Œuvres poétiques de Chénier (Moland, 1889)/Eh ! le pourrai-je au moins

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Œuvres poétiques, Texte établi par Louis MolandGarnierVolume 1 (p. 264-265).

XLIX[1]


Eh ! le pourrai-je au moins ! suis-je assez intrépide ?
Et toute belle enfin serait-elle perfide ?
Moi, tendre, même faible, et dans l’âge d’aimer,
Faut-il n’oser plus voir tout ce qui peut charmer !
Quand chacun à l’envi jouit, aime, soupire,
Faut-il donc de Vénus abjurer seul l’empire !
Ne plus dire : Je t’aime ! et dormir tout le jour,
Sans avoir pour adieux quelque baiser d’amour !
Et lorsque les désirs, les songes, ou l’aurore,
Troubleront mon sommeil, me réveiller encore,

Sans que ma main déserte et seule à s’avancer
Trouve dans tout mon lit une main à presser !

  1. Édtion 1833.