchesse d’Alvano qui, tremblant de le perdre, et redoutant l’ascendant que pourrait prendre sur lui une femme aussi séduisante qu’Ermance, met toute son adresse à inspirer aux époux une froideur mutuelle. Bientôt les bruits du monde apprenant à Ermance combien son mari a été et est encore occupé de la duchesse d’Alvano, la colère, le dépit, le besoin de vengeance achèvent ce que les dédains d’Adhémar et les mauvais conseils d’une amie de pension avaient commencé. Ermance fait une faute et Adrien de Kervilla, l’insouciant et involontaire objet de sa passion romanesque de jeune fille se trouve là pour en profiter.
Une femme qui cède sans amour, et seulement par dépit n’a que le remord d’une infidélité sans en avoir les charmes ; aussi la vie d’Ermance de Lorency devient insupportable ; son amant lui fait horreur, et par une contradiction bizarre, et profondément vraie, du jour où, par sa faute, elle a mis, entre elle et son mari, une barrière insurmontable, du jour où leur froideur mutuelle a rendu tout rapprochement impossible, elle se met à songer à tout ce qu’elle a perdu, à tout ce que vaut Adhémar, car jamais l’éclat du nom de son mari, ses succès, son élégance, sa beauté, son esprit, ne l’ont aussi vivement frappée alors elle sent naître pour lui une passion véritable, d’autant plus forte qu’elle est plus cachée, car le souvenir de sa faute, l’éloignement que M. de Lorency affecte toujours pour elle, arrêtent l’aveu sur ses lèvres mais…
Nous nous arrêterons ici ; terminer l’analyse de ce livre serait flétrir tout son charme, tout son intérêt. Nos lecteurs voudront connaître l’issue de cette passion si ardente, et pourtant si chaste de cet amour permis, brûlant et emporté comme un amour défendu.
Ce qui nous a le plus vivement frappé dans le nouvel ouvrage de Mme Gay, c’est la pensée neuve et forte qui domine toute la vie d’Ermance de Lorency. C’est la manière pittoresque et originale dont toute la cour de l’empereur est mise en relief. Sous ce rapport ce livre est plus qu’un roman, c’est une histoire animée vivante de cette époque. On y retrouve à chaque page, avec un nouveau plaisir, des noms que nous entendons nommer tous les jours. Ailleurs, ce sont des caractères vrais, types précieux qui se sont effacés avec l’empire.
Et puis enfin, il règne dans tout l’ouvrage une grâce, une distinction de style, impossible à définir. Parce qu’il y a vingt sortes de style parce que chacun parle sa langue, parce qu’il y a autant de différence entre la conversation du faubourg Saint-Germain et celle de la Chaussée-d’Antin qu’il en a entre l’amour d’Ermance et celui de la duchesse d’Alvano et ceci est un des caractères saillans du talent de Mme Gay. C’est une connaissance intime et profonde du monde, qui donne à ses œuvres un cachet tel que ce n’est plus un livre qu’on lit, mais un salon au milieu duquel on écoute.
- 1831 : Le Figaro : journal littéraire : théâtre, critique, sciences, arts 9 mars [2]
Mariage sous l’empire. L’empire de quoi ? De la nécessité après quelque faiblesse ? de la fidélité malgré l’usage ? du divorce en dépit de l’église ? Du tout sous l’empire de l’empereur. Il y aura pourtant là, nécessité, fidélité et divorce. Divorce avec la vieille manière des romans, fidélité au goût de la part de l'auteur, nécessité pour vous de lire.
- 1832 : La France littéraire, tome second, Paris, au bureau, rue dauphine, N° 33, 1832 [3]
(2 vol. in-8°; prix : 15 fr. Chez Vimont.)
Un Mariage sous l’Empire, ce titre dit beaucoup. Quelle époque en effet plus féconde en événemens éclatans, en réputations promptement faites, en habiletés de toute sorte ; puis, comme toujours au revers de la médaille, en abus de mille espèces, en usurpations de génie, en incapacités turbulentes ! Sans doute l’auteur aura placé les personnages les plus importans du siècle en face des circonstances les plus difficiles de leur vie ; il aura sans cesse opposé les hommes aux événemens ; enfin son choix de narrateur sera tombé, dans les existences les plus célèbres, sur les jours mémorables, les heures décisives, les instans où la flamme jaillit, où l’homme se manifeste grand ou faible, héroïque ou lâche, noble ou infâme. Si rapide qu’il puisse être, ce coup d’œil en arrière nous aura été très profitable, car il aura rappelé tout d’un coup à notre mémoire un laps d’années glorieuses avec ses sommités dans les faits et les intelligences.
Mais cette espérance, que le titre nous donnait, a été totalement frustrée, et notre désenchantement s’est augmenté à mesure que les pages se sont succédées sous nos doigts. La grande figure de Napoléon ne se dessine tout au plus qu’en un profil fuyant, en raccourci éloigné. Jamais l’Empereur ne paraît que dans des bals, des fêtes, pour complimenter fadement quelques belles comtesses de nouvelle création. C’est sa manie de mariages politiques que madame Gay a voulu ridiculiser, c’est son despotisme jusque sur la vie intérieure de ses courtisans militaires ; elle y a réussi.
Il s’agit, dans ce roman, de l’union accomplie, sans s’inquiéter du consentement intime des jeunes gens, entre un élégant colonel, Adhémar de Lorency, et une riche héritière. On les marie pour servir à la fusion de l’ancienne avec la nouvelle noblesse, autre manie du grand capitaine. De ce mariage par ordonnance impériale doivent naître mille antipathies, mille préjugés, que les nouveaux époux se créeront l’un contre l’autre. C’est le détail de cette froideur, née de l’inclination méprisée, qui fait commettre à la femme une faute, dont plus tard elle se repentira avec larmes, remords, désespoir, et qui doit servir cependant à rapprocher les époux. Cette donnée, heureuse d’invention, amène plusieurs scènes palpitantes d’intérêt, saillantes de vérité. C’est la louche tendre, gracieuse de madame de Genlis ; c’est l’histoire de deux cœurs sensibles mêlés à un monde indifférent, caustique, calomniateur. Les mœurs de la haute société nous ont paru décrites avec finesse, et, selon nous, voilà le mérite principal de ce nouvel ouvrage d’une femme de talent.
- 1836 : Dictionnaire de la conversation et de la lecture, tome XXX, Paris, Belin-Mandar, libraire, 1836
[4] … On peut citer encore, parmi ses productions les plus remarquables, un Mariage sous l’empire, conception originale, à laquelle le théâtre a fait plus d’un emprunt ; …
- ↑ Un vol, in-8. Chez Vimont.