Dithyrambe 1824 (Denne-Baron)

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À SON ALTESSE ROYALE
LE DUC D’ANGOULÊME,
SUR
LA PACIFICATION DE L’ESPAGNE
ET SUR SON RETOUR.

 
Tire le glaive, ô France !
Louvre, réjouis-toi !
Rompez un long silence,
Clairons de Fontenoi !


Un soldat est tombé du char de la Victoire ;
Il est vide : quel roi doit y placer la gloire ?
Quelle main guidera ses coursiers dangereux ?
Ou de la Germanie en phalanges féconde,
Ou des champs que la Seine argenté de son onde,
Quel prince excitera leurs flancs encor poudreux ?

Que n’ose la Victoire unie à la Vaillance !
Elle a tendu la main au sang du grand Henri ;
Pour conquérir la paix sur le char il s’élance,
et les nymphes du Tage en secret ont souri.

Cependant à travers les roches de Pyrène
Cet Ulysse français, que la victoire entraîne,
D’un seul son de sa voix, d’un seul de ses regards
Retient ces fiers coursiers, des airs enfans agiles,
Dont le souffle enflammé met en cendre les villes,
Et dont les pieds d’airain font crouler les remparts.

Frères de ces coursiers, impitoyable race,
Que de membres sanglans rassasiait la Thrace,
Ils n’ont faim que de meurtre, ils n’ont soif que de sang ;
Quand leur faim est contente et leur soif assouvie,
Sur cent corps foudroyés qu’abandonne la vie
Leur homicide essieu siffle et cric en passant.

D’Angoulême à des lois soumet leurs cœurs sauvages (1) ;
L’onde, l’herbe, les fleurs des rians pâturages
Pour la première fois composent leur festin ;
Pour la première fois aux plaines ennemies,
Poussés par la Sagesse et non par les Furies (2),
Ils se sont élancés sans espoir de butin.

De la Bidassoa paisible (3)
Que désertent ses défenseurs,

Leur flanc dur, devenu sensible,
D’un bain frais goûte les douceurs ;
De leurs yeux l’horrible lumière (4),
Le bruit affreux de leur crinière
Jusqu’aux tours de Madrid ont prolongé l’effroi ;
Leur seul hennissement disperse,
Leur haleine de feu renverse
Ces preux qui de mourir se faisaient une loi !

Tous ont fui ; mais bientôt une espérance folle
De ce sang africain rallume tous les feux ;
Dans les triples remparts d’un rocher sourcilleux (5)
Ces nouveaux Philistins vont cacher leur idole,
La Liberté, leur joie, et leurs biens et leurs dieux.
 
Cent tonnerres la couronnent ;
Des flots grondans l’environnent ;
Elle brave un terrestre effort :
Son autel n’a point de maître,
Tout soldat devient son prêtre,
Et ses oracles sont la mort !

Au front de l’Apennin quand se forme un orage,
Un nuage, poussé par l’haleine des vents,
D’un nuage suivi, suit un autre nuage ;
Tels sur ces rocs jetés par la main des géans,
Avec un bruit mêlé de silences horribles,
Se succédaient sans fin leurs bataillons terribles.

D’Angoulême s’avance ; il mesure des yeux
Ces créneaux formidables,
Où des bras redoutables
Ont marié le fer à la foudre des cieux.

Ainsi qu’un pin sublime appelle la tempête
Sur son front rayonnant du givre du matin,
Ainsi son blanc panache, ondoyant sur sa tête,
Est en butte aux fureurs de cent foudres d’airain.
« Français, s’écria-t-il d’une voix tendre et fière,
» Si le ciel sous ces murs me ravit la lumière,
» Qu’il va m’être à la fois et glorieux et doux
» De tomber dans vos bras, de mourir près de vous ! »
Ces mots ont des Français multiplié les âmes ;
Tous, à travers le sang, les flots, le fer, les flammes (6),
Des Etna souterrains ont franchi le courroux.
 
Ici leurs mains sanglantes
S’attachent aux remparts ;
Là les portes tremblantes
Tombent de toutes parts ;
La hache impitoyable
Brise les ponts croulans ;
Leur ruine effroyable
Couvre les combattans :
Des rocs, des casques vides,
Des corps percés de coups,
Comblent les flots avides,

Enchaînent leur courroux ;
Mille coursiers hennissent ;
lis volent sur les monts ;
Leurs pieds d’airain franchissent
Les bois, les lacs profonds ;
Le feu que Mars allume
Dans leurs naseaux ardens
Se mêle à leur écume ;
Le frein crie en leurs dents ;
La bombe suit la bombe
Dans les airs embrasés ;
L’Ibère frappé tombe
De ses créneaux brisés ;
Trocadero s’écroule
Dans ses marais sanglans ;
Son chef foudroyé roule
Sur ses soldats mourans ;
Là finit ton délire,
Tyr aux vastes projets ;
Ton dernier brave expire
Sur tes bronzes muets.

À l’aspect de ces morts, de ce roc lamentable,
De ces glacis de sang, théâtre épouvantable
Des fureurs des humains,
Des tendres séraphins les faces se voilèrent ;
Dans les yeux du héros de tristes pleurs roulèren
Au ciel il tend les mains :

« Toi, dit-il, dont le doigt fit pencher pour la guerre
» Tes bassins éternels,
» Au bonheur des mortels
» Faut-il que ce fléau soit parfois nécessaire !
» Par ce sang pour la paix à regret répandu,
» Par ce sang espagnol au nôtre confondu,
» Par mes aïeux enfin, peuple, je vous conjure,
» Rois, je vous en supplie, oubliez toute injure ;
» C’est là ma récompense et tout ce qui m’est dû ! »

Il dit, et marche droit aux colonnes d’Hercule ;
L’hydre des factions devant ses pas recule ;
Dans les murs de Cadix il s’enferme indécis :
En vain sa gueule enflammée
D’une stérile fumée
Couvre le camp français sur le rivage assis ;
Devant nous la porte tombe,
Et le monstre qui succombe
De sa dernière écume outrage encor les lis.

C’est peu : pour contempler nos pompes triomphales,
Qu’à leur sang refusa le destin rigoureux,
Nos frères, moissonnés sous un chef moins heureux,
Du sommeil de la Mort rompant les lois fatales,
Se lèvent par milliers de leurs tombeaux poudreux,
Et, contens d’une gloire et si prompte et si belle,
Tous rentrent consolés dans la nuit éternelle !

Bronzes, tonnez de joie, et vous, sonnez, clairons (7) ;
Lampes de feu, brillez, rivales des étoiles ;
De cette nuit superbe enrichissez les voiles :
Les colonnes d’Alcide ont uni deux Bourbons !
 
Sommes-nous aux temps héroïques,
Dans ces jours aux yeux éclipsés
Où les monstres, les rois iniques
Par Alcide étaient terrassés ?
Nouveau Thésée, au bras robuste,
Des Cercyon et des Procuste
Nettoyant les rocs indignés,
Ce héros brise les entraves
De deux époux, nobles esclaves
Sur leur trône même enchaînés.

« À vos pieds, leur dit-il, je prosterne ma gloire ;
» Le péril fut commun, partageons la victoire ;
» Notre sceptre est le même, et le sang nous unit. »
Il parle, et sous l’abri de ses palmes guerrières
Met les vastes frontières
Où l’Espagne commence, où la France finit.
 
Tel un jeune olivier entre un double héritage,
Par l’aurore arrosé, caressé du Zéphire,
Croît, et prolonge au loin son pacifique ombrage
Sous un ciel pur semé de rose et de saphir.

Ce n’est sous ses rameaux qu’une éternelle fête ;
L’Amour y vient rêver de jeux et de conquête,
Et l’Hyménée en paix y vient former ses nœuds ;
Sur ses maîtres, unis par une amitié tendre,
De printemps en printemps son ombre aime à s’étendre,
Et promet à leurs fils ses fruits délicieux !




NOTES.

 
(1) D’Angoulême à des lois soumet leur cœur sauvage.

ARMÉE DES PYRÉNÉES.
Ordre du jour.
« Soldats !

» La confiance du Roi m’a placé à votre tête pour remplir la plus noble mission. Ce n’est point l’esprit de conquête qui nous a fait prendre les armes ; un motif plus généreux nous anime ; nous allons replacer un roi sur son trône, réconcilier son peuple avec lui, et rétablir, dans un pays en proie à l’anarchie, l’ordre nécessaire au bonheur et à la sûreté des deux états.

» Soldats, vous respecterez et ferez respecter la religion, les lois et les propriétés ; et vous me rendrez facile l’accomplissement du devoir qui m’est imposé, de maintenir les lois de la plus exacte discipline. »

Au quartier-général, à Bayonne, le 3 avril 1823.

LOUIS-ANTOINE.

 

(2) Poussés par la Sagesse et non par les Furies,
Ils se sont élancés sans espoir de butin.
ARMÉE DES PYRÉNÉES.

« Espagnols, la France n’est point en guerre avec votre patrie. Né du même sang que vos rois, je ne puis désirer que votre indépendance, votre bonheur et votre gloire. Je vais franchir les Pyrénées à la tête de cent mille Français ; mais c’est pour m’unir aux Espagnols amis de l’ordre et des lois, pour les aider à délivrer leur roi prisonnier, à relever l’autel et le trône, à arracher les prêtres à la proscription, les propriétaires à la spoliation, le peuple entier à la domination de quelques ambitieux qui, en proclamant la liberté, ne préparent que la ruine de l’Espagne.

» Espagnols ! tout se fera pour vous et avec vous : les Français ne sont et ne veulent être que vos auxiliaires : votre drapeau flottera seul sur vos cités ; les provinces traversées par nos soldats seront administrées au nom de Ferdinand, par des autorités espagnoles. La discipline la plus sévère sera observée ; tout ce qui sera nécessaire au service de l’armée sera payé avec une religieuse exactitude. Nous ne prétendons ni vous imposer des lois, ni occuper votre pays ; nous ne voulons que votre délivrance. Dès que nous l’aurons obtenue, nous rentrerons dans notre patrie, heureux d’avoir préservé un peuple généreux des malheurs qu’a faits une révolution, et que l’expérience ne nous a que trop appris à connaître.

Au quartier-général, à Bayonne, le 2 avril 1823.

LOUIS-ANTOINE.

 

(3) De la Bidassoa paisible

Que désertent ses défenseurs,
Leur flanc dur, devenu sensible,

D’un bain frais goûte les douceurs.
ARMÉE DES PYRÉNÉES.

Au passage de la Bidassoa, il n’y eut de tiré qu’un coup de canon à mitraille du côté des Français, accompagné d’un feu de peloton.

« Aujourd’hui, à cinq heures du matin, le pont de pontons étant établi sur la Bidassoa, l’infanterie du premier corps a commencé à passer sur cette rivière, que la cavalerie légère traversait à gué. S. A. R. est entrée à six heures à la tête des troupes dans Irun, où elle a été reçue aux acclamations de toute la population. »

Au quartier-général d’Irun, le 7 avril 1823.

 
(4) De leurs yeux l’horrible lumière,
Le bruit affreux de leur crinière
Jusqu’aux tours de Madrid ont prolongé l’effroi.

Madrid est la capitale de l’Espagne, dans la Nouvelle-Castille, et la résidence ordinaire de ses rois. On croit assez communément que c’est la Mantua Carpetanorum des anciens, et on lui donne ordinairement ce nom dans le pays lorsqu’on parle latin. Elle est grande, extrêmement peuplée, située sur une hauteur, et bordée de collines du côté des portes Foncaral et Alcala.

Ce n’était autrefois qu’une bourgade inconnue et très-peu considérable, qui appartenait en propre aux archevêques de Tolède ; mais depuis l’empereur Charles V, que les rois l’ont choisie pour tenir leur cour et pour y faire leur séjour ordinaire, elle est devenue la première ville d’Espagne.

 

(5) Dans les triples remparts d’un rocher sourcilleux,

Ces nouveaux Philistins emportent leur idole,

La Liberté, leur joie, et leurs biens et leurs dieux.

Les Philistins étaient des peuples venus de l’île de Caphtor ou Crète ; car il y avait beaucoup de ressemblance entre les mœurs, les armes, les divinités et les coutumes des Philistins et des Crétois. Ces peuples étaient déjà puissants dans la Palestine du temps d’Abraham, puisqu’ils y avaient des rois et possédaient plusieurs villes considérables. C’était sur les montagnes qu’ils consacraient leurs idoles ; l’Écriture appelle toujours lieux hauts ces monts où ils sacrifiaient.

 

(6) Tous, à travers le sang, les flots, le fer, les flammes,
Des Etna souterrains ont franchi le courroux.
ARMÉE DES PYRÉNÉES.

Aussitôt son arrivée devant Cadix, Monseigneur résolut de s’emparer de Trocadero, position que les assiégés avaient cherché à rendre inexpugnable par de nombreux travaux.

L’isthme sur lequel elle est située avait été coupé depuis le dernier siège par un canal ou cortadura de 70 mètres de largeur, et dans lequel, même à marée basse, il y a encore de trois à quatre pieds d’eau et de vase : en arrière avait été construite une ligne à redans d’un haut relief, et armée de 45 bouches à feu de divers calibres.

Dix-sept cents hommes d’élite très-exaltés occupaient ces ouvrages, et perfectionnaient sans relâche les moyens de défense. Les flancs et les abords en étaient protégés par le feu d’un nombre considérable de chaloupes canonnières.

La grande distance qui sépare le Trocadero de Puerto-Real, notre point de départ, et la nature du terrain couvert d’arbustes et de plantes marines, qui n’aurait point permis aux troupes d’arriver en ordre sur l’ennemi, la force enfin donnée à ces travaux, déterminèrent S. A. R. à faire ouvrir la tranchée devant eux.

Elle fut ouverte dans la nuit du 19 au 20, et dans celle du 24 au 25, on était parvenu à établir la deuxième parallèle à 40 mètres du canal. Les journées suivantes furent employées à la perfectionner et à terminer l’armement de nos batteries.

Pendant tout ce temps l’ennemi ne cessa de faire le feu le plus vif, sans parvenir à ralentir l’ardeur des travailleurs ni altérer leur gaîté.

Le 30, à la pointe du jour, nos batteries engagèrent une canonnade violente, dans le seul but de fatiguer l’ennemi. Les chefs des assiégés en prirent occasion pour publier le soir même, dans Cadix, que nous avions éprouvé un très-grand échec ; une illumination générale, des danses, des concerts, célébrèrent leur prétendu succès.

Cette canonnade n’était cependant que le prélude de l’attaque de vive force que Monseigneur avait arrêtée pour la nuit du 30 au 31 ; des ordres furent en conséquence transmis à M. le comte Bordesoulle, commandant en chef le corps de réserve, et S. A. R. arrêta pour cette attaque les dispositions suivantes.

Quatorze compagnies d’élite furent réunies : celles des bataillons de guerre des 3me, 6me et 7me régiments de la garde royale formèrent le premier échelon ; celles du 3me bataillon du 34me et du 3me bataillon du 36me composèrent le second. Cent sapeurs et une compagnie d’artilleurs suivaient immédiatement. Après ces échelons marchaient les trois bataillons de la garde et le 34me régiment de ligne. Le 3me bataillon du 36me se trouvait en réserve. Des officiers, qui dans les nuits précédentes avaient reconnu avec la plus grande hardiesse les passages les moins difficiles du canal, devaient guider chaque échelon.

Les troupes défilèrent par la tranchée dans le plus grand silence, et furent formées en une seule colonne, à hauteur de la seconde parallèle. Il leur était ordonné de franchir le canal et de marcher rapidement, sans tirer aux retranchements. L’obstacle surmonté, les premières divisions devaient se diriger par la droite et par la gauche, pour s’emparer des batteries, et le reste de la colonne se porter au-delà de l’ouvrage, pour agir ensuite suivant les circonstances.

En même temps un équipage de pont, préparé par les soins du lieutenant-général Tirlet, commandant en chef l’artillerie de l’armée, descendait le Rio-San-Pedro, pour venir établir la communication sur le canal de la cortadura, et le lieutenant-général Dode, commandant en chef le génie, avait prescrit au lieutenant-colonel Dupau de rendre facile aux troupes la sortie de la deuxième parallèle.

Les ordres de Monseigneur furent exécutés avec autant de précision que d’intrépidité. À deux heures un quart, malgré le feu de l’ennemi, la profondeur de l’eau qui dans ce moment était encore de quatre ou cinq pieds, et les chevaux de frise qui garnissaient le pied des retranchements, la colonne traversa le canal sans hésitation, et en moins de quinze minutes pénétra dans l’intérieur de l’ouvrage aux cris de vive le Roi ! qui avaient été donnés pour ralliement. Les soldats avaient à se venger des injures que l’ennemi n’avait cessé de lui prodiguer pendant les travaux de la tranchée ; aussi ceux qu’ils atteignirent dans le premier moment furent percés de coups de baïonnette, et presque tous les artilleurs tués sur leurs pièces. Le moulin retranché de Guerra, où se trouvait la réserve, fut également emporté, et les 45 canons qui garnissaient la ligne furent à l’instant tournés contre l’ennemi.

Monseigneur arriva bientôt sur la position enlever d’une manière si brillante ; il recueillit de nombreuses marques de l’affection et de l’enthousiasme des troupes pour sa personne. Tout en elles annonçait combien elles se trouvaient heureuses d’avoir aussi bien justifié sa confiance, et prouvé leur dévouement au Roi.

Cependant l’ennemi s’était retiré dans les maisons situées près de l’embouchure du canal qui sépare le Trocadero de l’île et du fort Saint-Louis. L’on n’y peut parvenir que par un chemin étroit, faisant de nombreux détours, et qu’il avait hérissé d’obstacles. Il s’y maintenait derrière des retranchements, et sous la protection de ses canonnières et des batteries du fort de Puntalès.

Nos troupes s’étant réformées, et les cartouches mouillées ayant été changées, Monseigneur, qui avait fait reconnaître pendant ce temps les approches de ce point, jugea qu’il devait être également enlevé sur-le-champ. Il ordonna donc au comte Bordesoulle de faire marcher à cet effet le 3me bataillon du 36me et le 34me régiment de ligne, que S. A. R. fit appuyer par un bataillon de la garde. Malgré le feu du Puntalès et de la flottille, celui de cinq pièces d’artillerie, de toute l’infanterie, et la difficulté du terrain, qui obligeait à traverser divers cours d’eau et marais ayant plusieurs pieds de profondeur, la position de l’ennemi fut emportée, ses canons dirigés contre ceux qui cherchaient à s’embarquer, et le fort Saint-Louis occupé : c’est dans cette seconde affaire, non moins vigoureuse que la première, que le colonel Garès, membre des Cortès, commandant de toutes les troupes réunies dans le Trocadero, fut fait prisonnier, ainsi que beaucoup d’autres officiers : avant neuf heures nous étions maîtres de la totalité de l’isthme.

 

(7) Bronzes, tonnez de joie, et vous, sonnez clairons ;

Lampes de feu, brillez, rivales des étoiles ;
De cette nuit superbe enrichissez les voiles :

Les colonnes d’Alcide ont uni deux Bourbons.
ESPAGNE.
Séville, le 9 octobre 1823.

Ce matin LL. MM., ainsi que les infans, sont sortis à pieds, à dix heures, se sont rendus à l’église patriarcale et métropolitaine, pour assister au Te Deum. La troupe était rangée en parade sur leur passage. LL. MM. entrèrent par la porte principale, qui ne s’ouvre jamais que dans une pareille occasion, et furent reçues par le chapitre, à la tête duquel on voyait le très-digne et très-vertueux doyen dom Fabian Miranda de Sierra, qui, malgré son âge avancé, avait voulu assister à cette imposante cérémonie.

LL. MM. furent conduites processionnellement jusqu’au maître-autel, où le roi occupa son fauteuil placé sous un dais ; les infans occupaient des places attenantes à celles de S. M. Du côté de l’épître était la reine avec les infantes. On chanta le Te Deum à grand orchestre, et après cette cérémonie, qui a été magnifique et rendue imposante, tant par l’auguste présence de nos souverains et par celle de différends ministres étrangers, et autres personnes de la plus haute distinction, que par la pompe, l’éclat et la somptuosité avec lesquels le chapitre célèbre toutes ses cérémonies religieuses. LL. MM. et LL. AA. allèrent adorer le corps et l’épée du saint roi Ferdinand, donnant l’exemple de la piété, du recueillement et de la reconnaissance pour le Dieu de bonté qui nous a rendu la paix. Lorsque LL. MM. retournèrent à leur palais, les rues et les places par lesquelles elles devaient passer étaient tellement remplies de monde, qu’il était difficile d’y circuler.

À midi, toutes les corporations civiles et militaires de cette ville furent admises au baise-mains du roi. S. M. a bien voulu accorder au chapitre ecclésiastique la précieuse faveur de lui être présenté le premier. Le soir, il y eut une brillante illumination que LL. MM. sont allées voir en voiture, parce qu’il était difficile de traverser une foule immense de musiciens et d’autres habitants, tous avides de contempler les traits de notre monarque, qui a reçu dans son passage les démonstrations réitérées de respect, de fidélité et d’amour.


FIN.