Encyclopédie anarchiste/Salaire - Santé

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Collectif
Texte établi par Sébastien FaureLa Libraire internationale (p. 2501-2511).

SALAIRE n. m. Le salaire, a-t-on coutume d’affirmer, est la somme destinée à quelqu’un qui effectue un travail ou rend un service. Il est à peine besoin d’insister sur le caractère simpliste de cette définition. En effet, pour être exacte, il faudrait qu’elle spécifiât que la somme reçue représente, aussi justement que possible, la rétribution totale de l’effort produit, du travail accompli, du service rendu. En outre, le salaire représentant le pouvoir d’achat, la puissance de consommation du producteur, du travail, il faudrait qu’il correspondit toujours aux nécessités de l’existence, dans l’ordre social actuel et, pour le moins, qu’il suivît le coût de la vie dans ses fluctuations constantes.

Au cours de l’étude que j’ai consacrée : Chère (la vie) (pp. 330 à 332 de l’Encyclopédie anarchiste), j’ai montré quelle était la différence existant entre le salaire nominal et le salaire réel, en faisant intervenir, précisément, ce facteur : le coût de la vie (voir à ce sujet Études et Documents du Bureau International du Travail, série D, n° 10, de juin 1925), dont les réactions sur le salaire nominal sont telles qu’elles déterminent de façon constante le salaire réel dans un endroit donné. C’est ainsi que le salaire réel de 1933, par rapport à celui de 1913, basé sur l’indice 100 à cette époque — en admettant qu’en 1913 le salaire réel et le coût de la vie étaient à égalité — se détermine comme suit :

Encore, convient-il de faire remarquer que ces calculs ne sont qu’approximatifs, en raison des différences de conditions de vie existant aux deux époques considérées : 1913 et 1933 et d’admettre — ce qui est manifestement inexact — que les besoins de l’homme sont restés identiques. La loi du progrès condamne formellement une telle conception. A mon avis, l’homme a sans cesse des besoins nouveaux, différents en tout cas, et aucune assimilation n’est possible entre les deux époques dont il s’agit.

Quoi qu’il en soit, un fait indiscutable subsiste : l’individu ne reçoit, à tout moment et en toute circonstance, sous forme de salaire, qu’une rétribution partielle de son effort et cette rétribution, en vertu de la loi d’airain, mise en avant par Lassalle et assez justement formulée, ne permet à l’homme que de produire et se reproduire, c’est-à-dire : de satisfaire ses besoins immédiats et de se perpétuer, pour assurer la pérennité du système capitaliste. Le reste — la partie la plus importante — est conservé par l’employeur et sert à rétribuer d’abord le capital engagé par d’autres qui se partagent le fruit d’un travail effectué par autrui : ensuite, à augmenter, sous le nom de bénéfice, ce capital initial. C’est le système de l’accumulation et de la plus-value sur lequel repose, depuis des siècles, le capitalisme quelle qu’en soit la forme : individuelle ou étatique.

La lutte, aussi vieille que le monde, menée par les travailleurs pour conquérir des salaires meilleurs et aussi adéquats que possible au coût de la vie, n’a guère modifié cette situation. Et on peut dire que, d’une façon constante, le salaire est resté inférieur aux besoins. Le patronat a toujours su — et par les mêmes moyens — rendre inopérantes toutes les augmentations de salaire arrachées, souvent au prix de luttes ardentes et parfois sanglantes, par les travailleurs. Il lui a toujours suffi d’augmenter parallèlement le coût de la vie pour diminuer le pouvoir d’achat du travailleur et ramener, ainsi, le salaire réel au taux précédent.

Avec ce système, on tourne en rond, dans un cercle infernal, sans pouvoir s’en évader. Il fallait en sortir ou, tout au moins, tenter d’en sortir.

Pour ce faire, la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire (C. G. T. S. R.) a déclaré dans son deuxième Congrès, tenu à Lyon les 2, 3 et 4 novembre 1928, que le coût de la vie ne pouvait servir exclusivement de base au calcul du salaire. Il a signifié au capitalisme qu’il entendait que les travailleurs mesurent et fixent eux-mêmes leurs besoins et il a engagé les prolétaires à exiger du patronat des salaires correspondant à ces besoins, à tous leurs besoins. Il a nié que le salaire soit une marchandise, soumise, comme telle, à la loi de l’offre et de la demande. Il a proclamé le droit, pour le travailleur, au bonheur, à la jouissance des biens et richesses de ce monde, produit de la nature et de son effort créateur et transformateur.

Allant plus loin, après avoir refusé à l’employeur de déterminer le salaire du producteur et de mesurer ses besoins réels, il a pris position contre cette autre formule : A travail égal, salaire égal, toujours en honneur à la C. G. T. et à la C. G. T. U. et adopté cette autre formule, infiniment plus humaine et plus juste : A besoins égaux, salaires égaux, plaçant ainsi la femme et l’homme sur un plan d’égalité économique et sociale complète. Ce faisant, le Congrès a non seulement indiqué clairement que la femme, dont la somme des besoins est égale à ceux de l’homme, même si certains d’entre eux sont différents, ne devait pas être astreinte, dans chaque métier où son activité s’exerce aux côtés de l’homme, à produire une quantité de travail égale à celle fournie par l’homme pour recevoir un salaire égal à ce dernier.

La formule : à travail égal, salaire égal, est essentiellement barbare, inhumaine. Son application exige de la femme un effort physique que sa complexion ne lui permet pas de fournir et elle ne tient aucun compte des nécessités de l’existence en ce qui concerne la femme. Si on peut concevoir que le capitalisme l’accepte, quand il y a avantage, on a du mal à comprendre que des organisations ouvrières l’aient faite leur. Certaine d’être dans la bonne voie, la C. G. T. S. R. l’a rejetée. Et elle a eu pleinement raison d’agir ainsi. De ce fait, si le prolétariat comprend la valeur de la formule nouvelle, il obligera le patronat à reconnaître pour tous l’égalité du droit à la vie, sans distinction de sexe.

En outre et par voie de conséquence, il détruira cette conception qui veut que le salaire de la femme ne constitue qu’un appoint à celui de l’homme (sans même considérer que la femme est souvent seule et parfois chargée de famille) et que, partant, il est « normal » que le salaire féminin soit inférieur à celui de l’homme, même si elle produit autant que celui-ci. Enfin, ayant réalisé, sur le plan de la revendication, l’égalité entre les sexes, la C. G. T. S. R. a pensé qu’il fallait aller plus loin encore : réaliser l’égalité des salaires entre tous les travailleurs, quels que soient leurs métiers et les pays où ils exercent leur activité.

Dans ce but, elle a lancé la formule du salaire unique universel. En adoptant cette revendication, en spécifiant que le salaire unique doit être attribué à tout producteur, quels que soient son âge et son sexe, la C. G. T. S. R. a dépassé de loin — et elle le sait — le cadre des réalisations immédiates. Mais elle a considéré que c’était le seul moyen de faire sortir de l’ornière cette question des salaires, de la poser franchement sur un terrain nouveau, en s’inspirant d’un principe général d’une indéniable valeur à tous points de vue. Pour réaliser intégralement ce que contient cette revendication, le prolétariat sait qu’il doit faire des efforts considérables et répétés, mais il sait aussi qu’à l’encontre du passé, ces efforts seront fructueux et apporteront vraiment une solution et non plus des palliatifs sans portée ni durée.

En imposant au patronat le salaire unique universel, le prolétariat empêchera les immigrations massives qui viennent submerger de main-d’œuvre à bas prix les pays où les travailleurs, par leur action, ont acquis des conditions de vie et de travail meilleures.

Lorsque le salaire sera identique en France, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Russie, aux Indes, en Chine, en Amérique et au Japon, les travailleurs ne seront plus tentés de répondre aux offres des recruteurs de main-d’œuvre. S’ils se déplacent, ce sera de leur propre initiative, avec la certitude de retrouver partout des conditions de vie semblables.

De même que la réduction de la journée de travail permettra à tous de travailler, le salaire unique assurera à chacun — où qu’il se trouve — une vie décente. Le prix de la vie — à peu près partout identique — est d’ailleurs un argument de poids qui vient à l’appui de la revendication du salaire unique. La généralisation de la main-d’œuvre non qualifiée, l’introduction du manœuvre spécialisé dans les usines et les chantiers, aux lieu et place des professionnels complets, ont eu pour conséquence un nivellement général du salaire par le patronat.

C’est un autre argument de poids, au moins égal, qu’il convient d’utiliser. En opposant à la conception du nivellement par en bas, celle du nivellement par en haut, on obtiendra ainsi le salaire unique que le patronat ne peut plus combattre qu’avec des armes ébréchées par lui-même. Ah ! certes, il y aura, avant de parvenir au sommet, bien des paliers à franchir. Il faudra, sans doute, conquérir un salaire unique local, régional, corporatif, industriel, puis national, mais il ne faudra pas se décourager.

La réalisation du salaire unique, même local, fera plus pour faire tomber les barrières corporatives entre tous les ouvriers d’une même ville que toutes les réunions, tous les appels à la conscience. Le prolétariat, en plaçant la question des salaires sur ce terrain, est assuré de la poser sous son véritable aspect.

Le caractère international d’une telle revendication est évident et, sur ce terrain, face au capitalisme, le prolétariat a pris la seule position possible. En marchant vers l’homogénéité, en opposant au prix de vente unique — qui détermine la cherté de vie unique, qu’il subit comme consommateur — la revendication du salaire unique universel, il prouve son intelligence, sa clairvoyance, son esprit d’organisation et de méthode.

Par son caractère permanent et général, la revendication du salaire unique doit figurer au programme du Syndicalisme révolutionnaire international. Et le prolétariat doit avoir à cœur de la réaliser le plus rapidement, s’il veut qu’un jour, enfin, la question des salaires fasse vraiment un pas en avant.

Je considère, pour ma part, que c’est le seul moyen de sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes enfoncés, sans espoir, depuis toujours. — Pierre Besnard.


SALARIAT État de celui qui reçoit un salaire. Employé par opposition à patronat, état de celui qui paie un salaire. — P. B.


SALUT (Armée du). L’Armée du Salut est aujourd’hui une des institutions les plus en honneur dans le monde bien pensant et dirigeant. La presse publie ses communiqués et entonne ses louanges et elle jouit d’une réputation si bien établie ( ?) que, dans les milieux avertis et même dans les journaux qui se targuent de dire à leurs lecteurs la vérité, toute la vérité, on impose le silence aux reporters assez hardis pour oser s’y attaquer (Lectures du Soir, n° du 10 septembre 1932). Récemment, le « Commissaire » qui préside à ses destinées en France, M. Albin Peyron-Roussel a été fait chevalier de la Légion d’honneur, et par M. Herriot, s’il vous plaît. M. Albin Peyron-Roussel est le fils d’un grand négociant de Nîmes, ancien président de la Chambre de commerce de Montpellier, protestant zélé, venu assez tard au Salutisme. M. Albin Peyron-Roussel épousa la fille du pasteur Napoléon Roussel, décédé récemment, qui eut des démêlés avec les autorités sous le second Empire. Ceci simplement pour situer le milieu où se recrutent les dirigeants de cette organisation qui fait beaucoup de publicité autour de ses œuvres sociales, que des membres du gouvernement républicain et laïque honorent volontiers de leur présence aux jours d’inauguration.

Il y a un demi-siècle, lorsque les chapeaux 1830 des premières salutistes apparurent sur les boulevards, l’accueil fut loin de ressembler aux honneurs d’aujourd’hui. La fille aînée du fondateur de l’Armée du Salut, Miss Catherine Booth — plus connue sous le nom de la Maréchale — venait de débarquer à Paris, suivie d’un certain nombre de disciples enthousiastes et elle avait édifié son quartier général, non pas comme aujourd’hui, rue de Rome, ou naguère rue Auber, mais quai Valmy, mal éclairé alors, et plus mal fréquenté encore. Des réunions s’y tenaient chaque soir et chaque dimanche après-midi. Les costauds de la Courtille et du Combat s’amusaient fort de cette prédication intensive, de ces costumes bizarres, de ce journal En avant ! colporté dans les bouges et les assommoirs par des fillettes aux yeux candides dont l’accent trahissait la nationalité. Invités à assister aux réunions, les gars de la Villette obtempéraient, mais qui pourrait décrire le chahut dont était témoin la salle du quai Valmy, chahut homérique, inénarrable, où les imitations de cris d’oiseaux se mêlaient aux « aoh yes » et aux Interjections les plus grossières. Malgré la patience à toute épreuve des orateurs salutistes, ce chahut dégénérait parfois en des rixes qu’aucune intervention policière n’arrivait à calmer. Dans les rues, on poursuivait parfois à coups de pierre les vendeuses de l’En avant ! dont le populaire ne pouvait supporter le fameux chapeau 1830 et l’accoutrement sans grâce (pas plus ridicule, après tout, que le costume des ordres féminins religieux).

L’obstination véhémente des apôtres salutistes, en majorité anglais, provoqua un tel scandale que le préfet de police d’alors — qui n’était autre que M. Andrieux — fit appeler la Maréchale et l’informa que si le tumulte ne cessait pas, il interdirait de par son pouvoir discrétionnaire le port du chapeau des salutistes du beau sexe ou tout au moins des S garnissant le col des uniformes ou du ruban rouge qui porte en lettres dorées l’appellation : « Armée du Salut ». Aujourd’hui, M. Chiappe assiste aux cérémonies d’inauguration d’asiles ou de restaurants populaires créés par les salutistes. Comment expliquer le revirement toujours croissant des gouvernants vis-à-vis de l’Armée du Salut ? C’est qu’il faut distinguer deux phases bien distinctes dans l’histoire de cette puissante organisation religieuse.

En 1865, un pasteur de Londres, encore jeune, et déjà nanti d’une certaine réputation, William Booth, qui exerçait son ministère dans les quartiers populaires de Londres, se séparait de l’église méthodiste, ne jugeant pas cette organisation assez combative. Il créa, dans l’est de Londres, une œuvre d’évangélisation qu’il appela « Christian Mission », dont le but était de s’occuper de l’état spirituel des classes misérables de Whitechapel et des districts environnants. William Booth, organisateur de grande envergure et prédicateur de talent, ne rencontrait — bien qu’aidé par une femme supérieure et pieuse, sa compagne Catherine Booth, — qu’un succès relatif, lorsqu’il eut, en 1878, l’idée géniale de rompre avec la façon traditionnelle dont on présentait le christianisme au bas peuple et de transformer sa mission en une organisation militaire, avec des grades, des uniformes et des règlements, sans faire de différence entre les hommes et les femmes. J’ai dit que William et Catherine Booth rompirent avec la prédication évangélique traditionnelle ; en effet, ce ne fut plus uniquement dans des salles destinées à cet effet qu’ils annoncèrent « la bonne nouvelle du Salut », mais partout où ils avaient accès ou trouvaient une occasion : sous une tente, dans un cabaret, au fond d’une cave, sous une arche de viaduc, sous un hangar, dans un magasin ou un atelier abandonné, des salutistes s’installèrent qui lurent un verset du Nouveau Testament, le commentèrent à la bonne franquette, chantèrent des cantiques sur l’air de chansons il la mode, accompagnant les refrains, les chœurs, les soli et les duos d’instruments qui n’avaient que de lointains rapports avec l’orgue ou l’harmonium — cornets, trombones, saxhorns de toute taille, tambourins, caisses, etc. — et racontèrent comment leur conversion avait transformé leur vie. Tel ivrogne incorrigible était devenu un ardent abstinent ; tel qui battait sa femme comme plâtre, s’était mué en un agneau ; tel autre, pilier de prison, s’était transformé en un honnête homme, qui serait mort de faim plutôt que de toucher un sou ne lui appartenant pas. Cette prédication éveilla l’attention, la curiosité et, il faut bien ajouter, l’hostilité. Les mauvais garçons de l’est de Londres poursuivaient de leurs sarcasmes, de leurs injures et de leurs cailloux les défilés des salutistes, couvraient leurs chants de leurs hurlements, dispersaient brutalement leurs fanfares, rendaient impossibles leurs réunions, à l’intérieur des salles ou en plein air. Ce fut l’époque héroïque de l’Armée du Salut, celle où, pour narguer sa pauvreté apostolique, on promenait en avant et en arrière de ses cortèges, des placards portant comme inscription les mots « The Starvation Army » (L’armée de la famine), ridiculisant ainsi son appellation officielle de The Salvation Army.

L’Armée du Salut n’avait pas seulement contre elle la lie des quartiers populaires où elle opérait ; les églises établies persécutaient les salutistes, que leurs ministres accusaient de caricaturer la vraie religion avec leurs drapeaux sur lesquels se détachaient en lettres flamboyantes la devise « Blood and Fire » (Sang et feu), leurs costumes et leurs commandements militaires, leurs extravagances verbales ou musicales, leurs convertis sortis de la populace. Il faut dire aussi que la nouvelle organisation ne se confinait plus à Londres ; elle rayonnait à travers toute l’Angleterre, elle s’installait aux États-Unis, elle débarquait dans les autres pays protestants ! Dans les protestations et les critiques des autres sectes religieuses, il se glissait de la jalousie et de l’envie. Parfois assez basse. De leur côté, les autorités civiles en voulaient aux soldats de William Booth de provoquer le tumulte, d’entretenir le désordre. « Certains officiers » zélés, comme les Pierre et les Paul du Christianisme primitif, résistèrent « en face » aux magistrats. On en jeta en prison, peu de temps il est vrai. En Suisse même, ce pays où cent sectes trouvent un abri, le salutisme engendra des troubles ; le vieux château de Chillon hospitalisa quelques semaines une officière, la « capitaine » Stirling — d’origine écossaise, si nous nous souvenons bien. De leur côté, les salutistes ne se laissaient pas faire. C’est ainsi qu’ils brisèrent les scellés posés par ordre du Grand Conseil sur les portes de leur salle de réunion, à Neuchâtel.

Voilà tracée, à grands traits, la première phase de l’histoire de l’Armée du Salut, jusqu’à la mort de Catherine Booth en 1890. À ce moment-là, on commençait déjà à s’accoutumer aux originalités de cette organisation et ses excentricités s’intégraient dans le train-train quotidien de la vie des pays protestants. Mais William Booth ne s’intéressait pas seulement à l’âme des pécheurs. Il se préoccupait de leur situation temporelle ; à sa manière, il se souciait de leurs misères sociales. En cette même année 1890, il lança un livre : In darkest England and the way out (Dans l’Angleterre la plus ténébreuse et le moyen d’en sortir), qui fit plus pour sa renommée que toute sa prédication évangélique. C’est qu’en Angleterre — dans les périodes de prospérité comme dans les époques de crise — il a toujours existé une nombreuse classe déshéritée et des bas-fonds (Slums) : The submerged tenth : le « dixième submergé ». Si l’exposé de William Booth était palpitant, le remède proposé était simpliste. Il consistait à procurer du travail aux inoccupés, grâce à l’intervention des classes riches, mandatant des institutions de relèvement économique ou moral, telle l’organisation qu’il dirigeait. Dès ce livre paru, multipliant ses œuvres sociales (maisons de relèvement pour filles perdues, asiles de nuit, restaurants et hôtels populaires, bureaux de placement, fabriques, ateliers, colonies agricoles, tant dans la métropole que dans ses dépendances, etc.), l’Armée du Salut va s’efforcer sinon de supprimer le paupérisme, tout au moins d’atténuer la misère sociale. Partant de ce principe que celui qui a recours à son assistance doit, par son travail, récupérer la dépense qu’il occasionne, l’Armée du Salut se défend de faire l’aumône, elle consent une avance à rembourser sur le travail qu’elle fournit.

Les Œuvres sociales prendront désormais une telle, importance dans l’organisation créée par le Général Booth — maintenant répandue dans toutes les parties du monde blanc, jaune, noir, éditant des journaux, des tracts, des brochures en de nombreuses langues — qu’elles viseront à reléguer au second plan l’œuvre spirituelle. Les classes aisées et les gouvernants, voyant dans l’Armée du Salut un nouveau moyen d’apaiser les exigences de ceux que la faim et les privations prennent à la gorge, lui accorderont leur appui pratique. C’est pourquoi Williarn Booth trouva cent mille livres sterling à la suite de la publication de son livre ; c’est pourquoi l’Armée trouve des réponses à ses appels quand elle sollicite des fonds pour édifier quelque « palais » qu’elle présente comme un extincteur de paupérisme : les classes dirigeantes savent fort bien qu’assagie, pacifique, absorbée par son activité à la fois religieuse et humanitaire, l’Armée du Salut enseigne la résignation à l’ordre social actuel et que ses représentants officiels, parce que la vie de leur œuvre en dépend, s’attacheront à éteindre toute étincelle de révolte qui couverait encore dans le cerveau du sans-travail ou du sans-logis qui vient frapper à la porte de l’une quelconque de ses institutions.

Les Églises se sont réconciliées avec l’Armée du Salut ; elle n’est plus dangereuse pour l’ordre établi et cela explique pourquoi Édouard VII reçut William Booth quelque temps avant la mort de celui-ci (1912).

Nous avons fait allusion à la constitution militaire de l’Armée du Salut, qui présente une ressemblance marquée avec celle de certains ordres religieux catholiques. si bien que, se rattachant au protestantisme orthodoxe quant au dogme, elle s’apparente au catholicisme quant à l’importance qu’elle attache aux œuvres et à sa. hiérarchie. Au sommet, un chef suprême dénommé général (le titre Maréchale porté par Miss Catherine Booth — plus tard Mme Booth-Clibborn — n’était qu’une dénomination destinée à frapper l’esprit public), aidé par un chef d’état-major, contrôle l’activité de l’Armée du Salut dans le monde entier et ses ordres ne souffrent aucune contradiction. Au-dessous du général et du chef d’état-major qui surveille l’exécution de ses décisions, un quartier général comprenant de nombreux départements et occupant un personnel très important. Ce quartier général, situé à Londres, est Ie centre de l’administration de l’Armée. À partir du Général, s’échelonne une hiérarchie de grades : des Commissaires, placés à la tête des services les plus importants ou envoyés dans les différents pays où est installée l’Armée, pour les diriger. Des colonels, des lieutenants-colonels, des brigadiers, parmi lesquels se recrutent les secrétaires généraux des commissaires, etc. ; des majors, des capitaines d’état-major, des adjudants, des enseignes qui dirigent les provinces, les divisions, les districts, les sections, entre lesquels sont partagées les contrées où opère l’Armée ; un état-major subalterne auquel sont aussi confiés des missions temporaires et des services de second ordre. Au-dessous, la foule des « capitaines » et des « lieutenants » en charge des postes (ou localités consistant en un ou plusieurs villages, en une ville ou partie d’une ville), ou encore dirigeant des œuvres sociales de toutes sortes, ou enfin aidant dans leurs besognes les officiers des grades supérieurs. Il va sans dire que, comme la prédication, tous les grades sont accessibles aux femmes autant qu’aux hommes. Cette égalité des deux sexes, surtout dans la prédication, fut une des raisons qui, à l’origine, souleva l’opinion religieuse contre l’Armée du Salut.

Tous ces officiers se consacrent entièrement à l’œuvre de l’Armée, à laquelle ils doivent un minimum de travail quotidien de neuf heures. Selon l’état des finances de leur organisation dans les différents pays où elle opère, ils reçoivent un salaire qui leur permet de vivre mais pas plus. D’ailleurs, en entrant, ils s’engagent à ne faire aucune réclamation contre l’Armée du Salut ou contre qui que ce soit s’ils ne reçoivent aucun salaire comprenant qu’aucune solde ne leur est garantie. (Il convient de rappeler qu’un ami leur ayant fait une rente viagère, William et Catherine Booth n’eurent point à recourir aux fonds de l’Armée du Salut pour leur entretien personnel.) Ils renoncent à l’usage des boisons alcooliques et du tabac, au port de toute bijouterie. On ne saurait contester la foi, la conviction souvent naïve des officiers inférieurs, dépourvus en général de tout sens critique. Leur sincérité ne saurait être mise en doute, pions qu’ils sont sur un vaste échiquier où ils accomplissent une œuvre qui les dépasse. Dans certains pays orientaux comme les Indes, la Chine, le Japon, etc., les officiers, même européens, se vêtent comme les indigènes et s’astreignent à leur nourriture. Notons, en passant, que, pour le moment, la Russie soviétique ne tolère pas chez elle l’Armée du Salut.

Mais il n’y a pas que les officiers et les officières. Il y a des « soldats » et des « soldates » dont l’activité multiple est contrôlée par des officiers locaux ou sous-officiers : sergents-majors, sergents, caporaux, trésoriers, secrétaires, etc. qui continuent à travailler au bureau, à l’atelier, à l’usine. Ils sont la masse, le gros de l’Armée, recrutés en général dans les milieux les plus humbles, attirés par les allures bizarres ou la renommée de l’organisation. Ils sont les « venus à Jésus », les « convertis » qui se sont découverts un jour l’âme « noire », « remplie de péchés » et que le sang de l’agneau a « lavés ». Ce sont eux qui vendent dans les rues et à la terrasse des cafés le War Cry, le Cri de Guerre, l’En avant, constituent les fanfares, parlent aux prostituées, catéchisent les ivrognes et les débauchés, rendent « témoignage » dans les réunions publiques, c’est-à-dire racontent comment le Seigneur s’est « révélé » à eux, versent la dîme ou font les différentes collectes qui permettent à l’œuvre de subsister.

Un beau jour, les plus jeunes d’entre eux se sentent appelés à leur tour à se consacrer entièrement « à Dieu dans les rangs de l’Armée ». Le quartier général de leur pays examine leur candidature, soumise au préalable au chef du poste dont ils dépendent. Si l’examen est favorable, ils entrent en une espèce de séminaire dénommé « école militaire », à titre de « cadets » ou « cadettes », où ils séjournent peu de mois, au cours desquels on juge de leurs aptitudes aux fonctions d’officiers. S’ils sont agréés, promus au grade de cadet-lieutenant ou de lieutenant, ils s’en vont à leur destin, très souvent pour débuter dans quelque poste lointain dont le « capitaine » a perdu de son enthousiasme primitif, où les réunions sont peu fréquentées, où l’on a peine à boucler le budget, dans quelque Œuvre sociale ingrate, peut-être dans quelque obscure besogne bureaucratique, etc… Une sélection s’opère : les plus aptes, les mieux doués, comme partout, gravissent plus ou moins lentement les échelons qui mènent aux paliers supérieurs de la hiérarchie.

Quant à ceux qui ne sont pas reçus on les ajourne le plus souvent, parfois on les refuse définitivement. Dans l’un ou l’autre cas, ils rentrent dans le rang, à moins qu’ils ne quittent l’organisation.

Un grand nombre d’officiers eux-mêmes — et non des moindres — ont quitté l’Armée du Salut. Les uns parce qu’ils n’ont pas pu s’accommoder, en fin de compte, de la dictature du Quartier Général ; les autres parce qu’ils avaient perdu la foi ou qu’ils étaient en désaccord avec les doctrines prêchées par l’Armée ; certains démissionnèrent enfin, parce qu’ils comprirent que l’organisation à laquelle ils appartenaient constituait une force redoutable de conservation sociale et morale, et que cela seul justifiait la considération dont elle jouit parmi les classes nanties des biens de ce monde. Parmi ceux qui se rebellèrent contre l’absolutisme du sommet, rappelons deux des enfants du Général Ballington-Booth, qui créa l’Armée des Volontaires aux États-Unis, et la Maréchale (Mme Booth-Clibborn), qui finit par entreprendre une œuvre d’évangélisation à son compte. D’ailleurs, si, à la mort de William Booth, on accepta la clause des Ordres et Règlements qui laisse au général la désignation de son successeur, en l’occurence, son fils aîné Bramwell Booth ; en revanche, lorsque celui-ci fut près de sa fin, il y a deux ans, un conseil de Commissaires le destitua contre sa volonté et, sans se soucier de son opinion, nomma Général à sa place un des leurs : le Commissaire Higgins. Cette substitution, qui reléguait à l’arrière-plan la dynastie des Booth, ne s’accomplit pas sans des scènes qui n’offraient rien d’évangélique.

Comme toute congrégation religieuse qui se respecte, surtout quand elle est organisée militairement, l’Armée du Salut possède ses Monita Secreta, sous la forme d’Ordres et Règlements pour les officiers. C’est un document peu connu, bien que, originairement, édité en anglais, il ait été traduit en plusieurs langues. À la vérité, il n’a rien de secret, puisque les officiers qui démissionnent de l’Armée ou en sont exclus peuvent le conserver. Une fois acquis, il demeure leur propriété. Ce volume définit ce que doivent être l’officier et son activité. C’est un véritable manuel de vie pratique qui vise à faire de celui qui le prend à cœur un « parfait » salutiste : il embrasse toutes les circonstances de la vie publique et privée de l’officier, lui indique comment résoudre les difficultés qu’il peut rencontrer dans sa carrière, lui inculque une profonde confiance en l’organisation à laquelle il a promis de se consacrer jusqu’à la fin de ses jours. L’Armée du Salut doit devenir, pour l’officier, une société mise à part par Dieu dans la grande société humaine, et il n’est rien dans le monde qu’on puisse placer au-dessus de son intérêt. Aussi, avant d’accomplir un acte, l’officier devra-t-il se demander s’il est ou non dans l’intérêt de l’Armée, s’il lui portera ou non préjudice de quelque manière que ce soit.

Sans doute, l’officier doit être un saint, c’est-à-dire être délivré de toute manifestation extérieure du péché, y compris l’esprit de légèreté ; sans doute il doit être convaincu qu’il est un instrument choisi par Dieu pour le relèvement et le salut des pécheurs ; mais cela ne doit pas lui faire perdre de vue les intérêts pratiques de l’Armée : il doit être en même temps « vrai soldat » et « homme d’affaires »,

Parmi les choses dont l’officier doit être convaincu, notons l’obéissance, qui est « un des principes essentiels de tout gouvernement » (O. et R., I, II, 7. Ed. 1892) ; le plan de Dieu qui a toujours été de « gouverner les hommes par l’entremise des individus » (O. et R., II, I, 2) ; la vraie discipline qui comprend : « a) l’habitude pour tous d’obéir sans discuter ; b) la découverte de ceux qui sont désobéissants ; c) la réhabilitation de ceux qui ont pu être accusés faussement ; d) le repentir et le relèvement de ceux qui ont enfreint les règlements ; e) la punition des coupables ». (O. et R., III, IV, 1) le but légitime de la peine disciplinaire qui est : « a) d’empêcher la personne de recommencer ; b) d’empêcher les autres de suivre son exemple ; c) d’amener le coupable au repentir et au relèvement » (Id.)

Les officiers de l’Armée du Salut peuvent se marier, mais aucun d’eux ne peut contracter ou rompre des fiançailles sans l’assentiment de l’officier supérieur qui dirige la partie de territoire où il exerce ses fonctions. Les Ordres et Règlements fournissent toutes sortes de conseils sur le type de femme qui doit faire une bonne épouse salutiste. D’une façon générale, il faut trois ans de service actif, pour que l’officier de l’un ou l’autre sexe puisse convoler en justes noces,

Pour en finir avec les « Ordres et Règlements », ils constituent, en général, un manuel de morale religieuse et civique d’une telle orthodoxie, qu’aucune morale bourgeoise ne saurait en prendre ombrage.

Avant de conclure, notons encore que l’Armée du Salut fait un grand usage du chant : elle a compris la suggestion de la voix humaine modulée d’une certaine façon et quel parti on peut en tirer, accompagnée ou non de chants, pour jeter le trouble dans l’esprit. Combien de ceux qui sont venus au « banc des pénitents » ne l’ont fait qu’hypnotisés par un refrain, un chœur, une mélodie répétée à satiété, jusqu’à ce qu’ils aient perdu toute faculté de contrôle sur leur sensibilité.

L’Armée du Salut, conçue et hiérarchisée comme elle l’est, aurait pu jouer dans les pays protestants un rôle analogue à celui de la compagnie de Jésus dans les pays catholiques. Mais son recrutement s’opère dans des milieux en général déshérités au point de vue intellectuel. D’autre part, la mentalité des peuples protestants répugne à la mise en uniforme de la religion.

Les masses populaires profondes deviennent complètement indifférentes à la question du salut spirituel, et, quant à ce que leur offre l’armée, au point de vue temporel, elles n’y aperçoivent rien de libérateur. Cette organisation ne condamne aucunement le salariat comme système ; au contraire, les Ordres et Règlements recommandent la soumission et la docilité à l’égard des employeurs. Enfin, le peu de culture du troupeau salutiste lui interdit de jouer un rôle politique quelconque.

Alliance de religion et de philanthropie, tout ce à quoi peut viser l’Armée du Salut, c’est de servir de tampon entre les possédants et les dépossédés dont, en les secourant, elle retarde l’explosion de colère. C’est parce qu’elle est une fabrique à résignés que les riches l’assistent de leurs biens, que les gouvernants la protègent et que les philanthropes se pâment devant l’os qu’elle jette aux affamés.

Dans le mouvement qui entraîne le monde vers une conception et une pratique de la vie qui ignore toute religion révélée, qui considère la philanthropie comme un frein social, aucun avenir n’est réservé à l’Armée du Salut. — Ad hoc.


SANATORIUM n. m. Ce mot est dérivé d’un adjectif : sanatoire qui, en latin, sanare : guérir, indique : qui est propre à guérir ou qui opère la guérison. En termes précis, le sanatorium est une station hygiénique.

C’est un milieu particulièrement salubre, curatif par lui-même, indépendant des médicaments et des interventions chirurgicales. Les malades y font une cure d’air, complétée par l’emploi méthodique des mesures d’hygiène.

En France, existent d’abord les sanatoria maritimes pour la cure des enfants débiles, lymphatiques, rachitiques, scrofuleux ou atteints de tuberculose locale. Comme leur nom l’indique, ils sont situés sur le bord de la mer ; le traitement marin étant à la fois curatif et préventif, ils préservent ces mêmes enfants de la tuberculose pulmonaire à laquelle ils sont particulièrement disposés.

Les principaux sanatoria maritimes sont : Berck-sur-Mer, appartenant à l’Assistance publique de la Ville de Paris, fondé de 1861 à 1869 ; l’hôpital sanatorium Rothschild ; le sanatorium maritime d’Arcachon, fondé en 1887 ; celui de Pen Bron (Loire-Inférieure), fondé en 1887 ; celui de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales), ouvert en 1888 ; l’Asile départemental de Cap-Breton (Landes), ouvert en 1889 ; le sanatorium d’Hyères-Giens (Var), depuis 1890 ; celui de Saint-Pol, à Dunkerque, ouvert la même année ; de Saint-Trojan (Ile d’Oléron) ; celui d’Hendaye, appartenant à l’Assistance publique de la Ville de Paris ; de Roscoff, de Cannes, Malo-les-Bains, Cette, etc…

Puis existent les sanatoria pour le traitement de la tuberculose pulmonaire, où les malades riches peuvent se procurer un traitement hygiéno-diététique. C’est la cure libre applicable à la majorité des malades.

A côté des établissements où, pour des raisons de fortune, les malades doivent renoncer à la cure libre, il a été créé des établissements où, sous la surveillance incessante des médecins, les malades sont méthodiquement soumis à la triple cure qui constitue le traitement hygiéno-diététique : cure d’air, alimentation généreuse réglée et surveillée, cure de repos ou d’exercice modéré.

En France, existent plusieurs sanatoria payants, très bien situés et parfaitement aménagés : au Canigou (Pyrénées-Orientales), à Durtol (Puy-de-Dôme), au Trespoey (Pau), à Meung-sur-Loire (Loiret), à Aubrac (Aveyron), au Gorbier (Alpes-Maritimes), etc…

La Suisse compte également un nombre important de sanatoria, ils sont de haute altitude généralement et rendent particulièrement des services dans les formes du début de la maladie.

Celui d’Arosa est situé à 1.880 mètres ; celui de Davos à 1.558 mètres ; de Leysin à 1.450 mètres.

À Davos, la température moyenne varie considérablement suivant qu’on se place à l’ombre ou au soleil et, pour être bienfaisante, la durée du séjour doit être au moins de six mois.

Mois à l’ombre au soleil
Octobre 15 56
Novembre 2 41
Décembre 4 42
Janvier 2 42
Février 1,5 44
Mars 2 45


En Allemagne, où la cure hygiéno-diététique a été constituée en premier, on a obtenu dix pour cent de guérisons après un séjour prolongé.

Puis existent encore les sanatoria populaires pour le traitement de la tuberculose pulmonaire des ouvriers ou malades pauvres. C’est l’Allemagne qui en a ouvert le plus grand nombre.

En France, il en existe plusieurs : Hauteville (Ain), appartenant à l’Assistance publique de Lyon ; Angicourt, à l’Assistance publique de Paris ; Pessac (Gironde) ; Lay-Saint-Christophe, autour de Nancy ; Bligny, dans la banlieue parisienne ; Chécy (Loiret), etc… Un dernier sanatorium, dont les dépenses ont atteint une dizaine de millions se termine et va s’ouvrir à Enval (Puy-de-Dôme), près de Volvic, en septembre 1933. Edifié par les dons recueillis par Etienne Clémentel, sénateur du Puy-de-Dôme, destiné à accueillir des centaines de malades, c’est l’établissement départemental le plus approprié aux conditions rnodernes du traitement de la tuberculose pulmonaire. Un sanatorium situé à Chanat (Puy-de-Dôme) appartient particulièrement à l’usine Michelin ; bâti à environ 700 mètres d’altitude, il ne reçoit que des ouvriers des deux sexes ayant contracté la tuberculose, ou cette dernière s’étant aggravée, dans les grandes usines du roi du caoutchouc.

Les Allemands nous fournissent des statistiques d’après lesquelles 67 pour 100 des ouvriers tuberculeux sortent guéris de leurs sanatoria après trois mois de séjour et ces guérisons permettent à l’ouvrier un travail équivalent au tiers du travail d’un ouvrier bien portant ; ces guérisons se maintiendraient encore après un an chez 41 pour 100 ; après deux ou trois ans, chez 30 pour 100 ; après quatre ans, chez 27 pour 100 des malades ainsi soignés. Ces chiffres seraient à contrôler, car ils ont été fortement discutés par les médecins et les hygiénistes. On a cependant remarqué que l’amélioration d’un indigent ou même d’un ouvrier tuberculeux placé dans un sanatorium se fait sentir plus rapidement que celle d’un tuberculeux riche, parce que la différence favorable entre son régime habituel et son régime nouveau est beaucoup plus sensible. Cette même différence se retrouve en sens inverse quand, après quelques mois de cure, l’ouvrier reprend chez lui ses anciennes habitudes, ses mauvaises conditions d’habitat, de nourriture ou de vie de travail.

En dehors des établissements signalés plus haut, il existe encore des hôpitaux et sanatoria pour enfants tuberculeux et pulmonaires pauvres : Villepinte, Ormesson, Villiers et leurs annexes de Champrosay, asile Feignez, les colonies agricoles de l’œuvre des enfants tuberculeux qui ont le désir de dresser un rempart entre les enfants frappés de ce mal et la mort.

Le sanatorium doit être disposé de préférence en montagne et même à une haute altitude à cause de la pureté de l’air et de l’absence de microbes dans les stations élevées, loin des villes importantes ; il doit être préservé du vent par des montagnes ou des arbres, notamment des pins ou des sapins. Regnard écrit que « le feuillage de ce genre d’arbres persiste l’hiver et disperse le vent aussi bien qu’en été ; son ombre est épaisse sans être froide, il n’est pas tellement serré qu’il ne laisse circuler l’air et la lumière ; enfin, le tapis d’aiguilles sèches qu’il forme sur le sol est dur et assez lourd pour n’être pas soulevé par le vent ; il préserve donc admirablement l’air contre l’immixtion des poussières. »

L’exposition d’un sanatorium doit être au sud ou au moins au sud-ouest ; l’ameublement doit être sommaire : aucun tapis, aucun rideau, aucune tenture ; parquet couvert de linoléum, facile à laver ; suppression des angles des murs remplacés par des surfaces arrondies. Les fenêtres doivent être ouvertes continuellement, par n’importe quel temps. Les malades s’accoutument très rapidement à cette pratique. La chambre est chauffée et éclairée.

Les malades qui ne peuvent se promener s’allongent le matin sur une chaise longue, soit dans leur chambre, soit dans la galerie de cure. Regnard décrit ainsi la dite galerie : « On appelle ainsi un long couloir placé en plein midi, où on accède sans passer dehors et qui est séparé par des planches mobiles à mi-hauteur et une série de chambrettes qui ouvrent toutes sur l’extérieur par une grande baie, devant lequel on peut lever ou abaisser un store. »

Dans un sanatorium, il est interdit, sous peine d’expulsion, de cracher par terre ; le malade porte continuellement sur lui un crachoir contenant une solution antiseptique ; le soir, il est vidé et son contenu brûlé, le linge est désinfecté comme la chambre du malade.

J’ai constaté qu’à Durtol par exemple, le personnel, presque sans exception, est choisi parmi les tuberculeux améliorés ou guéris. J’estime qu’il y a là un excès de prudence car les personnes saines qui séjournent dans les sanatoria pour tenir compagnie aux malades ne sont jamais atteintes de leur maladie.

Nous avons lu, plus haut, les résultats indiqués par une statistique allemande. Knopf a dressé une autre statistique qui porte sur 60.000 malades. Sur ce nombre, il trouve 8.400 guérisons absolues, 8.400 guérisons relatives, 25.200 améliorations.

Dans son numéro du 20 juillet 1901, la « Revue Universelle » a donné un article publiant les impressions d’un malade sur la vie dans un sanatorium. M. Félix Le Dantec écrit :

« Que faire sur une chaise longue pendant six heures ? Quelques-uns lisent, d’autres jouent aux dames ou aux échecs ; mais le repos absolu vaut mieux et l’on s’y fait très vite ; on arrive à ne plus s’ennuyer, à jouir de ce farniente obligatoire comme d’une chose agréable…

En dehors des heures de repos forcé, chacun peut se promener à sa guise. C’est que les tuberculeux ne sont pas des malades ordinaires : sauf quand des poussées aiguës les forcent à garder le lit, ils ont tout à fait l’allure de gens bien portants ; plusieurs même ne toussent pas…

Souvent ils s’amusent comme de grands enfants ; ils se lancent des boules de neige, ils jouent à la main chaude et les francs éclats de rire accompagnent les bons coups, étonnent le visiteur qui croyait entrer dans le temple de la douleur et de la mort…..

Pour qu’un malade que l’on met à l’engrais profite de son traitement, il faut qu’il soit gai, et l’administration s’occupe d’égayer les malades. Pas une occasion n’est manquée : chaque fête est marquée d’une réjouissance, d’une distraction ayant un caractère familial…

Je n’aurais jamais cru qu’il fût si facile d’apprendre l’hygiène à des gens dépourvus pour la plupart d’éducation bourgeoise. Il est naturellement défendu de cracher par terre, à cause des bacilles des crachats, et chacun a intérêt à ce que les autres se conforment au règlement ; c’est peut-être pour cela que tous s’y soumettent si facilement. »

Il y a, généralement, trois variétés de sanatoria :

Celui d’altitude élevée, au-dessus de 1.000 mètres ; celui de moyenne altitude, de 500 à 800 mètres ; celui de basse altitude ou sanatorium de plaine.

Enfin, existent encore les sanatoria des colonies. Ces derniers doivent toujours être placés sur des hauteurs. Les principaux sont, pour Madagascar et l’île de la Réunion même, Salazie (872 mètres), dans cette dernière île ; pour l’Indo-Chine, le cap Saint-Jacques ; le camp Jacob à la Guadeloupe ; les camps de Balara, de Chazeau et des Prêcheurs à la Martinique.


Examinons, pour finir, à quoi servent les sanatoria. À peu de chose, attendu qu’ils sont impuissants à assurer la guérison des tuberculeux ; la minorité de ces derniers arrive à avoir la vie prolongée dans une existence de misère morale et de dépression physique, mais les établissements payants ou gratuits sont absolument inopérants pour combattre la tuberculose.

Il faudra trouver d’autres remèdes et, seule, la transformation de la société actuelle, en donnant à chacun la faculté et la possibilité de consommer, d’améliorer l’existence des individus par tous les moyens de confort et d’hygiène, parviendra à vaincre le fléau social de la tuberculose.

Déjà, à côté des sanatoria, s’instituent des préventoria qui ont pour but de prévenir la maladie.

Peu à peu, lorsque, dans la société, s’élaboreront les lois inéluctables attribuant à chacun le travail librement consenti au lieu des travaux forcés des usines capitalistes actuelles, lorsque les individus cesseront de vivre dans les taudis des vieilles maisons empuanties d’odeurs nauséabondes et remplies des microbes les plus malsains, lorsque le soleil de l’aisance aura remplacé les ténèbres de la misère ; alors, peu à peu, les sanatoria qui coûtent des prix fabuleux de construction, d’installation et d’exploitation pour ne rendre que des services insignifiants, disparaîtront pour faire place à des édifices appropriés à la vie intense, à la joie et à la beauté : palais artistiques qui laisseront loin derrière eux, ce que notre pauvre société actuelle a cru utile d’édifier à grands frais et sans grande utilité : les actuels sanatoria. — Pierre Comont.


SANTÉ n. f. (du latin sanitas). Équilibre psycho-physiologique des organismes vivants, se traduisant par un fonctionnement normal, régulier, parfait de tous leurs organes.

Si nous observons autour de nous les représentants de l’espèce humaine, nous constatons qu’un nombre très restreint jouit de cet équilibre intégral malgré, parfois, de rassurantes apparences. Cependant, en raison de leur avance intellectuelle, de l’énorme acquisition philosophique qu’ils ont réalisée, les peuples dits civilisés devraient, semble-t-il, jouir d’une intégrité physico-mentale inconnue aux races moins évoluées et, à plus forte raison, aux espèces animales qui n’ont, à travers le labyrinthe de la vie, pour guide que leur instinct. Mais, au contraire, il apparaît que plus la civilisation s’amplifie, mieux l’esprit humain triomphe des énigmes les plus diverses, plus, en un mot, l’intellectualité domine l’espèce, et plus décroît en même temps son immunité pathogénique générale. Progrès — ou ce que l’on a coutume d’appeler de ce nom — et santé suivraient ainsi des courbes inverses…

Sans doute, certains fléaux qui, aux siècles passés, faisaient peser sur l’humanité leur menace endémique et frappaient périodiquement et avec violence presque toutes les races — tels le choléra, la peste, la variole — ont régressé sous les assauts de la science et sont, en Europe du moins, virtuellement jugulés. Propreté, hygiène générale croissante de l’individu et de son habitat en espacent et localisent l’éclosion, d’une part et, d’autre part, des mesures rapides de prophylaxie, le développement des services sanitaires et de voierie triomphent aisément des foyers isolés.

Mais si les épidémies, les maladies catastrophiques pourrait-on dire, ont été vaincues, par contre — paradoxe macabre et ironique — nombre d’affections à caractère infectieux, et de portée collective plus qu’on ne le croit généralement, se sont implantées victorieusement, ou même ont fait une récente apparition dans nos sociétés raffinées, mais aussi hypertendues, jouisseuses et surmenées. C’est ainsi que le diabète, le cancer, la tuberculose, la syphilis, le rhumatisme, l’urémie, l’albuminurie, l’hépatisme, les néphrites, l’appendicite, etc…, qui, dans un passé tout proche encore, étaient numériquement insignifiantes au point que certaines (maladies d’excès) avaient reçu, dans le langage populaire le qualificatif de « maladies de riches », atteignent aujourd’hui indistinctement toutes les classes de la société.

Une morbidité générale, latente, s’est installée, sournoise et redoutable. Il en est résulté, depuis nombre d’années, une mortalité accrue que n’ont pu réduire, malgré leur amplitude, les moyens de défense mis en œuvre, et qui inquiète les pouvoirs publics. C’est ainsi qu’au cours de l’année 1932, M. Legros, rapporteur de la commission parlementaire d’hygiène, poussait un cri d’alarme en déclarant à la tribune du Parlement que la France était le pays d’Europe possédant le triste privilège de la plus forte mortalité « puisqu’elle dépasse le chiffre impressionnant de 17 pour 1.000 habitants ».

Cette précarité sanitaire, qui atteint particulièrement ce pays, non seulement n’épargne pas les autres états européens, mais elle est aussi le lot des autres continents. Dans son livre « Restez jeunes », le Docteur Pauchet nous conte qu’un industriel des Etats-Unis prit la curieuse initiative de soumettre à un rigoureux examen médical, confié à des spécialistes, tous les postulants aux emplois vacants de son établissement. Cette investigation révéla que 97 p. 100 des solliciteurs étaient affligés de tares insoupçonnées de la plupart des intéressés.

Cet état morbide engendre une mortalité de beaucoup plus élevée que la normale et particulièrement prématurée. C’est ainsi que, pour la France, la longévité moyenne est de 43 ans. Octogénaires, nonagénaires et surtout centenaires deviennent d’une excessive rareté. Combien disparaissent avant l’âge adulte, fauchés en pleine adolescence ? Combien meurent avant la trentaine ?

Cependant, si nous nous en référons aux enseignements de l’anatomie et de la physiologie comparées, les hommes, pour accomplir le cycle normal de leur existence, devraient atteindre au moins 125 à 150 ans. En effet, tous les animaux vivent environ 5 à 6 fois le laps de temps que leur squelette met à s’ossifier. C’est ainsi que le chien, lorsqu’il est convenablement traité, vit de 15 à 20 ans, réalise en 3 ans son ossification complète. Le cheval qui atteint 25 à 30 ans voit son armature squelettique s’ossifier définitivement à 5 ans, etc… Et encore avons-nous affaire ici à des animaux relativement dégénérés en raison de la domesticité qui leur est imposée… Par conséquent, l’homme qui accomplit la soudure de son épiphyse claviculaire (la dernière) aux abords de la 25ème année, devrait logiquement atteindre et dépasser le cap des 125 et même 150 ans. Mais ce phénomène de longévité ne se rencontre plus guère que dans certaines parties du monde où les mœœurs simples, faites de sobriété et de frugalité, subsistent encore ; les régions turco-balkaniques, par exemple, où abondent encore de robustes centenaires et plus-que-centenaires. Ce sont toutes ces observations qui ont amené Metchnikoff à cette conclusion que la vieillesse précoce affectant les peuples civilisés n’est autre qu’une décrépitude pathogénique résultant de causes évitables et correctives.

Quelles sont donc les causes mystérieuses de ces déchéances anticipées qui font de l’homme contemporain un valétudinaire avant l’âge, un moribond précoce, soldant, bien avant l’heure qui lui est assignée au cadran de la Nature, son tribut à la Parque symbolique ? Dès l’antiquité la plus reculée, depuis que l’humanité connaît la maladie, ce problème tourmenta les chercheurs. Docteurs, savants, philosophes, tentèrent de déchiffrer l’énigme. Les plus avisés, les mieux inspirés opinèrent pour une réconciliation de l’homme avec la Nature, pour une observation scrupuleuse des lois tutélaires et intangibles qui régissent tous les êtres vivants. Mais la simplicité, l’esprit de clairvoyance ne sont pas des apanages humains. Accoutumé à marcher dans la voie, absurde ici, de l’insubordination, l’orgueilleux roi de la création, plus raisonneur que raisonnable, estima davantage profitable de souscrire aux suggestions de mauvais conseillers, habiles manœuvriers, retors de l’empirisme, mais aussi profiteurs habiles d’une science fourvoyée. Une médecine officielle, orthodoxe, souvent puérile et inepte, s’édifia, dédaignant les causes, ne s’attaquant qu’aux effets. C’est cependant — malgré d’universels et retentissants échecs — ses dogmatiques méthodes qui prévalent encore et rallient tous les suffrages. Ses pontifes officient toujours devant le même public, indécrottablement crédule et borné, qui, répudiant tout effort critique et régénérateur, continue à accorder ses préférences aux pilules et aux onguents, aux potions souveraines et aux remèdes « guéris-tout », plutôt qu’aux pratiques d’hygiène préventives et curatives, les seules allant à la source du mal et visant à en prévenir tout retour offensif.

Cette impuissance d’une médecine égarée fut mise en évidence non seulement par de scrupuleux savants n’ayant aucune attache avec elle, mais aussi et surtout par des praticiens ayant grandi sous son aile, et qui se sont abreuvés à ses sources.

Autour de 1929, le Docteur Rist a publié (Masson, éditeur), un ouvrage intitulé : « Qu’est-ce que la Médecine ? », dans lequel il analyse et souligne l’inaptitude de la médecine à soulager l’humanité de ses maux. « Les maladies que nous sommes en état de guérir, au sens propre du mot, dit-il, on pourrait presque les compter sur les doigts et les médicaments exerçant une action curative spécifique tiendraient dans une pharmacie de poche. » Voilà qui est catégorique et peut se passer de commentaires.

Sir John Forbes, médecin de la reine Victoria, disait, un jour : « Certains malades guérissent grâce aux médicaments ; il en est davantage qui guérissent sans médicaments, et il y en a un plus grand nombre qui guérissent malgré les médicaments. » N’est-ce pas là la condamnation d’un système ? Mais continuons à énumérer d’autres sentences.

Dans une lettre adressée au Docteur Tissot, voici ce que lui écrivait son confrère, le Docteur Trouchein : « Je gémis du désordre du plus beau et du plus dangereux des arts. Le temps et les Arabes ont fait moins de mal à Palmyre que l’ignorance des médecins ont fait à la médecine. » Sénac, auteur de l’anatomie d’Heister, racontait que Charles II reprochait au médecin Willis de lui avoir enlevé « plus de sujets que n’aurait pu faire une armée ennemie ». Le médecin hollandais Boerhave disait : « Si l’on vient à peser mûrement le bien qu’a procuré aux hommes une poignée de fils d’Esculape, et le mal que l’immense quantité de médecins a fait au genre humain, depuis l’origine de l’art jusqu’à nos jours, on pensera sans doute qu’il serait plus avantageux qu’il n’y eut jamais eu de médecins dans le monde. »

Dans une séance de l’Académie de Médecine, le 8 janvier 1856, le professeur Malgaigne prononçait ces paroles : « Absence complète de doctrine scientifique en médecine et de principes dans l’application de l’art, empirisme partout, voilà l’état de la Médecine. » Magendie, le célèbre physiologiste, enseignait au Collège de France, en 1846 : « Sachez-le bien, la maladie suit le plus habituellement sa marche sans être influencée par la médication dirigée contre elle. Si même je disais toute ma pensée, j’ajouterais que c’est surtout dans les services où la Médecine est la plus active que la mortalité est la plus considérable. » Et ces paroles de l’illustre Guy Patin : « Je le dirai à la honte de mon art, si les médecins n’étaient payés que du bien qu’ils font eux-mêmes, ils ne gagneraient pas tant. »

Soyons assurés que si Molière renaissait, sa verve pourrait, avec les mêmes raisons qu’à son époque, s’exercer aux dépens des innombrables Diafoirus et Purgon qui n’ont fait que croître et se multiplier depuis.

On pourrait objecter qu’avec les découvertes de Raspail, de Béchamp, de Pasteur, la Faculté est armée de nouvelles méthodes et que si la chimie purement médicale a fait faillite, l’opothérapie, la vaccinothérapie, la sérothérapie lui ont ramené assez de gloire pour redorer son blason. Nous allons voir que ces louanges sont loin d’être justifiées.

D’abord, quel crédit pouvons-nous accorder au fameux traitement anti-rabique de Pasteur ? Le Docteur Henri Boucher, dans une brève étude, parue sous le titre : « Les méfaits de la Science des vivisecteurs » se charge de nous répondre.

Avant la découverte et l’application de la méthode pasteurienne, il résulte, de statistiques officielles établies par Tardieu et Boulay, tous deux membres de l’Académie de Médecine, qu’il mourait annuellement, en moyenne, en France, depuis de nombreuses années, une trentaine de personnes atteintes de la rage. Depuis qu’elle est appliquée, la mortalité s’est élevée à quarante décès pour cause d’hydrophobie.

En Italie, mêmes constatations. Le Professeur Carlo Ruata, ému des nombreux décès survenant après que le traitement anti-rabique fut appliqué sur des gens ayant été mordus par des chiens suspects, entreprit des recherches. Il aboutit à ce résultat que, alors qu’il mourait, en Italie, une moyenne de 60 personnes avant l’adoption de la thérapeutique pasteurienne, il en décédait ultérieurement 85.

Le Docteur Rubinoff fit, en Russie, semblables constatations : de nombreux individus mordus par des chiens supposés enragés et cependant immédiatement traités par la dite méthode, étaient frappés de mort après que les effroyables symptômes caractéristiques de la rage se fussent manifestés.

La « Revue Médicale de l’Afrique du Nord » relatait, il y a quelques années, que de nombreux cas de rage paralytique suivis de mort avaient été constatés chez des indigènes à qui on avait cependant inoculé le fameux sérum.

A Paris, des cas typiques furent signalés. Entre autres, celui d’un garçon d’amphithéâtre, nommé Rendu, qui s’était coupé en pratiquant l’autopsie d’un sujet mort de la rage. Il subit trois inoculations successives par mesure de précaution et mourut ensuite de rage paralytique.

Celui de Mme Robina n’est pas moins troublant. Mordue par son chien qui ne présentait cependant aucun symptôme morbide mais, malgré tout, inquiète et redoutant le pire, elle se fit traiter à l’Institut Pasteur et mourut quelque temps après, des suites de la terrible maladie, alors que son chien indûment suspecté, mourait longtemps après, de mort naturelle.

Ce sont ces faits associés à cent autres de même nature qui amenèrent le Professeur Péter à prononcer en pleine Académie de Médecine ces sentencieuses paroles : « M. Pasteur ne guérit pas la rage, il la donne. »

Les sphères médicales, le public même, semblent pénétrés de « l’immunité » que confère la vaccination anti-varioleuse. L’Angleterre étant en quelque sorte le berceau de la vaccine décréta, l’une des premières, le traitement vaccinal obligatoire. Au cours de la période de contrainte, on enregistra 41 décès d’origine variolique par million d’habitants. La proportion tomba à 7 lorsque la vaccination fut redevenue libre.

En France, pendant l’année 1907, toute la population fut soumise au traitement préventif de la variole : 2.679 succombèrent cependant des méfaits de cette maladie. De 1910 à 1912, période où il y eut un relâchement dans l’application de la méthode, dans soixante départements, la mortalité générale pour infection variolique fléchit à 172.

Récemment, la presse publiait une statistique hollandaise relatant qu’au cours de 1929, 18 individus des deux sexes étaient morts des suites de la variole cependant que 21 autres avaient succombé à l’encéphalite et à la méningo-myélo-encéphalite d’origine vaccinale. Si bien que, à la suite de ces faits, s’inspirant des conseils de médecins définitivement fixés, le ministre de l’instruction publique néerlandais a, par une circulaire, formellement interdit la vaccination des éléments scolaires et du personnel enseignant.

Que devons-nous penser du fameux sérum anti-tuberculeux du Docteur Calmette, à la suite de l’hécatombe des 73 malheureux nourrissons de Lübeck qui trouvèrent la mort quelques jours après son application ?

Et quelle attitude observerons-nous à l’égard du sérum anti-diphtérique dont le passé n’est pas plus encourageant ? Mentionnons, entre cent autres, les mortels accidents survenus aux deux fils du Professeur Laugerhaus de Berlin.

A Berlin, au cours d’une épidémie de croup, l’un des deux fils contracta une angine simple. Redoutant qu’elle ne dégénérât en angine diphtérique, le père inquiet fit appeler le Docteur Behering — l’inventeur du sérum spécifique allemand — qui vaccina préventivement le petit malade. Une fièvre violente se déclara immédiatement, accompagnée de frissons, et la mort survint rapidement. Behering, par sa magie verbale, réussit à convaincre le malheureux père que sa mirifique invention était étrangère à la mort de son fils. Si bien que, l’année suivante, une nouvelle épidémie diphtérique s’étant déclenchée dans la capitale allemande, le père infortuné n’attendit pas que quelque symptôme du mal se manifestât chez son dernier enfant ; sans plus de délibération, il lui fit inoculer le fatal vaccin. Quelques jours après, la mort, à nouveau, emportait le garçonnet, après qu’on eut observé le même processus pathogénique que dans le premier cas.

La presse du 27 janvier 1933 enregistra, par une indiscrétion vivement réprimée, les accidents morbides ayant affecté 172 enfants venant d’être soumis au traitement préventif de l’anatoxine du Docteur Ramon. Un enfant décéda même des suites de cette intoxication. Le lendemain de cette nouvelle, un adroit communiqué réduisait le nombre des victimes, en laissant toutefois subsister le décès, et mettant sur le compte de souillures vaccinales intempestives la cause de ces troubles.

En conclusion de ce qui précède, nous estimerons donc, en accord parfait avec les Docteurs Boucher, Durville, Carton, et tous les médecins, savants et hygiénistes hostiles à cette thérapeutique d’inoculation que l’introduction dans l’organisme de virus, même à virulence atténuée, est une hérésie si l’on considère quelles substances morbides ils tiennent en suspension. Poisons chimiques, opothérapiques ou sérothérapiques, ne peuvent remédier ni s’opposer aux situations déficientes en apportant avec eux des éléments corrupteurs et perturbateurs. Ils contribuent, au contraire, à précipiter l’effondrement des résistances organiques en faussant par surcroît le jeu des automatismes de défense. Les statistiques truquées des mythomanes cyniques, avides de gains et d’honneurs, susceptibles de fausser le jugement de gens mal informés ne peuvent abuser les esprits avisés ni les chercheurs préoccupés de faits. Et ceux-ci sont là, irrécusables : une mortalité effrénée et affirmant un crescendo inquiétant.

Si, parmi l’élément médical, les ânes bâtés du doctorat persistent sincèrement dans de regrettables et funestes errements et contribuent par ignorance ou négligence, aussi par incompréhension des phénomènes naturels, à envoyer au trépas une humanité toujours soumise au bouillon de culture de la bêtise, c’est en toute conscience que les affairistes de la corporation — mercantis diplômés — cultivent, dans le public crédule, le magnifique et productif jardin des préjugés. N’oublions pas que les intérêts du médecin et du malade présumé sont antagoniques. Que les maladies disparaissent parce qu’on aura vaincu leurs causes, et c’en est fait de ces honoraires princiers qu’il soutire au patient. Eclairer la masse des profanes sur les raisons profondes de ses souffrances et mettre à sa portée les moyens — simples en eux-mêmes — propres à y remédier, ce serait tarir les sources d’une réjouissante fortune. Aussi, tant que l’aisance — et les appétits de richesse — du morticole dépendra de la maladie… et des malades, nous ne pouvons guère espérer en sa sincérité, ni en son désintéressement. Nous devons même reconnaître, pour être équitable, que les modalités d’un état social, sur lequel pèsent l’intérêt et le lucre, le contraignent souvent à œuvrer dans ce sens immoral. Ce n’est pas lui seul, mais toute la collectivité qui est responsable des maux causés par les fils d’Esculape.

Dans une société intelligente, les honoraires médicaux devraient, au moins, non pas croître au prorata des maladies, mais, au contraire, accompagner la santé conservée. L’intérêt du médecin aurait ainsi un stimulant profitable au bien-être général….

Mais, sans attendre ces temps peut-être utopiques, il faut nous garder avec soin des manœuvres de praticiens « à la page », et nous tourner vers les enseignements des vrais apôtres de la médecine qui, de tous temps, se sont efforcés d’éclairer l’objectif à atteindre…


D’ailleurs, sont-ce véritablement et uniquement les microbes et bactéries qu’il faut incriminer dans la genèse et la diffusion de la plupart des maladies ? Ou n’est-ce pas plutôt l’effondrement de nos immunités naturelles, par suite d’erreurs répétées qui nous exposent à l’emprise maléfique des infiniments petits ?…

La cuti-réaction démontre que, la race nègre exceptée, tous les humains hébergent le bacille de Koch à partir de la première quinzaine ou du premier mois de la naissance. Le colibacille est le commensal habituel, permanent et inoffensif de notre intestin. Le pneumocoque, le streptocoque, le staphylocoque, etc., sont les hôtes coutumiers de notre bouche, de notre épiderme. Le vibrion cholérique se réfugie parfois dans le tube digestif de certains individus sans occasionner de dommage, etc., etc. Tous ces parasites microscopiques vivent habituellement en saprophytes inoffensifs, à l’état de symbiose, en parfaite harmonie avec les organismes porteurs et sustentateurs, tant que l’aptitude défensive de ceux-ci demeure intacte. Nous sommes donc contraints d’admettre que ce ne peut être qu’à la faveur d’une réduction de notre système de défense, de l’affaiblissement du « terrain », que l’offensive microbienne, qui se traduit par des affections polymorphes, peut être déclenchée… Il importe donc de connaître les raisons profondes de cette décadence vitale qui nous livre, pieds et poings liés, à nos redoutables et minuscules adversaires.

Demandons-nous d’abord pour quelles raisons les animaux sauvages, qui sont exposés nuit et jour et en toutes saisons, aux douloureuses intempéries jouissent d’une magnifique santé. Parce que, à l’encontre de l’homme, ils obéissent passivement aux lois naturelles qui les régissent. L’herbivore n’ira pas emprunter au régime carné tout ou partie de son indispensable ration. Et c’est à l’abreuvoir fluvial qu’il ira étancher sa soif. Constitué pour la vie au grand air, il ignore les désastreux effets du calfeutrement. La satisfaction de ses besoins, le souci de sa sécurité l’astreignent à une activité constante qui met en jeu la totalité de son appareil musculaire interne et externe et le soustrait à cette redoutable inertie dans laquelle se complaisent la plupart des humains, particulièrement les civilisés.

Certes ! il n’est nullement question de restituer à notre bipède, la dure et pénible existence ancestrale propre à l’ancêtre des cavernes ; il est cependant urgent qu’il connaisse et pratique au moins les rudiments d’un comportement très différent de celui qu’il a, de longue date, cultivé. L’alcoolisme gradué et polychrome est, au premier chef, préjudiciable à sa santé. On ne sait en vertu de quelle aberration, de quelle altération du goût, il abandonna l’eau pure des sources pour les aigres et corrosifs breuvages qualifiés — ô ironie ! — d’hygiéniques. Il est certain qu’à elle seule, cette malfaisante habitude doit être tenue pour comptable de bien des catastrophes. La proportion des décès, en général, et l’énorme mortalité tuberculeuse, en particulier, sont rigoureusement liées à l’importance de la consommation des boissons alcooliques. La France, par exemple, qui s’est approprié l’effarant record de cette consommation avec 24 litres d’alcool absolu par an et par individu (chiffre qui laisse de côté les « suppléments » clandestins des bouilleurs de cru) détient, non seulement le record de la mortalité, mais aussi celui des décès d’origine tuberculeuse, avec le chiffre annuel de 150.000. La Hollande, au contraire, qui a vu décroître la consommation nationale du meurtrier breuvage (elle n’est plus, aujourd’hui, que de 2 litres, annuellement, par tête d’habitant), est le pays d’Europe où la mortalité est la plus faible. L’Angleterre qui a entrepris une lutte systématique contre l’alcoolisme et qui a vu la consommation de l’alcool passer de 10 litres à 7 litres par unité et par an, a bénéficié non seulement d’une amélioration générale de la santé, mais a enregistré une diminution du chiffre des décès, pour cause de tuberculose, qui, de 50.000 par an, a fléchi jusqu’à 35.000.

Voici quelques documents puisés dans le livre des Docteurs Sérieux et Mathieu : « L’Alcool » (édition Coste), établissant à quels dangers expose l’alcoolisme, même modéré, représenté par exemple, par une consommation d’un verre de vin par repas. Ils sont extraits de bilans obtenus par certaines sociétés « d’assurances sur la vie » anglaises, pour l’obtention de bases sérieuses ayant trait à leurs opérations financières. Leur impartialité ne fait, par conséquent, aucun doute.

Mortalité des assurés sur la vie de la Cie « Sceptre », pendant les années 1884 à 1889 :

Morts Morts
calculées effectives Pourcentage
____ ____ ____
Section des abstinents. 249 143 52,42
Section générale, tem-
pérants et buveurs. 569 434 76,27

Il est à noter que le « Sceptre » assure surtout des personnes religieuses et que, par conséquent, la section générale contient presque exclusivement des tempérants.

Mortalité des assurés sur la vie de la Cie « Tempérance and General Providente Institution », de 1866 à 1881 :

Morts Morts
calculées effectives Pourcentage
____ ____ ____
Section générale 4.080 4.014 99%
Section des abstinents. 2.418 1.704 70%

Donc 29 p. 100 de cas de mort de moins chez les abstinents. Aussi certaines compagnies anglaises, américaines et canadiennes accordent-elles des réductions sur les primes à payer par les clients abstinents, qui atteignent jusqu’à 25 p. 100 et elles trouvent encore un bénéfice dans cette initiative.

Ces constatations sont corroborées par ce qui suit. Le Docteur Meller a comparé les opérations, durant cinq années consécutives, de deux sociétés de secours mutuels, l’une n’admettant que des abstinents, l’autre comprenant abstinents et non abstinents, mais refusant les alcooliques fieffés. Les abstinents ne donnaient que 17 jours 12 heures de maladie ; dans la seconde, la moyenne atteignait 65 jours 15 heures.

Ci-dessous, également, une statistique anglaise publiant les chiffres proportionnels de la mortalité sur mille habitants. Elle date de 20 à 30 ans environ. Membres du clergé : 8,05 ; agriculteurs : 9,78 ; brasseurs : 21,09 ; cabaretiers : 23,57 ; domestiques de cafés et d’hôtel : 34,15.

Voici donc, par quelques aperçus, établi le rôle néfaste joué dans l’économie organique par l’insidieux alcool, même consommé modérément. Malgré son rôle prépondérant, il trouve dans d’autres breuvages tels que le café, le thé, le chocolat qui contiennent chacun un excitant toxique, des auxiliaires précieux de dégénérescence. L’alimentation carnée (voir nourriture, végétalisme, végétarisme) génératrice de toxines, de fermentations intestinales putrides, d’acide urique, etc., contribue elle aussi puissamment à faire, de l’homme frugivore, une proie facile pour la secte bactérienne. Mais il est un autre facteur de morbidité ignoré de nombre de personnes et qui cependant intervient activement dans l’affaiblissement progressif de nos défenses, si nous n’avons le souci d’y remédier : l’air confiné. Peu de gens soupçonnent l’influence capitale exercée par l’oxygène dans le jeu vital. L’homme qui en serait cependant totalement privé pendant quelques minutes seulement serait irrémédiablement condamné. C’est grâce à ce précieux comburant (qui pénètre par osmose au travers des parois pulmonaires et qui se trouve charrié par les globules rouges du sang) que l’organisme entier est copieusement ravitaillé. Combiné au carbone d’origine alimentaire, il pourvoit l’immense réseau nerveux et musculaire en énergie thermo-dynamique, intellectuelle et physique. Il assure, par surcroît, par combustion, la destruction de certains déchets organiques dont l’accumulation constituerait un danger redoutable pour les fonctions normales. Il importe donc au plus haut point, de ne pas limiter ses apports et, pour cela, de renouveler le plus possible, jour et nuit, l’air des appartements. C’est d’ailleurs au cours de la portion nocturne de la journée que l’aération des locaux habités est le plus facile à réaliser (et ce, l’hiver comme l’été : il suffit de se couvrir en conséquence). C’est d’ailleurs grâce à cette louable pratique de l’aération continue que préventoria et sanatoria obtiennent une amélioration notable de maints hospitalisés. Il sera d’ailleurs facile de s’imaginer à quels dangers on s’expose à respirer constamment un air pollué par la respiration, lorsque l’on saura que l’eau de condensation provenant de l’expiration pulmonaire tue infailliblement l’animal auquel elle est injectée.

L’hydrothérapie fait partie intégrante des mesures préventives et curatives d’hygiène susceptibles de maintenir intactes ou de les renforcer en cas d’affaiblissement, nos immunités naturelles. Sachons nous rappeler que notre épiderme fait partie de notre système respiratoire et qu’un quart environ de la somme totale d’oxygène absorbé pénètre dans l’organisme par voie cutanée. En revanche, de nombreux déchets toxiques provenant de la désassimilation sont expulsés par les conduits épidermiques qui parviendraient, en cas de malpropreté systématique, soit à être partiellement résorbés, soit à obstruer l’orifice des pores par où se font ces intéressants échanges. Tous les animaux à qui l’on supprime la respiration de la peau, par l’application d’un enduit obturant tel que le goudron, par exemple, périssent par asphyxie et par intoxication. Les ablutions générales fréquentes, quotidiennes même, constitueront donc une excellente mesure complémentaire au service de la santé, en débarrassant l’épiderme des sédiments qui l’enduisent et chatouillent désagréablement l’odorat.

Une gymnastique (voir : culture physique) rationnelle s’imposera donc, afin de pallier au danger du sédentarisme actuel, rendu de plus en plus fréquent et plus complet du fait du développement du machinisme, des moyens de locomotion mécaniques, par suite aussi de la spécialisation du travail, de l’existence de professions où l’effort musculaire est réduit à zéro (employé de bureau, écrivain, etc.). Si l’on peut compléter cette mesure par la pratique d’un ou plusieurs sports dépourvus de brutalité, tels que : marche, course, natation, saut, gymnastique d’agrès, la réception microbienne sera virtuellement vaincue. Les malingres, les chétifs, les tarés congénitaux dotés d’une désastreuse hérédité pourront briguer, à bien des titres, une rassurante santé.

L’exposition à l’air libre de la peau, pratiquée le plus fréquemment possible (voir nudisme), agrémentée d’un convenable et judicieux ensoleillement, lorsque les conditions atmosphériques et climatériques le permettent, complèteront admirablement cette cure d’ensemble. Les enfants surtout, au cours de leur développement physique, seront les bénéficiaires particulièrement privilégiés de l’influence solaire. D’incroyables cures de régénération infantile ont été obtenues sur des sujets atteints de rachitisme, d’anémie, de prétuberculose, etc., par le nudisme et l’héliothérapie combinés. Une prudente progressivité présidera à l’adaptation ainsi, d’ailleurs, que pour chaque méthode innovatrice en matière d’hygiène. Il est nécessaire de tenir compte d’une foule de considérations dans l’application de chacune d’elles : des idiosyncrasies personnelles, de l’hérédité, des tares congénitales ou acquises qui influent diversement selon les possibilités de réaction et d’adaptation individuelles. C’est au médecin, au conseiller hygiéniste, à toute personne chargée de cette complexe réalisation, à faire intervenir souplesse éclairée et mesure dans leur appel aux nouveaux agents régénérateurs. Mais tous ont à gagner à l’introduction d’une sage méthode naturiste. Quelques faits suggestifs, entre mille, contribueront, mieux que les plus brillantes dissertations, à souligner l’importance du respect de certaines règles hygiéniques.

Mme Boussard, la mère de l’auteur du « Tour du Monde d’un Gamin de Paris », fut atteinte, à l’âge de 36 ans, d’une très grave maladie du foie qui faillit l’emporter. Sur les conseils de Lamartine, elle adopta le régime végétarien et mourut, sans récidive et sans autre accident, à l’âge de 106 ans. Elle attribuait, d’ailleurs, sa longévité au régime qu’elle avait adopté.

L’anecdote suivante n’est pas moins curieusement caractéristique : le Docteur Huchard était parvenu, grâce à la diète végétarienne, à sauver un homme fort mal en point. Il se portait admirablement bien depuis dix-huit mois, lorsqu’un beau jour, il eut la fâcheuse idée, étant entré dans un restaurant, de commander de la langouste et du gibier. Le jour même, il dut réintégrer l’hôpital, atteint de troubles caractéristiques d’intoxication d’origine alimentaire et il mourut quelques jours après, des suites de son imprudence.

Évidemment, tous les faits ne sont pas identiques, tous les cas n’ont pas le même processus et chaque erreur, chaque imprudence ne comporte pas semblables sanctions pathogéniques. Mais les petits ruisseaux font les grands fleuves ; les plus minimes écarts, les plus insignifiants manquements parviennent, totalisés, à une somme imposante susceptible, à la longue, d’influer fâcheusement sur la santé. D’autre part, il serait absurde d’imaginer que chacun est en droit de briguer le centenariat, sous le puéril prétexte d’un rigoureux et permanent respect de toutes les prescriptions d’hygiène. Mais leur judicieuse observation permet à celui que le destin a fait hériter d’une hérédité déficitaire d’en soulever assez le redoutable poids pour assurer à son existence, le gain de nombreuses années sereines. Au contraire, l’inconscient qui dilapide son capital-santé par une conduite absurde s’acheminera inéluctablement au tombeau, dès cet âge chanté par le poète et où la vie magnifique ne devrait lui prodiguer que des sourires… Combien de bambins, d’adolescents, d’adultes enfin, tués prématurément qui eussent pu ou qui pourraient jouir d’une longue et paisible existence, s’ils avaient été soumis à une judicieuse et supportable discipline, s’ils avaient connu et observé les principes essentiels qui constituent une règle intelligente de vie ! « L’homme ne meurt pas, il se tue », affirmait Sénèque, au lointain des siècles, dénonçant dans sa clairvoyance attristée, les énormes bévues de l’humanité. Aujourd’hui, comme au temps de Néron, la sentence a conservé sa dure exactitude.

Ah certes ! nous ne l’ignorons pas, ce n’est pas sans efforts, sans lutter contre soi-même, contre les mille tentations quotidiennes que l’homme parvient à triompher de l’atavisme, de l’éducation, des habitudes tenaces. Mais la volonté s’acquiert, se développe au cours de ces multiples combats et permet bien d’orgueilleux retours sur soi-même. A son aide viendra aussi l’autosuggestion, si secourable lorsqu’elle est invoquée opportunément. Il faut bien se pénétrer qu’à la base de toute réalisation individuelle, qu’elle soit d’ordre physiologique ou social, le principe du refoulement est acquis. L’individu ne peut espérer instaurer des harmonies sans réagir contre l’ancestrale bestialité qui somnole en chacun de nous. Il n’est pas d’autonomie personnelle qui se conçoive sans que la poigne souveraine de la volonté ne maîtrise les sourds élans de l’instinct, les soubresauts du subconscient. Il importe par dessus tout que chacun soit son propre législateur, l’ordonnateur de sa loi. Mais si l’être humain, véritable cellule sociale, est impuissant à commander à ses comportements passionnels, si ses instincts étroits — individuels ou sociaux — dominent ses décisions, c’en est fait du doux rêve poétique du bonheur par l’entr’aide, d’une existence sérieuse faite du respect mutuel des droits de chacun.

Celui qui a conscience de ces conditions, qui est pénétré de la nécessité d’une forte personnalité sociale ne peut donc — dans le domaine de la santé comme ailleurs — délibérément récuser la valeur de cette méthode de contrôle averti et volontaire sans laquelle rien ne peut subsister d’objectif et de durable. Et, à l’introduire dans son existence, il goûtera cette satisfaction délicieuse de jouir de la plénitude de ses moyens physiques et intellectuels ; et il s’assurera à la fois l’équilibre qui garantit la durée du bonheur et la longévité qui le couronne. — J. Méline.

Bibliographie. — La Cure naturiste (Dr  Durville) ; Rajeunir (Phusis) ; Le Naturisme intégral (J. Demarquette) ; Le Décalogue de la Santé (Dr  Carton) ; Enseignement et traitement naturiste pratique : 1re, 2e et 3e séries (Dr  Carton) ; L’éducation physique ou l’entraînement complet par la méthode naturelle (G. Hébert), ainsi que les ouvrages mentionnés aux bibliographies de « nourriture, culture physique, végétarisme, végétalisme, etc… ». Revues à consulter : Naturisme, Régénération, Vivre, Rajeunir, etc…