Discussion Auteur:Frédéric-Jules de La Tour de Bouillon

Le contenu de la page n’est pas pris en charge dans d’autres langues.
La bibliothèque libre.

Article biographique[modifier]

Notice armoriale et généalogique de la maison de Bouillon dans Revue d’Ardenne et d’Argenne, deuxième série (1894 – 1895) ; Société d’études ardennaises ; éd. Jules Laroche, Sedan, 1895. pp. 85-87. [1]

Frédéric-Jules (1672 † 1733), dit le chevalier de Bouillon1, d’abord chevalier de Malte et grand-croix de son ordre en 1690, quitte l’ordre de Malte et, après la mort de son cousin, François-Egon de La Tour, prend le titre de prince d’Auvergne. Il épouse, le 17 février 1720, Olive-Catherine de Trent, fille de Patrice de Trent, chevalier baronnet d’Irlande, qui lui donne trois enfants morts en bas-âge.

Celui-ci est l’enfant terrible de la famille ; il est irrespectueux au delà de tout point. Le 23 décembre 1690, rapporte Dangeau, « M. et Mme de Bouillon ont envoyé M. le chevalier de Bouillon, leur fils, à Turenne, pour quelques discours qu’il avoit tenus d’une de leurs parentes. Le roi n’a point eu de part à cela. » Saint-Simon va nous donner la clef de l’énigme. « Le chevalier de Bouillon, dit-il en Addition, menoit une vie fort débauchée et de tout point fort étrange. M. de Bouillon, ennuyé de ses déportements, lui en fit une forte romancine. Le chevalier (il avait alors 18 ans), l’écouta quelque temps, puis lui dit qu’il le trouvoit bien bon de se mettre si fort en peine de sa conduite, et bien plaisant de lui en parler avec tant d’autorité. M. de Bouillon, plus irrité que devant, lui répondit qu’il le trouvoit bien insolent, et s’il n’étoit donc pas son père et en droit de lui parler en père. « Vous, mon père ! lui répliqua le chevalier avec un grand éclat de rire ; vous savez bien que non et que c’est M. le grand-prieur, » et enfile aussitôt la porte. Voilà sans doute ce qui le fit envoyer à Turenne, sans que le roi s’en mêlât. » (Cf. le Journal de Dangeau, t. III, p. 264).

L’exil ne dura pas longtemps. Au mois d’octobre, le grand dauphin lui donne les entrées chez lui et, le 11 décembre 1692, le roi le nomme capitaine de vaisseau. Mais son métier l’ennuie et il cherche à faire rapidement fortune par un riche mariage. On vient de voir qu’il avait poussé sa belle-sœur, la princesse de Turenne, à demander sa main. En 1706, il se querelle dans un bal, au Palais-Royal, avec M. d’Entragues au sujet de la veuve de Barbesieux, que tous deux voulaient épouser. Mais le duc d’Orléans accommoda la querelle et la jeune veuve entra au couvent. (Cf. le Journal de Dangeau, t. III, p. 203, 419 ; t. IV, p. 209, 241 ; t. VIII, p. 340 ; t. IX, p. 40).

Il fréquente assidument la socièté des libertins de la fin du règne de Louis XIV. La lettre suivante, qu’il écrivait en 1711 à l’abbé de Chaulieu, alors à Fontenay, nous renseigne sur ses habitudes épicuriennes : « Malgré votre peu d’attention pour moi, je ne puis m’empêcher, mon cher abbé, de vous assurer que vous n’avez point d’ami qui regrette si fort votre absence, et qui soit plus sensible à votre retour. Quand on a eu le plaisir de vivre avec vous, toutes les autres compagnies paroissent fort insipides ; je ne trouve presque partout où je vais que de languissantes conversations et de froides plaisanteries, bien éloignées de ce sel que répandoit la Grèce, qui vous rend la terreur des sots. Je fus voir hier, à quatre heures après midi, M. le marquis de La Fare, en son nom de guerre M. de La Cochonière, croyant que c’étoit une heure propre à lui rendre une visite sérieuse; mais je fus bien étonné d’entendre dès la cour des ris immodérés et toutes les marques d’une bacchanale complète. Je poussai jusqu’à son cabinet et je le trouvai en chemise, sans bonnet, entre son Rémora et une autre personne de quinze ans, son fils l’abbé versant des rasades à deux inconnus, des verres cassés, plusieurs cervelas sur la table et lui assez chaud de vin. Je voulus, comme son serviteur, lui en faire quelque remontrance : je n’en tirai d’autre réponse que : ou buvez avec nous, ou allez, etc. J’acceptai le premier parti et en sortis à six heures du soir quasi ivre-mort. » (Cf. Sainte-Beuve, l’art. sur le marquis de La Fare, dans les Causeries du Lundi, t. X, p. 404).

Mais Louis XIV meurt et voici venir, comme dit Voltaire,

        Le temps de l’aimable Régence,
Où la folie, agitant ses grelots,
D’un pied léger courut toute la France,
Où l’on fit tout, excepté pénitence.

Le chevalier de Bouillon ou plutôt le prince d’Auvergne, comme on l’appelle désormais, donne au duc d’Orléans l’ingénieuse idée de créer des bals à l’Opéra, trois fois la semaine, où l’on ne puisse entrer qu’en masque et en payant et, comme les inventions doivent se payer, il reçoit 2,000 écus à toucher chaque année sur la recette. Le premier bal a lieu le 2 janvier 1716. Il devait être suivi de beaucoup d’autres. (Cf. le Journal de Dangeau, t. XVI, p. 235, 289).

Cependant il songe de nouveau à se marier. Dans les premiers jours de l’année 1716, on parle beaucoup de son mariage avec une Madame Bouchu, qui possède une fortune considérable ; mais, comme elle exige un douaire et qu’il ne peut lui en assigner un, tout est bientôt rompu. Il se console en spéculant sur le système de Law ; le 30 août 1719, il reçoit du régent une gratification de 10,000 écus et il place le tout en actions sur la Compagnie des Indes, qui sont alors à 400 livres. Au cours de ses spéculations, il fait la connaissance d’une aventurière irlandaise, du nom de Mlle Trent. « Elle avoit, dit Saint-Simon, dans une Addition au Journal de Dangeau, un esprit souple, liant et hardi, et surtout vouloit faire fortune. Elle attrapa lestement force Mississipi, donna dans la vue au prince d’Auvergne qui avoit tout fricassé et qui cherchoit à se marier sans pouvoir trouver à qui. Le décri où ses débauches et d’autres aventures fort étranges l’avoient mis, joint à sa gueuserie, n’épouvantèrent pas l’aventurière anglaise et la firent atteindre à ce mariage, au grand déplaisir des Bouillon. Elle a toujours depuis mené ce mari par le nez et a acquis avec lui des richesses infinies au Mississipi. » Le roi signa au contrat de mariage, le 13 janvier 1720 et, trois jours après, la noce se fit à l’hôtel de Bouillon, où les deux époux logèrent quelque temps, avant d’habiter la maison de la marquise de Maulévrier qu’ils avaient achetée 425,000 livres. (Cf. le Journal de Dangeau, t. XVII, p. 244; t. XVIII, p. 95, 189, 206, 208).

La nouvelle princesse d’Auvergne trouva un beau jour à qui parler. On peut lire en effet dans le Journal de Barbier, édit. Charpentier, t. I, p. 272, les paroles grossières que lui adressa, en mai 1723, le cardinal Dubois, lequel ne se piquait pas de galanterie, et la plaisanterie cynique par laquelle le régent accueillit ses plaintes. Nous n’osons les reproduire. On peut encore consulter sur cette audacieuse intrigante le Journal de Marais, publié dans la Revue rétrospective, 2me série, t. IX, p. 270.

1. Le 6 mars 1677, Marie-Anne Mancini assiste à Saint-Sulpice au baptême de sa fille Marie-Élisabeth, née le 8 juillet 1666, et de son fils, Frédéric-Jules, né le 2 mai 1672. (Cf. A. Jal, Dict. critique, p. 830).