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Encyclopédie méthodique/Art aratoire et du jardinage/Dictionnaire

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ENCYCLOPÉDIE

MÉTHODIQUE,

OU

PAR ORDRE DE MATIÈRES ;

PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,

DE SAVANS ET D’ARTISTES ;

Précédée d’un Vocabulaire universel, servant de Table pour tout l’Ouvrage, ornée des Portraits de MM. Diderot & d’Alembert, premiers Éditeurs de l’Encyclopédie.

ENCYCLOPÉDIE

MÉTHODIQUE,

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ART ARATOIRE

ET DU JARDINAGE

CONTENANT

La description & l’usage des machines, ustensiles, instrumens & outils employés dans l’exploitation des terres & dans la culture des plantes.



À PARIS,
Chez H. Agasse, Imprimeur-Libraire, rue des Poitevins, n°. 18.
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An V de la République.

AVERTISSEMENT.


Séparateur




L’Art Aratoire comprend principalement les opérations manuelles de la culture des terres. Cet art fait connoître les instrumens de labourage, il en décrit la construction, il en développe les avantages, il enseigne les moyens de s’en servir le plus utilement.

Les savans auteurs du Dictionnaire d’Agriculture de l’Encyclopédie méthodique ont approfondi la théorie & la pratique de l’Agriculture ; ils ont discuté dans leur grand ouvrage les systèmes des anciens & des modernes sur cet art, le premier & le plus important de tous, puisqu’il nourrit l’homme & qu’il livre à son industrie les matières les plus essentielles à ses alimens, & à ses autres besoins. Ces célèbres agricoles ne laissent rien à desirer sur les connoissances qui doivent guider le laboureur ; ils l’éclairent avec le flambeau d’une expérience raisonnée, ils lui indiquent même de nouvelles routes qui peuvent abréger ou perfectionner ses travaux de culture.

Pour nous, il nous suffit de parler des procédés & du mécanisme en quelque sorte de cet art, d’en exposer les outils ordinaires, & nouvellement inventés, de rappeler quelques principes généraux de théorie & de pratique, de culture & de jardinage : nous completterons ainsi le plan du Dictionnaire d’Agriculture par celui de l’Art aratoire & du Jardinage.

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A

ABEILLE. (Voyez Mouche à miel).

ABOUTIR ; terme de jardinage qui se dit de la disposition des boutons des plantes prêts à s’épanouir.

ABREUVER ; terme d’agriculture. On abreuve les prés par le moyen de quelque batardeau qu’on fait dans un ruisseau pour arrêter l’eau, & la faire gonfler à l’endroit d’une rigole ou saignée pour la conduire dans les prés. Ce batardeau est formé de perches mises en travers, & d’autres qu’on fiche en terre le long des premières & à l’opposite de l’eau ; après quoi on jette des gazons contre ces perches depuis le fond de l’eau jusqu’à la superficie à l’épaisseur d’un pied seulement. Il faut entasser ces gazons l’un sur l’autre, de manière que l’eau ne passe point au travers. On ne sauroit dire combien cette manière d’abreuver les prés à propos les rend fertiles. C’est ce qu’on appelle arroser par immersion.

ABREUVOIR ; ce terme se dit relativement aux arbres pour signifier une fente, ou un creux où l’eau s’amasse & séjourne, ce qui occasionne souvent la perte de la plante.

ABRI. Il est nécessaire de former des abris pour garantir les plantes contre les pluies froides, les frimats, les gelées & les mauvais vents.

Ces abris se font avec des paillassons ou palissades, des brise-vents, des palis, des chapeaux, des cloches, des chassis, des bâches & des hangards : un tertre élevé, un petit mur, une serre chaude, une orangerie sont encore des abris.

Des bouquets d’arbres plantés & distribués à certaines distances & convenablement sont aussi des abris qui rompent l’impétuosité des ouragans, qui empêchent ces fléaux, des campagnes d’endommager les bâtimens & les couvertures des fermes & des métairies. C’est surtout du côté de l’ouest qu’on doit opposer des remparts à la violence des vents & des tempêtes.

Des arbres plantés dans les cours des fermes qui sont vastes sont des abris utiles pour empêcher que le vent n’éparpille le fumier, ou que le soleil ne le dessèche ; ils fournissent d’ailleurs de l’ombre & une retraite aux volailles & aux bestiaux dans les grandes chaleurs.



ACCOLLER ; c’est attacher une plante à un corps solide pour la soutenir. On accolle aux échalas les pampres de la vigne avec de la paille, de l’osier ou du jonc.

Ce travail doit être commencé de bonne heure, & exige deux opérations : d’abord, il faut plier par le bas seulement les bourgeons des vignes, pour ne les point casser en les séparant, lorsqu’on veut les accoller entièrement ; ensuite on les lie tous généralement.

ACCOUPLER les bœufs ; c’est lorsqu’on attache deux bœufs sous un même joug à une charrue ou à une charette, il faut qu’ils soient de même corps & de même force ; autrement le plus foible ruineroit le plus fort. Il y a des pays où on les attache par les cornes ; en d’autres, par le cou, parce qu’ils ont ainsi plus de force : tant les bœufs que les chevaux doivent être accouplés serré, afin qu’ils tirent également.

ACCROISSEMENT ; c’est la manière dont les végétaux poussent & croissent. On a remarqué que trop d’accroissement occasionnoit souvent la stérilité des arbres, & que par conséquent il falloit l’arrêter ; on a aussi observé que l’accroissement en hauteur s’achevait le premier.

Il est d’expérience que l’ombre facilite l’accroissement des arbres, particuliérement des châtaigniers ; on réussit à donner ce secours aux semis, tantôt avec le bouleau, tantôt avec le marseau, quelquefois même avec des joncs marins.

ACRETÉ ; c’est la saveur acerbe des fruits des sauvageons ; on parvient à leur ôter ce goût âpre & mordant par la greffe des arbres.

ADOS ; c’est, dans le jardinage, une élévation de terre en forme de dos de bahut, plus large du bas que du haut ; c’est aussi un endroit adossé d’un mur ou d’un bâtiment, & qui par sa position est à couvert des mauvais vents & des gelées.

On pratique quelquefois des ados pour tenir lieu de châssis vitres & pour favoriser les primeurs. Ces ados sont exhaussés de quinze à dix-huit pouces par derrière, sur dix-huit à vingt-quatre pouces de largeur venant en mourant par devant, & même creusant sur le devant pour charger d’autant sur le derrière ; on les soutient par des planches assurées avec de bons piquets. Cette pente précipitée peut produire deux bons effets ; 1°. de jouir, durant l’hiver, lorsque le soleil est bas, des moindres de ses regards ; 2°. de ne point avoir, dans le temps des gelées & des frimats aucune humidité nuisible, & de la faire perdre & tomber dans le pied de l’ados.

Cette sorte d’ados se pratique au midi le long d’une plate-bande vers la fin d’octobre ; on ménage dix-huit pouces de sentier entre le mur & l’ados, pour travailler aux plantes.

Avant que de planter les pois au mois de novembre, il faut laisser quelques jours la terre se plomber tant soit peu, pratiquer ensuite des rigoles du haut en bas de l’ados, planter les pois, & les garnir de terreau.

Lorsqu’il survient des neiges ou de fortes gelées, on couvre les ados de grande litière avec des paillassons par-dessus, qu’on ôte & qu’on remet à propos ; on se sert aussi de ces ados pour avoir des primeurs de fraisiers, que l’on y transporte, soit en pots, soit en mottes.

Un avantage qui résulte de ces ados est de pouvoir renouveller tous les ans la terre de la plate-bande ; quand elle est vide on la rabat pour y mettre des haricots nains ou d’autres légumes.

AFFAISSEMENT ; c’est un enfoncement des terres qui s’aplatissent & se plombent d’elles-mêmes. On doit savoir que toute terre remuée ou transportée éprouve un affaissement d’un pouce par pied, ainsi quand on plante un arbre, il faut observer combien son trou a de profondeur ; or, s’il est de quatre pieds, on mettra le tronc de l’arbre de quatre pouces plus haut que la terre, sans quoi l’arbre se trouveroit enterré de quatre pouces quand la terre du trou aura fait son affaissement.

AGE D’UN ARBRE ; on sait que l’âge d’un arbre se connoît aux cercles que présente sa coupe transversale. Les bourrelets placés aux différentes tailles des arbres fruitiers, annoncent aussi leur âge.

AIR. Elément léger & transparent, de capable compression & de dilatation, qui environne jusqu’à une hauteur considérable le globe que nous habitons. L’air se charge des parties insensibles & des émanations des substances animées & inanimées ; il est le véhicule des vapeurs & des exhalaisons de la terre, pour les lui rendre sous la forme de pluie, de rosée, de serein, de brouillard, de neige. L’air est universellement reconnu pour l’agent le plus puissant & le coopérateur le plus nécessaire de la végétation.

AIRE ; on donne ce nom à une place unie &


préparée pour battre les grains. On dit l’aire d’une grange.

Aire se dit aussi pour désigner le dessus d’une plaie faite à un arbre ; il faut l’unir avec la serpette.

Aire de recoupes ; c’est une épaisseur de huit à neuf pouces de recoupes de pierre de tailles, dont on se sert pour affermir les allées des jardins de ville ou de promenade.

ALAISE ou ALONGER. Dans le jardinage on met à une branche d’arbre fruitier qui a quelques rameaux trop courts, soit un osier au palissage d’hiver & du printemps, soit un jonc au palissage d’été ; & avec ces alaises on attache la branche, ou le bourgeon afin qu’ils ne pendent pas & ne fassent point difformité. Les jardiniers qui palissent pendant l’hiver, avec l’osier, quand ils mettent des alaises, doivent attacher leur osier par le gros bout à la branche & le petit bout au treillage ; quant au palissage d’été avec le jonc, il faut mettre le jonc double par le côté d’en bas par lequel il est plus gros, & la placer à quelques yeux en deçà de l’extrémité du rameau, afin que ce jonc ne coupe pas l’écorce tendre des bourgeons. Cette double disposition de l’osier & du jonc n’est pas toujours observée par les jardiniers, mais elle est recommandée comme très-essentielle par Roger Scabol.

ALIGNER ; c’est tracer sur la terre des lignes au moyen d’un cordeau & de jalons pour former soit des allées, soit des bosquets ; ou des bandes de parterres, ou des planches de jardins potagers.

ALLÉE ; c’est un chemin dressé & aligné pour le passage ou pour la promenade. Une allée est ordinairement bordée d’arbres, d’arbustes, de charmilles ou de plates-bandes, dans lesquelles l’on met des plantes, soit légumes, soit fleurs, &c.

On distingue plusieurs sortes d’allées ; les blanches, qu’on ratisse ; celles de gazon, nommées allées vertes, qu’on fauche de tems en tems ; les allées découvertes ou couvertes ; les simples & les doubles, les sous-allées, les contre-allées.

Les allées d’un potager sont ordinairement étroites, & accompagnées de petites bandes avec des bordures de plantes aromatiques.

En fouillant un terrain, on doit fouir la terre destinée aux allées comme celle des quarrés : autrement il arrivera que les allées seront plus basses que le reste, & par conséquent toutes les eaux s’y viendront rendre ; car la fouille hausse la terre d’environ un pouce par pied. On reconnoît aussi, quand on veut changer la terre, combien il est avantageux d’avoir ainsi fouillé les allées ; leur terre se trouve toute être portée pour substituée à celle qui est usée ; ce qui évite beaucoup de dépense pour le transport.

ALONGE. On nomme ainsi le brin de jonc ou d'osier avec lequel on attache les branches ou les bourgeons trop courts, tant au palissage d'hiver qu'à celui d'été. Presque tous les jardiniers qui, dans l'hiver, palissent avec l'osier, l'attachent par le petit bout à la branche, & par le gros bout au treillage. La branche ainsi attachée grossit, l'osier coupe la peau, entre dans l'écorce & s'y incorpore au point qu'on ne peut plus l'en tirer. Il faut donc, au contraire, choisir le gros bout de l'osier pour lier la branche & le petit bout pour l'arrêter au treillage. Pareillement les jardiniers, dans le palissage d'été, font un nœud coulant au bout du bourgeon qui n'est pas encore assez-long pour atteindre au treillage : mais la peau tendre de ce bourgeon est bientôt entamée par le jonc, qui ferre avec d'autant plus de force que la ligature est plus tendue.

Au contraire, en mettant le jonc double par le gros bout, on est sûr qu'il n'entamera point l'écorce du bourgeon, sur-tout si on place la ligature non pas à l'extrémité du rameau, mais en -deçà, dans l'endroit le plus fort.

ALONGER ; c'est donner aux arbres, en les taillant, toute l'étendue qu'ils doivent avoir, selon leur grosseur & leur vigueur.

AMANDIER. Cet arbre est le sujet le plus propre à recevoir les greffes des pêchers & autres fruits à noyau. On multiplie les amandiers d'amandes semées, & l'on greffe ensuite les espèces rares sur les plus communes. En automne, lorsque les amandes font mûres, on les met partie dans du sable, où elles germent pendant l'hiver ; on les plante ensuite au printems, sans leur rompre la radicule, suivant un assez mauvais usage, afin qu'elles produisent un pivot. L'amandier croît très-promptement, & souvent il est bon à greffer l’année même que sa semence a été mise en terre.

AMENDER ; c'est engraisser les terres par des fumiers & des engrais, afin d'y occasionner une végétation convenable, & de la perfectionner. On amende, ou l’on fait l’amendement avec toutes les choses qui peuvent engraisser ou féconder les terres. Tels sont le fumier, le terreau, la marne, les cendres, les terres nouvelles, & toutes les parties des animaux qui contiennent quantité de parties volatiles propres à la végétation, lorsqu'elles ont été décomposées par la putréfaction. Les amendemens donnent aux plantes un surcroît


de vigueur, & les rendent beaucoup plus vivaces ; ce qui s'annonce par leur verdeur & par la plus grande quantité de leurs fruits, ou de leurs grains.

AMEUBLIR la terre ; c'est la rendre douce, maniable ; c'est la diviser & la mettre en quelque sorte en miettes, en la labourant, la remuant souvent, en brisant les mortes, ôtant les pierres, & ne laissant ni fentes, ni croûtes. Plus les molécules de terre sont divisées, en sorte que le sol ressemble presque à de la poussière, plus les végétaux sont à portée d'étendre leurs racines or de se fortifier en toutes manières. Les neiges, les pluies d'hiver & la gelée contribuent beaucoup à ameublir une terre qui a été mise en mottes par les labours d'automne. Les rayons du soleil & la grande chaleur atténuent aussi en d'autres faisons les terres qui ne sont pas trop humides et argilleuses. Il est important d'ameublir profondément la terre.

AMPHITHÉÂTRE. Dans les jardins, on nomme ainsi un terrain élevé, dont l'étendue est distinguée par des espèces de degrés qui sont ordinairement couverts de gazon.

AMPUTATION ; c'est, dans le jardinage comme en chirurgie, le retranchement fait au corps de l'arbre avec le fer.

AMUSER la sève ; expression heureuse des jardiniers de Montreuil, pour signifier qu'il faut, dans certains cas, laisser à un arbre fruitier plus de bois & de bourgeons que de coutume. Par exemple, lorsqu'un arbre a un côté plus fort que l'autre, & qu'il ports des gourmands ; alors, pour amuser la sève, on taille plus long le côté vigoureux & plus court le côté maigre, & on alonge beaucoup les gourmands, afin de laisser consumer par-là le trop de sève. On est tenté de critiquer ces pousses superflues, quand on ne sait point qu'elles ont été épargnées à dessein & qu'on doit les retrancher par la suite, lorsque l'arbre sera devenu en quelque sorte plus sage.

ANALOGUE ; ce terme exprime, en jardinage, ce qui peut s'allier, s'unir, s'identifier même avec une autre substance. Ce rapport est sensible entre les sucs de la terre & les parties des plantes. On dit qu'il y a de l'analogie entre une greffe de poirier & une branche de coignassier, mais qu'il n'y a pas d'analogie entre une branche de pêcher ou d'amandier, & une branche de poirier ou de pommier.

ANDROGYNE, hermaphrodite ; ou qui participe des deux sexes. On appelle plante androgyne celle qui réunit les deux sexes sur le même individu, mais séparés l'un de l'autre, chacun ayant son enveloppe particulière.

ANE. Nous ne devons comprendre ici cet animal qu'en le considérant comme un des instrumens de labour & d'agriculture.

Ce quadrupède domestique est capable d'un grand travail, ; soit pour tirer, soit pour porter, il est peu dispendieux & dure, long-tems, quoique travaillant toujours. L'âne paroît être l'animal qui, relativement à son volume, porte les plus grands poids. On le met aussi à la charrue dans les pays où le terrain est léger. En général, il est d'une grande utilité à la campagne, au moulin, &c. ; & plus il travaille, plus il devient capable de bon service. Il n'a que des mouvemens petits & lents ; &, quoiqu'il coure d'abord assez vite, il est bientôt rendu quand on veut exiger qu'il fournisse pendant quelque tems à une allure qui force sa marche ordinaire.

Cet animal n'exige presque aucun soin. Quant à la nourriture, il est sobre sur la quantité & la qualité ; il s'accommode aussi bien de l'herbe la plus dure que du fourrage ordinaire des chevaux & autres animaux. Il aime le chardon. Le son lui fait beaucoup de bien. Une bonne nourriture réglée met à portée de tirer un bien plus grand service de cet animal, & pendant un plus long tems que du cheval le mieux soigné, pour les travaux de la campagne. Il est cependant délicat pour l'eau, il ne boit volontiers que de la plus claire, & de celle qu'il connaît.

L'âne est trois ou quatre ans à croître, & vit vingt-cinq à trente ans.

ANIMAUX propres au labour.

Les terres sont communément cultivées avec des chevaux ou avec des bœufs.

Dans tous les tems, & dans tous les pays, on a cultivé les terres avec des bœufs. Cependant le travail des bœufs est plus lent, que celui des chevaux : d'ailleurs les bœufs passent beaucoup de tems dans les pâturages pour prendre leur nourriture ; c'est pourquoi on emploie ordinairement douze bœufs, & quelquefois jusqu'à dix-huit, dans un domaine qui peut être cultivé par quatre chevaux.

On croit vulgairement que les bœufs ont plus de force que les chevaux, qu'ils sont nécessaires pour la culture des terres fortes, que les chevaux, dit-on, ne pourroient pas labourer ; mais ce préjugé ne s'accorde pas avec l'expérience. Dans les charrois, six bœufs voiturant deux ou trois milliers pesant, au lieu que six chevaux voiturent ici à sept milliers.

Les bœufs retiennent plus fortement aux mon-


tagnes que les chevaux, mais ils tirent avec moins de force.

On peut labourer les terres fort légères avec deux bœufs ; on les laboure aussi avec deux petits chevaux. Dans les terres qui ont plus de corps, on met quatre bœufs à chaque charrue, ou bien trois chevaux.

Il faut six bœufs par charrue dans les terres un peu pesantes ; quatre bons chevaux suffisent pour ces terres. On met huit bœufs pour labourer les terres fortes ; on les laboure aussi avec quatre forts chevaux.

Quand on met beaucoup de bœufs à une charrue, on y ajoute un ou deux petits chevaux ; mais ils ne servent qu'à guider les bœufs. Ces chevaux, assujettis à la lenteur des bœufs, tirent très-peu ; ainsi ce n'est qu'un surcroît de dépense.

Une charrue menée par des bœufs, laboure dans les grands jours environ trois quartiers de terre ; une charrue tirée par des chevaux en laboure environ un arpent & demi : ainsi lorsqu'il faut quatre bœufs à une charrue, il en faudrait douze pour trois charrues, lesquelles laboureroient environ deux arpens de terre par jour ; au lieu que trois charrues, menées chacune par trois chevaux, en laboureroient environ quatre arpens & demi.

Si on met six bœufs à chaque charrue, douze bœufs qui tireroient deux charrues laboureroient environ un arpent et demi ; mais huit bons chevaux qui meneroient deux charrues laboureroient environ trois arpens.

S'il faut huit bœufs par charrue, vingt-quatre bœufs ou trois charrues labourent deux arpens ; au lieu que quatre forts chevaux étant suffisans pour une charrue, vingt-quatre chevaux ou six charrues labourent neuf arpens ; ainsi en réduisant ces difíérens cas à un état moyen, on voit que les chevaux labourent trois fois autant de terre que les bœufs. Il faut donc au moins douze bœufs où il ne faudroit que quatre chevaux.

L'usage des bœufs ne paroît préférable à celui des chevaux que dans des pays montagneux ou dans des terrains ingrats, où il n'y a que de petites portions de terre labourables dispersées, parce que les chevaux perdroient trop de tems à se transporter à toutes ces petites portions de terre, et qu'on ne profiterait pas assez de leur travail ; au lieu que l’emploi d'une charrue tirée par des bœufs est borné à une petite quantité de terre, & par conséquent à un terrain beaucoup moins étendu que celui que les chevaux parcourroient pour labourer une plus grande quantité de terres si dispersées. Les bœufs peuvent convenir pour les terres à seigle ou fort légères, peu propres à produire de l’avoine : cependant comme il ne faut que deux petits chevaux pour ces terres, il leur faut peu d'avoine, & il y a toujours quelques parties de terre qui peuvent en produire suffisamment.

Enfin, comparaison faite des avantages des travaux & des profits qu'on tire des bœufs ou des chevaux pour la culture des terres, la préférence doit être pour les chevaux, sous quelques rapports qu'on les considère.

On attelle les bœufs à la charrue par le moyen du joug, qui est une pièce de bois traversant par-dessus la tête des bœufs, & fortement attachée à leurs cornes. Il y a des pays où l'on attache les bœufs par le cou. (Voyez Accoupler les bœufs).

L'ane peut aussi être employé à la charrue dans les pays où le terrain est léger. (Voyez au mot Ane).

ANNEAUX ou Rides qui se trouvent aux branches fructueuses, & à tous les boutons à fruit des arbres à pépins. Ces anneaux sont de petits plis ou replis à côté les uns des autres, qui se multiplient à mesure que la branche fructueuse s'allonge. Ces anneaux sont destinés à cribler, filtrer & épurer la sève. Quand les boutons à fruit s'allongent trop, & que ces anneaux ou rides sont trop multipliés, ils ne peuvent plus être féconds. Ainsi quand on voit ces boutons à fruit trop allongés, il faut les abattre, parce que d'eux-mêmes ils se pourriroient ou tomberoient ; au lieu qu'en les abattant, il s'en forme de nouveaux qui sont plus propres à filtrer la fève, sans l'affoiblir et l'atténuer.

ANNUELLE. (Plante) C'est une plante qui ne reste qu'un an sur terre, & qui meurt après avoir porté les graines qui doivent la reproduire et la multiplier. Le froment, le seigle, l'avoine & autres font des plantes annuelles.

AOUTÉ ; ce terme se dit d'un rameau ou d'une branche d'arbre que la chaleur du mois d'août a brunie, & qui a acquis assez de consistance & de force pour supporter les gelées d'hiver.

Ce terme s'emploie aussi en parlant des graines & de certaines productions de la terre qui ont été assez mûries & assez formées pour servir dans les alimens.

APPLANIR ; c'est rendre uni & de niveau un terrain inégal & raboteux.



APLOMB ; c'est une ligne perpendiculaire à l'horison. Un arbre, soit en caisse, soit en pleine terre, doit toujours être sur son aplomb ; c'est-à-dire, avoir sa direction droite & ferme.

ARATOIRE (art) ; c'est l'art qui traite principalement des opérations manuelles de la culture des terres. Tous les articles de ce dictionnaire sont le développement des principes & des travaux méchaniques de cet art.

APPAREIL. Dans le jardinage, lorsqu'on a fait une plaie un peu notable aux grosses branches, à la tige ou aux racines de quelque arbre, il faut y mettre à l'instant même un appareil. Cet appareil n'est autre que de la bouze de vache fraîche ou vieille, & à son défaut, du bon terreau gras, ou même de la terre détrempée avec un peu d'eau. On applique cet appareil sur la plaie, et on l'enveloppe avec un chiffon le retenant avec un osier, ou avec tel autre lien qui ne puisse pas couper l'écorce quand l'arbre & la branche viennent à grossir.

On doit rejetter les appareils du jardinage faits avec les onctueux ou les choses grasses, beurre, poix-résine, saindoux, vieux-oing, huile, & ceux faits avec la terre glaise, avec la cire verte ou blanche, ou jaune, doivent être également proscrits ; parce que ces appareils sont préjudiciables aux végétaux dont ils bouchent les pores & en arrêtent la transpiration.

APPROCHE. Ce terme se dit d'une greffe faite par la conjonction de deux branches de fruits différens. Pour cette opération, il faut faire à chacune des branches une entaille dans la peau, & les encastrer l'une dans l'autre, les retenant avec de la laine.

Au bout de six semaines ou environ, quand la soudure s'est faite, on sèvre, c'est-à-dire qu'on sépare la partie qui a été greffée sur l'autre.

ARAIRES. Voici la description et la manière de se servir de deux espèces de charrues sans roues qu'on emploie dans les provinces méridionales de la France, pour donner aux terres les façons qui se donnent ailleurs avec les charrues à roues. (Voyez planche XLI, fig. 1.)

Le nom de charrue n'est point usité pour ces deux instrumens de labour ; ils se nomment des araires, dont l'étymologie est arare, mot latin qui signifie labourer.

On distingue deux espèces d’araires ; l'une est nommée fourcat, et l'autre doublis.

Le fourcat a deux timons ou brancards, mais dont les deux bras sont un peu courbes dans leur milieu, & forment, par leur réunion, un ovale qui reçoit le cheval ou le bœuf, car on ne met d'ordinaire qu'un de ces animaux.

Ces brancards, ou bras, s'infèrent dans, une forte pièce qu'on nomme la cambettc, qui, avec les pièces suivantes, compose le train. Le dental, qui est lapièce traînante, porte deux oreilles, & soutient le soc ; il est lié à la cambette par deux liens de fer, appelles tendilles, qui les embrassent ensemble, & qu'assujettissent par-dessus, deux chevilles de bois, dites tescotes. Une troisième cheville plus longue, c'est le tescou, accompagne & assujettit, par derrière, le manche du soc. L'arrière-train consiste en un manche qu'on fait plus ou moins courbe ou crochu ; on le nomme lestèbe ; à son extrémité, & par une entaille ou arrête, sont attachées deux cordes servant de guides.

Le brancard appuie sur la selle par une large courroie, qu'on nomme la souffre, & qui se boucle sur le milieu des deux bras, à l'un desquels elle est clouée. Deux petites chevilles de bois, qui sont fichées aux extrémités des bras, servent à retenir ceux-ci contre le collier du cheval, & à fixer toute la machine.

Cette espèce de charrue est traînée par un seul cheval, plus communément par une mule. Elle pourroit être tirée par plusieurs, à plein trait, comme une charrette ; mais alors il faudroit, outre le laboureur qui dirige & soutient la machine par le manche, un charretier pour conduire le premier cheval. Cela ne se pratique pas ici.

Quant à l'autre araire, nommé doublis, son avant-train est composé d'un timon ou d'une flèche, formée de deux perches qui chevauchent l'une sur l'autre, & qui sont liées étroitement par deux bandes de fer. A l'extrémité du timon, on place le joug, auquel on accole, tantôt deux bœufs, tantôt deux mules ou deux chevaux ; dans ces cas, le joug change de forme. Le reste du train du doublis est le même que celui du fourcat, si ce n'est qu'il est plus fort ; & il doit d'être, puisque l'attelage est renforcé. Il est même des cantons dans le Haut-Languedoc, dans la Guyenne & ailleurs, où l'on attelé quatre, six, huit paires de bœufs robustes à cette sorte de charrue rendue plus pesante, tandis que le fourcat, plus léger, est quelquefois traîné par un bardot.

Le doublis diffère quelquefois du fourcat, lorsqu'on y adapte la mousse ; voici ce que c'est. Nos laboureurs donnent le nom de mousse à un grand dental plat en dessous, du moins son arrête est peu sensible & s'use bientôt : il est fourchu par sa partie postérieure, de manière qu'une des branches qu'on nomme la queue (c'est toujours la droite) entre dans une rainure de la cambette, & c'est sur cette branche que porte le manche


du soc, tandis que le reste du soc appuie tout le long jusques sur l'extrémité du dental. L'autre branche du dental porte une oreille immense, qui s'élève perpendiculairement ; elle est fixe, & on la revêt d'une lame de fer sur les bords, pour la rendre plus durable. Cette oreille est une grande pièce de bois contournée ; elle est faite, ainsi que tout le dental, de bois de hêtre, qu'on nomme ici le fayard ; tandis que la cambette et le timon, dit le bassègue, qui la prolonge, font de bois d'orme. On ne feroit qu'une seule pièce des deux, si l'on trouvoit commodément & à un certain prix, des ormes assez droits dans leur longueur, & assez courbes par leur base.

Le soc qui doit servir à la mousse est plus fort que celui du fourcat ; il change aussi un peu de forme. C'est un gros fer de lance irrégulier, dont l'aile gauche est plus longue que la droite ; & depuis l’angle de cette aile jusqu'à la pointe, le soc déborde un peu le dental, & fend la terre de toute sa longueur. L'extrémité de ce soc n'est pas pointue, mais un peu applatie & tranchante ; elle s'émousse par l'usage. Enfin ce soc est-ordinairement du poids de douze à treize livres, & le coûtre qui l'accompagne, qu'on nomme ici le couteau, en pèse neuf ou dix. On peut cependant adapter le coûtre au doublis, sans que cela constitue la mousse. Ainsi le doublis est de trois espèces : le simple, celui qui est armé d'un coûtre, & celui avec la mousse.

Le soc de l’araire ordinaire est plus petit ; il est pointu & forme le fer de lance irrégulier. On nomme également l'un & l'autre, en terme du pays, la reye.

Si l'on ôte le dental à la mousse, pour y substituer le dental et le soc du fourcat, ce sera l'équipage du doublis ordinaire auquel on peut adapter, si l'on veut, le coûtre sans la mousse, lequel traversera la cambette un peu obliquement, & viendra rencontrer, par son tranchant, la pointe du soc.

Remarquez qu’on peut se servir du doublis à la mousse, à la manière ordinaire, en en retranchant la mousse, Si qu'on ne peut adapter la mousse au simple doublis. La raison en est qu'au doublis simple, il manque la rainure ou mortaise que j'ai dit devoir être pratiquée à l'extrémité traînante de la cambette.

On doit observer encore que l'on ne se sert du doublis à la mousse que quand on veut essarter un terrain rempli de racines, ou défricher une prairie. Le coûtre coupe les brandes & toutes les plantes qui se présentent ; il fend en même tems la terre, & donne au soc la facilité d'entrer & de labourer plus profondément. On s'en sert aussi pour bien labourer les terres qui ont du fond, & pour mieux renverser la terre. La grande oreille ouvre de larges sillons, & déplace de grands volumes de terre. La mousse seroit très-utile pour renverser le chaume ; mais on se sert trop peu de cet instrument : on est même obligé de le quitter quand il s'agit de labourer en dernier lieu sur le terrain semé. Alors on reprend le doublis simple, ou le fourcat, qui trace des sillons plus petits, plus & rapprochés, qui couvre suffisamment le grain, sans le trop enfouir. L'araire ordinaire, c'est-à-dire, le fourcat & le doublis, portent sur le dental deux petites oreilles contournées, qui s'agencent comme des coins, & de chaque côté, entre les liens de fer (tendilles) qui assujettissent le dental, est le soc, au-dessous de la cambette. On nomme ces oreilles par un terme expressif du pays ; ce sont les escampadouires qui rejettent la terre. Il est inutile de dire que c'est aussi par deux liens de fer que le dental à la mousse tient à la cambette ; le manche du soc passe au milieu d'elles.

Il est facile de s'appercevoir que l'équipage de ces deux machines, le fourcat & le doublis, est le plus simple possible. Je croirois, par cette raison, que notre charrue est une des plus anciennes ; mais il ne faudroit point en conclure, comme l'a fait un laboureur flamand, qu'elle est la plus mauvaise ; Telle sans doute, pourroit être l’espèce d'araire qu'il a décrite, & non celle-ci ; telle a pu être la charrue grecque, & celle qu'on suppose être usitée encore dans les provinces méridionales de la France. Mais si l'on compare ces araires avec celui dont on donne ici une simple description, on inférera qu'ils ne sont pas les mêmes : ils ont pu avoir une même origine, & le nôtre aura éprouvé des changemens qui l'auront perfectionné. Ce n'est pas qu'il n'eût encore ses défauts, selon la différence de lieux où l'on voudroit en faire usage. Il est tel pays où il ne seroit reçu que comme un instrument du jardinage. Si, au reste, on jugeoit nécessaire d'en rectifier quelque part le mécanisme, il faudroit le mettre toujours à la portée des connoissances & de l'adresse du laboureur, pour lui en faciliter le maniement.

Les avantages que présente notre araire sont sensibles.

1°. Il est applicable sur tous les plans possibles ; ce qui ne seroit pas praticable par les charrues montées sur des roues dont il faut souvent changer le diamètre.

2°. Il n'y a aucun changement à faire dans l’araire, dans quelque sens qu'on laboure ; ce qu'on est obligé de faire sur d'autres machines, pour le coûtre & pour l'oreille, à chaque tour de charrue.

3°. On peut fort bien, selon le besoin, at-


teler deux, trois, quatre & six bœufs, ou chevaux, soit au fourcat, soit au doublis, comme on le pratique dans quelques cantons. On peut avoir différens socs, selon qu'il les faut, courts ou alongés, larges ou épais.

4°. On peut incliner plus ou moins l'angle du manche avec le soc, selon la résistance de la terre & le frottement qu'éprouve le dental sans avoir à essuyer d'autre frottement & l’embarras des roues.

5°. En se servant du fourcat, l'animal qui le porte & le traîne, ne foule point la terre qui vient d'être labourée ; il marche droit sur le bord & en deçà du sillon qui vient d'être tracé, sans le déranger ; & le laboureur, en inclinant un peu le manche de l’araire en dehors, c'est-à-dire, du côté où marche l'animal, fait que le sillon s'ouvre tout de l'autre côté, sans être jamais recouvert de terre. (Voyez Charrue.)

ARATELER. Ce terme est quelquefois usité dans le jardinage comme synonyme de rateler, c'est-à-dire, se servir du râteau.

ARBRE. C'est une plante vivace qui a la consistance de bois dur, & qui tire son origine ou d'une graine, ou d'un noyau, ou d'une bouture, ou d'un rejetton ; qui croît dans de la terre, qui y fait des racines, qui n'a qu'un seul & principal tronc, élevant ses branches dans les airs, & les répandant autour de sa tige. Ses branches sont de trois sortes, grosses, moyennes & petites. Elles portent des yeux, des feuilles, des bourgeons, des fleurs & des fruits. Il y a des arbres sauvages qui viennent naturellement dans les forêts, & les arbres cultivés qui servent à former des avenues, des allées, & à garnir les jardins & les vergers. On distingue encore les arbres fruitiers : les uns portant des fruits à noyau, & les autres dont les fruits n'ont que des pépins. Ces arbres fruitiers ferment des tiges à plein vent, des basses-tiges, ou nains, des arbres en éventail & en buisson. Il en est enfin portant des fruits, d'autres ayant seulement des fleurs & des graines.

Arbre sur franc, se dit d'un arbre greffé, mais lequel est venu d'un pépin ou de quelque bouture de tout arbre fruitier, lesquels on greffe ; ou d'un arbre déjà greffé & qu'on greffe de nouveau.

Arbre sur coignassier ; c'est un arbre greffé sur une bouture de coignassier, ou sur un arbre venu d'un pépin de coing. Il n'y a que les poiriers qu'on greffe sur de tels sujets ; il faut les prendre avant trois ans.

Arbre de tige, est celui dont la tige est élevée, autour de laquelle il étend ses branches horisontalement, s'il est en plein vent, & sur les côtés seulement, s'il est en espalier.

Arbre à basse tige, ou nain, est celui dont on réduit la tige par la taille à six ou huit pouces de haut, & dont la greffe est près de terre. On ne la laisse point monter, mais seulement s'étendre, soit autour de la tige, soit sur les côtés. On distingue deux sortes d'arbres nains ; les uns qu'on dresse en éventail ou contrespalier ; les autres qu'on forme en buisson.

Arbre de demi-tige ; arbre dont la tige est ordinairement conduite à trois ou quatre pieds, tant en plein vent qu'en espalier.

ARBRISSEAU ; petit arbre qui au lieu d'une tige en produit plusieurs presque au sortir de terre, formant souvent un buisson. Tels sont les noisetiers, groseillers, sureaux, lauriers, l'if, &c.

ARBUSTE ; c'est un petit arbre moindre que l'arbrisseau, formant une sorte de buisson dont les branches sont vivaces. Tels le rosier, le romarin, le jasmin, le houx, le genévrier, le chèvrefeuille, &c.

AREAU. Dans certains cantons, on désigne par ce mot une charrue. (Voyez Charrue.)

ARGILLE, ou terre argilleuse ; c'est une terre grasse qui se sèche & se durcit à l'air, & qui se délaie & se met en bouillie à l'humidité. On peut tirer avantage des terres argilleuses, en les tournant & retournant par un labour fréquent, les mettant en miettes ; mais principalement par les engrais propres à alléger ; savoir, fumier de cheval, crottin de mouton bien consommé, fiente de pigeon également consommée, & employés l'un & l'autre modérément ; enfin, avec bonnes terres mobiles & sableuses, terreau de gazons, de feuilles, & tout ce qui convient pour alléger & ameublir.

ARRACHER ; c'est tirer de terre avec force une plante qui est morte, ou des herbes qui sont nuisibles ; mais on n'arrache point, on lève dans la pépinière un arbre, ainsi que des arbustes & des plantes qu'on veut transplanter.

ARRET ; c'est l'obstacle que le jardinier oppose aux eaux pour les rejetter des deux côtés d'une allée. On fait les arrêts avec du gazon, ou avec de petites planches mises en travers, ou excèdent de deux pouces sa superficie.

ARRETER ; c'est, dans le jardinage, empêcher ou modérer le progrès de la crue d'une plante. Pour arrêter, soit un arbre, soit une


palissade, on les coupe à une certaine hauteur ; ce qui les empêche de s'emporter. Ainsi on arrête les melons, les concombres, lorsque leurs bras s'allongent trop, on les racourcit & qu'on les taille pour faire pousser de leurs aisselles des membres fructueux.

On arrête encore la vigne & certains bourgeons, lorsque par nécessité on les taille. Nous disons par nécessité, parce qu'on ne doit point rogner, casser, pincer, arrêter par les bouts aucuns bourgeons, & qu'il faut au contraire les laisser croître de toute leur longueur. Si les jardiniers, dit Roger Scabol, faisoient attention au préjudice qu'ils causent aux arbres & aux plantes en les arrêtant de la sorte, ils s'en garderoient bien ; mais c'est plutôt fait de couper que d'attacher. On coupe 200 bourgeons pendant le tems qu'on met à en attacher une douzaine.

ARROSEMENT. Action d'arroser. Son objet est d'humecter la terre, d'en augmenter les sucs, de réparer les pertes occasionnées par la transpiration, de rafraîchir les plantes, & de laver leur superficie, pour désobstruer les organes qui doivent livrer passage à l'air. Mais il faut faire attention que les arrosemens faits à contre-tems, font périr beaucoup de végétaux lors de la germination, quand l'ardeur du soleil les épuise ou que les vents du Nord les dessèchent. En général, les arrosemens du soir sont préférables à eaux du matin ; ils sont pour les végétaux ce que la boisson est pour les animaux.

La terre étant sèche de sa nature, a besoin d'arrosemens, et plus encore quand le soleil réchauffe outre mesure.

Le meilleur arrosement qu'elle reçoit, est celui de la pluie, qui tombe admirablement pour cet effet & d'une façon inimitable, & par une si douce chute, que la terre se sent plutôt soulevée qu'affaissée de sa pesanteur, s'en abreuvant peu à peu, quand les vents & les orages ne forcent point la pluie, & ne la chassent point trop violemment. Ceux-ci affaissant la terre, & la détrempant plus qu'il n'est besoin, émeuvent de sa place celle qui est la plus préparée pour la production, ils détournent & empêchent les dispositions qu'elle y a, & quelquefois les choses bien avancées sont détruites par ces bouleversemens, les plantes arrachées, & la terre même emportée par les ravines qui coulent dans les fonds. La neige aussi n'affaisse point la terre en tombant, quelque épaisse qu'elle soit, & elle lui sert d'un excellent arrosement : venant à se fondre peu à peu, elle l’abreuve & l'engraisse ; & quand par son épaisseur elle la couvre long-tems, elle ôte le moyen aux oiseaux et aux autres animaux de manger les semences & de paître son beau verd, lequel est conservé par cette couverture, même contre le froid excessif. L'eau des rivières & des ruisseaux, venant quelquefois à déborder, couvre les prés & les terres voisines & les arrose ; mais elle le fait diversement : car selon la diversité des eaux & des terres, elle y fait du bien ou du dommage, y laissant ou ôtant d'autre bonne ou mauvaise terre ; & selon la qualité des plantes mêmes, elles en sont tantôt heureusement abreuvées, & tantôt noyées & étouffées.

Mais l’arrosement artificiel se fera à tems & à propos, par l'intelligence du jardinier, en qui connoîtra le besoin, selon la nature des terres & des plantes. Il sera fait commodément, si vous avez les eaux naturelles, ou par artifice, plus hautes que les lieux que vous voudrez arroser, les laissant couler doucement, & en telle quantité qu'il en sera besoin, par les canaux de telles matières que vous les aurez, soit de bois, de plomb, ou de tuile, ou par les terres mêmes, y faisant des rayons & des rigoles, qui donnant l'eau par des sentiers des planches & le long les bordures, feront qu’elle abreuvera la terre par-dessous, rafraîchissant les racines, sans déchaîner les plantes, ainsi qu'il se fait quand l'eau y est versée tout-à-coup par-dessus avec l'arrosoir, lequel ne peut être percé si menu, que l'eau trop abondante n'affaisse la terre en tombant & dissolve l'humeur préparée pour la production, ou ne l'emmene plus profond en terre en lavant la surface. Il vaudroit mieux n'arroser point du tout que d'arroser peu ; car la terre en devient plus altérée, s'étant attendue à ce secours, qu'on lui fait seulement goûter ; il faut aussi arroser jusqu'au lieu où sont les racines, car ce sont elles qui en tirent plus de profit, & de qui la plante le reçoit. Quelques-uns arrosent en plein midi quand l'altération est plus grande, & que la chaleur qui est en la terre attiédit la froideur de l'eau, & ce n'est pas sans raison, pour certaines-plantes ; mais ces prompts changemens d'une extrémité à l’autre, sont contraires à la nature, qui aime d'être tempérée : c'est pourquoi, afin de ne pas faire les choses en un état si contraire, il vaut mieux arroser le soir conformément à la fraîcheur de la nuit, ou durant la nuit même, après avoir fait échauffer l'eau à l'air & au soleil pendant le long du jour ; car par ce moyen l'eau sera tempérée, la terre abreuvée à plaisir, les plantes attireront moins avidement, & cependant avec plus de vigueur durant la fraîcheur de la nuit : le matin aussi y seroit propre, à cause de la même fraîcheur, si ce n'est que l'eau étant devenue plus froide n'est plus si propre pour l'accroissement des plantes, parce que la froidure retarde l'effet de la terre, qui


ne doit pas être moins secourue de chaleur que d'humidité.

Il arrive souvent de l'inconvénient de l’arrosement, qu'on donne aux semences & aux nouveaux plants durant les sécheresses de l’été, par les animaux qui sont en terre, comme les taupes, les mulots, & les autres, qui ne sont pas moins altérés que les plantes ; car sentant l’humidité, ils la viennent chercher de loin, & s'assemblent en nombre à cette fraîcheur, ils mangent les graines en faveur desquelles l’arrosement avait été fait, & fouillant la terre & la soulevant, ils déracinent les plantes qui sont séchées par la chaleur qui pénètre ensuite plus facilement. C'est pourquoi je dis encore, qu'il vaut mieux n'arroser point, qu'arroser peu, & qu'heureux sont les jardins situés plus bas que les eaux, dont ils peuvent être arrosés en abondance à tems & heure. Les autres jardins ne laisseront pourtant pas d'être arrosés fort à propos avec l'arrosoir commun, ou avec la seringue, ou la pompe portative dans un sceau ou cuvier, faisant que le jallissement se fasse par quantité de trous menus percés ; & cette façon d'arroser est propre, entre autres pour laver les branches & les feuilles des arbres chargés de poussière, ou quand ils font mangés des chenilles & des autres insectes, en infusant dans l'eau les remèdes nécessaires pour les exterminer.

ARROSER ; donner de l'eau à une plante. Il faut savoir arroser à propos & en quantité suffisante. On juge qu'une plante n'a pas besoin d'être arrosée, lorsque ses feuilles sont d'un vert obscur, bien étendues & fermes, & que leur pédicule n'est point incliné. On doit prévenir les besoins des plantes dans les tems de hâle & de sécheresse, en leur donnant suffisamment d'eau pour entretenir leur vigueur. Il faut arroser fréquemment tout ce qui est nouvellement planté, depuis que la sève se dispose à monter jusqu'à la saison où elle diminue. Les végétaux placés en terre seche & légère, ont sur-tout besoin d'eau dans les grandes sécheresses. L'eau jettée au pied d'un arbre qui, faute de sève, laisse tomber ses fruits, les lui fait souvent conserver jusqu'à leur parfaite maturité.

Comme l'air est plus pesant quand le tems est serein, eue lorsqu'il paroît chargé de nuages, on lui rend son élasticité en arrosant beaucoup dans les grosses chaleurs. Pendant sept à huit mois de l’année, on doit arroser tout ce qui est dans un potager, à l'exception des asperges. (Dict. du jardinage.)

ARROSER PAR IMMERSION. (Voyez le mot Abreuver.) Pompe pour arroser des plantations. (Voyez pl. XXV, fig. 5 & l'explication.)

ARROSOIR ; instrument de jardinage. C'est un vaisseau de terre & ordinairement de cuivre ou de laiton ou en fer-blanc, d'une seule pièce, soit avec une grille immobile, ou sans grille, ou avec une grille qui s'enlève à volonté, les jardiniers s'en servent pour donner de l'eau aux plantes. Il y a des arrosoirs à goulot, qui ne forment qu'un seul jet, & d'autres à pomme percée de plusieurs petits trous comme un crible. Les premiers servent à arroser les fleurs ; les seconds, sont principalement pour mouiller les planches du potager, en leur distribuant l'eau également, & produisant l’effet de la pluie. (Voyez pl. XXIV, fig. 23.)

L'usage d'une seule roue aux arrosoirs en brouettes a fait craindre que le frottement ne fût trop considérable, & que la voiture ne pût pas tourner sans faire perdre un grand espace de terrein, quoique cet inconvénient n'eût pas lieu dans l'hypothèse où les plate-bandes seroient dessinées exprès pour l'instrument, ou bien dans celles où la voiture ne parcourroit les plate-bandes supposées droites qu'à des distances assez considérables l'une de l'autre, comme on fait parcourir des rayons par la charrue ; cependant on peut avec avantage réunir deux roues larges qui n'auront que deux pouces d'intervalle entre elles, & qui faciliteront le roulage de la voiture, en n'exigeant que six pouces de largeur de plus pour le sentier.

La seconde observation non moins importante porte sur la fluctuation de l'eau, phénomène qui s'observe constamment dans son transport ; l'usage habituel des porteurs d'eau a indiqué le remède, & l'on doit en conséquence faire l’assemblage de plusieurs planches unies par des bandes de cuir attachées dans l'intérieur du tonneau à la hauteur de son plus grand diamètre, & qui surnageant l'eau, s'abaisseront & s'élèveront avec elle en la contenant toujours.

On a pensé encore qu'il seroit avantageux de contenir toujours l'eau de niveau, soit que la voiture montât, soit qu'elle descendît, afin d'éviter que le poids se portât entièrement, soit sur le derrière, soit sur le devant ; cette difficulté ne peut être levée qu'en compliquant un peu l’instrument. Plusieurs moyens se font présentés à cet effet.

Le plus simple est d'élever le devant du tonneau d'une manière stable, & de faire soutenir la partie postérieure par un demi-cercle formé de plusieurs bandes.de fer ; il seroit porté par un cric, qui au moyen de la manivelle s'élèveroit ou s'abaisseroit à la volonté du conducteur, & contiendroit toujours l'eau à son niveau, ce qu'on pourroit très-facilement rendre de la plus scrupuleuse exactitude par l'addition d'un niveau d'eau. Au reste, ces arrosoirs ne peuvent servir pour les légumes & fleurs dans les enclos, mais seulement pour les gazons à l'angloise & pour les légumes en plain champ.

ASCENSION. C'est l'action par laquelle la sève des plantes lancée des racines dans le tronc, du tronc dans la tige, de la tige dans les branches, et de ces dernières dans toutes les parties des arbres & de toute plante, est portée & répartie dans chacune de la même manière qu'un tuyau fournissant plusieurs jets d'eau distribue à chacun d'eux suivant leur capacité. Après que la sève a monté & s'est élevée du bas en haut, jusqu'au faîte de l'arbre, & dans tous les vaisseaux capillaires de la plante, elle descend en grande partie par les fibres longitudinales de la tige, lors de la fraîcheur des soirées & dans le tems de la rosée. Le surplus s'évapore par les vaisseaux excrétoires des feuilles.

ASPIRATION. L'aspiration des sucs de la terre est l'action des racines des plantes qui pompent les sucs convenables à leur espèce. Les plantes aspirent l'air, & c'est par son secours qu'elles peuvent vivre & profiter. Cette aspiration dépend essentiellement de l'alternative du chaud & du froid.

ASSOMOIR. C'est un piège employé dans le jardinage contre certains petits animaux destructeurs. L'assomoir consiste en une petite boîte carrée, dans laquelle entre un billot de bois suspendu à une ficelle, & qui joue sur deux montans accrochés au treillage ou à l'arbre. Au fond de cette boîte, une légère entaille reçoit une languette faite en croix, qui y est attachée & qui sort par-devant. Un petit morceau de bois tenant à la ficelle, entretient la languette relevée. On place dessus l’appât, au moindre mouvement que font les oiseaux, les rats, & les lérots en entrant dans la boîte, ils s'y trouvent pris par la chute du billot.

ATTACHE ; lieu qui sert à retenir les branches des arbres sur le mur ou sur le treillage. L'attache se fait avec de l'osier, du jonc, des loques & des cloux.

On ne doit jamais attacher ni branches, ni bourgeons, ni aucunes plantes, œillets & autres avec fil ou ficelle, parce que ces liens trop fins, coupent les écorces.

ATTELER ; c'est mettre des bœufs ou des chevaux à la charrue, ou à quelque voiture.

ATTELLES ; ce sont les espèces d’ailerons qui sont à côté du collier d'un cheval de charrette.

ATTELAGE des bœufs à la charrue. Le citoyen Saulnier observe que par une mauvaise pratique, dans une partie de l'élection de Joigny, on attache les bœufs à une perche, ou à une chaîne qui passe dans le joug des paires de bœufs attelés à la charrue : les jougs tiennent par chaque extrémité, à un collier qui n'est qu'un brin de bois courbé ; ce bois porte sur le fanon & sur les épaules, y cause des douleurs au moindre effort que fait le bœuf, & le blesse, s'il reste attelé & travaille un peu long tems de suite. On juge aisément qu'il ne tire jamais avec force, & qu'il faut un plus grand nombre de ces animaux pour faire travailler la charrue, quand la terre offre de la résistance : aussi attele-t-on jusqu'à dix ou douze bœufs sur une seule charrue, d'où il résulte une grande difficulté de former l’attelage, & une augmentation de frais de culture.

On conseille de renoncer à toute espèce de joug pour le labourage, & d'y substituer des colliers de toile ou de cuir, rembourrés de foin ou de bourre, avec des traits qui s'attachent au milieu des attelles du collier ; ce collier ne peut être fermé comme celui du cheval, à cause des cornes du bœuf, qui empêcheroient de le passer, ou le feroit faire d'une trop grande ouverture pour son usage ; mais il doit s'ouvrir par un bout ; tandis que l'autre sera uni à charnière, ou par des courroies : le bout qui s'ouvre à volonté, se ferme avec des courroies, quand on le passe dans le col de l'animal. L'usage le plus général & le plus favorable, est de les lier dans le haut. Il y a cependant quelques contrées où on les lie dans le bas. Le bœuf qui tire avec un collier, a la tête dégagée & les mouvemens plus libres, il est plus à son aise & il travaille sans gêne ni douleur. C'est une erreur de croire que sa force réside dans les muscles de son cou & de sa tête ; quand il pousse avec ses épaules, par le moyen du collier, il ajoute à sa force la masse de son corps mis en action, il conserve son attitude naturelle, au lieu qu'en tirant par la tête seule, quand il est sous le joug décrit ci-dessus, il agit dans une attitude forcée, & sa marche est plus lente.

AVALOIRE ; c'est la partie du harnois des chevaux de trait, qui pose sur la croupe & sur les cuisses.

AVANCER ou retarder les plantes ; c'est accélérer ou ralentir leur végétation.

Il y a divers moyens de hâter, soit la germination des graines, soit la végétation des plantes. Tout ce qui occasionne une plus grande fermentation, est capable de produire cet effet. Les amendemens, les labours répétés à propos, le sarclage, semer ou planter en certain tems, l'espace qu'on laisse entre les plantes, l'arrosement, l'exposition, les abris, le tan, les couches chaudes, & autres pratiques généralement d'usage dans le gouvernement des végétaux, sont des moyens auxquels on peut s'attacher avec confiance.

On hâte efficacement le progrès du bled & des autres grains en remuant de tems en tems la terre qui les avoisine. Enfin, M. Duhamel a prouvé par une multitude d'expériences que les feuilles, le grand air, le vent, le soleil favorisent beaucoup la végétation par l'augmentation considérable qu'ils occasionnent dans la force de succion propre à chaque plante.

On retarde les progrès des plantes, 1°. en rognant l'extrémité des branches nouvellement poussées.

2°. On diminue le cours de la sève proportionnellement à la quantité de feuilles dont on prive un arbre. C'est un des moyens employés pour dompter les branches gourmandes.

3°. En liant fortement un arbre avec une corde que l'on serre bien, on l'oblige à ne fleurir que tard. On peut ainsi en certaines années prévenir la perte des fruits trop précoces, dont les fleurs font sujettes à périr par la gelée.

4°. Une transplantation trop fréquente empêche l'avancement des plantes, d'autant que par ce changement, elles n'ont pas le loisir de prendre nourriture & de s'attacher à la terre.

5°. Si vous entez les greffes d'un arbre qui donne ses fruits de bonne heure, sur un autre qui les produit plus tard ; il pourra arriver que le cours du premier arbre se règle sur le dernier. Cependant la greffe l'emporte presque toujours à cet égard sur le sujet.

AVENUE ; allée d'arbres. La plantation d'une avenue se fait ordinairement en ormes, en noyers, en maroniers, en tilleuls, en peupliers, &c. On doit espacer de dix-huit pieds les arbres plantés en allées le long des grands chemins.

L'usage le plus ordinaire pour les files d'arbres qu'on plante en avenues, est de former une butte au pied de chaque arbre, ou de labourer un espace de terrein tout autour pour favoriser leur végétation. Il est préférable de faire l'année qui suit celle de la plantation, un fossé tout le long des files d'arbres, & en rejetter la terre de leur côté. Comme l'air frappe de toutes parts les arbres des avenues, ils étendent quantité de branches latérales. On doit retrancher avec la serpe celles qui étant mal placées, prennent trop de force.

AUGE ; Vaisseau qui sert à donner à manger & à boire aux chevaux & autres animaux. Il y en a de pierre & bois. Celles qui sont de pierre, peuvent se fendre & se casser aisément pendant l'hiver, si l'on n'a pas soin d'en verser l'eau lorsqu'il gèle.

AUVENT ; dans le jardinage on donne ce nom à tout ce qui pare le vent, ou qui en garantit ; ce moyen de conserver les arbres est pratiqué principalement par les habiles jardiniers de Montreuil, village près de Paris. Voici quelle est leur méthode. Ils ont à leurs murs des tablettes, au lieu de larmiers. On appelle larmier la petite avance qui fait saillie au bas du chaperon, mais à Montreuil, c'est une tablette de cinq ou six pouces de large. De plus, les jardiniers de ce village ont de trois pieds en trois pieds ou environ, de forts échalats ou d'autres bois scellés dans leurs chaperons, & incorporés dans ces tablettes. Ces bois scellés de la sorte dans le chaperon des murs, ont un pied & demi de saillie : là-dessus ils mettent au printemps des paillassons à plat de la même grandeur que ces bois ainsi scellés dans les murs.


Ceux qui sont en état de faire de la dépense, ont des potençaux de fer au lieu d'échalats ; &, au lieu de paillassons, ce sont des planches fort larges qu'ils posent dessous durant les tems fâcheux. On laisse ainsi ces paillassons ou ces planches à plat, & quand les dangers sont passés, on serre le tout pour l’année suivante.

Ces jardiniers ayant reconnu que ce sont les vapeurs de la terre qui gèlent les bas, ils appliquent des paillassons par le bas seulement, & le haut se trouve suffisamment garanti par leurs tablettes, & leurs paillassons posés à plat sur les échalats, ou par les planches posées aussi à plat.

On admet dans le jardinage une autre espèce d'auvent fort simple, qui a de grands avantages sur-tout, pour les espaliers. Ce sont des paillassons posés en forme de toit ou de tente, prenant du haut du mur où ils sont attachés ferme à cause des vents, & descendant à peu près vers la moitié de la hauteur du mur. On soutient par en bas ces paillassons avec des perches ou des piquets assez fermes pour résister aux vents. Ils sont tenus à une élévation suffisante pour qu'on puisse aller & venir dessous. On les y laisse ainsi durant les dangers, parce qu'il y y a assez d'air pour que les feuilles, les fleurs & les bourgeons ne s'attendrissent pas. On pose encore ces paillassons de façon qu'on puisse les enlever quand on le veut. (Roger Schabol).




B


BAC. On donne ce nom dans le jardinage à de petits bassins avec un robinet, qui se placent ordinairement dans les potagers.

BAGUE. Les jardiniers désignent sous ce nom les œufs de certaines chenilles, lesquelles sont artistement arrangées l'une près de l'autre, comme de petites perles qui forment des bagues. Ces œufs se tiennent ensemble, & sont collés de façon à ne pouvoir être séparés que par le fer de la serpette. Ils ne sont jamais qu'autour des jeunes bois de la pousse de l'année ; si, faute de les appercevoir, ce qui n'est pas aisé à cause de leur extrême petitesse, on ne les ôte pas, ces œufs venant à éclorre, les vers qui en sortent, dévorent la verdure de l'arbre.

BAHUT ; coffre dont le dessus est arrondi en forme de voûte. On dit qu'une allée, un quarré, une plate-bande sont en dos de bahut, lorsqu'ils sont bombés ou élevés dans le milieu pour faciliter l'écoulement des eaux, & qu'ils vont en diminuant des deux côtés insensiblement.

BAISSER la vigne ; c'est, suivant la pratique de certains cantons, courber en dos de chat les branches de la vigne qu'on a laissées à la taille, & les attacher à une perche liée aux échalas.

BALAI ; instrument d'usage ordinaire, composé d'un long manche de bois, à l'un des bouts duquel est un faisceau de menues branches ou verges de bouleau, de jonc, de genêt, & lié par le haut avec plusieurs liens ou hards. Les balais de jonc servent particulièrement à nettoyer les pieds des chevaux & les roues des voitures : ils sont liés d'une ficelle, & poissés par-dessus le lien, afin que l'eau où on les trempe ne les pourisse pas si aisément.

On fait encore des balais de crins, de plumes, de pannicules de roseaux, qui servent à nettoyer les choses qui demandent à être ménagées.

BANDAGE. Les bandages servent dans le jardinage pour la même fin que dans la chirurgie. Voici dans quelles circonstances un jardinier doit les employer : en voulant tailler une bran-


che, on la fait éclater ou on la tord ; un ouragan casse des branches qui ne sont pas encore tout-à-fait séparées ; des branches surchargées de fruits, sont ou forcées, ou à demi-cassées, ou éclatées. Dans tous ces cas & autres semblables, le jardinier soigneux rapproche habilement & promptement les parties l’une contre l'autre, avant que le hâle les flétrisse ; il met des édifies ou de petits morceaux de bois tout autour, de peur que la ligature n'offense l’écorce, ou s'il n'en a pas besoin, il enveloppe & garnit avec quelques chiffons la branche ; mais auparavant, tandis que quelqu'un tient la branche bien en état & les parties soigneusement rapprochées, le jardinier met autour de la plaie un enduit de bouze de vache un peu épais, sur lequel il applique ensuite son chiffon & ses éclisses, faisant un bandage ferme avec de l'osier ou de la corde un peu grosse. Ensuite, afin que la secousse des vents & quelqu'autre accident ne puisse rien déranger, on met une fourche de bois ou quelque support auquel on attache la branche malade. Par ce moyen, la branche reprend ; il se fait un bourlet ou cicatrice à la plaie, & la branche porte des fruits comme s'il ne lui était rien arrivé. (Roger Schabol.)

BANNE ; voiture faite en tombereau, dont le fond est fermé par des trappes qui s'ouvrent & tombent quand on veut vuider la banne. On sent l'usage & l'utilité de ces sortes de voitures dans les travaux de la campagne.

BANQUETTE. On donne ce nom à une palissade tondue à hauteur d'appui. On y laisse quelquefois échapper des boules de distance en distance.

BAQUET ; vaisseau de bois rond, quarré ou oblong, dans lequel les jardiniers sèment quelques graines particulières. Les plus communs font ronds, & font proprement la moitié d'un muid ou d'un demi-muid scié en deux. On en fait aussi faire exprès par un tonnelier, à-peu-près de la même figure, et on y emploie des douves, des cerceaux et de l'osier. On donne à ces baquets le nom de bailles dans les provinces maritimes.

BARATTE ; Vaisseau fait de douves ou d'un tronçon d'arbre, plus étroit par le haut que par le bas, qui sert à battre la crème pour faire le beurre.

Au-dessus de la baratte est une sebille trouée, qui lui sert comme de couvercle, par le trou de laquelle passe le bâton ou manche du batbeurre. Ce bat-beurre est souvent un cylindre de bois, peu épais, percé de plusieurs trous, & emmanché de champ au bout d'un bâton. Les trous du cylindre font faits pour donner passage au lait de beurre, à mesure que le beurre s'avance. En d'autres endroits, le bat-beurre n'est composé que d'un long bâton ordinaire, qui est arrêté debout dans un petit ais quarré, lequel a environ un pouce d'épaisseur, & ni, l'un ni l'autre ne sont percés de trous.

Voyez planche XXXII et son explication.

BARBARE ou exotique (Plante).

On appelle ainsi toutes plantes d'outremer ou étrangères. Ces sortes de plantes sont censées barbares à notre égard, parce qu'elles semblent ne vouloir point se familiariser ou se naturaliser parmi nous, ni avec les autres plantes de notre climat, & qu'on ne les y conserve que par des soins particuliers et par industrie. Cependant il est quantité d'arbres, d'arbrisseaux, que les curieux ont fait venir des pays les plus éloignés, & qui trouvent maintenant leur place dans nos bosquets, où ils conservent toujours un air sauvage qui les fait rechercher.

BARBADES. Il y a des endroits où l'on appelle ainsi ce qu'ailleurs on nomme des marcottes.

BARD à caisse, est l'instrument sur lequel on a pratiqué dans son milieu une caisse pour transporter terre, terreau, gazons, même plantes en flottes, &c.

BARDOUBARRE ; cet instrument à l'usage des agriculteurs, est une espèce de civière qui a quarré manches, servant à porter des fardeaux. Il est composé de deux sortes de brancards, avec plusieurs traverses à jour dans le milieu. Deux hommes prenant chacun deux manches, transportent ainsi du fumier & autres objets.

BARRE ; (planter à la) c'est faire un trou avec une cheville de fer, pour y introduire une bouture. On plante ainsi les plantards de saule, de peuplier & de vigne. Il y a des endroits où cette barre tient lieu de plantoir ou de la cheville qu'on emploie pour les légumes. Cette manière de planter se nomme aussi planter à la friche.

BASSE-COUR ; c'est dans une ferme l’endroit destiné au logement & à l'entretien des differens animaux qu'on éleve pour le besoin, ou dont on tire des services pour l'exploitation des


terres. Il y a à cet effet dans une basse-cour differens petits bâtimens dont on trouvera ci-après la description, avec quelques détails. Voyez planche XXXI et son explication.

BASSIN ; c'est, dans l'agriculture, tout endroit plus bas que la terre qui avoisine, soit qu'on le pratique exprès, soit autrement.

Faire un bassin autour d'un arbre ; c'est creuser la terre de quelques pouces de profondeur, & à une certaine dislance de la souche, pour en dégager une greffe enterrée.

Tout bassin, dit Roger Schabol, doit être tiré de long tout autour de l'arbre, si l’on veut qu'il ne se rebouche pas en peu de tems. La plupart font des bassins de la grandeur de la, forme d'un chapeau. Il en doit être de même pour les bassins qu'on fait pour arroser & fumer les arbres, si l’on veut que le fumier & l'eau fassent leur effet, & arrivent jusqu'aux racines ; mais au lieu de faire un bassin autour du tronc qui ne perde pas, ou que faiblement, on doit laisser une motte autour, & en-deçà de cette motte, à l’endroit où les racines pompent, il faut creuser pour y déposer l'eau et le fumier.

Les jardiniers forment en rond autour des fleurs qu'ils veulent arroser, un creux pour y verser de l'eau.

Bassin d'eau ; c'est dans un jardin un espace creusé en terre, de figure ronde, ou ovale, ou quarrée, ou à pans, revêtu de pierre, de pavé ou de plomb, et bordé det gazon, de pierre ou de marbre, destiné à recevoir l'eau d'un jet, ou à servir de réservoir pour arroser.

Il faut également éviter de faire un bassin trop grand ou trop petit. Ce seroit un défaut que d'y employer une partie considérable d'un petit terrain, ou de faire un trop petit bassin quand on a beaucoup de place. Quand il y a un jet-d'eau, le bassin doit être assez grand pour que le jet n'en mouille ni l’allée voisine, ni même les bords du bassin. La profondeur commune est de deux à trois pieds : elle est suffisante pour empêcher que la gelée n'attaque le fond & pour plonger les arrosoirs. Les bassins s'enduisent d'argille, de ciment ou de plomb.

Bassin de décharge, est l’endroit le plus bas d'un jardin, un canal ou pièce d'eau où se déchargent toutes les eaux après le jeu des fontaines, et d'où elles se rendent ensuite par quelque ruisseau ou rigole dans la plus prochaine rivière.

BASSINER ; parmi les jardiniers est la même chose qu’arroser légèrement. Ainsi on dit bassiner une couche, pour dire l’arroser médiocrement, & y verser en petite quantité l’eau de l’arrosoir en passant.

BATARD. Ce mot est opposé à franc, & se dit de toute plante sauvage ou qui n’est point cultivée. On nomme aussi bâtards les fruits qui ne sont pas de la véritable espèce dont ils portent le nom. Telle est la reinette bâtarde.

Un arbre bâtard est un arbre dont la tige est plus haute que celle d’un nain, et moins haute que celle d’un arbre de demi-tige. On peut planter les potagers avec ces sortes d’arbres. Le labour en est plus facile ; le fruit du bas est plus aéré, & l’ombre qu’ils portent est moins étendue & moins considérable.

BATARDEAU ; ouvrage de charpenterie construit dans l’eau avec deux fortes cloisons d’ais soutenus de pieux, entre lesquelles est un massif de terre glaise qui défend l’entrée de l’eau dans l’espace ou l’on veut fonder à sec.

BATARDIERE ou pépinière. On appelle ainsi un endroit du jardin où l’on place près à près des arbres tout greffés, pour y recourir au besoin. La bâtardière fournit aussi des arbres de diverses formes, et propres à regarnir les places vacantes d’un jardin. Parmi ces arbres greffés il y en a qui font disposés en buisson, d’autres en éventail, & qui font tout de suite leur effet quand on les transplante pour garnir des vides.

BATTE à bras ; instrument de jardinage. (Voyez pl. XXIII, fig. 1). C’est un maillet de bois long, épais d’un pied et demi, large de huit à neuf pouces, & emmanché diagonalement par le milieu. On s’en sert pour applanir les allées, & pour plaquer du gazon.

Batte à main ; elle est plus petite que la batte à bras ; elle ressemble assez à un battoir de lessive (Voyez pl. XXIII, fig. 1. Cet instrument est principalement employé pour plaquer les enroulemens de gazon & les bordures des bassins.

BATTEUR EN GRANGE ; c’est à la campagne l’ouvrier ou l’homme de journée qui frappe le bled avec un fléau pour faire sortir le grain de l’épi. (Voyez pl. XVI).

L’art, si simple en apparence, de séparer le grain de l’épi a été, pour les hommes, le sujet de bien des réflexions & d’un grand nombre d’expériences. La pratique la plus usitée dans l’antiquité, étoit de préparer en plein air une place en battant bien la terre, d’y répandre ensuite les gerbes, & de les faire fouler par des bœufs ou par d’autres animaux, qu’on faisoit passer & repasser dessus plusieurs fois. On se servoit aussi de grosses planches hérissées de chevilles ou de cailloux pointus, qu’on traînoit sur les gerbes ; c’est encore la méthode dont on se sert en Turquie : on étend les épis dans une grande place, on les dispose de façon qu’is forment un grand cercle, afin qu’on puisse passer également partout, que le bled sorte, & que la paille soit bien moulue ; pour cet effet, on a soin de retourner la couche de bled qui est fort épaisse, avec deux planches, longues de cinq pieds, larges d’un pied & demi, épaisies de trois pouces, terminées d’un côté en angle aigu, & attachées à un attelage de chevaux ou de bœufs : on enfonce dans ces planches une grande quantité de petits cailloux tranchans ; on étend cette espèce de herse sur la paille, on la charge d’une grosse pierre qui sert de siège à celui qui tient les guides d’une main, & un fouet de l’autre pour diriger ces animaux ; il se promène ainsi tout le jour, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, jusqu’à ce que la paille soit bien hachée, & que les épis soient dépouillés de leurs grains. Après cette opération, on jette le tout en l’air, le grain va s’accumuler en monceau à quelques pas de là ; & la paille hachée, emportée par le vent, va former un autre tas un peu plus loin. Cette paille ainsi hachée est excellente pour la nourriture des bestiaux, & se vend beaucoup mieux que la paille entière. Enfin on a imaginé de froisser les épis par le moyen de voitures pesantes, telles que les charriots, les traîneaux : en Italie & en Gascogne on suit cette méthode. A la Chine, la manière de battre le bled est de faire passer sur les épis un rouleau de marbre brut. Toutes ces pratiques subsistent encore aujourd’hui dans la plupart des pays chauds.

Parmi nous, la manière la plus ordinaire est de battre le bled au fléau. Le Batteur en grange bat le bled en hiver sur l’aire de la grange ; il range les gerbes par terre, en mettant les épis les uns contre les autres, & frappe le bled à grands coups de fléau, instrument très-simple, qui n’est qu’un long morceau de bois, au bout duquel est attaché, avec une forte courroie, un morceau de bois plus court, mais qui conserve toute sa mobilité : c’est à l’aide de ce petit morceau de bois qui reçoit le mouvement qu’on lui imprime en haussant & en baissant le fléau, que l’on sépare le bled de son épi, en retournant plusieurs fois les différentes poignées de chaque gerbe : par cette méthode, on détache très-bien les grains sans les écraser.

Quelque bons que soient tous ces procédés, ils sont cependant un peu longs, & comme tout ce qui tend à abréger la main-d’œuvre doit être précieux à la société, nous allons donner le détail d’une machine avec laquelle on peut battre plus de bled en un jour, sans qu'il reste un seul grain dans les épis, que quarante hommes ne sauroient en battre dans leur journée, en suivant les méthodes ordinaires.

On construit un hangard, plus ou moins grand, dans un emplacement plat & commode, sur le bord d'une rivière ou d'un ruisseau, pour y former un canal ; on affermit le terrain où l’on veut établir la machine, & on l’unit de façon que la caisse du bled roule à plomb ; & afin que les roulettes qui la supportent ne puissent pas tracer sur le terrein des ornières trop profondes, on y met des plateaux en dessous. On plante ensuite deux piliers qui servent de pivots à un grand rouleau, dont la grandeur & le diamètre doivent être relatifs à l'étendue qu'on veut donner à la caisse ; on attache à ce rouleau plusieurs rangs de chevilles de bois ou de dents.

A un de ses bouts, qui est au-delà du pilier qui le soutient, ce rouleau a un petit lanternon qui s'engrène dans les dents d'une roue à éperon, que l’on a attachée à l'arbre de la grande roue à gourgolles, lorsqu'on peut avoir une chute d'eau ; ou à aubes ou palettes, qui sont des planches fixées à la circonférence de la roue, lorsqu'elle est placée dans le lit de la rivière, ou enfin à couronne, c'est-à-dire, dont les dents sont posées verticalement, lorsque ce sont des hommes ou des chevaux qui la tournent : dans quelque position qu'elle soit, il est aisé d'en arrêter le mouvement quand on le juge à propos.

La caisse ou plate-forme, sur laquelle le bled est étendu, doit être plus longue que large, avoir des bords d'un demi-pied de hauteur tout autour, afin que le grain ne puisse pas en sortir ; être soulevée par quatre rangs de roulettes qui servent à la faire aller & venir légèrement sur le plancher qui doit être deux fois plus long que la plate-forme. Les piliers qui soutiennent le rouleau, sont placés exactement à la moitié de la longueur du sol ou plancher, pour empêcher la caisse de s'en écarter, lui servir de borne, & la tenir toujours sous le rouleau, de façon qu'en avançant une fois, & en retournant au point où elle est partie, les épis sont parfaitement dépouillés, parce qu'il n'y en a aucun qui n'ait reçu un grand nombre de coup de fléaux, que le rouleau fait élever avec ses dents, & ensuite retomber. Plus les dents de la grande roue à couronne sont serrées, plus le jeu du rouleau est égal. Les chevilles dont il est garni dans sa circonférence, s'accrochent en passant à tous les battoirs ou fléaux, elles les soulèvent sans cesse & les relâchent ; en retombant, ils frappent les épis qui, lorsqu'ils font secs, se dépouillent sans peine de leurs grains par les coups successifs qu'ils reçoivent. Ces fléaux ne sortent jamais de leur place, & ne peuvent point se déranger, parce


qu'ils sont assez près & assez ferrés pour ne pouvoir pas se croiser les uns sur les autres. Lorsqu'ils s'élèvent ou qu'ils retombent, le liteau qui traverse la caisse, & auquel ils sont suspendus avec une corde, ne les laisse jamais sorrir du point où ils doivent être, soit en s'élevant, soir en tombant, parce qu'un boulon de fer les traverse & les unit tous. De cette manière de procéder, on ne perd pas un instant ; les hommes ou les chevaux qui ont servi à faire aller la machine, prennent haleine & se reposent pendant qu'on remet de nouvelles gerbes. Ces fléaux sont mis sur une barre de fer qui traverse la caisse, & qui tient à deux autres piliers, distants des premiers de la longueur des fléaux qui sont courbes des deux côtés, afin qu'en portant sur la barre de fer, & en s'engrenant aux dents du rouleau, ils tombent à plat sur la paille.

La plate-forme est mise en mouvement par une manette destinée à guider une barre ou pièce de bois qui entre à chaque bout dans l'un des crans de la roue à crochet, qui est arrêtée à chaque dent par un cliquet ou ressort, de façon que les épis vont & reviennent successivement sous les fléaux. Ce cliquet arrête la plate-forme, lorsque la branche se retire pour venir reprendre la dent suivante. L'arbre de la roue à crochet traverse le sol ; on y entortille une corde aussi longue que la caisse à laquelle elle est attachée : à mesure que la roue à crochet tourne, la corde se roule dans son arbre, & tire nécessairement la caisse, jusqu'à ce qu'elle le touche ; alors on ôte le cliquet, on sort de la manivelle la branche de bois ou de fer avec une fourche, on pose une autre branche & un autre cliquet sur la roue à crochet qui est du côté opposé de la caisse ; la corde s'entortille de nouveau à l'arbre dans un sens différent, & par ce moyen elle est obligée de revenir à l’endroit d'où elle étoit partie ; après son retour, on arrête la roue pour donner le temps d'enlever la paille & de mettre d'autres gerbes.

Cette opération est si prompte qu'on bat, au moyen de cette machine, quatre paillées pendant le temps que huit hommes en feroient une ; & comme les batteurs ne peuvent en faire tout au plus que huit par jour, on en gagnerait vingt-quatre de plus, sans compter celles qu'on seroit pendant le temps qu'ils prennent leur repas ou qu'ils se reposent ; ainsi on auroit au moins par jour trente paillées de plus.

Quel avantage n'en résulteroit-il pas pour les fermiers qui sont souvent obligés d'attendre longtemps pour faire battre leurs bleds, parce que les batteurs sont rares ou qu'ils sont occupés à achever de lever leur récolte ! Une ou deux de ces machines suffiroient pour toutes les fermes qui dépendent d'un village ; il en coûteroit beaucoup moins de frais ; le bled seroit plus net, n'y ayant ni terre ni gravier, inconvénient qu'on ne peut éviter en battant les bleds dans des aires, parce que les coups redoublés des fléaux en font toujours sortir de la terre, du graviers ou un sable très-fin qui s'incorpore avec le grain, & se mêle si bien avec la farine, quand on le fait moudre, qu'il n'est pas possible de l'en séparer au blutoir, ce qui rend la farine graveleuse, & ce qui doit altérer la santé.

Quoiqu'au premier aspect cette machine paroisse devenir inutile pendant plus des trois quarts de l'année par le défaut d'exercice, on peut cependant en tirer parti en y mettant à côté un moulin à moudre du bled, que le même courant d'eau feroit aller. Pour cet effet, il n'y a qu'à substituer à la grande roue une roue à couronne dont les dents s'engrènent dans le lanternon du rouleau, & une autre roue à couronne qui tourne horizontalement, & s'engrène de même audit lanternon. Un cheval, attaché au bris qui tient à cette roue, peut la faire tourner, ou, a défaut d'un cheval, deux hommes la feront mouvoir en poussant ce même bras.

Lorsque les grains sont séparés de leurs épis, le batteur les met dans une espèce de grande corbeille d'osier, de forme semi-circulaire, qui n'a point de rebord d'un côté, & à laquelle, de l'autre côté, sont attachées deux mains aussi d'osier ; cette corbeille se nomme le van : il met dedans une certaine quantité de bled, & se tenant debout, il imprime à ce van qu'il pose sur ses genoux, & qu'il agite par le mouvement de ses bras & de son corps, une sorte de mouvement circulaire qui fait rapprocher d'un des bords, à raison de la force centrifuge, les enveloppes du grain & toutes les matières étrangères les plus légères, qu'il sépare & rejette avec la main. Ce van demande une certaine adresse pour être bien manié.

L'ancienne manière de vanner le bled pour le nettoyer, & qui subsiste encore aujourd'hui en Italie & dans plusieurs pays chauds, consistoit à avoir une pelle de bois, à jetter en l’air le grain mêlé avec la paille, & à se placer de manière que le vent emportât la paille.

Lorsque le bled est bien nettoyé, avant de le porter au grenier, il le mesure dans une espèce de seau que l’on nomme minot, de hauteur & de largeur toujours constantes dans chaque pays, & dont un certain nombre donne la mesure qu'on nomme le septier.

BATTRE la terre.

C'est, avec un outil de bois épais et plat qui est au bout d'un manche, donner de grands coups dessus la terre pour la faire enfoncer, & la rendre ferme &


dure. Cela se pratique d'ordinaire pour les allées qu'on veut sabler.

On bat la terre en la rendant plus dure, à force de piétiner dessus. Il faut battre la terre, quand les grandes pluies ou les pluies d'orage plombent sa superficie ; mais auparavant on doit la labourer ou la biner.

Battre les gerbes. Lorsqu'il y a beaucoup d'herbes, dans le bled, on fait battre à demi les gerbes sans les délier. De cette façon on a le grain le plus mûr & le mieux conditionné, & peu de mauvaises graines, d'autant que les herbes plus courtes que le bled se trouvent ordinairement au bas de la gerbe.

Il faut battre le froment par un tems sec, & sur-tout quand il gele.

BÊCHE ; instrument de fer quarré & tranchant, dont on se sert pour remuer la terre. (Voyez planche XXII, fig. 5.) La bêche se termine en un fer plat & battu, haut d'environ neuf pouces, & large de sept à huit. Ce fer a par en haut une douille pour y adapter un manche de bois droit et robuste. Le laboureur enfonce la bêche dans la rerre en pesant fortement avec le pied sur les angles saillans du fer. Il se sert du plat pour retourner & rejeter la terre qu'il a enlevée, & qu'il façonne ensuite en la remuant avec le taillant.

Comme il est très-important de connaître les différentes espèces de bêches qui servent à remuer la terre, nous allons en donner la description & les meilleures formes d'après le Manuel du Jardinier.

I. La bêche ordinaire.

Trois objets concourent à sa formation : 1°. la main ; 2°. le manche & la partie en bois de la pelle ; 3°. le fer ou tranchant qui forme avec le bois la pelle toute entière.

La longueur du manche est ordinairement de deux pieds quatre pouces. Il peut être raccourci d'un à deux pouces, ou allongé sur les mêmes proportions, relativement à la personne qui travaille. Ce manche a depuis douze jusqu'à treize lignes de diamètre. Il forme une même piece de bois.

La main est une autre pièce qu'on ajoute ensuite. Dans le milieu une mortoise est pratiquée pour recevoir l'extrémité du manche, coupée en proportion de la largeur & de la profondeur de la mortoise ; il faut que cette portion du manche, enfoncée dans la mortoise, soit de niveau & affleure la partie supérieure de la main, afin qu'il ne reste ni prééminence, ni creux, ce qui fatigueroit le dedans de la main de l'ouvrier. Une cheville d'un bois dur donne de la solidité, & fixe ensemble la main & le manche. Quelques personnes en mettent deux, & l’ouvrage est plus solide.

L'extrémité inférieure du manche, c'est-à-dire, Ce qui fait partie de la pelle, a depuis huit jusqu'à dix lignes d'épaisseur, sur une largeur de sept à huit pouces. Elle est lisse & platte sur les côtés, & taillée en coupant dans toute la partie inférieure, afin qu'elle puisse s'adapter juste à la rainure ou ente formée dans la tranche. La pelle de bois ainsi préparée, & entrée jusqu'au fond de la gorge ou rainure, on fixe le tranchant contre le bois, au moyen des clous plantés à un pouce près les uns des autres sur les bandes de fer. Ces bandes ont deux lignes d'épaisseur, & leur largeur suit celle du bois, de sorte que la bêche toute emmanchée présente une espèce de coin de huit à neuf pouces de largeur dans la partie supérieure, de sept à huit pouces dans l’inférieure, sur une hauteur de 10 à 12 pouces. L'épaisseur du bois, recouvert de la bande de fer, est d'un pouce, & le bois et le fer vont en diminuant insensiblement jusqu'à l’endroit où le fer n'a plus qu'une demi-ligne d'épaisseur.

II. La bêche poncins.

On l’appelle ainsi du nom de Poncins qui l’a fait exécuter, & s'en servait habituellement. C'est la même que la précédente, quant au fond, mais non pas pour les proportions. Afin de la distinguer de la suivante, nous l’appellerons petite poncins.

La petite poncins a sa pelle de dix-huit pouces de hauteur, sept pouces de large à son sommet, six pouces & demi de large à l’endroit où le bois est incrusté dans le fer ; enfin, de cinq pouces de large au bec de la bêche, ainsi que la petite bêche ; mais la différence essentielle est dans l'épaisseur du fer, dans les reins de la bêche, au-dessous du bois. A cet endroit, dans la bêche commune, le fer n'a pas tout-à-fait six lignes, tandis qu'à celle-ci il en a sept ; ensuite, en descendant jusqu'au bec, le fer doit se soutenir plus épais que dans l'autre bêche ; le bois de celle-ci doit être enté ou incrusté d'un pouce de profondeur dans le fer.

La force dans les reins de cette bêche, & l’enture du bois d'un pouce dans le fer, sont deux précautions sans lesquelles on doit s'attendre à voir beaucoup de grandes bêches brisées, parce que le coup de levier de cet outil étant très-fort, il a besoin d'être plus solidement constitué ; enfin, le manche de cette grande bêche est plus long de deux pouces que celui de la petite.


Le rapport géométrique des surfaces des deux bêches, est, pour celle de dix-huit pouces, de cent dix pouces quarrés, & pour la surface de la bêche d'un pied, il est de quatre-vingt-cinq. Ainsi, en supposant que chaque bêche soulève en raison de sa surface, une tranche de terre de la même épaisseur & de la même pesanteur spécifique, la petite poncins se trouvera chargée, en poids absolu, d'un quart et quelque chose de plus que la bêche ordinaire. Il est prouvé qu'un pionnier de force ordinaire & bien exercé, ne peut soulever à chaque coup de bêche que cinquante livres de terre ; il résulte que c'est douze livres et demi de terre que la petite poncins soulèvera de plus que la bêche ordinaire.

Mais comme la bêche d'un pied pénètre plus facilement en terre que la petite bêche poncins, l’ouvrier coupe des blocs plus épais, & conséquemment soulève aussi pesant, & peut-être plus, que celui qui mène la grande bêche ; ce qui fait qu'à poids égal, la petite poncins est plus lente et pluspénible que l'autre. La raison en est que l’ouvrier est obligé à un coup de levier plus puissant lorsqu'il la ramène seulement d'un pied. Il faut encore qu'il monte la jambe plus haut pour placer le pied sur une si longue bêche ; d'où il suit que, moins les hommes seront grands, moins ils auront d'avantage.

Il paraît résulter de ces observations, que tout l’avantage est pour la bêche ordinaire, & le désavantage pour la petite poncins. Cependant l’inventeur de cette bêche s'est assuré, par une longue suite d'expériences, que le travail de la bêche de dix-huit pouces devance d'un cinquième de tems sur une tranchée celui de la bêche d'un pied, sur deux tranchées, lorsque l’on veut miner un terrain. Voici les raisons qu'il donne de cette différence.

« Le mouvement de la grande bêche n'est qu'à deux tems, & à chaque tems elle ne décrit que dix-huit pouces, en sorte que dans les deux tems elle ne décrit que trois pieds ; au contraire, dans la minée de la bêche d'un pied il y a trois tems, & dans ces trois tems la bêche décrit cinq pieds : ainsi, quelque preste que soit la petite bêche, & quelque lente que soit celle de dix-huit pouces, il n'y a pas plus à s'étonner de voir la grande bêche devancer la petite, que de voir dans la musique la mesure à deux tems plus rapide que la mesure à trois tems. »

III. Grande poncins de deux pieds de hauteur.

Elle pèse huit livres trois quarts, elle a six pouces et demi de large au sommet, cinq pou- ces neuf lignes à l’endroit où le manche est incrusté dans le fer ; enfin, quatre pouces cinq lignes de large au bec de la bêche. Sa superficie est de cent trente-un pouces quarrés, de sorte qu’elle a vingt-un pouces de plus en surface que la petite poncins, & quarante pouces de plus que la bêche d’un pied. Au sommet, joignant le manche, elle a quinze lignes d’épaisseur. Quant aux autres dimensions, & à la solidité depuis le sommet jusqu’aux reins, depuis les reins jusqu’au bec de la bêche, elles sont à-peu-près les mêmes que dans la petite poncins.

IV. Trident, ou triandine, ou truandine.

La bêche pleine ne peut être d’aucun usage dans les terrains pierreux & graveleux : celle-ci, avec ses trois dents de fer, supplée aux trois premières. Toute sa partie inférieure est en fer, sa longueur est de huit pouces, & sa hauteur est de douze pouces. La hauteur de la traverse en haut est d’un pouce, & son épaisseur de huit lignes : c’est la même épaisseur pour les trois branches qui composent le trident, ainsi que la même largeur dans le haut ; mais elles vont en diminuant, & finissent par n’avoir que trois lignes d’équarrissage. Ce trident est garni dans son milieu d’une douille qui fait corps avec lui, & cette douille reçoit le manche. La douille est percée d’un trou par lequel on passe un clou qui traverse le manche, et va répondre au trou pratiqué dans la douille & vis-à-vis ; de cette maniere le manche est solidement fixé.

V. La pelle bêche simple.

Le manche est de trois à quatre pieds de longueur. Plus ce levier est long, cependant proportion gardée, plus on a de force pour jeter au loin la terre qu’on soulève. La pelle est toute en fer, ainsique la douille, dont l’épaisseur va en diminuant. L’épaisseur de la pelle est dans le haut d’une ligne & demie jusqu’à deux lignes ; sa largeur est communément de huit pouces, sur neuf à dix de longueur. Le manche & la pelle sont assujettis ensemble par un clou qui traverse de part en part, & qui est rivé de chaque côté.

Un défaut de cette pelle-bêche, est d’être trop foible à l’endroit où cesse l’épaisseur de la continuation de la douille. C’est là que le fer se casse ordinairement, ou plie s’il est trop doux ; mais à force de plier et d’être redressé, il casse enfin.

Un second défaut de cet outil, c’est d’être trop mince dans la partie supérieure sur laquelle le pied repose, lorsqu’il s’agit de l’enfoncer dans la terre. Ce fer coupe la plante des pieds ; les souliers, même très-forts, ne garantissent pas d’une impression qui devient à la longue douloureuse. C’est pour parer à ces inconvéniens que les cultivateurs des environs de Toulouse, du Lauragais ont imaginé la bêche-pelle suivante.


VI. La bêche-pelle à hoche-pied mobile.

Elle ne diffère en rien de la précédente, sinon par un peu plus de grandeur et de largeur, et sur-tout par-son hoche-pied. La douille de la pelle de fer n’a qu’un seui côté de plein, le reste est vuide : le manche s’ajuste dans cette douille, & sert de côté opposé à la douille, de manière qu’adapté au manche & à la douille, il réunit si exactement l’un & l’autre, qu’ils forment un outil solide. Ce hoche-pied ou support a trois lignes d’épaisseur, un pouce de largeur. Tous les ouvriers ne bêchent pas du même pied ; mais pour parer à cet inconvénient, on peut le tourner à droite ou à gauche, alors il sert à l’un et à l’autre pied. Le même reproche que l’on fait à la bêche-pelle, s’applique à celle-ci : le fer est sujet à casser dans l’endroit où la douille finit ; mais elle a sur elle l’avantage de ne pas blesser la plante du pied de l’ouvrier qui travaille, parce qu’il l’appuie sur le hoche-pied, qui a plus d’un pouce de largeur, et même jusqu’à dix-huit lignes. L’ouvrier peut enfoncer cet outil dans la terre jusqu’à la hauteur du hoche-pied, de sorte qu’il remue la terre à la profondeur de douze à quinze pouces.

VII. La bêche-pelle de Luques.

Elle diffère de la précédente par la manière dont le hoche-pied est placé sur le manche. Quant à la pelle, ainsi que la douille, elles sont de fer. La pointe s’use en travaillant, & s’arrondit ainsi que les angles. La pelle de quelques-unes cependant a la forme des pelles.

VIII. La bêche-lichet simple.

Elle est en usage dans le comtat d’Avignon & dans le Bas-Languedoc. La pelle est composée de deux plaques de fer minces, tranchantes & réunies par le bas, ouvertes par le haut, pour y insinuer un manche contre lequel elles sont clouées. Ce manche, placé dans l’ouverture de la lame, en a toute la largeur ; et pour le reste, il est tout semblable aux autres manches ordinaires, c’est-à-dire, qu’il a environ trois pieds de longueur, & un pouce & demi de diamètre. La largeur de la pelle est de huit à neuf pouces dans le bas, & de douze pouces dans la hauteur. Dans le Bas-Languedoc, on nomme cet instrument lichet.

IX. La bêche-lichet à pied.

Elle est en usage dans le Comtat. Elle diffère simplement de la précédente par le morceau de fer sur lequel l’ouvrier pose le pied pour enfoncer l’outil dans la terre.

Observations.

En général, la manière de se servir des bêches est la même, puisqu'il s'agit de couper une tranche de terre, de la soulever, de retourner le dessus dessous, & si la terre n'est pas émiettée, de la briser avec le plat de la bêche, après en avoir grossièrement séparé les parties par quelques coups du tranchant.

L'ouvrier, suivant la compacité du terrain, prend plus ou moins d'épaisseur dans ses branches ; il présente la partie inférieure sur la terre, en donnant un coup avec ce tranchant ; ensuite mettant le pied sur un des côtés de la partie supérieure de la pelle, tenant le manche des deux mains, il presse, & des mains & du pied, & fait entrer la bêche jusqu'à ce que son pied touche le sol ; la bêche alors est enfoncée à la profondeur de douze pouces. Pour y parvenir, si la terre est dure, sans déplacer son instrument, il le pousse en avant, le retire en arrière successivement, & cet instrument agit comme agiroit un coin ; il détache enfin la portion de terre qu'il veut enlever.

On doit voir, par ce détail, l’avantage réel des 4e, 5e & 6e bêches ci-dessus.

La main dont le manche est armé, sert de point d'appui aux deux bras de l'homme qui travaille. Son corps est porté presque totalement, suivant sa force & sa pesanteur, attendu qu'il ne touche la terre que par le pied opposé, de sorte que l’instrument entre plus facilement, puisque l’effort est plus grand ; au contraire, en se servant des autres bêches, un des points d'appui se trouve, il est vrai, sur le haut de la pelle, mais l'autre n'est pas au sommet du levier, puisque les deux mains de l’homme sont placées, l’une vers le milieu de la hauteur du manche, & l'autre près de son extrémité. Quand même l’une des deux mains seroit placée au sommet, elle n'auroit pas l’avantage qui résulte de la réunion des deux mains de l’homme sur la main ou manette du manche des bêches. On ne sauroit assez apprécier la grande différence occasionnée par cette simple addition.

La bêche, dite lichet-simple, a l’avantage d'avoir un manche plus long, & la grandeur du levier lui donne beaucoup de force pour soulever la terre, & plus de terre, avec facilité ; mais l’avantage de la longueur du levier n'équivaut pas à celui qu'on obtient pour enfoncer la bêche en terre, lorsque son manche est armé d'une main.

La bêche luquoise n'est pas enfoncée en terre presque perpendiculairement comme les précédentes, mais très-obliquement, ce qui est nécessité par la longueur de son manche, & par


la hauteur à laquelle est placé son hoche-pied. Avec les autres bêches, on se contente de retourner la terre, mais avec celle-ci, on la jette à quelques pieds de distance. On commence par ouvrir un fossé de la profondeur d'un pied, sur deux pieds de largeur, à la tête de l'étendue du terrain qu'on se propose de travailler. La terre qu'on retire de ce fossé est transportée sur les endroits les plus bas du champ, ou disséminée sur le champ même : alors, prenant tranches par tranches successives, la terre est jetée dans le fossé, le remplit insensiblement, et il en est ainsi pour toute la terre du champ. On ne peut disconvenir que ce labour ne soit excellent, & la terre parfaitement ameublie à une profondeur convenable.

Un autre avantage que les Luquois retirent de cet instrument, est la facilité pour creuser des fossés, et former des revêtemens ; ils jettent sans peine la terre à la hauteur de huit pieds, et forment avec cette terre un rehaussement sur le bord du fossé, semblable à un mur. C'est avec cet outil que ces cultivateurs laborieux ont rendu le sol de la république de Luques, un des plus productifs & des mieux cultivés de toute l’Italie.

Voici la construction d'une nouvelle bêche, qui réunit de très-grands avantages, car le jardinier peut, à l’aide de cet instrument, faire beaucoup plus d'ouvrage, avec moins de fatigue, & elle peut être sur-tout très-utile, & soulager les vieillards qui, quoique courbés sous les années, cultivent la terre avec plus de courage que de force.

Un agriculteur instruit, considérant le travail pénible des pauvres malheureux qui bêchent la terre, fit réflexion que, dans ce travail, les bras font l’office d'un levier dont les reins sont le point d'appui. Dès ce moment, il imagina de transporter ce point d'appui dansle manche même de la bêche, afin d'épargner à l’ouvrier une peine qu'il ne peut long-temps soutenir, & dont il se ressent toujours, lorsqu'il commence à avancer en âge.

On construit un manche de bêche, dont la partie qui touche au fer, à la longueur de dix à douze pouces, doit être équarrie & percée de trous à un pouce de distance les uns des autres, afin de pouvoir y ajuster un morceau de bois léger, comme de saule, de sapin, ou de tilleul, de la longueur de huit pouces, taillé en mortoise, qu'on assujettira avec une petite clavette de fer ou de bois, & qui servira de support : la partie de ce support qui touche la terre doit avoir trois pouces de large, afin de ne point s'enfoncer en terre, lorsqu'on viendra à peser sur la bêche.

On sent combien cette bêche évite de fatigue ; lorsqu'on l’a enfoncée en terre avec le pied ; il ne s'agit plus que de peser sur le manche de la bêche, dont le support devient alors le point d'appui ; la bêche se lève par ce moyen, sans que les reins fatiguent tant ; & par le maniement ordinaire de la poignée, on jette la terre dans la place où on le juge à propos ; ainsi, le travail est infiniment plus doux, et on peut le soutenir plus long-temps.

A l’aide des trous qu'on a pratiqués au manche de la bêche, on approche ou l’on éloigne le support du fer de la bêche, suivant qu'on sent plus d'aisance, & suivant la grandeur de la personne qui travaille. En se conformant à cette méthode, on peut fabriquer des bêches plus longues, plus larges qu'à l’ordinaire.

Bêche angloise. Instrument très-commode pour fouir les graviers durs, les glaises fortes ou les terres à craies.

On donne seize pouces de long au fer de cet instrument, & quatre ou cinq de large avec une épaisseur proportionnelle. Le manche doit en être très-fort. Voici la manière de s'en servir : commencez par creuser une petite tranchée de dix ou douze pouces de profondeur, & enfoncez à deux ou trois pieds de-là l’instrument dans la terre avec une hie ou massue ; après quoi, deux hommes pèseront sur l'extrémité du manche, & lèveront la terre jusqu'à l’endroit où l’on a creusé la tranchée. Ce moyen est puissant & très-expéditif.

Bêche de la province de Lincoln en Angleterre. On se sert de cette bêche dans les marais de la province de Lincoln : ses bords sont aussi tranchans qu'un couteau, & par conséquent très-propres pour couper les racines des mauvaises herbes, sur-tout dans les endroits où il n'y a pas de pierres. Quelques-unes ont un de leurs côtés tourné, de façon qu'en donnant un coup dans la terre, la tourbe se trouve coupée comme elle doit l’être, de sorte que, lorsque le terrain est marécageux & mou, un homme fait autant d'ouvrage en un jour avec cette bêche, que deux autres avec une bêche ordinaire.

Bêche du comté d'Essex. On se sert dans le comté d'Essex, en Angleterre, d'une bêche dont le fer est très-large ; le manche est enchassé dans une douille où il y a une espèce de fer, pour poser le pied dessus, & que l’on tourne du côté qu'on veut. C'est une des meilleurs dont on puisse se servir pour bêcher les glaises dures et pesantes ; mais elle est trop petite pour les terres légères.

Bêche de la province de Hertforden, en Angleterre. Cette bêche, extrêmement tranchante, a son fer qui se relève en forme de croissant. On


s'en sert particulièrement pour détruire les fourmilières.

BELVEDER. C'est dans l’endroit le plus élevé d'un jardin, une plate-forme soutenue d'un glacis de gazon, ou revêtue d'un mur de terrasse, & souvent ornée d'arbres taillés en berceau, d'où l’on peut jouir d'une belle vue, et du spectacle d'une vaste étendue de la campagne.

BÉQUILLE, instrument de jardinage ; son fer, moins large que celui de la ratissoíre, est recourbé en rond ; le manche est aussi plus court. Cet instrument a pris son nom de ce que jadis au bout de son manche, il y avoit un morceau de bois en travers, posé comme celui qui forme une béquille d'infirme ou de vieillard. Au reste, cette forme de manche est plus embarrassante qu'utile.

BÉQUILLER, biner, serfouir, bêchoter, se dit dans le jardinage, quand on fait un fort petit labour avec une roulette, ou une espèce de béquille, ou avec la serfouette ou la bêche, dans des caisses d'arbrisseaux, ou dans des planches de légumes ou de fleurs.

Cela se fait pour ameublir la terre, lorsqu'elle paroît battue, en sorte que l'eau de pluie ou les arrosemens puissent pénétrer jusqu'au fond de la motte de terre, ou du moins en-dessous de la superficie, pour servir de nourriture aux racines.

BERCEAU. C'est dans un jardin un cabinet ou une espèce de galerie faite de treillage & garnie de verdure. On dresse aussi des allées couvertes en forme de berceaux.

BESOCHE ou PIOCHE. Ces deux instrumens de jardinage sont à-peu-près la même chose, excepté que la besoche est camuse & la pioche est pointue.

BILLIONS (Labourer en). C'est laisser d'un sillon à l'autre, trois ou même seulement deux pieds de distance. Cette pratique est usitée pour les terres les plus sujettes aux inondations. On peut la regarder comme une espèce de labour en planches.

Le laboureur ne trace pas le premier sillon au bord de la pièce ; il commence à deux ou trois pieds au-delà ; puis il en ouvre un autre en deça, lequel remplit ce premier sillon. Ensuite il tourne en former un troisième de l'autre côté du premier, sur lequel il renverse encore la terre de ce troisième ; c'est ce qui fait le milieu de la planche : après quoi, il continue à labourer en tournant du troisième sillon auprès du second ; puis retournant vers le troisième, de-là près du quatrième, & ainsi successivement, & la planche se trouvant formée de cette manière, est bordée de deux sillons.

D’autres labourent à plat toute la terre avec la charrue à versoir ; &, quand le champ est ensemencé & hersé, ils font, de distance en distance, des raies qui forment les planches ; mais par cette méthode, on forme au bord des planches une petite élévation qui, joint à ce que les planches sont plates, fait que l’eau s’en écoule moins bien.

Comme le but de ces sillons est d’égouter les eaux, il faut les diriger suivant la pente du champ qu’on laboure, afin que l’eau s’écoule plus promptement.

Quand on veut labourer par billons dans les terres sablonneuses, on laboure quelquefois la terre à plat, on la sème & on enterre le grain avec la herse ; puis on forme à deux pieds les uns des autres, de profonds sillons avec une charrue faite exprès qu’on nomme charrue à billonner. Elle n’a point de coûtre, mais un soc long & étroit, avec deux grands versoirs fort évasés du manche de la charrue, & échancrés en dessous ; de sorte que cette charrue fait par sa pointe un coin qui ouvre la terre, le milieu des versoirs la renverse sur les côtés, & leur extrémité la plus évasée, qui est échancrée, applanit cette terre, ce qui donne au billon une forme de dos-d’âne très-régulière. Mais cette facon de labourer n’est praticable que dans les sables ; une telle charrue corroyeroit une terre argiieuse, dans laquelle ce soc auroit même de la peine à s’ouvrir un passage.

BINAGE ; c’est un labour superficiel. On dit en général donner un binage, pour signifier un léger labour.

BINARD ; espèce de grand charriot dont les quatre roues sont égales, & qui a un plancher sur lequel on met des charges fort pesantes.

BINER ; c’est labourer superficiellement les plantes ou les plate-bandes avec la binette ; ce qui ne se pratique que lorsqu’elles ont été labourées foncièrement.

On entend aussi par biner, donner le second labour aux terres à bled durant l’année de jachère. Si la première façon n’a été donnée qu’après l’hiver, on bine six semaines ou un mois après. Au reste, l’on avance ou diffère ce travail, selon la température de l’air ou la force des terres.

BINETTE ; petite pioche, instrument de jardinage, composé d’un côté de deux pointes de


fer ou fourches un peu recourbées, & de l’autre d’un fer plat, large, & coupant d’environ deux pouces par le bas. Ces deux parties sont jointes par un œillet qui sert à tenir le manche de l’outil. On se sert de la binette pour labourer légèrement de menues plantes.

BISANNUEL. On donne ce nom aux plantes qui poussent leurs premières feuilles avant l’hiver, qui ne montent en graine que l’année suivante, & ne meurent qu’après s’être resemées. Telle est l’angelique des jardins.

BLANC. On nomme ainsi une espèce de lèpre qui se communique aux feuilles, aux rameaux, & même aux fruits de quantité d’arbres & de plantes. Cette maladie des végétaux se nomme aussi meunier, à cause de sa blancheur. Elle les rend tout blancs & les couvre d’une matière cotoneufe qui arrête leur transpiration. Les melons, les concombres, parmi les plantes potagères ; & le pêcher, parmi les arbres fruitiers, sont les plus sujets à cette maladie.

Blanc. Ce terme se dit aussi de petits filamens blancs qu’on trouve par couche sur les mottes de fumier chenci, & qui sont la matière ou la matrice des champignons. C’est pourquoi on insère ces filamens blancs dans les couches à champignons.

BŒUF. Voyez Animaux propres au labour.

Voyez aussi Accoupler les bœufs.

Bœuf. Cet animal peut être considéré comme un des instrumens de labour. Un bon bœuf pour la charrue doit être jeune, ni trop gras, ni trop maigre ; avoir la tête courte & ramassée, de grandes oreilles bien velues & très-unies, les cornes de moyenne grandeur, mais fortes & luisantes, le front large, les yeux gros & noirs, le mufle gros & camus, les naseaux bien ouverts, les dents blanches & égales, les lèvres noires, le cou charnu, de grosses & pesantes épaules, la poitrine large, le fanon pendant jusques sur les genoux, les reins fort larges, le ventre spacieux & tombant, les flancs grands, les hanches longues, la croupe épaisse, les jambes & les cuisses grosses & nerveuses, le dos droit & plein, la queue pendante jusqu’à terre & garnie de poils fins & touffus ; les pieds fermes, le cuir épais & souple, les muscles élevés, l’ongle court & large.

Il faut qu’il soit sensible à l’aiguillon, obéissant à la voix & bien dressé.

Si l’on achète des bœufs qui soient accoutumés à la charrue, on s’épargnera la peine de les y réduire ; mais ce n’est que peu-à-peu, & en s’apprenant prenant de bonne heure, qu'on les accoutume à porter volontiers le joug & se laisser conduire aisément. Dès l'âge de deux ans & demi, ou trois ans au plus tard, il faut commencer à les apprivoiser & subjuguer. Si l'en attend davantage, ils deviennent indociles & souvent indomptables. La patience, la douceur, les caresses mêmes sont les seuls moyens qu'il faille employer. La force & les mauvais traitemens ne serviroient qu'à rebuter pour toujours cet animal. Il faut donc lui frotter le corps, le flatter, lui donner de tems en tems de l'orge bouilli, des fèves concassées, & d'autres nourritures semblables, dont il est le plus friand, & toujours avec du sel qu'il aime beaucoup. En même tems, on lui liera souvent les cornes ; quelques jours après on lui mettra le joug ; une autre fois on l’attachera à la charrue avec un autre bœuf de même taille & qui sera tout dressé ; on les attachera ensemble à la mangeoire ; on les mènera de même au pâturage, afin qu'ils se connoissent & s'habituent à n'avoir que des mouvemens communs. On n'emploiera jamais l’aiguillon dans les commencemens ; il ne servirait qu'à rendre le bœuf plus intraitable. Il faudra aussi le ménager, & ne le faire travailler qu'à petites reprises, car il fatigue beaucoup jusqu'à ce qu'il soit entièrement dressé ; & par cette même raison, on doit lui donner alors plus à manger que dans les autres tems.

Ce que l’on dit ici des bœufs doit pareillement s'entendre des vaches qu'on veut accoutumer à la charrue, car il n'y a de force que du plus au moins ; pour le reste, c'est la même nature qu'on a à gouverner, la même taille & les mêmes poils qu'on doit choisir.

Il faut assortir la vache autant qu'il est possible avec un bœuf de sa taille & de sa force, ou avec une autre vache, pour conserver l’égalité du trait & maintenir le soc en équilibre.

En été, c'est-à-dire depuis le mois de mai jusqu'en septembre, les bœufs vont deux fois par jour à la charrue. Comme la grande chaleur les incommode, il faut les conduire au travail dès la pointe du jour, jusqu'à neuf heures du matin qu'on les ramènera à l'étable pour les faire repaître & prendre du repos ; ou bien on les laissera pâturer à l’ombre jusques vers les deux heures qu'on les ramené à la maison pour leur donner du son ou de l’avoine. Puis on retourne à la charrue jusqu'à sept heures au printems ; en hiver & dans l’automne, on peut les faire travailler sans interruption depuis huit ou neuf heures du matin jusqu'à cinq ou six du soir.

Dans le tems où le bœuf ne travaills pas, il suffit de le nourrir de paille & d'un peu de foin ; mais quand il travaille, on doit lui donner beaucoup plus de foin que de paille. En été, si on


manque de foin, on le nourrira d'herbe fraîchement coupée.

BOISSEAU ; mesure de divers corps secs, tels que les grains, la farine, les graines, la cendre, le charbon, le sel, plusieurs fruits.

Le boisseau varie beaucoup suivant les lieux.

BOMBÉ ; élevé en dos de bahut. On a soin que les plate-bandes & les allées d'un jardin soient bombées, ou plus exhaussées dans le milieu que sur les côtés, tant pour l’écoulement des eaux que pour la grâce de cette forme.

BORDER. En terme de jardinage, c'est battre avec le dos de la bêche le bord d'une planche ou d'une plate-bande, le long de laquelle on tend un cordeau pour l’alligner en la labourant, afin que la terre ne se répande point dans l’allée, & que les eaux des pluies & des arrosemens ne puissent se perdre.

Border une plate-bande, un parterre ; c'est élever au pourtour différentes plantes, du buis, ou même des planches pour contenir la terre & les eaux.

BORDURES. C'est, dans le jardinage, ce qui limite les allées, les planches, les quarrés du jardin. Les bordures les plus communes sont celles de buis. On fait aussi des bordures avec toutes sortes de plantes qui montent peu ; entr'autres, le thim, l’hyssope, la sauge, la lavande, & autres herbes odoriférantes ; on en fait pareillement avec le persil, l’oseille, les fraisiers.

Maintenant on est assez dans l'usage de faire des bordures de parterre avec des planches de bois de chêne, épaisses d'un pouce, & qu'on retient avec de petits avant-pieux enfoncés en terre. On laisse ces planches saillantes de quelques pouces de plus que la terre. On leur donne une couleur comme le vert.

On fait tout simplement des bordures en élevant la terre le long des planches & quarrés du jardin, & en raffermissant avec le dos de la bêche.

BORNER. C'est resserrer un talus, un tapis de verdure dans une étendue limitée. On tend un cordeau au pourtour, & on coupe avec la bêche tout ce qui excède l’alignement circonscrit.

BOSQUET. C'est une espace de terrain garni d'arbres à plein vent, non fruitiers, d'arbrisseaux, d'arbustes, de diverses plantes & de palissades régulièrement tondues, & de charmilles par compartiment, où l’on pratique des allées. Ces compartimens sont susceptibles d'ornemens & de distributions variées.

BOUILLON. C'est dans le jardinage une eau qui a fermenté pendant quelque tems avec différentes matières onctueuses, humectantes & corroborantes, pour servir ensuire à la guérison des végétaux. Voici la recette de ce bouillon, suivant Roger Schabol.

Prendre pour un seul bouillon une couple de sceaux d'eau, & les mettre dans un baquet, y jeter ce qui suit :

Crottin de cheval, la valeur d'un demi-boisseau, lequel mis en miette avec les mains & pulvérisé.

Crottin de mouton pulvérisé aussi, plein les deux mains.

Bouze de vache, environ un demi-boisseau, laquelle bien délayée aussi avec les mains ; terreau gras & vif de couche, la valeur d'un demi-boisseau.

Par terreau gras & vif, on entend celui qui n'a point été évaporé pour avoir été long-tems à l’air, au hâle, & délayé par les pluies, mais nouvellement amoncelé & mis en un tas, quand on a brisé les vieilles couches.

On doit commencer par bien battre & mêler le tout ensemble, puis le jeter dans le baquet, & avec les mains bien délayer. Il faut faire un bassin autour d'un arbre, non pas autour du tronc, dont la fonction principale n'est pas de pomper, mais de recevoir & de contenir les sucs ; faire ce bassin en-deçà, environ à six, sept & huit pouces du tronc, ôtant la terre jusqu'aux premières racines, & verser le tout dans la jauge ; & comme au fond du baquet il en reste toujours, le bien nettoyer avec les mains, & répandre le tout dans la jauge.

Quand l’imbibition est faite, remettre la terre afin que rien ne s'évapore.

Faire le semblable à tout ce qui en a besoin, arbres, arbustes, plantes en caisses & en pots.

Réitérer si un premier bouillon ne suffit pas ; ce qui est fort rare.

Le même a lieu pour les orangers malades.

Voilà pour un arbre : si l’on a besoin de soigner un certain nombre d'arbres, on augmente en conséquence la dose de chaque ingrédient, & l’on bat le tout ensemble avec divers outils. Cette recette ne peut rien sur les arbres épuisés & ruinés ; mais elle est efficace & très-salutaire pour une quantité de plantes & d'arbres, comme la jaunisse, le blanc ou le meunier aux pêchers,


pour les accidens causés par la clogue ou les mauvais vents.

BOULES. (arbres en)

On nomme ainsi certains arbres tondus & taillés en forme ronde. Il faut avoir soin que la boule soit dans le milieu de la tige. Si elle vient à pencher plus d'un côté que de l'autre, on la reprend sur le vieux bois à la chute des feuilles.

BOULINGRIN. On donne ce nom en France à une espèce de parterre de gazon renfoncé, ayant des bordures en glacis. Il y a de deux sortes de boulingrins ; de simples, faits en gazon & dénués d'ornemens ; de composés, qui ont des arbrisseaux, des plate-bandes, avec des compartimens & des borderies.

BOUQUET ; nom qu'on donne à un bois de peu d'étendue, planté dans un jardin d'agrément.

BOURGEON. On donne ce nom à la pousse de l’année, qui provient d'un œil ou bouton. Quand le bourgeon devient bois, on le nomme branche ; il conserve son nom de bourgeon tant qu'il est verd.

On appelle faux bourgeons toutes les pousses des arbres qui ne sont pas sorties d'un œil ou bouton, mais qui percent directement de l’écorce. Parmi ces faux bourgeons, il en est qui sont quelquefois très-précieux, dans le cas sur-tout où il faut garnir un vuide dans un arbre, ou même le renouveller.

Les bourgeons latéraux sont ceux qui croissent à droite & à gauche, & non sur le devant ou par derriere, ni perpendiculairement & d'aplomb à sa tige & au tronc, mais sur les côtés.

Les perpendiculaires, directes, verticales & d'aplomb à la tige & au tronc, il faut les supprimer : ils emporteraient l'arbre ; on doit se retrancher sur les bourgeons latéraux.

BOURRE ; première apparence que donnent les bourgeons des vignes & les boutons des arbres à fruit qui commencent à s'ouvrir.

BOURRELET. C'est une sorte d'excroissance ou de nœud qui se forme aux plaies des arbres quand le recouvrement s'en fait. Il se forme aussi de petits bourrelets aux branches & aux bourgeons des arbres dans les endroits mêmes d'où ces bourgeons sont sortis de l'arbre. On voit encore un bourrelet à toutes les greffes ; & dans certains arbres, ce bourrelet devient plus gros que la tige même. Cette grosseur est un vice qu'il faut tâcher de prévenir, auquel il faut du moins remédier.

On appelle de même bourrelets ces excroissances qui sont contre nature, en forme de grosses loupes.

Ce bourrelet vient souvent de ce que l'arbre a été greffé trop jeune, ou trop près du tronc, & presque dans les racines : il vient encore de ce qu'on a laissé le canal direct de la sève au brin du milieu : il peut encore venir de la suppression mal entendue des gourmandes.

Quand ce bourrelet grossit, il faut recourir à l'incifion de la tige par derrière, la première année ; puis, par devant, une autre année : recouvrez cette incision d'onguent de S. Fiacre, ce qui fait reprendre du corps à la tige ; ensuite l’on supprime le canal direct de la sève, & on élève des gourmandes : cette incision ne peut se faire qu'autant qu'il y a de la tige entre les racines & la greffe ; car, si l'arbre est greffé dans le tronc, il n'y a rien, ou presque rien à espérer : le mieux est de replanter un sujet bien conditionné.

BOURSES A FRUIT. On donne ce nom à certaines branches qui aux poiriers & pommiers seulement sont de forme semblable à celles des bourses à argent, étroites du haut & larges du bas. Ces bourses à fruit naissent toujours aux extrémités des branches fructueuses ; elles portent des fruits durant plusieurs années. Ces bourses sont des amas d'une sève féconde.

BOUSE ; fiente de bœuf ou de vache. On emploie ces engrais frais & fort gras dans des terres sèches, légères & sabloneuses, pour leur donner de la consistance. Il faut laisser la bouse pourrir & fermenter avant de l’employer. La bouse est le principal ingrédient de l’onguent de S. Fiacre.

BOUTON, ou Œil ;

c'est, dans les plantes, une petite partie saillante, formée de la plus pure substance de la sève, qui renferme l’embrion de tout rameau, & qui n'est jamais produit ni formé que par l’entremise d'une feuille.

Comme il n'est point de boutons sans feuilles, il n'est pas non plus de feuilles sans boutons. Ils se nourrissent & se substantent l'un par l'autre.

Boutons à bois ;

ce sont ces yeux que toujours accompagne une feuille, & qui jamais par eux-mêmes ne produisent des fruits, mais seulement des bourgeons, & qui pourtant étant bien ménagés peuvent en donner par la suite.

Boutons à fruit ;

ce sont des yeux qui ont toujours à côté d'eux plusieurs feuilles, & qui sont plus gros, plus nourris & plus saillans que les boutons à bois.


Les boutons à fruit, dans les arbres à pépins, ont autour d'eux plusieurs feuilles de différentes grandeurs, & aussi plusieurs fleurs, au lieu que les boutons des fruits à noyau n'ont qu'une ou deux feuilles, & assez communément une seule fleur ou deux ensemble, s'il n'en excepte les cerisiers & leurs semblables qui ont des boutons à fruits au milieu de plusieurs feuilles, & dont les fruits sont groupés, ou plusieurs ensemble en un tas.

BOUTURE ; c'est le rejetton d'un arbre quelconque, & de toute autre plante, lequel naît, soit des racines, soit du tronc ou de la souche. On nomme encore bouture la branche ou le rameau détaché qu'on met en terre pour y prendre racine. C'est ainsi qu'on met en terre des rameaux de groseillers, de sureaux, de jasmins, de julliennes, &c. & ils prennent racine.

Aux artichaux, au lieu de boutures, on dit des œilletons ; & à la vigne, on dit marcottes & crossettes, tant ce qui a racine que ce qui n'en a pas.

La bouture, ou la branche d'une plante ligneuse se coupe en forme de coin, & on la met en terre debout ou pliée pour s'y enraciner. Ces boutures poussent des feuilles & des bourgeons, & donnent ensuite des fleurs & des fruits.

BRANCHE ; c'est un rameau saillant, faisant partie de tout arbre. Ce rameau est produit par un œil ou bouton, qui, après avoir été bourgeon tendu, a pris la consistance de bois dur.

On distingue trois sortes de branches ; des grosses, des moyennes & des petites. Ces trois sortes se subdivisent en différentes classes ; savoir :

Branches à bois, lesquelles portent des boutons à bois.

Branches à fruit, lesquelles ont des boutons fructueux. On les reconnaît à des marques distinctives ; à des rides, à des espèces d'anneaux, à leur empatement.

Branches de faux bois, ainsi appelées, parce que toujours elles percent à travers l’écorce, & non d'un œil ou bouton.

Branches gourmandes, ou gourmands, lesquelles prennent toute la nourriture, & causent la disette de leurs voisines.

Branches folles, ou chiffones. Ce sont de menues branchettes qui ne sont d'aucune valeur, ni d'aucun avantage pour les arbres. Ces branches folles naissent sur des arbres malades, ou sur des arbres vigoureux, mais dont on a rogné les bourgeons par les bouts, ou sur des arbres trop vigoureux qui regorgent de sève.

On distingue encore des branches perpendiculaires, directes, verticales & d'aplomb à la tige & au tronc, & des branches latérales.

D’habiles jardiniers ne laissent aux arbres d'espalier que deux branches uniques qu'on appelle branches meres. Ce sont deux seules branches sur lesquelles, dès la première taille, on réduit tout l'arbre, l’une à droite & l’autre à gauche en forme de fourche, ou représentant la figure d'un V un peu ouvert. Ces deux branches mères s'appellent encore branches tirantes, parce qu'elles tirent & reçoivent immédiatement de la greffe toute la substance, pour ensuite la répartir à toutes les autres qui naissent d'elles.

Il y a un autre ordre de branches qu'on nomme membres, ou branches montantes & descendantes. Ces membres sont des branches ménagées de distance en distance sur les deux parties qui composent l’V ouvert. Les branches montantes garnissent le dedans, & les branches descendantes garnissent le dehors. On supprime à tous les arbres d'espalier le canal direct de la sève & jamais on ne laisse aucune branche perpendiculaire à la tige & au tronc. Les branches y doivent être obliques & toujours de côté.

Un troisième ordre de branches des espaliers sont appelées branches crochets, parce que de la façon dont elles font placées sur les membres, ou branches du second ordre, elles forment la figure d'autant de crochets. Elles garnissent tout l'arbre. L'industrie du jardinier consiste à ménager toutes choses, de sorte que toujours & par-tout il y ait deux branches crochets, qui sont les branches fructueuses.

Ces branches crochets se partagent en diverses autres sortes de branches que l’on caractérise suivant leurs différentes façons de pousser, selon qu'elles sont diversement disposées, & suivant la place qu'elles tiennent sur l'arbre ; savoir : des branches fortes ou gourmandes, des branches demi-fortes ou demi-gourmande, des branches verticales ou perpendiculaires, obliques ou de côté.

Il y a d'autres branches encore qu'on nomme des brindelles & des lambourdes.

Les brindelles sont des branches à fruits qui sont fort petites & trapues, ayant des feuilles ramassées toutes ensemble, au milieu desquelles il y a presque toujours des boutons, d'où naissent les fruits les plus gros & les plus exquis.

Les lambourdes sont de petites branches maigres, longuettes, de la grosseur d'un fétu, communes aux arbres à pépins & à ceux à noyau, ayant des yeux plus gros & plus près-à-près que les branches à bois, & qui jamais dans les arbres de fruit à pépins ne s'élèvent verticalement comme elles, mais qui naissent d'ordinaire sur


les côtés, & sont placées comme en dardant. Les lambourdes sont les sources fécondes des fruits ; c'est d'elles principalement que naissent les boutons à fruit. On casse ordinairement les lambourdes par les bouts afin de les raccourcir à dessein de les décharger, de peur qu'elles n'aient par la suite un trop grand nombre de boutons à fruit à nourrir, lesquels avorteroient, à cause de leur multitude.

Les lambourdes des arbres à pépins sont lisses & unies, au lieu que les brindelles & les autres branches fructueuses de ces mêmes arbres ont des vides ou des anneaux ; mais les boutons à fruit qu'elles produisent en sont abondamment pourvus.

Branche de réserve ; on appelle ainsi celle qui est entre deux branches à fruit, & qu'on taille fort courte ; elle est réservée pour fournir, l’année suivante, à la place de celles qui ont porté fruit.

BRIDE ; tout ce qui se met à la tête du cheval pour le guider, se nomme bride. La bride en ce qui est du cuir comprend la têtière, le porte-mors, la sous-gorge, les sous-tenans, le frontal, la patellete, & les rênes.

BRISE-MOTTES ; on appelle ainsi un lourd cylindre de bois, ou de pierre, ou de fer qu'on fait rouler sur les terres qui ont été hersées, afin d'écraser les mottes de terre qui n'ont pas été assez divisées ; on le fait aussi passer sur les grains nouvellement levés, lorsque semés sur un labour trop frais, ils ont besoin d'être rechaussés. (Voyez Rouleau.)

BRISE-VENTS ; ce sont des paillassons fort épais que les jardiniers & les maraîchers placent debout & qu'ils tiennent en état par des échalats forts, ou par des pieux fichés en terre. On les place à l’opposite des mauvais vents autour des couches ; on fait aussi des brise-vents avec des pans de murailles au lieu de paillassons. Ces pans de murailles sont élevés du côté des mauvais vents, & font i'équerre à l'extrémité d'un espalier.

BRISOIR à mottes ; instrument d'agriculture. (Voyez planche XXXVI, fig. 5.)

Le brisoir à mottes est une herse large & pesante, qui sert à briser les mottes de terre & à les réduire en petites parties, à diviser & applanir les terres durcies & celles qui ont été battues par les fortes pluies ; usages que ne peuvent pas remplir les herses ordinaires à cause de leur légèreté.

Le brisoir a ses quatre bras épais de quatre à cinq pouces quarrés, & longs de sept pieds, les barres ont trois pouces & demi, les dents ont dix-sept pouces de longueur, & sont aiguisées en couteau comme les coutres de charrue. Il y a quatre de ces dents attachées à chaque bras au brisoir & qui y sont fixées par un écrou : il en sort du bois douze pouces, & il y a un talon à l’arrière de la dent qui porte sur le bois, afin qu'elle ne soit pas facilement renversée ou courbée par les pierres qui f ; rencontrent dans les champs.

Il faut mettre sur ce brisoir quatre chevaux ou quatre bœufs ; une herse de moindre volume ne produiroit pas les effets dont on a besoin, quand il n'est pas nécessaire de donner un labour avec la charrue.

Il est sur-tout utile dans les terres glaiseuses, après les jachères, les foins, luzernes, sainfoins, lorsque la charrue lève beaucoup de grosses mottes qui ne se fondent ni ne s'émiettent par la pluie, ni par les sécheresses. On fera passer le brisoir aussi-tôt après le labour à charrue, ce qui rompra les mottes, aplanira la terre ; & le labour suivant sera plus facile & meilleur. Au mois de mars ou d'avril, lorsqu'on laboure une terre forte pour y semer des grains de mars, sur-tout s'il s'y trouve du chiendent, donner une façon de brisoir en travers du dernier labour, est plus profitable que de croiser ce labour à la charrue, & il en coûte moitié moins.

Lorsqu'on a labouré une terre inculte, & bout de qu'au quelque temps on a croisé ce labour par un autre, il devient très-utile d'employer le brisoir immédiatement après le dernier labour, pour qu'il n'y ait point de portion de terre qui n'ait été divisée & émiettée.

La herse commune n'est bonne que pour les terres légères, & celles qui sont facilement divisées, rompues ; elle est trop légère pour les terres où il y a des mottes dures, encore faudroit- il que les dents fussent de fer & non pas de bois ; car les dents de bois ne font que déplacer les mottes ou passent par-dessus. Une bonne preuve que la herse commune travaille mal, c'est que l’on est obligé d'en mettre plusieurs l’une après l'autre, & de repasser sur la même terre plusieurs fois. Ainsi des trois usages de la herse qui sont de briser les mottes, d'applanir la terre & de couvrir la semence, la herse légère & à dents de bois n'en remplit que le dernier, & encore mal ; car quand elle ne fait que déplacer les mottes, il s'ensuit que les grains qui se trouvent sous les mottes y périssent ne pouvant les percer.

BROUETTE ; instrument de jardinage, servant à transporter divers fardeaux. C'est une espèce de petit tombereau monté sur une roue, & qu'un homme peut pouffer devant lui & con-


duire avec les mains, par les deux brancards, entre lesquels il se place.

Il y a différentes sortes de brouettes qui varient suivant les ouvrages & les services auxquels on les destine. (Voyez pl. XXIV, fig. 56.)

Brouette à fumier ;

espèce de civière montée sur une roue & terminée par un dossier. Elle est d'un grand usage pour charrier le fumier dans les jardins, sur-tout la longue paille pour les couches.

brouette de nouvelle invention. (Voyez pl. LIII, fig.3)

Les brouettes ordinaires ayant leurs roues au bout de leur caisse, il arrive que ceux qui s'en servent ont deux sortes de peines ; ils ont la peine de porter le fardeau dont elles sont chargées, & la peine de les pousser ; mais celle de nouvelle invention que l’on propose ici & marquée A, fig. 3, ayant sa roue B dans le milieu de sa caisse, la roue B porte elle seule tout le fardeau qui se trouve alors partagé par égale portion sur son essieu, & l’ouvrier qui s'en sert n'a plus d'autre peine que celle de la pousser, encore cette peine qui est la moindre des deux que nous avons remarquées, est diminuée par la partie du fardeau qui est en avant.

Cette méthode de placer la roue dans le milieu de la brouette n'est sujette à aucun inconvénient, car l’on pratique dans le milieu de la caisse une ouverture suffisamment grande pour laisser tourner librement la roue, & l’on couvre cette ouverture en forme d'étui avec de petites planches, pl. C ; & pour ce qui est de la place qu'occupe l'étui C, on peut y remédier en faisant la caisse plus grande qu'à l’ordinaire.

Avec ces brouettes on peut faire le transport des terres ou de quelques autres matériaux que ce soit en moins de temps & avec moins de monde qu'il n'en faudroit en se servant de brouettes ordinaires ; c'est-à-dire que si, pour faire transporter une quantité de terrain proposée avec les brouettes ordinaires, il vous y faut employer vingt hommes pendant vingt jours, il ne faudra pas, pour cette même manœuvre, employer plus de quinze hommes pendant quinze jours en se servant des brouettes nouvelles, ce qui se trouve un avantage de plus de moitié sur les frais, & d'un quart sur le temps. On conviendra facilement de cette proposition, pour peu qu'on fasse réflexion que, puisque le manœuvre qui se sert de la brouette A, n'a plus la peine de porter le fardeau dont elle est chargée, on peut augmenter considérablement le fardeau, sans que cependant il en soit plus fatigué. Ainsi ayant fait la caisse de ces brouettes plus grande que celle des brouettes ordinaires, ce qui est très-facile, on les peut charger d'une plus grande quantité de matériaux ; l’on compense par-là l’effort qui est ménagé par la situation de la roue B, & pour lors à chaque voyage que le manœuvre fait, il porte une plus grande quantité de terre, sans cependant avoir plus de peine.

Brouette à bascule.

Cette brouette & les différentes pièces qui la composent, sont si exactement représentées dans la planche, & avec leurs proportions, qu’il sera facile de la faire exécuter d'après la gravure. (Voyez pl. XLII.)

A. Bras de brouette.

B. Pieds.

C. Arc-boutant qui est attaché aux pieds B, & au montant 2 qui porte le boulon 5.

D. Châssis de la bascule sur lequel sont portées les cornes L & M, retenues par la traverse K.

E. F. G. Traverses entre les bras de la brouette, & qui les retiennent.

H. Boulon sur lequel joue la bascule.

I. Essieu.

K. Traverse qui assujettit les cornes.

L. M. Cornes en guimbarde.

N. Mentonnet à ressort.

O. Gâche du mentonnet.

P. Tête du mentonnet.

Q. Queue du mentonnet ; en la poussant en devant, le mentonnet se dévêtit de la gâche, & le châssis de la bascule se renverse. Il faut conduire la bascule à la main, si elle est chargée, pour que le poids de la charge ne la fasse pas frapper fortement contre terre, ce qui casseroit les cornes de l’arrière.

Quand elle est déchargée, on la ramène avec la main sur les bras de la brouette où elle s'accroche d'elle-même au mentonnet.

P. S. T. Fig. 4, montre la bascule en place sur les bras de la brouette.

U. X. Y. Z, montrent la brouette en déchargement.

M. D. K, font voir le châssis de la bascule, soulevé au-dessus des bras, ou de son cadre.

Cette brouette est destinée à charrier des matières qui ont plus de volume que de pesanteur, comme des bottes de paille, de foin, des fagots, de la ramée, ou même des corps plus pesans, mais dont la longueur empêche qu'ils ne soient charriés facilement, ni dans une brouette à coffre,


ni dans une brouette à civière, comme du bois de corde : en ce cas, on ne met pas ce bois en travers, mais en long, suivant la longueur de la brouette, & on l’appuie sur les cornes de l’arrière ; par ce moyen on le passe dans des routes de bois, & dans des portes de bûchers qui ne sont pas plus larges que la brouette.

Les deux roues qu'a cette brouette, font qu'elle n'est pas facile à verser comme la brouette à une roue, qu'elle donne beaucoup moins de peine à celui qui la mène, parce qu'il n'a que celle de tirer ou de pousser, au lieu que pour que la brouette à une roue ne renverse pas, il faut la tenir en équilibre, ce qui exige de la force, des efforts, de l’adresse, sur-tout dans les terrains inégaux, comme le sont la plupart de ceux où en employé la brouette.

Une autre source d'avantages de cette brouette, c'est que les jantes des roues sont plates & larges de trois pouces ; ainsi elles s'enfoncent moins, retiennent moins de terre, ne font point de traces ou ornières dans les jardins ; mais, au contraire, elles applanissent & affermissent les allées, les promenoirs, les gazons.

Ces divers avantages ont fait désirer d'avoir une brouette à bascule qui, au lieu d'être en guimbarde, comme celle de la gravure, fût à coffre comme les brouettes communes ; & l’on a fait faire un coffre de brouette, sur un châssis des mêmes dimensions que D, & qui se place sur le cadre ou les bras A E F G. Elle servira aux mêmes usages que la brouette à coffre, ne sera pas sujette à verser, ne donnera pas de peine pour la tenir en équilibre, & pourra être vidée sans l’effort qu'exige la brouette à coffre ordinaire.

On voit depuis quelque temps entre les mains des terrassiers des brouettes à une seule roue & à bascule, qui se vident sans effort en faisant faire la bascule au coffre ; elles paroissent d'un usage assez commode, celles que j'ai vues n'ayant point de mentonnet & de gâche qui fixent le coffre ; celui-ci étoit sujet à tourner quand la charge étoit inégale & la brouette étoit vidée avant d'être arrivée à sa destination.

BROUIR ; ce terme se dit des arbres ou des feuilles, des fleurs & des fruits nouvellement noués, que les mauvais vents et sur-tout les brouillard morfondans flétrissent et dessèchent. Il ne faut pas arracher les feuilles brouies, mais les laisser tomber d'elles-mêmes.

BROUISSURE ou Cloque ; c'est une maladie particulière ou trop ordinaire, surtout aux pêchers, dans laquelle les bourgeons se gonflent & se forment en talut ; les feuilles s'épaississent, se recoquillent, puis se sèchent & laissent l'arbre à nud. La brouissure attaque le pécher en mai, ou au commencement d'avril, soit que l'arbre soit couvert ou non de paillassons : cette maladie vient de ce que la terre, échauffée par quelques beaux jours, fait monter la sève avec abondance. Un vent froid, une gelée survient, la sève est tout-à-coup arrêtée dans sa circulation, & elle s'épaissit : de-là le recoquillement des feuilles & des bourgeons.

Il ne faut pas, aussi-tôt que les feuilles soit recoquillées, les arracher ; mais il faut attendre qu'elles commencent à sécher & à tomber, & quand vous Voyez qu'il en pousse d'autres. On met ces dernières feuilles dans un panier, avec celles qui sont déjà tombées, pour les jeter toutes au feu, & brûler par ce moyen les œufs de pucerons, qui, quoiqu'imperceptibles, sinon avec le secours de la loupe, sont dans ces feuilles recoquillées.

Quelques jours après cette opération, on jette bas les bourgeons rabougris, secs ou morts, & on fait une espèce de taille ; si les pêchers ont été fumés dans l’année, on jette de l'eau au pied, sinon on y met du terreau ou du fumier bien consommé.

Le pêcher se rétablit de la brouissure ; cependant cette maladie influe souvent sur les années suivantes. A la taille prochaine, il faut aller jusqu'à ceux des yeux qui ont poussé après coup, & qui n'ont point été cloqués : ce qui se connaît à la couleur noire du bois cloqué.

BROYE HOLLANDOISE. (Pl. LIV, fig. 1.) La broye hollandoise, ou l’instrument dont on se sert en Hollande pour broyer le lin, est composé de deux parties principales, l’une fixe & l'autre mobile. Ces deux parties font semblables à tout autre égard : elles sont formées de trois planches minces, ordinairement de hêtre, assemblées suivant leur longueur, & à de petites distances les unes des autres, dans de fortes pièces de bois. La partie mobile est supérieure, & disposée de manière que ses couteaux entrent dans les intervalles qui séparent ceux de la partie fixe ou inférieure. Celle-ci est soutenue à une hauteur convenable par quatre pieds solides, & la supérieure à un manche par lequel on l’élève & on l’abaisse ensuite. C'est par ce mouvement alternatif que le lin est broyé. Il est pressé avec force par le poids & par l'action du levier contre les couteaux ; il est serré entre les intervalles qui les séparent, & là, il est divisé & disposé à se détacher plus facilement de la chénevotte, par l’opération de l’espade.

Il est clair, par cette courte description de la broye & de son action, que les intervalles entre les couteaux n'en devroient pas beaucoup excéder l'épaisseur. Sans cela, le lin, au lieu


d'être pressé & divisé entre les couteaux, seroit seulement froissé par leurs bords & coupé en travers, comme il arrive souvent avec de mauvaises broyes, ou par la mal-adresse de ceux qui s'en servent.

Le même effet arriveroit si les couteaux s'engageoient trop avant les uns dans les autres. Dans ce cas, le lin seroit enfoncé dans les intervalles en résistant aux tranchans avec beaucoup de force, & il recevroit un dommage considérable. C'est pourquoi, dans les broyes bien proportionnées, la pièce solide de bois est presque de niveau avec le bord des couteaux, & elle les empêche de descendre trop bas.

Voilà ce qu'on doit observer dans la construction & dans les proportions de la broye. Il y a une remarque essentielle à faire par rapport à son usage, qui a échappé jusqu'ici aux apprêteurs françois.

Ce n'est pas le coup qui broye le lin, il l’endommage toujours plus ou moins, & lorsqu'il est fort & preste, & que le lin ne cède pas sur le champ, il doit nécessairement le couper. Il est aisé d'en faire l’expérience : étendez fortement le lin sur les couteaux ; liez-le ensuite dans cette situation, afin qu'il ne puisse céder, & vous verrez que deux ou trois coups vifs suffiront pour le rompre. Le lin est broyé par la pression contre les couteaux. Cette pression est latérale, elle tend à diviser la filasse & non à la couper. L'apprêteur devroit donc rendre le coup aussi léger & la pression aussi forte qu'il est possible ; & c'est à quoi réussissent les Hollandois, en plaçant bien la poignée de lin sous la broye.

On sait, par les premiers principes de la mécanique, que la mâchoire supérieure de la broye agit avec plus de vitesse & avec plus de force en A qu'en B (Voyez pl. LIV, fig. 1.) ; que le coup y est plus preste & plus violent, & qu'il tend, par conséquent à endommager & à couper le lin. D'ailleurs la pression est moindre en A, elle finit avec le coup, & elle ne peut être augmentée ni diminuée. Ainsi lorsque le lin est placé en A. comme, il l’est presque toujours par les apprêteurs françois, toute l'opération se fait de la manière la plus destructive, par des coups continuellement répétés, qui rompent & qui coupent inévitablement la filasse. La pression, qui peut seule le diviser, n'a point lieu.

Le contraire arrive en B ; le coup est lent & foible, & la pression est aussi forte qu'il est possible. C'est pourquoi les Hollandois suivent une pratique contraire à la nôtre ; ils broyent toujours leur lin ; en B ; ils élèvent la mâchoire supérieure avec la main gauche en C, & ils placent le lin, & le retournent, sous la broye, aussi près qu'il est possible du centre de son mouvement.

Voyez Espade hollandoise. (Essai de la société de Dublin).

BRULER ou Égobuer les terres ; action de mettre le feu aux plantes.

Quand on veut défricher les terres qu'on a laissé reposer pendant long-tems, il est assez d'usage de les brûler, afin que le feu divise leurs parties, & que la cendre des feuilles & des racines leur donne quelque fertilité.

Evelyn dit que deux charrettes de gazon peuvent en rendre une de cendres. Il ajoute que les terres, ne conservant plus le principe de végétation quand elles sont trop calcinées, elles doivent être seulement réduites en cendres noires, pour fertiliser beaucoup.

En Finlande & dans la Norwège, quand on veut défricher un canton de bois pour y mettre du grain, on en abat le bois qu'on laisse sécher pendant deux ans sur la place. Après ce tems, on, choisit, vers le milieu de l’été, une circonstance qui paraît annoncer une pluie prochaine, pour mettre le feu à ces arbres. Puis on sème du seigle sur les cendres mêmes, encore assez chaudes pour fendre l’écorce du grain & le faire pétiller : s'il survient promptement de la pluie, on est sûr d'une récolte si abondante, qu'un seul boisseau rend ainsi dix muids de grain. Mais si la pluie manque, on ne recueille rien. Cette pratique est encore sujette à un autre inconvénient ; c'est que le premier feu sert de signal pour tous les autres, en sorte que tout un grand pays est embrasé à-la-fois ; il y a des maisons brûlées, & des morceaux de pins tout en feu sont emportés par le vent dans des forêts quelquefois même assez éloignées, qui en sont consumées entièrement. Aussi a-t-on défendu cette méthode en certains endroits.

Quant au détail de la manière de brûler les terres qu'on veut défricher par le feu, Voyez l’article Défrichement.

BRULURE ; maladie qui attaque l'extrémité des branches & des racines, & les tiges des arbres en espaliers, des pêchers sur-tout & des poiriers, pruniers & abricotiers, à l’exposition particulièrement du midi.

Durant l'hiver, il tombe sur les arbres des neiges, des gelées blanches, du givre, du grésil & toutes sortes de frimats qui, fondant à l’ardeur du soleil, découlent de branche en branche


sur la greffe & le tronc de l'arbre, & se congelant ensuite par l'effet de la gelée sur toutes les parties mouillées, y forment une incrustation de verglas qui presse fortement sur la peau, la gele & la brûle. Le soleil darde encore ses rayons tant sur les nouveaux frimats de la nuit, que sur cette incrustation de verglas, & les fait fondre. La gelée les durcit de nouveau ; or, c’est cette alternative de dégels & de congélations qui brûle les arbres en espaliers.

L'arbre attaqué de la brûlure doit être rapproché & rabattu jusqu'au vif ; mais si les racines en sont atteintes, c'est un arbre mort. On tâche de prévenir cette cruelle maladie en abattant avec un balai de plume, de jonc ou de genêt, les neiges & les frimats qui font sur les arbres, avant que le soleil les ait convertis en verglas.

On peut encore prévenir cette maladie en couvrant les espaliers avec des paillassons, en lardant dans le haut de l’espalier, en fixant sur le treillage de la paille ou pezet de pois, dont on couvre les arbres en entier aux approches des fortes gelées & des neiges. On larde ce pezet dans le treillage.

Quelquefois il n'y a que les bouts des branches qui paraissent brûlés, sur-tout sur les arbres à pépin : cela peut venir du dessèchement des racines & de leur moisissure. On remédie au dessèchement par les eaux du fumier, & à la moisissure par la coupe des racines moisies & chancies : cela peut aussi venir du fond de terre qu'il faut alors changer.

BUFFLE ; bœuf plus grand, plus épais & plus fort que le bœuf domestique. Il a la peau très-dure, la tête petite à proportion du corps. Il porte sur le front un bouquet de poils frisés. Tout son corps est couvert de poils noirs ou noirâtres. Ses cornes sont noires, grosses, un peu applaties, recourbées en haut & un peu couchées sur le dos. Tel est le buffle qu'on trouve dans l’Etat Ecclésiastique & dans le royaume de Naples.

En Italie, le buffle est employé aux mêmes travaux que le bœuf domestique.

BUISSON ; c'est un petit arbre touffu, composé de branches horisontales. On donne particulièrement ce nom à un arbre nain, garni de branches dans son pourtour, qu'on coupe à environ un pied au-dessus de la greffe, & qui est évidé dans son milieu. On réserve aujourd'hui les arbres en buisson pour former des quinconces ; on les remplace dans les allées par des éventails ou contre-espaliers qui occupent moins de terrain, en donnant une bordure fort agréable.

BUTTE ou Élevation ; c'est, dans le jardinage, un petit monceau de terre qu'on élève au pied d'un arbre pour empêcher que le vent ne le balotte, ou que la sécheresse ne l’endommage. On butte certains légumes, avant de les couvrir avec du fumier durant l’hiver. Pour


cet effet, on élève tout autour du pied une butte de terre à cinq ou six pouces de haut, & d'égale épaisseur.

Butte-avant ; outil de jardinage : c'est le même que rabot. (Voyez ce mot.)





C


CABINET ; c'est, dans un jardin, un endroit à l’écart que l’on a couvert de treillage, de maçonnerie, ou de verdure.

CACOCHYME ; (Arbre) c'est un arbre languissant, qui dépérit par la qualité vicieuse de la sève, ou parce que les organes destinés à la charrier sont obstrués ou détruits.

CADRE ; (le) instrument d'agriculture.

« Pour cueillir plus avantageusement la fleur du houblon, dit le citoyen Jacquemart, il convient de se servir d'une espèce de cadre, instrument d'agriculture, formé de deux perches ou morceaux de bois d'environ neuf pieds de longueur sur trois à quatre pouces de diamètre, & joints ensemble, à un pied environ de.chaque bout, par deux autres morceaux de bois de trois pieds de longueur, et supportés par quatre pieds, hauts de trois pieds et demi ; au moyen de quoi, il reste un intervalle, au moins de six pieds de longueur, de trois pieds de largeur, et de trois pieds et demi de profondeur. L'on attache, dans l'étendue intérieure de ce cadre, une grosse toile, pendante dans son milieu, en la fixant à de petits crochets dans l’intérieur, ou en l’arrêtant avec de la ficelle à de petites chevilles à l’extérieur. On met le houblon dans cette toile, à mesure qu'on le cueille. Trois hommes ou femmes, ou quatre enfans, à chacun des deux côtés longs du cadre, suffisent pour récolter à-la-fois la fleur de deux perches.

» Lorsque l’on a levé quelques perches, on les apporte, avec le houblon qui y est attaché le long du cadre, où il convient de former quelqu'étai, sur lequel ceux qui les apportent puissent les poser sous la main des travailleurs. Ce cadre n'étant pas lourd, se transporte facilement d'un endroit à l'autre, à mesure qu'il est nécessaire, pour la plus prompte expédition.

» L'on doit commencer par récolter le houblon le plus mûr ; mais s'il paroît être par-tout dans une égale maturité, il faut commencer la récolte par l’est ou le nord de la houblonnière, ce qui donnera moins de prise au vent du sud-ouest, s'il en survenoit.

» Il faut donner le plus grand soin à cueillir la fleur du houblon sans feuilles ni branches, car rien n’en détruit plus la qualité, & tout con-


noisseur ne donnera d'une balle de houblon, récolté sans ce soin, qu'un bien moindre prix, malgré l’excédent du poids que formeront ces feuilles & ces branches, que celui qu'on obtiendroit sans ce superflu.

» L'on établit le cadre au milieu d'une espace qui contient ; onze monticules, & lorsque le houblon est cueilli, on le transporte au milieu d'un autre espace de même grandeur, & la récolte se continue de même jusqu'à la fin. L'on vide, deux ou trois fois le jour, le houblon du cadre dans une grande toile, dont on attache ensuite les côtés ensemble, pour les transporter immédiatement à la touraille (étuve ou séchoir, dont les brasseurs se servent aussi pour faire sécher l’orge après la germination). S'il restoit longtems enfermé dans cette toile, il ne manqueroit pas de suer, & il perdroit beaucoup de sa couleur. Le houblon roux, qu'on trouve en récoltant, se met ordinairement à part dans un panier ».

CAISSE ; c'est, dans le jardinage, un ouvrage de forme quarrée, en bois, fait par un menuisier. La caisse est composée de quatre pieds ou piliers, sur lesquels sont attachées des planches avec un fond aussi de planches, le tout formant une sorte de boîte qui n'a point de dessus. On remplit ces caisses de terre, pour y planter certains arbres ou arbustes. Les caisses les plus commodes pour les orangers sont à barres de set & à guichets qui s'ouvrent.

Les arbres qu'on élève dans des caisses doivent avoir, 1°. de grands arrosemens, mais peu fréquens, & il faut que l'eau sorte du fond de la caisse ; 2°. de médiocres arrosemens, afin de renouveller l’humidité de la superficie de la terre, qui est pompée par l'air & la chaleur.

Caisse de dessication des grains, &c., par le citoyen Cailleau. (Voyez pl. XLI, fig. 2).

Si le grain qu'on conserve est destiné à être semé, il faut bien prendre garde de lui faire éprouver un degré de chaleur qui puisse nuire à sa végétation, en altérant ou le germe ou la substance qui entoure ce germe & le nourrit en naissant ; mais s'il ne s'agit de conserver le grain que pour en faire un objet de commerce, ou le consommer en pain, bierre, amidon ou autrement ; alors il y a peu de précaution à prendre sur le degré de chaleur nécessaire pour faire périr les insectes.

L'expérience a appris que, pour dessécher dans une étuve tous les insectes, leurs œufs, les larves & les chrysalides, au point de les rendre friables, sans faire perdre au bled la faculté de germer, il faut une chaleur de soixante degrés continuée pendant quarante huit heures, elle fait périr les teignes & leurs œufs : une chaleur de soixante-dix degrés détruit tous les insectes en fort peu de tems, mais elle altère les germes. Enfin à quatre-vingts degrés de chaleur ils périssent sur le champ, & le grain perd sa faculté de germer.

Méthode pour dessécher et conserver les grains.

Ce moyen consiste à faire passer au travers d'une masse de grains un courant d'air très-rapide, très-sec et très-chaud.

La machine ou l’appareil pour produire cet effet est fort simple ; c’est une caisse solidement construite, de cinq à six pieds en quarré sur trois à quatre pieds de hauteur (pouvant contenir six à huit mille-livres de grain). Cette caisse doit avoir, à trois ou quatre pouces, au-dessus de son premier fond, un second fond fait en caillebotis recouvert d’un fort canevas ou autre toile forte & claire ; au lieu de canevas, on peut employer une claie d'osier ou de lattis très-serrée, ou des feuilles de tôle piquées de trous fort près les uns des autres, de manière que le grain ne puisse s'échapper au travers des caillebotis, & que l'air ait un passage libre pour traverser la masse de grain contenue dans la caisse. On met à portée de cette caisse un soufflet ou ventilateur, dont le porte-vent, qui est fait avec des tuyaux de forte tôle ou de fonte, traverse un fourneau & vient aboutir à une large ouverture pratiquée entre les deux fonds de la caisse.

On chauffe le milieu de ce porte-vent, qui est assez long pour que le métal échauffé ne brûle ni la buze du soufflet, ni les fonds de la caisse. L'air aspiré, en sortant du soufflet, passe dans le tuyau de fer rouge du porte-vent, & acquiert une chaleur considérable : cet air chaud poussé avec force entre les deux fonds de la caisse, traverse rapidement la masse de grain qui y est contenue, & lui communique en peu de tems un degré de chaleur suffisant, non-seulement pour faire périr tous les insectes, leurs œufs, les chrysalides, &c., mais encore pour dissiper toute l’humidité des grains, & la réduire en vapeur qui s'échappe abondamment par quelques soupiraux faits au couvercle de la caisse, & que l’on tient fermés (pour conserver & augmenter la chaleur), au moyen de trappes très-légères qui s'ouvrent spontanément par l’effet du soufflet &


des vapeurs qui soulèvent ces trappes ; on pourroit même supprimer entièrement le couvercle de cette caisse.

Lorsque le grain a acquis une chaleur de soixante-douze à soixante-quinze degrés, on cesse le feu, & on continue de faire agir le soufflet jusqu'à ce que le grain soit entièrement refroidi ; on le retire ensuite par une ouverture pratiquée à cet effet au bas de la caisse, pour le renfermer sur le champ dans les greniers de conservation, afin qu’il ne reprenne point l’humidité de l’air, & que les insectes ne puissent y rentrer ; en augmentant les dimensions de la caisse de dessication, ainsi que celles des soufflets & des porte-vents ; on pourrait dessécher en très-peu de tems une masse considérable de grains. Les recherches sur la méthode que l'on indique ici n'avoient eu pour objet que la destruction des insectes qui sont très-communs dans les pays chauds ; mais cette méthode peut encore être très-utile & très-convenable dans les pays froids & humides, & même remplacer avec avantage les étuves à l’italienne, qui sont sujettes à plusieurs inconvéniens, que n'a pas la dessication.

Une plus ample description exigeroit plusieurs planches, & un très-grand détail ; mais les personnes qui ont la connoissance & la pratique du service des étuves, saisiront aisément jusqu'aux moindres détails dé cette machine, & seront en état de comparer cette nouvelle méthode, & de juger si elle est plus simple, plus expéditiye & moins coûteuse que les étuves connues jusqu'à ce jour. On observera, néanmoins, 1°. que les grains doivent être passés au crible & bien nettoyés avant d'être mis dans la caisse de dessication ; 2°. qu'il convient mieux d'augmenter les dimensions de cette caisse sur sa longueur & largeur que sur sa hauteur, parce que l'air des soufflets éprouvera toujours moins d'obstacles à traverser une masse de grains qui aura peu d'épaisseur ; 3°. qu'il seroit très-avantageux de construire les fonds de la caisse entière en fer & en tôle, afin de pouvoir entretenir au-dessous du premier fond un feu modéré qui accéléreroit beaucoup le dessèchement du grain ; 4°. qu'à volume égal, au lieu d'un seul tuyau rond pòur porte-vent, il vaut mieux augmenter ou le nombre des tuyaux ou la largeur d'un seul tuyau, en diminuant son épaisseur, parce que l'air acquerra, par ce moyen, beaucoup plus de chaleur qu'en traversant un seul tuyau rond qui aurait un très-grand diamètre ; 5°. Que les dimensions des soufflets & des porte-vents doivent être proportionnées de manière à déplacer en dix ou douze coups de brimbale toute la masse d'air contenue dans la caisse de dessication ; 6°. que la machine que l’on propose ici peut être appliquée au dessèchement de toute autre substance que les grains, sans aucun danger d'incendie, & qu'au lieu de feu on peut avec la chaleur du soleil, chauffer à cinquante & cinquante-cinq degrés le courant d’air qui traverse la caisse de dessication.

Avec six hommes, il est facile de dessécher parfaitement, soit au soleil, soit dans la caisse de dessication, sept à huit mille livres de grain par jour. En portant à quarante sous la journée de chaque ouvrier occupé à cette manutention, & à six livres l’entretien journalier des cribles, sacs, &c, il n’en coûte que quatre à cinq sous par quintal de grains mis en grenier de conservation ; & dans un mois de beau tems bien employé, on peut très aisément, avec six hommes, mettre en conservation plus de deux cent mille livres de bled de qualité supérieure, qui équivalent à plus de deux cent quarante milliers de bled négligé, ou de qualité inférieures c'est pourquoi, quand on passe les grains au crible, il faut avoir attention de séparer soigneusement le beau & gros froment du petit que l’on met à part, pour être consommé de préférence le premier, n'y ayant pas de profit à conserver du petit bled qui est toujours retrait ou avorté, & qui (comme on l’a déjà observé), à volume égal, ne rend guère plus de la moitié ou des deux tiers du bled de la première qualité ([1]).

Description de la caisse de dessication.

A. Caisse de dessication dans laquelle on met le grain dont l’humidité s'échappe en vapeurs par les soupiraux du couvercle, lesquels doivent être garnis de trapes très-légères, qui font l’office de régulateurs s'ouvrant & se fermant spontanément par l’action des soufflets & des vapeurs.

A. Ouvertures pratiquées dans l’épaisseur du bois de la caisse, pour y placer des thermomètres qui seroient garantis & maintenus entre deux lames de glace ou de verre blanc.

B. Ouverture au bas de la caisse pour vider le grain quand il est parfaitement desséché & refroidi : cette ouverture doit avoir cinq ou six pouces en quarré, & être fermée très-exactement.

B. Fourneau en briques, au travers duquel passe le porte-vent, dont il conviendroit que la partie plongée dans le feu fût de fonte de fer. Ce fourneau doit avoir un cendrier, un foyer & un dôme, afin de donner beaucoup de chaleur en ne consommant que de la braise ou de menus copeaux de bois.


C. Soufflets ou ventilateurs de chaleur de Hales, dont les soupapes d'expiration sont rassemblées dans la buze, ce qui conduit l'air aspiré dans le porte-vent D.

D. Porte-vent ou tuyau de forte tôle qui traverse le fourneau, & vient aboutir à une ouverture pratiquée entre les deux fonds CC de la caisse. Il conviendroit d'envelopper, le porte-vent de linges mouillés ou de gazon, afin que le métal échauffé n'endommage pas la buze du soufflet, ni les fonds de la caisse.

E. Réchaud rempli de braise, placé au-dessous de la caisse de dessication, dont le premier fond doit être construit en entier, ou être au moins garni dans le milieu, de fortes plaques de tôle sous lesquelles est placé directement le réchaud. Le second fond est en caillebotis, recouvert d'un canevas ou d'une grille de fil de fer ou de tôle piquée de manière que le grain ne puisse s'échapper au travers des caillebotis, & que l'air du porte-vent ait un passage libre pour traverser la masse de grains contenue dans la caisse.

Cet appareil, qui est fort simple, est très-propre pour dessécher les grains humides, & pour détruire en même-tems tous les insectes & leurs œufs, en poussant la chaleur à environ soixante-douze degrés de Réaumur ; cette machine a plusieurs avantages sur les étuves ordinaires. 1°. Elie est d'une construction plus simple & bien moins dispendieuse ; 2°. Les vapeurs humides se dissipent plus complettement & plus promptement, étant entraînées par un courant d'air très-chaud & très sec, & elles s'échappent abondamment par les soupiraux du couvercle de la caisse ; il suffit de cesser le feu en continuant de faire agir les soufflets ; quand le grain est bien refroidi, on le retire de la caisse pour le renfermer sur le champ dans les greniers de conservation, sans crainte qu'aucun insecte puisse y entrer ou y déposer ses œufs ; ce qui n'est pas un petit avantage, puisque, par ce nouveau procédé, on peut en toute saison travailler à dessécher les grains, même pendant un tems, & dans un lieu où les insectes seraient en action & en très-grand nombre. 3°. La chaleur se répand beaucoup plus également dans cette caisse que dans les étuves, dont partie des tablettes ou tuyaux est brûlante, tandis qu'une autre partie n'a souvent pas acquis cinquante degrés de chaleur. 4°. En changeant les dimensions de cette machine, & chauffant les porte-vents, soit au soleil, soit au feu de lampe ou autrement, on peut l’appliquer au dessèchement de toutes les substances végétales & animales, même les plus délicates, en les suspendant, & les arrangeant convenablement dans l’intérieur d'une caisse de dessication ; opération d'autant plus facile que l’on est toujours maître de modérer à volonté la vitesse du courant d'air & le degré de chaleur, de manière à ne déranger ni endommager aucunement les corps soumis à la dessication.

La caisse contient au moins cent pieds cubes de bled, pesant environ six mille livres ; on peut faire deux dessications par jour, c'est-à-dire, douze mille livres ; & par an, trois à quatre millions de livres de grains, soit bled, soit maïs ; à chaque dessication on ne consume pas pour trois livres de braise ou menu bois ; d'après cela, il est facile de calculer s'il est plus avantageux de travailler à la conservation des grains, où de les déposer dans des greniers où ils soient exposés à la rapine de divers animaux qui s'en nourrissent, & à la fermentation occasionnée, tant par l’humidité naturelle des grains, que par les pluies qui peuvent causer des dommages considérables par le moindre défaut de la couverture du bâtiment, inconvéniens auxquels ne sont point exposés les grains renfermés dans des greniers de conservation.

Pour une petite quantité de grains à dessécher, il seroit facile de construire une machine de dessication fort simple & peu coûteuse, en plaçant dans l’intérieur d'une futaille de la contenance d'une, deux, trois ou quatre bariques, une grille couverte d'un fort canevas, & portée sur un cercle de bois cloué tout autour, à trois ou quatre pouces au-dessus du fond d'en bas. Le fond supérieur peut être tout-à-fait supprimé ou percé de plusieurs larges trous, pour laisser échapper ces vapeurs humides ; au moyen d'un soufflet ou ventilateur proportionné à cette machine, & dont on chauffe le porte-vent, on introduit entre le fond & la grille couverte de canevas, un courant d'air sec & chaud qui traverse rapidement la masse de grains contenue dans la futaille, & la dessèche parfaitement en quatre ou cinq heures.

Enfin, cette machine, soit en grand, soit en petit, peut être appliquée avec avantage à plusieurs opérations nouvelles qui exigeroient une chaleur violente combinée avec l’action d'un air quelconque ; elle peut être très-utile dans les grandes exploitations pour la dessication de toutes les substances animales & végétales, dont la conservation exige des opérations dispendieuses, embarrassantes, & même souvent impraticables, quand la saison ou l’état de l’atmosphère sont contraires au dessèchement parfait de ces substances, dont l’humidité & la fermentation produisent bientôt la destruction.

CALIBRE ; c'est le moule intérieur des canaux destinés à contenir la sève des plantes. Suivant la disposition de leur calibre, la sève y coule plus ou moins, & y reçoit différentes pré-


parations. Telle est en partie la raison des configurations variées des plantes, de leur goût, de leurs qualités, de leurs couleurs & de leur odeur.

CALLEUX ; ce terme s'entend des semences qui n'ont qu'une enveloppe coriacée, & que renferment les fruits charnus & à pépins.

CALLOSITÉ ; matière dure et seche qui se forme chaque année à la jointure des pousses d'une jeune branche ou aux insertions des racines.

CALUS ; nœud qui vient aux deux extrémités d'une branche cassée, ou à la jointure d'une branche ou d'une racine.

CAMION ; c'est une espèce de petite charette ou de petit tombereau que deux hommes peuvent traîner.

CANAL ; ce terme se dit des vaisseaux qui servent soit à recevoir & à contenir la seve, soit à la transmettre, à la porter & reporter dans toutes les parties des plantes.

On nomme canal direct de la sève cette espèce de branches qui poussent d'aplomb à la tige & au tronc. Il faut nécessairement les supprimer, si l’on veut avoir des arbres vigoureux, de belle figure, bien fructueux, & de longue durée.

CANNELURE ; c'est une sorte de cavité qui se rencontre dans les tiges, et dans les fruits de quelques plantes. Ces cavités sont à vive arrête ou à côtes. Celles-là ont des séparations à feuillet tranchant, celles-ci sont divisées par des côtes arrondies ou plattes.

CAPRIFICATION. C'est une pratique fort singulière du jardinage, dont le but est d'obtenir une plus grande quantité de fruits. Dans l’Archipel & à Malte, il existe des espèces de figuiers, tant sauvages que domestiques, qui ont besoin d'un secours particulier pour amener leurs fruits à une parfaite maturité. C’est ce secours qu'on nomme caprification. Le figuier domestique fournit les fruits, & le sauvage, appelé caprifiguier, donne naissance à des insectes essentiels à la maturité des fruits domestiques. Les caprifiguiers produisent trois fois des figues dans le courant de l’année. Les premières paroissent en avril, & tombent sans mûrir en septembre et en octobre ; les secondes se montrent à la fin de septembre, & restent sur l'arbre jusqu'au mois de mai ; les troisièmes paraissent alors. Aucuns de ces fruits ne sont bons à manger, la nature ne les destine que pour faire mûrir ceux des figuiers domestiques. Certains moucherons déposent leurs œufs dans les figues d'automne, & y engendrent de petits vers. Les mouches qui en proviennent, piquent en octobre & en novembre les figues d'hiver, & alors, celles d'octobre tombent. Celles-là renferment jusqu'en mai les œufs de ces moucherons, & c'est dans ce mois que les figues du printems commencent à paroître. Parvenues à une certaine grosseur, elles sont piquées à l’œil par les moucherons élevés dans les figues d'hiver. Eh juin & juillet, quand les vers sont près d'en sortir sous la forme de moucherons, les paysans les cueillent & les portent sur les figuiers domestiques. Lorsque cette opération est faite à tems, les moucherons sortent de ces figues printannières, & entrent par l'ombilic dans les figues domestiques, qui sont alors grosses comme des noix, & ils y déposent leurs œufs. Il paroít que l’augmentation de grosseur que ces vers procurent, dépend d'une extravasion de suc, à en juger par les gales que leur piquûre occasionne. Les figues caprifiées ne sont jamais aussi bonnes que les autres. Les habitans de l’Archípel font leur principale nourriture de ces fruits secs, avec un peu de pain d'orge, après les avoir fait passer au four. (Dict. du Jardinage, par M. D.)

CAPSULE. Ce terme, qui signifie petite bourse, désigne, dans les fruits à pépins, la petite loge qui renferme le pépin. Elle se trouve toujours au milieu de l’intérieur du fruit. Cette petite loge ou cloison est séparée par une double membrane parchemineuse, en forme de petites écailles concaves.

CARIE ; c'est la pourriture qui attaque les corps ligneux. Cette maladie des arbres est causée par une seve viciée, qui altère & excorie l’écorce, le parenchyme, la partie ligneuse & la mœlle. Indépendamment du dommage que les arbres reçoivent d'une seve viciée, ils se carient très-souvent, lorsqu'ils ont éprouvé des plaies qui deviennent de plus en plus profondes, étant exposées aux pluies, aux rosées, aux gelées & au soleil.

La carie est souvent aussi occasionnée ou entretenue par la gomme des cerisiers, pêchers, abricotiers, pruniers, ainsi que des arbres appelés résineux, lorsque la seve est déplacée, & qu'elle n'a plus son cours. Pour s'opposer aux progrès de cette humeur vicieuse, & empêcher qu'elle ne ronge la branche, il n'y a qu'à ôter soigneusement la gomme, & le mal cesse.

CARRÉ ; Division qu'on fait dans les compartimens d'un parterre avec du buis où des planches, pour y planter des fleurs.

Les carrés d'un potager sont partagés en planches, & bordés de différentes plantes ; quelquefois aussi ces carrés sont renfermés seulement par des allées.

CARREAU ; planche oblongue d'un potager. Les jardiniers disent qu'ils mettent, l'hiver, leurs légumes en carreau, lorsqu'ils les plantent dans un coin tout près les uns des autres.

CARREFOUR ; c'est la place où aboutissent & se croisent plusieurs allées dans les bois & dans les bosquets.

CARRELET ; c'est une lime d'acier faire en triangle, pour ôter au fer les inégalités de la forge : On se sert du carrelet dans le jardinage, pour ouvrir les dents des scies à main.

CARRIERE ; nom que l’on donne à cette partie des poires où s'amassent plusieurs petits nœuds qui semblent ne former qu'une pierre vers le centre du fruit. Ces nœuds se forment aussi dans la pulpe. Ces pierres ne sont rien autre chose que plusieurs parties de suc endurcies & coagulées par précipitation, de la même manière que celles qu'on voit souvent dans plusieurs liqueurs. Le plus grand nombre des poires, sur-tout les poires sauvages, ainsi que le fruit du coignassier, sont sujets à avoir des carrières.

CASSER un rameau de la pousse ; c'est, dans le jardinage, rompre & faire éclater à dessein un rameau ou une branche de la pousse précédente, en appuyant avec le pouce sur le tranchant de la serpette.

Ce cassement, dit Roger de Schabol, doit être fait environ à un demi-pouce de l’endroit où le rameau qu'on casse a pris naissance, directement au-dessus de ce qu'on appelle les sous-yeux. En cassant de la sorte, à la fin de mai jusqu'à la mi-juin & par-delà encore, on est assuré que des sous-yeux il poussera infailliblement ou une lambourde, ou une brindille, ou des boutons à fruit pour les années suivantes, & souvent toutes ces trois choses à un même arbre. Au reste, ce cassement n'a lieu communément que pour les arbres qui donnent des fruits à pépins.

Le cassement, lieu quelquefois aussi à l’égard de certains bourgeons & des gourmands en bien des occasions. Cependant quelqu'un qui casserait sans réserve, serait sûr d'avoir des fruits à tout rompre ; mais il épuiserait bientôt ses arbres, & la stérilité succéderait à l'abondance.

CATAPLASME ; on donne ce nom dans le jardinage, à une emplâtre de bouze de vache, ou de terreau gras, ou de bonne terre qu'on applique sur les plaies des arbres. C’est aussi ce qu’on nomme onguent de Saint Fiacre.

CAUTÈRE. C’est, dans le jardinage, une ouverture qu’on fait dans l’écorce d’un arbre ou d’une branche, afin de faire percer des boutons aux endroits où elle en est dénuée, ou afin de renouveler & de purifier la seve. Il faut que la partie de l’arbre sur laquelle on le cautère applique, soit vive, qu’elle ne soit point ni sèche, ni trop vieille, ni écailleuse. Voici comme on pratique ordinairement le cautère. Il se fait par une incision de trois pouces de long dans l’écorce, dans laquelle on met un morceau de bois sec de la même longueur, taillé en coin : on lève le coin tous les trois jours, on essuie la plaie avec un linge, & on remet le coin. On ne fait jamais qu’une incision de cette sorte à la tige & une à chaque branche. Quelquefois cette plaie ne suinte point dans les arbres à pépins, mais l’effet n’en suit pas moins le remède. On retire ce coin, au bout de trois semaines. Cette opération se fait depuis le printems jusqu’au commencement de juin.

CENDRE ; substance terrestre & saline, qui reste après que les végétaux sont brûlés. On s’en sert dans l’agriculture comme d’amendement.

On se sert aussi de cendres minérales pour amender les terres.

CERCEAU ; c’est un cercle de bois qui sert à lier les tonneaux. Dans le jardinage, on se sert aussi de cerceaux pour former les arbres & pour les dresser. On ne parvenait autrefois que fort imparfaitement, pendant nombre d’années, à former les arbres avec la serpette ; on était forcé de leur ôter quantité de bois, & de les taillader continuellement ; durant tout ce tems-là on n’avait presque point de fruit ; d’ailleurs on affligeait les arbres par quantité de coupes & de plaies qui leur étaient extrêmement nuisibles. Mais avec le secours des cerceaux, on leur fait prendre une figure convenable, & quand les branches ont pris leur pli, on les ôte : Ce qui n’empêche point les arbres de porter fruit, & comme on ne les tourmente point, par des incisions réitérées, & aussi parce qu’on leur ôte peu de bois, ils grossissent prodigieusement de la tige.

Toutefois on observe que les cerceaux ne sont nécessaires que pour les seuls arbres de figure baroque, qui poussent follement. Quant aux arbres qui se portent bien, les cerceaux sont inutiles.

On emploie des cerceaux à futailles pour les petits arbres ; des cerceaux à demi-muid & à muid pour les forts arbres ; & pour certains arbres très-forts, tout-à-fait déjetés, des cerceaux à cuve.

CHAMP ; (Semer le) se dit de la façon de semer à la volée, en jetant sa graine & l’éparpillant de toutes parts : c’est ainsi qu’on sème le bled.

Fumer à champ. C’est couvrir de fumier toute la superficie de quelqu’espace de terre. C’est la différence de fumer par rigoles ou ce qu’on appelle à vive jauge.

CHANCI ; on nomme racines chancies celles qui étant éclatées, se moisissent en terre, & où se forme une humidité blanchâtre, qui les fait noircir en dedans, & pourrir. Beaucoup de jeunes arbres périssent lorsque leurs racines sont chancies.

Les racines se chancissent encore, quoiqu’elles ne soient pas éclatées, quand l’humidité de la terre est trop grande, ou quand les vers ou d’autres animaux les rongent ; enfin quand, en labourant, on les atteint avec les outils & qu’on leur fait des blessures.

Chanci ; ce mot se dit particulièrement des parties du fumier qui commencent à blanchir, & où se forment des filamens regardés comme la semence de champignons. Pour obtenir ce chanci, on a soin que le fumier soit dans un tas ou sur une couche bien sèche.

CHANCRE ; c’est dans les plantes une espèce d’ulcère malin, formant une sorte de galle causée par une humeur acre & mordante, & qui détruit peu-à-peu la substance intérieure d’une branche ou même d’un arbre.

Les chancres des plantes sont plus ou moins considérables ; ils attaquent indifféremment toutes sortes d’arbres & de plantes ; mais les arbres gommeux y sont plus sujets que d’autres.

CHARIOT, instrument de jardinage. (Voyez. pl. XXIII, fig. 14.) C’est une espèce d’échelle portée sur quatre roues, & ayant des repos ou des paliers saillans sur lesquels se place le jardinier élagueur d’arbres. On monte sur le chariot par une échelle simple qui y est adaptée. Le chariot est entretenu par de fortes traverses, en sorte que son écartement est toujours le même ; on le roule à mesure que l’élagueur avance son ouvrage, sans qu’il soit obligé de descendre. Cette sorte de chariot a d’ordinaire quarante pieds de haut.

Chariot, autre instrument de jardinier, est une voiture qui sert pour le transport des orangers & des arbres en caisse. Cette voiture a un avant-train, & elle est élevée sur deux sortes roues, dont l'essieu passe sous les brancards, & s'unit à une forte barre de fer placée par devant. Chaque extrémité du chariot offre un moulinet d'où pendent des chaînes terminées par des agraffes. Le moulinet de devant n'a qu'une chaîne, & celui de derrière en a deux. Ce dernier moulinet s'ôte pour que le chariot reçoive la caisse. On le charge par devant, après que l'agraffe qui l'embrasse, a été placée sous la caisse, & on tourne avec une barre de fer de trois pieds le moulinet, afin d'y dévider la chaîne, jusqu'à ce que la caisse soit élevée de terre de six à sept pouces. On laisse ensuite dans un des trous du moulinet la barre de fer qui l'arrête, et on attele le limonier.

La même opération se fait sur le derrière de la caisse, qui, élevée perpendiculairement au milieu du chariot, sans y toucher, part pour la serre où la caisse doit être déposée. Ici on la met à sa place. Après avoir dételé les chevaux, on ôte successivement les deux barres de fer restées dans les trous des moulinets, en commençant par celle de devant ; alors la caisse descend du chariot sans secousse.

Ce chariot est de l'invention de Laurent, célèbre mécanicien, mort en 1773.

Chariot pour applanir & entretenir les chemins. (Planche XII.)

Ce chariot porte sur deux rouleaux posés de front, & parallèlement l'un à l'autre, qui tournent sur deux pivots comme la roue d'une brouette.

Ces rouleaux sont de fer fondu, & ont deux pieds seize pouces de diamètre ; ils sont creux, & garnis par dedans de fortes planches ; ils sont traversés par un fuseau de fer, sur l'extrémité duquel portent les quatre planches qui soutiennent le corps de la charette, & quoiqu'elles n'aient que deux pouces d'épaisseur, elles sont si bien emboîtées, qu'on peut mettre dessus tel fardeau qu'on veut. Les bouts des pivots tournent dans une crapaudine quarrée, de manière qu'on peut les graisser aisément ; mais il faut le faire souvent, sur-tout à l'égard des pivots, intérieurs, qui sont ceux qui travaillent le plus. Ces rouleaux facilitent le mouvement de la charette, lorsque le terrain est ferme & uni, & applanissent & affermissent les chemins par lesquels ils passent, de même que les ornières. Il est vrai que ces rouleaux sont bas, mais la petitesse des pivots diminue le frottement, ce qui est un avantage considérable.

Il y a derrière chaque rouleau un coûtre, dont l'usage est d'en détacher l'argille qui peut s'y être attachée.

Le corps de la charette n'étant élevé que de deux pieds six pouces au-dessus de la terre, devient plus aisé à charger, & d'ailleurs il tient moins de place dans les rues.

Les rouleaux, en y comprenant les pivots, ne pèsent guère plus de la moitié des roues ordinaires ; c'est pour s'en servir avec un seul timon & les employer à differens usages, en faisant quelque léger changement au corps de la charette.

CHARMILLE ; c'est un jeune plant de charmes qu'on tire des pépinières, & qui fait les plus belles palissades. On donne aussi ce nom aux palissades même formées de charmes.

CHARRÉE ; c'est le nom de la cendre qui ayant servi à faire la lessive, a perdu en partie l'âcreté du sel que cette cendre conservoit en provenant du bois. Elle est très-propre non-seulement, dans le jardinage, à mettre sur le pied des arbres ; mais encore, dans l'agriculture il est utile de la répandre sur les prés pour faire périr ; la mousse & les mauvaises herbes, ainsi que pour engraisser la terre, & faire avancer les végétaux.

CHARRUES. Les premières charrues n'étaient d'abord qu'un morceau de bois dur, aiguisé par le bout ; on l’a armé ensuite de cuivre, & enfin de fer. Il y a des différences très-marquées dans la construction & dans la forme des charrues modernes en usage dans les divers pays de labour ; elles varient toutes, soit par la longueur & la figure de la flèche, soit par le soc, par le coûtre, par les manches, &c. Cependant, comme il y en a quelques-unes qui sont meilleures que d'autres, à certains égards, ou qui conviennent mieux, suivant la nature. & l’espèce particulière des terrains, il est bon d'en prendre une connoissance générale.

La charrue (dit Mortimer, agriculteur anglois) préférable pour les terres aigilleuses, noires & tenaces, est celle qui est longue, large, avec un soc épais & un versoir quarré, qui enlève une grande largeur de terre, qui a le coûtre long & un peu courbé, avec une oreille fort grande, un pied long & large, pour faire un sillon profond.

La charrue pour les terres grasses, blanches ou grises, n'a pas besoin d'être aussi grande que la précédente ; elle doit être seulement un peu plus large sur le derrière, & avoir un coûtre long & courbé, & le soc même avec une oreille qui monte jusqu'au bras, & qui empêche le versoir de porter.

La charrue pour le sable ou le gravier rouge, blanc ou pour telle autre terre légère, doit être beaucoup moins pesante que la première ; elle doit avoir le coûtre plus mince & plus courbé, & l’oreille moins large.

On se sert aux environs de Colchester, ajoute l’auteur anglois, d'une, charrue à roues, extrêmement légère, avec laquelle on laboure avec deux chevaux deux acres de terre par jour ; mais il est vrai que le terrain est fort léger. Ce qu'elle de particulier, est un versoir de fer, évidé en dedans, lequel retourne la terre infiniment mieux qu'aucune autre espèce de charrue.

La charrue dont on se sert dans la province de Lincoln, a une figure toute particulière ; elle est excellente pour les terrains marécageux, remplis d'herbes, de joncs, & où il n'y a point de pierres, à cause de son coûtre & de la largeur de son soc, auquel on donne souvent plus d'un pied de large, qui est extrêmement pointu. On applique à cette charrue un manche ou soutien que l'on hausse ou baisse par le moyen d’un coin qui empêche le devant de la charrue d'enfoncer trop avant dans la terre ; d'autres coins contiennent la partie postérieure de la charrue. Le coutre consiste en une roue tranchante, laquelle coupe la racine des herbes en travers à mesure qu'elle avance, pendant que le soc les coupe par le pied.

Les habitans de la province de Sussex ne se servent que d'une charrue à une seule roue, extrêmement pesante, & d'autant plus mal aisée à traîner, que le derrière en est fort large.

Le terrain des environs de Caxton, dans la province de Cambridge, est extrêmement argilleux & tenace, & parsemé de petites hauteurs sur lesquelles on sème du bled. On met en prairies les parties ; les plus basses, qui dans les hivers pluvieux sont quelquefois si inondées, qu'on ne sait comment y faire paître les bestiaux.Comme il en coûterait trop pour y faire des saignées avec la bêche, les habitans du pays se servent pour cet effet d'une espèce de charrue qui ne diffère des autres qu'en ce qu'elle est plus forte & plus épaisse. Il y a une pièce de bois attachée, à la flèche, laquelle est armée d'un coûtre, & d'un autre fiché dans la flèche, lesquels sont courbés en dedans pour ouvrir la tranchée. Le soc est plat & fort large, & c'est lui qui ouvre le fond de la tranchée. Le versoir est trois fois plus long que dans les autres charrues, pour jeter la terre loin de la tranchée. Cette charrue, ouvre une tranchée d'un pied de large au fond, d'un pied & demi de large au sommet, & d'un pied de profondeur. Il faut vingt chevaux pour la tirer ; mais on est suffisamment dédommagé de la dépense par le service qu'on en tire.

Charrue double.

On voit dans la planche IX, Fig. 7, cette double charrue, ainsi nommée, parce qu'elle trace deux sillons à la fois.


Elle est de l’invention d'Ellis, riche fermier de Gaddensden, dans la province de Hestforden en Angleterre.

La construction de cette charrueest si simple, que le moindre ouvrier peut la faire. Il faut seulement observer que les crans représentés par la Fig. 7, soient près l'un de l'autre, parce que leur usage est de régler la profondeur des sillons, & de conserver le niveau de la charrue. Dans le cas où les bras sont trop longs, on peut les raccourcir, proportionnellement au terrain qu'on veut labourer.

(Gent. Mag. Feb. 1770.

Charrue anglaise, sans roues.

Il s'est fait depuis quelques années un changement remarquable dans la façon de labourer les terres du Comté d'Essex : il en coûte un quart de moins pour les labours, & je crois, dit un fermier, qu'elles sont mieux travaillées, cultivées. Il fallait précédemment quatre chevaux, un charretier-laboureur & un conducteur, pour faire le labour d'un acte dans un jour Nous faisons, dit-il, le même ouvrage avec trois chevaux & un seul homme, & lorsqu'on a de forts chevaux, il n'en faut que deux. Ces avantages résultent d'une meilleure construction de charrue & d'une meilleure disposition des terres pour le tirage. Il suffira de donner ici quelques indications sur les pièces qui composent cette charrue améliorée. (Voyez pl. XL, Fig. 1.)

1°. L'âge a sept pieds cinq pouces de longueur, cinq, pouces en hauteur sur quatre d'épaisseur latérale ; & à partir de l’endroit où est fixé le contre, l’âge diminue d'épaisseur & hauteur, jusqu'à n'avoir plus que trois pouces sur ces deux faces : à ce même point, l’âge est un peu courbé vers la terre.

2°. Le sep est une pièce droite, longue de trois pieds six pouces, large de quatre pouces à sa partie antérieure, & de trois pouces à la partie de derrière sur quatre pouces & demi d'épaisseur dans toute sa longueur.

Pour que l’âge & le sep soient placés comme il faut, l'un relativement à l'autre, tirez une ligne de la partie postérieure & inférieure du sep jusqu'au dessous de la tête de l’âge, comme la ligne ponctuée A B, & mesurez par cette ligne la hauteur de l’âge ou sa distance du fond du sillon ; il doit y avoir à la queue du sep quatorze pouces de la ligne au-dessous de l’âge, & seulement douze pouces au dessous de la tête de l’âge D à la ligne B. La position relative de ces deux parties est si imporrante, que lorsque celle que nous conseillons manque, la charrue travaille mal : tout autre défaut dans cet instrument peut être réparé ; mais celui-ci ne le peut pas ; il faut démonter les pièces. Si la tête de l'âge est plus haute que douze pouces, la charrue sortira de terre, au lieu d'y faire l'effet du levier, de garder sa position & de faire un ouvrage égal.

3°. L'âge tient au sep par le bras, qui, dans sa moitié inférieure, a la même grosseur que l’âge, il entre en mortoise dans le sep, & est chevillé sur l’âge. Ce bras a cinq pieds, & son extrémité ou le manche doit être trois pieds au-dessus de la ligne de niveau A B, si elle était prolongée.

4°. L'âge est encore lié avec le sep par l’attelier 3, qui a douze pouces de largeur, deux pouces d'épaisseur, & est fortement assemblé à tenon & mortoise.

5°. Le boulon 8 est une troisième partie qui affermit l’âge au sep ; sa position, son union avec le soc le rendent le centre de la charrue & des efforts qu'elle supporte. Il doit avoir un demi-pouce de diamètre ; il traverse l’âge & le sep.

6°. Les socs dont nous faisons usage dans les terres fortes & glaiseuses, pèsent six livres étant neufs. Ils ont treize pouces à la partie large des ailes, & une pointe d'environ quatre pouces, plus plate que quarrée : ils sont ajustés au sep, de manière que la partie des ailes se trouve trois quarts de pouce plus bas que la ligne de niveau. De cette dépression de la pointe, dépend l’entrée du soc dans la terre, & elle fait qu'il s'y maintient.

7°. Cette partie du soc qui déborde, laisseroit sous le sep un vide où la terre s'attacheroit, & rendroit le frottement rude & le tirage plus pénible, ce qu'on prévient, en attachant sous le sep une plaque de fer qui recouvre ce vide & le dessous du sep : la tête du boulon est perdue ou enchâssée dans cette plaque ; ainsi, tout le pied du sep est égal & uni ou coulant.

8°. Le coûtre a un pouce & demi de large ; sa tige un pouce quarré d'épaisseur & deux pieds de long : sa pointe approchera à volonté plus ou moins du soc, selon la nature du terrain.

9°. Le versoir de la charrue aura trois pieds de long, un pied de largeur ; il est plat à sa surface inférieure, mais convexe ou arrondi en dessus. Il ne peut être trop mince, pourvu qu'il ait assez de force ; il doit approcher de la forme d'un coin, & présentant une pente douce, former une continuité du soc pour passer aisément à sa suite sous la terre. Sa partie postérieure aura huit pouces de largeur : il est cloué au-devant du sep avec des clous qui traversent celui-ci, & sont rivés dessous : par derrière il est attaché au bras avec de fortes chevilles de


bois. La convexité ou rondeur de sa forme lui donne dix pouces de largeur, trois pouces du bord inférieur ; l’augmentation de largeur doit être dans la proportion de deux pouces de largeur sur trois pouces dehauteur. Ces proportions sont suffisantes pour faire des sillons de médiocre largeur, comme nous en faisons dans les terres fortes cinq dans une largeur de cinq pieds. Quand on veut faire des sillons plus larges & des sillons plus hauts, voici ce qu'on doit pratiquer.

Sur le dessus du versoir, à la partie, postérieure, on place une plaque de fer longue de dix-huit pouces, large de quatre pouces, & d'une forte épaisseur. Cette partie se place & déplace à volonté plus haut ou plus bas ; pour cet usage, on a percé le versoir de trois ou quatre trous, afin d'attacher la plaque de fer à la hauteur convenable ; par ce moyen, une seule charrue fait le service de plusieurs différentes. Comme le col ou la partie antérieure du versoir s'useroit en peu de temps, on y attache avec des clous une plaque de fer qu'on renouvelle au besoin.

10°. Immédiatement avant le versoir, est le coq de fer 7 qui sert à tenir plus ferme le soc, à empêcher les racines de s’engager entre le poitrail & le soc. Il doit avoir deux pouces quarrés d'épaisseur, & sa partie plate doit faire face à la tête de la charrue ; cette pièce doit être un peu inclinée vers le poitrail ; son autre extrémité est fixée dans le soc.

11°. Le bâton de la charrue ne sert pas seulement pour y tenir la main ; il doit y avoir cinq pieds six pouces de longueur, être droit & d'une forme à être saisi par la main à son extrémité supérieure : au bout d'en bas on ajuste un morceau de fer ; l'extrémité du bâton se place dans un trou qui est à la partie concave ou intérieure du poitrail, dont il se retire à volonté pour son usage, qui est de tourner le tranchant du coûtre comme l’on veut, de nettoyer la charrue de terre quand il en est besoin : quant au reste du bâton, il porte sur la cheville qui attache le versoir au bras.

Nous n'expliquerons pas les pièces connues 14 qui servent au tirage de la charrue, on dira seulement que cette manière d'atteler, partage le tirage entre tous les chevaux plus également que l'attelage ordinaire. Dans celle-ci, lorsqu'il y a trois ou quatre chevaux, ceux qui sont les plus-proches de la charrue, non-seulement tirent pour leur part, mais portent encore un poids proportionné à la force du tirage des chevaux de devant.

Le pied anglais n'a qu'onze pouces du pied de France.

Charrue à défricher.

Cette charrue à défricher est de l’invention du citoyen de Pommiers.

Les défrichemens dans les terrains couverts d’ajoncs & de bruyères sont si coûteux & si pénibles, qu’il vaudroit mieux quelquefois acheter un fonds de terre, que de prendre la peine de les défricher. La charrue que nous allons décrire, dispensera non-seulement du soin de se servir de la pioche dans les défrichemens des brandes, mais encore dans ceux des vieilles vignes. Quatre bœufs suffisent pour l’atteler, & l’on défriche aisément, par son moyen, toute sorte de terrain. Le travail en est facile, & l’homme le plus foible peut y suffire sans aucun effort, & sans qu’il ait besoin d’aucun poids pour guider ou contenir la charrue.

Il n’est pas douteux que pour réussir dans un travail aussi difficile que le défrichement des landes, on ne doive employer une charrue solide, & dont les proportions soient bien exactes ; mais si la construction d’un pareil instrument est facile, & qu’elle puisse être exécutée par le laboureur lui-même, cette charrue réunit tous les avantages ; tels sont ceux que présente l’instrument aratoire du citoyen de Pommiers.

Les roues de cette charrue doivent avoir 54 pouces de hauteur, & sont composées de douze raies ; la jante a 2 pouces d’épaisseur & autant de largeur ; le moyeu a 8 ou 10 pouces de longueur, & l’on peut y mettre des frettes ; on peut également les construire sans serrure.

On donne à la perche de la charrue 8 pieds 4 pouces de longueur, & sa grosseur doit être proportionnée à la force du travail auquel on la destine. On a soin de faire des trous pour la chaîne, de deux en deux pouces, à quatre pouces au-dessus du coutre, & lorsque la perche baissé trop, on peut l’élever, en ajoutant une hausse au-dessus de l’oreille ; celle-ci aura de longueur deux pieds 8 pouces ; la tête seulement 8 pouces, & elle sera camuse, & à l’endroit où elle reçoit le soc, on la bombera & l’on aura soin de faire pencher le versoir. Si par hasard on n’avoit pas de morceaux de bois assez gros pour construire la tête on pourroit la faire de deux pièces, & on l’assujettiroit à la perche & au cep par une cheville qui serviroit également à l’éloigner ou à la rapprocher. D’après cette construction, il est évident que la terre enlevée par le soc doit tourner autour de l’oreille, qu’elle est divisée par la pression de celle-ci & que son tournant arrache les racines.

La largeur du soc est de 12. pouces, sa longueur de 21 ; il doit être terminé en pointe ; son enfourchure, dont il faut que lemilieu soit parallèle, aura cinq pouces & demi de largeur, & un pouce & demi de hauteur ; la force de celle-ci doit être proporiionnée au défrichement qu’on veut faire ; quelques clous suffiront pour


attacher le soc à l’oreille, si on a eu soin de poser, vers le tiers de sa longueur, une bande de fer de six pouces, sur un de largeur.

La perfection de la charrue dépendant absolument du cep, il faut observer dans la construction de cette pièce, 1o. qu’elle doit être faite avec du bois très-dur ; 2o. que sa longueur est de deux pieds 8 pouces ; sa largeur 6 pouces, & 5 son épaisseur ; 3o. qu’il faut qu’elle soit bien dressée & creusée en dessus de demi-pouce sur la longueur d’un pied ; 4o. enfin qu’on doit rabattre le dessus, afin que le soc soit emmanché très-droit. On observera sur toutes choses qu’il faut que le cep soit extrêmement incliné, parce que s’il étoit droit, comme dans d’autres charrues, la moindre résistance le feroit soulever, pencher le soc, & ne produiroit aucun effet ; mais si on observe dans sa construction tous les points qu’on a indiqués, alors le talon frappera la terre dans l’endroit le plus difficile, & rien ne pourra l’arrêter. Si la charrue s’échappait de côté, ce seroit une preuve que le soc n’est pas posé droit, & il faudroit y remédier sur le champ.

Pour empêcher les herbes, les racines, de s’amasser entre l’oreille & le coûtre, on aura soin de pratiquer une ouverture auprès de ce dernier ; l’expérience apprendra la grandeur qu’il convient de lui donner ; par ce moyen tout passera, & l’on ne sera jamais obligé de s’arrêter ; si la lande ne se renversoit pas bien, on y remédieroit en éloignant davantage l’oreille.

L’essieu doit avoir 36 pouces de long ; mais pour en diminuer la dépense, on peut le faire de bois. La sellette qui porte sur l’essieu & qui est entre les roues, a 1 ou 3 pouces d’épaisseur ; les pièces des côtés ont deux pieds de longueur, & lorsque celle du milieu est assez longue, èllé peut servir de timon. On conçoit que celui-ci doit varier dans sa forme, & qu’il ne doit pas être le même pour atteler des bœufs ou des chevaux ; on attache contre la sellette un crochet destiné à tenir une chaîne de la longueur de trois pieds, laquelle est terminée par un anneau assez grand pour que la perche puisse passer au travers ; un second crochet, fixé contre cette dernière, sert à alonger ou à raccourcir la chaîne.

On fera d’abord l’essai de cette charrue dans une terre en valeur, ensuite dans une pelouse, après quoi on la montera à son point, & on s’en servira dans les landes. Elle devient beaucoup plus aisée après quelques jours d’usage, & soit habitude, soit parce que l’instrument va beaucoup mieux, l’iilusion en est au point qu’on croiroit à peine que c’est le même dont on se servoit en commençant. Cette charrue est très peu dispendieuse ; un soc de vingt livres, un coutre de quinze & une chaîne de douze, voilà tout le fer qui entre dans sa construction ; le reste est en bois, & aux roues près, le laboureur peut la construire lui-même : il observera, quand il voudra faire usage de cette charrue, qu'on lui donne entrée par trois endroits, 1°. par la sellette ; 2°. par le trou de la perche ; 3°. en accourcissant la chaîne. Deux hommes, quatre bœufs ou quatre chevaux peuvent, avec cette charrue, défricher les landes les plus fortes, tandis que quatre hommes & sept couples de bœufs suffisoient à peine pour celles qu'on employoit auparavant, au même usage. (Voyez pl. XL, Fig. 2.)

Charrue propre à faire des tranchées d'un pied de profondeur, d'un pied 8 pouces de large au sommet & de 10 pouces au fond, dont le talut soit égal des deux côtés. Cette charrue est de l’invention de Cuthberg Clarke, anglais.

Voici l’explication des figures, pl. XIII.

Fig. 1. La charruevue de côté.

Fig. 2. La même charrue vue de front.

Fig. 3. La même vue par derrière.

Fig. 4. Coupe qui montre la disposition des trois coutres.

A, B, C ; trois coutres enchâssés dans le coutre-soc S à angles droits, & attachés aux bras de la charruepar des vis D, E, F, Fig. 4. Le soc est de fer depuis S jusqu'en A, & a 10 pouces de large au fond qui est la largeur de la tranchée.

G, roue ou rouleau qui sert à deux usages ; l'un à empêcher que la charrue n'entre trop avant dans la terre, l'autre à couper les mottes en trois. Pour cet effet, le rouleau dont la largeur est de 20 pouces, est armé de chaque côté d'une plaque de fer qui déborde de 3 pouces. Il y a au milieu une autre plaque de la même grandeur ; les coutres sont sur la même ligne.

K K ; pivots du rouleau.

L L ; vis qui assujettissent l’arc-boutant qui soutient les pivots.

M ; crochet de fer auquel estattachée la chaîne qui sert à tirer la charrue.

N ; la chaîne.

O ; tête de la charrue dans laquelle les timons sont emmortoísés.

P, Q, R ; les trois timons.

S ; fer dans lequel entre le contre-soc de la charrue.


T ; pièce de bois, le long de laquelle la motte monte après avoir été coupée.

V, V ; pièces qui jettent la terre de côté & d'autre de la tranchée.

W, W ; bande de fer qui attache le derrière de la charrueau timon du milieu.

X ; tenon.

Z Z ; les mancherons.

a, b ; traverse qui contient les mancherons.

c, d ; surface du terrain. Tout ce qui est au-dessous représente l’excavation que fait la charrue.

f, e, g ; l'angle du coûtre avec une ligne parallèle au plan horizontal ; il est d'environ 45 degrés.

Charrue tranchante. Cet instrument est fort utile dans les prés ou les pâturages, pour ouvrir les tranchées, les rigoles, les saignées. Cette charrue est encore fort bonne pour couper le gazon, lorsqu'on veut le remettre tout entier dans la même place ou ailleurs. Elle est composée d'un long manche terminé par un bouton pour pouvoir le tenir plus commodément ; l'autre bout porte sur un avant-train composé de deux roues & d'une traverse, à laquelle est attaché un coûtre auquel on donne une longueur proportionnée à l’épaisseur du gazon qu'on veut couper.

Ces charrues sont de plusieurs façons ; les unes sont à une roue, les autres à deux, & quelques-unes n'en ont point ; on choisit celles qui conviennent le mieux au terrain & à l’ouvrage.

Charrue pour détruire les fourmillières.

Cet instrument est composé d'un fer tranchant a, d'environ trois pieds de long & de 4 ou 5 pouces de large dont le dos est fort épais ; il y a deux manches pour le saisir ; on a pratiqué deux trous où l'on passe les traits des chevaux qu'on y attelé ; une traverse de fer sert à l'affermir ; c'est une espèce de petit coûtre qui coupe la fourmilliere en deux parties, & l'on peut en mettre deux, lorsqu'on veut la couper en quatre. Pourvu que vous ayez un cheval pour tirer cet instrument, un garçon pour le conduire & un homme pour le tenir, vous abattrez plus de fourmillières en un jour que huit hommes n'en peuvent abattre par la voie ordinaire ; il faut seulement observer que, comme il coupe les fourmillières par la racine, il laisse dessous un vide qui cause quelque préjudice au terrain ; mais on peut remédier à ee défaut en semant du foin, du trèfle, &c.

Charrue à quatre coutres.

On connoît la charrue ordinaire à deux roues, qu'on regarde comme la meilleure pour toutes sortes de terres, excepté les terres glaises & bourbeuses, qui s'attachent aux roues, & les embarrassent tellement qu'elles ne peuvent pas tourner.

On se sert en quelques endroits d'une invention pour remédier à cet inconvénient, qui est d'entourer les cercles de fer et les raies des roues de cordes de paille d'un pouce d'épaisseur. Les roues pressant la terre, les cordes, en s'applatissant, s'écartent des deux côtés, & cet écartement repousse la boue & l’empêche de s'attacher aux roues, comme elle le seroit sans cela.

La charrue dont il s'agit, est ordinairement divisée en deux parties, savoir, la tête & la queue. La tête contient les deux roues & leur essieu de fer qui passe le long d'une traverse fixe, dans laquelle il tourne aussi bien que dans les roues ; les deux montans qui sont inserés perpendiculairement dans cette traverse, & dont chacun a deux rangs de trous qui servent à hausser & à baisser la flèche, en haussant & en baissant une traverse mobile, pour augmenter ou diminuer la profondeur du sillon ; la traverse d'assemblage, au bout de laquelle les montans s'ajustent en haut dans les mortoises où ils sont cloués ; le châssis avec ses anneaux & crochets de fer par lesquels toute la charrue est tirée ; la chaîne qui attache la queue de la charrue à la tête par le collier d'un bout, & passe de l’autre bout par un trou au milieu de la traverse fixe, où elle est attachée par une tringle ; la chaîne dont l'un des bouts est attaché à la flèche par une cheville, & l'autre au bout d'en haut de la même tringle, laquelle est retenue contre le montant gauche par le cercle d'osier qui les embrasse tous deux, & va passer à gauche par-dessous le bout de la traverse d'assemblage, ou au lieu de ce cercle d'osier, par un bout de corde, & quelquefois par le bout de la chaîne, quand elle est assez longue.

La queue de la charrue contient, la flèche, le coûtre, le soc, la planche, l’érançon., qui passe (par la flèche près du bout ; le manche court, c qui est attaché avec une cheville vers le haut de a l'étançon, & avec une autre au haut de la planche ; le montant, qui appartient au côté droit de la queue de la charrue, & auquel la pièce d'en bas est attachée, comme l’est aussi la planche du dessous dont la partie antérieure est attachée au montant avec une cheville dont l’autre bout entre dans la fleche ; & le double tenon, qui supporte la planche en haut, & passe par la flèche pour y être attaché par ses vis ou par les écrous.

La flèche diffère quelquefois en longueur, étant de dix pieds quatre pouces dans certaines charrues, au lieu que dans d'autres elle n'est que


de huit pieds ; elle est aussi de différente figure, étant droite d'un bout à l'autre dans les unes, tandis que dans d'autres elle ne l’est que depuis l’endroit où elle monte en haut tout d'un coup ; de sorte que si on laisse tomber un plomb du coin à la surface unie sur laquelle elle est placée, on y trouvera onze pouces & demi, qui sont sa hauteur dans cet endroit ; & si on laisse tomber un autre plomb du coude de la flèche sur la même surface, on y trouvera un pied huit pouces & demi, qui sont la hauteur à laquelle la flèche est élevée de la terre à cet endroit ; & si on laisse tomber un troisième plomb depuis le bas de la flèche à l’endroit qui porte sur la. Traverse à la surface de la terre, il fera voir que la fleche est élevée de deux pieds dix pouces au-dessus de la surface à cet endroit ; il y a d'un bout à la partie postérieure du premier coûtre trois pieds deux pouces ; de-là jusqu'au dos du coûtre suivant, treize pouces ; de-là au troisième, treize, & de-là au quatrième, autant.

Cette courbure de la flèche est faite pour éviter la trop grande longueur des coutres antérieurs, laquelle serait nécessaire, si la flèche étoit droite ; & alors, à moins qu'ils ne fussent extrêmement épais & pesans, ils seroient sujets à se fausser, & la pointe du quatrième seroit si éloignée de son emboîture, qu'il aurait une force presque insurmontable pour lâcher les coins qui le contiennent ; d'où il arriveroit que le coutre se leveroit, & ne trancheroit plus la terre ; ce qui n'arrive pas quand la flèche est courbée. Cette flèche se fait ou de frêne, qui est le bois le plus léger, ou de chêne, qui est le plus durable ; sa dimension, tant en épaisseur qu'en largeur, peut varier, suivant que la terre qui doit être labourée, est plus pesante ou plus légère ; mais celle que nous venons de décrire, a cinq pouces d'épaisseur au trou du premier coutre, & quatre de largeur.

A la planche, qui est large de sept pouces, sont joints les tenons de fer, dont le gauche doit être plus avancé, afin que le bord de sa partie intérieure, qui est plat, soit bien serré contre le bois de la planche. Cette piece tient la planche attachée à la flèche par ses vis & ses écrous, comme le fait aussi une cheville qui est dans le trou auquel correspond une petite partie de la flèche ; la cheville y étant poussée, tire la planche en haut, & la tient serrée contre la flèche. La principale chose dont on doit prendre connaissance, c'est l’angle qui montre l’élévation de la planche. Quand cet angle est plus grand que le 45e degré, une charrue ordinaire ne va jamais bien : dans cette charrue à quatre coutres, on le fait de 42 ou 43 degrés au plus.

Passons au soc, où l'on distingue le bout de la pointe, la queue du soc, qui est long de trois pieds neuf pouces ; l’aileron ; la douille dans laquelle le bas de la planche entre ; une plaque mince de fer qui est rivée à la queue du soc ; c'est par cette plaque que la queue du soc est attachée à l’étançon par une petite cheville de fer qui a une vis au bout & un écrou qui est monté du côté intérieur ou droit de l’étançon.

La pointe du soc est longue environ de trois pouces & demi, platte par-dessous, & ronde en dessus : il doit être d'acier fort dur en bas ; le bord de l’aileron doit être bien acéré ; la longueur est indifférente. La douille est une mortoise d'environ un pied de long à la partie supérieure, & de deux pouces de profondeur : son bout de devant ne doit pas être perpendiculaire, mais oblique, comme le devant de la planche qui y entre ; & le bord d'en haut de cette partie antérieure doit toujours porter contre la planche. Mais si ce bout de la douille n'étoit pas tout-à-fait aussi oblique que la planche, on peut y remédier, en rognant un peu de bois à la pointe de la planche.

Un côté du soc doit être parfaitement droit, mais celui d'en bas, à l’endroit de son col, doit, être un peu creux du côté de la terre, mais jamais de plus d'un demi-pouce dans aucune charrue ordinaire, & d'un quart de pouce dans celles, qui ont quatre coutres ; de sorte que, quand le soc est nouvellement fait & posé sur son fond, il ne porte sur la surface unie qu'en trois endroits, c'est-à-dire, à la pointe, à la queue & au coin de l’aileron.

La figure 7 est le soc renversé, il montre la concavité de l’aileron à l’endroit qui doit être plus grande pour un terrein pierreux & embarrassé.

Le grand manche est long de cinq pieds quatre pouces, & large de quatre pouces dans sa plus grande largeur ; il est attaché à la planche & au montant.

Le manche court n'a que trois pieds neuf pouces, & est attaché à l’étançon & au bout de la planche de devant au dessus de la flèche.

La principale chose, & celle qu'on doit le moins se dispenser d'observer, est de placer les quatre coutres de manière que les quatre plans imaginaires que leurs tranchans décrivent quand la charrue va en avant, soient tous parallèles les uns aux autres, ou à-peu-près ; car si un d'eux inclinoit beaucoup à un des trois autres, ou qu'il s'en éloignât, ils ne pourroient pas entrer dans la terre ensemble. Pour les placer ainsi, leurs trous doivent être faits à travers la flèche convenablement ; c'est-à-dire, le trou du second coutre deux pouces & demi plus à la droite que


le premier ; ainsi du troisième & du quatrième, conformément aux quatre incisions qu'ils doivent faire dans un sillon de dix pouces ; & comme une seule flèche n'est pas assez large pour qu'on y puisse faire les quatre trous des coutres à cette distance, on est obligé d'y ajouter une piece. Le second trou est fait partie dans la flèche & partie dans cette piece ; le troisième & le quatrième sont faits entièrement dans cette piece ; trois vis attachent cette piece au côté droit de la flèche avec leurs écrous.

La distance de deux pouces & demi, à laquelle chacun des trois coutres ajoutés est placé plus à la droite que celui qui est immédiatement après, doit être comptée du milieu d'un trou au milieu de l'autre : la partie de devant de chaque trou doit incliner un peu vers la gauche, en sorte que les dos des coutres ne portent pas contre le côté gauche des incisions faites par les tranchans.

Chaque trou étant une mortoise, est large d'un pouce & un quart, & ses deux côtés opposés sont parallèles depuis le haut jusqu'en bas ; chacune de ces mortoises est longue par en haut de trois pouces & demi, & par en bas de trois pouces ; la partie de derrière de chaque trou des coutres n'est pas perpendiculaire, mais oblique ; elle détermine la situation oblique du coutre qui y est enchâssé avec un coin, comme tous les autres le sont.

Le coutre a deux pieds huit pouces de longueur ; son tranchant est de 16 pouces de longueur ; son manche a la même longueur. On le fait d'abord de cette longueur, afin qu'y en ayant une partie au dessus de la charrue, on puisse le chasser plus bas, à mesure que la pointe s'use ; ce manche est large d'un pouce & de sept huitièmes, & épais de sept huitièmes de pouce également dans toute sa longueur : sa largeur & son épaisseur pourroient être représentées par un parallélogramme rectangle.

Dans toutes les charrues, le premier coutre est ou doit être placé dans la fleche de la manière suivante ; c'est-à-dire, que son dos porte contre, celui de son trou ; son côté droit, d'en haut contre le bord d'en haut, & son côté gauche contre le bord d'en bas, de sorte qu'il faut toujours trois coins pour le tenir ; l'un devant, un autre à gauche en haut & un troisième à droite en bas. Le trou doit être fait de façon que le coutre y étant placé de travers, sa pointe puisse incliner assez vers le côté gauche, pour être environ deux pouces & demi plus à la gauche que la pointe du soc, s'il était poussé aussi bas que lui ; mais il ne doit jamais être aussi bas dans aucune charme. Quant à sa situation en avant, sa pointe ne devroit jamais être devant le milieu de celle du soc.

Les trois coutres ajoutés doivent être dansla même situation que celui dont nous venons de parler, eu égard à l’inclinaison de leurs pointes vers la gauche, & c'est un avantage pour eux ; car par ce moyen, quand on leve l'aileron entournant les manches vers la gauche, les pointes ne sortent point de la terre du côté droit, comme elles le feraient sans cette inclinaison vers la gauche ; mais à l’égard de leur position en avant, le mieux est que chacun des trois soit un peu plus perpendiculaire que celui qui le suit. C'est ainsi que le quatrième coutre approche plus de la perpendiculaire que les autres, y ayant, par ce moyen, plus de place entr'eux en haut qu'en bas, ils sont plus facilement débarrassés du gazon, quand les pièces étant couvertes d'une grande quantité de chiendent ou d'autres herbes, montent entr'eux. Il est vrai que cela arrive rarement ; mais il faut alors un homme qui marche à côté avec un bâton fourchu, pour détacher le gazon ou l'herbe, qui sans cela rempliroit les espaces qui sont entr'eux, & empêcheroit l’opération de la charrue, en la soulevant.

On doit observer qu'aucun des coutres ne doit descendre aussi bas que la base du soc, excepté quand on laboure fort superficiellement, que l’aileron du soc soit assez large pour couper la quatrième piece ou le quatrième sillon ; sans quoi la terre, restée ferme, pourroit soulever la charrue & la détourner. Mais quand on laboure profondément, elle rompt ce quatrième sillon, quoique l’aileron ne soit pas assez large pour y atteindre.

On fera bien de mettre entre les écrous & le bois des plaques de fer ou d'acier, pour empêcher que l’écrou ne creuse le bois.

Les trous où entrent les coutres, doivent aussi être garnis de plaques de fer ; tant en haut qu'en bas.

Le collier de fer est attaché à la flèche par deux crochets qui prennent à deux courtes chevilles qu'on a fait entrer dans la charrue, précisément derrière le trou du second coutre, chacun d'un côté de la flèche. L'usage des entaillures pratiquées dans le collier, est d'aider à la direction de la pointe du soc. A mesure que la pointe du soc s'use, il incline un peu plus vers la droite, & l’on y remédie en mettant le crochet dans une entaillure plus près de la gauche, ce qui dirige la pointe un peu plus vers la gauche ; & cela est plus facile à faire dans cette sorte de charrue que dans les charrues ordinaires, dont les colliers tournent tout autour de la flèche ; chaque côté de ce collier est long d'un pied.


Quand on veut approcher la charrue un peu plus près des montans, on met le crochet dans le second ou troisième chaînon. On remarque que quand on raccourcit la chaîne, la pointe du soc incline un peu vers la gauche.

Remarquez que les trous de la caisse par lesquels les jambes de la barre du châssis passent, ne doivent pas être faits à angle droit avec la caisse, mais biaisant en enhaut, de manière que le devant du châssis soit plus haut que le derrière, sans quoi le haut des montans pancheroit tout-à-fait en arriere quand la charrue est tirée.

L'usage des entaillures de la barre du châssis est pour donner à la charrue un sillon plus large ou plus étroit : si on y met les chaînons du côté droit, cela fait aller les roues à la gauche, & donne un plus grand sillon ; & si on les met du côté gauche, cela donne un plus petit sillon, en faisant venir les roues à la droite.

La distance qu'il y a entre les deux jambes de la barre est de 8 pouces, elles doivent être assez fortes : les chaînons étant placés dans les entaillures éloignées les unes des autres, empêchent les roues d'avancer plus l’une que l'autre ; ce qui arriveroit si les deux étaient dans une même entaillure ou dans deux joignantes, à moins que ce ne fût celle du milieu ; ces chaînons sont longs de six pouces & demi chacun.

Il y a un anneau par lequel les deux chaînons & les deux crochets sont joints, & dans lequel ils tournent.

La gauche de la charrue a vingt pouces de diamètre, & celle de la droite deux pieds trois pouces ; la distance à laquelle elles sont l’une de l'autre sur la terre, est de deux pieds cinq pouces & demi.

Les montans ont un pied & onze ponces de hauteur depuis la caisse jusqu'à la traverse ; ils sont perpendiculaires à l’égard de la caisse, & la distance de l'un à l'autre est de dix pouces & demi. La traverse est soutenue aux deux bouts par deux chevilles de fer qui y sont attachée» avec des chaînes, afin qu'elles ne se perdent pas si elles tombent. La hauteur depuis la surface de la terre jusqu'au trou de la caisse par lequel passe la première chaîne, est de treize pouces, étant deux pouces au-dessous des trous de la barre du côté de derrière de la caisse ; la hauteur de l'autre bout où le crochet du collier saisit la cheville dans la fléche, est de vingt pouces au-dessus de la même surface unie ; ce qui montre combien la chaîne descend en avant pour tirer la charrue en bas.

Quand on a fait une charrue à quatre coutres, on doit l’essayer avec le premier avant d'y mettre les trois autres ; car si elle ne va pas bien avec un seul, il n'y a point d'apparence qu'elle aille avec quatre ; & l’on n'a vu ni entendu dire au contraire qu'aucune charrue allât bien avec un coutre, sans qu'elle allât bien avec quatre, quand ils ont été placés comme il a été dit plus hàut.

Or voici les marques à quoi on reconnaît qu'une charrue a été bien construite : si elle fait un sillon d'une égale profondeur à la droite & à la gauche ; si, quand elle va, la queue du soc & le bas du montant portent sur le fond du sillon, & si elle est aisée dans la main de celui qui la mène y sans presser l'un de ses bras plus que l'autre.

Le laboureur qui est accoutumé à une charrue à deux roues, ne les laisse jamais renverser quand il tourne au bout de la piece d'un sillon à l'autre. Pour cet effet, quand il a levé la charrue, en la tournant un peu, il a l’adresse de lever les montans avec le bout de la flèche, en appuyant fortement la main contre le manche, pendant que la charrue est couchée d'un côté, jusqu'à ce que les chevaux, les roues & la charrue soient presqu'en ligne droite au commencement du sillon, alors il la leve, & fait son nouveau sillon.

Charrue légère. La charrue légère a sa flèche & sa queue presque les mêmes que celles de la charrue ordinaire, dont la flèche étant accourcie & attachée par des vis à la planche, pourroit faire une charrue légère. Le soc de cette dernière est depuis sa queue jusqu'à la partie de devant de sa douille, long de deux pieds & un pouce, & de-là à la pointe, de dix pouces & demi ; ce qui s'entend de la base. Sa planche est longue de deux pieds sept pouces & demi, épaisse de deux pouces & demi, & large de neuf pouces. Les écrous de deux clous à vis tiennent la flèche à la planche. L'écrou de la cheville a un crochet par en bas, auquel un des chaînons de la chaîne courte du palonier est attaché pour le tirage de la charrue. Le seul usage de cet écrou, est d'empêcher la cheville de tomber par son propre poids, par celui de la chaîne, & par celui du palonier : mais pour n'avoir pas la peine de le serrer & de le desserrer, on se sert souvent d'un clou quarré un peu plus gros que le trou, lequel on fait si bien entrer avec un marteau, qu'il ne peut pas sortir de lui-même. On peut cependant facilement le faire sortir avec quelques coups de marteau aussi souvent qu'il est nécessaire de le mettre dans un autre trou.

Deux limons sont attachés à la planche avec quatre vis & leurs écrous.

Leurs surfaces inférieures sont de toute leur


longueur parallèles à la planche, & à la surface supérieure du bout de devant de la flèche. Sans cela les surfaces supérieures & inférieures de cette planche ne seroient pas parallèles au soc ; elles feroient avec lui le même angle que les limons & sa flèche font.

Ces limons doivent se courber en dehors, jusqu'à ce qu'ils arrivent à un pied environ près de la chaîne, à cause que le milieu de la planche de la charrue légère ne suit que fort rarement la direction du cheval, & c'est pour cela qu'il doit y avoir beaucoup de place entre ces limons. Ils doivent aussi s'écarter l’un de l'autre par leur extrémité, à cause que celui du côté droit doit souvent être levé, & celui de la gauche baissé, en levant la charruevers le côté gauche ; car si on la levoit vers le droit, le soc marcheroit sur l’aileron, & sa pointe sortiroit de la terre, à moins qu'elle ne fût sur une surface qui penchât vers la droite : la distance entre leurs bouts de devant, est de deux pieds huit pouces.

Leur force & leur roideur doivent être telle, qu'ils ne se plient pas entre leurs bouts de devant & la queue de la flèche ; car s'ils sont si foibles qu'ils cèdent au poids du sillon, la pointe du soc descendra dans la terre, & sa queue se levera, & alors la charrue ne peut pas aller bien. Plus ils sont courts, plus ils sont forts & roides, étant de la même grosseur ; on peut les faire de telle longueur qu'il y ait justement de la place pour le cheval devant la barre, qui tient les limons à une distance convenable. Ils sont depuis leurs bouts jusqu'à la barre, longs de quatre pieds dix pouces, & de-là à la planche de dix pouces, & de trois pouces & demi quarrés à la barre.

Le palonier a des entaillures auxquelles les traits tant du limonier que du cheval qui est devant lui, sont attachés. La longueur du palonier est incertaine : mais quand on laboure entre des rangs, & que les plantes sont devenues grandes, on le fait aussi court qu'il puisse l’être, sans que les traits écorchent les jambes des chevaux.

Nous plaçons par le moyen de la dossière ou de la chaîne des limons, cette charrue, de manière qu'elle prenne plus ou moins profondément. Le changement de ses chaînons dans le crochet, produit le même effet que celui du changement des clous dans les differens trous des leviers dans la charrue ordinaire.

La flèche a sa longueur de quatre pieds dix pouces : on fait sa largeur & épaisseur telles, qu’elle soit aussi légère, qu’elle puisse l’être sans plier.

Il y a une mortoise par laquelle passe l’étançon ; une autre mortoise du montant parallèle à l’étançon, sur lequel montant elle est clouée.

On a pratiqué un trou dans la flèche, où le bout de manche gauche entrant, empêche la flèche de se mouvoir, & c'est la meilleure manière d'attacher le manche d'une charrue. Remarquez les trous par lesquels les deux jambes du double tenon passent, & y sont soutenues par leurs écrous. Le trou du coutre, le trou postérieur par lequel la charrue est attachée à la planche, & les deux trous de devant de la flèche, par l'un ou l'autre desquels passe la cheville qui la tient à la partie de devant de la planche. Ces derniers trous doivent être faits aussi près l'un de l'autre qu'il se puisse, sans fendre le bois qui est entre deux. Il y a différentes manières d'empêcher que cela n'arrive ; l'une est de faire entrer deux chevilles quarrées à travers la flèche avant qu’on fasse les trous ; ou bien on peut couvrir ces trous en haut & en bas avec du fer, ce qui fera le même effet ; & alors il ne fera pas nécessaire qu'il y ait plus d'un pouce de l'un à l'autre.

Voici la manière de placer la flèche & les quatre trous par lesquels on attache avec des vis les limons à la planche. Supposé que le pas du cheval soit une ligne droite, & que la ligne qui est à angles droits avec la planche, & qui est à une égale distance de chaque limon, passe exactement par-dessus, sans faire d'angle à l’un ou à l'autre de ses côtés, alors la flèche doit être placée à angles droits avec la planche, afin que le soc puisse en allant faire une ligne parallèle au pas du cheval, excepté la petite inclinaison qu'à sa pointe à gauche ; mais cette charrue suit rarement le cheval de cette manière. La ligne à angles droits fait généralement des angles avec le pas du cheval ; sans quoi, il arriveroit (quand la flèche est placée près du limon gauche, & la cheville à laquelle elle est attachée à la chaîne près du droit dans le trou, où elle doit être placée pour que le fer soit parallèle au pas du cheval) que le poids du côté droit de la planche & de son limon seroit trop fort pour que la main droite de celui qui mène la charrue pût la manier ; & si on met ladite cheville, par exemple, dans le trou 7, le parallélisme du soc avec le pas du cheval se perd, & sa pointe peut incliner trop vers la gauche ; & quand il faut faire un sillon à la droite du pas du cheval, la flèche doit être approchée plus près du milieu de la planche ; & la cheville à laquelle la chaîne est attachée, doit être placée à la gauche de la flèche, supposé dans le trou 2, cela amenera la plus grande partie de la planche à la droite du pas du cheval. Le soc étant alors placé à angles droits avec la planche, fera un fort grand angle avec le pas du cheval, & la charrue n'ira pas


bien du tout. C'est pourquoi étant nécessaire que le soc fasse toujours une ligne parallèle au pas du cheval, & souvent aussi nécessaire que la planche fasse des angles obliques avec lui, il s'ensuit que la flèche doit faire des angles obliques avec la planche pour conserver le parallélisme avec le pas du cheval ; & cela ne peut se faire que par les trous qui croisent la planche.

On peut aussi changer la position de la flèche, en coupant le bois à côté d'un trou, & mettant un coin au côté opposé de la cheville.

Celui qui mène la charrue peut, par le moyen des manches, faire quelques changemens dans sa manière d'aller.

Si par le tirage du cheval ou des chevaux de devant, la charrue portoit trop sur le limonier, on peut y remédier en faisant un rang de trous au bord postérieur de la planche pour la cheville de la chaîne, au lieu de ceux du milieu ; car plus cette cheville est placée en arrière, moins les limons porteront sur le limonier, principalement quand il y a plus d'un cheval qui tire, à cause que ceux de devant tirent les limons plus en bas que le limonier.

On sent comment la charrue légère est tirée, & comment les traits y sont attachés ; ceux des deux chevaux sont attachés aux entaillures des bouts du palonier ; le devant de ceux du limonier est attaché à un crochet ou un anneau dans le bois du collier ; & le devant de ceux du cheval qui le précède est attaché de la même manière à son collier : mais ces derniers traits étant deux fois aussi longs que ceux du limonier, ils doivent être soutenus dans le milieu par un bout de corde ou de chaîne ; on doit prendre garde que cette cords ou chaîne ne soit pas si courte, qu'elle tienne les traits trop hauts pour être en ligne droite ; car alors le collier étant pressé blesseroit le limonier, outre que cela seroit que la charrue seroit tirée trop en haut ; car quand le cheval de devant ne tire pas en même ligne que le limonier, c'est un grand avantage pour tenir la charrue ferme dans la terre.

S'il y a un autre cheval, ses traits sont attachés au collier du second.

Quand nous labourons entre des rangs où les plantes sont fort hautes, comme celles des navets en graine, qui sont plus hautes que les chevaux, pour commencer en dedans un nouveau sillon parallèle au premier quand il y a un fossé dans le milieu, de l’intervalle où les chevaux doivent marcher, le meilleur est de placer la flèche aux trous B & E dans la fig. 3, & la cheville de la chaîne auprès du limon gauche, ce qui fait venir la queue de la charrue à la droite, & les bouts de devant des limons étant, vers la gauche, en tournant les manches un peu de ce côté, celui du limon droit porte contre la selle de bois en d, & ne peut pas donner contre les plantes ni les déchirer.

Des navets conservés pour la graine, ont été labourés de cette manière, quoiqu'on eut cru impossible qu'une charrue & des chevaux marchassent entre les rangs sans les détruire. On peut donner au froment le dernier labour à peu près de la même manière.

Quand nous faisons un sillon en dehors du rang (qui est alors toujours à la gauche de la charrue) elle doit être mise dans une situation différente & contraire : mais les plantes étant alors pour l'ordinaire basses, il n'y a point de danger que le palonier ou les limons les accrochent ; celui qui fait marcher les chevaux, doit prendre garde de ne pas marcher dessus, & que les chevaux ne le fassent pas non plus.

C'est dans cette dernière manière de labourer, quand on s'approche de fort près des jeunes plantes la première ou la seconde fois, qu’on doit prendre garde de ne pas les couvrir avec la terre, qui est sujette à passer à la gauche de la charrue, surtout quand elle est sèche & fine. On peut empêcher cela en grande partie, quand la terre est nette, en attachant avec trois, ou quatre dans un morceau quarré & mince d'une planche à la tablette, & un autre en bas sur le derrière du coutre à son côté gauche. Son bout de devant est attaché au coutre avec une languette de cuir, qui passe par un trou fort près du bout de la planche. Si ce n'est dans ce cas, nous ne faisons jamais usage de planche, étant souvent avantageux dans le labourage que la terre passe à la gauche ; car par-là il y a plus de surface de la terre changée, que si elle tomboit toute à la droite ; & quand on laboure en été auprès des rangs de froment sans s'approcher de fort près des plantes, cette terre qui passe par-dessus le soc & tombe à la gauche, aide à réparer les endroits où le sillon n'avoit pas été jetté assez près du rang dans le labour précédent.

On tourne la première fois le sillon vers le rang, les chevaux marchent dans la tranchée qui est auprès, & la charrue commune pour jetter en bas la côte ou le sillon qui a été de cette raie, tiennent la charrue dans une grande justesse, & font qu’elle fend la raie en deux moitiés, que la planche qui est ajustée pour cela, jette contre les rangs des deux côtés de l'intervalle.

Souvent nous nous servons aussi de la charrue à deux roues pour élever les sillons sur lesquels nous semons les rangs avec les semoirs ; ce n'est


pas que la charrue lègère ne fasse tout ce qui est nécessaire à notre labourage : mais le poids des charrues ordinaires fait qu'elles marchent plus fermes ; d'ailleurs le laboureur y étant plus accoutumé, les préfère à toutes les autres dans les endroits où leurs roues ne font point de tort.

Cependant on ne voit point de raies mieux faites que celles qui le sont avec la charrue légère, ni un plus beau labour ; & je crois que si on la faisoit plus forte & plus pesante, on pourroit s'en servir dans des terres glaises & bourbeuses où les roues des charrues ne peuvent pas marcher.

Un laboureur doit être guidé par ses yeux, par son tact, & par sa raison, pour la manière de placer la charrue : mais il ne peut pas le faire sans un nombre suffisant de trous. J'ai entendu dire que quelques-uns de ceux qui se mêlent de faire des charrues légères, ont attaché la flèche à la planche, de manière qu'elle étoit immobile ; par-là elle devient inutile pour labourer entre les rangs.

On se sert d'un joug pour chaque bœuf qui tire à la file, comme ils doivent toujours tirer quand ils travaillent avec la charrue légère ; quand ils sont accoutumés à tirer deux à deux, c'est-à-dire, deux de front, on doit les exercer pendant une semaine à tirer seuls, avant qu'on se serve d'eux pour le labour, sans quoi ils sont capables de détruire les rangs, l'un prenant à la droite dans l’attente que son compagnon viendra se mettre à sa gauche, & l'autre à la gauche pour faire place à son compagnon pour qu'il se mette à la droite pour marcher de front avec lui, tâchant ainsi de marcher deux à deux comme ils étoient accoutumés d'être placés.

Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'avertir qu'il faut emmuseler les bœufs quand ils labourent ; on en sent assez la nécessité, à cause qu'ils mangent les plantes dès qu'elles sont à un pouce de terre : mais il n'est pas nécessaire d'emmuseler les chevaux, jusqu'à ce que les plantes soient assez hautes pour leur venir jusqu'au nez, quand ils sont bridés.

charrue de Norfolk. Plusieurs agriculteurs d'Angleterre, & qui y jouissent d'une grande réputation, vantent les avantages de la charrue particulière à la province de Norfolk ; en voici la description & la figure telles que les publie la feuille du cultivateur.

Nous avons représenté dans la pl. XXXVIII, fig. 3, la charrue employée dans le comté de Norfolk en Angleterre, parce que l’agriculture est très-perfectionnée dans cette province, & que cet instrument, présente plusieurs avantages que n'ont pas la plupart des autres charrues. Nous, ne prétendons cependant pas dire qu'elle soit la meilleure de toutes celles qu'on connoît ; nous savons que cet instrument doit varier suivant le sol où il doit être employé.

Explication de la figure.

A ; le manche.

B ; l'âge.

D ; pièce de bois correspondant à la scie.

E ; pièce de fer correspondant à l’attelier.

F ; partie du versoir en bois.

G ; partie du versoir en fer.

H ; le soc avec une pièce de rechange à son bout.

I, K ; le cep.

L ; partie du versoir qui relève la terre. Il y a près de F une cheville de fer pour tenir le versoir à une distance convenable.

N ; le coûtre.

O O O ; pièces de fer pour renforcer les joints dans les parties où les plus grands frottemens ont lieu.

P ; cheville de fer recourbée & placée à l'extrémité du manche.

Q ; pièce, de fer qui unit l'âge avec l’avant-train.

R ; le patron.

S ; la selette.

UU ; deux chevilles pour fixer l’âge.

V ; cheville de fer pour soutenir la selette.

W ; cheville de fer & chaîne pour fixer l’âge.

X ; espèce de forceau retenu par des chevilles.

T, X ; châssis dentelé en-dedans. Sept pièces de fer servant à fixer la pommelle.

AB ; cheville de fer pour retenir l’anneau & la pièce de fer Q. Ac, Ac trous à l'extrémité des montans & par où passent les guides. 3, 1, 3, la pommelle retenue par le fer 1 à la pièce 7, 3, 3 deux anneaux à chaque extrémité de la pommelle, auxquels sont fixés les deux paloniers. 4, 4. Les traits des chevaux sont attachés en 5, 5.

Les trous pratiqués dans les montans de fer TT sont destinés à élever ou abaisser la selette au moyen des chevilles de fer V inférieur, ce qui est nécessaire pour faire piquer la charrue


plus ou moins profondément ; mais, lorsque la charrue est fixée convenablement, on ne la change guère plus, à moins qu'on ne veuille faire des sillons très-profonds pour égoûter les champs, ou que le soc ne soit très-usé. Les trous percés dans la longueur de l'âge remplissent le même but.

2. Les trous dont la selette S est percée sont destinés à receveur les chevilles VV, au moyen desquelles on peut changer la direction de l'âge suivant qu'on veut labourer à plat ou en sillons, relevés. Les dents du châssis TX ont une destination semblable.

3. Les trous pratiqués dans l'âge B servent à fixer l’anneau & la pièce de fer au moyen de la cheville AB. La cheville de fer & la chaîne W ont la même destination, & servent à unir solidement l'arrière-train à l'avant-train. Au moyen de tous ces trous, on dirige la charrue comme on veut, & on fait aller le soc à la profondeur qu'on juge nécessaire suivant les inégalités du terrain. Ces charrues sont si bien construites, qu'il suffit de changer les chevilles de fer de trois lignes, pour s'appercevoir tout de suite que le soc pique plus ou moins profondément. La cheville W, tirée de la moitié de sa longueur, & la cheville quarrée AB, tournée sur une autre de ses faces, suffisent quelquefois, quand on laboure une jachère, pour faire enfoncer le soc d'une manière sensible. De cette façon, la charrue de Norfolk va à telle profondeur qu'on juge à propos, tandis qu'on peut s'en servir aussi pour écorcher seulement la surface du terrain.

4. Le coutre N doit être placé de manière que la pointe soit à trois pouces ou environ du soc, & dirigée de manière qu'une ligne tirée de cette pointe à l'extrémité de la partie de fer du versoir, passe tout juste à côté du soc.

5. Les guides sont formées par un seul cordon attaché à la bride d'un cheval, en-dehors ; elles passent par un anneau placé sur le harnois, ensuite à travers le trou AC, de-là par l’anneau P du manche, & reviennent par le trou AC, de l'autre côté & à travers les mêmes anneaux, allant s'attacher au côté extérieur de la bouche de l'autre cheval. Un cordon particulier, attaché à la partie interne de chaque bride, sert à joindre les deux chevaux, & de cette façon, il suffit de tirer la guide d'un côté pour faire tourner ensemble les deux chevaux du même côté.

6. Les chevaux sont attelés très-court, de manière que les pieds dé derrière soient le plus rapprochés que faire se peut des pièces de l'attelage.

La charrue doit toujours être placée de sorte qu'il y ait le moindre frottement. Elle est d'ailleurs si simple, que le laboureur le moins adroit peut bientôt s'en servir.

Cette charrue présente plusieurs avantages ; deux chevaux suffisent pour la faire aller, & on n'a pas besoin de garçon-conducteur. Attelée ainsi, elle est employée dans les terres les plus fortes, & elle peut faire, lorsque le temps est favorable, un acre (mesure anglaise) par jour. On met quelquefois un poids qui est souvent de 100 liv. entre le versoir & l’âge, afin de la faire enfoncer davantage. Dans ce cas, comme la terre est très-forte, on ne fait par jour que la moitié du travail ordinaire. Le manche simple est très-commode ; on le tient de la main gauche, tandis qu’on a à la droite un fouet, & qu'on se sert de cette main pour tirer les guides. Lorsqu'on laboure dans un terrain inégal, on peut, dans un instant, relever ou abaisser la charrue à volonté & avec la plus grande facilité ; un bon laboureur change souvent deux ou trois fois, dans le même sillon, la portée de sa charrue. Les deux chevaux allant de front, servent à guider le laboureur, qui peut voir entre les deux, & fait ainsi des sillons parfaitement droits.

Nota. Pour mieux faire connoître cette charrue, ses usages & avantages, nous ajouterons, à ce précédent extrait de la feuille du cultivateur, ce que nous lisons dans un des ouvrages de M. Marshall, agriculteur anglois, praticien qui a le plus écrit sur l’agriculture, si on en excepte M. Young, éditeur des annales d'agriculture, qui se publient tous les mois depuis 1784 ; il est assez singulier, dit M. Marshall, rural economy of Norfolk, que cette charrue ne soit employée que dans le comté de Norfolk ; la première fois que je l’ai vue c'étoit à Thetford, & je ne me rappelle pas avoir vu dans ce comté, de charrue d'aucune autre construction différente, ni d'avoir rencontré cette espèce de charrue ailleurs que dans le comté de Norfolk. Cependant on sait que cet instrument a été porté à différentes fois dans presque tous les districts de l'Angleterre, mais il me semble qu'il n'a été adopté par aucun de ces pays, si ce n'est peut-être dans le canton de la forêt de Nottingham.

Il n'y a aucun doute sur l’excellence de la charrue de Norfolk pour cultiver les terres de ce comté ou de tout autre sol qui lui ressemble, c'est-à-dire pour labourer une terre qui a de la profondeur, de la légèreté, une terre sableuse où le soc ne rencontre ni tuf, ni pierres grosses ou moyennes, ni grosses racines. Mais la largeur, la forme du soc de cette charrue font qu'elle ne peut pas servir avec succès à labourer une terre très-dure à entamer, ou dans laquelle il y a beaucoup de pierres ou d'autres obstacles qu'on ne


surmonte qu'en employant beaucoup de force, & la manière usitée de tenir ou d'assujettir la partie postérieure du cep empêche aussi qu’on ne puisse bien faire un profond sillon.

Les particularités de la construction de cette charrue sont surtout les suivantes : les roues sont plus grandes, plus travaillées que celles des autres petites charrues, quoique la forme des roues mêmes soit d'une belle simplicité ; le soc est plus plat que dans les charrues communes, il est aussi moins aigu. Le cep n'est pas en entier de bois, du moins sa face qui touche la terre, mais il est de fer, soit de fer forgé, soit de fer de fonte ; c'est une forte plaque qui a la forme du talon du cep des petites charrues nouvelles de la province d'Yorck ; enfin, la charrue de Norfolk n'a qu'un bras.

Marshall croit que ce seroit améliorer cet instrument que d'y mettre deux bras, au lieu d'un seul, parce qu'il trouve que, quand le laboureur appuie les deux mains sur le bras de la charrue, comme il est nécessaire dans un labour difficile, il a l’attitude très-gauche & l’air de peiner.

C'est sans doute une très utile addition ou amélioration pour toute espèce de charrue, que ces semelles ou talons de fonte de fer adaptés au cep ; elle doit rendre la marche ou le glissement du cep plus facile, & rendre le tirage de toute charrue, & sur-tout des charrues fort pesantes, moins pénible dans les terres glaiseuses, poisseuses, tenaces. Ce moyen me paroît beaucoup plus utile que ne seroit la roue ou roulette, ou les deux roulettes adaptées au talon du cep qui sont, dit-on, employées dans quelques cantons d'Angleterre, & dont des auteurs anglois parlent pour en dire les inconvéniens ; aussi l'usage de ces roulettes n'a point été adopté généralement. Le peu de diamètre ou grosseur des jentes des roues angloises, faites d'une seule bande de fer plat, paroît avoir l’avantage d'occasionner moins de frottement, de se charger de moins de terre que nos roues de bois ; mais ces roues ont, dit-on, les inconvéniens de se trop enfoncer dans les terres légères & sableuses, & dans les terres fortes quand elles sont molles ; ce quí m'a autorisé à leur croire plus de désavantages que d'avantages, c'est que de quelques cantons où on emploie en France ces roues à cercles ou jentes de fer, elles ne se sont pas étendues plus loin.

Fouet-guide pour la charrue. M. Marshall, agriculteur anglois, desireroit que pour perfectionner l'usage de la charrue de Norfolk, on y ajoutât l’instrument de son invention qu'il nomme fouet-rênes ou fouet-guide. Le laboureur ayant besoin de rênes ou guides pour faire arrêter ou tourner ses chevaux à chaque sillon qu'il fait, & d'un fouet si pour leur faire hâter le pas, il lui est moins commode d'avoir deux instrumens, ou moyens séparés, les guides & un fouet, que de se servir d'un seul qui réunit l'usage du fouet & celui des guides ou rênes.

La guide ou rêne est un cordeau de chanvre, dont les extrémités sont ajustées à la bride des chevaux, selon l'usage du pays ; ou bien ils sont, comme l'on dit, rênés à la françoise ou à l’italienne. La main ou poignée du manche de ce fouet-guide est fixée à volonté dans le manche de la charrue. Quant à la manière de se servir de cet instrument, comme fouet pour frapper les chevaux, il consiste à faire tourner le cordeau qui est le long de la cuisse du cheval, & de terminer ce mouvement par une saccade, ce qui s'apprend facilement par l'exercice.

Charrue des jardins. Elle diffère de la charrue de labour, & n'a qu'un soc, servant à ratisser les grandes allées des parcs. Cet instrument est composé de deux brancards, de deux traverses de bois & d'un fer tranchant d'environ trois pieds de long, un peu incliné pour mordre d'un pouce dans la terre. Cette charrue peut être conduite à bras, mais on y attele ordinairement un cheval pour la traîner ; & son conducteur appuie dessus par-derrière, afin d'avancer l’ouvrage.

La demi-charrue ou la petite charrue de jardinage, n'est, à proprement parler, qu'une râtissoire fort large montée avec un châssis de bois sur une ou deux roues, & qu'un homme pousse facilement devant lui, lorsqu'il ne s'agit que de nettoyer un terrain léger & sabloneux.

Charrue-ratissoire. Elle est composée de trois morceaux de bois enchâssés l’un dans l'autre, & d'un fer tranchant d'environ trois pieds de longueur ; trois morceaux de bois font autant de côtés du quarré, & le tranchant fait le quatrième par en bas. Le tranchant est un peu incliné pour mordre environ d'un pouce dans les allées. Quand un cheval traîne cette machine, & que l'homme qui la conduit par un guide appuie assez fortement dessus, si le cheval va aisément, on avance l’ouvrage en peu de tems.

CHASSIS. On appelle ainsi, dans le jardinage, un. Assemblage de pièces de bois jointes par des rainures ; & où l'on ménage des feuillures pour y faire entrer des panneaux ordinairement peints en vert & garnis en dessus de vitrages à petits ou à de moyens carreaux en plomb. On pose ces châssis inclinés sur des pièces de bois soutenues par des murs construits en briques. On leur donne ordinairement dix pieds de large sur quatre & demi dans leur plus grande hauteur, qui est ré-


duite à deux par-devant. Leur longueur peut être portée à quarante pieds.

Ces châssis, destinés à faire venir des ananas & autres plantes exotiques des pays méridionaux, sont échauffés, les uns par un fourneau placé dans l'intérieur, dont les conduits de briques portent la chaleur tout autour entre deux murs couverts d'une pièce de bois ; on creuse la terre de quatre pieds sur troìs, & on y fait une couche de l’année pareille à celle de la serre dans laquelle leurs pots sont enfoncés. Le châssis a une cheminée avec sa porte de tôle ; elle est plus basse que le terrain, d'une marche. Il y a un banc qui règne dans toute la longueur par-derrière, pour donner de l’air aux ananas en levant le châssis par le moyen de deux anneaux, & le soutenant avec des hausses.

Quant aux châssis, qui ne reçoivent de chaleur que du soleil, ils sont destinés à donner des primeurs. Leur couche, creusée de trois pieds, est formée d'une égale quantité de terre & de terreau.

Durant les ardeurs trop vives du soleil, on couvre les châssis de serpillière clouée par les deux bouts sur des rouleaux de bois. On attribue l’invention des châssis aux Anglois & aux Hollandois.

CHATRER ; les jardiniers emploient ce terme à l’égard de la vigne & des arbres dont on retranche les rejetons inutiles, & en parlant de la taille des melons & des concombres. Ils le disent aussi de la motte d'une plante, en pot ou en caisse qu'ils transportent après l’avoir rafraîchie. L’usageordinaire des jardiniers est de couper alors tout autour de la motte & en-dessous les filets blancs qu'a poussés la plante, & qui, ne pouvant percer le pot, se replient le long de la motte : mais tous ces retranchemens sont autant de plaies, par lesquelles le suc nourricier sorti il faut que la nature les guérisse, ou que la plante dépérisse.

CHAUX ; pierre ou marne qu'on a calcinée en la faisant brûler ou cuire à grand feu dans une espèce de four bâti exprès.

En Normandie, du côté de Bayeux, on fait grand usage de chaux vive pour amender les terres que l’on défriche, afin de les ensemencer après les avoir laissées quelques tems en pâturage. Ce défrichement se fait en mars ou en avril. Comme la terre est alors très-affermie, on pique d'abord très-modérément : peu de tems après, on porte la chaux dans le champ en pierre, au sortir du fourneau. On en met environ quatre mille livres pesant pour chaque vergée de terre, distribuées en quarante tas, à distances égales ; ensuite on relève la terre autour des tas pour former comme autant de Bassins, d'un pied d'épaisseur. Après quoi on répand un demi-pied de terre en forme de dôme sur le tas même. La chaux se fuse eu cet état, s'éteint, se pulvérise, & en même-tenu augmente de volume, ce qui fend la couverture de terre. On visite de tems en tems avec soin les tas de chaux, pour réparer ces fentes, par lesquelles la pluie pourroit s'insinuer. Le meilleur moyen de les fermer est de jetter de nouvelle terre sur le sommet, sans la battre avec le dos de la pelle.

Quand la chaux est bien éteinte & pulvérisée on la recoupe avec des pelles, & on la mêle le mieux qu'il est possible avec la terre qui la couvroit. Enfin, on la rassemble en tas, pour la laisser exposée à l'air pendant six semaines ou deux mois. Vers le mois de juin, on distribue ce mélange de terre & de chaux par pellées en petits tas dans toute l'étendue du terrain : on a observé que ces petites masses sont plus propres a exciter la végétation que si le mélange étoit épars à l'uni. Après quoi on donne le dernier labour en piquant beaucoup.

La chaux, employée en cette quantité, fertilise beaucoup la terre ; mais cet amendement est très-dispendieux.

Il y a des laboureurs qui, pour répandre la chaux plus commodément, augmentent le nombre des monceaux & les font plus petits. D'autres mettent la chaux dans une grande raie qui traverse tout le champ. Ceux qui pensent que la chaux produit un meilleur effet quand elle est près de la superficie, l’enterrent avec la charrue ; puis, avant de semer, donnent un autre labour qui ramène la chaux vers la surface.

CHEVAL ; ce quadrupède, considéré comme instrument de labour, doit avoir la tête grosse d'ossemens, & peu chargée de chair, afin qu'il ne soit point sujet aux maux d'yeux ; que ses oreilles soient petites, étroites, droites & hardies ; ce qu'on reconnoît lorsque, le faisant marcher ou galopper, il en tient les pointes avancées sans aucun mouvement de haut en bas ; que ses naseaux soient bien fendus & bien ouverts pour qu'il respire aisément.

Le cheval qui a le front enfoncé environ depuis les yeux jusqu'à l'endroit où porte la muserolle de la bride, est ordinairement bon pour le travail : à la différence de ceux qu'on achète pour monter, qui doivent avoir le front égal & médiocrement large. Il faut que le front soit marqué d'une étoile, lorsque les chevaux ne sont ni gris ni blancs.


On observera que les yeux d'un bon cheval doivent être clairs, vifs, pleins de feu, médiocrement gros & à fleur de tête, la prunelle grande, les salières élevées ; car si elles sont enfoncées, c'est signe que le cheval est vieux ou engendré d'un vieil étalon. S'il regarde effrontément, c'est encore un bon signe.

La bouche du cheval doit être médiocrement fendue, qualité essentielle. Le palais en sera décharné, & les lèvres minces. Il faut que la bouche soit fraîche & pleine d'écume, marque de bon tempérament d'un cheval, moins sujet à s'échauffer qu'un autre. Ce n'est pas néanmoins que la bouche soit la chose à laquelle il faille plus regarder pour un cheval de charroi, qui, pour l’avoir méchante, n'en tire souvent que mieux.

Un cultivateur n'a pas à chercher de ces encolures fines & qui sont essentielles à un cheval de monture pour être beau. Un cheval de harnois n'en vaut pas moins pour avoir l’encolure un peu épaisse & charnue ; il rend même plus de profit lorsque, depuis le garror, cette encolure ne monte pas droit en haut, ou qu'elle penche même quelquefois.

Le cheval doit avoir la poitrine large & ouverte. Il n'est pas à craindre que cela le rende pesant, n'étant toujours qu'une bonne marque pour le cheval destiné au tirage.

Les épaules seront grosses pour avoir plus de facilité à tirer, & pour faire que le harnois ne blesse pas sitôt. Un cheval pesant n’en est que meilleur pour le charroi ; car plus il est attaché à terre, plus on l'estime pour cet usage.

Il est nécessaire qu'un cheval qu'on achète pour le harnois ait les reins doubles, c'est-à-dire un peu élevés aux deux côtés de l’épine du dos. Il faut aussi qu'il ait les côtes amples & rondes, afin qu'il ait plus de boyaux & un meilleur flanc. Pour le ventre, il doit être grands, pourvu qu'il ne fasse pas le ventre de vache. Il aura les flancs pleins & le moins larges qu'il sera possible pour n'être point sujet à s'éflanquer dans le travail.

On estime un cheval qui a la croupe large ronde, ni avalée, ni coupée. On prendra garde que la queue soit ferme, forte & sans mouvement, que le tronçon en soit gros, qu'elle soit garnie de poil, & placée ni trop haut ni trop bas.

Les jambes sont les parties les plus à considérer comme étant celles qui ont à supporter le fardeau de tout le corps, auquel elles doivent être proportionnées. Les jambes de devant seront plutôt choisies plates & larges que rondes ; la rondeur de la jambe étant un défaut contre la beauté & la bonté, ce qui fait que le cheval est bientôt ruiné par peu de travail.

Pour ce qui regarde les jambes de derrière, on aura soin d'observer que les cuisses soient longues & charnues, & que tout le muscle qui est au-dehors de la cuisse soit charnu, gros & fort épais. Au reste, les jambes de derrière ne sont pas si sujettes à manquer que celles de devant, qui bien souvent sont mauvaises lorsque celles de derrière sont bonnes.

Les chevaux montés sur des jambes trop hautes & plus grandes que n'est leur taille sont défectueux, c'est à quoi il faut bien prendre garde.

Le cheval doit n'avoir, ni le pied-bot, ni le pied de lièvre ; enfin il faut observer si le cheval se plante bien sur ses membres, lorsqu'il est arrêté en place ; car alors il est beaucoup plus assuré dans ses mouvemens, que lorsqu'il se plante mal. Telles sont les qualités d'un bon cheval de labour.

On aura soin que les chevaux soient ferrés comme il faut avant de les mettre au travail, & que généralement tous leurs harnois soient en bon état. Les sellettes, colliers, traits & brides, les charrues, charettes & tombereaux seront visités soigneusement, pour voir s'il n'y manque rien.

On ne pressera jamais trop les chevaux dans le commencement ; mais on les laissera tout doucement se mettre en haleine ; agissant autrement, on voit bien souvent qu'ils ne veulent point manger au retour de la charrue, qui les a fatigués avec excès.

CHEVRON ; terme de jardinage, : c'est la marche de gazon, en manière de chevron brisé, qui traverse d'espace en espace les allées trop rampantes. Comme ces allées inclinées sont sujettes aux ravines, on y pratique des chevrons pour retenir le sable & rejetter les eaux pluviales des deux côtés.

CICATRISER ; (se) on dit qu'un arbre se cicatrise lorsque les plaies qui lui ont été faites se referment, ou lorsque la sève forme, à l’endroit endommagé, un petit bourrelet qui augmente toujours jusqu'à parfait recouvrement. On ne doit jamais faire de plaies un peu considérables aux arbres sans y mettre l'emplâtre d'onguent saint Fiacre. Le recouvrement s'en fait alors bien plus sûrement & plus promptement.

CISEAUX à tondre les arbres. Ce sont des ciseaux de la forme ordinaire, mais beaucoup plus longs & plus larges. Les deux branches du manche de ces ciseaux sont renversées & emman-


chées avec du bois. On s'en sert pour tondre les menus arbres, arbrisseaux & arbustes, & toutes les bordures de buis. Ces ciseaux ont communément un pied de lame, & ceux pour les massifs en ont deux & trois de longueur. (Voyez pl. XXIV, fig. 17).

CIVIÈRE ; instrument de jardinage : c'est une sorte de brancard de six pieds de long & à quatre bras, que deux hommes portent. La civière est fort utile pour le transport des pierres, des gazons & des petites caisses. (Voyez pl. XXIV, fig. 19).

CLAIE ; ustensile de jardinage ; c'est un assemblage de plusieurs branches de saule ou de coudrier, d'environ quatre pieds de haut sur six de long, garnies de leur écorce, & attachées par-derrière avec des traverses du même bois qui maintiennent l’ouvrage en état. (Voyez pl. XXIV, fig. 31). En jettant la terre contre cette claie, inclinée & soutenue par deux échalas, on la tamise, & on la débarrasse des pierres & des mottes.

On fait aussi, pour le même usage, de grandes claies avec des lattes, & d'autres avec des fils de fer formant une grille.

CLOCHES des jardins. Ces cloches sont des instrumens de verre faits en forme de cloches d'airain, ayant un bouton en-dessus pour les tenir. On fait présentement des cloches de verre d'une seule pièce ; autrefois elles étoient construites avec des assemblages de plomb à carreaux de petits verre. (Voyez pl. XXVI).

Les cloches servent l'hiver, & durant toute la saison froide, à couvrir les plantes délicates qu'on fait avancer sur couche avec des fumiers chauds. On donne de l’air aux plantes en élevant ces cloches sur des petites fourchettes de bois. On emploie aussi les cloches pour faire un abri aux plantes ou aux fleurs contre les mauvais vents, ou même pour augmenter la chaleur & hâter la croissance ou la maturité de certaines plantes tendres ou précoces.

CLOITRE ; dans le jardinage, c'est une sorte de bosquet formé par un enclos de palissades, au-dedans duquel sont une ou deux rangées d'arbres de haute tige qui forment comme les portiques d'un cloître de religieux. On joint quelquefois les tiges des arbres par des charmilles en banquettes, que l'on tend à trois ou quatre pieds de hauteur.

CLOQUE ou Brouissure ; les jardiniers donnent ce nom à la forme que prennent les feuilles des arbres, & principalement du pêcher, par un accident qui les fait coffiner, & leur donne une couleur livide. Les mauvais vents, les gelées printannières, les brouillards morfondans sont les causes les plus ordinaires de cette maladie. Ces feuilles ainsi repliées sont remplies de bosses, de creux & d’inégalités. En cet état, elles servent de retraites à des pucerons sans nombre qui se répandent sur l’arbre & le dépouillent successivement de ses feuilles & de ses fruits. (Voyez Brouissure.)

CLOU. On sait que c’est un morceau de fer garni d’une tête & d’une pointe. Il y a plusieurs sortes de clous. Ceux qui ont un pouce & demi de long sont les plus commodes pour le palissage.

COFFIN ; petit panier d’osier haut & rond, ayant un couvercle & une anse, lequel est propre à mettre des fruits.

COFFINER ; terme de jardinage qui se dit des feuilles, lesquelles se frisent & se replient au lieu de rester étendues ; il s’emploie aussi à l’égard des fruits qui se fannent, qui se rident & deviennent mous. Les feuilles se coffìnent quand elles sont attaquées par des mauvais vents ou par une grande sécheresse, ou lorsqu’elles se préparent à tomber à l’approche de l’hiver.

COIGNÉE ; instrument de bûcheron & de jardinier. Cet outil est composé d’un fer tranchant en forme de hache, & plus large à son extrémité qu’à son origine. Il tient à un fort bâton d’environ deux pieds. On s’en sert pour abattre les arbres ou pour fendre le bois & couper les racines des arbres que l’on veut arracher. (Voyez pl. XXIV, fig. 18).

COLLET de hotte ; c’est la partie de la hotte qui garantit le cou de celui qui la porte, & empêche que le fumier ou la terre n’y entrent. Ainsi cette partie touche au dos, & est plus haute que le ventre de la hotte.

COLLIER de cheval ; assemblage de deux de bois pièces rembourrées & couvertes de cuir, que l’on passe dans le cou des chevaux, de trait & de charrue, afin que les cordes des traits ne les incommodent point en tirant. C’est au collier que les traits sont attachés.

COLOMBINE ; fiente de pigeon. Elle est un trés-bon engrais dans les terrains froids, humides ou glaiseux, lorsqu’elle a été un an ou deux déposée en terre. On s’en sert encore pour les prés trop usés & pour les orangers.

CONDUIRE les arbres ; c’est les élaguer, les


tailler, les gouverner, les soigner, chacun suivant son espèce.

CONTOURNER une branche d’arbre ; c’est la forcer lors du palissage, & l’amener dans un endroit où elle ne devroit pas être naturellement.

CONTRE-ESPALIER ; c’est un treillage pratiqué au-devant d’un espalier, à quelque distance proportionnée du mur, afin que les arbres ou les vignes qu’on plante à ce treillage ne s’entre-nuisent point. Ces contre-espaliers ont d’ordinaire quatre pieds de haut, & sont posés au moins, à neuf pieds du mur. Les arbres qu’on y plante, ne doivent jamais être en face de ceux du mur, mais en échiquier en face du vide qui est entre deux.

Il est des contre-espaliers formés seulement avec des arbres sans treillage. On dresse ces arbres en éventail, de même que ceux attachés sur le treillage.

CORBEILLE d’osier. On se sert de corbeilles en osier avec claie aussi d’osier à claire voie, pour passer la terre & en écarter les pierres, les herbes & autres corps étrangers.

Corbeilles ; en jardinage, ce sont de petits paniers pour cueillir des menues provisions, des fruits, &c.

Corbeilles d’ornement ; ce sont certaines élévations de terre qu’on retient avec des bandes d’osier peintes en vert, ou avec de petits treillages décorés. On les garnit ordinairement de fleurs, & quelquefois d’arbustes.

CORDE ; terme de jardinage. Il se dit des racines de plantes potagères, lorsqu’au lieu d’être cassantes, elles sont entièrement remplies de fibres solides, dont la dureté & la longueur empêchent qu’on ne puisse casser net une racine, & font que lorsqu’on la casse en travers les deux morceaux séparés sont hérissés de filamens. Dans cet état, on dit qu’une racine est cordée.

CORDEAU roulé sur son piquet. Dans le jardinage, c’est une corde de moyenne grosseur, attachée à deux bâtons par chacun des bouts. Ces bâtons sont pointus : on les fiche en terre pour régler les plantations, les plates-bandes, les bordures, les glacis, les rayons, les tranchées, &c. (Voyez pl. XXIV, fig. 12.

CORDON ; c’est, dans le jardinage, un rond de gazon qui orne les bords d’un bassin, ou qui fait partie des compartimens d’un parterre.

COTIERE. C’est, dans le jardinage, une bande ou planche de terre qui va en pente, & qui est exposée au midi & abritée pour y semer des primeurs.

COUCHE. Dans le jardinage, c’est un amas de fumier qu’on assemble par lits, à la hauteur, longueur, qu’on juge & largeur convenables. On laisse ce fumier s’échauffer, & communément on le couvre d’une certaine épaisseur de terreau, pour ensuite y semer & planter ce qui ne pourroit venir en pleine terre. La largeur d’une couche est d’ordinaire de quatre pieds ; sa hauteur de deux ; quant à sa longueur, elle est arbitraire.

Le fumier de cheval, d’âne & de mulet y est le plus convenable, eu égard à sa chaleur. Voici ce qu’on doit observer dans la construction d’une bonne couche.

1o. Il faut plomber fortement chaque lit de fumier, afin que la chaleur s’y maintienne plus long-tems, & que venant à s’affaisser, la couche conserve son aplomb.

2o. On doit faire la couche & le réchaud tout-ensemble, & leur donner six pieds, dont un de chaque côté sert à la fois de réchaud & de sentier. L’usage, au contraire, est de faire les couches isolées, & d’attendre qu’elles se refroidissent pour y mettre un réchaud.

3o. Au lieu d’élever les couches de deux pieds réduits à un quand l’affaissement est fait, il convient de les porter à la hauteur de trois pieds. Alors les couches ne seraient pas morfondues, par l’humidité de la terre & par les vapeurs froides qu’elle exhale. Lors des chaleurs & des coups de soleil, le plant n’aurais point alors à souffrir de la réverbération de ses rayons.

4o. Il est bon de préférer au terreau, qui n’a que des sucs trop déliés, une terre factice à peu près comme celle des orangers, mais moins ferme & moins compacte, telle que celle des taupinières.

5o. Au lieu de semer sur couche les melons, concombres & autres légumes pour les changer, ce qui évente leurs racines, on fera mieux de les semer dans de petits pots à basilic qu’on enterre jusqu’au bord, & qu’on dépote ensuite sans châtrer leur motte.

Couche chaude, est celle qui est nouvelle & qui conserve toute sa chaleur. On la laisse diminuer pendant huit ou dix jours avant que d’y rien semer.

Couche sourde, ainsi nommée, parce qu’elle est enfoncée en terre. On ne la fait qu’au


printems. Elle sert de pépinière aux plantes qui doivent être mises en pleine terre ; elle est fort usitée pour les champignons. Pour construire cette sorte de couche, on commence par creuser la terre de deux pieds ; on remplit ensuite la fosse avec du fumier qui a été auparavant plombé & qu’on a recouvert de la même terre qui est sortie de la fosse. On tient ce fumier un peu plus élevé que la terre voisine, attendu qu’il tarde peu à baisser de moitié.

Couche tiède. On appelle ainsi une couche dont la chaleur est un peu trop diminuée, & qui a besoin d’être réchauffée. (Voyez pl. XXVI.)

Couches. Construction de nouvelles couches que l’on échauffe par la vapeur de l'eau bouillante.

L’utilité, ou plutôt la nécessité indispensable de la chaleur & de l’humidité pour faire végéter les plantes, a fait imaginer une nouvelle espèce de couches auxquelles on peut les communiquer aussi long-tems qu’on veut.

Pour cet effet, on construit dans une chambre qui est près des couches, une tourelle de briques T (fig. 1 & 2, pl. X), de six pieds de hauteur, d’un pied de diamètre au sommet, & dix-huit pouces au bas E.

La tourelle est fermée par un couvercle L (fig. 2) de terre glaise cuite au four, qui emboîte très-juste & qu’on leste tout autour après avoir mis le charbon dedans, pour intercepter toute communication avec l’air extérieur.

Cette tour a deux ouvertures au bas ; l’une en h, au-dessus de la grille de fer H, sous laquelle on allume le feu, & l’autre en a, par où l’on retire la cendre, vis-à-vis l’ouverture h, est un trou g qui donne passage à la flamme sous l’alambic A, laquelle monte en ligne spirale r, r, r, r, & s’échappe par la cheminée S, au moyen de quoi le moindre feu suffit pour entretenir l’eau bouillante. L’ouverture h se ferme au moyen d’une porte de tête.

Près de la chaudière A, même fig., est un réservoir de plomb B C D E, au fond duquel est une soupape V, soudée à l’extrémité d’un tuyau de plomb RP, dont l’ouverture est de six lignes, & qui va s’emboîter dans la chaudière, d’environ un pouce.

Sur le côté D E du réservoir est un montant qui porte un levier en équilibre, dont chaque extrémité est terminée par deux segmens de cercle K I, sur lequel sont attachées ; savoir, sur K, une petite chaîne qui tient à la soupape V, & à l’autre un fil d’archal qui entre dans l’alambic, & au bout duquel est une boule de cuivre creuse & fort mince, dont le haut est percé pour donner passage à l'air à mesure qu'il se raréfie. Cette boule flotte sur l'eau lorsque la chaudière est pleine ; mais à mesure que l'eau diminue, elle s'enfonce par son propre poids & fait baisser le bras I du levier, & monter l'autre K, au moyen de quoi la soupape V se lève, & l'eau du réservoir se rend par le ruyau R P dans la chaudière, jusqu'à ce qu'elle aie repris son premier niveau. La boule remonte, & le levier reprenant son équilibre, la soupape se ferme. Au moyen de cet expédient, la chaudière se trouve toujours également remplie tant qu'il y a de l'eau dans le réservoir, ce qui évite la peine d'y en mettre à mesure qu'elle se consume.

Il y a en haut de la chaudière une soupape v que l'on charge d'un poids proportionné au dégré de raréfaction inférieur à celui qui peut faire sauter le chapiteau de l’alambic, afin que si le feu est trop fort, ou que les tuyaux des couches viennent à s'engorger, la vapeur puisse se faire jour sans endommager les vaisseaux.

Le tuyau de plomb r, r, r, qui part du chapiteau, va se rendre aux couches d, d, d, d, & le partager en trois branches qui aboutissent à autant de tuyaux R, R, R, faits de terre cuite, depuis quatre jusqu'à six pouces de diamètre, & d'environ trois pieds de longueur, qui s'emboîtent les uns dans les autres. La moitié de ces tuyaux, qui est hors de terre, est percée de plusieurs petits trous qui donnent passage à la vapeur & à la chaleur ; & pour empêcher que la terre ne tombe dedans, on les couvre avec du tan.

Ces tuyaux, qui doivent être de la longueur des couches, vont s'emboîter dans un autre tuyau (fig. 3) dont le bout u perce la couche, & est garni d'un robinet qu'on a soin d'ouvrir de tems en tems pour faire écouler l'eau qui s'est amassée dans les tuyaux, qui doivent pour cet effet avoir une pente légère. Ce robinet sert encore à régler la chaleur, & on peut l’augmenter ou la diminuer en l’ouvrant plus ou moins.

Le charbon dont la tourelle est remplie, suffit pour entretenir le feu deux ou trois jours ; & lorsqu'on l’a une fois réglé avec un thermomètre, la chaleur reste la même jusqu'à ce que le charbon soit consumé.

Voici les avantages que ces couches ont sur les autres.

1°. indépendamment de la chaleur, elles se remplissentd'une vapeur chaude & légère qui hâte encore plus la végétation des plantes, comme l’a prouvé Hâles, dans sa Statique des végétaux.


2°. On peut régler la chaleur à son gré, & la continuer autant de tems qu'on veut.

3°. Cette invention exige très-peu de soin ; on n'est point obligé d'arroser les plantes, ni de mettre du fumier, qui pour l’ordinaire leur donne un mauvais goût.

4°. Ces couches ont cela de commode, qu'on peut y élever des plantes étrangères, telles que le coco, l’ananas, le musa,& y entretenir pendant l'hiver le même degré de chaleur & d'humidité que dans les Antilles.

Couche de peinture. Il faut prendre garde que la couche de peinture qu'on met sur les treillages d'un jardin, ne gâte & barbouille les arbres. On doit les tirer en devant, de façon que le peintre puisse imprimer sa couleur derrière les arbres sans les endommager.

Coucher une branche ; c'est l'étendre en terre pour en faire une marcotte, ce qui se pratique sur-tout à l'égard du figuier & de la vigne.

COULER une branche d'arbre ; c'est palisser une branche le long d'une voisine qu'on sera obligé de couper à la taille suivante. Ainsi lorsqu'on s'apperçoit qu'une grosse branche ne pousse ou ne produit point, & que près d'elle il y a un gourmand ou une branche à fruit, on coule celle-ci le long de la première, qui l'année d’ensuite est retranchée & remplacée par la branche qu'on aura coulée.

COULURE. C'est l'accident qu'éprouvent le bled & le raisin lorsqu'il survient des pluies continues dans le tems qu'ils sont en fleurs. La coulure est un défaut de fécondation.

COUPE des arbres. C'est l’action de retrancher une branche ou un bourgeon, soit avec la serpe, soit avec la scie à main, soit avec la serpette.

Fausse coupe. C'est une branche coupée trop en bec de flûte, ou qu'on a trop tirée & alongée en ôtant trop de bois ; d'où s'enfuit la difficulté du recouvrement de la plaie, souvent même la mort de la branche, & presque toujours l’avortement du bouton.

Coupe régulière. C'est la façon dont on doit tailler les branches des arbres. Cette coupe est courte, ronde & près de l’œil. C'est le contraire de la fause coupe, ou de la coupe irrégulière.

COUPE-CHOUX perfectionné, pour coupez les pommes de terre. Voici la description de cette machine, avec l’explication de ses parties que le C. Engel a trouvées nécessaires pour faciliter & accélérer le travail. Mais sa plus grande perfection consiste dans la multiplicité des couteaux, portée jusqu'à six, ce qui augmente le travail d'une manière surprenante. (Voyez pl. XIV.)

Fig. 1. A ; planche de la largeur de 15 pouces qui sert de soutien au coupe-choux à l'un des bouts.

BB ; le fût du coupe-choux avec sa varlope.

b, b, b, b, b, b ; les six couteaux ou mèches avec leuts lumières.

a, a, a, a ; les deux bandes & liteaux qui couvrent ces couteaux par leurs bouts, des deux côtés, le long du fût.

…. ; quatre clefs de bois pour affermir les bandes.

o, o, o, o ; quatre vis de fer pour serrer les bandes à l'endroit où les bouts des couteaux sont enclavés dans les e, e, e, e rainures des bandes.

C ; une planche qui s'incline depuis le bout du fût vers le fond de la caisse D en y poussant les tranches.

c, c, c, c ; deux bouts relevés pour empêcher qu'elles ne se débordent & se jettent en dehors.

D ; ledit fond & caisse qui reçoit les tranches d’où on les tire pour les porter au séchoir.

E ; le second appui à l'autre bout du fût, & les deux pieds.

F, F ; l’ouverture, entre-deux, par où les tranches passent, vers la partie extérieure de la caisse.

G ; le fond de toute la machine.

H ; vide pour s'en servir pour ce qu'on jugera à propos, comme pour y réduire le coffre avec son couvercle.

I, I ; les côtés de toute la caisse.

K ; planche pour soutenir celle de C.

A, A ; le coffre sans fond qu'on remplit de pommes de terre, & qui court par ses tringles d, d dans les rainures e, e, ci-dessus.

A, b, ; le couvercle du coffre avec sa caisse c, pour couvrir les pommes de terre, & les presser vers le fût, ou vers les couteaux.

Le petit coffre A, A est ordinairement ouvert par le haut, parce qu'en y plaçant les têtes des clous, on les presse avec la main contre les couteaux, pour que leurs tranches puissent agir avec plus de force ; & la grosseur de ces têtes empêche qu'on ne risque de se blesser, parce qu'à mesure qu'elles s'expédient, on en remet d'autres : par contre, les pommes de terre étant souvent petites, on ne peut les presser à la fois, & on risqueroit de se blesser la main. Pour remédier à cet inconvénient, il sera nécessaire de faire une planche quarrée A, b de bois dur, qui joigne exactement & ferme par le haut ce petit coffre : sa pesanteur servira à presser cette planche de la main sans risque ; on y place quelque pierre ou morceau de plomb ou de fer.

Au moyen de cette machine les pommes dev terre sont coupées en tranches minces & d'épaisseur à peu près égale : on sentira quel avantage il en doit résulter pour les dessécher de même, également, & au degré qu'on le jugera à propos, ce qui n'arrivera jamais avec les morceaux coupés par quartiers avec le couteau, sans compter la différence énorme qui se trouve entre les deux méthodes, pour le temps qu'on y emploie & la quantité qu'on en expédie.

COUPER ; c'est, dans le jardinage, séparer avec un instrument tranchant une branche du tronc de l'arbre, ou en raccourcir l'extrémité.

Couper en pied de biche, c'est couper de biais.

COURBURE des branches ; c'est l’inclinaison en arc. On fait cette opération quand une branche pousse trop, & qu'elle n'a ni chancre ni défaut qui puisse la faire casser en la pliant. Il suffit de la courber en la forçant un peu, afin d'en amortir la trop grande vigueur. Pareillement on est sûr qu'un gourmand cessera de pousser, si on lui fait faire le cerceau.

COURONNÉ ; (arbre) c'est un arbre dont les branches de la cîme sont mortes.

Couronné ; (fruit) c'est un fruit qui étant trop dégarni de feuilles, & par conséquent exposé aux coups de soleil, est brûlé sur la peau, & souvent jusqu'au noyau. Quelques poignées de cosses de pois jettées sur l'arbre suffisent souvent pour parer à cet inconvénient, & pour briser les rayons du soleil.

COURONNER un arbre ; c'est, dans le jardinage, tailler toutes les branches fortes ou foibles d'un arbre à la même hauteur, de façon que l'arbre ainsi taillé présente par en haut une surface égale. Mais dans cette opération on taille uniformément une branche qui a six pieds de haut & un pouce de gros, par supposition à six pouce seulement ; & une branche qui n'est pas plus grosse qu'un fétu, également à six pouces comme la grosse branche. Mais qu’arrive-t-il ? à la pousse la grosse branche réduite à six pouces, dont le canal régorge de sève, fait des jets prodigieux ; la petite, au contraire, dont le diamètre est très-circonscrit, & qui par conséquent ne peut contenir qu’une quantité de sève fort bornée, ne fait que de petits jets fluets & mesquins. Il s’ensuit de là que l’arbre couronné qui, pendant l’hiver & durant le tems que l’on ne fréquente pas les jardins, paraissant parfaitement symmétrisé, devient après la pousse hideux, inégal & épaulé. Il faut donc s’en tenir à la règle prescrite par le bon sens & par l’expérience ; c’est de tailler chaque branche suivant sa force, sauf lors de la pousse à rabattre & ravaler comme il convient pour satisfaire les yeux.

Il est encore un autre couronnement qui n’est pas moins vicieux, savoir : de tailler aussi dans le même goût toutes les pousses du tour des buissons, & c’est ce que dans le jardinage on appelle double couronne.

COURSON ; on nomme ainsi, dans le jardinage, un rameau d’arbre coupé tout court. Quand on veut avoir à quelqu’endroit d’un arbre une branche bien forte, il n’y a qu’à la tailler à un œil ou deux, & l’on est sûr alors qu’il en sortira du fort bois pour garnir où besoin est. Il est quelquefois convenable de tailler en courson ; mais il est dangereux de le faire sans nécessité, parce qu’alors l’arbre pousse autant de gourmands qu’on a fait de coursons.

Les vignerons appellent aussi courson un sarment raccourci à trois ou quatre yeux. On a soin d’en laisser au bas des ceps pour les renouveller, en cas qu’ils viennent à manquer.

COUTEAU de bois, de buis ou d’ivoire. On se sert de cet instrument dans le jardinage, pour gratter la mousse, le noir de la punaise & son couvain sur tous les arbres & vignes d’espalier. Il faut faire cette opération après une grande pluie, lors d’un brouillard épais, ou mouiller amplement avec une éponge, à plus d’une reprise, en grattant jusqu’à ce que l’écorce devienne lisse, belle & luisante.

Couteau en manière de scie, ou scie à main. Il y en a dont la lame se replie dans le manche, & d’autres sont à lame fixe.

COUVERT ; c’est l’endroit d’un jardin planté qui donnent de l’ombrage.

COUVERTURE ; c’est, dans le jardinage, tout ce que l’art a inventé pour garantir de la gelée ou des mauvais vents les plantes un peu


délicates ; comme les arbustes, les fleurs, les fruits noués, les bourgeons, les légumes.

COUVRIR une plante ; c’est la cacher, en étendant dessus quelque corps pour la garantir.

On couvre des semences, ou des plantes dont on a coupé les feuilles, en répandant dessus du terreau ; on couvre les arbustes avec des paillassons, afin de les préserver de la gelée ; on emploie aussi pour le même effet des cloches de verre, avec de la grande litière ou de petits paillassons.

CRAIE ; pierre calcaire, fort blanche, & plus ou moins friable, qui se trouve assez près de la superficie de la terre, & souvent à plusieurs pieds de profondeur. Les arbres & les plantes ne viennent que très-difficilement dans les terrains où la craie se trouve en abondance.

CRAYON ; on donne ce nom à une terre dure, blanchâtre & stérile. Souvent le crayon se trouve au-dessous de bonnes terres, & si près de la superficie, que le soleil pénètre trop vite ces bonnes terres, & que les racines des arbres, n’ayant pu pousser assez avant, y sont altérées & brûlées ; ce qui fait jaunir & enfin périr les arbres.

Il y a un crayon blanc ; il y en a aussi de noirâtre, de grisâtre, de rouge.

CREVASSE ; c’est une gerçure ou fente que les arbres & la terre éprouvent également.

Dans les arbres, les crevasses viennent d’une sève trop abondante qui s’extravase à travers l’écorce ; elle vient aussi de la disette des socs lorsque la peau des branches se lèche, & que leur écorce s’entr’ouvre.

Les crevasses de la terre n’ont lieu que dans les grandes sécheresses. Un jardinier doit avoir soin de mettre de la terre en miette dans les crevasses qui se font au pied des arbres.

CRIBLE ; les botanistes & les jardiniers appellent ainsi certaines parties des plantes, à travers lesquelles passent le suc nourricier & les liqueurs qui doivent recevoir une certaine préparation. Les feuilles sont les cribles naturels, & les plus universels des végétaux.

Crible ; instrument large de différentes formes sur le plan duquel sont quantité de petites ouvertures, dont l’effet est que le grain, éprouvant un mouvement rapide, la poussière & autres particules étrangères au grain s’échappent par ces issues, & laissent le grain plus net qu’il n’étoit auparavant. (Voyez pl. XVI & XXIV, fig. 28 & 39).

Il y a des cribles de mégisserie ou de main, composés d’un cercle de bois avec un fond de peau d’âne, percée symmétriquement d’une infinité de petits trous faits à l’emporte-pièce, assez petits pour ne pas laisser échapper le grain, & assez gros pour donner passage aux ordures pesantes que le vent n’a pu chasser.

Crible de crin ; c’est un cercle de bois assez profond, dans lequel est tendue une toile de crin à claire voie. On s’en sert pour tamiser la terre fine sur les semis.

Crible en tambour. Pour séparer les grains ou les graines de grosseur & d’espèce différente, on a inventé une sorte de tambour garni de deux ou trois grilles de fils de fer posés comme.les cordes d’un clavecin, & assez près pour que le bon grain reste sur la première en s’agitant, & que les autres graines tombent & passent par les autres grilles, selon l’espace qu’on aura donné aux fils de fer.

On peut garnir ce crible ou tambour d’un fond de cuir, pour retenir, si l’on veut, les graines qui s’échappent à travers les fils de fer.

Crible à pied ou en plan incliné, (le) est composé d’une auge élevée ou trémie, dans laquelle on verse le grain, qui en sort peu-à-peu pour se rendre en nappe sur un plan incliné, lequel est formé de fils d’archal rangés parallèlement les uns aux autres, & assez près à près pour que les grains ne puissent passer au travers. Ce plan est incliné à l’horison d’environ quarante-cinq degrés. Le bon grain qui y roule se rend seul au bas de la partie antérieure ; & les petits grains, une partie de ceux qui sont viciés, la plupart des insectes & les ordures traversent le crible, roulent sur un cuir tendu à trois pouces de distance sous le fil d’archal, & tombent dans un vaisseau placé en bas de la partie postérieure du crible.

Cet instrument coûte peu, & est très-expéditif, mais il ne nettoie pas parfaitement le grain.

Crible cylindrique ou en bluteau ; c’est une espèce de bluteau qui, au lieu de toile, est alternativement garni de feuilles de tôle piquées comme des grilles à râper du sucre, & de fils d’archal parallèles les uns aux autres. Dans le trajet de ce cylindre en pente, le grain est fortement gratté toutes les fois qu’il rencontre les zones de tôle piquées ; la poussière et les grains défectueux s’échappent par les zones qui sont en crible de fil d’archal, & en conséquence le


grain qui sort par l’extrémité opposée à la trémie est clair, brillant & de bien plus belle couleur qu’avant cette opération.

Crible à vent. Le grain, au sortir de la trémie, est reçu sur un crible de léton maillé en lozanges & un peu incliné, d’où il traverse un courant d’air pour se rendre sur un second crible à mailles plus fines. Le courant d’air est formé par la rotation rapide de huit aîles formées de planches minces, qui, produisant un vent considérabe, chassent au loin tout ce qui est plus léger que le bon grain. Les mottes & les ordures grossières restent dans le crible supérieur.

Crible ou tarare à brosses pour nettoyer les grains, par le citoyen Perrin.

Cet instrument, dont la forme se rapproche assez de celle d’un bluteau, a cinq pieds de long sur un & demi de diamètre ; il est composé d’abord de deux demi-centres en bois, joints solidement, mais qu’on peut séparer avec facilité, quand on a besoin d’y faire quelque réparation intérieurement.

Chacun de ces demi-cintres est encore divisé en dix-huit parties ou carreaux attachés solidement ensemble, mais qu’il est possible aussi de séparer pour les rétablir en cas de besoin.

Des traverses & des cerceaux maintiennent à l’extérieur routes ces parties dans la rondeur du cylindre ; tous les carreaux qui le composent sont, pour nettoyer le grain destiné à convertir en farine, garnis d’une toile en fil de fer, dont la maille a trois quarts de ligne d’ouverture, & peut donner passage à la poussière qui est détachée du bled.

Ce cylindre qui est incliné, afin que le grain puisse sortir facilement par l’extrémité la plus basse, à mesure qu’il est nettoyé, est fixé par ses deux bouts, de manière qu’il n’est destiné qu’à contenir le grain, & à le laisser échapper après qu’il a subi l’opération ; c’est-à-dire, le frottement répété auquel on l’expose.

Un arbre en bois solide & quarré, de trois pouces d’épaisseur, traverse ce cylindre dans toute sa longueur & dans son milieu.

Sur chacun des côtés de l’arbre qui sert d’axe au cylindre, s’élèvent trois petits montans de la hauteur de trois pouces : ils servent à soutenir une traverse en bois qui règne dans toute la longueur du cylindre, & qui est proprement le bois d’une longue brosse, garni de deux rangs de petits faisceaux de crin de quinze lignes da largeur.

Il y a un intervalle d’une ligne ou environ, entre l'extrémité des brosses & le tissu de fil de fer qui compose le cylindre, afin de laisser au grain un passage convenable, mais de manière qu'il y soit un peu gêné quand il éprouve le frottement.

Tout ceci est contenu dans un coffre à-peu-près pareil à celui d'un blutoir : la poussière, détachée du bled, tombe au fond de ce coffre ; le grain nettoyé, lorsqu'il est parvenu à la partie la plus basse du cylindre, en sort sur le champ à la faveur d'une ouverture faite au côté du coffre qui répond à l'extrémité du cylindre, & tombe dans un sac ou une caisse placée au-dessous de cette ouverture. Une trémie placée au-dessous du coffre, du côté le plus élevé du cylindre, & dont la plus étroite a une communication avec lui, reçoit le grain qui doit être nettoyé, & peut ne le laisser échapper que dans la quantité qu'on juge convenable.

D'après les détails que nous venons de présenter, on sent que dès l’instant où l'arbre qui porte les brosses est mis en jeu, au moyen d'une manivelle & d'une petite lanterne adaptée à cette machine, & lorsque la trémie fournit du bled, le grain fortement agité dans l’intérieur du cylindre, en passant & repassant sous les brosses, y est encore mieux nettoyé qu'il ne le seroit par le simple ballottement qu'on lui seroit éprouver sur la toile en fil de fer.

Cet instrument, tel que nous venons de le décrire, n'est destiné proprement qu'à détacher du grain la poussière provenant, soit de la carie, soit de toute autre cause ; les mailles, en effet, de la toile en fil de fer sont trop serrées pour que les petits grains de bled & même les pailles puissent passer à travers & tomber avec la poussière au fond de la caisse ; mais il est aisé d'obtenir, à cet égard, le double effet qu'on doit désirer ; il ne s'agit que de faire, par intervalles, les mailles de la toile en fil de fer, plus ouvertes dans dix-huit carreaux dont la moitié du cylindre est composée, & de donner par-là de tems en tems un passage libre aux menus grains imparfaits, à mesure qu'ils se présenteront à la surface du cylindre, où la maille en fil de fer aura une largeur convenable pour les laisser échapper.

L'idée de nettoyer ainsi les grains par le moyen des brosses, & sur-tout de leur enlever, autant qu'il est possible, la poussière de carie dont ils sont souvent noircis, n'est pas absolument nouvelle : un fermier de Picardie la proposa, il y a plusieurs années, & fit construire une machine où le grain étoit frotté par des brosses, à mesure qu'en sortant de la trémie, il passoit dans l'endroit par lequel il devoit se rendre dans une caisse, pour y être recueilli après l’opération


préalable du tarare ordinaire ; car ce fermier n'avait eu pour but principal, que de dépouiller le grain de la poussière de carie, & supposoit qu'il avoir été d'abord criblé. Les brosses qu’il employoit n'étoient pas composées, comme celles du citoyen Perrin, de petits faisceaux de crin, mais de tuyaux de paille de froment fort serrés, un peu courts, & qui, présentant une surface unie, s'appliquoient assez exactement sur le grain, à mesure qu'il glissoit pour tomber dans la caisse destinée à le recevoir. Cette même idée a été mise à exécution beaucoup plus en grand, au moyen d'une machine qui, avec un changement essentiel, est également propre à bien nettoyer le grain, & à le broyer parfaitement, lorsque ce changement n'a pas eu lieu.. On a remplacé les meules ordinaires d'un moulin par deux autres construites en bois, dont l’inférieure, toujours immobile, présente une surface unie, & l'autre, qui est la meule courante, ne présente, à proprement parler, qu'un cintre en bois, construit solidement & destiné à contenir des faisceaux de paille, serrés étroitement, tranchés aussi également qu'il est possible du côté qui doit porter sur le grain, & capable par là de produire un frottement bien propre à le nettoyer.

Quoi qu'il en soit, de l'effet plus ou moins avantageux qui peut résulter de l’emploi des instrumens proposés pour nettoyer les bleds, & auxquels on a adapté des brosses en paille, quelques inconvéniens qu'on ait lieu de craindre dans l’usage des brosses de cette espèce, à cause de leur dégradation occasionnée assez promptement par un frottement continuel, & du mélange de la paille brisée avec le grain, qu'on a cependant pour but de nettoyer ; nous nous bornons à faire considérer la tarare du citoyen Perrin, où des brosses en crin sont employées, comme étant utile dans l'état où il est, pour dépouiller le grain de la poussière dont il peut être chargé, & pour en séparer aussi le bled maigre, retrait, ainsi que les menues pailles, lorsque le cylindre de ce tarare sera composé en partie d'une toile de fer, dont les mailles seront plus ouvertes que celles de la toile qui actuellement compose en total le cylindre. Peut être pourroit-on espérer un avantage plus prompt & plus marqué de cet instrument, si l’on y adaptoit six rangs de brosses au lieu de quatre ; mais le citoyen Perrin, à qui l’on a fait cette observation, & à qui elle n'avoit point échappé, craindroit que, par cette augmentation, l'arbre du cylindre ne devînt sensiblement plus difficile à tourner ; que cet instrument qui, dans son état actuel, est déjà d'un prix assez haut pour les.laboureurs, ne leur parût trop cher par une suite de l’augmentation dont il s'agit, & que la valeur un peu considérable de ce nouveau tarare ne les éloignât d'en faire l'acquisition.

CRIC perfectionné. Il n’est guere d’instrumens plus en usage dans les travaux que.le cric, & cependant, dit Mocock, on a observé depuis long-tems qu’il arrivoit beaucoup d’accidens avec cet utile instrument. Lorsqu’on leve des fardeaux considérables, la puissance ne se trouve pas toujours capable de vaincre la résistance ; alors le poids retombe avec rapidité ; de-là les accidens que l’imprudence n’a pas prévus. Malgré cela, on n’avoit pris jusqu’ici aucune précaution pour préserver l’ouvrier des suites de sa témérité. L’auteur vient de parer à tout inconvénient par une invention fort simple, aussi a-t-il reçu une récompense de la société établie à Londres pour l’encouragement des arts.

Son cric perfectionné ne diffère des autres qu’en ce qu’il s’y trouve une roue à dents dans laquelle s’engage d’elle-même une espèce de dent de loup. S’il arrive que le poids soit trop considérable, relativement à la force de l’ouvrier, & fasse rétrograder le râtelier. Par ce moyen simple l’ouvrier est toujours en sûreté.

CROCHET ; nom que l’on donne dans le jardinage à une branche placée sur les membres des arbres, & qui a la forme d’un crochet. Ces sortes de branches en crochet sont bonnes à ménager, comme étant des organes de fructification.

Crochet, outil de jardinage ; c’est un instrument dont sur-tout les vignerons font un usage journalier pour labourer les vignes. Cet outil a deux dents de fer recourbées & longues d’un pied, avec une douille où s’emmanche un bâton un peu plus long.

Les jardiniers s’en servent ordinairement pour charger de fumier les paniers d’un cheval.

Le crochet est aussi fort utile au labour des carrés & des allées d’un potager, où l’on veut semer de l’orge, de l’avoine, ou planter des pois & des haricots.

Crochets de fer. À tous les treillages des jardins on scelle d’ordinaire dans le mur des crochets de fer ; mais les clous à crochet sont préférables quand les murs ont de bons enduits, soit qu’ils soient en plâtre ou qu’ils soient à chaux & à sable, ou qu’ils soient construits avec de la pierre tendre & de la brique. Voici comme on s’y prend. On choisit dans les murs de pierre dure faits avec de la chaux & le sable, un bon joint, & l’on chasse à force une cheville de bois de chêne, dans laquelle on fait entrer un bon clou à crochet qui serre mieux & bien plus juste que les crochets scellés ; mais si ce sont des murs de terre, il faut sceller des crochets seulement.


Crochet ; instrument de labour pour arracher les arbrisseaux & les buissons.

Les arbrisseaux & les buissons qui nuisent aux laboureurs, devant être arrachés, le moyen le plus expéditif pour cette opération, est d’en envelopper le plus grand nombre avec une chaîne de madriers, & d’y atteler une couple de chevaux ; mais si ces arbrisseaux ne sont pas assez hauts ni assez forts pour en venir à bout de cette façon, on peut se servir de l’instrument suivant, qui est également bon pour le bouleau, le jonc marin & autres plantes semblables. Cet instrument est composé d’un manche d’environ quatre pieds de long, d’un crochet dentelé & d’un autre crochet. Voici la manière de s’en servir : on saisit avec le crochet dentelé le genêt ou le buisson qu’on veut arracher ; on saisit sa tige avec le second crochet pour qu’elle ne glisse point ; après quoi, en pressant avec l’épaule sur l’extrémité du manche, on le déracine & on l’enleve.

CROISER ; terme de jardinage : c’est faire passer les branches d’un arbre ou les bourgeons les uns sur les autres, & les placer à contre-sens. On convient en général de la difformité d’un tel travail. Rien de plus ordinaire dans tous les jardins que de voir des vignes dont les pousses entrelacées enjambent les unes sur les autres.

Mais, outre la confusion occasionnée par la croisure, il en résulte un défaut plus grand, c’est la privation d’air pour les bourgeons & les fruits. Cependant il vaut mieux croiser, quand on le fait avec méthode & intelligence, que de laisser la muraille dégarnie.

Un autre inconvénient de la croisure, c’est qu’une branche croisée ayant pris un faux pli, elle ne peut être remise dans son sens naturel sans se casser.

CROISSANT ; instrument de jardinage, composé d’un fer coupant de dix-huit pouces, qui imite le croissant de la lune. Il a une douille, & est emmanché d’un morceau de bois long pour atteindre au loin. Un ouvrier élagueur se sert du croissant à tour de bras, donnant des coups sur les branches & sur les bourgeons qu’il veut abattre. Il les incise à pied droit pour faire une sorte d’esplanade de verdure. (Voyez planche XXIV, fig. 25.)

CROSSETTE. On appelle ainsi une branche de vigne ou de figuier qu’on a taillée, de manière qu’il reste au bout un peu de bois de l’année précédente. En effet, par ce bout qui pousse aisément des racines en terre, cette branche mite la figure d’une petite crosse.

CROTTIN ; nom que l’on donne à la fiente de cheval & de mouton.

Le crottin de cheval est convenable pour toutes les terres en plus ou moindre quantité, suivant la nature des terres plus chaudes ou plus froides, sèches ou humides. Il faut le laisser quelque tems dans un trou au nord, & l’y laisser pourrir.

Le crottin de mouton convient aux terres froides & humides. On doit le mettre, comme la fiente de pigeon, dans un trou au nord pour y pourrir. Etant déposé sur terre sans être pourri, il seche trop, & s’évapore même en pure perte.

CROUPIERE ; espèce d’anneau de cuir rembourré en partie, qui tient à l’extrémité postérieure du harnois pour y passer la queue du cheval. Son effet est de maintenir la selle en place,& d’empêcher qu’elle ne vienne en avant, surtout dans les descentes.

On fait des croupieres de plusieurs façons. Celles qui ont des boucles sont les moins bonnes. Les meilleures croupieres sont celles à l’angloise La boucle pour raccourcir & allonger est au milieu de la croupiere, & il n’y a pas d’ardillon à la boucle qui tient à la selle, & dans laquelle la croupiere passe.

CRUCHE. Dans le jardinage on entend par ce terme un arrosoir qui verse par un bec ou tuyau ouvert, à la différence du vrai arrosoir, d’où l’eau sort en forme de rosée par les petits trous de ce qu’on appelle sa pomme.

CUEILLETTE de fruits. C’est un mot assez ordinaire pour marquer le tems dans lequel on cueille les fruits.

CUEILLOIR ; c’est dans le jardinage un panier d’osier à anse, bien évasé du haut, servant à contenir tout ce que l’on cueille sur les arbres & dans le jardin.

CULTIVATEUR ; instrument d’agriculture propre à de légers labours, où il n’est besoin que de remuer la terre sans la changer de place, à détruire les mauvaises herbes, & disposer la terre à être pénétrée des pluies & des rosées.

Lullin de Châteauvieux a donné particulièrement ce nom, à une espèce de charrue sans coutre, sans versoir, & dont le soc est à-peu-près en fer de flèche renversé. Tout son effet est de diviser & ameublir la terre où il est, & de l’entretenir dans l’état de légèreté qui favorise l’action & les progrès des racines.

Un avantage de ce cultivateur est qu’un seul cheval suffit pour le tirer, parce que l’instrument pese peu, et qu’on suppose la terre déjà en bonne façon. Pour s’en faire une idée, il faut se représenter un arriere-train de charrue, qu’on assemble à volonté avec l’avant-train, & dont le soc est formé d’un long bec quarré par son extrémité qui est d’acier, un peu incliné contre terre & applati, & de deux petites aîles plattes & anguleuses, lesquelles servent de support à un manche recourbé, très-angulaire & un peu tranchant par le devant, afin qu’il tienne lieu de coutre. (Voyez l’art. Charrue.)

CULTIVER ; c’est donner à la terre les façons nécessaires pour la fertiliser ; c’est y répandre les semences & en tirer les productions ; c’est aussi donner aux arbres les soins que leurs progrès & leur fécondation exigent.

CULTURE. On entend par le mot culture l’art & l’action de préparer la terre à recevoir la semence qu’on lui confie.

La diversité des climats a fait imaginer plusieurs manières de cultiver, & chaque pays a, pour ainsi dire, la sienne. La culture des terres est-elle établie sur des principes certains, ou seulement sur une routine qui se transmet de père en fils ? Enfin, peut-on établir une loi générale utile à tous les pays ? Il est constant que les principes d’après lesquels & par lesquels la végétation s’exécute, font un dans tous les pays, parce que la marche de la nature est par-tout la même ; mais cette marche, uniforme dans son principe, varie en raison des modifications que chaque espèce de végétal lui présente. Il est donc essentiel de diriger la culture conformément à ces modifications & à la manière d’être du climat que l’on habite.

Plusieurs écrivains se sont occupés de dicter les lois sur la culture, & on a appelé leur code un systême. On en compte plusieurs principaux, que nous allons faire connoître.

Culture ancienne.

Les premiers principes de culture qu’ont établis les anciens agronomes, consistoient à diviser la terre pour des labours, à la fumer pour la rendre fertile, & à lui donner du repos, c’est-à-dire, la laisser en jachère après avoir recueilli ses productions ; ils ne connoissoient point assez le mécanisme de la végétation pour établir sur ce principe des règles certaines de culture, comme l’ont fait quelques auteurs modernes. Les agriculteurs qui joignoient à cet art quelques connoissances de l’histoire naturelle, croyoient que les racines des plantes étoient les seuls organes destinés à pomper les sucs qu’ils transmettoient aux végétaux ; que les molécules de la terre, extrêmement atténuées, mêlées avec certains sels, étoient le seul aliment analogue à chaque espèce de plantes. Avec de telles idées, est-il étonnant que leur manière de cultiver n’eût qu’un rapport immédiat avec les racines ? Sur ce principe, les labours furent établis, afin de bien atténuer la terre pour la rendre propre à être introduite dans les canaux des racines. Ils produisoient cet effet en faisant usage, après les labours, des herses, des rouleaux & des râteaux. Malgré toutes ces opérations, la terre s’épuisoit quand elle avoit donné plusieurs récoltes consécutives ; &, pour prévenir cet épuisement, il fallut avoir recours aux engrais, établir des jachères ou tems de repos.

Dans ses Géorgiques, Virgile prétend que les principes & la pratique de la culture doivent être établis & fondés sur la connoissance particulière du sol. Voici à-peu-prés comme il s’explique à ce sujet. Avant de mettre la main à la charrue, il est essentiel que le laboureur connoisse l’espece de terre qu’il se propose de mettre en valeur, pour savoir ce qu’elle peut produire. Il y en a qui sont propres à donner de belles moissons, d’autres sont favorables à la culture de la vigne ; dans les unes il est facile de former d’agréables vergers ; dans d’autres, on peut faire croître avec succès une herbe abondante pour la nourriture des bestiaux. De cetre manière de raisonner il conclut qu’il faut absolument connoître la nature, les qualités des différentes terres qu’on exploite, afin de les ensemencer, relativement à la nourriture qu’elles sont capables de fournir à la végétation des plantes.

Varron, dans ses Principes de culture, ne s’éloigne pas de ceux de Virgile ; il les établit, 1o. sur la connoissance du terrain & des parties qui le composent ; 2o. sur celle des différentes, plantes qu’on peut y cultiver avec avantage. Parmi les anciens agronomes, aucun n’est entré dans un aussi grand détail des différentes qualités de terre, relativement à leurs productions, que Palladius.

Pour la saison & les tems des travaux de culture, les anciens étoient dans l’usage de se régler sur le cours des astres. Virgile disoit qu’il falloit interroger les cieux avant de sillonner la terre, & avant de recueillir ses productions : suivant son sentiment, le cinquième jour de la lune étoit funeste aux travaux de la campagne ; le dixième au contraire, étoit très favorable. En gênéral, les anciens agriculteurs, & tous ceux qui ont donné des méthodes de culture, étoient persuadés qu’on pouvoit vaquer aux occupations champêtres tant que la lune croissoit, mais qu’il falloit les interrompre quand elle etoit sur son déclin.

Les labours sont une suite nécessaire de l’opinion des anciens agronomes, touchant le mécanisme de la végétation. Malgré cette opinion, les labours n’étoient point aussi multipliés qu’ils auroient dû l’être relativement à leur système, ils employoient differens instrumens capables de produire en partie cet effet. 1o. La charrue étoit d’abord mise en usage pour sillonner & ouvrir la terre ; 2o. les râteaux à dents de fer brisoient ensuite les mottes ; à leur défaut, une claie d’osier rendoit à-peu-pres le même service ; 3o. le rouleau perfectionnoit la culture : on le faisoit passer sur toute la superficie du terrain, afin de l’unir de l’égaliser parfaitement. Le nombre des labours nécessaires avant d’ensemencer, n’étoit point fixé : suivant, leurs principes, ils auroient dû être très-multipliés ; nous observons, au contraire, qu’ils labouroient moins fréquemment que nous. Virgile s’est éloigné, dans les préceptes sur la culture, de la méthode de ses contemporains ; il prétend que deux labours sont insuffisans pour disposer une terre à être ensemencée. Si l’on veut avoir des moissons abondantes, il pense qu’on ne doit point se borner à deux ni à quatre, mais agir selon le besoin des terres. Caton paroît n’en prescrire que deux, lorsqu’il dit : « Une bonne culture consiste premièrement à bien labourer, secondement à bien labourer, troisièmement à fumer.

Les anciens agronomes étoient dans l’usage de donner le premier labour très-légérement, persuadés que les racines des mauvaises herbes étoient mieux exposées à l’air, & plus tôt desséchées par l’ardeur du soleil. Les labours suivans n’étoient guère plus profonds : leur charrue, peu propre à fouiller la terre, ne pouvoit ouvrir des sillons que de cinq à six pouces de profondeur. Quoique leurs instrumens de labourage fussent moins propres que les nôtres à la culture des terres, ils avoient cependant soin de proportionner l’ouverture du sillon à la légèreté ou à la ténacité du sol. Dans un terrain léger & friable, le labour étoit superficiel ; profond dans un terrain dur, & autant que la charrue pouvoit le permettre. Virgile insiste beaucoup sur cette méthode, afin de ne pas donner lieu à l’évaporation de l’humidité nécessaire à la végétation, en faisant de profonds sillons dans un sol large. Dans un terrain fort argilleux, il veut qu’on ouvre de profonds & larges sillons, pour développer les principes de fécondité, qui seroient nuls pour la végétation sans cette pratique.

Suivant l’opinion des anciens, toutes les saisons n’étoient point également propres à labourer les terres. Virgile condamne les labours faits pendant les chaleurs de l’été & pendant l'hiver, comme étant très-nuisibles à la fertilité : le tems le plus favorable, selon lui, étoit lorsque la neige fondue commençoit à couler des montagnes. La saison des labours dépendoit encore de la qualité des terres. Le même auteur prescrivoit de labourer après l'hyver un sol gras & fort, afin que les guérets fussent mûris par les chaleurs de l'été ; quand, au contraire, il étoit léger, sabloneux ou friable, il prétendoit qu'il falloit attendre l’automne pour le labourer.

Columelle n'était pas du sentiment de Virgile ; il vouloit, au contraire, qu'une terre forte, sujette à retenir l’eau, fût labourée à la fin de l'année, pour détruire plus facilement les mauvaises plantes.

Les anciens agronomes ont ignoré la méthode de cultiver les plantes annuelles pendant leur végétation : toute leur culture, à cet égard, se réduit au sarclage ; à faire paître par les moutons, les sommités des fromens trop forts en herbe, avant l'hiver ; à répandre du fumier en poussière lorsqu'ils n'avoient pas pu fumer leurs terres avant de les ensemencer.

Des engrais. Les anciens croyoient rendre raison de la cause de la stérilité d'une terre autrefois fertile, en disant qu'elle vieillissoit. Parmi eux, quelques-uns avoient imaginé que, dans cet état de vieillesse, elle étoit incapable de donner des productions comme auparavant. C'étoit le sentiment de Trémellius ; il comparoit une terre nouvellement défrichée à une jeune femme qui cesse d'enfanter à mesure qu'elle avance en âge. Columelle s'élève fortement contre cette opinion capable de décourager le cultivateur : une terre, suivant lui, ne cesse jamais de produire par cause de vieillesse ou d'épuisement, mais parce qu'elle est négligée.

La méthode de bonifier les terres par le moyen des engrais, est presque aussi ancienne que l’art de cultiver. Tous les auteurs agronomes prescrivent, cette pratique comme très-propre à augmenter la fertilité de la terre, & capable d'empêcher son dépérissement. L'histoire de la Chine nous apprend que Yu, le premier empereur des Yao, fit un ouvrage sur l’agriculture, dans lequel il parloit de l’usage des excrémens de différens animaux. La méthode de les améliorer en les fumant, d'arrêter leur dépérissement ; de prévenir la décomposition du terreau, si nécessaire à la végétation, s'est établie successivement : dès qu'on s'est apperçu qu'un champ, après plusieurs récoltes, cessoit d'en produire d'aussi abondantes, on a eu recours aux engrais pour lui rendre sa première fertilité. Pline assuroit que l'usage de fumer les terres étoit très-ancien : dans son dix-septième livre, chapitre IX [VI], il dit que, selon Homère, le vieux roi Laertes fumoit son champ lui-même. Le fumier fut d'abord employé en Grèce par Augias, roi d'Elide : Hercule, après l’avoir détrôné, apporta cette découverte en Italie, où l'on fit un Dieu du roi Stercutus, fils de Faunus.

Dans le détail des engrais, Virgile recommande principalement les fèves, les lupins, la vesce : il est persuadé que le froment vient avec succès après la récolte de ces sortes de grains capables de bonifier la terre, loin de l’épuiser, comme seroient d'autres espèces de légumes. Les chaumes brûlés après la moisson sont encore, suivant son opinion, très-propres à fumer les terres, parce que leurs cendres y laissent de nouveaux principes de fertilité.

Columelle distingue trois sortes d'engrais, dont l'usage lui avait paru le plus capable de bonifier les terres ; 1°. les excrémens des oiseaux, 2°. ceux des hommes, 3°. ceux du bétail : la fiente du pigeon étoit, selon lui, le meilleur ; ensuite celle de la volaille, excepté celle des canards & des oies. En employant les excrémens humains, il avoit soin de les mêler avec d'autres engrais ; sans cette précaution, leur grande chaleur auroit été nuisible à la végétation. Il se servoit de l’urine croupie pendant six mois, pour arroser les arbres & les vignes ; le fruit qu'ils donnoient ensuite en grande abondance, étoit d'un goût excellent. Parmi les fumiers des bestiaux, Columelle préféroit celui des ânes à tout autre ; celui des brebis & des chèvres, à la litière des chevaux & des bœufs : il proscrivoit absolument le fumier des cochons, dont plusieurs agriculteurs de son tems faisoient usage.

Varron employoit avec succès le fumier ramassé dans les volières des grives : les anciens, très-friands de cette espèce d'oiseaux, les nourrissoient pour les engraisser, comme on fait aujourd'hui des ortolans ; cette sorte d'engrais étoit répandue principalement sur les pâturages dont l'herbe étoit ensuite très-bonne pour engraisser promptement le bétail. Caton, afin de bonifier les terres, y faisoit semer des lupins, des fèves, ou des raves ; il employoit aussi le fumier du bétail des fermes, sur-tout lorsque la litière des chevaux, des bœufs, étoit faite avec les longues pailles de froment, de fèves, de lupins, ou avec des feuilles d'yeuse, de ciguë, & en général, avec toutes les herbes qui croissent dans les saussaies & les marais.

Pour fertiliser les terres froides & humides des plaines de Mégare, les Grecs employoient la marne, nommée, selon lui, argille blanche. Dans la Bretagne & dans la Gaule, cet engrais étoit aussi connu & employé ; ce n'étoit qu’après le le labourage qu’on le répandoit : souvent même il falloit le mêler avec d’autres fumiers pour qu’il ne brûlât pas les terres.

Les anciens avoient coutume de répandre les engrais avant de semer, ou lorsque les plantes étoient levées : la première méthode étoit la plus suivie. Lorsque les circonstances n’avoient pas été favorables pour fumer avant les semailles, immédiatement avant de sarcler, on répandoit le fumier en poussière. Columelle conseille de transporter les engrais & de les répandre dans le mois de septembre, pour semer en automne ; dans le courant de l’hiver & au déclin de la lune, quand on ne sème qu’au printems. Dans cette dernière circonstance, il fallait laisser le fumier en tas dans les champs, pour ne le répandre qu’immédiatement avant le premier labour. Selon le besoin des terres, il suivoit la méthode d’un de ses ancêtres, elle consistoit à mêler la craie avec les terres sabloneuses, & le sable avec les crayeuses. Il observait cette pratique pour les terrains en vigne, comme pour ceux à froment : rarement il fumoit les vignes, persuadé que les engrais, en augmentant la quantité du vin, en altéroient la qualité. Quand un cultivateur n’avoit pas les fumiers nécessaires pour l’exploitation de ses terres, il conseilloit d’y semer des lupins, & de les enterrer avec la charrue avant qu’ils fussent parvenus à maturité.

Des jachères. Quoique les anciens fussent persuadés que les molécules de la terre, extrêmement atténuées par les labours, étoient l’aliment pompé par les racines des plantes pour fournir à la végétation, ils s’apperçurent cependant que la trituration des parties terrestres n’étoit pas toujours un moyen efficace pour procurer aux végétaux la nourriture nécessaire à leur accroissement. Malgré la fréquence des labours, ils observèrent que les plantes languissoient dans un terrain presque stérile après plusieurs productions. Quelques agriculteurs crurent avoir trouvé la cause de ce phénomène, en disant que la terre vieillissoit. Après avoir observé un terrain abandonné & laissé sans culture, produire cependant de mauvaises herbes, ils imaginèrent qu’au bout d’un certain tems la terre reprenait sa première fertilité, & qu’elle étoit capable de produire des végétaux comme auparavant. Suivant cette opinion, la terre, susceptible d’épuisement par des productions trop fréquentes, pouvoit se lasser de fournir de nouveaux sucs aux végétaux. L’épuisement & la lassitude furent donc considérés comme la suite & l’effet d’une culture trop continue, & d’un labourage trop fréquent.

Pour obvier à ces inconvéniens & éloigner le terme de la vieillesse de la terre, les anciens ne crurent pas que le secours des engrais pût suffire. Il fallut donc établir des jachères, ou tems de repos absolu ; pendant cet intervalle plus ou moins long, relativement à la qualité des terres, elles n’étoient ni labourées, ni ensemencées ; toute culture cessoit, afin de ne point les forcer à donner leurs productions. Virgile a fait des jachères un principe important d’agriculture ; quoiqu’il conseille les fréquens labours pour diviser & atténuer la terre, il exige cependant qu’après avoir éré moissonnée, elle soit pendant une année entière sans être cultivée. Si l’on ne veut pas perdre la récolte d’une année, le seul parti qu’il y a à prendre, selon lui, consiste à l’ensemencer de lupins, de fèves, de vesces, ou autres légumes, après la récolte desquels il n’y a point d’inconvéniens d’ensemencer une terre en froment, parce que ces sortes de légumes, loin de l’amaigrir, la bonifient.

Columelle n’adopte point le système des jachères ; selon son sentiment, une terre bien fumée n’est jamais exposée à s’épuiser ni a vieillir. Aucun des agronomes anciens n’a aussi bien connu que lui les moyens propres à prévenir le dépérissement des terres.

Culture des Modernes.

Les principes de culture de Duhamel se réduisent en général à ces objets : 1°. au choix des instrumens de labourage ; 2°. à la fréquence des labours, & à la manière de les exécuter ; 3°. à l’épargne de la semence ; 4°. à la façon de cultiver les plantes pendant qu’elles végètent. &c. Duhamel est persuadé que pour faire une culture convenable, il faut choisir des instrumens de labourage propres à cultiver les terres, suivant qu’elles l’exigent, relativement à leur qualité. Il croit qu’une charrue légère, qui pique peu, qui est propre à cultiver un terrain léger, ou qui a un fonds de terre peu considérable, ne feroit qu’un mauvais labour dans un sol fort, argilleux, qui demande à être fouillé à une grande profondeur ; ce qu’on ne peut exécuter sans une forte charrue, autrement dite, à versoir.

L’usage du semoir paroît à Duhamel une invention très-utile pour se procurer d’abondantes récoltes, en épargnant la semence. Par le moven de cet instrument, elle est distribuée de manière que tous les grains lèvent & produisent des plantes vigoureuses, étant placées à une distance convenable les unes des autres. Suivant cette nanière de semer, & à l’exemple de Tull, il adopte la culture par planches.

Pour procéder avec ordre dans l’exposition des principes de culture que suit Duhamel dans l’exploitation des terres, nous les considérerons, 1°. suivant leur état inculte, ou en friche ; 2°. dans l’état de culture où elles sont entretenues par les labours.

Sous le nom de terres incultes, Duhamel comprend toutes celles qui ne sont point dans l’état de culture ordinaire, c'est-à-dire, qui n'ont jamais été cultivées, ou qui ne l’ont pas été depuis long-tems. Il range ces terres en quatre classes : 1°. celles qui sont en bois ; 2°. celles qui sont en landes ; 3°. celles qui sont en friche ; 4°. celles qui sont trop humides.

I. Pour ensemencer une terre, il faut la fouiller : c’est le cas où se trouvent les bois ; mais ils offrent des obstacles qu’on ne peut vaincre sans des travaux considérables. Autrefois on se contentoit d’y mettre le feu ; aujourd’hui, plus éclairé sur ses propres intérêts, on enlève les grosses racines, & la vente de leurs bois paie les frais de l’opération.

Aussi-tôt après on égalise le terrain autant qu'il est possible, pour donner ensuite un labour en automne, avec une forte charrue, afin que les gelées d’hiver brisent les mottes, fassent mourir les mauvaises herbes. Au premier printems, on donne un second labour, après lequel on sème des grains de ventôse, qui produisent une récolte très-abondante. On continue à cultiver ces sortes de terrains, comme ceux qui sont en bon état de culture.

Si ces sortes de terrains en bois sont encore remplis de genêts, d’aubépine, de bruyères & d’autres broussailles, un labour avec une sorte de charrue ne suffit pas pour les mettre en bon état. Dans ces circonstances, Duhamel fait fouiller la terre pour arracher les racines avant d’y faire passer la charrue, qu’on risqueroit de briser à cause des obstacles qu’elle rencontreroit à tout instant de la part des racines & des broussailles. Cette opération très-coûteuse, exécutée à bras, est faite à peu de frais en employant la charrue à coûtres sans soc : il la fait passer deux fois dans toute l’étendue du terrain, en ayant attention de croiser les premières raies au second labour : par ce moyen, toutes les racines sont coupées. Un second labour, avec une forte charrue, renverse aisément la terre, parce qu'il n'y a pas d'obstacle qui s’oppose à la direction qu’elle suit dans la marche. Ces terres, qu’on pourroit appeler vierges relativement aux grains, fournissent pendant plusieurs années d’excellentes récoltes sans le secours des engrais, & elles peuvent en produire de semblables lorsque la terre commence à diminuer de force en minant ce terrain, c’est-à-dire, en lui donnant une culture à la bêche, en faisant une espèce de fosse de dix-huit à vingt pouces de profondeur : on le comble à mesure qu’on creuse le suivant, & ainsi successivement l’un après l’autre. Cette opération longue &


coûteuse rend à la terre sa première fertilité. Aux cultivateurs effrayés par cette dépense, Duhamel propose l’observation suivante.

« Qu’on fasse attention que les frais d’une telle culture sont une avance faite, dont on sera amplement dédommagé par les récoltes qui la suivront. Les fumiers qu’on auroit été obligé de mettre pendant plusieurs années, seroient un objet de dépense au moins aussi considérable que la façon de cette culture, & ils ne bonifieroient pas le terrain avec autant d’avantage. »

II. On nomme landes, les terres qui ne produisent que des broussailles en général ; c'est-à-dire, du genêt, de la bruyère, des genévriers, &c. On réduit ces sortes de terrains en état de culture, par le moyen du feu, ou en coupant et arrachant toutes ces plantes. Si l’on n’a pas un grand intérêt à profiter du bois, le feu est le meilleur moyen & le plus court. En voici les raisons : 1°. les cendres de toutes ces mauvaises productions améliorent le terrain ; 2°. le feu qui a consumé toutes les plantes jusqu’aux racines, est cause qu'elles ne repoussent plus, quand même il en resteroit quelques-unes dan la terre ; 3°. en consumant toutes ces mauvaises plantes, on brûle aussi leurs graines qui auroient germé l’année suivante. Il y a bien des précautions à prendre quand on veut brûler des landes voisines des bois ; souvent il arrive que le feu s'étend & gagne la forêt.

Après avoir brûlé toute la superficie d’une lande, les racines des landes subsistent. Duhamel conseille de les arracher avec la pioche. Lorsque cette opération est faite, l’on donne un labour après les premières pluies d'automne, en ouvrant de larges & profonds sillons ; on sent aisément ses motifs.

Au printems suivant, il faut donner un second labour, après lequel on sème des grains de ventôse. La seconde année, il fait préparer la terre par trois labours pour y semer du froment Quand le terrain est fort & d’une bonne qualité, il ne conseille de semer du froment que la troisième année, parce qu'il seroit à craindre qu'il ne poussât beaucoup en herbe, & ne versât ensuite, avant la moisson. Ce n'est qu'à force de labour qu'on entretient ces terres en bon état de culture, en détruisant peu-à-peu les racines des plantes qui restent toujours, quelque soin que l’on prenne de les arracher.

Duhamel suit une autre méthode lorsqu’il veut profiter du bois des landes, soit pour brûler, ou pour en faire des fagots qu’on enterre dans les fossés des vignes, afin de les fumer. Après avoir coupé toutes les plantes, pour éviter l’opération longue & coûteuse de la pioche, il fait paser la charrue à coutres sans socs, tirée par quatre à cinq paires de bœufs, selon que le terrain oppose plus ou moíns de difficultés : des personnes qui marchent derrière, ramassent toutes les racines coupées. Le terrain étant labouré dans toute sa longueur, on le laboure en largeur, afin de croiser les premières raies, & de détacher les racines qui auroient pu rester entre les sillons du premier labour. En automne ou au printems, on fait les autres cultures à l’ordinaire, avec une forte charrue à soc.

Il faut comprendre sous le nom de terres en friche les prés, les luzernes, les sainfoins, les trèfles, & généralement toutes les terres couvertes d'herbes, qui n'ont point été labourées depuis long-tems. Pour les réduire en état de culture ordinaire, afin de les ensemencer, il ne suffit pas de couper le gazon, il faut encore le renverser sans dessus dessous, afin qu'il puisse bonifier le terrain. La charrue ordinaire paroît peu propre à produire cet effet, quand même elle seroit assez forte pour surmonter sans se briser les obstacles qu'elle rencontre dans un sol si difficile à ouvrir. Pour se dispenser de la culture à la bêche, longue & dispendieuse, Duhamel conseille d'employer la charrue à coûtres sans socs en la faisant passer deux fois en croisant à la seconde les premières raies. Une forte charrue entre ensuite ; aisément ; elle renverse, sans beaucoup de peines, les pièces de gazons coupées par les coutres. Ce labour, fait en automne, les mottes sont brisées par la gelée, & la terre est en état d'être ensemencée au printems. Après la récolte des grains de.ventôse, on donne plusieurs labours, afin de préparer la terre à recevoir du froment.

Duhamel observe, qu'il n'est pas toujours avantageux de semer du froment la même année qu'on a réduit une prairie en état de culture réglée : si la terre est d'une très-bonne qualité, il vaut mieux attendre la troisième année, parce que le froment, qui demande plus de substance, que les autres grains, se trouvant dans un sol neuf capable de lui en fournir beaucoup, pousseroit si considérablement en herbe, qu'il verserait. Il remarque encore que cette plante étant plus vivace que celle des autres grains, resteroit plus long-tems verte, le grain mûriroit par conséquent trop-tard : pour éviter cet inconvénient, il y fait semer de l’avoine, des légumes ou du chanvre pendant les deux premières années.

A l’égard des prairies maigres, remplies de mousse, situées sur un mauvais sol, des terres qui ont été en jachère pendant plusieurs.années, parce qu'elles sont peu fertiles, & dont la surface est couverte de gazons, Duhamel propose de les écobuer, pour les brûler, afin que les cendres du gazon & des plantes fertilisent le terrain. Cette opération, qu'il regarde comme très-utile quand elle est faite à propos, peut


être nuisible, si on ne la fait pas avec beaucoup de précautions. Lorsque le feu est trop vif, il calcine la terre, consume les sucs propres à la végétation ; elle n’est plus alors qu’un sable stérile, ou une brique réduite en poussière, incapable de fertiliser.

Quant aux terres humides & pierreuses, lorsqu'une pièce de terre est humide, parce qu'elle a un fond de glaise ou d’argile, qui ne permet pas à l’eau de se filtrer, ou qu'elle est située de façon à recevoir les eaux de champs limitrophes, elle forme une espèce de marécage qui produit toutes sortes de plantes aquatiques, qu'on a bien de la peine à détruire entièrement. Duhamel exige qu'auparavant de labourer un terrain de cette espèce, on procure un écoulement à l’eau.

Lorsqu'un terrain a de la pente, il est tres-aisé de le procurer, & chacun sait que les fossés en sont le moyen ; & la terre qu'on en retire à la longue devient un excellent engrais.

Après cette opération, les joncs & toutes les plantes aquatiques, privées de leur élément, se dessèchent bien visiblement. Lorsque le terrain est bien desséché, l’auteur conseille de l'écobuer pour le brûler, ou d'y passer la charrue à coutres sans socs avant de lui donner un labour de culture pour le disposes à être ensemencé.

Si le sol est d'une qualité à retenir l'eau, & qu'il ne soit marécageuxque pour cette raison, il ne suffit pas de l’entourer de fossés, il faut, encore en creuser quelques-uns de distance en distance dans l'étendue du terrain, en les faisant aboutir à celui qui est le plus bas. Quand on veut que la pièce de terre ne soit point coupée, par tous ces fossés, il faut les combler avec des cailloux, en remettant ensuite la terre par-dessus ; mais alors on sera obligé de les rouvrir tous les cinq ou six ans, parce que la terre qui sera placée dans tous les vides que laissoient entre eux les cailloux, ne permettra plus à l’eau de s'écouler. Après toutes ces opérations, l’on réduit aisément ces sortes de terrains en état de culture ordinaire, si toutefois le champ vaut la dêpense nécessaire pour son dessèchement.

Exploiter une terre, c'est la mettre en état, en travaillant, de donner les productions dont elle est capable. Pour cet effet on laboure, on met des engrais, l’on sème, on cultive. Duhamel ne croit pas que les labours tiennent lieu d'engrais dans toutes les circonstances

Selon Duhamel, l’objet du cultivateur doit être de rendre ses terres fertiles, afin que leurs productions, le dédommagent de ses soins & de sa dépense. Il ne connaît que deux moyens capables de produire cet effet : l’un par des labours, l'autre par les engrais. Quoiqu'il soit persuadé de l’utilité de ceux-ci, il lui paroît bien plus avantageux de rendre une terre fertile par les labours, lorsqu’elle est d’une qualité à n’avoir pas besoin d’autres secours. Pour qu’un terrain soit en état de fournir aux plantes les sucs qui contribuent à leur accroissement, ses parties doivent être divisées, atténuées, afin que les racines aient la facilité de s’étendre. Le fumier, suivant Duhamel, produit en partie cet effet par la fermentation qu’il excite ; mais il pense que l’instrument de culture l’opère d’une manière plus efficace : outre qu’il divise la terre, il la renverse encore sens dessus dessous ; par conséquent, les parties qui étoient au fond sont ramenées à la surfaces, où elles profitent des influences de l’air, de la pluie, des rosées, du soleil, qui sont les agens les plus puissans de la végétation ; les mauvaises herbes qui épuisent la terre sont détruites & placées dans l’intérieur, où elles portent une substance qui accroît les sucs dont les plantes ont besoin. Une terre où l’on se dispense de quelques labours, soit de préparation, ou de culture, sous prétexte des engrais qu’on y met, se durcit à la surface : elle ne peut donc point profiter de l’eau des rosées, de la pluie qui coule sans la pénétrer. Duhamel observe que le fumier expose à des inconvéniens qu’on n’a point à craindre des labours ; 1o. la production des plantes fumées est d’une qualité bien inférieure à celles qui ne le sont point ; 2o. les fumiers contiennent beaucoup de graines qui produisent de mauvaises herbes ; ils attirent des insectes qui s’attachent aux racines des plantes & les font périr. Toutes ces considérations l’ont décidé à multiplier les labours dans les terres d’une bonne qualité au lieu de les fumer. Aussi, en recommandant les engrais, il conseille toujours de les réserver pour les terres peu fertiles, & de labourer fréquemment celles qui ont un bon fond.

En établissant pour premier principe de culture la fréquence des labours, l’auteur observe que la plupart des cultivateurs imaginent qu’elle est nuisible à la fertilité de la terre, qui perd une partie de sa substance quand elle est trop souvent cultivée. Il répond à cette futile objection, 1o. que l’évaporation n’enlève jamais que les parties aqueuses, & non point celles de la terre ; 2o. que dans bien des circonstances cette évaporation est utile : en supposant que les labours donnent lieu au soleil d’enlever les parties humides nécessaires à la végétation, les pluies qui arrivent après que la terre a été remuée, lui rendent d’une manière plus avantageuse l’eau qu’elle a perdue. Il conclut donc que la fréquence c des labours est très-utile pour rendre les terres fertiles, pourvu qu’ils soient faits à propos.

Duhamel distingue, ainsi que Tull, deux sortes


de labours ; ceux de préparation & ceux de culture. Pour ces derniers, il a imaginé des charrues légères qu’il nomme des cultivateurs, capables de remplir assez bien son objet.

Pour préparer la terre à être ensemencée, suivant Duhamel, on ne sauroit faire des labours trop profonds. Cependant, dans la pratique, il a soin de proportionner la profondeur des sillons à la-qualité du terrain, qui doit être relative au fond de bonne terre plus ou moins considérable. En général, il fait labourer les terres fortes avec des charrues qui prennent beaucoup d’entrure, c’est-à-dire, qui piquent à une profondeur considérable, & pour celles qui n’ont pas de fond, des labours légers suffisent.

Lorsque, la terre est sujette à retenir l’eau, il fait labourer par planches ou par sillons plus ou moins larges, afin de procurer l’écoulement des eaux qui resteroient à la surface, si l’on ne donnoit pas une pente à leur cours. Quand elle n’est point exposée à cet inconvénient, les labours sont faits à plat, & on ouvre de distance en distance, de grands sillons qui donnent issue aux eaux.

Avant d’ensemencer une terre en grains hivernaux, principalement en froment, Duhamel exige qu’elle ait reçu quatre labours de préparation. Le premier doit être fait avant l’hiver, afin que la gelée brise les mottes, pulvérise la terre, fasse mourir les mauvaises herbes : ce premier labour s’appelle guéreter. Le second, nommé binage, est fait dans le courant de ventôse pour disposer la terre à profiter des influences de l’atmosphère, & sur-tout des rayons du soleil. Le troisième, appellé rebinage, est fait au mois prairial, pour détruire les mauvaises herbes qui ont poussé depuis le binage. Le quatrième, nommé labour à demeure, se fait immédiatement après les moissons. Duhamel ne croit point que ces quatre labours suffisent dans toutes les circonstances, ni pour toutes sortes de terrains.

Si le printems est chaud & pluvieux par intervalles, l’herbe pousse avec vigueur : il ne faut pas alors s’en tenir aux labours d’usage ; il est à propos de les multiplier, afin d’arrêter la végétation des mauvaises herbes.

Pour semer les grains de ventôse, il exige que la terre soit préparée au moins par deux labours, & condamne la méthode des cultivateurs qui sèment après un seul labour fait en pluviôse ou en ventôse. Il prétend que la terre ne peut être bien disposée sans un labour fait avant l’hivér, immédiatement après les semailles des hivernaux, & par un second fait après l’hiver. « L’expérience, ajoute-t-il, prouve évidemment la nécessité de deux labours, puisque les avoines, les orges, faites après un seul labour, ne sont jamais aussi belles que quand la terre a été deux préparée par deux ».

Un des grands avantages de la méthode de cultiver adoptée par Duhamel, consiste à pouvoir cultiver les plantes annuelles, pendant leur végétation. Lorsque le printems est favorable, celles qui ont résisté à la gelée poussent vigoureusement ; c’est alors, dit-il, qu’il faut aider à leur, accroissement par des labours de culture. Quoique la terre ait été bien ameublie par le labourage de préparation, elle a eu le tems de se durcir, & de former à la superficie une croûte qui la rend impénétrable à l’eau. Pour obvier à cet inconvénient, & rendre facile la culture des plantes annuelles, Duhamel a imaginé de diviser une pièce de terre par planches, comme on le verra dans la suite, afin de pouvoir donner quelques labours aux plantes pendant qu’elles croissent. Il fait ordinairement donner le premier labour de culture après l’hiver, afin de disposer la terre à profiter des pluies, des rosées : à mesure que la mauvaise herbe pousse, on en donne un second pour la détruire ; lorsque le grain commence à se former, on fait le troisième labour de culture, parce que c’est le tems où la plante a besoin d’une plus grande partie de substance pour parvenir à donner des épis longs & bien fournis en grains. Le nombre, des labours de culture est relatif à la qualité des terres sujettes à produire plus ou moins de mauvaises herbes ; Duhamel les multiplie en proportion de ce défaut, mais non pas dans le tems pluvieux.

Cet auteur n’est pas du sentiment des anciens, qui ne labouroient point les terres lorsqu’elles étoient sèches, humides, gelées ; il pense, au contraire, qu’un labour de préparation, fait pendant la sécheresse, ne peut point être nuisible : dans cette circonstance, on détruit les mauvaises herbes avec bien plus de succès. Un labour fait pendant la sécheresse, loin d’épuiser la terre, la prépare au développement des principes de sa fertilité, en la mettant dans l’heureuse disposition de profiter des influences bienfaisantes de l’atmosphère, dont elle seroit privée tant que sa surface formeroit une croûte impénétrable à l’eau. Quoique l’auteur observe que les labours faits pendant la sécheresse ou pendant la gelée, sont utiles à la terre, il préfère ceux qu’on exécute par un tems ni trop sec ni trop pluvieux.

Les terres sur lesquelles il n’est pas possible de multiplier les labours, ont besoin d’engrais. L’auteur s’est occupé des moyens de les employer utilement : il pense qu’un tems pluvieux est la circonstance la plus favorable aux transports des fumiers, parce que la terre ne perd rien de leur substance, qui s’évapore facilement, si le soleil


est trop vif. Comme on n’est pas toujours libre de choisir le tems le plus convenable à leur transport, dans pareille circonstance, il faut mettre tous les fumiers en tas, les couvrir de terre, afin d’empêcher l’évaporation, & les répandre seulement avant de labourer : sans cette précaution, il ne resteroit que de la paille à enterrer, qui ne seroit pas d’un grand secours pour améliorer le terrain. Quand les fumiers sont transportés, dans l’intention de les enterrer tout de suite, il faut les étendre à mesure qu’on laboure, pour les couvrir avant la pluie ; autrement l’eau qui les délayeroit, entraîneroit la meilleure partis de leur substance.

Duhamel conseille de transporter les engrais avant le labour à demeure, de les étendre tout de suite, & de les enterrer. Il y a des cultivateurs qui étendent les fumiers seulement avant de semer, & les enterrent avec la semence. Cette méthode est vicieuse, parce qu’il y a des grains qui peuvent se mêler avec des tas de fumier où ils pourissent, quand ils ne sont pas dévorés par les insectes qui s’y trouvent.

Art d’ensemencer.

La nouvelle méthode d’ensemencer les terres, introduite par Duhamel, se trouve conforme à celle de Lignerolk. Voici de quelle manière le terrain est disposé.

« Supposons, dit Duhamel, une pièce de terre bien labourée à plat & bien unie, prête à recevoir la semence & à prendre la forme qu’on voudra lui donner ; supposons encore que la terre soit assez bonne, qu’elle ne soit pas trop difficile à travailler, & qu’on veuille y faire des planches de quatre tours de charrue, ou de huit raies, qui produiront sept rangées de froment : comme c’est la première fois qu’on ensemence cette pièce suivant la nouvelle culture, il faut la disposer de façon qu’il y ait alternativement une planche de guéret & une ensemencée ; ce qui servira tant qu’on la cultivera suivant la nouvelle méthode. En commençant par laisser à une rive de la pièce la planche de guéret, il faut compter 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 raies de guéret : voilà la planche qui restera en guéret cette année, & qu’on ensemencera l’année prochaine ; parce qu’il faut dix raies de guéret pour faire une planche de quatre tours, formant huit raies de planches qui produisent sept rangées de bled. Pour ensemencer, on compte 1, 2, 3, 4 de ces dix raies ; on fait répandre du bled à la main sur les deux cinquièmes raies qui doivent former le milieu de la planche ; ainsi les cinquièmes raies se trouvent adossées par les quatrièmes, en même-tems qu’on forme une enréageure : par ce tour de charrue, ou par les deux traits, la semence qu’on a répandue, se trouve enterrée sur le milieu de la planche, &, quoiqu’on ait répandu du grain dans les deux raies S, il n’en résultera à la levée qu’une forte rangée, qui équivaudra à deux.

» Après avoir fait répandre du grain dans les deux siilons qu’on vient de former, on pique un peu moins dans le guéret ; on fait un second tour de charrue, qui recouvre le grain qu’on vient de semer, & on forme deux nouvelles raies.

» Ayant fait répandre du grain dans les raies à mesure qu’on les forme, & ayant fait un troisième tour, la planche est entièrement formée par huit raies qui ne doivent donner que sept rangées de froment, les deux premières n’en produisant qu’une, qui est, à la vérité, plus forte que les autres.

« Il est bon de faire attention, 1o. qu’afin que les planches aient leur égout dans les raies qui les séparent, il faut qu’elles fassent un cintre surbaissé : c’est pour cela qu’on pique profondément les raies 4, 4, & qu’on en renverse la terre sur les raies 5, 5, pour former ce qu’on appelle l’ados d’une planche ; & on pique de moins en moins les raies 3, 3, 2, 2, 1, 1, afin que la pente soit bien conduite depuis l’ados, jusques & comprise la dernière raie.

« 2o. Qu’il faut huit raies de guéret pour quatre tours de charrue, formant huit raies de planches qui ne produisent que sept rangées de froment ; parce que, comme il a été dit, l’ados n’en produit qu’une sorte qui équivaut à deux. Si l’on veut faire les planches plus étroites, on ne prend que huit raies de guéret pour trois tours de charrue, formant six raies de planches qui, ne produisent que cinq rangées de froment. Si l’on ne prenoit que six raies, pour deux tours de charrue, formant quatre raies de planches, on n’auroit que trois rangées de bled : ces planches sont très-étroites & bordées de deux sillons. Quand il n’y a que l’ados formé de deux raies poussées l’une contre l’autre par-dessus les deux du milieu qu’elles couvrent, on ferme ce qu’on appelle un billon qui ne porte qu’une rangée de froment. On conçoit que la charrue à versoir opère le labour, d’abord en poussant deux raies l’une contre l’autre qui forment l’ados & deux fonds de raies de chaque côté, qui fournissent des enréageures pour former successivement le nombre des raies qui doivent composer une planche de quelque largeur qu’elle soit, laquelle finit, & est bordée par deux fonds de raies ou sillons dans lesquels on enréage quand on bine, pour remettre la terre où on l’avoit prise au premier labour : ainsi elle change de place, comme quand on laboure avec les charrues à tourne-oreille.

» Les soins dont on vient de parler pour les premières façons, n’ont pas lieu lorsqu’on guérète ou lorsqu’on bine : comme alors il n’est point important de donner un écoulement aux eaux, on ne fait point d’ados, & on pique également dans toute la largeur des planches.

» Le grain qui se trouve répandu sur les deux raies dont l’ados d’une planche est formé, doit réussir, parce qu’il étend ses racines dans le guéret sur lequel on le répand, & dans la terre des deux raies qu’on creuse pour former l’ados ; de sorte que le grain jouit presque de la terre de quatre raies. Le grain des deux rangées qui suivent immédiatement, est encore bien pourvu de terre, puisqu’il jouit du revers des deux premières raies de l’ados & des deux secondes raies qui le couvrent. Les troisièmes rangées qui sont les cinquièmes de la planche,quoique moins relevées que les précédentes, fournissent encore assez de substance au grain, parce qu’il est assis sur un bon guéret & recouvert de la terre qu’on prend aux dépens de la dernière rangée. Ces rangées qui terminent les deux côtés de la planche, sont par conséquent les plus mal situées, & les moins fournies de guéret : on s’en apperçoit à la récolte, car elles sont les plus foibles de toutes : ainsi elles ont plus besoin que toutes les autres des secours qu’elles ne peuvent recevoir qu’en pratiquant la nouvelle culture, par l’adossement qu’on peut leur donner aux dépens de la planche voisine qui reste en guéret. Les labours que les plantes de ces rangées reçoivent au printemps, suffisent pour leur donner autant de vigueur qu’à celles du milieu des planches. Cette pratique s’étend également sur tous les autres grains, la luzerne, les sainfoins, &c. »

Duhamel est persuadé que rien ne contribue plus aux progrès des végétaux, que des labours faits, à propos pendant l’accroissement des plantes. L’expérience lui a découvert trois principaux moyens, afin d’obtenir des récoltes abondantes : ils consistent 1o. à faire produire aux plantes beaucoup de tuyaux ; 2o. à faire porter un épi à chaque tuyau ; 3o. à cultiver de façon que chaque épi soit entièrement rempli de grains bien nourris. Comme on ne peut, dit-il, opérer ces effets que par des labours réitérés, ce n’est pas en suivant la manière ordinaire d’ensemencer, qu’on les obtiendra, parce qu’il n’est pas possible de cultiver les plantes pendant leur végétation.

Si on veut que les plantes profitent des labours de culture, il est important de les faire dans des circonstances favorables. Duhamel pense, ainsi que Châteauvieux, que le premier labour de culture a pour objet, 1°. de procurer l’écoulement des eaux ; 2°. de préparer la terre à être ameublie par les gelées d’hiver. Il est donc essentiel de faire ce premier labour avant que la terre soit gelée : en conséquence de ce principe, Duhamel est du sentiment de donner une culture au bled, dès qu'il a trois ou quatre feuilles, en ayant la précaution de border les planches par un petit sillon pour recevoir les eaux. Après les grands froids, ou, au plus tard, lorsque les plantes commencent à pousser, il fait donner un second labour : si l'on attendoit plus il ne seroit long-temps, point aussi avantageux ; il ne serviroit tout au plus qu'à faire alonger les tuyaux des plantes, sans les faire taller. Ce second labour est très-utile pour faire produire aux plantes plusieurs tuyaux chargés d'épis.

Avant que les bleds soient défleuris, Duhamel, à l'exemple de Châteauvieux & de Tull, fait donner plusieurs labours pour fortifier les plantes, alonger les tuyaux, donner de la grosseur aux épis & détruire les mauvaises herbes. Il ne détermine point le nombre de ces labours, ni le temps convenable pour les faire : ils dépendent, selon lui, de l'état des terres, qu'on ne doit point labourer dans cette saison, si elles sont trop humides. Quand la saison est favorable, on peut multiplier les labours à son gré : il considère celui qu'on fait immédiatement avant que l’épi sorte du tuyau, comme le plus indispensable ; pour faire croître l’épi en grosseur & en longueur. Lorsque les fleurs sont passées, alors il est nécessaire de faire donner le dernier labour de culture, afin que le grain puisse prendre toute la substance dont il a besoin pour être aussi beau à la pointe de l’épi qu'au commencement.

Les labours de culture n'étant point praticables dans les planches entre les rangées de froment, il faut, dit Duhamel, se contenter de labourer les plates-bandes, en ouvrant les raies aussi près des desnières rangées, qu'il est possible. Il seroit à désirer, ajoute-t-il, qu'on pût trouver la manière de faire passer un cultivateur entre les rangées de froment ; ces plantes deviendraient bien plus vigoureuses. En attendant qu'on ait trouvé ce moyen, il ne faut point négliger d'arracher les mauvaises herbes : ce travail peu difficile ne porte aucun dommage au froment, comme il arrive dans la manière ordinaire de semer & de cultiver.

Système de culture de Patullo.

1°. On essaiera., dit Patullo, de défricher en automne, afin que les gelées d'hiver mûrissent la terre & fassent périr les herbes.

2°. Au printemps, aussi-tôt que la terre sera ressuyée, on donnera un second labour.

3°. On y transportera les amendemens convenables à la nature du terrain.


4°. Sur le champ on donnera un troisième labour profond, & on hersera, s'il est nécessaire, pour briser les mottes.

5°. Dans le mois fructidor on donnera un quatrième labour.

6°. On sèmera en vendémiaire du froment, dont on aura lieu d'espérer une bonne récolte.

7°. Aussitôt après la moisson on retournera les chaumes.

8°. Dans le mois ventôse on donnera un second labour & on sèmera de l'orge, qu'on recueillera comme les avoines dans le moïs thermidor.

9°. Aussitôt après cette récolte, on retournera le chaume d'orge, & l’on passera la herse, pour briser les mottes.

10°. On donnera un second labour au mois vendémiaire, pour semer du froment en brumaire.

Voilà la méthode de Patullo pour les terres fertiles. A l’égard des terres sabloneuses, graveleuses & légères, il suffit, dit Patullo,

1°. De leur donner trois labours ; après le second, on portera les engrais ; après le troisième, on sèmera du froment qu'on enterrera avec la charrue.

2°. Aussitôt après la récolte, on brûlera les chaumes, on donnera un labour léger, & on semera des turnips ou gros navets.

3°. Après la récolte des navets, on donnera un profond labour,& l’on sèmera des pois blancs.

4°. Après la récolte des pois, on labourera la terre, & on semera des navets, comme on avoit fait l’année précédente.

5°. Au printemps suivant, ayant préparé la terre par un ou deux labours, on y semera de l'orge.

6°. Après la récolte de l’orge, on labourera la terre, on la hersera, & on semera en vendémiaire du trefle, si la terre est peu humide ; on profitera des gelées d’hiver pour y voiturer des engrais, qu'on répandra sur le trefle.

7°. Dans l’automne de la troisième année, on labourera le trefle ; on donnera, au printemps, un second labour, & on semera de l’orge.

8°. Après la récolte de l'orge, on donnera deux labours, & on semera du froment.

9°. On pourra faire, dans l’année suivante, une seconde récolte de froment avant la récolte des menus grain, ou bien, on suivra, les récoltes, comme il a été dit plus haut ; mais à la fin de la troisième année, on semera du trefle, ou, suivant la qualité du terrain, d'autres herbages.

Autre système de culture par le gentilhomme cultivateur.

Le labourage est considéré par l’auteur, comme la principale & la plus essentielle des opérations d’agriculture : qu'on ne soit donc point étonné, dit il, des différentes, espèces de charrues inventées pour perfectionner cette partie, ni de la variété des préparations données à la terre relativement à ses qualités, pour la rendre fertile, & propre à la végétation des plantes dont nous attendons les productions. Tous les sols ne se prêtent pas aux mêmes méthodes de culture : s'il ne falloit les cultiver qu'en suivant des principes uniformes, l’agriculture ne seroit plus un art, mais un simple jeu, peu fait pour mériter les soins des hommes célèbres qui se sont appliqués à nous tracer la vraie route que leur avoit indiquée l’expérience.

Utilité des labours. Pour rendre la terre fertile, il faut rompre & diviser ses parties. On opère la division de molécules de deux manières ; 1°. par l’instrument de culture, qui fouille la terre, & divise ses parties ; 2°. par les fumiers dont la fermentation empêche la réunion des molécules séparées par le labourage. Ces deux manières sont communément combinées ensemble : souvent la première est employée toute seule, mais jamais la seconde. L'auteur estime qu'il est bien plus avantageux de contribuer à la fertilité de la terre par les labours que par les fumiers, dont il est rare d'avoir la quantité nécessaire dans les grandes exploitations ; au lieu qu'il est toujours en notre pouvoir d'augmenter les labours à notre volonté. L'auteur, sans donner dans l’excès de Tull, qui bannit absolument les engrais de l’agriculture, observe qu'il est à propos d'en faire un usage très-modéré, & de les remplacer par des labours, autant que les terres peuvent se prêter à cette pratique ; parce qu'ils corrompent en quelque sorte le goût naturel des productions, comme l’expérience nous en convainc tous les jours dans les plantes potagères.

Lorsque la terre est améliorée par le labourage, elle n'est point exposée à l’épuisement causé par les mauvaises herbes ; toutes les parties reçoivent successivement les influences de l’atmosphère, lorsqu'un labour les remet au fond pour ramener les autres à la surface, afin qu'elles profitent des mêmes avantages ; elles y portent des principes ; certains de fertilité, qui n'altéreront point le goût primitif des productions des plantes dont elles aident merveilleusement la végétation.


Les terres légères ont des interstices trop grossiers entre leurs molécules, de sorte que les racines qui s'étendent dans ces cavités, ont peine à toucher leur surface, & par conséquent à pomper les sucs nourriciers. L'effet du labourage, dans ces sortes de terres, consiste donc à opérer une plus grande division de molécules, que celle qui existoit déjà. Il faut observer, ajoute l’auteur, que les racines, dans leur extension, doivent nécessaiiement éprouver une certaine résistance, afin d'attirer les sucs nourriciers ; sans cette pression réciproque des racines & des molécules la végétation languit, parce que les racines passant sur les parties terrestres sans toucher leur surface, elles ne peuvent point enlever les sucs dont les molécules sont chargées. Sans les labours, les terres légères seroient par conséquent peu propres à la végétation.

Quoique le fumier, par la fermentation qu'il excite dans l’intérieur de la terre, divise aussi ses parties, ce seroit une erreur, selon l’auteur, de le croire aussi avantageux que les labours dont l'effet est bien plus certain : il porte, à la vérité, des principes de fertilité, très-utiles à la végétation ; mais aussi il est sujet à des inconvéniens nuisibles aux productions de la terre : ainsi qu'il a déjà dit plusieurs fois, la méthode la plus ordinaire d'améliorer les terres, étant d'avoir recours au fumier, l'auteur indique un moyen assuré de faire mourir les insectes qui y sont ; pour cet effet, avant de commencer le tas, on met une couche de chaux vive, & à mesure qu'il avance, on répand de temps en temps quelques couches de la même chaux ; en ayant cette précaution, on détruit les insectes & les graines des mauvaises herbes qui poussent en quantité dans les terres bien fumées.

L'auteur considère la herse, dans les mains du laboureur ignorant, comme l’instrument d'agriculture le plus dangereux, lorsqu'il en fait usage pour se dispenser des labours qu'il devroit au contraire multiplier ; il imagine que cet instrument rompt & divise suffisamment la terre, sans faire attention que les chevaux dont il se sert, font plus de mal avec leurs pieds, que la herse ne fait de bien.

Selon les principes de l'auteur, lorsqu'on veut conserver un terrain en vigueur par le labourage, il est essentiel de multiplier le nombre de labours, afin d'accroître, ou pour mieux dire, de développer les principes de fertilité ; mais il faut observer de mettre un intervalle de temps convenable entre chaque labour ; sans cette précaution, on les multiplie sans que la terre en reçoive aucun avantage. Un terrain médiocre, bien labouré, est bien plus fertile qu'un autre d'une qualité meilleure, mais qui n'est point amendé par les labours. Une terre nouvellement rompue, & suffisamment ameublie, est, comme une terre neuve, pour tous les usages auxquels on veut l’employer, d’où il conclut que les labours produisent les mêmes effets que les engrais. Les sols légers, suivant ses observations, deviennent plus serrés & plus lourds lorsque la terre est bien rompue & divisée par les labours dont l'effet est de donner plus d'adhérence à ses parties après leur division. Les terres fortes, au contraire, deviennent plus légères, par la même opération qui raffermit celles qui sont trop friables ; leurs molécules étant divisées par la culture, elles perdent en partie la ténacité & l'adhérence qui s'opposent à l’extension des racines.

L'auteur entre dans ce détail pour faire comprendre au cultivateur qui ne veut employer d'autres moyens pour améliorer ses terres, que le seul labourage, combien il est essentiel de les multiplier s’il veut réussir dans son entreprise : sans cette connoissance, cette méthode très-avantageuse peut être nuisible à ses terres.

Suivant la méthode ordinaire de cultiver, l’effet du premier labour, suivant lui, est peu sensible ; celui du second l’est un peu plus : ce n'est qu'après avoir fait l'un & l'autre, qu'on doit regarder la terre comme préparée à être labourée. Le troisième & le quatrième labour commencent à produire des avantages réels, & tous ceux qu'on donne ensuite, deviennent infiniment plus efficaces que les premiers pour rendre la terre fertile. Il est certain, ajoute l’auteur, que rien n'est plus propre à faciliter & à augmenter les effets des engrais, que les labours donnés à un terrain nouvellement fumé. Au bout de trois ans, une terre qui a été fumée, se trouve communément épuisée ; en lui donnant un double labour moins dispendieux que le fumier, on la remettra en vigueur pour six ans ; & plus on augmentera le nombre des labours, plus elle pourra se passer du secours des engrais.

Quoique l'auteur approuve la fréquence des labours, pour maintenir les terres dans un état propre à la végétation, il pense cependant que le meilleur moyen est de joindre les engrais aux labours, c'est-à-dire, après qu'un terrain a été long-temps fertile par les labours, il faut le secourir par les engrais, afin de le ranimer : quand au contraire, il a été porté à un grand degré d'amélioration par les fumiers, il convient alors de multiplier les labours ; cette alternative est, ajoute-t-il, la vraie méthode de conserver les bons effets, tant des labours que des engrais. Il ne trouve aucune raison qui puisse empêcher le cultivateur de se comporter autrement, parce que les labours & les engrais ne produisent pas des effets qui soient opposés les uns aux autres.


Selon les principes du gentilhomme cultivateur, on ne peut point établir une méthode uniforme de labourer les terres, parce qu'elles varient infiniment dans leurs qualités & leurs positions. Communément on regarde un labour profond, comme très-avantageux pour rendre un sol fertile ; cependant, il y a des circonstances où il seroit nuisible. Toutes les terres n'ont pas autant de fonds, les unes que les autres ; elles n'exigent donc point d’être fouillées à la même profondeur. La charrue doit piquer beaucoup dans les terres nommées pleins-sols, parce qu'on ne craint point de ramener à la surface une terre de mauvaise qualité ; mais lorsque le sol n’a que quelques pouces de profondeur, & qu'on trouve ensuite une terre non végétale, on doit prendre garde à ne point faire piquer la charrue trop avant, & à ne pas ramener à la superficie la mauvaise terre.

Les terres humides exigent une culture plus analogue à leur qualité. Il y a deux principales sortes de sols sujets à être refroidis par l’humidité ; ceux qui se trouvent sur des montagnes où il y a un lit de glaise au dessous de la superficie, & ceux qui, situés horizontalement, sont fort profonds & très-fermes. « La cause du mal dans ces.terrains.est très-évidente : les eaux des pluies filtrant à travers la terre molle qui forme la superficie, sont retenues par la glaise qui se trouve en-dessous, & dont les parties sont si intimement liées & compactes, qu'elles sont impénétrables aux eaux ; de sorte que de nouvelles pluies succédant, les eaux en sont retenues par les précédentes : le sol étant alors engagé elles remontent vers la superficie, se mêlent avec la terre molle, qui abreuvée se gonfle & se lève au-dessus de son niveau. »

Voici de quelle manière l’auteur procède dans la culture de ces sortes de terrains.

Le labourage n'est que d'une foible ressource dans ces sortes de terres ; on ne peut donc point se dispenses de couper des tranchées en travers du terrain, afin de donner une pente à l’eau pour qu'elle puisse s'écouler : on ferme ces tranchées en les comblant avec de grosses pierres recouvertes ensuite de terre, afin que la charrue puisse y passer comme sur une surface horizontale.

Lorsqu'on a lieu d'espérer de retirer quelqu'avantage, en réduisant ces sortes de terres en état de culture réglée, pour l’entreprendre avec succès, il faut labourer en dirigeant les rayons transversalement, & leur donner une pente oblique. Si les rayons étoient dirigés transversalement, en ligne droite, ou de bas en haut & toujours en ligne droite, on conçoit combien ces méthodes seroient défectueuses : en suivant la première, l’eau n’auroît point d’écoulement, puisque les guerets la retiendroient ; par la seconde, on lui procureroit un écoulement trop précipité, de sorte qu’elle entraîneroit toute la substance de la terre.

Pour rendre l’écoulement plus parfait, l’auteur exige qu’il n’y ait point de cavité dans les sillons, & que leur extrémité soit l’endroit le plus bas de toute leur longueur. Quant au degré d’obliquité qu’il convient de donner, soit aux rayons & aux sillons, il doit toujours être relatif à la position du terrain, c’est-à-dire, l’obliquité doit être moins sensible pour une terre dont la pente est très-considérable, que pour une autre qui l’est moins.

Quoiqu’un terrain situé sur le plan incliné d’un coteau ou d’une montagne, ne soit point sujet à retenir l’eau, on ne doit pas se dispenser, en le labourant, de tracer des raies transversales, afin de donner un écoulement aux eaux trop abondantes, & d’empêcher qu’elles n’entraînent les terres.

Lorsqu’un sol profond & ferme est horizontal, en le labourant transversalement, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, il est sujet à être froid & humide, parce que l’eau y séjourne longtemps. Pour remédier à ces inconvéniens si nuisibles à la végétation, il faut, en le labourant, le disposer en rayons obliques. L’auteur fait, à ce sujet, des observations pour détourner les cultivateurs de la méthode de labourer transversalement, afin de leur faire adopter la pratique des rayons, comme la plus propre à favoriser les productions de la terre. 1°. Le labour transversal, dit-il, est plus ordinairement désavantageux qu’utile, parce qu’il ne procure pas un écoulement aux eaux, indispensable dans les terres humides. 2°. Le cultivateur craint de perdre du terrain, s’il ne suit pas sa méthode de labourer transversalement ; mais il est certain qu’un champ labouré en rayons, a plus de superficie, que quand il est labouré à plat. « Si, par cette méthode, nous donnons deux pieds sur seize pour un sillon vide, la différence de surface qui se trouvera entre le terrain labouré à plat, & le terrain labouré en raies, se trouvera à l’avantage du fermier ; parce que toute la surface étant ainsi élevée en rayons, est en état de porter du bled, & que le fermier, par conséquent, gagnera autant de terrain de plus. »

Outre qu’on gagne une augmentation réelle en labourant en rayons, l’auteur est persuadé que, par cette méthode, on rend le sol sec & chaud, parce que les rayons se servent réciproquement d’abri les uns aux autres & se garantissent des vents froids d’ailleurs, il ajoute que si le terrain se trouve épuisé, après avoir beaucoup produit,


on a l’avantage de se procurer un terrain neuf très-fertile, en remettant les sillons en rayons.

Des terres en friche. L’auteur, à l’imitation de Duhamel, comprend, sous le nom de terres en friche, celles qui sont en bois, en bruyères artificielles ou naturelles ; en un mot, toutes celles qui n’ont point été ensemencées depuis longtemps ; ce qui nous dispense d’entrer dans de plus grands détails sur la manière de les cultiver. L’auteur s’éloigne seulement du système de Duhamel, relativement aux prairies artificielles ou naturelles, converties en terres à bled : il les regarde, avec raison, comme de vraies jachères, relativement au bled, parce que leurs racines n’ont pas épuisé la surface ; & il conseille que la première récolte soit en turnips, & non en grains, qui verseroient dans une pareille terre.

Le gentilhomme cultivateur n’entre point dans le détail du nombre des labours qu’il convient de donner à la terre avant de l’ensemencer ; il se contente de vanter les bons effets du labourage, afin d’exciter les cultivateurs à remuer souvent la terre, pour l’améliorer & la rendre propre à la végétation des plantes. Il observe cependant, que quoiqu’il soit très-avantageux de détacher les parties de la terre, de les ameublir, afin qu’elles s’imprègnent aisément des rosées, des pluies, de l’air, il convient de conserver au terrain une certaine consistance ou fermeté analogue au grain qu’on veut y semer ; autrement les plantes seroient exposées à être renversées par le vent, leurs racines n’étant point assurées. Pour obvier à cet inconvénient, il approuve la méthode de faire passer le rouleau, ou de faire parquer les moutons sur un champ semé en froment, quand on a lieu de présumer que le sol n’a pas toute la consistance qu’il faut pour tenir les racines dans un état de fermeté.

Il ne faut jamais trop surcharger les terres d’aucune sorte d’engrais ou d’amélioration. Lorsqu’elle est trop fertile, rarement elle produit une récolte abondante en grains : la paille y abonde, & le cultivateur a manqué son objet. Si le terrain est trop riche, c’est une sage précaution de le dégraisser en y semant de l’avoine, avant d’y semer du froment. Il considère la marne, la chaux, la craie, le sel, comme les meilleurs engrais que la terre puisse recevoir avant d’être ensemencée, lorsqu’ils sont administrés avec intelligence & avec modération ; parce qu’ils n’apportent point dans la terre les semences d’aucune mauvaise herbe, comme la plupart des fumiers souvent remplis d’insectes qui rongent les racines des plantes, & les font mourir.

Le trèfle est un des meilleurs préparatifs que puisse recevoir un terrain où l’on se propose de semer du froment : cette plante n’exige pas assez de culture ni d'engrais pour que les mauvaises herbes puissent monter en graine, & se multiplier par leurs semences. Lorsque la terre a besoin d'être améliorée par des engrais, on peut les transporter sans danger en vendémiaire & en ventôse : l’herbe étant coupée avant ce temps, il ne reste plus de mauvaises plantes dont on doive craindre de faciliter la végétation. Les turnips procurent les mêmes avantages, parce qu'outre les principes de fertilité qu'ils laissent dans la, terre, les labours de culture qu'on est obligé de leur donner, l’ameublissent parfaitement, & détruisent toutes les mauvaises herbes. Après une récolte de fèves, de pois, on peut espérer de recueillir du froment en abondance. Les lentilles & plusieurs autres grains & herbes, quand ils sont enterrés avec la charrue, fournissent à la terre un engrais admirable, qui la prépare parfaitement a recevoir du froment. Il ne faut pas semer du froment après avoir recueilli de l’orge ordinaire ; elle rend le terrain trop léger, & lui enlève une grande partie de sa substance.


Quant à la manière de préparer la terre par les labours, l'auteur croit s'être suffisamment expliqué, lorsqu'il a dit, que la façon de labourer devoit varier suivant les différentes natures des sols. Il adopte, comme Duhamel, la culture des plantes pendant leur végétation.

(Extrait des Décades du Cultivateur, ouvrage très-utile & très-instructif, imprimé chez Dusart, à Paris.)

CURURES ; vase ou limon qui reste au fond des étangs, des fossés & des mares après qu'on les a vidés. C'est un très-bon engrais pour féconder les terres sèches & sableuses.

CUVE ; grand vaisseau de bois haut de bord, bien relié, évasé par en haut, & qui n'a qu'un seul fond. Son usage est de tenir en fermentation des substances végétales.




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D

DARD. Dans le jardinage on donne ce nom à un petit filet blanc qui s'élève au milieu des fleurs des fruits, & qui reste tant que le fruit n'est pas noué : on l'appelle, dard, parce que ce filet monte droit. Il en est de même des graines, tant que leur cosse n'est pas formée, le dard se fait voir. Quand le dard est sain & bien droit, on a bon augure de la fleur ; mais quand il est penché & flétri avant le tems où il doit l'être, la fleur tombe ou avorte.

DARDER. Ce terme se dit des branchas d'un arbre qui, au lieu de s'élever, pointent en devant ou de côté comme un javelot ou une flèche.

DÉCAISSER ; dans le jardinage c'est ôter une plante de sa caisse pour la planter ailleurs, ou pour la mettre en pleine terre. Il faut avoir attention de ménager les racines de la plante qu'on décaisse.

DÉCHALASSER ; c'est ôter les échalas des vignes.

DÉCHARGER un arbre ; c'est en ôter les branches qui lui nuisent, ou une partie du fruit qui s'y trouve en trop grande quantité.

DÉCHARNER un arbre ; c'est le mutiler & lui ôter trop de bois, ou le tailler trop court ; il faut laisser aux arbres le plus de bois qu'il est possible, par proportion à leur vigueur.

DÉCHAUSSER un arbre ou une plante ; c'est, dans le jardinage, ôter du tronc, ou autour du pied de la plante, la terre qui ne doit pas y être, & qui occasionne une humidité morfondante, empêchant les influences de l'air & la chaleur du soleil. On déchausse un arbre ou une plante, soit pour mettre du fumier à la place de la terre qu'on enleve, soit pour dégorger sa greffe, soit pour vivifier les racines, ou pour hâter la maturité des fruits.

DÉCOLLER ; terme de jardinage, qui se dit d'un arbre dont la tige est emportée, ou quand un bourgeon se casse au collet où il a pris naissance. On le dit encore des plantes que les gros vers rongent rase terre ; enfin on se sert de cette expression, en parlant des greffes que le


vent a décollées. C'est ce qui arrive quand la sève s'y porte avec trop d'abondance. Accident que l'on prévient, en les attachant aux échalas, à une perche ou à une gaulette ; mais il faut en ce cas garnir & matelasser l'arbre avec mousse ou chiffons aux endroits où l'arbre touche à la perche.

DÉCOUVRIR les plantes ; après les grands-froids le jardinier découvre les plantes, en ôtant les cloches ou paillassons qui les garantissoient.

DÉFLEURIR ; perdre ses fleurs. On juge que les fruits sont noués, lorsque les arbres sont défleuris. Certains fruits, comme les prunes, les raisins, se défleurissent quand on leur fait perdre leur velouté en y touchant avec peu de ménagement.

DÉFONCER la terre ; c'est la creuser profondément pour en enlever les pierres, le tuf, le sable, la glaise, qui s'opposent au progrès des racines, & pour y substituer de bonne terre. Au reste, on ne doit jamais planter sans avoir défoncé le terrain.

DÉFRICHER ; c'est mettre en valeur par la culture une terre vague ou qui est en friche.

Le défrichement ou le labour d'une terre en friche qui doit être fait avec une forte charrue à versoir, forme nécessairement beaucoup de grosses mottes que la gelée & les pluies d'hiver détruisent ; de sorte que quand le printems n'est pas trop humide, un second labour donné à propos les met en état d'être ensemencées en avoine ; mais il ne faut y mettre du bled que quand la terre aura été assez affinée par des labours répétés pour recevoir cette plante, qui est plus délicate que l'avoine.

A l'égard des terres qu'on ne laboure que tous les huit à dix ans, on a coutume de les brûler, afin que le feu divise leurs parties, & que la cendre des feuilles & des racines leur donne quelque fertilité. Voici comme se fait cette opération, suivant la méthode de Tull, agriculteur anglais, & de Duhamel son commentateur.

Des ouvriers vigoureux enlèvent avec une houe ou avec une pioche courbe dont le fer est large & mince, toute la superficie de la terre, par des gasons à qui l'on conserve une figure la plus régulière qu'il est possible, faisant en sorte qu'ils aient environ huit à dix pouces quarrés, sur deux ou trois doigts d'épaisseur.

Sitôt que les gasons sont détachés, des femmes les dressent & les appuient l'un contre l'autre en faitiere, mettant l'herbe en dedans.

Lorsque le tems est beau, l'air qui touche ces mottes de tous côtés, les dessèche suffisamment en une couple de jours pour être rangées en fourneaux, & brûlées. Mais s'il survenoit de la pluie, il faudroit soigneusement redresser les gasons, car il faut qu'ils soient secs avant d'en former les fourneaux dont nous allons parler.

Pour former ces fourneaux, on commence, par élever une espèce de tour cylindrique d'un pied de diamètre. Comme la muraille de cette petite tour est faite avec des gasons, son épaisseur est fixée par l'étendue des gasons ; mais en bâtissant, l'on met toujours l'herbe en en-bas, & l'on ménage du côté que le vent souffle une porte d'un pied de largeur.

Au dessus de cette port, on met un gros morceau de bois qui sert de limier, puis on remplit tout l'intérieur avec du même bois sec, mêlé d'un peu de paille, & l'on acheve le fourneau en faisant avec les mêmes gasons une voûte semblable à celle des fours à cuire le pain.

Avant que la voûte soit entièrement formée, on allume le bois qui remplit le fourneau, puis on ferme vite la porte avec des gasons, & l'on acheve de fermer l’ouverture qu'on a laissée au haut de la voûte, ayant soin de mettre des gasons sur les endroits par lesquels la fumée soit trop abondamment, précisément comme les charbonniers font à leurs fourneaux ; car, sans cette précaution, le bois se consommeroit trop vîte, & la terre ne seroit pas assez brûlée.

Si l'on couvroit les fourneaux avec de la terre, tous les espaces étant fermés très-exactement, le feu s'étoufferoit ; mais comme on n'emploie que des gasons, & comme on met toujours l'herbe en en-bas, il reste assez d'air pour l'entretien du feu.

Quand tous les fourneaux sont faits, le champ semble couvert de petits meulons de foin de figure hémisphérique qui sont rangés en quinconce. Mais il faut veiller aux fourneaux jusqu'à ce que la terre paroisse embrasée, étouffer le feu avec des gasons, lorsqu'il s'est formé des ouvertures, rétablir les fourneaux que l’action, du feu fait écrouler, & enfin rallumer le feu lorsqu'il s'éteint. Quand la terre paroît en feu, les fourneaux n'exigent plus aucun soin ; la pluie


même, qui avant ce tems étoit fort à craindre, n'empêcheroit pas les mottes de se cuire. Ainsi il n'y a plus qu'à laisser les fourneaux s'éteindre d'eux-mêmes.

Au bout de 24 ou 28 heures, quand le feu est éteint, toutes les mottes sont réduites en poudre, excepté celles de dessus qui restent quelquefois toutes crues, parce qu'elles n'ont pas été assez exposées à l’action du feu, & c'est pour cela qu'il ne faut pas faire les fourneaux trop grands, parce que les parois étant proportionnellement plus épais, la terre du dehors ne seroit pas assez cuite, lorsque celle du dedans le seroit trop ; car si on la cuisoit comme de la brique, elle ne seroit plus propre à la végétation.

D'ailleurs, pour faire de grands fourneaux, il faudroit transpercer les mottes de trop loin. On pourroit les faire plus petits, mais ils consommeroient trop de bois. Ainsi il convient de se renfermer à-peu-près dans les proportions qui viennent d'être indiquées.

Quand les fourneaux sont refroidis, on attend que le tems se mette à la pluie ; alors on répend la terre cuite le plus uniformément qu'on peut, n'en laissant point aux endroits où étaient les fourneaux, qui malgré cela donneront de plus beau grain que le reste du champ. C'est pourquoi on ne laisse à ces endroits que les gasons qui n'auront pas été cuits.

On donne sur le champ un labour fort léger, pour commencer à mêler la terre cuite avec celle de la superficie ; mais on pique davantage aux labours suivans.

Si l'on peut, donner le premier labour au mois de juin, & s'il est survenu de la pluie, il sera possible de retirer tout d'un coup quelque profit de la terre, en y semant du millet, des raves ou des navets ; ce qui n'empêchera pas de semer du seigle ou du blé l’automne suivant. Néanmoins il vaut mieux se priver de cette première récolte, pour avoir tout le tems de bien préparer la terre à recevoir le froment.

Il y en a qui aiment mieux semer du seigle que du froment, parce que les premieres productions étant très-vigoureuses, le froment est plus sujet à verser que le seigle.

Quelques-uns attendent à répandre leur terre brûlée immédiatement avant le dernier labour qu'on fait pour semer le froment ; & ceux-là se contentent de bien labourer la terre entre les fourneaux, qu'il ont soin de bien aligner, pour laisser un passage libre à la charrue. Mais c'est une mauvaise méthode ; car, puisque les blés versent toujours la première année qu'une terre est brûlée, il vaut mieux répandre la terre cuite de bonne heure, pour qu'elle perde une partie de sa chaleur, & pour avoir la commodité de bien labourer tout le terrain ; car il est très-avantageux de mêler exactement la terre brûlée avec celle qui ne l’est pas.

Il faut convenir que cette façon de défricher les terres coûte beaucoup, parce qu'elle se fait à bras d'hommes ; mais elle est avantageuse ; car après cette seule opération, la terre est mieux préparée qu’elle ne le seroit par beaucoup de labours. (Voyez pl. V, fig. 1, 2, 3, 4.)

DÉGARNIR un arbre, c'est en retrancher les branches inutiles ou qui viennent mal. On dit aussi qu’un arbre est dégarni, lorsqu'il n'a plus de branches par le bas sur lesquelles on puisse tailler.

DÈGÉNÉRER ; Ce terme se dit d'un arbre dont les fruits cessent d’être aussi beaux qu’auparavant.

DEMEURE (à) ; on dit planter à demeure, lorsqu'une plante élevée sur couche, est mise en pleine terre pour y rester, croître, & parvenir à maturité.

DÉMONTER un arbre ; c'est en retrancher les branches superflues ou nuisibles.

DENTÉ, qui a des dents. Ce terme se dit des pétales & des feuilles qui ont des formes de dents ou des pointes fort serrées. Le calice des fleurs de l’olivier est denté par les bords.

DENTELÉ. Ce terme se dit des feuilles dont l’extrémité est découpée en petites parties plus écartées & moins égales que les dents. La feuille de l’orme est dentelée.

DÉPALISSER ; c'est détacher les branches d'un arbre, qui est en espalier ; ce qui se fait, soit en ôtant les logues qui attachent ces branches, soit en coupant les joncs & les osiers qui les retiennent au treillage.

DÉPLANTOIR ; outil de jardinage qui se termine par un morceau de bois, ou plutôt par un fer en forme de palette, ou de houlette allongée : il a un manche de bois assez court.

Cet outil sert à enlever de terre une plante, en la prenant par-dessous les racines sans les endommager. (Voyez pl. XXIV, fig. 33 & 35).

On nomme encore déplantoir un outil de jardinage fait de feuilles de tôle ou de fer blanc arrondies en forme d’un tuyau de poële, avec deux anses & trois charnières de chaque côté. Un gros fil de fer, qu’on passe au milieu, ferme


ce déplantoir. Il ne sert qu’à transporter, pour repiquer les melons élevés sur couche. On le fait entrer en terre au-dessous de leurs racines, & lorsqu’on les a enlevés avec leur motte & mis en place, on tire le fil de fer, le déplantoir s’ouvre, & la plante se trouve dans son entier.

DÉPOTER ; c'est ôter une plante d’un pot ou d’un vase. Soit qu’on décaisse, soit qu’on dépote, il faut avoir le plus grand soin de ménager les racines ; il faut en dépotant se bien garder d’endommager la motte de terre ; il faut sur-tout ne point la dégrader en taillant les filets blancs qui l’entourent, d’autant que ces filets se détachent quand la plante est mise en terre, & qu’ils prennent leur direction du côté de la terre nouvelle.

DÉPOUILLER ; ce terme se dit d'un arbre auquel on a ôté tous ses fruits ; les arbres se dépouillent de leurs feuilles aux approches de l’hiver. Ceux qui n'en sont pas dépouillés durant cette saison, se nomment arbres toujours verds.

DÉRACINER ; découvrir les racines d'un arbre, les dégarnir de terre, & les en arracher. Les écoulemens d'eau & les ravines déracinent les arbres. Machine à déraciner de gros arbres. (Voyez pl. XXV, fig. 1, 2, 3, 4, & l’explication de cette planche.).

DESSÈCHEMENT d'un marais ; quand on veut dessécher un marais, il faut toujours commencer par niveler le terrain, puis faire des fossés qui portent les eaux de la partie, haute dans la partie basse. Quand la mer, reflue dans ces marais, on empêche l’entrée de l'eau par des portes d'écluses.

DÉTOUPILLONNER ; retrancher les branches de faux-bois qui viennent par bouquets sur les arbres mal taillés.

DIABLE ; espèce de chariot à deux petites roues, dont on se sert pour le transport des pierres ou des terres. Cette machine a une flèche de neuf pieds, traversée d'un morceau de bois, au moyen duquel deux hommes la traînent. Les jardiniers l’emploient principalement pour sortir & rentrer les orangers. Ce diable suffit aux arbres d’une grosseur ordinaire. Le morceau de bois nommé dos sert à soutenir ceux qu'on est obligé de coucher par rapport au peu de hauteur de la serre. A l’égard des orangers très-gros, on se sert d'un chariot.

DIAMÈTRE ; c'est dans l’usage commun & en jardinage, le tiers de la circonférence ou du tour de tout ce qui est rond. Ainsi on dit qu’il ne faut pas planter aucun arbre fruitier qui n'ait deux pouces, de gros ou de diamètre. Or comme le diamètre est le tiers de la circonférence, un arbre de deux pouces de gros, ou de diamètre aura six pouces de tour ou de circonférence.

DIRECTION, en terme de jardinage s'entend de la manière de conduire un arbre. La direction consiste dans la connoissance & le choix des pousses avantageuses des arbres, ainsi que dans l'industrie pour leur en faire pousser qui soient fructueuses. C'est de cette direction primitive & bien entendue des arbres que dépend leur belle forme, leur santé, leur vigueur, enfin leur fructification.

Direction s'entend encore de la position, des tiges & des racines qui s'élèvent & descendent plus ou moins horisontalement ou perpendiculairement.

DISSÉMINÉ ; ce terme s’emploie à l’égard des feuilles ou des fleurs qui sont éparses & clair-semées.

DISTRIBUTION d'un jardin. Quelque petit ou grand que soit un jardin, la bonne- distribution contribue non-seulement à l’ornement, à la beauté du coup-d'eil, mais encore à la facilité, à la promptitude du travail, & à la fertilité.

Il y a deux sortes de distributions : la primitive & l’annuelle.

La primitive est l’ordre & l’arrangement que l'on doit donner à un jardin, soit pour les espaliers, soit pour les allées & les carreaux. Toutes ces parties se tracent au cordeau, & se règlent & se distribuent avec la toise & le pied.

La meilleure de toutes les figures, que l’on puisse donner à un jardin, quand on en est le maître, est le quarré long ; de sorte que la longueur ait à-peu-près deux tiers de plus que la largeur, quand celle-ci est d'une certaine étendue, & qu'elle peut être partagée par une allée proportionnée & raisonnable.

Cette allée, pour la régularité, doit se trouver dans le milieu du terrain ; on la recoupe par une ou deux autres allées de traverse, suivant l'étendue du jardin, ce qui donne les carreaux.

L'on fait aussi des allées, plus ou moins larges, le long des murs, à la distance de deux à trois pieds de ces murs, quand ils sont parallèles, ou également éloignés de l'allée du milieu.

On plante des arbres en espaliers le long des murs.


Si vos carreaux ont assez d'étendue, & que vous préfériez le fruit à une plus grande quantité de légumes, vous tracez, à deux ou trois pieds du bord de votre allée, un alignement, pour y planter des contre-espaliers.

Si le terrain vous permet d'y planter des buissons, ou espaliers en buissons, évuidés par le milieu en forme de gobelet, ce qui demande alors des carreaux grands & vastes, il faut tracer votre alignement depuis quatre jusqu'à six ou sept pieds du bord de l’allée, proportionnément à l’évasement ou étendue en rondeur que vous vous proposez de donner à votre buisson.

Quand le terrain est irrégulier, on rachète ce défaut par mille moyens que le bon ordre suggère ; mais il faut bien combiner son plan, y rêver, & l’examiner sur-tout avec attention sur le terrain.

On masque les pointes par des contre-espaliers, des treilles, des cabinets de verdure ; l'on met dans ces pointes une pépinière, un petit verger ; l'on y fait les couches, si l'exposition en est bonne, & l’on y fait la fosse pour les engrais.

Si le terrain va en pente, on fait des coupures, que l'on soutient par des terrasses revêtues de murs, ou couvertes de gazon ; on nivelle le terrain entre chaque coupure, & ensuite on dresse des allées.

Quand ces terrasses sont bien assurées, au lieu de les couvrir de gazon, on peut les cultiver, y planter des fraisiers, & les faire servir d'ados pour y semer des primeurs, si l’exposition en est bonne.

Pour bien assurer ces terrasses, quand elles ont quatre, cinq à six pieds d’élévation, faites un ou plusieurs, murs à sec, avec des contre-forts liés au mur ; recouvrez le tout de terre que vous assurez, en la battant.

On appelle contre-forts des murs derrière celui de face, que l’on élève en T ; on appelle éperon un pareil mur, quand il est au-devant du mur T, renversé en cette sorte T (inversé). Les contre-forts sont plus sûrs que les éperons ou arcs-boutans, parce qu'ils rompent & partagent l’effort des terres.

Si les terrasses sont revêtues de murs d'aplomb, on y appuie des pêchers ou autres espaliers, suivant l'exposition, & ils y profitent beaucoup.

On se ménage des descentes pour passer d’une partie à l'autre dans le milieu, autant qu'il est possible.

Si le terrain va en montant vers le midi, alors le nord opposé domine sur toute la surface, & il devient trop froid pour bien des plantes, sur-tout dans les pays couverts de montagnes ; l’on ne peut y avoir des primeurs que par des ados, des coupures que l'on fait pour mettre à l’abri d'un trop grand froid quelque partie de jardin.

En distribuant son jardin, il faut avoir égard aux différens aspects du soleil, qui sont : le levant, le midi, le couchant & le nord.

Chaque aspect, en jardinage, ne s'entend point du moment précis où le soleil est au levant, au midi, &c.

Mais on appelle aspect du levant, la partie d'un jardin où le soleil donne depuis son lever jusques vers dix heures ; aspect du midi, la partie où il donne depuis dix heures jusqu'à deux ou trois heures ; aspect du couchant, la partie où il ne donne que l’après-midi jusqu'à son coucher ; enfin, on appelle, nord celle, où le soleil ne donne jamais directement. Mais ces quatre aspects ne sont jamais tels qu'ils ne profitent l’un de l’autre, & ne s’étendent de l’un à l’autre, suivant l’élévation du soleil sur l’horizon ; le midi seul conserve à-peu-près la même durée, tandis que le levant & le couchant sont presque réduits à rien pendant l’hiver.

Il y a des expositions & des terrains si ingrats, qu’il faut plutôt les abandonner que de les mettre en jardins.

Si le terrain est considérable, & que l’on soit curieux d'avoir de bonnes pêches, on élève, à l’aspect du midi, de petits murs en potence sur le mur principal, qui le partagent en autant de parties que l'on veut ; sur les uns & les autres on appuie, on élève des pêchers ; le soleil se concentrant entre ces murs rapprochés, les pêches y acquièrent plus de goût & de maturité.

Sous le climat de Paris, le levant est la meilleure exposition pour le pêher ; mais sous des climats plus froids, la meilleure exposition est le midi, ou approchant du midi, à proportion du plus ou moins de froid.

La distribution annuelle consiste à régler, chque année, ce qu’on doit mettre dans chaque planche ou carreau, & à changer aussi chaque année cet ordre ; les plantes potagères demandent ce changement, sinon elles ne viennent qu’étiolées & dégénérées.

Il faut en excepter les asperges, qui restent quinze à seize ans en terre au même endroit, les artichauts, au plus neuf ou dix. Le manuel


du jardinier apprendra à connaître les autres plantes qui doivent rester plus d'une année.

Les haricots viennent mieux dans un terrain où l’on a déjà planté, que dans un terrain nouveau.

On distribue son terrain par planches, c’est-à-dire, par espaces de quatre pieds ou environ de largeur, sur la longueur du carreau ; on sépare ces planches les unes des autres, par un sentier d'un pied de large, que l'on tire au cordeau.

La plupart des jardiniers ne divisent point en planches les terrains où ils sèment des oignons, des carottes, des panais, &c. mais cette méthode n'est pas des meilleures ; les plus beaux oignons, les plus belles carottes viennent ordinairement près de ces sentiers ; ce qui est prouvé l’utilité, joint, à la commodité pour la culture.

Distribution ; terme du jardinage, qui s'entend aussi de l’art de diriger les racines & la sève d’un arbre. Le jardinier habile fait, avant la plantation, distribuer les racines qui sont mal placées, & qui se croisent ; il sait proportionner ensuite la quantité des branches, à la vigueur de l'arbre ; il sait discerner le bois à laisser ou à ôter ; il sait, en un mot, tenir un juste équilibre dans toutes les parties de l'arbre pour qu'il soit également plein & garni par-tout. La distribution proportionnelle de la sève dépend aussi de l’intelligence du jardinier, qui est le maître de la diriger de façon que l'arbre ne s'emporte d'aucun côté.

DOG, ou Chien, ou Machine de chien ; instrument d'agriculture anglais.

Le dog est fait d'un morceau de bois rond de six ou sept pieds de longueur sur trois à quatre pouces de diamètre. A un pied ou un pied & demi du bout d'en-bas, on attache avec des écrous un crochet de fer garni de dents dans l’intérieur. Le bout de ce crochet, qui s'attache au bois, a ordinairement neuf à dix pouces de longueur, & l'autre bout douze, sur neuf lignes d'épaisseur. L'on donne au crochet cinq pouces d’ouverture dans ses bouts, & un pouce & demi à sa partie inférieure. Pour s'en servir, l'on prend, avec le crochet, la tige de la plante par le bas avec effort, tant qu'avec la main gauche on l’attiré à soi ; ensuite, appuyant le bout de l’instrument sur la terre, on lève l'autre bout avec la main droite : par ce moyen, la tige, telle forte qu'elle soit, s'enlève facilement.

DOS DE CHAT ; on dit qu'une branche d'arbre est courbée en dos de chat, lorsqu'on lui fait faire un coude.

DOS D'ANE ; ce terme se dit d'une élévation de terre plus haute dans le milieu que des côtés.

DOUBLE. (allée) On appelle ainsi uns allée qui a quatre rangs d'arbres & forme trois allées parallèles, une dans le milieu & deux plus de petites chaque côté.

DOUILLE, espèce de cylindre creux pratiqué à l'extrémité supérieure des instrumens de fer qui ne peuvent servir au jardinage ou au labour sans être emmanchés.

DRAGEONS ; on entend par ce mot les pousses multipliées des plantes fortes & des arbres vigoureux. Les drageons percent de toutes parts, & des écorces, & de la tige, & du pied.

DRESSER ; c'est en général lever, faire tenir droit.

On dit dresser un jardin, c'est-à-dire le former & en bien distribuer & arranger toutes les parties.

Dresser une allée, c'est l’aligner ; dresser une terrasse, c'est l’applanir, la rendre unie.

Dresser les arbres, c'est les tenir droits & d'alignement ; c'est aussi les former de jeunesse pour leur faire prendre la figure qu'ils doivent avoir ; c'est encore les bien conduire, les tailler, les ébourgeonner, &c.


Dresser des palissades ; c'est, en les tondant, avoir soin qu'elles ne soient pas dérangées, qu'elles ne se déversent point, qu'elles ne soient pas creuses en des endroits, & bombées dans d'autres.

Dresser une branche qui pend, ou qui se jette de côté ; c'est l'attacher de façon qui convient pour lui faire prendre un bon pli.

Dresser une planche de potager ou de jardinage ; c'est, après qu'elle a été labourée & avant de la semer, lui donner un coup de râteau, mais avec le rateau à grosses dents ; puis la disposer pour la semer en tirant des lignes dessus avec le cordeau, quand c'est pour semer en rigole, pour planter, c'est le même procédé.

Dresser un piège ; c'est disposer dans un jardin ou dans un champ une machine, comme, par exemple, un 4 de chiffre, pour prendre les loirs, les mulots, les taupes & autres animaux destructeurs.

DRILL ; c'est le nom que Tull, célèbre agriculteur, donne à un instrument de son invention pour semer le grain. Ce semoir étant tiré par un ou deux chevaux, forme des rigoles à telles profondeur & distance que l'on veut ; & en même-tems il répand dans le fond de chaque rigole la quantité de semence convenable, laquelle est enterrée sur-le-champ par l'effet du même mécanisme. Voyez Semoir).




E

EAU, l’eau de source qui forme les fontaines & les rivières, est la plus convenable aux arrosemens. Celle de puits ne doit s'employer qu'après avoir été exposée à l'air. C'est l' eau qui contribue principalement à la végétation, & à l'accroissement des plantes.

ÉBARBER. En terme de jardinage, c'est retrancher de menues branches d'arbres avec le croissant ou les ciseaux, par leur extrémité seulement.

Les fagotteurs ébarbent les fagots avec la serpe.

ÉBORGNER. En terme de vigneron, c'est ôter une partie des yeux d'une vigne qu'on veut faire monter, pour former un cordon le. long du chaperon d'un mur.

EBOTTER ; terme de jardinage qui signifié abattre en partie les branches d'un arbre : dans cette opération, on ne laisse à un 'arbre que les plus grosses branches taillées fort courtes. On se sert, dit-on, de ce moyen pour mettre à fruit les arbres, ou pour leur faire pousser du bois ; ce qui ne réussit pas toujours.

EBOURGEONNER. Dans le jardinage, c'est l’art de supprimer avec discernement les bourgeons surnuméraires, pour ne lajsser en place que les nécessaires & les plus convenables. C'est de la manière d' ébourgeonner à propos que dépend la belle figure de l'arbre, sa fécondité & sa santé.

L'ébourgeonnement demande encore plus de précaution & d'intelligence que la taille, en ce que l'on peut réparer une taille défectueuse, & que rien ne peut suppléer à un ébourgeonnement vicieux.

A la taille, on rapproche, on resserre, on concentre l'arbre ; à l'ébourgeonnement, au contraire, on ne sauroit lui donner trop d'extension, pour que la sève puisse jouer & travailler à son aise.

Le pêcher a sur-tout besoin d'être ébourgeonné.

En l'ébourgeonnant, il faut tirer du plein au vuide, sans forcer, croiser, ni faire aucune confusion.


Le vrai tems de l’ébourgeonnement est lorsque la pousse du pêcher est à un pied ou quinze pouces, ce qui arrive à la fin de mai, ou au commencement de juin ; il y a danger & inconvénient à le faire plus tôt ou plus tard.

Si on a taillé tard, l’ébourgeonnement se diffère à proportion.

Les poiriers & les pommiers doivent être ébourgeonnés aussi à la fin de mai, ou dans les premiers jours de juin, parce qu'il faut donner le tems aux bourgeons de se former & de se façonner : plus tôt, il est à craindre que la force de la sève ne se jetant ailleurs, ne fasse éclore d'autres bourgeons nouveaux, qu'il faudrait ensuite ébourgeonner ; & cette nouvelle production, occupant la sève, ne travailleroit pas à donner du fruit.

Plus, tard, le même inconvénient se rencontre : la sève, occupée à la nourriture de trop de bourgeons, néglige & laisse avorter le fruit.

Dans le cas où l'arbre n'est point à fruit, il est alors permis de casser.

On peut connoître qu'un arbre sera à fruit l’année prochaine, la suivante, & même la troisième, par le nombre des feuilles & des boutons éclos sur le poirier.

Lorsque vous voyez six, sept, huit ou neuf feuilles sur un bouton, vous pouvez le regarder comme bouton à fruit pour l’année prochaine ; s'il ne s'en trouve que quatre, cinq ou six, cela regarde la seconde année ; enfin, s'il n'y en a que trois ou quatre, c'est du fruit pour la troisième année.

On doit palisser en même tems qu'on ébourgeonne, pour mieux juger du plein & du vuide qu'on doit laisser ; il faut présenter la branche sur le treillage, avant d'ébourgeonner, pour décider de ce qui gêne, de ce qu'il faut supprimer, laisser ou arranger, si elles sont fructueuses, sans jamais rien forcer.

Si une branche fructueuse saillit trop en avant, on la coude un peu, & on l’attache avec le jonc, en demi-cercle.

Il faut, de préférence, commencer à ébourgeonner les arbres qui sont au midi, & les plus vigoureux, laisser pour les derniers ceux des autres expositions, en finissant par le Nord ; il faut même différer de quelques jours l’ébourgeonnement des arbres les plus foibles, les plus vieux, & les infirmes, sur lesquels on ne doit travailler que légèrement.

On doit conserver, tant que l’on peut, les gourmandes, proportionnément à la force de l’arbre, sur-tout aux extrémités, où il ne faut couper aucune gourmande que dans le cas de nécessité absolue.

Lorsqu’il y ën a trop, on en coupe une entre deux ; on abat toutes celles de devant & de derrière, & on palisse les autres.

Il ne faut pas jeter bas, sur les gourmandes qu’on laisse, les petites branches qui poussent à leurs extrémités, mais il faut les palisser, à moins que celles du dessous, quand il y en a plusieurs, ne soient meilleures, ce qui se fait sans retrancher le maître-brin, & qui a lieu, sur-tout à l’égard du pêcher.

On ébourgeonne ensuite toutes les branches irrégulières, infécondes, sans yeux, tortues, chancreuses, gommeuses, mortes ou mourantes, pour ce qui est des petites branches ; car, pour les grosses branches qui seroient mortes, il faut attendre à l’année prochaine ; l’on palisse par-dessus, pour éviter de faire de larges plaies dans le cours de la sève.

On jette bas pareillement toutes les branches T qui ont poussé devant & derrière.

Ensuite on jette bas, sur le pêcher, les bourgeons surnuméraires, quoique branches fructueuses pour les années suivantes, parce qu’il ne faut jamais laisser trop de bourgeons sur un pêcher ; mais on en use autrement, sur les arbres à pépin.

Les bourgeons gommeux, qu’on ne peut ôter, quand ils sont nécessaires, doivent être coupés à un œil au-dessus de la gomme, & nettoyer cette gomme avec de l’eau : on taille de même, à l’ébourgeonnement, toutes les branches, viciées ou malades, qu’on ne veut pas supprimer.

Dans le pêcher, on n’ébourgeonne point les branches qui sont à côté des fructueuses, parce que cela fait avorter le fruit.

En ébourgeonnant, il faut prendre garde de rien abattre avec ses habits.

Pour palisser, il faut bien placer les branches, éviter la confusion & le croisement ; les bien étendre, les bien espacer sur le treillage, en les assujettissant avec l’osier ; ne leur faire aucune contusion en les serrant trop : il ne faut jamais placer le lien sur un œil, ou sur la feuille ; & enfin, ne passer aucune branche ni


bourgeon derrière le treillage, nì autres branches.

S’il naît sur une branche dégarnie un bourgeon, on le palisse doucement le long de cette branche avec du chiffon, coton, ou morceau ie drap., pour qu’il s’étende, & l’année suivante on coupe la branche, si le bourgeon est devenu une gourmande suffisante pour former une branche.

Après l’ébourgeonnement, il faut donner un ratissage,ou léger labour au pied des arbres.

EBRANCHER ; c’est ôter à un arbre les branches qui lui sont inutiles ou qui le surchargent. Les tourbillons de vent sont sujets à ébrancher beaucoup d’arbres.

L’ébranchement fait partie de la taillé, de l’élagage, & en général de la conduite des arbres.

ECHALAS. On dit échalas de quartier, parce qu’ils sont faits avec des bois fendus en quatre ; & échalas de cœur de chêne, parce qu’ils sont formés de la partie intérieure du bois, & non de celle où est l’écorce. Ces derniers sont les meilleurs. On dit ficher un échalas, les tirer de terre, les aiguiser. Ils doivent être au moins de six pouces avant dans la terre ; huit ou neuf encore mieux, alors on frappe avec un maillet pour les enfoncer.

Les échalas sont ordinairement de quatre pieds environ de hauteur ; on en prépare aussi de plus longs qu’on destine à faire du treillage & des berceaux : pour ce dernier usage, on choisit communément le bois de châtaignier, parce qu’il est souple & maniable, ce qui ne l’empêche point de durer long-tems.

Le principal usage des échalas est de soutenir les sarmens de la vigne, & de faire le treillage des espaliers & des contre-espaliers.

En differens vignobles, on donne aux échalas les noms de charniers, paifceaux, œuvres.

ECHALASSER. En terme de vigneron, c’est, garnir une vigne d’échalas. C’est ce qu’on ne doit jamais se presser de faire.

ECHALLIER, ou ECHELLIER. En plusieurs provinces on nomme ainsi une espèce d’échelle pratiquée dans une haie, pour laisser le passage aux gens de pied & exclure le bétail.

ECHAPPER, (s') En terme de jardinage, se dit d’un arbre qui s’échappe en produisant trop, ou ne produisant que de fortes branches qui ne fructifient point. Il faut dans ce cas ravaler ces branches & réduire l’arbre de manière qu’il prenne une forme avantageuse & régulière.

ECHAUDÉ ; terme d’agriculture. On nommé bled échaudé celui dont le grain maigre, sec, ridé & flétri, contient peu de farine.

Duhamel dit que ce grain est bon pour ensemencer les terres, attendu qu’il germe très-bien, & que ce défaut étant produit par des chaleurs fort vives qui amènent le grain trop promptement à maturité, on ne seroit pas fondé à regarder cette maladie comme pouvant être héréditaire.

Il ajoute que le bled échaudé fait de bon pain, & que sa farine est belle, mais en très-petite quantité ; tout le reste n’est que du son ; en sorte que deux sacs de ce bled ne fournissent quelquefois pas plus de pain qu’un sac du même grain qui n’a point eu le même accident.

ECHAUFFER un terrain. C’est l’amender par des engrais chauds & restaurans.

ECHELLE ; instrument de jardinage, formé de deux montans de bois traversés d’espace en espace par des bâtons nommés échelons, qui serrent à monter & à descendre.

L’échelle la plus commode pour palisser, est simple ; elle a deux chevilles d’un pied, placées à deux pouces de l’extrémité de ses montans. Ses pieds sont encastrés dans une boule de six pouces de diamètre.

Les échelles doubles sont composées de deux échelles qui s’élargissent par le pied, & dont les montans sont unis vers le haut par un boulon de fer. (Voyez pl. XXIII, fig. 16, ces échelles.) Elles ont ordinairement neuf à dix pieds ; elles sont aussi commodes pour tailler les arbres en buisson & cueillir les fruits, que pour tondre les palissades.

On nomme échelles quarrées ou échelles chariotes les échelles dont la hauteur d’environ quarante pieds, sont portées sur quatre roues, & ont plusieurs repos ou plate-formes sur lesquelles se place l’ouvrier.

Echelle, nommée vulgairement écharasson. Elle n’a qu’un montant traversé par de fortes chevilles. Afin de l’empêcher de tourner, on donne à son pied une double ajouture, ou un talon formé quelquefois par ses échelons. Le montant de cette échelle est ordinairement de bois de frêne ou d’ormeau, qui est pliant & cassant. On peut peut aussi employer le sapin.

Cette échelle, la plus simple de toutes, est portative, peu coûteuse, & très-utile pour cueillir des fruits ou des feuilles sur de grands arbres.

ECHENILLER ; c’est ôter les chenilles si funestes aux arbres, & détruire les nids que ces insectes attachent aux branches. Le tems de l’hiver est le plus propre à cette opération ; mais il faut encore y veiller au printems.

Comme il est impossible d’atteindre également par-tout avec les mains, lorsque les arbres sont étendus & fort élevés, on se sert alors d’un échenilloir.

ÉCHENILLOIR, ou ECHENILLIER ; instrument de jardinage : c’est un bâton gros comme le pouce, de deux pieds de long, qui par son extrémité est garni de bourre ou de crin recouvert avec du chamois. Un homme, avec une échelle, dans l’arbre, tape avec ce bout ainsi garni sur chaque branche, lorsque les chenilles sont écloses, & fait tomber à terre tous ces insectes qu’ensuite on écrase : au moyen de cette garniture, on n’appréhende pas d’endommager la peau des branches. On recommence de la sorte tant que les chenilles continuent à éclore.

On appelle encore échenilloir une sorte de ciseaux montés sur un long bâton. (Voyez planche XXIV, fig. 19.) A la partie supérieure des ciseaux est attachée une corde qu’on tire pour ouvrir ces ciseaux ; & quand on a placé sur la partie inférieure la branche où est le paquet de chenilles, on lâche la corde, à l’instant la branche est coupée par le tranchant de l’outil. On ne tarde pas à brûler ces paquets de chenilles qu’on a fait tomber.

Il y a diverses autres sortes d’échenìlloirs ; un entr’autres qui est monté aussi au bout d’un long bâton, & lequel est en bec renversé, avec un double tranchant en-dessus & en-dessous. Par son moyen on coupe la branche où est le paquet de chenilles. Ce sont les coutelliers qui fabriquent cette dernière espèce d’échenilloir.

L’échenilloir sert encore à couper ou élaguer les petites branches qui sont à une certaine hauteur.

ECLAIRCIR un plant. C’est, lorsqu’il est trop dru & trop épais, en ôter le superflu qui l’empéche de profiter, ce qui lui est nuisible.

On éclaircit encore un bois, une pépinière, en abattant les arbres les plus foibles ou les moins venans, afin que les autres profitent mieux.

ECLATEMENT d’une branche d’arbre. C’est un moyen, suivant Roger Schabol, de dompter & réduire les branches intempérantes, & les bourgeons fougueux d'un arbre qui s'emporte. Cela se fait en pliant, comme si l'on vouloit casser tout-à-fait, & si-tôt que la branche ou le bourgeon a craqué, l'on s'arrête & l'on rapproche ensuite les parties disjointes qu'on lie ensemble avec osier ou jonc, & un peu d'onguent de S. Fiacre. Par ce moyen, la branche est domptée & ne meurt pas.

ÉCLISSE ; petit morceau de bois plat & mince dont on se sert dans le jardinage comme en chirurgie, pour soutenir & garantir des fractures, en assujettissant les branches fêlées, & facilitant leur reprise.

ÉCLUSE ; c'est un rempart construit en maçonnerie ou en charpente, à l'effet de contenir. les eaux & de les empêcher de suivre leur pente naturelle. Les écluses des canaux de navigation servent à forcer les eaux à monter & à s'élever dans les endroits où elles ne seroient point assez hautes pour soutenir les bateaux. Ces grandes écluses ont differens noms, suivant la forme de leur construction. On les appelle écluses quarrêes, écluses à vannes, écluses a tambour.

On construit aussi de petites écluses, soit pour retenir les eaux dans les étangs & les vider ensuite dans les prairies, soit pour contenir les eaux dans les rigoles qu'elles ont creusées & les forcer ensuite à en sortir pour des inondations artificielles ; soit enfin pour arrêter l'eau à volonté, ou pour déterminer son cours lorsqu'on la destine à mettre en mouvement la roue d'un moulin. Ces dernières écluses sont la plupart de simples coulisses qu'on élève à différentes hauteurs, selon la quantité d'eau qu'on veut laisser passer.

ÉCOBUE ; instrument d'agriculture & de jardinage. C'est un instrument de fer qui est recourbé à-peu-près comme une houe, & qui a un long manche de bois.

Cet outil a seize pouces de long sur huit & demi par en-bas, d'où sa largeur commence à diminuer jusqu'auprès du manche, où elle est réduite à trois. Le fer, suffisamment épais, est renforcé dans le milieu, & coupant par en-bas. Le trou, pour passer un manche d'environ trois pieds, est rond, & a deux pouces de diamètre en-dedans.

L’écobue est de l’invention de Turbilly, fondateur des sociétés d'agriculture en France. Son usage a passé de l’Anjou par-tout ailleurs, où l’on a reconnu son utilité pour peler les terrains couverts de broussailles & de bruyères.

ÉCORCER ; c'est enlever l’écorce du bois ;


opération qui se pratique dans le tems le plus fort de la sève sur les arbres dont l’écorce est utile, comme celle du chêne, du tilleul, de l’aune. C'est aussi un très-bon moyen d'augmenter la force & la durée du bois, lorsqu'on ne l’abat qu'après qu'il a séché totalement sur pied.

ÉCUSSON ; dans le jardinage, ce terme se dit des greffes. La greffe en écusson, autrement dit a œil dormant, se lève sur une branche pour l’appliquer sur un autre arbre, & elle est assèz semblable par sa figure à l’écusson des armoiries du blason.

On nomme proprement écusson, un œil levé sur un jet de l’année d'un arbre dont on veut multiplier l'espèce. Il faut choisir un jet qui ait de bons boutons à fruit, les yeux bien formés, bien nourris. Le bouton doit se trouver au milieu de l’écusson ou du petit morceau d'écorce séparé du bois.

EFFEUILLER ; c'est, dans le jardinage, supprimer habilement les feuilles qui peuvent s'opposer à la maturité des fruits & à leur beau coloris.

On ne doit jamais, dit Schabol, arracher les feuilles, si ce n'est aux branches ou rameaux inutiles ; mais les couper à moitié ou vers la queue à ceux des bourgeons dont on attend du fruit, ou sur lesquels on prévoit qu'on taillera l’année suivante. On coupe ces feuilles avec l’ongle ou avec des ciseaux.

Dans le jardinage, c'est assez la coutume, ajoute Schabol, d'effeuiller les raisins pour les avancer & leur faire prendre couleur. Il est même des jardiniers qui les effeuillent au point qu'il ne reste pas une seule feuille. Mais qu'arrive-t-il ? C'est que les raisins cessent de profiter, qu'ils n'ont plus de goût, qu'ils se fanent & se vident. Le même inconvénient arrivera pour les pêches & pour certains légumes, si l'on n'a pas soin de laisser autour du fruit ou dans le voisinage des feuilles pour servir d'auvents & de parasols.

EFFONDRER la terre ; c'est la creuser en fond, afin que s'il y a du tuf, du sable, de la glaise, des pierres, des cailloux, de la craie, &c. on les enlève pour y substituer de la bonne terre.

ÉFRITER ; en terme de jardinage, c'est user, appauvrir, épuiser un terrain. On le dit des plantes dont les racines, trop multipliées, mangent la terre ; & de la terre même qui est dénuée de sucs, parce qu'elle a trop rapporté sans être amendée.

On éfrite encore la terre, suivant la Quintinie, à force de la labourer trop. Le labour souvent répété nuit, en ce que la terre n’a plus de corps, & elle devient ce qu’on appelle veule. Enfin, en labourant ainsi coup sur coup, on ne donne pas le tems aux engrais de l’air qui ont bonifié le dessus de passer dans l’intérieur da la terre.

ÉGAYER un arbre ; terme de jardinage. C’est palisser si proprement un arbre en espalier, que les branches soient également partagées des deux côtés ; de manière qu’elles ne soient pas liées plusieurs ensemble, mais chacune attachée séparément, avec des intervalles égaux ; qu’il n’y ait de confusion nulle part, & que d’un coup d’œil on puisse voir toutes les parties dont l’arbre est composé.

ÉGOUTER les terres. Pour dessécher les terres qui, étant dans de bas fonds, reçoivent l’eau des terres voisines, ou celles qui, retenant l’eau, sont presque toujours si humides, qu’elles ne peuvent être labourées, il suffit de pratiquer, autour de chaque, pièce de terre un bon-fossé pour arrêter les eaux qui viendroient des terres voisines, & afin d' égouter l’eau de la pièce même, pour peu qu’elle ait de pente, sur-tout si on la laboure en planches ou par sillons.

Dans le cas où il y auroit un fond au milieu de la pièce, il sera nécessaire de la refendre par un bon par côté qui conduise l’eau dans le fossé du pourtour, même de faire de petites rigoles en patte-d’oie qui aboutissent au second fossé. Ainsi l’art consiste uniquement à donner à ces fossés la direction la plus avantageuse pour l’écoulement de l’eau relativement à la pente du terrain. Quand l’inégalité du terrain est peu considérable, il suffit de former de profonds sillons, qu’on pourroit comparer à de petits fossés ; on se servira pour cela d’une forte charrue, qui ait deux écussons ou grands versoirs fort évasés, avec un long soc pointu, & fait en dos-d’âne à sa partie supérieure. Ces charrues n’ont pas besoin de coutre, parce qu’il ne s’agit point de couper une terre endurcie, mais seulement d’ouvrir dans celle qui est déjà labourée un large & profond sillon qui puisse tenir lieu de fossé. Ces profonds sillons se nomment, en quelques endroits, des maîtres.

On a coutume de former dans les terres argilleuses, des sillons où l’eau se ramasse & s’écoule comme par des ruisseaux. Mais on doit observer de ne les pas faire trop près les uns des autres, tant pour éviter la perte inutile du terrain, que parce qu’il n’est pas avantageux de trop faciliter l’écoulement des eaux ; car il y a plusieurs circonstances où les grains souffrent de la sécheresse, sur-tout en été & dans les pays chauds.


Quand les terres ne sont pas extrêmement sujettes à être inondées, on fait les tranchées distantes les unes des autres quelquefois de cinq toises, de quatre ou de deux, larges de quatre à cinq pieds sur deux ou trois de profondeur ; & les terres ainsi labourées se nomment terres labourées en planches. La terre qu’on tire des tranchées se répand sur les espaces intermédiaires, & y forme une élévation en dos-d’âne. On rabat la crête des fossés, puis on laboure à la charrue.

Lorsque les terres sont plus sujettes aux inondations, on ne laisse d’un sillon à l’autre que trois ou même deux pieds de distance ; c’est ce qu’on nomme labourer en billons.

Quelques auteurs conseillent de garnir le fond des tranchées avec des pierres, & de les recouvrir avec un peu de terre des fossés. Il est vrai que les vides qui subsistent entre ces pierrailles pourroient favoriser l’extension des racines d’herbes utiles pour le bétail, ce qui feroit que ces endroits ne seroient pas absolument perdus pour le laboureur. Mais ce travail est coûteux. La terre la plus fine emportée par l’eau, venant à fermer les petits interstices des pierres, l’eau ne s’y écoulera que difficilement ; d’ailleurs les pierres s’enfonceront dans la vase, quand le terrain sera fort mou. Ainsi du fascinage seroit préférable à tous égards : en le couvrant de terre, on y recueilleroit de l’herbe dont les racines auroient encore plus de liberté pour s’étendre. On peut employer des épines, du bois d’aune à ces fagots ou fascines.

Les pierrées sont plus praticables dans des potagers ; encore est-on obligé de les relever de tems en tems.

Il faut aussi curer tous les trois ans les fossés qui restent ouverts. Mais ils ont l’avantage d’empêcher que les voitures n’entrent dans les pièces & n’endommagent les grains. (Dict. économ.)

ÉGRAVILLONNER ; c’est ôter avec la pointe de la serpette, ou d’un outil, la terre engagée entre les racines d’un arbre levé en motte, comme l’oranger ou le figuier. Cela se pratique lorsqu’après avoir retranché une partie de la mottes la terre est encore trop dure, & que l’extrémité des racines n’est point assez découverte.

ÉGRUGEOIR pour le chanvre & le lin ; instrument qui ressemble à un banc, mais dont un seul bout a deux pieds, & est garni d’une rangée de dents semblables à celles d’un râteau. L’autre bout porte à terre, & est chargé de pierres.

ÉHOUPER ou Écimer ; c’est couper la houpe ou cîme des arbres.

ÉLAGUER ; c'est éclaircir un arbre, en lui ôtant les branches qui font confusion. Ce terme signifie aussi ébrancher jusqu'à une certaine hauteur les arbres qu'on veut faire monter, pour qu'ils forment une belle tige. Il faut, pour élaguer, choisir le tems que les arbres sont dépouillés de leurs feuilles.

Quand on élague, on doit couper toujours près l'écorce ; il ne faut point pourtant l’approcher trop. On ne doit pas laisser d'argots ni de chicots, & pour remédier aux plaies faites à l'arbre par l’élagage, il est à propos d'y appliquer l’emplâtre connue sous le nom d’onguent saint Fiacre.

Il faut avoir soin d' élaguer fréquemment les arbres pendant leur jeunesse, afin d'être par la suite dispensé de leur retrancher de grosses branches qui partent de dessus d'autres branches.

Il n'est pas besoin d' élaguer les arbres plantés en massif. Comme ils se trouvent les uns près des autres, leurs branches latérales sont étouffées, & le principal,montant est forcé de s'élever bien droit. Seulement pour accélérer l'accroissement du bois, on peut couper les arbres ou les branches foibles, qui ne manqueroient pas de périr dans la suite. Mais il faut se donner de garde d'ôter aux jeunes arbres, les branches qui se couchent par terre. Ce sont elles qui contribuent le plus à étouffer l'herbe qui croît au pied des arbres, & qui leur est si nuisible. Ces branches inférieures périssent ensuite naturellement, quand les arbres sont devenus assez grands pour se joindre par leurs, autres branches respectives.

Lorsqu'un bois récépé par nécessité est destiné à former une futaie, on doit l’élaguer quand il a cinq, ou six pieds de hauteur, afin de ne laisser sur chaque souche qu'un seul brin vigoureux. (Dict. économ.).

ÉLAGUEUR ; c'est un ouvrier de jardinage qui, avec le croissant ou les ciseaux à tondre, dresse, unit, forme des palissades, des avenues, des berceaux, des compartimens de verdure, & tond les arbres de simple ornement. On reproche aux élagueurs d'avoir pris l’habitude de laisser aux arbres des espèces de fourches, dans l’idée qu'il en sortira des branches propres à les garnir. Mais cette pratique est mauvaise, soit que ces chicots, qu'on laissé aux arbres élagués produisent de la verdure, ou qu'ils n'en produisent point : d'ailleurs, il n'en résulte pour l'ordinaire que des têtes de saules où des nids de pies, qui n'offrent à la vue que des toupillons hérissés de petites branches ; ou si ces moignons laissés à differens espaces viennent à pourir & à tomber, alors quel préjudice & quel vilain aspect


pour les arbres ! Il est bien plus convenable de récépsr tous ces chicots rase écorce : il en sortira de gros bois & des jets vigoureux qui donneront un bel ombrage. Tous les arbres des avenues & des grands chemins qu'on élague de cette manière font éclore, dès l’année même, des pousses nouvelles aux endroits récépés.

ÉLANCÉS ; (arbres ou branches) ce terme se dit dans le jardinage pour, désigner un arbre ou une branche qui s'élèvent trop sans être fournis du bas, & sans profiter en grosseur par proportion à la hauteur. Il faut alors rabattre sur le jeune bois du bas.

Cependant, lorsqu'on veut faire d'un jeune, arbre un arbre de tige, on retranche toutes les pousses depuis le bas jusqu'à sa tête, de sorte que sa tige est élancée sans pouvoir se tenir droite ; mais les bons pépiniéristes ont l’art de laisser de distance en distance des branches crochets pour, disent-ils, amuser la sève ; & dans, la suite, quand l'arbre est fortifié, ils coupent ces crochets.

ÉLÈVE ; c'est le nom que les jardiniers donnent à une jeune plante qu'ils cultivent séparément.

EMBRYON. Comme on appelle en anatomie embryon, l’être vivant qui dans le sein de la mère n'est pas formé, on a donné par analogie ce nom, dans les plantes, au fruit qui est noué, & qui tend à se développer. Les embryons des végétaux existent bien réellement dans les germes des semences & dans les boutons des arbres.

ÉMIER la terre ; c'est, en labourant, diviser la terre, en menues parcelles ; c'est casser les mottes à mesure qu'elles se rencontrent, & les mettre en poudre, comme de la mie de pain broyée dans les mains. En plantant un arbre, on ne doit jetter sur les racines que de la terre émiettée, point de mottes ni de pierres.

EMMANNEQUINER ; en terme de jardinage, c'est tirer de terre un arbre, un arbrisseau, une plante, &c, pour les mettre dans un mannequin, lequel, par la suite, on lève, de terre pour le placer ailleurs.

On ne doit emmannequiner aucun arbre, ni aucune plante à longues racines, parce qu'on seroit obligé de couper ces racines, qui sont le premier principe de vie dans les végétaux.

Quand on a planté un arbre avec le mannequin, qu'on laisse ce panier se pourrir en terre.

ÉMONDER ; c'est, dans le jardinage, nettoyer un arbre, le débarrasser & le décharger des membres morts, des chicots, des argots, des onglets, des chancres, des gommes, des galles & de tout ce qui est difforme ou nuisible ; comme aussi le débarrasser de la punaise, des pucerons, des chenilles, des vers qui s'entortillent dans les feuilles, des perce oreilles qui déchiquètent ces dernières, & des mousses qui les abîment.

ÉMOTTER ; c'est rompre les mottes dans une allée avec la herse ou le rouleau ; c'est aussi ôter les mottes de terre attachées aux racines d'un arbre.

ÉMOUSSER ; c'est, dans le jardinage, gratter les parties mousseuses des arbres, employant à cet effet un petit morceau de bois fait en forme de lame de couteau, ou même le dos.de la serpette. Jamais on ne doit émousser qu'après des humidités.

EMPAILLER ; c'est envelopper de paille ; ce qui se pratique dans le jardinage à l’égard des figuiers, afin de les préserver de la gelée ; on empaille aussi les groseilles pour conserver leurs fruits, en automne ; les cardons pour les faire blanchir ; on empaille encore les tiges des arbres dans les pépinières pour les garantir des lapins.

EMPLATRE ; c'est un médicament qui s'applique sur les plaies, soit des animaux, soit des végétaux. Il y a pour les plantes différentes sortes d' emplâtres qu'on est dans l'usage d'employer, mais qui ne sont point toutes également salutaires. Par exemple, la cire verte, dit Schabol, employée pour les plaies des orangers, leur est très-préjudiciable. 1°. La cire par elle-même est un dessicatif, par conséquent elle ne peut attirer la sève, & doit reculer la guérison. 2°. Elle est en même-tems un graisseux qui jamais ne peut faire alliage avec aucun liquide, telle que la seve. 3°. Personne n'ignore que le verd-de-gris qui sert à verdir cette cire ne soit un poison : le peu qu'il y en entre ne peut donc être que dommageable. Aussi les plaies des orangers ainsi pansées sont des tems infinis à guérir ; au lieu qu'avec la bouze de vache, elles se cicatrisent d’abord.

L’onguent saint Fiacre sert ordinairement d’emplâtre pour les plaies des végétaux. (Voyez ce mot).

EMPORTE-PIÈCE ; outil fait en forme de fermoir d'un menuisier, & employé à la greffe qui porte ce nom. (Voyez Greffe).

EMPORTER. (s’) On dit qu'un arbre s’emporte, lorsqu'il ne pousse que du haut, & point ou peu du bas & des côtés. On dit aussi qu'il


s’emporte quand il pousse avec trop de vivacité, & qu'il est à craindre que sa croissance ne soit trop hâtive & nuisible.

EMPOTTER ; c'est mettre une plante avec sa terre dans un pot ; ce qui doit se faire avec précaution sans l’ébranler, & sans trop appuyer dessus.

On a un pot de fayence ou de terre, d'une grandeur proportionnée à la plante qu'on veut empotter ; on l’emplit de terre ou de terreau, qu'on presse avec la main, afin que dans la suite elle ne s'affaisse point, & on y met la plante.

Ces pots sont d'un grand usage & d'une grande commodité : on les transporte où l'on veut ; on en garnit les parterres pour les orner de fleurs nouvelles dans toutes les saisons.

ENCAISSER. C'est, dans le jardinage, mettre dans une caisse neuve un arbuste ou toute autre plante, quand la terre étant usée, on les tire de l'ancienne caisse avec la motte de terres dont on ôte toute la vieille terre pour en mettre de la neuve à sa place.

On appelle demi-encaissement quand, au lieu d'ôter toute la terre, on ôte seulement celle du tour de l'arbre pour en mettre de la neuve.

ENCLUME. L' enclume sur laquelle le faucheur redresse & bat la lame de sa faulx, est une petite masse de fer platte en-dessus & se terminant en pointe, pour être fichée en terre, dans un madrier, ou dans un étau.

ENFOUIR. En terme de jardinage & d'agriculture, c'est cacher dans la terre, seulement en superficie ; au lieu qu' enterrer, c'est mettre avant dans la terre. Il faut enfouir les graines & les semences pour les faire germer. Le laboureur enfouit ses grains pour empêcher les oiseaux de les manger. On dit enfouir du fumier, lorsqu'on l’enfonce dans la terre pour faire des couches sourdes.

ENGORGEMENT. Ce terme dans le jardinage, signifie l'embarras causé dans les canaux d'une plante ; ce qui vient de trop de plénitude de la sève. Quand on n'a pas soin de lâcher la ligature d'une greffe en la coupant par derrière, il s'y forme un engorgement, une obstruction, & ce qu'on appelle une strangulation, un étranglement.

Il y a des engorgemens provenant de quelque vice particulier de la sève qui est arrêtée & interceptée dans son cours ; & telle est la raison pour laquelle tant de branches d'arbres ont des espèces de paralysies en divers endroits où l'écorce se sèche. Ces parties assez communément ne reprennent point de vigueur, & l'on est obligé de les recéper plus bas à quelque endroit bien vivant.

La plupart des greffes sont engorgées ; & ce vice ne doit être attribué qu'à la précipitation qui présidé aux opérations du jardinage, à la mutilation des racines, & au défaut d'attention, à l'affaissement qu'éprouvent nécessairement les terres remuées. Les bassins ou creux qu'on fait aux pieds des arbres pour dégorger les greffes, sont une foible ressource, & ne remédient point à l’inconvénient qu'on veut éviter.

ENGRAISSER la terre. C'est l’améliorer & la fertiliser par des engrais & amendemens.

ENTE. Dans le jardinage, ente, ou l’action d’enter, est la même que greffe ou greffer. C'est une opération du jardinage par laquelle, en plaçant d'une certaine façon un œil où un bout de rameau d'un autre arbre sur une branche d'un arbre d'une autre espèce, on change l'espèce de celui sur lequel on greffe.

On ente ou l’on greffe également les arbrisseaux & les arbustes, un jasmin d'Espagne, par exemple, sur un jasmin commun, soit en fente, soit en écusson, soit en approche. On greffe aussi la vigne, mais en pied, & dans le tronc même ; autrement l’ancien sujet repousseroit toujours & ruineroit la greffe. Oh peut enter aussi les fleurs & les herbages même.

Les anciens greffoient des fruits sur les arbres des forêts ; mais ces sortes d' entes ne durent qu'un tems après quoi elles périssent.

ENTONNOIR ; instrument de jardinage. Les jardiniers qui élèvent des ananas, se servent, pour les arroser, d'un entonnoir de fer blanc, qui a la forme d'une pipe. On fait de ces entonnoirs de différentes longueurs, jusqu'à neuf & dix pieds.

ENTRE-HIVERNER ; terme d'agriculture. C'est donner un labour aux champs pendant l'hiver.

ÉPAULÉ. (arbre) C'est un arbre qui est tout de côté, lorsque la moitié de lui-même, ou une partie notable a péri par quelque accident ; ce qui arrive presque toujours par la faute du jardinier.

1°. Parce qu'il n'a pas eu soin de ménager des branches & des bois de réserve en cas d'accident.

2°. Parce qu'il a mal conduit son arbre de


longue main sans le renouveler, voyant du bois veule & défectueux.

3°. Parce qu'il aura cassé une grosse branche, faute de précaution & de ménagement.

4°. Parce qu'un accident ayant épaulé l'arbre, il ne l’a pas redressé en le dépalissant entièrement, si c'est un arbre en espalier ; & si c'est un buisson, en tirant des branches du côté vide.

EPIDERME. On donne ce nom à l'envelope extérieure de l’écorce de l'arbre. C'est une membrane mince qui s'enlève aisément quand les arbres sont en pleine sève, & plus difficilement lorsqu'ils poussent avec moins de vigueur. Elle est très-adhérente aux branches qui sont sèches.

EPIERRER. C'est ôter d'une terre les pierres qui s'y rencontrent ; opération fort simple qui se fait, soit avec un râteau, soit avec une claie ou un panier à claire-voire. En épierrant des jardins, on fait des tranchées dans les allées pour y enterrer les pierres. On épargne ainsi le transport, & les allées deviennent plus sèches ; mais cela n'est pas praticable pour les champs de grande étendue. Ou en fait des monceaux, nommés en quelques provinces murgés ; on les porte ensuite dans les chemins qu'on veut affermir. Au reste, l'expérience apprend que l'abondance des pierres n'est point toujours nuisible à la végétation ; au contraire, il semble que le froment & certaines plantes se plaisent dans un terrain pierreux ; cependant on sent qu'il est à propos d'enlever les grosses pierres ou les roches qui troublent le labourage.

Une terre émotée en tout sens par plusieurs labours, se nétoie plus facilement de pierres que celle qui est moins bien travaillée.

EPLUCHER. C'est, en terme de jardinage, 1°. arracher les mauvaises herbes d'un terrain en culture.

2°. C'est débarrasser un arbre d'une partie de ses fruits, lorsqu'ils en a une trop grande quantité de noués.

3°. C'est ôter le bois mort & les branches chiffonnes qui nuisent à la végétation de l'arbre.

4°. C'est nétoyer une grappe de raisin des grains qui sont gâtés.

EPOUVANTAIL. C'est, dans un jardin, ou dans un champ, tout ce qu'on dresse ou qu'on apprête pour faire peur aux oiseaux, & écarter les animaux qui viennent manger les graines & les fruits

ERGOT. C'est l'extrémité de toute branche morte ou vive que le jardinier laisse par négligence à un arbre, au lieu de la couper près de la tige.

ESPACER. C'est, dans une plantation, laisser la distance régulière qui doit être observée entre les arbres d'un espalier, ou d'une allée, ou d'un quinconce.

ESPADE. Les Hollandois ont inventé une machine pour espader ou broyer le lin sans l’endommager. En voici la description. Elle est représentée dans la figure 2, pl. LIV. C'est une planche mince qui a une large échancrure dans un de ses côtés, & qui est élevée perpendiculairement sur un châssis d'une forme quelconque, pourvu qu'il soit assez pesant pour rester fixe : ils suspendent leur lin dans cette échancrure ; il est impossible par cette situation que l’espade tombe sur la filasse dans cette position dangereuse où elle résiste plus fortement & se coupe aussi plus facilement. Et comme des instrumens bien faits répondent à plusieurs fins, cette machine dirige le coup de l'espadeur ; la main qui soutient le lin est à couvert, & l'on fait l’ouvrage étant assis.

Les Hollandois préviennent les inconvéniens de la méthode françoise, par la forme & la largeur de leur espade qui est presque circulaire, fig. 3, & qui n'a guères moins de dix-huit pouces de diamètre. La plus grande force de cet instrument tombe exactement où elle peut causer le moindre dommage sur la partie la plus épaisse de la filasse ; car l'espadeur le tenant par le manche A, sa plus grande action est en B ou, en C, & s'exerce sur le milieu même de la poignée, qui est plus fort & qui ne reçoit qu'un coup léger ; car les Hollandois ne battent pas la filasse avec autant de force que les ouvriers françois. Les fils separés & dispersés vers les côtés ne font point tendus, mais ils se contournent doucement autour des bords de l’espade, & retombent ensuite sans être endommagés. Il en est de même des bouts de la filasse qui s'élèvent aux coups : ils ne peuvent s'entortiller autour d'une espade de cette forme & de cette grandeur ; ils rencontrent en s'élevant un plan large & uni ; ainsi ils n’opposent aucune résistance, & ils retombent doucement & dans leur entier. (Voyez Broye hollandoise.

ESPALIER. Dans le jardinage, c'est une muraille au pied de laquelle on plante des arbres qu'on attache ensuite à cette muraille ou à un treillage, ou de quelque manière que ce soit. Quand on plante des arbres en espalier, il faut les déverser en les plantant en-deçà du mur à la


distance de neuf pouces ou environ ; autrement les racines touchant au mur, ne pourroient point agir. De plus, quelque pluie qui puisse tomber, jamais les arbres ne s'en ressentent quand ils sont plantés à plomb du mur. La direction des espaliers est un des chefs-d'œuvre du jardinage, & on ne sait pas priser assez le travail régulier & entendu d'un espalier formant le plus superbe coup-d'œil.

L'usage a aussi donné le nom d'espalier à l’arbre même.

Le contre-espalier est un arbre planté à l'opposite de l'espalier, autour des carreaux d'un jardin. On l'appelle encore simplement espalier.

Les espaliers ne servent pas seulement à l’embellissement & à l’ornement des jardins, mais ils sont aussi d'un grand profit & d'une grande utilité. On en dresse, parce qu'au printems il arrive souvent des matinées fraîches & des gelées blanches, causées, soit par la fraîcheur de la terre ou par le vent du Nord, qui gâtent les fleurs les plus hâtives & les plus délicates, comme sont celles des abricotiers & de toutes sortes de pêchers, & même de quelques poiriers, nous privant ainsi du plaisir & de la satisfaction que nous aurions eue de leurs fruits. Afin donc de prévenir ces inconvéniens qui sont assez ordinaires, on s'est avisé de chercher des abris contre des murailles, qui par leur hauteur & leur épaisseur garantissent du mauvais vent, & qui recevant les rayons du soleil augmentent la force de la chaleur ; & les arbres plantés contre ces murailles, treillissés & ajustés convenablement sur des perches qui y sont attachées, font ce qu'on appelle espaliers. Parlons maintenant de la manière dont ils doivent être faits.

Il faut premièrement choisir un mur de clôture, qui ait le soleil levant & le midi, & qui soit bien fait & élevé au moins, s'il est possible, de douze pieds de haut ; car plus il est haut, plus long-tems il sert à cet usage d'espaliers. De toise en toise de largeur il le faut garnir de trois crochets de fer, attachés l’un au-dessus de l'autre, l'un à un pied de distance de terre ; l'autre à cinq, le troisième à dix, & ce dernier débordant du mur trois doigts plus que les autres, pour le sujet que nous dirons ci-après.

Secondement, il faut faire une tranchée d'une toise de largeur, en la prenant du pied du mur & de quatre pieds de profondeur, dans l’été, si cela se peut, & la laisser ainsi, ouverte deux ou trois mois, afin que le fond puisse jouir de la chaleur du soleil & de l'humidité des pluies. Au commencement de l'automne il faut remplir cette fosse de la même terre, si elle est bonne, en l'amendant encore avec du fient bien consommé, ou si elle n’est pas toute bonne, ôter celle qui est mauvaise, comme la terre argilleuse & le sable jaune ou rouge, & y en remettre d’autre apportée d’ailleurs ; car si l’on plante en mauvaise terre, ou qui ne soit point amendée, les arbres ne prennent qu’avec peine, & ils sont comme en langueur sans pouvoir profiter ; du moins ils en croissent lentement.

Les arbres qu’il y faut planter, sont ceux qui sont les plus tendres au froid : comme les abricotiers, toutes sortes de pêchers, soit venans de noyau, soit entés ou sur leur propre espèce, & sur pruniers, abricotiers & amandiers, diverses espèces de pruniers ; plusieurs sortes de poiriers, qui doivent être entés sur épines ou sur coignassiers, pour demeurer nains ; des figuiers, & les autres qui seront de même tempérament, ou qu’on désire avancer.

On les peut planter en deux faisons ; savoir, en automne & au. printems. On peut préférer l’automne, parce que la terre a encore quelque chaleur, & que les arbres ont du tems avant la rigueur de l’hiver, pour commencer à lier leurs racines avec la terre, ou au moins pour s’accommoder avec elle, afin d’en tirer aide pour se défendre contre le froid. Pour cet effet il les faut prendre dès qu’ils commencent à se dépouiller de leurs feuilles, & en les plantant les arroser une bonne fois si la terre est sèche ; & alors on peut se dispenser de les tailler, surtout s’il y a de grosses branches à ôter, parce que le grand froid survenant, & trouvant de si grandes plaies, pourroit pénétrer au-dedans, & faire mourir l’arbre, ou du moins l’incommoder grandement. Il vaut mieux attendre vers la fin de l’hiver à en retrancher ce qui est convenable. Que si l’on plante au printems, il faut planter les arbres hâtifs, comme les abricotiers & les pêchers, plutôt que les tardifs, comme poiriers & figuiers, & les tailler & couvrir la plaie de cire, de poix-résine, ou d’autre chose semhlable, afin que la chaleur ne la saisisse & ne l’empêche de se recouvrir.

Il ne les faut planter ni plus profondément que d’un pied, sur-tout en lieux froids & humides, ni plus près les uns des autres que de quinze pieds, parce qu’autrement leurs branches se toucheroient incontinent & se confonderoient, & elles ne porteroient pas tant de fruit ; l’expérience faisant connoître qu’un arbre étendu à son aise, portera plus de fruit que quatre qui s’entrepressent, & se couvrent les uns les autres.

Au mois de mai que les chaleurs commencent à venir, il faut la première année après que la terre aura été labourée, la couvrir toute, s’il est possible, de quatre doigts d’épaisseur avec


de la fougère amassée dès l’année précédente ; ou avec de la paille, ou du foin, ou d’autre chose semblable, pour conserver la fraîcheur aux nouveaux plants. Si l’année se trouve sèche & chaude, il faut arroser assez abondamment de quinze en quinze jours par-dessus la fougère même & sans l’ôter ; car il vaut mieux en donner ainsi beaucoup & peu souvent, que d’y retourner deux fois la semaine, ce qui ne fait qu’abattre la terre & la durcir. Vers la S. Jean il sera bon de détourner la fougère & de donner un autre labour, en prenant soigneusement garde de toucher aux racines des arbres ; parce que le labour tient la terre plus fraîche en ouvrant ses pores & y faisant entrer l’air ; & cela fait, il faut remattre la fougère & recommencer la même chose à la fin de septembre.

Cette même année il faut laisser pousser aux plants tout le bois qu’ils voudront, sans les blesser, & les altérer en leur ôtant leurs jets, au moins y doit-on aller avec une grande discrétion. & retenue ; mais il n’est pas bon de leur laisser porter fruit, parce que cela les avorte & les empêche de pousser du bois. Il faut aussi laisser les jets libres, sans les lier & violenter ; & même il n’est pas besoin de dresser l’espalier, parce que le bois ne feroit que se pourrir inutilement aux pluies. Mais la seconde année, si les plants ont beaucoup poussé, ou la troisième sur la fin de l’hiver, avant que les bourgeons des arbres poussent, il le faut dresser & y lier doucement les rameaux des arbres, en les élargissant & les étendant convenablement en forme d’éventail, & en retranchant les petites branches du dedans, qui ne peuvent ni pousser de beau bois, ni se tourner en bourgeons à fruit ; il faut aussi continuer à labourer la terre quatre fois l’an ; savoir, au printems, à la S. Jean, à la fin de septembre, & au commencement de l’hyver.

En labourant il faut prendre garde d’enterrer le collet de la greffe du poirier ou du pommier enté sur coignassier, parce qu’il pourroit prendre racine, & croîtroit puissamment, comme un arbre franc, sans qu’on le pût retenir nain.

Quand les espaliers sont en fleur, il arrive quelquefois des gelées du matin, & ensuite, de grandes ardeurs du soleil qui broüissent les fleurs & font périr le fruit. Il faut prévenir le mal par le moyen des plus hauts crochets dont j’ai parlé, débordans du mur plus que les autres ; car en attachant des perches de l’un à l’autre, & à ces perches des toiles qui se couleront jusqu’au bas, sans toucher les fleurs & les fouler, on sauvera le fruit.

Il n’est pas bon de laisser nouer du fruit aux bouquets de fleurs qui viennent par fois à la pointe des branches, tant parce qu’elles font foibles, que parce que la sève qui monteroit seroit détournée du bas & du milieu des branches, qui sont proprement le vrai lieu où le fruit doit croître.

Les espaliers étant en leur beauté, il faut pour les y conserver autant qu’il le pourra, prendre garde aux bourgeons que les arbres poussent, soit vers le pied, soit vers les premières branches qui se divisent, & y laisser ceux qu’on jugéra les plus propres pour réparer & pour entretenir le bas de l’arbre en sa beauté. Il est bon même d’avoir toujours des arbres de toutes les espèces, plantés en terre dans des paniers & des manequins, afin que si par hasard un des arbres de l’espalier vient à mourir, on puisse aussi-tôt y en remettre un autre déjà tout repris, qui poussant autant selon sa portée que les autres de l’espalier, n’en défigure pas si fort la grâce & la beauté, qu’un autre qui auroit à prendre terre avec un long tems.

ESPECE. Ce mot se dit des fruits & des plantes qui, outre leur caractère générique, ont quelque chose de singulier qui les distingue des autres sortes de plantes ou de fruits de la même famille.

ESPLANADE ; c’est dans un jardin ou dans un parc une terrasse ou lieu élevé & découvert pour jouir de la vue de la campagne & d’un grand horison.

ESQUILLE. Dans le jardinage on donne ce nom à de petits filets & à des parties inégales qui restent toujours aux extrémités des rameaux cassés.

ESSARTER ; c’est arracher tous les arbres, arbrisseaux & broussailles qui couvrent un terrain, & emporter les souches & les racines.

Quand on abat un bois dans les Ardennes, l’usage est de ramasser toutes les broussailles, feuilles, copeaux, brindilles, genêts, bruyeres, &c. les brûler, & en répandre les cendres sur le terrain même où le bois a été abattu, puis de labourer avec le crochet la terre qui est entre les souches & étocs, & y semer du seigle ou du sarrasin. C’est ce qui s’appelle dans le pays faire des essarts.

Duhamel fait sentir qu’une pareille méthode peut devenir fort utile, quand on ne se propose pas de convertir pour toujours le champ en terre labourable.

ESSORER ; c’est, en terme de jardinage, ressuyer ou exposer à l’air pour secher ; ce qui se pratique à l’égard des graines & des oignons qu’on laisse quelque tems étendus sur un planchet pour en laisser dissiper l’humidité avant de les renfermer.

ÉTAGER ; terme employé par les jardiniers pour indiquer la conduite qu’on doit tenir dans le gouvernement des arbres que l’on fait monter peu à peu chaque année, & comme par étage. On dit aussi étage de branches & de racines, pour marquer celles qui sont placées par rang & sur la même ligne.

ÉTÊTER ; c’est trancher la tête d’un arbre. On est dans l’usage de couper jusqu’au tronc toutes les branches des arbres que l’on achete pour replanter. Ces arbres ainsi étêtés poussent quantité de bourgeons dans toute la longueur de leur tige. Au reste, cette méthode n’est bonne que pour les arbres nains & pour ceux qui doivent être mis en espalier.

ÉTIOLEMENT ; c’est, en terme de jardinage, l’altération qui survient aux plantes élevées dans des lieux renfermés. Cette altération consiste en ce qu’elles poussent des tiges effilées, blanches, & terminées par de petites feuilles pâles. Le défaut d’air & trop d’humidité sont la cause de l’étiolement.

ÉTIOLER. (s’) On dit qu’une plante s’étiole, quand elle s’élève beaucoup sans prendre de grosseur, & que ses jets sont maigres & allongés.

ÉTOILE ; c’est dans un jardin ou dans un parc une salle champêtre où aboutissent plusieurs allées d’arbres, comme à un centre commun.

ÉTOUFFER ; ce terme se dît des arbres dont les branches trop touffues se nuisent les unes aux autres, en gênant la circulation de l’air.

ÉTRIPER un arbre ; c’est faire quelque chose de plus que l’élaguer, & quelque chose de moins que de l’ébotter ; c’est-à-dire, lui ôter des branches de distance en distance pour le rajeunir, lui en faisant pousser de nouvelles, & rabaisser les autres, en les coupant où il peut y avoir du bon bois.

ÉTRONÇONNER un arbre ; c’est ne lui laisser que le tronc ; c’est lui couper la têre quand il est nouvellement planté, ou bien quand les racines étant bien saines encore, & lorsque son.. bois est usé, le récéper sur la souche pour le renouveler.

Les arbres des bois en coupe dans les forêts sont coupés rase terre, & ils repoussent. Il n’en est pas de même des arbres fruitiers des jardins, qui sont plus délicats. De plus, dit Schabol, quand on coupe les arbres des forêts, ils repoussent, parce qu’on les recepe dans le tronc même rase terre, & ils font de nouveaux jets ; au lieu que les arbres fruitiers étant coupés au-dessus du tronc, où la peau est bien plus dure, la seve ne perce point d’ordinaire, & ne pouvant se faire passage, elle retourne aux racines, & l’arbre meurt par en haut.

ÉTUI ou Coffin ; instrument du faucheur : c’est un petit tuyau se terminant en pointe, ordinairement fait en bois, rempli d’herbe ou de paille mouillée, dans le milieu duquel on place la pierre à aiguiser. Au haut de ce coffin est un petit crochet en bois ou en fer, que le faucheur passe à sa ceinture, afin d’avoir à sa portée la pierre pour aiguiser sa faulx.

ÉTUVE ; bâtiment dans lequel on entretient du feu ou une chaleur douce, par le moyen des poîles, pour sécher & conserver les grains. (Voyez planches XVII & XVIII.)

ÉVASER. Ce terme, dans le jardinage, se dit des arbes en buisson, & même de certaines tiges qu’on taille. L’art du jardinier est de faire prendre à ces arbres la figure d’un vase. Pour y parrenir, le meilleur moyen c’est d’y mettre des cerceaux, autrement on est des 10 à 12 ans à former un buisson.

ÉVENTAIL ; (arbre en) c’est un arbre d’espalier auquel on fait prendre la forme à-peu-près d’un éventail.

ÉVENTÉ, ou exposé à l’air. Quand les racines d’arbres sont éventées, elles sont, bientôt altérées, ce qui devient très-nuisible à la reprise des jeunes plants.

ÉVENTER la sève, suivant l’expression des jardiniers, c’es faire de trop grandes plaies aux arbres, ou bien tirer ses coupes & ses tailles trop en longueur, ce qui cause la déperdition ou l’altération de la seve.

ÉVIDER un arbre ; c’est quand on éclaircit le trop grand nombre des branches. Les arbres en buisson, dans le milieu desquels on ne laisse point de branches, s’appellent des arbres évidés. On dit un oranger bien évidé.

EXCAVATION ; elle est occasionnée dans les branches ou dans le tronc par la seve extravasée qui suinte de la plaie d’un arbre.

Tous les arbres qu’on appelle gommeux, tels que les cerisiers, pêchers, abricotiers, amaniers, pruniers, & autres semblables, lorsque la gomme, qui n’est autre chose qu’une seve extravasée, découle le long d’une branche, sont minés par un chancre corrodant qui pénètre jusqu’à la mœlle, cause une excavation qui trop souvent fait mourir la branche & quelquefois tout l’arbre.

EXCORIATION. Ce terme, dans le jardinage, signifie le dépouillement de l’épiderme ou l’écorchure de la peau de l’arbre, occasionnés par quelques causes extérieures, telles que la brûlure, l’ardeur du soleil, les matieres âcres, les frottemens violens.

EXCROISSANCE ; ce terme se dit dans le jardinage des loupes-, des enflures particulières, des grosseurs des tumeurs, des poireaux ou verrues qui viennent à un arbre ou à un fruir. Ces excroissances sont produites par un amas de la sève arrêtée, par ce qu’on appelle obstruction, qui empêche la seve de passer, & qui cause un gonflement au dehors dans la peau de l’arbre ou du fruit.

EXOSTOSE ; c’est une excroissance qui paroît fréquemment sur le bois du corps des arbres.

EXOTIQUE ; (plante) c’est une plante étrangère au climat où on la cultive, & qui a été tirée d’un pays lointain.

Les plantes naturelles à un canton s’appellent indigènes.

EXPÉRIMENTAL ; c’est tout ce qui est fondé sur l’expérience. L’art du cultivateur doit rouler sur l’observation de la nature & sur l’expérience proprement dite. C’est avec ces deux boussoles qu’il entendra ce qu’il fait & pourquoi il le fait, & qu’il pourra enfin rendre raison de toutes ses opérations.

EXPLOITATION des terres ; c’est la pratique des moyens propres à faire valoir des terres.

EXPOLIATION ; c’est dans les arbres ou les plantes la désunion d’une partie morte & desséchée d’avec celle qui est vive ; elle a principalement lieu par rapport au bois & à l’écorce.

EXPOSITION ; terme d’agriculture & de jardinage. C’est la situation d’un lieu relativement au soleil, à la pluie ou à d’autres météores.

On a coutume de nommer belle exposition ou bonne exposition l’endroit où le soleil donne pendant une grande partie du jour ; & mauvaise exposition l’endroit où il ne donne que peu ou point du tout.

L’exposition du levant est la muraille qui reçoit les rayons du soleil depuis le matin jusqu'à midi ; l' exposition du couchant, celle où le soleil donne depuis midi jusqu'au soir ; l' exposition du midi, celle où il donne le plus long-tems dans toute l'étendue de la journée , mais principalement depuis 9 heures du matin jusqu'à 3 heures après midi. L' exposition du nord est celle où le soleil donne le moins ; elle ne reçoit ses rayons qu'en été, quelques heures après le lever du soleil & quelques heures avant qu'il se couche.

En général, la meilleure exposition, dans notre climat, est celle du midi ; & la plus mauvaise, celle du nord. L' exposition du levant est aussi bonne que celle du midi, & même préférable dans les terres chaudes ; celle du couchant n'est pas mauvaise pour les pêches, les prunes & les poires, mais elle ne vaut rien pour les différentes espèces de raisins.

On ne peut guere espérer de recueillir des fruits qui aient bon goût sur un arbre planté à une mauvaise exposition.

EXTIRPER ; terme de jardinage. C'est détruire, déraciner les plantes qui nuisent à la végétation das autres. Les plantes qui traînent, telles surtout que certains gramens, sont difficiles à extirper.

EXTRAVASER (s' ) Ce terme se dit du suc


propre des pliantes qui sort de ses canaux pour se répandre dans le tissu cellulaire ou dans les vaisseaux lymphatiques. Ce suc se montre alors sous la forme d'une seve épaissie à l'orme, sous celle de gomme au pêcher, au cerisier, à l'abricotier, & sous celle de résine au pin & à l'épícéa.

EXTRÉMITÉ des pousses. On appelle de ce nom, dans le jardinage, toute branche qui a poussé du dernier œil de la branche taillée. L'usage est d'abattre cette branche, & même les autres qui sont au-dessous, & de tailler sur celle qui a poussé au dernier œil d'en bas. Par ce moyen, dit Schabol, l'arbre a poussé à faux & en pure perte pour lui toutes ces branches supérieures dont on le dépouille. En outre , au lieu de croître, de s'allonger & de donner du fruit, il reste toujours circonscrit, avorton & stérile. Mais qu'au contraire on taille longue la branche qui a poussé à l' extrémité de la coupe précédente, on a en peu d!années des arbres immenses & fructueux au possible, grossissant de la tige à proportion.

On suppose que ces extrémités de pousses sont telles qu'elles doivent être dans un arbre bien conformé ; car, dans le cas où les extrémités des pousses seroient fluettes, il faut se garder de leur donner trop d'allongement,




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F

FAÇONNER ; en terme de jardinage, c’est l’art de former & de dresser la terre, les arbres & les plantes. C’est labourer, sarcler, faire les fouilles, dresser, tirer au râteau, répandre les fumiers, les enfouir, arroser, biner, & faire à d’égard de la terre, & des plantes tout ce qui est requis pour les cultiver. Communément on donne trois façons à la terre, aux vignes & aux arbres ; savoir : labour d’hiver, labour du printemps, & un labour au commencement de l’été.

FACTICE. (terre) C’est une terre préparée & composée de differens engrais ; telle est celle qu’on destine aux orangers.

FANAGE ; action de remuer les plantes, après qu’on les a coupées, afin que le soleil ou le hâle les dessèche.

FANER ; c’est remuer les herbes qui ont éré fauchées, & les retourner par le moyen de râteaux, de bois dentelés des deux côtés. Quand les foins ont été ainsi fanés, & qu’ils sont bien secs, on les serre dans des granges, ou on les met en meules.

FANER, (se) Ce terme se dit dans le jardinage, des feuilles & des fleurs des végétaux qui sont penchées, & paressent flétries, ce qui annonce le besoin qu’elles ont d’arrosement ou d’autres secours. Les plantes nouvellement replantées se fanent, jusqu’à ce qu’elles aient repris.

FATIGUER un arbre ; c’est lui donner ou lui laisser trop de charge relativement à sa force ; c’est aussi le tourmenter par un trop grand nombre de tailles, ou de plaies qui l’épuisent.

On dit aussi fatiguer une terre, quand on lui fait rapporter ou produire trop long-temps, sans la laisser reposer.

FAUCHER. Personne n’ignore la manière de couper le bled, ou plutôt sa paille avec la faucille, c’est la pratique la plus ancienne & la plus commune ; mais il y a des cantons où on fauche les bleds, soit avec la faux ordinaire, soit avec une petite faux usitée en Allemagne ; & quand on se sert de l’une de ces faux, on peut couper de deux manières, soit en déplaçant la paille coupée & la portant sur le côté, soit sans la


déplacer, comme on fauche les prés ; c’est la nouvelle manière usitée en Angleterre.

Dans celle-ci le faucheur fait tomber ce qui est coupé sur le bled qui ne l’est pas, ce qui donne plus de facilité pour le ramasser ; ce sont des femmes qui suivent le faucheur, qui prennent par brassées le bled coupé & le portent en tas, que des hommes qui suivent les femmes lient en gerbes. Cette pratique qui est très-expéditive, épargne beaucoup de dépense ; d’ailleurs faucher ne coûte pas moitié tant que de couper avec la faucille, d’autant plus qu’une partie de l’ouvrage est faite par des femmes. En fauchant le bled on gagne aussi beaucoup de paille qui est très-profitable au fermier, soit qu’il l’emploie, soit qu’il la vende.

D’un autre côté, il faut considérer que le bled s’égraine davantage en le fauchant & on en perd ; en outre, la paille coupée si bas contient plus de mauvaises herbes, & il est par conséquent nécessaire de laisser plus long-temps les gerbes dans les champs pour que cette herbe sèche ; car les mauvaises herbes retiennent plus d’humidité, & plus long-temps que la paille. Cette objection contre l’usage de la grande faux pour couper les bleds, mérite attention ; car il y a beaucoup d’inconvéniens à laisser les gerbes sur le champ à cause des pluies & orages.

L’usage de la faux au lieu de faucille, influe encore sur la dépense du battage ; il en coûte davantage pour faire battre du bled fauché, que pour battre du bled coupé à la faucille ; car la paille du bled fauché étant plus longue, & contenant plus de mauvaises herbes, le battage sera plus difficile, plus long, & par conséquent plus coûteux.

Ce que l’on épargne ou ce que l’on gagne en fauchant le bled, au lieu de le couper à la faucille, est peu de chose, & va au plus de 36 à 48 sous par arpent, mais le battage du bled fauché coûtera environ cela de plus que le battage du bled coupé à la faucille. Ainsi on doit se déterminer sur le choix de la faux & de la faucille par les considérations suivantes : Si on emploie la faux, il faudra risquer davantage que la moisson soit mouillée, parce qu’on est obligé de la laisser sur le champ pour sécher l’herbe ; mais on aura une plus longue paille : si on coupe le bled à la faucille, on aura un peu moins de paille, mais on ne rísquera pas tant que la moisson soit mouillée, puisqu’on pourra l’enlever à mesure qu’on la coupera. Ainsi faucher le bled ne paroît avantageux qu'auprès des capitales ou la paille se vend cher ; & où on achète des fumiers. Dans des provinces où l'on est dans l'usage de scier le bled, le fermier fait ramasser le chaume après la récolte, pour en faire dela litière & le réduire en fumier ; c'est une dépense qu'on ne fera pas si on fauche, parce que la faux coupe presque à ras de terre. D'un autre côté, cette dépense de ramasser le chaume est si petite, comme de 36 sous par acre, que cette épargne ne mérite pas de faire courir au bled, le risque d'être mouillé.

D'ailleurs, il y a une grande différence d'être obligé de faire entrer le tout dans le temps de la récolte, où les ouvrages pressent, ou bien de ramasser le chaume quand on a du loisir. Plus les gerbes seront longues, plus il faudra de temps & de bras pour les voiturer, de place pour les serrer ; ce n'est pas être économe que de multiplier le travail dans un moment où les ouvriers sont plus chers, & où il y a plus d'ouvrage urgent que dans tout autre temps.

FAUCHET ; c'est le nom que les fermiers donnent au râteau, qu'ils promènent dans un champ pour ramasser le foin.

Ce rateau a ses deux côtés garnis de dents de bois.

FAUCILLE ; instrument dont on se sert pour scier le bled & couper l'herbe. (Voyez pl. XXIV, fig. 27.) La faucille consiste en une lame d'acier finement dentelée & courbée en demi cercle. Cet outil est emmanché dans une poignée de bois ; ainsi avec la faucille l'on coupe d'une main l'herbe, les bleds, &c. que l'on tient à poignée de l'autre main.

Dans quelques cantons, comme en Provence, la faucille n'a point de dents, mais un tranchant tien affilé.

FAUX ; instrument dont on se sert pour faucher le froment, le seigle, l'orge, l'avoine, les prés, & les gazons. Il est composé d'une grande lame d'acier, large d'environ trois doigts, courbée & emmanchée au bout d'un long bâton. Voyez pl. XV, & pl. XXIV, fig. 26.) Dans la faux simple, il y a une manette fixe, ou une espèce d'arrêt en bois placé à l'extrémité du manche, & qui est empoigné par la main gauche de l'ouvrier.

On fait aussi dans quelques cantons des faux avec une manette courante qui s'abaisse ou s'élève suivant la longueur des bras du faucheur.

La faux composée, a au-dessus de la lame de longs doigts ou baguettes qui sont arrêtés, sur


un montant de bois & retenus par des vis danc la même direction que la faux. Il y a des pays où, au lieu de ces playons en bois, on se sert de petites tringles de fer de la grosseur d'une plume à écrire. Le montant auquel ces playons sont adaptés est également de fer, ainsi que la pièce qui part, du manche de la faux & en soutient toutes les différentes parties.

L'acier de la faux a une trempe bien plus douce que celle des coignées, des couteaux, des rasoirs, parce qu'ayant à abattre une grande quantité d'herbe ou d'épis, il est impossible que son taillant ne s'émousse fréquemment dans un jour, de quelque manière qu'il soit trempé. Si la trempe, étoit dure, on ne finiroít pas de la rapporter au taillandier ; mais en laissant à l'acier assez de corps & de souplesse pour qu'il puisse être applati par le marteau sans se casser, on met le faucheur en état de faire l'office de taillandier. Ainsi dès que le tranchant est trop gros & trop mousse, il pose sa faux sur une petite enclume, qu'il porte toujours avec lui, & le rabat à petits coups de marteau ; après quoi il suffit de repasser le tranchant avec une pierre qui est à peu près de la grandeur d'une pierre à rasoir, mais dont le grain est plus gros.

Au moyen de la trempe douce la lime peut mordre sur le tranchant de la faux, & ce tranchant n'est pas des plus vifs ; mais la grandeur de la masse dont il fait partie, la longueur du manche auquel il tient, & la vitesse avec laquelle la faux est poussée, suppléent au défaut de l’extrême dureté.

Quelques taillandiers composent la trempe de cet instrument avec la plupart des minéraux. & même des préparations de minéraux, outre grand nombre de plantes d'espèces différentes & surtout de celles qui ont l'odeur forte. Réaumur regarde comme inutiles beaucoup de ces ingrédiens, quelques-uns même comme nuisibles. Il observe que le fond se réduit à tremper la lame dans du suif ou dans des matières équivalentes ; & il pense qu'en la trempant dans l'eau bouillante ou chaussée à un certain point, l'on pourroit donner au taillant le degré de dureté & de souplesse qui lui convient.

Comme il est difficile dans les faux que la trempe soit parfaitement égale, il est très-rare d'en trouver de bonnes. C'est cependant de leur bonté que dépend la facilité de l'ouvrier dans le travail, & l'art de faucher parfaitement & de ne point laisser d'herbe qui ne soit coupée. On pourroit avec un peu d'habitude apprendre à distinguer les bonnes faux ; en y passant la pierre à aiguiser, on sent si elle mord également par-tout, ou bien avec une petite lime on en essaie le degré de dureté. Lorsqu'on la choisit la plus égale possible & du degré de trempe requis, on remarque les endroits où la faux est la plus tendre ; & lorsqu'on la bat dans ces endroits-là, on humecte le marteau ainsi que la petite enclume ; dans les endroits au contraire où elle est la plus dure ; on la bat à froid : ce battement occasionnant de la chaleur détruit un peu la trempe, & rend la faux plus égale dans ses parties. Un point des plus essentiels est que l'ouvrier passe sa pierre à aiguiser sur sa faux toujours dans le même sens, parce qu'elle y forme des espèces de petites dents qui se trouvent alors toutes inclinées du même côté : au lieu que si on la passe tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, les dents sont inclinées en divers sens, & la faux ne coupe pas si bien. Il est d'autant plus avantageux de se servir de bonne faux dans les prairies où l'herbe est fine, qu'il en résulte quelquefois plus d'un écu de profit par arpent.

Moyen de perfectionner les faux & faucilles.

Les paysans de Silésie se plaignaient depuis long-temps de ne pouvoir se procurer des faux & des faucilles qui fussent tout à la fois légères, tranchantes & durables. Cependant on employoit les meilleures matières pour ces instrumens, & ces matières étoient travaillées avec soin ; mais des expériences réitérées ont fait voir que la perfection de ces ustensiles dépend de la proportion entre le fer & l'acier dont on les forge, de leur parfait amalgamage, & du degré moyen de dureté de cette composition. Les papiers publics de Breslaw ont en conséquence répandu l’instruction suivante :

Il faut tâcher de lier le fer & l'acier de façon qu'il n'y ait entre eux aucune séparation ; lorsqu'on les forge, il faut réduire la masse en lingot rond. En faisant souvent passer ce lingot par le feu, la masse s'épure, & ses parties sont plus prêtes d'obéir & de s'unir. Avec le microscope tous les instrumens tranchans sont de vraies scies ; les pierres même avec lesquelles ont les aiguise, quelque fines qu'elles soient, les dentelent. On sait que le fer & même l'acier ont des veines, c'est-à-dire, des fils détachés qui règnent dans la longueur de la masse. C'est à jeter ces veines du dos sur le tranchant des instrumens qu'il faut travailler de façon qu'elles aillent former les dents imperceptibles de la faucille ou de la faux. Par ce moyen ce qui auroit rendu l’outil cassant, lui donne de la solidité en contenant les parties qu'il divisoit. Pour cela la matière étant préparée, comme on l'a dit, on met la barre ronde au feu, on la laisse à peu près rougir, on l'assujettit ensuite à un étau, on la tourne à droite & à gauche ; & tant qu'elle conserve de la souplesse, on travaille à rejetter les veines vers le tranchant. Les instrumens sont d'autant plus parfaits que leur tranchant approche plus de la scie dont les dents sortent comme à travers de la lame : ils ont la dureté convenable. Les faucilles & les faux travaillées suivant ce procédé ont été trouvées fort supérieures aux autres.

La faux brabançonne, outil composé d'un crochet & d'une lame assez large dont la pointe est relevée ; le tout est adapté à un manche un peu courbe & court.

La faux hollandoise est pareillement composée d'une lame large dont la pointe est saillante, avec un manche courbe dont l'extrémité se termine en boule.

Faux lorraine, ou hache-paille ; instrument d'agriculture.

Il y a differens usages pour la nourriture des bestiaux dans les étables. Le plus dangereux de tous est de ne pas hacher le fourrage & de le donner sans même séparer la paille du grain, comme cela arrive dans quelques campagnes trop éloignées de l’œil des propriétaires. Parmi ceux qui font dans l'usage de hacher la paille & le foin, il y en a qui se servent de differens procédés.

Le plus ordinaire est l’emploi d'une faux à deux pointes en forme de demi cercle, attachée à un banc sur lequel est assis l'ouvrier.

La faux appellée gramola est cependant beaucoup plus utile ; elle est composée de trois ou quatre morceaux de fer dentelés, ou petites faux attachées sur un pivot par autant de demi-cercles fixes & pareillement de fer, qui les traversent, & qui sont fortement serrés à un manche de bois. Le tout est assemblé sur une table adhérente à la muraille ; le seul manche se mène & fait agir en même temps les petites faux sur le fourrage placé au-dessous d'elles. Les avantages de cette machine sont, 1°. d'épargner le temps ; 2°. d'avoir du fourrage & surtout de la paille plus écrasée, plus menue, & par conséquent d'une digestion plus facile ; de plus, le fumier qui provient de cette paille est plus gras & meilleur pour les vergers.

Mais elle a un inconvénient pour ceux qui en font usage ; il arrive souvent qu'elle offense l'extrémité des doigts de l'ouvrier qui lui présente la paille & le foin, à moins qu'il n'y apporte une extrême attention. La faux Lorraine supplée à ce défaut. On la nomme ainsi parce qu'elle a été apportée en Toscane par les Lorrains : elle est composée de deux montans de bois (Pl. XXXVI, fig. 6.) qui, au moyen d'un troisième B, posé en travers, soutiennent une caisse C pleine, dans laquelle on met la paille ou le foin D, qu'on veut hacher. La faux E, est la même que celle qu'on emploie à couper le bled dans les champs ; elle est placée sur un pivot au milieu de deux règles F, attachées à l'extrémité inférieure des deux montans. A l'extrémité supérieure est placée une planche quarrée G, grande comme la partie antérieure de la caisse, & au moyen de deux chevilles adhérentes, qui sortent par deux fentes pratiquées dans le côté des montans, cette planche sert à présenter le foin ou la paille au tranchant de la faux ; on règle les mouvemens de la planche par deux cordes liées à un marchepied mobile, semblable au calcul des tisserands. L'ouvrier travaille en-même temps du pied & des deux mains : la droite tient la faux & la fait mouvoir, la gauche tient une fourchette de fer K, pour avancer le fourrage à mesure qu'il passe sous la faux, & le pied agit en proportion sur le marche pied. Vers la moitié du montant, il y a une petite règle fixe L, pour reposer la faux quand elle ne travaille pas. Cette faux est en usage aux environs de Florence & en Lorraine, dont elle a pris le nom.

FAUX-BOIS ; ce terme se dit dans le jardinage d'une branche parasite qui a crû dans un endroit où elle ne devoir pas être naturellement, & qui devient souvent plus longue & plus grosse que les autres branches dont elle s'approprie la nourriture.

FAUX-BOURGEON. Dans le jardinage ce terme se dit d'une pousse qui n'est pas née d'un œil, mais qui a percé directement de l’écorce. On ôte ordinarement le faux-bourgeon, parce qu'il est mal placé, & qu'il fait confusion ; cependant il y a des moyens sûrs pour en faire des boutons à fruit. Les faux-bourgeons deviennent même quelquefois utiles & précieux, soit pour garnir un vuide, soit pour renouveler un arbre.

FENTES des arbres ; ce sont des crevasses qui se font à l’écorce des arbres. La peau se déchire, & les deux parties séparées se retirent en se repliant sur elles-mêmes. Ces crevasses, plus ou moins fortes, vinnent d'une trop grande abondance de seve qui s'élance dans le tissu cellulaire avec impétuosité

Les fentes sont aussi quelquefois occasionnées par la gelée.

Il y a de petites fentes à la peau de l'arbre qui sont de couleur jaunâtre, & qui sont répandues çà & là, soit à sa tige, soit aux grosses branches. Elles sont autant de marques de vigueur & de fécondité dans les arbres, en ce qu'elles annoncent la plénitude & l’activité de la seve, qui, pour se faire un passage, dilate ainsi la peau ; Les jeunes greffes surtout abondent en


ces sortes de petites gersures, occasionnées par une extravasion du suc nourricier surabondant.

Outre ces fentes naturelles, il en est d'artificielles, que l’industrie met en pratique pour porter remède à un arbre languissant, comme la saignée, le cautere, la greffe en fente.

La greffe en fente ne se fait que sur certains arbres, mais n'a pas lieu comme la greffe en écusson.

FEU. (jetter son) Cette expression est employée duis le jardinage pour désigner un arbre qui pousse d'abord vigoureusement, & qui se ralentit ensuite, en ne faisant plus que des pousses mesquines. On excite un arbre à jetter son feu, non-seulement quand on le charge absolument en bois & en fruits, mais encore quand on lui laisse beaucoup de bourgeons surnuméraires, à dessein de le rendre sage, comme disent les bons jardiniers. Lorsqu'un arbre a jeté son feu, on doit changer de méthode, & le tenir plus de court, suivant l’occurrence.

FEUILLE ; cette partie extérieure des plantes a toujours au-dessus d'elle un œil ou bouton, dont elle est la mère nourrice ; elle est verte & mince, composée d'une queue, de son plat, & elle a un endroit & un envers avec differens contours.

Les feuilles sont tellement nécessaires, que sans elles point de bouton, de fleurs, de fruits ni plantes quelconques ; elles servent à travailler, à préparer & à perfectionner la seve pour la faire passer ensuite dans les branches, dans la fleur, dans le fruit, dans l’œil, enfin dans toute la plante.

Les feuilles des fleurs, qu'on nomme pétales, sont celles qui composent & constituent les fleurs ; ces feuilles sont absolument nécessaires à toutes les fleurs devenant fruits ou graines ; elles sont destinées à allaiter & à substanter ce fruit ou cette graine quand ils ne sont encore qu'embryon. Mais quand le fruit noué ou la cosse renfermant les graines, peuvent subsister par le moyen d'une nourrirure plus solide, alors la fleur épanouie repousse ses feuilles qui se fanent.

Les feuilles dissimilaìres ou dissemblables sont les deux premières feuilles de toute plante, & qui croissent aux deux côtés de la tige naissante lors de la germination d'une graine. Elles sont toujours placées au-dessous des deux lobes qui sont les deux parties composant l’amande de la graine. Ces deux feuilles ne ressemblent en rien aux autres qui croissent après.

Tous les bourgeons qui croissent à chacun des boutons, ont nécessairement à leur empattement deux sortes de feuilles dissimilaires. A la vigne elles sont singulièrement remarquables dans chacun de ses bourgeons.

FIBRES ; c'est en anatomie, les filamens dont les muscles & les membranes sont entretissus. On donne aussi ce nom à de longs filets qui empêchent que les végétaux ne soient cassans. Les fibres ligneuses sont autant de vaisseaux dont la fonction est de conduire le suc nourricier dans toutes les parties de la plante. On en distingue de trois sortes, de longitudinales, de transversales & de spirales.

Les fibres longitudinales sont directes & perpendiculaires, telles qu'on les voit dans les tiges & dans les branches des arbres.

Les fibres transversales sont celles qui sont en travers ; une branche alors plie sans casser, on la courbe même jusqu'à lui faire prendre la figure d'un cerceau, parce que ses fibres sont longitudinales ; mais les brandilles & les boutons à fruits dont les fibres sont transversales, cassent dès qu'on les plie.

Les fibres spirales sont celles qui sont courbées & repliées les unes sur les autres, ainsi que du fil dévidé sur un peloton. Telles sont les fibres qu'on apperçoit dans les bourrelets cicatrisans des plaies des arbres, dans les greffes & dans les nodus des divisions des branches.

Les racines fibreuses sont celles qui, au lieu d'être dures, compactes & ligneuses, ne sont autres que des filets blancs d'ordinaire & fort menues, tendres & cassans.

FICHER des échalas ; terme de vigneron, qui signifie faire entrer un échalas au pied d'un cep de vigne, pour y attacher les branches nouvelles que la pesanteur du raisin & des feuilles seroit tomber à bas, & peut-être éclater & rompre.

FIENTS. Comme les fients sont propres & utiles pour réparer les défauts de la terre, il est nécessaire d'en faire distinction, afin que connoissant leur différence, on les puisse employer plus à propos, selon que le besoin l’exigera.

Le fient qui provient des excrémens de l'homme, est plus tempéré & plein de sel qu'aucun autre ; & quand il est bien consommé, il est très-propre pour les orangers, les citronniers & les autres plantes que l'on met dans des vases ou caisses.

Le fient des chevaux & des ânes est abondant en une chaleur tempérée.

Le fient des bœufs & des vaches est frais.


Celui des brebis & des chèvres est & plus gras plus tempéré.

Le fient des pourceaux est chaud.

Celui des pigeons & des autres volailles plus chaud encore, & celui des oiseaux aquatiques est presque brûlant.

Les bouillons & les lavures d'écuelles, la lessive, le sang des animaux & les animaux même servent d'autant de fients tempérés & gras. Celui du marc de vin ou de la lie a une vertu infinie, tenant des qualités excellentes & des esprits subtils, dont la nature a rempli la vigne, sur toute autre plante.

Celui du marc des huiles augmente extrêmement la vertu productive de la terre ; mais le trop est dangereux, faisant le même effet en elles que les choses trop grasses font dans notre estomac.

Le fient des autres fruits participe à leurs qualités, & donne aux mêmes arbres ou plantes qui les portent une vertu fort fructifiante.

Celui qui se fait des sirops & des raffineries de sucre & de miel, est la douceur même, & il est très-propre aux plantes auxquelles on desire une douceur savoureuse. Celui qui est mêlé de saumure, en donnera le goût ; & si les plantes particulières dont on en pourra faire, abondent en qualités puiflantes, en saveurs, couleurs ou odeurs agréables, leurs cendres en participeront aussi.

La corne des animauxa une grande efficacité en terre, l'employant râpée & par coupeaux, comme aussi les ergots & les ongles des brebis & des moutons.

Le tan qui a servi à apprêter les cuirs, y est propre, même celui qui se fait dans le tronc des saules, quand la pluie qui y entre les pourrit.

On peut encore employer la suie des cheminées, sur-tout pour multiplier les fleurs.

Les boues amassées par les rues & les chemins, bien séchées & évaporées, & employées en terre, augmentent d'autant plus sa bonté, qu'elles ont été mêlées & pétries long-tems avec le soleil, l'air & les pluies. Enfin, l’été, les poussières des rues & des chemins sont bonnes aussi, lesquelles n'ayant pas tant de graisse que les fients, sont plus profitables aux vignes, & ne rendent pas le vin gras & huileux, comme font les autres fients en certaines terres grasses de leur nature. Si l'on a même besoin pour les orangers & les autres plantes exquises qui se mettent dans des caisses & des pots, d'un fient qui ait abondance de ce sel produisant, il s'en fera un excellent, si creusant en terre une fosse de six pieds de large, de quatre de profondeur, & d'une longueur proportionnée à la quantité de fumier dont on aura besoin, vous la remplissez d'une couche de fumier menu, bien pourri, d'environ 2 pouces d'épaisseur, sur laquelle vous en mettrez une autre de pareille hauteur de bonne terre, une autre de marc de vendange, une de fumier de mouton, une autre de fumier de pigeon & une autre de vache, y mêlant les tiges & les feuilles des citrouilles, concombres & melons, même leurs fruits gâtés & pourris, continuant à mettre alternativement une couche sur l'autre, jusqu'à ce que la fosse soit remplie ; puis ayant jeté quantité d'eau dessus, vous l'acheverez de couvrir de terre, & la laisserez deux ans se consommer & pourrir, ayant soin d'ôter les herbes qui croîtront dessus en abondance. Il sera bon de faire la fosse en un lieu frais, ou proche d'un puits, afin de la pouvoir arroser pour la faire pourir plus tôt, & empêcher que le fumier ne se brûle faute d'humidité ; & par ce moyen vous aurez au bout de deux années un fient gras & bien pourri, qui servira d'un excellent remède aux arbres malades, & d'un grand secours aux plus vigoureux. Il seroit bon d'en faire tous les automnes, afin d'en avoir toujours de bien consommé & pourri ; mais ceux surtout qui aiment ou qui ont charge des orangers, citronniers & autres plantes rares qui se mettent dans des caisses, & qui par conséquent ont besoin d'une grande nourriture, n'en doivent pas être dépourvus, puisqu'ils la trouveront suffisamment dans cette sorte de fumier. Que rien ne se perde donc ; & que tout ce qui pourra être employé en fients soit recueilli aussi soigneusement que le mérite l’utilité qu'ils apportent, & spécialement les fruits pourris, & qui tombent avant d'être mûrs ; car ils serviront aux mêmes arbres, ou à d'autres semblables, d'une nourriture propre à leur nature.

Chaque sorte de fient étant séparée, doit être mise en monceau par un affaissement soigneux, qui aidera & avancera la pourriture. Le plan de la terre où ils feront amoncelés doit être un peu concave & ferme, afin que leur jus ne se perde quand il viendra à couler. Pour cet effet, il ne faut pas que les fients soient mis en un lieu penchant, ni dessous les gouttières des maisons, de peur que l'abondance d'eau ne les lave & n’emporte leur bonté ; celle des pluies suffit pour contribuer à leur pourriture. Les fients les plus pourris sont les meilleurs pour augmenter la vertu productive de la terre, & s'il étoit possible d'attendre leur perfection, on ne devroit les employer que la troisième année, & alors ils ne produiroient que de bons effets, tous les inconvéniens qui sont dans les fients nouveaux étant


passés, comme la puanteur de leur pourriture, qui donne mauvaise odeur & mauvais goût, & leur chaleur excessive qui rend la terre intempérée, tue les plantes, & engendre des animaux qui les mangent.

Cependant les fients nouveaux ne feront pas inutiles, les uns servant d'un bon remède aux arbres, les autres préservant les plantes de la rigueur du froid. ; ceux-ci faisant germer les graines, ceux-là chassant les mauvaises brouées, & donnant à la terre des secours très-profitables. Nous avons déjà dit que les fients à demi-pourris servent à préparer & à échauffer les terres argilleuses trop pressées & trop froides ; & quand ils sont achevés de pourrir, ils leur distribuent leur sel & leur vertu. La meilleure saison pour les employer est l’automne ; car alors le fient est dissous en terre par les pluies qui surviennent ; & durant l'hiver il est préparé pour la production qui se fait au printems, étant bien mêlé par les labourages.

On le peut aussi employer au printems, lorsqu'on prépare la terre pour les semences & les plantes ; mais l’été il est séché trop soudainement par la chaleur véhémente qui empêche sa vertu, & sa propre chaleur le rend intempéré par celle de cette saison. (Extrait du Traité du Jardinage.)

FILAMENT ; c'est un petit fil long & délié, tel que les racines menues & alongées que les fraisiers poussent sur la terre.

FILANDRE, FILANDREUX. Ces termes, dans les plantes, se disent de tout ce qui a la forme d'un fil, ou qui se tire & s'allonge comme des fils. Ainsi l'on dit, en parlant de la coupe & de la taille des branches, qu'elles doivent être nettes & aucunement filandreuses.

FILTRATION ; c'est l’action de couler une liqueur à travers quoi que ce soit, pour la clarifier. La nature a établi dans les plantes une sorte de filtration pour spiritualiser la seve, afin qu'elle puisse s'insinuer jusque dans les moindres plis, ceux même des feuilles. Cette même action de filtrer appartient à quantité de parties internes des plantes, mais plus spécialement aux feuilles, dont le ministère est d'épurer & de filtrer la seve.

FLÉAU ; instrument dont l'usage est de battre le grain. (Voyez planche XVI.) Il est composé de deux bâtons d'inégale longueur, attachés avec des courroies l'un au bout de l'autre ; le plus long sert de manche. Les jardiniers emploient le fléau pour battre les pois, les haricots, les lentilles, les sèves de marais. Un ton crochu suffit pour les autres légumes. (Voyez Batteur en grange.)

FLÉCHIR. En terme de jardinage on dit qu'un arbre fléchit, pour signifier qu'il dépérit.

FLEUR ; partie de la plante qui contient les organes de la fructification. Elle est composée d'une tige ou queue, d'un vase ou calice, ainsi que de petites feuilles qui forment la figure & qui donnent les couleurs & les odeurs. Toute fleur est faite pour devenir fruit ou graine, ou pour leur servir de préparation. On appelle fausses fleurs celles qui par elles-mêmes ne nouent jamais. Cependant ces fausses fleurs contiennent ce qu'on appelle des poudres séminales, comme les chatons d'arbres à brou.

Il y a aussi des fleurs qui sont stériles dans certaines plantes, sur-tout dans celles qui se multiplient par la voie des boutures, des rejetons & des marcottes.

FLEURAISON ; c'est le tems où les arbres & les plantes sont en fleurs.

FLUTE ; on appelle greffe en flûte celle qui se fait par le dépouillement entier de la peau du sujet qu'on applique sur la branche qu'on veut greffer ; & à raison de ce que cette peau ainsi dépouillée d'une seule pièce est ronde & creuse, on lui a donné le nom de flûte.

Flute ; (taille en bec de) cette façon de tailler les arbres est commune, quoique les bons jardiniers la regardent comme vicieuse.

FOLIOLE ; petite feuille qui accompagne les grandes. Les folioles sont attachées à une queue commune,& forment les feuilles composées.

FONDRE, se fondre ; on dit dans le jardinage qu'une plante se fond quand elle dépérit peu-à-peu & qu'elle devient à rien.

FONDS ; c'est le terroir, le sol dans lequel on élève des plantes, lorsqu'il est bon & qu'il a été bien préparé.

FONGUEUX ; ce terme se dit d'un corps qui participe de la nature du champignon, & qui a des parties spongieuses & cellulaires dans toute sa substance. Il s'applique principalement au champignon formé sur les chênes, & de leur substance. Ce sont des excroissances vicieuses d'un suc dégénéré qui s'extravase & qui se coagule à l'air. Ces épanchemens de sève n'apparaissent que sur des branches & des arbres caducs, & toujours à l’endroit de leur adhérence l’écorce de l'arbre est desséchée.



FORCES ; ce sont de grands & forts ciseaux dont les jardiniers se servent pour tailler les buis & palissades. (Voyez Ciseaux)

FORT ; (arbre) c'est un arbre vigoureux qui pousse quantité de belles & grosses branches. Une terre forte, est celle qui est compacte, argilkuse & difficile à cultiver.

Fort des racines ; c'est l'endroit où elles sont dans leur grosseur formée. Il faut avoir attention, quand on plante, de ne point couper les racines dans leur fort.

Le fort des branches d'un arbre est l'endroit mitoyen entre leur grosseur formée, & celui où elles commencent à diminuer.

FOSSE à fumier ; c'est un trou plus ou moins grand fait dans la terre, ordinairement dans les basse-cours, pour plus grande commodité ; on y dépose toutes les ordures qui peuvent faire du fumier, on y jette les légumes montés, les mauvaises herbes, les fleurs fanées,qui s'y consomment & forment un très-bon terreau pour l’année suivante. Ces fosses sont nécessaires, & d'un grand usage dans l'exploitation des terres.

Fosses ; on appelle ainsi les trous que creusent les vignerons pour y provigner la vigne.

FOUET-RÊNES ou Fouet-guide pour la charrue. (Voyez Charrue de Norfolk).

FOUGUE ; c'est la force & la vigueur qu'on remarque dans la pousse de certains arbres. Le moyen d'arrêter cette fougue, qui pourroit être nuisible, c'est de laisser travailler ces arbres sans les tailler pendant un an. Mais c'est agir contre nature que de vouloir réprimer leur fougue, comme il n'est que trop souvent pratiqué, soit en coupant les grosses racines, soit en faisant un trou de tarière dans leur tronc, & y chassant à force une cheville. Il y a même des jardiniers qui, non contenî de tourmenter ces arbres fougueux dans le sein de la terre, les récèpent pour leur faire pousser de nouveau bois ; ce qui tourmente ces arbres en pure perte, & souvent les fait dépérir.

FOUILLE ; ouverture faite en terre, soit pour une plantation d'arbres, soit pour un fossé, un canal, un mur, &c.

FOURCHE ; morceau de bois pointu par le bas pour s'enfoncer en terre, & garni par le haut de deux branches en forme d'un V, qui servent de support aux branches des arbres en plein vent trop chargés de fruits.

La fourche en bois a deux dents longues & pointues ; elle sert à retourner le bled sur l’aire, ou le fourrage dans les prés.

Fourche de jardinier ; instrument de fer composé d'une douille & de trois fourchons ou branches pointues, un peu recourbées en-dedans & longues d'environ un pied. Cet instrument, garni d'un manche long de trois à quatre pieds, sert à remuer les fumiers, soit pour en charger la hotte ou le bât, soit pour faire les couches. Il sert encore à herser ou remuer & rompre les mottes de la terre nouvellement ensemencée de graines potagères, & les faire par ce moyen entrer au-dessous de la superficie, où elles doivent, germer.

Fourche de labourage ; c'est un instrument champêtre aussi à trois dents de fer, nommés fourchons, & à douille, comme les fourches ordinaires à fumier, mais dont les fourchons sont tout differens. Ils ne sont point si pointus, si écartés, ni si menus : ils sont aussi moins courbés, mais autrement forts. Ces fourches dont est question, sont en usage dans bien des provinces. Rien de mieux pour travailler les terres mattes & caillouteuses, sur-tout pour la transplantation des arbres, & pour labourer leurs pieds sans endommager les racines. Cette fourche de labourage en quarrée de chaque côté de la douille, de sorte qu'on peut poser le pied dessus comme sur une bêche, afin de la faire entrer en terre. Au bout de son manche est un morceau de bois posé en travers, que l'ouvrier qui lève un jeune arbre appuie contre son estomac, pour avoir plus de force. (Voyez pl. XXIV, fig. 24).

FOURCHÉ ; (arbre) c'est un arbre qui par l'extrémité se sépare en deux ou trois branches.

FOURCHER ; terme de jardinage : c'est pousser à l'extrémité de la branche taillée d'un arbre, d'autres branches latérales ; ces branches peuvent être nécessaires pour garnir deux côtés opposés., soit en espalier, soit en buisson ; il faut prendre garde à tailler avec tant d'industrie que, si on a besoin de deux branches, & que la branche taillée en puisse faire deux, elles fourchent si bien qu'on les puisse conserver l'une & l'autre, bien entendu qu'en taillant, il ne faut jamais en laisser à l'extrémité de la mère-branche deux nouvelles de même longueur, en sorte qu'elles fassent une figure de fourche, qui seroit désagréable. (Dict. économ.)

FOURCHETTE ; petit morceau de bois plat, taillé à dents & à plusieurs étages, que l'on place sous les cloches de verre d'un jardin pour les élever & donner de l'air aux plantes.



FOURRÉE ; (branche) c'est, dans le palissage, une branche d'arbre fruitier que le jardinier fourre par-derrière d’autres branches pour s'épargner la peine de la palisser ; ce qui nuit nécessairement à la fructification.

FRANC ; (arbre) c'est un arbre qui produit du fruit doux sans avoir été greffé, comme le noisetier franc. Il est l’opposé de sauvageon.

Franc ; (bois) ce terme se dit du bois des arbres & de leurs branches quand il est bien nourri & qu'il a une belle écorce. Une branche qui est franche est celle qui n'a ni chancre, ni contusion, ni nœud, & qu'on peut plier sans danger de la casser.

On dit pied franc en jardinage, quand, au lieu de faire une fouille le long du mur, à l'aplomb, même du mur, on laisse un pied de terre au mur sans le fouiller, afin de ne le point endommager ni l’ébranler.

Franc se dit des greffes. Un poirier greffé sur un sauvageon de poirier s'appelle franc, à cause qu'il est greffé sur un arbre de la sorte. Au contraire, on dit sur coignaffier quand il est greffé sur un sauvageon de coignassier.

Franc sur Franc. Ces expressions conviennent aux arbres déjà greffés qu'on regreffe : de tels arbres font des arbres prodiges & donnent des fruits monstrueux, sur-tout quand ils sont regreffés six, sept & huit fois, même au-delà, en changeant toujours l’espèce.

FRANCHE ; (terre) c'est une terre qui a toutes les qualités requises pour la végétation des plantes.

FRETIN ; terme d'agriculture : ce terme se dit de tout ce qui est dans les arbres mal conditionné & presque inutile ; comme toutes les branches menues & chiffones ou usées de vieillesse. Il faut à la taille ôter tout le fretin des arbres, toutes lesbranches dont on ne peut espérer ni fruit ni belles branches.

FRICHE ; ce terme se dit également d'un terrain vague & abandonné, & d'une terre qu'on laisse quelque tems en friche, c'est-à-dire sans la cultiver.

FRUCTIFICATION ; c'est la formation du fruit.

FRUIT ; (mettre à) c'est seconder la nature, en taillant un arbre le moins qu'il est possible ; mais en évitant cependant la confusion.

FRUITIER ou Fruiterie ; lieu où l’on serre les fruits. La grandeur du bâtiment, sa position, son exposition, la hauteur du plancher, l'épaisseur convenable des murs, les ouvertures des portes & des croisées, la propreté, les tablettes & les distances entr'elles, ainsi que leur largeur, le transport & l'arrangement des fruits sont toutes choses qui doivent concourir pour former une bonne fruiterie.

Voici les conditions que doit avoir une fruiterie pour être bonne :

1°. Elle doit être impénétrable à la gelée. Le grand froid est très-dangereux aux fruits ; . ceux qui ont été une fois gelés, ne sont plus bons qu'à jetter.

1°. Une fruiterie doit être exposée au midi, ou au levant, ou du moins au couchant ; l'exposition du nord lui seroit pernicieuse.

3°. Les murs doivent être pour le moins de vingt-quatre pouces d'épais ; une moindre épaisseur ne garantiroit pas des fortes gelées.

4°. Les fenêtres doivent avoir de fort bons chassis doubles, faits de papier, & bien calfeutrés. Ils garantissent mieux que le verre. Il faut aussi qu'il y ait une double porte pour l'entrée, en sorte que jamais, dans les tems de gelée, l'air froid de dehors ne puisse avoir liberté d'entrer, car il détruiroit l'air tempéré qui est au-dedans. On ne sauroit avoir trop de précaution la-dessus ; il ne faut qu'une petite ouverture néglige pour faire en une nuit de gelée un désordre infini.

L'on n'approuve nullement que l'on fasse du feu dans la fruiterie. Un bon & grand thermomètre, placé en dehors de la fruiterie à l’exposition du nord, est, durant la gelée, utile & même nécessaire. Il faut juger que le péril est grand quand deux nuits de suite, ce thermomètre continue d'être au cinquième ou au sixième degré au-dessous de zéro. Une première nuit peut n'avoir point fait de mal, une deuxième doit faire tout craindre : ainsi dès le lendemain d'une premier nuit fâcheuse, servez-vous de bons matelats ou de bonnes couvertures de lit bien velues, ou de beaucoup de mousse bien sèche, pour mettre vos fruits si bien à couvert que la gelée ne puisse y atteindre. Si même vous avez une bonne cave, faites les y porter, pour ne les y laisser que pendant le grand froid. En tous ces cas, prenez soin de remettre les fruits dans leur serre ordinaire, dès que le tems est radouci, & continuez d'ôter ceux qui sont mûrs & ceux qui se gâtent. La pourriture est un des fâcheux accidens à craindre pendant que les fruits sont hors d'état de pouvoir être souvent visités l’un après l'autre.


5°. Après, avoir été muni contre le froid, il faut vous étudier à garantir les fruits contre le mauvais goût, le voisinage du foin, de la paille, du fumier, du fromage, de beaucoup de linge sale, sur-tout de linge de cuisine, sont extrêmement à craindre : ainsi il faut que la fruiterie en soit tout-à-fait éloignée. Attendu que certain goût de renfermé, avec une odeur de plusieurs fruits mis ensemble, font encore un grand désagrément, il est à désirer que non-seulement la serre soit bien percée, mais encore assez élevée, comme de dix à douze pieds. L'on doit en tenir souvent les fenêtres ouvertes ; c'est-à-dire, aussi souvent que le grand froid n'est point à craindre, soit la nuit, soit le jour : un air nouveau de dehors, quand il est de bonne qualité, faisant des merveilles pour purifier & rétablir celui qui est renfermé depuis long-tems.

6°. Un rez-de-chaussée convient très-bien pour une fruiterie. Le fruit se conserve aussi parfaitement dans une cave sèche. Au premier étage, & dans les lieux plus élevés, il avance trop. Enfin, on peut regarder comme certain qu'une bonne fruiterie doit être un peu enfoncée en terre ; en sorte qu'elle soit fraîche & sèche & qu'il n'y gêle pas, & que les rats ne puissent y entrer. Les fruits y étant arrangés sur des tablettes, peu de jours après on les voit couverts d'humidité ; les jardiniers disent que ces fruits ressuent. Alors il faut laisser les croisées ouvertes pour qu'ils dessèchent. Ensuite, par un beau tems, on ferme exactement toutes les croisées, n'en laissant d'ouverte qu'une petite, afin de voir assez clair pour ôter les fruits qui se pourriront. On enveloppe les plus beaux dans du papier & on les conserve dans des armoires.

On sent que la serre doit être souvent visitée de celui qui en est chargé, ce qui arrive rarement quand elle n'est point commodément placée.

7°. Il faut que, dans une fruiterie, il y ait beaucoup de tablettes enchâssées les unes dans les autres, afin d'y loger les fruits séparément ; les principaux dans le plus beau côté, les poires à cuire dans le moins beau, les pommes encore à part. La distance raisonnable de ces tablettes doit être de neuf à dix ponces, avec une largeur convenable pour chacune, qui soit d'ordinaire de dix-sept à dix-huit pouces, pour y en loger beaucoup ensemble & en voir beaucoup d'une seule vue. Si les planches sont portées sur des poteaux & isolées, on a la commodité de visiter les fruits des deux côtés des tablettes.

8°. Il faut que ces tablettes soient un peu en pente vers la partie de dehors, c'est-à-dire d'environ trois pouces dans leur largeur, & qu'elles soient bordées d'une petite tringle d’environ deux doigts, pour empêcher les fruits de tomber. On ne voit pas si bien d’un coup-d'œil tous les fruits d’une tablette, quand elle est de niveau ; on ne s’apperçoit pas si aisément alors de la pourriture qui survient à quelques fruits, & qui se communique à leurs voisins quand on n’y remédie pas d’abord.

9°. Cette pourriture à craindre oblige pour neuvième condition que, sans y manquer . on visite au moins chaque tablette de deux jours l’un, pour ôter exactement tout ce qui est gâté.

10°. On demande pour dixième condition, que les tablettes soient garnies de mousse bien sèche ou d’environ un pouce de sable fin, afin que chaque fruit posé sur sa base, c’est-à-dire sur la partie où est l’œil, se fasse une manière de nid ou de niche particulière qui le maintient droit SeFempêche de toucher à ses voisins ; car il ne faut point souffrir que les fruits se touchent.

11°. Pour dernière condition, on aura grand soin de nettoyer & balayer souvent la fruiterie, d’en ôter les toiles d’araignée, d’y tenir des pièges pour les rats & les souris, & même il n’est pas mal à propos d’y laisser quelqu’entrée secrète pour les chats ; autrement, on a souvent le chagrin de voir les plus beaux fruits attaqués par ces petits animaux mal-faisans. (Extr. du Dict. économ.)

FUMAGE ; c’est l’action de fumer la terre avec les stercorations des animaux. On se sert du fumage de ces excrémens pour remonter par leur moyen les terres qui s’usent & s’épuisent par les diverses productions que nous en tirons.

FUMER ; c’est répandre sur la terre & enfouir ce qui a servi de litière aux animaux domestiques, & qui contient leurs excrémens.

On fume à champ, lorsqu’on couvre de fumier toute la superficie d’un quarré ou d’une plate-bande.

Fumier à vive jauge, c’est creuser des tranchées où l’on fait entrer une bonne épaisseur de fumier. C’est ainsi qu’on fume les arbres en les dégorgeant, & mettent autour de leur tronc du fumier qu’on n’enfouit souvent qu’au printemps.

FUMIER. Il faut distinguer le fumier de l’engrais. On appelle fumier les stercorations des animaux, parce qu’effectivement soit qu’on les lève de dessous les animaux, soit qu’on les entasse en les déposant quelque part que ce soit, ou en les remuant, elles s’échauffent & rendent de la fumée ; mais ce qu’on appelle engrais sont


les terres neuves, les gazons, les feuilles pourries, les terreaux, les balayures, vanures, les marnes, les boues des chemins, la vase des étangs, des pièces d’eau des jardins & des mares desséchées ou écurées, les bêtes mortes, les tripailles de boucheries, &c ce sont là des engrais ; mais ce ne sont pas des fumiers ; toutes ces choses ne s’échauffent pas jusqu’à rendre de la fumée.

Le fumier neuf est celui qu’on a récemment tiré de l’écurie & qui est plein de chaleur ; elle diminue à proportion de son séjour. On dit qu’il est consommé lorsqu’il est bien pourri ; en sorte qu’on n’y voit presque plus de vestige de paille. On ne doit l’employer que quand la fermentation est bien établie ; il faut même attendre qu’il ait acquis un certain degré de putréfaction qui s’annonce par une odeur de sel alkali qui s’en élève. Ce fumier est le principal ressort de Fagriculture & du jardinage.

Le fumier des couches où l’on a élevé des laitues, des premières raves, ou des asperges de primeur est bon à mêler avec du fumier neuf en plus ou moins grande quantité, pour former de nouvelles couches dans le mois de janvier.

Le fumier neuf de cheval est susceptible d’une chaleur très-considérable ; c’est pourquoi lorsqu’on en fait des couches, on y plonge un thermomètre pour n’y mettre des plantes que quand le feu est assez diminué, pour que les plantes ne soient pas endommagées. Du reste, la chaleur du fumier est une des plus réglées & plus égales : on le regarde même comme approchant beaucoup du degré de chaleur qui nous est naturel.

Quand on fait des couches avec le tan au lieu de fumier, la chaleur en est plus durable.

Lorsqu’on charrie le fumier sur les terres, il faut le décharger en petits monceaux plus ou moins éloignés les uns des autres, selon la quantité qu’on en a ; & quand on voudra l’étendre, il ne faudra point tarder de l’enterrer au plus tôt. C’est une bonne pratique d’attendre qu’on soit prêt à semer, de crainte que, demeurant trop long-temps, il ne vînt à se dessécher par le hâle, ou n’être lavé par les pluies. Il faut avant de le couvrir de terre le bien disperser, çà & là, le plus également qu’il sera possible, & ne pas se contenter pour cette opération de jetter cet engrais avec la fourche ou le crochet ; il est à propos de ne point dédaigner de le prendre quelquefois avec les doigts, pour le diviser & le répandre bien menu sur le champ.

FUTAILLE ; tonneau ou barril de merrain, qui sert à mettre du vin ou autres liqueurs. Il y a nombre d’endroits où l’on nomme indistinctement futaille tout barril qui est neuf ou qui a servi.

Suivant leur grandeur & jauge, on appelle les futailles, tonneaux, barriques, pipes, busses, tonnes, feuillettes, queues, demi-queues, muids, demi-muids, quartaux, tiersous, &c.

FUTAYE ; arbres de tige, tels que chênes, hêtres, charmes, tilleuls, &c. qu’on a laissés parvenir à toute leur hauteur sans les abattre.

Une jeune futaye est un bois qu’on laisse s’élever en futaye.

Quand ce bois est parvenu à la moitié de sa hauteur, on le nomme demi-futaye & haute-futaye lorsqu’il est à toute sa grandeur.

Un semis qui n’a jamais été coupé forme une futaye de brins.

Des brins reproduits d’anciennes souches & qu’on laisse croître sans les abattre, deviennent une futaye sur taillis.

On appelle futaye basse, rabougrie, celle dont les arbres sont tortus & de mauvaise venue.

La pleine futaye a ses arbres fort près les uns des autres, & tous sont d’une belle venue.

On nomme quart de futaye ou hauts taillis, le bois qui revient dans les hautes futayes coupées en âge, depuis vingt jusqu’à trente ans.


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G

GALE ; maladie qui se manifeste sur la peau des arbres, où elle produit des chancres. La gale s'annonce aussi par des rugosités qui s'élèvent sur l'écorce des branches, sur les feuilles & sur la peau des fruits. Son principe est l'humeur âcre a une sève crue & mal digérée ; elle est aussi occasionnée par les mauvais vents, la grêle, le gîvre que le soleil fond, & qui se regèle.

Les suites de cette maladie sont de rendre la peau raboteuse, noirâtre & pleine de petites croûtes qui s'écaillent. Les pluies en s'insinuant dans ces vides & dans, ces cavités, causent aux arbres un préjudice notable ; plus la peau est tendre & mince, plus elle est sujette à cette sorte de maladie. Quand on ne remédie pas à la gale, elle fait mourir peu à peu les branches, elle empêche la fécondité des arbres & leur cause un grand préjudice. Un simple enduit de bouze de vache est le plus excellent antidote qu'on puisse employer contre la gale.

Gale ; tubérosité ou excrescence que les mouches font naître aux jeunes tiges des arbres & à leurs feuilles qu'elles piquent pour y déposer leurs œufs ; des vers qui en sortent vivent dans ces gales & y croissent jusqu'à leur transformation en insectes, pareils à ceux qui les ont fait naître.

Gale-insecte ; nom qu'on a donné à certains insectes à six jambes qui s'attachent à des arbrisseaux, & qui se fixent toute leur vie au même endroit. Ils s'y nourrissent, ils y grossissent & y forment une boule rouge, noire ou couleur de marron, grosse comme un pois, laquelle ressemble moins à un insecte qu'aux productions nommées gales. On trouve beaucoup de ces gale-insectes en Languedoc, en Provence, en Espagne, en Portugal sur des chênes verds de petite espèce.

GARNI ; on dit qu'un espalier est bien garni lorsque les arbres couvrent de leurs branches la totalité du mur ; un buisson est, dit-on, mal garni, quand il y a des vides dans sa circonférence.

GAZON vif & tout saignant ; on nomme de la sorte tout gazon levé & employé sur le champ, soit pour remplir les trous des arbres, soit pour gazonner quelqu'endroit. Il faut ne lever de gazon que jusqu’à la concurrence de la consommation actuelle ; c'est le moyen de le faire reprendre facilement & promptement.

Le gazon nouvellement levé est un des plus puissans engrais.

GAZONNER ; c'est plaquer du gazon dans un parterre, autour d'un bassin, ou ailleurs.

Pour gazonner, on coupe dans quelque pelouse pleine d'herbe fine, le dessus par pièces quarrées de l'épaisseur d'environ trois pouces, sur environ, un pied de largeur, & à peu près un pied & demi de long ; & avec la bêche ou la houe, on sépare le dessus d'avec le fond, puis on va les placer promptement à l'endroit qu'on veut gazonner.

Le terrain doit être dressé & au moins gratté à la superficie, s'il n'est pas labouré, avant de gazonner.

C'est avec le gazon que l'on fait les tapis des jardins, des massifs, & compartimens de parterres. On en garnit aussi des bassins, des pieds de palissades, &c.

On bat le gazon pour qu'il soit plus uni & qu'il ne se sépare point de la terre qui est dessous ; il faut aussi avoir soin de l’arroser, & de le tondre souvent, afin qu'il soit toujours uni & d'un beau vert. Il se tond avec la faux.

Les beaux gazons d'Angleterre, nommés boulingrins en françois, sont faits d'un petit chiendent à feuilles très fines & déliées. On les roule souvent, on les tond aussi à la faux, comme les autres, mais à fleur de terre & très-fréquemment ; on y met encore quelquefois le bétail. Il n'y a peut-être point d'autres herbes qui pussent résister si long-temps à être souvent rognées de si près.

On a grand soin d'arracher toutes les herbes qui ont les feuilles larges & qui pourroient gâter les gazons.

Dans les travaux militaires on revêt quelquefois un talus ou glacis avec des gazons coupés à la bêche, par mottes pointues, qu'on assied sur du clayonnage & des fascines pour empécher l’éboulement ; on les nomme gazons à queue. Cette pratique peut être utile à la campagne.

(Extrait du Dict. Econ.)

GELÉE ; en glaçant & augmentant le volume de l'eau dont la terre est pénétrée, les gelées divisent puissamment la terre & lui donnent une excellente façon ; elles en cuisent pour ainsi dire les mottes ; c'est pourquoi, s'il survient de l'humidité ensuite, ces mottes fusent, en quelque façon, comme de la chaux, & se réduisent en poussière. (Extrait du Dict. Econ.)

GELISSURE ou Gelivure ; nom qu'on donne, à des fentes ou gerçures des arbres, occasionnées dans le bois par la grande gelée.

GENOU ; nom qu'on donne aux nœuds des tiges des plantes légumineuses : ces nœuds placés d'espaces en espaces servent à les fortifier.

GENOUILLÈRE ; terme nouvellement introduit dans le jardinage, pour signifier l’opération de courber le pivot des plantes, en lui faisant prendre la figure du genou quand il est plié. Au moyen d'une telle attitude, dit Schabol, ce pivot, au lieu de plonger en terre, devient racine horizontale. C'étoit une pratique universellement observée dans le jardinage de toujours couper le pivot, à quoi que ce soit qu'on plante. Le prétexte de cette pratique meurtrière, surtout pour les arbres, étoit le peu de fonds de certains terrains où l'on veut planter ; mais l’invention de la genouillère outre qu'elle sauve aux plantes une opération cruelle, facilite toute plantation dans les terrains les plus ingrats, & elle est infaillible.

GERBÉE ; paille longue, battue sur une espèce de ballot, qu'en plusieurs endroits on nomme un poinçon.

Cette paille ainsi battue sert aux jardiniers pour lier les légumes ; aux vignerons pour accoler les vignes.

GERÇURE ; fente ou crevasse qui se fait dans l’écorce des arbres, comme celle que le froid occasionne souvent sur notre peau.

GERMINATION ; c'est le développement des parties constitutives d'une plante par l'entremise des sucs de la terre, & toutes les autres causes concurrentes de la végétation.

Il y a dans la germination une double action, l'une de la part de la terre, l'autre de la part de la graine. A ce double concours, il faut que l'air intervienne, sans le secours duquel nulle germination ; il faut aussi préparer la terre avant que de semer, & ensuite lui donner toutes les façons requises jusqu'à ce que la graine arrive à sa perfection.

GIVRE ; brouillard qui se gèle sur les branches des arbres, en sorte qu'elles semblent être chargées de neige.

Le givre n'étant qu'une glace superficielle, il fait moins de tort que le verglas ; mais il charge quelquef les branches, au point de les faire rompre.

GLACIS. Dans le jardinage, c'est un terrain disposé en pente, qui est plus alongé du bas & plus reculé oisdu haut.

Le glacis est ordinairement revêtu de gazon ; sa pente est beaucoup plus douce que le talus, sa proportion étant au-dessous de la diagonale d'un quarré.

Il y a des glacis dégauchis qui sont talus dans leur commencement, & glacis assez bas en leur extrémité, pour raccorder les differens niveaux de pentes de deux allées parallèles.

GLAISE. C'est une terre matte, épaisse, gluante & condensée. Ses parties rapprochées les unes des autres ne permettent point l'entrée ni la sortie à l'air & à l'eau, ou que très-difficilement ; par conséquent, elle n’est aucunement propre à la végétation par elle-même ; elle est d'ailleurs froide, dépourvue de soc, & retenant les humidités ; elle fait pourrir les racines. Elle se pétrifie au soleil & au hâle. Elle donne d'ailleurs un mauvais goût à toutes les productions de la terre. (Voyez Argille pour les moyens de bonifier la glaise. Voyez aussi l'art. Sable.)

GOBETTER. C'est, dans le jardinage, couvrir une couche de quelques pouces de terreau qu'on bat ensuire avec le dos d'une pelle.

GOMME, GORME, ou GOURME. Termes synonymes dans le jardinage qui signifient le suc naturel des plantes, qui se fige lorsqu'il est hors de ses conduits. De cette gomme viennent les gerçures, les crevasses, les chancres, & autres fuites qui ruinent un arbre & le font périr. Mais la gomme n'est point nuisible aux arbres quand on l’ôte à mesure & qu'on ne lui donne pas le tems de caver. Il faut donc ne point laisser amasser la gomme, & ne l'ôter qu'après une humidité ou une rosée abondante.

La gomme n'est point si dangereuse sur les abricotiers & pruniers que sur les pêchers. Elle vient souvent d'une taille trop retardée, comme seroit à la mi-avril, ou trop prématurée, comme en janvier, ou dans les premiers jours de février, ou lors d'une forte gelée.

La gorme ou gourme se dit particulièrement de ce suintement de la sève qui s'attache aux nouvelles pousses, sur-tout aux pêchers. Elle forme sur les feuilles & sur les branches des taches livides & couleur de canelle. Le remède est de couper les bourgeons à un œil au-dessous de l'endroit malade ; sinon cette maladie devient contagieuse. Elle vient des brouillards & des fortes gelées du printems.

GOURMANDS, ou Branches gourmandes. Ce sont des branches ou des rameaux des arbres qui sont produits par la nature avec une capacité plus grande, pour contenir plus de sève que les branches ordinaires. Le jardinier intelligent trouve le secret de former son arbre par le moyen de ces branches gourmandes, & d'avoir des arbres prodigieux en étendue & en grosseur, produisant des fruits à l’infini.

On a qualifié ces branches de gourmandes, à cause qu'elles prennent toute la substance & affament leurs voisines. Si dans les arbres taillés & bien conduits on élague des gourmands, c'est par nécessité, & quelques-uns seulement.

Les demi-gourmands sont des branches moins fortes que les gourmands, mais plus nourries que les branches ordinaires, & qui affament aussi leurs voisines.

On distingue les gourmands naturels, tels que les précédens, & les gourmands artificiels que l'industrie du jardinier fait naître.

GOUSSE. C'est l’enveloppe des plantes légumineuses. Cette enveloppe est oblongue, compilée de deux paneaux unis par une suture longitudinale, & qui se séparent par la maturité. A leur limbe supérieur les semences sont attachées alternativement.

GRADIN. C'est, dans le jardinage, une élevation de terre composée de plusieurs degrés en forme d'amphithéâtre. On en fait aussi en maçonnerie, en bois, en gazon, pour y placer des caisses & des vases garnis de fleurs.

GRAIN. Fruit & semence qui vient dans les épis. On divise les grains en gros & en menus. Les gros sont le froment & le seigle destinés à la nourriture de l'homme. Les menus se sèment en mars, comme l'orge, l'avoine, la vesce, le sarasin, & autres réservés pour les animaux.

On appelle aussi grains, de petits fruits que produisent certains arbres & arbrisseaux, & qui leur servent de semence, tels que le raisin, la grenade, le genièvre, la moutarde.

GRAINE ; semence que produisent les plantes & qui sert à la conservation de leur espèce, après qu'elles ont produit leurs fleurs & leurs fruits. Chaque graine, quelque petite qu'elle


soit, contient son arbre, quelque grand qu’il puisse être. On distingue les graines potagères, les graines à fleurs, & les graines d'arbres.

Il y a des graines à coquilles, comme noix, noisettes, noyaux. D'autres sont à simple peau, & c'est le plus grand nombre. Il en est qui ont un brou, tels que les marons & les châtaignes. Quelques-unes sont renfermées dans le centre des fruits, comme sont tous les pépins des arbres & ceux des citrouilles, concombres, melons & autres. Enfin il y a des graines qui au lieu d'être partagées en deux, ainsi que le plus grand nombre, sont d'une seule pièce, comme le bled, le seigle, l'avoine, & leurs semblables.

On appelle encore graines ou grenailles celles qui sont employées à notre nourriture & à celle des animaux domestiques ; savoir, pois, sèves, lentilles, séveroles & autres, &c.

GRAIS ou GREZ ; espèce de roche formée par la combinaison & l'assemblage de plusieurs grains de sable ou sablon.

Il y a du grais dur qui sert pour paver, & du tendre pour bâtir.

Le grais est propre à aiguiser les outils de fer ou d'acier. Sa poudre sert à écurer.

GRAISSER les machines. Il est absolument nécessaire de graisser les grandes machines, telles que sont les roues des moulins, des carrosses, chariots & charrettes, les vis des pressoirs, &c. Si on le négligeoit, il arriveroit que l'essieu, par exemple, venant à frotter contre le dedans du moyeu de la roue, il en enleveroit peu-à-peu grand nombre de parties ; particulièrement en tems de pluies où le moyeu se gonflant, approcheroit l'essieu de plus près, & ensuite venant à se resserrer pendant la chaleur, son diamètre ne se trouveroit plus rempli par l'essieu, & le mouvement de la voiture deviendroit plus irrégulier & plus difficile.

Pour graisser un mouvement de bois, il suffit de le frotter avec du savon.

On graisse les essieux des grandes machines & ceux des voitures avec de l'oing, c'est-à-dire, la graisse qu'on ramasse autour des intestins du cochon. Quand on l’a laissé un peu pourrir, elle devient plus coulante ; puis on la pile, & elle prend le nom de vieux-oing.

Dans quelques cantons on graisse les roues avec du goudron.

GRANGE ; lieu où l'on serre les récoltes de grains & où on les bat. On distingue dans la grange l’aire & les travées. L'aire est au milieu, les travées sont à chaque côté de l’aire. On entasse les gerbes dans les travées, & on bat le bled dans l'aire.

La grange doit être bâtie sur un terrain plus élevé que la cour, & il est bon que la porte soit exposée au soleil levant.

GRAPIN ; c'est une sorte de croc qui sert à attacher & à retenir. On désigne aussi par ce mot les liens & les attaches que la nature a donnés à la vigne-vierge, au lierre, pour s'accrocher par-tout, & à quantité d'autres plantes semblables.

GRAS ; terme d'agriculture synonyme de fertile. On dit un pâturage gras, un terrain gras. Les terres fort grasses tiennent de l’argile.

GREFFE ; opération qui consiste à unir une plante ou partie d'une plante à une autre de la même famille pour faire corps avec elle.

On pratique différentes sortes de greffes dont nous ne pouvons donner une idée plus juste & plus précise qu'en rapportant textuellement le petit traité sur les greffes en usage, extrait de l'excellent Manuel du Jardinier, qu'on trouve chez Dufart, libraire à Paris.

Des Greffes ou Antes.

La greffe sert à multiplier & à conserver sans altération les individus des espèces précieuses, en faisant adopter par un sauvageon une branche ou les rudimens d'une branche d'arbre franc. Elle se fait en diverses manières & en diverses faisons, d'où elle a pris divers noms qui sont : 1°. Les greffes par approche ; 2°. en fente ; 3°. en écusson ; 4°. à œil dormant ; 5°. en écusson à la pousse ; 6°. entre l’écorce & le bois ; 7°. par juxta-position, ou en sifflet, flûte, tuyau, &c.

Cet art a deux secrets dont l’effet est pareil :
Tantôt, dans l'endroit même où le bouton vermeil
Déjà laisse échapper sa feuille prisonnière,
On fait avec l'acier une fente légère :
Là, d'un arbre fertile on insère un bouton,
De l'arbre qui l’adepte utile nourrisson.
Tantôt des coins aigus entr'ouvrent avec force
Un tronc dont aucun nœud ne hérisse l'écorce.
A ses branches succède un rameau plus heureux,
Bientôt ce tronc s'élève en arbre vigoureux ;
Et se couvrant des fruits d'une race étrangère,
Admire ces enfans dont il n'est pas le père.

Delille (Géorgiques.)


De la Greffe par approche.

C'est la réunion de deux troncs, ou de deux branches qui se joignent avec force ; il faut que les troncs des deux arbres soient assez voisins l'un de l'autre & se touchent en grossissant ; & comme la végétation sera égale en force, ils se contre-buttent mutuellement & s'identifient tellement dans l'endroit de leur plus forte réunion, qu'ils ne forment plus qu'un même arbre. La preuve est, que si l'on coupe dans le bas l'un des deux pieds, les parties supérieures végéteront & suivront le cours des saisons. La végétation des deux têtes ne sera pas aussi forte que si les deux pieds subsistoient, parce que les racines du tronc coupées ou supprimées ne porteront plus la sève à leur ancienne partie, & il faudra que celle du tronc qui subsiste, se divise dans les deux têtes, qui languiront pendant quelques années ; mais insensiblement l'équilibre se rétablira par la distribution égale de la sève.

La greffe par approche compliquée s'exécute souvent aussi naturellement que la première. On suppose que le tronc d'un arbre A ait été coupé ou cassé par un coup de vent ; que le tronc d'un arbre voisin, par position naturelle ou forcée, soit couché sur le premier & s'y appuie fortement, il est clair qu'à la moindre agitation du vent, le biseau de l'arbre coupé froissera & écorchera le tronc de l'arbre B à l'endroit de leur réunion La pression & l'agitation de celui-ci endommageront à son tour l’écorce qui couvre la partie du biseau de l'arbre coupé, & le bois restera à nu. Les écorces de ces deux arbres agiront de manière qu'insensiblement les deux arbres n'en feront plus qu'un ; & si l'on retranche le pied de l'un ou de l'autre, la végétation ne sera pas détruite. Cette expérience réussira mieux, si sur le tronc coupé C, on pratique une cavité proportionnée à la grosseur de l'arbre B, & dans laquelle on le fera entrer avec un peu de force, & si on assujettit les deux troncs d'arbres avec une corde, après avoir enlevé l’écorce de la partie qui doit être enchâssée dans l'autre. En général, les méthodes dépendent toujours des arbres voisins.

On pratique aussi la greffe par approche, en taillant le tronc A, en rabaissant le tronc de l'arbre B, en aiguisant celui-ci de deux côtés, & en faisant entrer cette partie aiguisée dans l’incision faite au tronc de l'arbre A ; on peut également supprimer le pied que l'on voudra.

Voulez-vous opérer sur des branches saines, grandes, avantageuses dans la formation des hayes ? Cette méthode consiste à donner à deux branches de grosseur autant égales que faire se peut,, la direction presque horizontale, & dans l’endroit où les branches commencent à diminuer de grosseur, & même plus près du tronc si on le peut ; enlevez une partie de l’écorce & du bois de chacune dans l’endroit où elles doivent se réunir, en ayant soin de vérifier & marquer ce point sur l’une & sur l’autre avant, l’amputation : alors on réunit les deux cavités, on les scelle l’une sur l’autre, & on observe que les bords de l’écorce des deux cavités se correspondent également entre elles, ainsi que le bois de chacune. Avec les doigts de la main gauche, on tient assujetties les deux parties, & avec ceux de la main droite, on les fixe au moyen d’un peu de filasse qu’on roule tout autour ; la laine est préférable, parce qu’elle s’alonge à mesure que le point de réunion grossit. Cette opération finie, on met en terre, à l’endroit de la réunion des deux branches, un échalas avec de la mousse, de la paille, &c. on enveloppe la première ligature ; & par une seconde en osier, paille, &c. on assujettit le tout contre l’échalas ; il ne reste plus qu’à retrancher l’excédent des deux branches, mais on doit laisser au-dessus de la greffe un bon œil, ou bourgeon à chacune. L’échalas maintient les deux branches & empêche que l’agitation imprimée par les coups de vent ou l’élasticité naturelle des branches ne fassent décoller les greffes. Si on est dans le cas de redouter les coups de vent, il faut multiplier les échalas & les assujettir fortement en terre. Par la réitération successive de cette dernière opération, on parvient à former des hayes impénétrables.

De la Greffe en fente.

La greffe par approche dont nous venons de parler, se fait rarement, parce qu’il est rare de trouver des sujets plantes volontairement aussi près des uns des autres que ces opérations l’exigent : la greffe en fente se pratique plus communément & avec plus de fruit ; elle se fait peu de tems avant le premier mouvement de la sève, & réussit bien sur tous les arbres fruitiers, excepté sur le pêcher, l’abricotier, le figuier & le châtaignier : elle consiste à insérer une petite branche garnie de deux ou trois boutons dans une fente quelconque, pratiquée sur une branche forte ou sur un tronc d’un arbre. Il faut choisir une petite branche bien saine, garnie de deux à trois yeux, & l’on coupe l’excédent. La partie inférieure est coupée en manière de coin, très-unie, & l’écorce coupée nettement sur ses bords. On laisse aux deux côté du coin une petite retraite, afin qu’ils portent sur la partie supérieure des lèvres de l’incision. La portion de ce coin, qui doit être insérée dans la fente, doit avoir moins d’épaisseur que celle qui correspondra à l’écorce de l’arbre, & l’écorce doit être conservée des deux côtés du coin. Il faut bien ob-


server que la place de l’arbre dont on veut scier le pied, soit bien saine, que l’écorce soit bien lisse, bien unie ; après avoir fait passer la scie, qui rend raboteuse & hérissée la superficie de la branche ou du tronc, on unit la plaie, de manière que les pores & les couches soient bien unies, parce qu’à mesure que le bourelet des deux écorces se forme, il recouvre plus intimement la coupure, lorsqu’elle est raboteuse.

Il s’agit actuellement d’inférer le coin de la petite branche dans le tronc, si le tronc de l’arbre ou la branche à greffer sont minces. On choisit une branche qui doit être d’un volume à peu près égal, on la coupe en pinule de haut-bois, de manière qu’un peu d’écorce reste des deux côtés, & qu’elle corresponde à l’écorce de la circonférence du tronc ou de la branche, lorsqu’elle y est insérée. Un couteau ou une serpette servent dans ce cas, & suffisent pour faire l’ouverture. A cet effet, on appuie le tranchant de la lame juste dans le milieu de l’arbre ou de la branche, ensuite frappant plusieurs petits coups avec un maillet ou un marteau sur le dos du couteau ou de la serpette, on fend le tronc assez profondément, afin de substituer à l’instrument tranchant, lorsque l’on le retire, un petit coin de bois sec & dur, qui tiendra les deux lèvres écartées & qui facilitera l’introduction de la greffe. On retire ensuite doucement ce coin, lorsque la greffe est bien rangée, & on enveloppe le tout avec de l’onguent de S. Fiacre, ou avec de l’argile, de la mousse que l’on recouvre avec un linge & que l’on assujettit avec de la paille, ou du jonc, ou de l’osier. L’onguent de S. Fiacre est préférable à toute autre substance : il ne le graisse pas, il ne le réduit pas en poussière, la pluie ne le détrempe pas ; & dans, tous les cas possibles, il empêche le contact de l’air qui nuiroit à la plaie. Enfin, lorsque cette plaie est bien consolidée par le tems, on détache les liens & on enlève l’appareil. On fera bien cependant de le conserver sur place jusqu’à l’entrée de l’hiver, si le pays qu’on habite est sujet aux coups de vent.

Lorsqu’on veut opérer sur un tronc de trois à quatre pouces de diamètre, on doit alors placer au moins deux greffes opposées l’une à l’autre.

De la Greffe en couronne.

Elle consiste à scier le tronc ou la grosse branche de l’arbre à la hauteur convenable, de rafraîchir, avec la serpette ou tel autre instrument, le bois meurtri par la scie, ainsi que l’écorce. Lorsque l’arbre est paré, on prend un petit coin de bois dur qu’on introduit entre la partie ligneuse & l’écorce ; on soulève doucement celle-ci, afin de ne la point endommager & on retire doucement le coin, en tenant l'écorce soulevée avec l’instrument en Z, ou à crochet, & la greffe prend sa place.

La greffe doit être taillée sur la longueur d'un pouce au moins, en manière de coin ; mais la réussite exige qu'elle ne soit taillée que d'un côté, de manière que le bois de la greffe corresponde directement & touche le bois de l’arbre ; & du côté extérieur, que l'écorce touche à l’écorce dans le plus grand nombre de point possibles. Afin de mieux assujettir la greffe, on doit laisser un cran ou espèce d'entaille du côté du bois, & lorsque le tout est mis en place dans la situation convenable, on l'assujettit avec des liens, ainsi qu'il a été dit plus haut.

De la Greffe en canon ou sifflet.

On choisit une branche bien saine & de l'année précédente, lorsqu'on le peut, que l'on coupe à quelques pouces près du tronc, ou plus éloigné, suivant sa force & sa grosseur, qui doivent décider de ce retranchement. Avec le tranchant de la serpette, on fend l'écorce en lanières, qui sont ensuite doucement détachées du bois, sans les meurtrir.

Pendant qu'un ouvrier exécute cette opération, un autre prépare l’anneau ou cylindre, ou flûte garnie de son bouton, ou de plusieurs boutons, & d'un diamètre égal, s'il se peut, à celui du bois mis à nu. Alors, sans perdre de tems, l’on fait glisser sur ce bois, jusqu'à ce que sa base soit parvenue à la naissance des lanières. Si le cylindre qui s'applique sur le bois est dans une proportion avec lui, & s'il recouvre tout le bois & s’unit exactement avec lui, on coupe circulairement les lanières au dessous de ce cylindre ; & après avoir fait rencontrer & joindre les deux écorces, on recouvre cette union, ainsi que le sommet du bois & du chalumeau, avec l'onguent de S. Fiacre.

Roger donne une autre manière de greffer par juxtaposition. La voici : c'est lui qui parle.

Je perce l’écorce lisse & unie d’un poirier, & j'y fais un trou d'environ un pouce de profondeur, puis avec une gouge de menuisier, j'unis la plaie, surtout à l’endroit de l’écorce. Je prends ensuite la mesure de la profondeur du trou, & je diminue par le bout mon rameau en forme de cheville ronde, en observant qu'il soit de la même grosseur que la vrille. Après l'avoir fait entrer un peu à force, & l'avoir enfoncée jusqu’au fond du trou, j’observe que l’écorce de la tige de l’arbre & celle du rameau se touchent de toutes parts, après quoi j’enduis cet endroit avec de l’onguent de S. Fiacre. Le rameau étant


toujours de la pousse précédente, je lui lisse trois ou quatre yeux. Cette manière de greffer doit se faire au commencement de germinal.

Des Greffes en écusson.

On appelle écusson un morceau d'écorce de douze à quinze lignes de longueur sur trois à quatre de largeur, garnie d'un bon œil dans son milieu. C'est de sa forme, qui ressemble à un écusson d'armoirie, que ce morceau d'écorce a pris son nom & qu'il a été consacré à ce genre de greffe.

Pour enlever l'écusson de dessus la branche, on fend l'écorce de celle-ci tout autour de l’œil, en observant de lui donner la forme de l'écusson ou d'un triangle. Après cette première opération, il faut enlever l'écusson, sans le meurtrir ni sans endommager l'œil. Pour cet effet, on presse, avec le pouce de la main droite, l'œil de l'écusson contre le bois, & on tourne lestement la main gauche, comme si on vouloit la tordre. Alors l’écusson se détache, parce que l'arbre étant en sève, l'écorce ne sauroit y être collée, & l’écusson cède facilement à l’impulsion qu'on lui donne.

Avec le tranchant de la lame du greffoir, on fait ensuite sur l'écorce de la branche à greffer, une incision en manière de cette figure T, ensuite avec la partie inférieure du greffoir on soulève doucement les deux parties de l'écorce coupée sur une largeur proportionnée à la moitié du diamètre de l’écusson, & l'on tient ces deux parties soulevées cc écartées jusqu'à ce qu'on ait placé l’écusson. Comme les deux mains sont occupées pendant le cours de cette opération, on tient avec l'extrémité de ses lèvres l’écusson ; ensuite, lorsque le soulèvement de l'écorce est fait & maintenu avec la main gauche ; on prend de la droite l'écusson, & on l'insinue dans l'ouverture. On observe avec soin que l'écorce de la partie supérieure de cet écusson corresponde & joigne en tous points l'écorce coupée de la partie transversale T, après avoir insinué le reste sous les deux parties de l'écorce soulevée, qui forment alors deux angles. L'écusson une fois bien placé, enfoncé & collé contre le bois ; vous ramenez les deux angles de l'écorce sur l’écusson, mais sans couvrir l'œil.

On doit avoir par avance préparé de petites ligatures, soit en laine, soit en coton (ce sont les meilleures, parce qu'elles ont la facilité de prêter & de s'étendre) soit en chanvre, écorce, brindilles d'osier, de saule, &c. le moment de les employer est venu. Prenez ce lien par le milieu, placez-le derrière la partie de la greffe, ramenez-le sur le devant, & recouvrez la ligne transversale T ; ramenez-le sur le derrière, puis sur le devant, &ainsi de suite, jusqu'à ce que toute la greffe en soit recouverte, sans cependant cacher l'œil ; nouez ensuite par derrière, & l'opération est finie.

La plupart des pépiniéristes suppriment l’excédent de la branche après l'avoir greffée. Ne vaut-il pas mieux le couper auparavant, après avoir examiné & choisi l'emplacement où l'on veut greffer ? Souvent cet excédent de branche embarrasse, & plus souvent encore la secousse que l'on donne à la branche en la retranchant, puisque l'on est obligé de placer la main trop bas, peut occasionner le dérangement de l’écusson : il faut aller au plus sûr.

On est quelquefois surpris du peu de réussite de plusieurs greffes, quoique l'opération ait été bien faite. Une légère attention auroit prévenu ce contre-tems. Après avoir détaché l’écusson de dessus le bois, c'est le cas d'examiner si son œil est vide ou plein ; c'est-à dire, si la partie intérieure & qui constitue essentiellement la greffe, n'est pas restée adhérente au bois. Dans ce cas, l’écusson est à rejeter, & sur mille il n'en réussira pas un. Le moyen le plus sûr de parer à cet inconvénient, est, lorsqu'on lève l’écusson, de laisser un peu de bois sous l'œil. L'habitude facilite cette pratique.

Il y a deux manières de greffer en écusson, ou à œil dormant.

I. La greffe en écusson à la pousse ne diffère en lien, quant au mécanisme de l'opération qui vient d'être décrite, la saison seule a fixé sa dénomination. Elle s'exécute dès que l'arbre commence à être en sève, & l'on choisit alors un œil sur un bourgeon d'un arbre franc, œil qui n'a pas encore poussé.

II. La greffe en écusson à œil dormant se pratique lorsque l'arbre est en pleine sève, & elle ne diffère de la précédente que parce que la feuille, mère nourrice du bouton, est développée & couvre de sa base l'œil qui doit pousser au printems de l’année suivante. On l’a appelé dormant, parce qu'il reste engourdi & comme dormant jusqu'au retour des premières chaleurs du printems suivant.

Soit que l’on greffe en écusson à la pousse, soit à œil dormant, on peut placer deux greffes sur le même sujet aux deux côtés opposés, mais non pas sur la même ligne ; l’une doit être plus haute que l'autre. Pour suivre l’ordre de la nature, on fera très-bien d'observer le même espace entre les deux greffes que la nature conserve d'un œil à l'autre.


Cette greffe diffère encore de la précédente, en ce que dans la première on abat la partie de la branche supérieure à l'écorce, tandis que pour celle-ci on la conserve jusque vers la fin de l'hyver prochain : alors on la rabaisse à cinq ou six lignes au-dessus de l'œil qui a dormi jusqu'à cette époque, & qui ne tardera pas à s'ouvrir & à pousser un jet vigoureux au moment que la chaleur viendra ranimer la végétation.

La greffe à la vrille (invention de Schabol), se fait en perçant l'écorce lisse & unie d'un poirier, à un pouce de profondeur, puis unissez l’ouverture à l’endroit de l’écorce ; prenez, un rameau de la pousse précédente, diminuez-le par le bout en forme de cheville de même grosseur que la mèche de votre vrille, & de la longueur du trou dans lequel vous faites entrer ce rameau un peu avec force ; observez que les deux écorces se touchent ; enduisez d'onguent de S. Fiacre le tour de votre greffe, & mettez un linge par-dessus. Quand cette greffe reprend, elle est supérieure à celle en fente.

Les arbres à pépin se greffent sur franc, sur sauvageon, sur coignassier, & sur d'autres arbres déjà greffés ; ce qui s'appelle franc sur franc. Cette dernière façon donne les plus beaux fruits possibles, en renouvelant cette greffe plusieurs années de suite sur le même sujet, & changeant l’espèce à chaque fois.

La greffe en fente se fait au mois de février ou de mars ; on peut encore greffer les pommiers à la mi-avril.

La greffe en écusson se fait en deux tems, à la pousse & à œil dormant ; elle réussit mieux à la pousse sur les fruits à pépin, c'est-à-dire, quand la sève est dans toute sa force, à la fin de mai, ou au commencement de juin ; on coupe alors la tige au-dessus de la greffe.

Les fruits à noyau, sur-tout le pêcher, ne doivent être greffés qu'à œil dormant ; ce qui se fait en juillet, août, même en septembre si l’année est humide. Si l’année est sèche, on peut commencer cette greffe en juin.

Quoique l’on puisse greffer le pêcher sur prunier, abricotier, & pêcher venu de noyau, le mieux est de le greffer sur amandier, ainsi que l’abricotier, sans distinction de terrain, parce qu'on le plante dans des trous profonds de trois à quatre pieds.

On ne doit greffer un sujet que quand il a au moins un pouce de diamètre pour espaliers, & dix-huit lignes pour les plein vent & demi-tiges.

Quand la trop grande abondance de sève menace de noyer l’écusson, il faut, à quatre ou cinq pouces au-dessous & par derrière l’écusson, enlever l’écorce jusqu’au bois de la longueur d’un pouce.

Soit pêcher, soit tout autre fruit, il faut, quand on les sort de la pépinière, couvrir les racines avec du fumier moite.

Le pêcher ne se greffe qu’en écusson : les autres arbres se greffent en fente & en écusson.

Greffe, se dit aussi d’une partie d’une jeune branche de l’année, prise sur un arbre cultivé qu’on veut multiplier ; on l’insère sur un autre dont on veut améliorer le fruit, òu changer l’espèce.

GREFFER ; c’est encore substituer une branche d’un arbre qu’on a dessein de multiplier, aux branches naturelles de l’arbre sur lequel on applique la greffe. On peut greffer un arbre à tel endroit autant de fois & à tel âge qu’on veut, pourvu qu’il ne soit ni trop jeune, ni trop vieux.

Les amandiers se greffent communément au bout de l’année, & les autres arbres à deux ou trois ans, selon leur force. On greffe également les arbustes & les arbrisseaux. Par exemple, un jasmin d’Espagne se greffe sur un jasmin commun, soit en fente, soit en écusson, soit en approche. La vigne peut aussi se greffer, mais en pied & dans le tronc même, autrement l’ancien sujet repousseroit toujours & ruineroit la greffe.

GREFFOIR ; c’est un petit couteau ayant une lame pliante, mince & très-tranchante, à l’ordinaire de bonne trempe, dont la pointe, s’incline en forme de bec renversé. On ajoute & l’on fixe par un clou au bout du manche une petite lame arrondie comme une spatule, ou langue de chat faite en ivoire, en corne ou en acier bien


poli. Cette seconde lame sert à pénétrer dans l’écorce de l’arbre, afin de la lever & de pouvoir y faire entrer l’écusson.

GRIFFE ; ce terme se dit de certaines plantes que la nature a pourvues de petits crochets en forme des griffes des animaux, avec lesquels ces plantes attachent leurs rameaux à tout ce qu’elles rencontrent. Le lierre, la vigne-vierge, les mousses ont de ces griffes.

GROU. Les jardiniers appellent la grou une matière pierreuse qui se trouve au-dessous de la superficie des terres. Il faut avoir soin, avant de planter, de percer la grou bien avant & au pourtour, & d’y substituer de bonne terre, sans quoi la plante ne réussiroit pas.

GROUETTE ; c’est une petite grou moins dure & moins pierreuse que la grou, & qui est un peu mêlée de terre. Il faut, quand on plante un arbre, prendre aussi des précautions pour que la grouette ne nuise point à la végétation.

GROUETTEUX ; terrain. C’est un terrain qui tient de la nature de la grou : il veut être passé à la claie, ensuite fumé amplement, arrosé & labouré souvent pour empêcher qu’il ne se durcisse trop.

GUÉRET ; terre labourée à la charrue.

Lever le gueret. Ce terme signifie donner le premier labour aux jachères. On dit aussi en ce sens guereter.

GUI. Le gui est une plante parasite qui se forme sur quantité d’arbres, & qui a une feuille à peu près comme celle du buis. Il en vient sur de vieux chênes, & il n’est pas un bon signe pour l’arbre, étant formé d’une substance étrangère & parasite. Beaucoup de pommiers vieux ou caducs ont des guis qui font périr les branches & l’arbre quand on n’y remédie pas. Le remède est de les ôter dès qu’ils croissent.

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H

HABILLER un arbre par les racines ; c'est, suivant la pratique du-plus grand nombre des jardiniers, écourter les racines au point qu'il n'en reste presque plus ; mais, suivant une méthode mieux entendue, habiller, c'est rafraîchir simplement le petit bout des racines d'un arbre avant que de le planter ; c'est ôter celles qui sont Rendues, éclatées ou défectueuses ; c'est supprimer les racines qui, en grossissant, seroient en danger de se rompre.

HACHE ; instrument avec un manche assez court, dont le fer acéré & coupant, est large, épais & massif, propre à donner de forts coups pour entailler & abattre de gros bois. Il y a des haches de différentes force & grandeur, suivant les usages auxquels on les destine.

On se sert dans quelques départemens d'une petite hache pour émonder les arbres.

HACHE-PAILLE ; instrument de ferme & d'agriculture.

Voici la description d'un hache-paille qui a le double, avantage de couper toutes espèces de fourrages & toutes sortes de racines. Il est si simple, qu'il peut être exécuté par tout ouvrier en fer, & d'après la seule description ; il est si peu coûteux, que tout le monde peut s'en procurer ; il est en même tems très-expéditif, ce qui est facile à concevoir, puisqu'ayant cinq couteaux, il coupe à la fois & d'un seul coup six longueurs de pailles toutes égales, ou six morceaux de racines d'égales épaisseurs, lorsqu'on l’emploie à cet usage. Enfin, il a encore l’agrément de pouvoir se transporter .avec la plus grande facilité, même à cheval. (Voyez la pl. XXXIX, fig. 1.) Hache-paille vu dans la position où il doit être pour travailler. La fig. 1 est le plan de la première ; les pièces semblables sont marquées des mêmes lettres dans l’une ou l'autre figure.

a x b. Cette partie est composée de six lames de fer courbes, ainsi qu'on le voit fig. 1. Ces lames sont séparées l’une de l'autre, & tenues à distances égales par leur bout b, au moven d'anneaux de fer qui font, alternativement avec les lames, enfilés sur un boulon de fer, terminé d'un bout par une tête plate, & de l'autre par une vis, le tout assujetti par un écrou. Ces lames sont soudées par leur autre ex-


trémité à un morceau de fer a d, de manière qu'elles ne forment plus avec lui qu'une seule piece d a x b. Il faut observer dans la partie à la même distance entre les lames que celle de la partie b, afin de loger entr'elles les cinq couteaux qui y sont arrêtés par leur bout c, au moyen du boulon f.

e h i ; Cinq couteaux tranchans, qui se logent entre les espaces des six lames a x b, qui y sont arrêtés par un boulon f, autour duquel ils se meuvent de b en x.

i, Autre boulon terminé par une vis : il traverse les cinq couteaux, les assujettit en h, & les tient également espacés entr'eux, au moyen d'anneaux de fer qui s'enfilent sur ce boulon, alternativement avec les couteaux, de même qu'en b.

Quatre des cinq couteaux sont légèrement courbés en h, fig. 2. Cette courbure sert à réunir les cinq, lames pour les introduire dans un manche de bois k l, auquel on met une forte virole de fer k. (Voyez Faulx lorraine.)

HAIE ; clôture qu'on fait à la campagne avec des branches entrelacées.

On distingue deux sortes de haies : les haies vives & les haies mortes ou seches. Les haies mortes se font avec des fagots, des épines, des échalas & des branches d'arbres sèches. Les haies vives se font avec des arbrisseaux vifs & enracinés.

On dit une haie d'épines. Un champ clos d'une haie vive & d'un bon fossé, est aussi en sûreté que s'il était enfermé par une muraille. Ces sortes de clôtures bien entretenues forment aussi un agréable coup-d'œil, & rendent un produit réel.

Divers plants sauvages composent ordinairement les haies vives. Sous ce nom sont compris aubépin, les ronces, le rosier sauvage, le houx.

L'aubépin, ou épine blanche, est un des meilleurs. Outre qu'il forme une haie épaisse & forte, il dure long-tems.

Haie d'une charrue ; c'en est la flèche. (Voyez Charrue.)

HAMPE. On donne ce nom dans le jardinage la tige qui porte des fleurs & des fruits sans feuilles, comme la hampe ou la tige du narcisse.

HANNETONNER ; c'est, dans le jardinage, secouer les arbres & les branches pour en faire tomber les hannetons lors du soleil levant, tems où ces animaux sont endormis. Quand les vers des hannetons rongent les racines des arbres, on découvre ces racines & l’on tue les vers. Il ne faut pas se lasser de leur faire assidûment la guerre.

HANNETONNIER ; outil pour chasser & détruire les hannetons. Pour hannetonner avec succès, on prend, un morceau de bois rond, tel qu'un parement de fagot ; on le coupe environ de deux pieds de long, & on garnit un des bouts, à la hauteur de six pouces, de bourre, recouverte de cuir qu'on attache avec de petits clous. L'autre bout, qui sert de manche, est percé d'un trou de vrille pour recevoir un cordon qu'on passe dans son poignet, comme celui d'une canne. Des hommes armés de cet instrument montent de grand matin sur les arbres, avant que les hannetons soient éveillés, frappent sur les branches, & font tomber ces insectes, tandis que des enfans les écrasent ou les ramassent en un tas pour les brûler.

HAUSSE ; morceau de bois où l'on forme des crans pour élever les cloches de verre ou les châssis des serres, afin de donner plus ou moins, d'air aux différentes plantes qu'on fait venir sur des couches.

HATIF ; c'est le synonime de précoce : terme qui se dit des fleurs & des fruits qui paroissent avant le tems ordinaire.

HÉMORRHAGIE. Ce terme, dans le jardinage, désigne l’extravasion du suc propre des arbres. Cette extravasion est souvent plus utile que nuisible, sur-tout à ceux dont le suc propre est gommeux ou résineux.

L’hémorrhagie est bien marquée dans les greffes des arbres de fruits à noyau, lesquelles sont, dit-on, noyées par la gomme, quand la sève est trop abondante.

L’hémorrhagie se manifeste aussi dans les greffes des arbres de fruits à pépins, lorsque la seve surabonde, & elle forme au-dessous de sa ligature un bourrelet considérable. Le moyen de prévenir ces hémorrhagies est de lâcher les greffes par derrière, en coupant la ligature.

HERBAGE. On entend en général par ce terme tout ce qui reste toujours vert sur terre


sans jamais parvenir à la consistance du bois dur des arbres, arbrisseaux & arbustes.

Les herbages, dans le langage ordinaire, sont, les légumes & toutes les denrées du jardin potager, servant à la cuisine.

HERBE ; on appelle ainsi toute plante dont la substance est molle, & qui s'élève de terre en brin ou en feuilles. La tige périt annuellement après que ses semences sont mûres. Il y en a dont les racines vivent pendant quelques années, & d'autres dont les racines périssent avec les tiges. On divise les herbes en annuelles, bisannuelles & vivaces, ainsi qu'en potagères & en médicinales.

On nomme mauvaises herbes celles qui viennent sans culture dans les jardins & ailleurs.

HERSE ; instrument d'agriculture, fait en triangle, & hérissé en dessous de dents de fer ou de bois. Cet instrument est traîné par un cheval : il sert à rompre les mottes de terre & à recouvrir de terre les grains nouvellement semés.

Herses propres à différens usages, par le citoyen Home.

Un peu de réflexion, & encore plus l’expérience, démontre que la même herse, quelle que soit sa forme, ne peut servir également bien dans toutes les circonstances ; dans les terres argilleuses, sableuses, pierreuses, ou quand les terres sont molles, ou dures, ou pleines d'herbes. Il y a trente ans, le fermier de ce pays (l'Ecosse) n'avoit pas la plus légère idée qu'on pût avoir différentes charrues. Aujourd'hui il se sert de plusieurs charrues différentes : il est tems de faire aussi des améliorations pour la herse, celle qui est commune & ancienne ayant beaucoup de désavantages dans diverses circonstances. L'expérience m'autorise à recommander hardiment les herses dont je vais donner la description. (Voyez pl. XXXVI, fig. 1, 2, 3)

Je me sers de trois différentes herses, suivant les circonstances ; elles sont de la même pesanteur, & tirées chacune par deux chevaux. Le bouleau est le meilleur bois à employer, & parce qu'il est à meilleur marché, & parce qu'il n'est pas sujet à se fendre.

1°. La première herse (fig. 1) est composée de quatre bras qui ont chacun 4 pieds 10 pouces de long, 3 pouces & un quart de largeur, & 3 pouces & demi d'épaisseur. Il y a 11 pouces 3 quarts de vuide entre ces bras, de façon que la largeur de toute la herse est de 4 pieds : les bras sont liés ou joints par quatre traverses ou barres qui passent dans chaque bras, & y sont attachées par des chevilles de bois à chaque bras.

À chaque bras il y a cinq dents de fer, dont il y a dix pouces de longueur apparente, & huit pouces qui traversent le bois & reçoivent l’écrou ; elles ont la forme d’un couteau ou plutôt de l’extrémité pointue & coupante d’un coutre de charrue ; elles sont attachées au bras qu’elles traversent, par un écrou, ce qui donne la facilité de les changer lorsqu’elles sont rompues & de les ôter pour les appointer au besoin. Elles ont par derrière, un talon qui appuie sur la face inférieure du bras pour empêcher qu’elles ne soient courbées, renversées en arrière par les pierres qu’elles rencontrent. Chaque dent pèse 3 livres, & la herse entière pèse environ 60 livres. Pour renforcer la herse, on ajoute par-dessus de corne en coin, suivant le sens du tirage, une tringle de fer plat qui s’attache aux bras, par des vis de fer avec écrou.

Une haussière à crochet, fig. 4, s’accroche, à un des coins de la herse ; sa hauteur est de 3 pouces, dans lesquels il y a quatre crans ou trous pour placer le crochet qui s’attache à la herse. On attache ce crochet à la haussiere, plus haut ou plus bas, suivant que l’on veut avoir la herse plus ou moins soulevée, ce qui détermine l’enfoncement des dents en terre. À cette haussière est attaché un épars qui porte deux paloniers pour deux chevaux qui tirent de front comme à la charrue.

2o. La seconde herse (fig. 2) est composée de deux parties, ou deux petites herses, attachées par le milieu avec une penture ; à l’une est un gond ; à l’autre, en outre, près de chaque extrémité latérale, une chaîne de fer, ce qui entretient ces deux parties parallèles, & à la même distance. La réunion des deux herses par une espèce de penture, permet aux deux parties de suivre les inégalités du terrain, comme feroient deux herses qui ne seroient attachées que par des cordes lâches ; mais aucune des deux, ne s’élève au dessus de l’autre, comme si c’étoit une seule herse & d’une seule pièce. En un mot, elles peuvent bien former un angle dont la pointe soit vers le ciel, & non un angle dont la pointe soit vers la terre ; aussi ces herses ont l’effet de deux herses sur un terrain inégal, & d’une herse pesante sur un terrain plat. Cette herse est composée de six bras, chacun de 4 pieds de long, 3 pouces de large, & 3 pouces & demi d’épaisseur. L’intervalle entre ces bras est de 9 pouces & demi, ce qui fait pour la longueur de toute. La herse, y compris la charniere, 5 pieds 6 pouces. Chaque bras a 5 dents qui ont chacun 9 pouces sous bois, & 10 pouces en dehors ; le poids de chaque dent est de 2 livres, le reste comme dans la herse précédente.

3o. La troisième herse est composée de deux parties, unies comme dans la seconde ; elle a huit bras, chacun de 4 pieds de long, 2 pouces & demi de large, & 3 pouces d’épaisseur. L’intervalle entre ces bras est de 8 pouces : la largeur de toute la herse, y compris la longueur de la charnière, est de 6 pieds 4 pouces. Chaque bras a 5 dents qui ont 7 pouces sous le bois, & 10 pouces & demi en dehors. Chaque dent pese une livre, le reste comme les deux autres herses.

Ces herses paroissent, à l’usage, être d’une grande utilité ; elles s’adaptent, s’appliquent aux terrains inégaux, comme deux herses séparées, & lorsqu’elles sont traînées sur un terrain plat, égal, elles ont l’effet d’une charrue qui auroit le double de pesanteur, sans être aussi difficile à tirer ; ce qui fait que les dents pénétrent plus profondément la terre.

La première charrue est spécialement propre à herser la terre, quand il s’est passé quelque tems entre le labour & le hersage, comme lorsque les avoines sont semées sur un gueret d’hiver ; & en général, pour herser une terre rude, elle pénètre profondément au moyen de ses longues dents, & la divise en petites parties.

La seconde herse est propre à couvrir les semences : ses longues dents couvrent le grain de plus de terre que ne peut faire la herse ordinaire, ce qui n’est pas un petit avantage. En faisant en sorte que la semence soit un peu avant en terre, sans être trop enfoncée, les jeunes plantes sont plus garanties de la trop grande chaleur, elles ont plus d’humidité & plus long-tems, ce qui est nécessaire pour une bonne végétation ; d’ailleurs, la semence est si bien couverte, qu’il n’y en a point de perdue ; au lieu qu’en employant la herse ordinaire, souvent la semence étant trop peu couverte de terre, les racines de la plante manquent d’humidité, & sont brûlées par le soleil. Enfin, une autre portion de semence reste à la surface de la terre sans être couverte, elle est mangée par les oiseaux, ou se sèche, ou pourrit.

La troisième herse acheve ce que n’a pu faire la seconde, en égalisant encore plus la terre, & recouvrant plus exactement la semence. L’usage de ces trois herses rend de plus en plus la terre meuble, la réduit en poussière fine, état qui hâte & facilite la végétation. Un autre avantage, c’est que les engrais sont plus divisés & mieux mêlés avec la terre, ce qui est très-important pour avoir une récolte également bonne dans tout le champ.

Herse roulante ; instrument de labour. C'est un gros rouleau garni de fortes chevilles de fer. En faisant rouler cet instrument sur les guerets ensemencés, des chevilles écrasent les mottes, restituent la superficie de la terre & en recouvrent les semences.

Herse (petite) instrument de jardinage, qui ne diffère de la herse du labour que par sa petitesse. Elle sert à tirer les allées des grands jardins après qu'elles ont été labourées avec la petite charrue. Cette herse se mene avec un cheval, ou bien par un homme ayant une sangle à travers son corps. (Voyez Brisoir à mottes.)

HERSER ; c'est passer la herse dans une allée ou dans un champ labouré.

Il y a des laboureurs qui croient suppléer au défaut des labours en hersant beaucoup leurs terres après qu'elles sont semées ; mais cette manière d'égratigner la terre n'est pas d'une grande utilité ; & quand la terre est humide, le trépignement des chevaux y cause beaucoup de dommage.

Lorsque la terre a été bien préparée, deux dents de herse lui suffisent : c'est-à dire que l’on peut se contenter de faire passer deux fois la herse par le même endroit. En hersant dans la nouvelle culture, il faut observer de faire marcher les chevaux dans les sillons, pour ne point pétrir & durcir la terre des rangées.

HOTTE ; espèce de panier d'osier garni de bretelles qui l’entretiennent sur les épaules du porteur. La hotte est large par le haut, étroite par le bas, & se termine en pointe applatie d'un côté & arrondie en forme de cône du côté opposé qui s'applique sur le dos. Elle est très-utile & très-commode pour le transport des terres, des pierres, des fruits, des légumes & de toutes sortes d'objets.

HOUE ou Tranque-pioche ; instrument de jardinage & d'agriculture, fort commode pour remuer la terre en peu de tems, & faire un labourage assez profond, sans endommager les racines, comme on a souvent lieu de le craindre en employant ta bêche, mais il pénètre moins avant. (Voyez pl. XX, fig. 15.)

Cet instrument est composé d'un fer, long de 13 à 14 pouces, sur 8 de largeur du côté, de la douille, & 7 du côté tranchant ; il est un peu recourbé dans son milieu, d'acier bien battu à l’extrémité qui fait le taillant, & qui n'est épaisse que d'une ligne ou au plus une ligne & demie.


L'extrémité opposée porte une douille, & est coudée, en sorte que le manche revient sur l’instrument, & en suit la direction. Ce manche est donc un peu courbe, & doit n'être écarté du fer que de 5 à 6 pouces au dessus du taillant, & seulement de deux attenant la douille. (Voyez Pl. XX.)

Houe fourchue ; c'est un instrument qui, au lieu d’être d'une pièce, comme la houe ordinaire, est fendue en forme de fer à cheval, & qui a une douille & un manche. Elle sert pour les terres grouetteuses, où la houe ordinaire & la bêche ne pourroient aller. (Voyez pl. XX, fig. 14.)

On dit houer une vigne ou une terre, pour dire les labourer à la houe.

Houe à main des Américains. Il faut observer que le manche de cette houe doit être plus ou moins long, suivant la taille de celui qui s'en sert. Pour déterminer cette longueur, il suffit de dire que, quand l’ouvrier est placé pour son travail, le bout du manche doit toucher le bas de sa poitrine. Le fer de la houe a de largeur 8 pouces & 7 poucesde hauteur.

La douille a 2 pouces & demi de longueur & 12 à 14 lignes de diamètre.

Cet outil a cela de commode, qu'il peut être employé sans que l’ouvrier se baisse. On fait plus d'ouvrage, & on remue la terre plus profondément avec cette houe qu'avec celle de nos jardiniers. Cet instrument est utile pour toutes les terres légères ou meubles, comme jardins, chenevietes, plants de maïs, de pommes de terre & autres, qu'on veut biner, ou dont on veut chausser les plantes.

Houe à laquelle est adaptée une herse. (Voyez pl. XXXVIII, fig. 1.) Dans cette machine, la partie qui fait l’office de la houe, est composée d'un soc applati, dont les extrémités sont pliées à angle droit, & peuvent tourner sur des chevilles qui les fixent aux branches recourbées, de manière qu'on peut donner au soc une inclinaison plus ou moins grande, dans laquelle on le maintient solidement par deux clavettes qui traversent en même tems les prolongemens coudés du soc & deux quarts de cercle percés de plusieurs trous à différentes hauteurs. Les branches sont retenues par la traverse & par l’essieu de la roue, qui porte la partie antérieure de la machine.

La herse est armée de plusieurs dents, montées sur un quadre arrêté aux pièces par un boulon, autour duquel il est parfaitement mobile. Cette herse traîne sur le terrain, & peut en être {{tiret|soule|vée| levée à volonté par la corde, qui passe par une boucle, & vient s’attacher près de la poignée d’une des queues de la charrue. Enfin, toute la machine est traînée par un chevaf, dont le palonnier s’attache à un anneau formé par la courbure du tirant.

HOUETTE, Binette ou Piochette ; instrument de labour ou de jardinage. C’est une petite houe, composée d’un fer large par le haut, en diminuant en forme de triangle, recourbée & creusée en dedans, avec un anneau ou œillet pour l’emmancher dans la partie opposée à la pointe de l’outil. Elle sert particulièrement au demi-labour.

La houette n’est point par-tout terminée en pointe ; dans quelques provinces elle ressemble à une bêche coudée dans la partie où la houette s’emmanche.

HOULETTE ; instrument de jardinage semblable à la houlette d’un berger, excepté que le manche de bois qui est dans la douille, a environ un pied de long ; son fer est tantôt plat, tantôt creusé en forme de gouttière. (Voyez pl. XXIII, fig. 4.) Cet instrument sert à faire de petits trous, comme pour mettre en terre de menues plantes & faire certains petits labours légers. Elle sert aussi à biner la terre des caisses & des pots de fleurs.

HOYAU ; instrument de jardinage. C’est une sorte de houe à deux fourchons. C’est aussi une espèce de pioche à l’usage des terrassiers ; son fer est un peu large, plat & quarré. Il sert à façonner la terre, à la différence du pic, qui est pointu par le bout. (Voyez pl. XX.)

HUILÉE ; (plante) terme de jardinage, qui se dit d’une plante lorsqu’elle se gonfle, & qu’elle paroît comme pénétrée d’huile, ce qui la fait périr. Nombre de plantes élevées sur couche sont sujettes à cette maladie.



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JACHERE ; ce terme désigne l'état d'une terre labourable qu'on laisse reposer, pour être ensuite labourée & ensemencée de nouveau. On nomme jachère la terre même qui se repose.

Il y a des terres qu'on laisse en jachère de deux années une, d'autres de trois en trois ans. Ce repos rend les unes & les autres plus en état de faire végéter les plantes & les semences au moyen des labours répétés ; & autres façons qui préparent les terres pendant cette année.

Le premier labour qu'on donne aux jachères consiste à retourner le chaume d'avoine & à en former un guéret ; c'est pourquoi on nomme cette opération guéreter, ou lever le guéret.

Pour bien faire ce labour, il faut attendre que les terres qui ne sont pas argilleuses, soient pénétrées d'eau, sans quoi la charrue n'entreroit pas assez avant. Les fortes terres doivent même être assez imbibées pour que la charrue les retourne par gros morceaux.

Quand on dit qu’il faut labourer profondément, c'est eu égard à la nature & à la circonstance des saisons.

1°. On ne laboure pas très-profondément les terres bien légères, mais on leur donne jusqu'à cinq labours.

2°. Dans les terres très-fortes, on ne donne souvent que trois labours.

3°. Il y a des terres dont on diminueroit la fertilité par des labours trop profonds, au lieu que ces labours en améliorent d'autres. Les fermiers, attentifs à la culture de leurs terres, font passer successivement deux charrues dans une même raie tous les quatre ou cinq ans, afin de remuer la terre à une plus grande profondeur.

4°. Les travaux sont quelquefois interrompus par les grandes sécheresses, & encore plus par les pluies trop abondantes. En effet, dans les temps de grande pluie la charrue qui corroyeroit les terres fortes & argilleuses ne produit pas cet effet sur les terres sablonneuses ou sur les pierreuses ; & dans un temps de sécheresse on n'enleveroit que de grosses mottes dans certaines terres, pendant que d'autres se labourent très finement.

Les fermiers qui sont bien montés en chevaux donnent quelquefois un labour de plus à leurs terres dans les années où l’herbe pousse avec vigueur ; ce surcroît de travail est bien compensé par les avantages d'une récolte plus abondante.

JALON ; bâton bien droit, long de cinq à six pieds, pointu par en bas, & garni par le haut d'une carte pour prendre des alignemens d'allées, de plantations d'arbres, &c.

On appelle jalon d'emprunt une mesure portative da la même hauteur que les jalons qui supportent le niveau, & qu'on présente à tous ceux qui sont alignés pour les faire buter ou décharger.

JALONNER ; c'est placer des jalons de distance en distance sur des lignes droites, soit pour planter des arbres, soit pour faire des tranchées.

JARDIN ; c'est un terrain fermé de haies ou de fossés, ou de murs, planté, soit pour notre utilité, soit pour nos plaisirs, dans lequel on cultive des arbres, arbrisseaux & arbustes, ainsi que des fleurs, des légumes, ou ce qu'on appelle des simples, ou plantes médicinales. Suivant sa destination, on dit que c'est un jardin fruitier oú verger, potager ou légumier, fleuriste ou botaniste.

Le besoin, l’utilité, ont donné naissance aux premiers jardins, la curiosité, le plaisir, la vanité ont produit les seconds. Les premiers sont le potager, le jardin fruitier, ou verger, & le jardin botanique.

Les seconds jardins, ou jardins d'agrément sont les jardins de fleurs ; les parterres en compartimens, en découpures ou destins ; les bosquets où se trouvent, des allées, des cascades, des jets d'eau, des canaux, des labyrinthes, des boulingrins, & tout ce que la magnificence, la vanité, l’ostentation, aidées souvent par l’abus des arts ont inventé & fait excuter dans cette partie.

La France possède à cet égard les plus beaux & les plus vastes jardins de l'Europe, suivant le rapport des voyageurs.

Le jardin potager est celui où l’on cultive toutes sortes de légumes & de plantes propres à la nourriture de l’homme, & à l’assaisonnement de ses mêts. Le potager simple s'appelle marais aux environs de Paris, parce que dans le principe, la plupart des potagers y étoient de véritables marais que l’on a ensuite convertis en potagers ; d'où est venu le nom de maraîchers, ou maraigers que l’on donne à ceux qui les cultivent.

Dans beaucoup de provinces on l’appelle encore de l’ancien mot meix, d'où l’on a fait meisage, pour en exprimer le produit.

Le jardin fruitier, ou verger, est un terrain qui n'est peuplé que d'arbres à fruit.

Depuis que l'on a trouvé l’art qui n'est pas bien ancien, de dresser des arbres en espaliers & contre-espaliers, la plupart des potagers sont devenus aussi des jardins fruitiers, & la culture de ces espaliers fait la partie la plus recherchée dans le jardinage.

Tout jardinier doit commencer par connoître à fond le terrain qu'il veut cultiver ; il ne faut pas qu'il se contente de l’examiner à la superficie, mais il doit faire des fouilles dans différentes parties de son jardin pour sonder & connoître par-tout la hauteur de la terre, & sur quel fond elle se trouve.

Un jardin quelconque doit avoir trois à quatre pieds de bonne terre en profondeur, sinon, il faut en porter & recharger le sol.

Fouiller & retourner par-tout la terre à trois ou quatre pieds de profondeur, la passer à la claie, est ce que l’on peut faire de mieux ; on est alors assuré de sa terre, & on lui donne les engrais qui lui sont propres.

Cette fouille est indispensable quand on plante des arbres.

Toutes les terres peuvent se réduire à quatre espèces qu'elles tirent de leur fond.

Ces fonds sont 1°. ou de roche ; plus ou moins dure & compacte ; 2°. de grou ou grouine ; 3°. d'argille, ou terre grasse ; 4°. enfin de sable. Outre la variété dans ces espèces, il se fait encore entr'elles un mélange infini : les terres tiennent tantôt plus, tantôt moins des unes ou des autres, le coup-d'œil, l’examen décide de la qualité dominante.

La roche sous laquelle on comprend, depuis la craie jusqu'à la pierre la plus dure, le marbre & le caillou, indique au jardinier le soin qu'il doit avoir de la terre où cette espèce domine ; il faut profonder ce terrain, le dépierrer jusqu'à trois ou quatre pieds, & y mettre de fréquens engrais.

Les terres, dont le fond est de grou ou grouine, sont nitreuses & pleines de salpêtre ; elles donnent des végétaux & des plantes fort chétifs, les arbres y croissent, & y durent très-peu, sur-tout, lorsque ce sol renferme de la minière de fer, ou qu'il en est voisin ; il faut améliorer & changer cette terre, si on ne peut


le faire tout d'un coup, que ce soit au moins successivement.

Les terres glaiseuses, argilleuses & mattes doivent être labourées profondément, & émiées avec soin ; on n'y doit planter que peu avant, parce que l’air & les sucs qui sont l’aliment des plantes, y pénètrent & y circulent difficilement.

Quand ces terres sont basses & aquatiques, on conseilleroit volontiers l’enlevement de l’argilee à un pied ou deux au-dessous de la bonne terre, & de remplacer cette argille, ou terre grasse par des pierres peur empêcher le séjour des eaux que l'on pourroit même conduire dans une espèce de vivier, ou réservoir, pour servir à l'arrosement.

Ce conseil devient une nécessité à l’égard des trous à faire pour planter des arbres dans ces terres.

Si le sable est à la superficie de la terre, il faut la recharger & remplacer le sable par de bonne terre ; s'il se trouve à trois ou quatre pieds au-dessous de la bonne terre, & qu’il soit entretenu dans une espèce de fraîcheur parde petites sources supérieures, c'est alors un bon fonds pour le jardinage.

La meilleure de toutes les terres pour le jardinage est la sabloneuse : on n'entend pas par là, une terre composée d'un sable sec & aride, & sans aucune liaison ; tel est le sable de rivière ; mais celle dont le grain noir, onctueux & gras, n'excède pas en grosseur un grain de sable, & qui ne s'attachant pas trop au grain voisin, donne au tout une mobilité essentielle pour la bonté de la terre ; c'est là ce qu'on appelle terre meuble, terre à potager.

Plus une terre approche de celle-là, plus elle est propre au jardinage.

Mais il dépend beaucoup de l’industrie du jardinier de rendre sa terre meuble jusqu'à un certain point, par les engrais, par les fréquens labours, par les changemens & mélanges de terre.

On entend par engrais tout ce qui rend une terre meilleure, & dans ce sens, le fumier est un engrais, mais il n'est pas le seul. Si la terre est trop grasse, glaiseuse & matte, on peut corriger ce vice avec les cendres qui ont servi à faire la lessive, avec des sables tirés des ravines, où ils ont été entraînés par le courant des pluies.

Les terres trop légères se lient par des engrais ; parmi les engrais le gazon fourni & touffu qu'on a laissé pourrir pendant l’hiver, ou dans une fosse, ou en monticule l'herbe en dessous, fait un excellent engrais.

Les feuilles ramassées & pourries en tas sont bonnes pour les fleurs, panais, carottes, oignons & choux ; on les étend sur la superficie des planches, après avoir semé & planté.

On fait un excellent engrais avec les fleurs fannées, les herbages & leurs montants, les tontures des charmilles, les bourgeons jetés au palissage, les issues de cuisine, (tripailles & autres chûtes) & toutes sortes de balayures de maison ; on fait pourrir le tout dans une fosse, où il se convertit en terreau.

Les boues de ville & de chemin consommées au moins pendant un an, & passées à la claie.

Les terres neuves des bas prés, celles des taupinières, celles enlevées dans les cours des fermiers, dans les carrefours des villages sont excellentes pour renouveller celles du pied des arbres, remonter un jardin, & sur-tout pour changer les terres nitreuses, salpêtreuses, dont le fond est de grouîne.

La marne est un engrais qu'il faut laisser aux laboureurs.

Parmi les fumiers, celui de cheval a la préférence, excepté dans les terres trop chaudes, où il ne faut l’employer que très-consommé ; on préfère alors celui de vache, quoique moins substantiel.

On se sert de fumier de vache mêlé avec deux tiers de terre neuve pour renouveller un terrain sec & maigre.

Il est nécessaire de renouveller & de remonter un potager quand la terre est effritée, que les productions sont extrêmement maigres & chétives ; ou bien, quand un jardin, pour avoir été trop engraissé par des fumiers, produit à la vérité belles plantes, mais sans goût & sans faveur ; c'est à quoi le commun des jardiniers ne prend pas garde.

On fait cette opération avec des terres neuves que l’on mêle avec celles du potager ; on en fait des monticules à l’entrée de l’hiver & au printems ; on répand le tout sur les carreaux. Ainsi la terre du fond est renouvellée par les influences de l’air & celles des monticules ; la terre neuve y apporte des sucs nouveaux qui joindront la faveur à la fécondité.

Le fumier de mouton ne s'emploie qu'en petite quantité, parce qu'il est trop chaud ; il entre dans la terre factice pour les orangers & les couches.

Il en est de même de la poudrette ; on appelle


ainsi les excrémens humains, qui, retirés des fosses, ont passé au moins trois ou quatre ans à 1'air.

Le fumier de porc est fort mauvais, & ne peut aussi s'employer qu'en petite quantité, bien passé & consommé avec d'autres.

Les fientes de poules & de pigeons sont dangereuses par la quantité d'insectes qu'elles produisent, & par l’aigre qu'elles renferment ; il faut les bannir du jardin, sur-tout celles de poule ; on peut, mais rarement, se servir de celles de pigeon bien consommées ; elles entrent alors dans la terre factice, pour les orangers & les melons. (Voyez Potager.)

(Elémens du Jardinage.)

Jardins fruitiers.

Le règne de Louis XIV fut l’époque de la perfection des arts en France. L'art des jardins fruitiers prit alors une nouvelle forme. Laquintinie parut, & les arbres, autrefois livrés à eux-mêmes, couvrirent de leurs branches, de leurs feuilles, de leurs fleurs & de leurs fruits, la nudité & la rusticité des murs. Enfin dans ses mains l’arbre prit la forme d'un espalier, d'un éventail & d'un buisson. Ce grand homme opéra une révolution presqu'aussi entière dans la culture du légumier.

Pendant que la France & l’Europe entière admiroient & adoptoient les méthodes de Laquintinie, & qu'on s'extasioit à la vue de ses espaliers, de simples particuliers, conduits par le génie de l’observation & de l'expérience, perfectionnoient à petit bruit, ou plutôt presqu'ignorés, la théorie de la taille des arbres. Enfin après des travaux soutenus pendant près d'un siècle, on a commencé à se douter que les seuls habitans du village de Montreuil avoient découvert le secret de la nature. Ce n'est que depuis quelques années que la vérité gagne de proche en proche. Il faudra bien du tems pour que la révolution soit générale & complette ; on tient à ses anciens préjugés ; on les caresse, & il est difficile d'en secouer le joug. Les partisans de la méthode de Laquintinie ne croiront pas sur paroles, & ils demanderont des preuves sur la supériorité de celle des Montreuillois. Sans entrer ici dans aucune discussion, je leur dirai seulement : « On voit encore aujourd'hui à Montreuil des pêchers plantés à la fin du siècle dernier ». Que l’on cite un pareil exemple dans les fruitiers de Laquintinie & dans tout le reste de la République. Laquintinie connut le genre de culture de ces bons travailleurs, mais trop attaché à la méthode qu'il avoit imaginée, & encouragé par les louanges que la nation, lui prodiguoit, il crut au-dessous de lui de devenir imitateur. Il avoit fait venir le jeune Pépin, cultivateur de Montreuil, qui tailla en sa présence plusieurs arbres ; mais Laquintinie, jaloux ou enthousiaste de sa propre méthode, se hâta de le congédier, & Pépin de retourner à son village y cultiver l’héritage de ses pères.

Formation des jardins fruitiers.

Ils supposent nécessairement une plus grande profondeur à la couche de terre végétale que celle des légumiers, afin que le pivot des arbres plonge & s'enfonce sans contrainte, & sur-tout sans être forcé de s'étendre horisontalement. Ceci demande des développemens & éprouvera beaucoup de contradiction.

J'établis en principes, 1°. qu'on ne doit planter aucun arbre dépouillé de son pivot. 2°. Que tout arbre doit être greffé franc sur franc ; il résulte donc de ces deux assertions que, pour se procurer un bon & excellent jardin fruitier, il faut une couche de terre qui ait beaucoup de profondeur. On concluroit à tort qu'on désapprouve les jardins fruitiers dont la couche de terre franche n'a que trois ou quatre pieds, & qui porte sur une couche de gravier ou de pierrailles, &c. Lorsqu'il n'est pas possible de se procurer un autre sol, on est forcé de se contenter de celui-là ; il est inutile alors de laisser le pivot, & de ne planter que des arbres greffés franc sur franc. Ces exceptions ne détruisent pas les deux assertions générales, elles les confirment, au contraire, puisque nulle règle sans exception. Mais je persiste à dire que celui qui est assez heureux pour avoir un grand fonds de terre & de bonne terre, doit en profiter & en tirer le meilleur parti. Je conviens que des arbres ainsi plantés resteront plus long-tems à se mettre à fruit, sur-tout s'ils sont taillés suivant la méthode ordinaire ; que certaines espèces réussissent mieux greffées sur coignassier, sur prunier, &c. il ne s'agit ici pas de quelques exceptions particulières, mais de la masse des arbres fruitiers considérée dans son ensemble ; En suivant les procédés que j'indique, on ne sera pas obligé de remplacer chaque année un grand nombre d'arbres & souvent un tiers ou une moitié après la première année de la plantation ; enfin, on aura des arbres forts & vigoureux qui subsisteront pendant plusieurs générations d'hommes. J'ose dire plus, si un particulier avoit la patience d'attendre, je lui conseillerois de semer sur place le pépin, le noyau, &c. ; de cultiver leur produit avec les mêmes soins que les semis des pépinières ; enfin, de greffer lorsque les troncs auroient acquis la grosseur convenable & déterminée pour recevoir la greffe. La beauté & la durée de tels arbres bien-conduits, feroient époque dans le canton, sur-tout si on n'avoit pas eu la manie de les semer trop près les uns


des autres ; on auroit alors l’arbre naturel & l'arbre dans toute sa force. Que l’on considère dans une forêt l’arbre venu de brin ou celui venu sur couche, & on décidera auquel des deux on doit donner la préférence. Il en est ainsi de l’arbre fruitier. Je sais que la greffe s'oppose à la grande & naturelle extension de l’arbre ; mais, par exemple, les abricotiers à noyau doux n'ont pas besoin d'être greffés pour produire leurs espèces, ainsi que plusieurs autres fruits à noyau. Je demande si on pourra comparer avec eux, pour la force, pour la vigueur, un abricotier, un pêcher greffé sur un prunier ou sur un amandier, &c. &c. ? si le pommier ou le poirier sont aussi vigoureux greffés sur coignassier que sur franc ? enfin, si un arbre quelconque, dont on a supprimé le pivot, végète aussi rapidement & dure autant que celui dont on a ménagé le pivot, & sur-tout que celui qui a été semé à demeure ? Nier ces faits, c'est vouloir se refuser à l’évidence, il y a très-peu d'exceptions à cette loi. L'on veut jouir & jouir promptement, dès-lors il faut contrarier la nature, & l’arbre, par une caducité précoce, la venge des lois qu'on a violées.

Il est très-ordinaire de voir, dans un jardin fruitier, les arbres à fruits d'été, d'automne & d'hiver, mêlés indistinctement les uns avec les autres ; on ne sépare pas plus les arbres dont la végétation a une force, par exemple, comme douze de ceux dont le degré de végétation n'excédé pas six. Il résulte de ces bigarrures, qu'une allée, qu'une partie d'un espalier sont dégarnis de fruits & de feuilles, tandis que les arbres de certaines places en sont chargés. Il vaut beaucoup mieux destiner un emplacement pour chaque espèce en particulier ; par exemple, tous les bonc-chrétiens d'été ensemble, &c. &c. Il en est ainsi pour les arbres inégaux en végétation. N’est-il pas plus agréable à voir dans une allée des arbres taillés, soit en éventail, soit en buisson, & tous de la même force & de la même hauteur, plutôt que d'en voir l’un plus haut, l'autre plus bas ? Le jardinier aura beau tailler long ou court, par exemple, une arménie panachée, ses branches ne s'élèveront, ne s'étendront & ne se feuilleront jamais autant que celles d'un dagobert, &c. ; le premier aura perdu ses feuilles à la première matinée fraîche, tandis que l'autre ne se dépouillera qu'aux gelées. Que d'exemples pareils il seroit facile de rapporter !

J'insiste sur la séparation des espèces, afin que le jardinier ne fasse point de méprise à la taille. L'homme instruit connoît la qualité de l’arbre à la seule inspection du bois ; mais, pour parvenir à ce point de certitude, il faut une longue pratique, & sur-tout avoir l’art de bien observer. Un autre avantage qui résulte de cette séparation, consiste dans la facile cueillette des fruits, elle évite le transport çà & là des échelles, des paniers, &c.

Voici encore une proposition qui paraîtra paradoxale à bien des gens ; j'ose avancer qu'on doit planter dans les endroits les plus froids & les plus battus des vents, les arbres à fleurs les plus précoces, comme abricotiers, pêchers, amandiers, &c. Ces arbres, originaires d'Arménie & de Perse, se trouvent en France dans un climat bien différent ; cependant ils y fleurissent dès que le degré de chaleur de l’atmosphère est le même que celui qui les mettoit en fleur dans leur pays natal ; ils ont beau avoir changé de climat, ils obéissent, quand les circonstances ne s'y opposent pas, à la loi que la nature leur a assignée dans le nouveau. Aussi voit-on, lorsque les fortes gelées sont tardives, des pêchers, des amandiers fleurir au commencement de nivôse & souvent de pluviôse ; or, en plaçant ces arbres dans l'endroit le plus froid & le plus exposé aux grands courans d'air, ils ne fleuriront pas en pure perte, aussi-tôt que les autres arbres de leur espèce, plantés contre de bons abris. D'ailleurs ils fleuriront plus tard au printems ; le développement & l’épanouissement étant retardés, la fleur craindra beaucoup moins les funestes effets des gelées tardives du printems. Admettons encore que ces arbres soient en fleurs dans le même tems que le seront ceux qui sont bien abrités, je ne crains pas de dire que les fleurs de ces derniers seront bien plus maltraitées que les autres, en raison de l’humidité qui les recouvre, tandis que le courant d'air l’aura dissipée sur les fleurs des premiers. On fera très-bien cependant d'avoir de bons abris pour les pêchers, les abricotiers, les amandiers, sur-tout dans les départemens du nord, afin que si les gelées détruisent les fleurs des arbres plantés sur l’élévation, elles n'endommagent pas celles des arbres bien abrités, & ainsi tour-à-tour. J'ai observé un très-grand nombre de fois, dans l’intérieur de la république, que les gelées du printems nuisoient plus aux arbres des bas fonds qu'à ceux des coteaux ou des éminences. Les sols argílleux sont à comparer aux bas fonds, ils retiennent l’eau trop long tems, quand une fois ils en sont imbibés ; la chaleur a-t-elle dissipé leur humidité ? leurs molécules se resserrent, s'adaptent les unes aux autres, & en masse se durcit au point que les racines n'ont plus la liberté de s'étendre. Les fruits cueillis sur ces arbres n'ont ni saveur, ni parfum, & ces arbres offrent sans cesse le triste spectacle de la nature souffrante, & qui dépérit insensiblement.

Les jardins fruitiers sont communément environnés de murs, soit afin de défendre les fruits contre le pillage, soit pour se procurer de beaux espaliers. Les arbres y sont plantés & taillés ou en espalier ou en contre-espalier, ou en éventail,


ou en buisson, ou bien livrés à eux mêmes, s'ils sont à plein vent. Tout le monde convient que le fruit de ces derniers est infiniment supérieur au goût ; mais dans les départemens du Nord, la chaleur n'est souvent pas assez forte pour lui faire acquérir une parfaite maturité : il convient, & on est forcé alors de les tenir ou à mi-tige, ou ravalés par une taille quelconque, soit en éventail, soit en buisson. Le premier offre le long d'une allée une jolie tapisserie de verdure, singulièrement embellie au tems des fleurs, & très-riche lorsque les fruits ont acquis leur grosseur & leur couleur ordinaire ; mais la monotonie est fatigante. Les seconds permettent à la vue de pénétrer à travers le vide qui reste entre eux, à mesure qu'ils s'éloignent & forment une cloche dont l’évasement est au sommet. Il est certain que si tous ces arbres sont à la même hauteur, que s'ils ont un égal diamètre, ils produisent un très-bel effet.

On n'aime pas la bigarrure le long des allées ou des espaliers, que présentent les arbres à mi-tige, placés alternativement avec les arbres nains : ou tout un, ou tout autre. Le mi-tige seul figure très-bien, & la vue se promène agréablement par-dessous. L'arbre en éventail fait tapisserie, & ne permet pas de voir au-delà, pour peu que ses branches soient élevées. Lorsqu'on plante, on doit considérer, 1°. L’utile, 2°. l’agréable.

Admettons qu'on ait à former ta totalité d'un jardin fruitier, & qu'on désire avoir des arbres sous toutes les formes ; les allées une fois tracées, le sol divisé par plattes-bandes ou par quarreaux, on réservera les quarreaux du fond aux arbres à plein vent, les quarreaux qui les précèdent seront destinés aux arbres à mi-tige, ceux en avant aux arbres taillés en buissons ; les seconds quarreaux aux arbres nains, livrés à eux-mêmes, & tels qu'ils pousseront après les avoir ravalés après leur plantation, & encore mieux sans les avoir ravalés ; enfin, les quarreaux sur le devant seront occupés par des arbres taillés en éventail.

On sera peut-être étonné que je place dans le nombre des nains des arbres qui ne seront point sujets à la serpette ni à la taille, outre qu'ils produiront un effet pittoresque, & un peu sauvage au milieu de ces arbres symmétriquement arrangés, j'ose assurer que chaque année ils se chargeront de beaucoup plus de fruits que les autres, & l’on sera surpris de leur étonnante végétation. Enfin, après une longue suite d'années, on les mettra, si l’on veut, & sans courir aucun risque, en arbres à plein vent ; il suffira petit-à-petit & médiocrement chaque année, de supprimer les branches les plus basses, & de recouvrir soigneusement les plaies avec l’onguent saint Fiacre. Au surplus, la disposition de la forme des arbres dépend de la volonté du propriétaire.

Lorsque l’on plante un fruitier, l’espace paroît immense, & le pied de chaque arbre, très-éloigné du pied voisin, parce qu'alors on n'apperçoit qu'un tronc mince, sans branches, sans feuilles, & absolument nud, mais pour peu qu'on ait l’habitude de voir & de juger de l’espace qu'il occupera dans la suite, on se règle alors sur la distance proportionnelle que les arbres exigeront entr'eux : c'est pourquoi j'ai conseillé de mettre chaque espèce à part, soit par rapport au fruit, soit par rapport à la force de la végétation de chaque espèce. Ce n'est pas tout : on doit encore connoître la manière d'être & de végéter de chaque arbre dans le pays qu'on habite, & relativement au sol : par exemple, les bons-chrétiens d'été, d'Ausch, à feuilles de chêne, &c. poussent bien plus vigoureusement (toutes circonstances égales) dans les départemens du Midi que dans ceux du Nord ; ils demandent donc à être plus éloignés entr'eux dans cette région qu'aux environs de Paris. C'est de cette manière que l'homme instruit juge & compare, tandis que l’ignorant tire des coups de cordeaux, alligne & espace symmétriquement ses arbres. Eh ! le coup-d'œil, dira-t-on, doit-il être compté pour rien ? Je réponds : Eh ! qu'importe votre coup-d'œil à la nature ? croyez-vous que la beauté d'un jardin dépend d'une monotone symmétrie ? Le premier point est de tirer du sol tout le parti possible, & d'avoir des arbres de la plus grande beauté. Veut-on encore absolument ne pas déroger au total à l’ordre symmétrique ? eh bien, placez dans les premiers rangs les arbres qui étendent moins leurs branches & s'élèvent moins, & ainsi successivement pour les autres, selon l’ordre de la végétation. Alors les coups de cordeaux seront sur le devant plus serrés & plus larges dans le fond ; mais comme l’effet de la perspective est de paroître diminuer de largeur à mesure qu'elle se prolonge, la suppression d'un, de deux, de trois ou quatre arbres sur le fond sera insensible, suivant la grandeur & la largeur du quarreau ; alors, au lieu d'avoir des lignes droites, vous en aurez d'obliques, mais parallèles & symmétriques. Tout l’art consiste, avant de planter, de mesurer la longueur & la largeur du quarreau, de désigner par des points sur le papier l’espace qui doit régner entre chaque arbre, & de calculer leur nombre, de manière qu'il se trouve toujours un arbre sur la bordure tout autour du quarreau. Sa grandeur & la force de végétation de chaque espèce, décident le nombre que l’espace doit contenir, ainsi que celle à laisser entr'eux. On ne se repent jamais d'avoir éloigné les arbres ; au contraire, on se repent toujours, & bientôt, d'avoir planté trop près. Je plante près,


vous dit-on, pour jouir plus vite, à la longue je supprimerai un rang d'arbres. La précaution est utile pour garnir des espaliers, si toutefois on n'attend pas que les arbres aient souffert par l’entrelacement de leurs racines ; alors ces arbres surnuméraires de l’espalier seront choisis parmi ceux qui se mettent les premiers à fruits, & on les taillera fort à fruit, sans se soucier qu'ils fassent jamais de beaux arbres, puisqu’ils doivent être supprimés après un certain nombre d'armées. En général, on attend toujours trop tard à faire cette soustraction.

L'expérience démontre que les arbres plantés, soit dans les bas fonds, soit dans les terrains goûteux-marécageux, donnoient des fruits sans goût, & dont le parfum ne différoit guères de celui de la rave : de tels fruits sont très-indigestes, & ne se conservent pas. Ces arbres sont dévorés par la mousse, les lichens, &c, & la main attentive du jardinier ne peut complettement les détruire. Je préfererois un sol graveleux., ou caillouteux, ou sabloneux, parce, qu'avec de l’eau & des engrais appropriés, je me procurerois des arbres passables, mais dont le parfum du fruit seroit admirable. Lorsque le terrain est goûteux, les fossés d'écoulement sont le seul moyen de les assainir, s'il n'est pas possible d'en ouvrir, il vaut mieux renoncer à l’établissement du jardin. Heureux, cent fois heureux, celui qui trouve une bonne & profonde couche de terre végétale.

La position la plus utile pour un jardin fruitier, est celle d'un coteau à pente douce, & à l’abri des vents orageux. Dans les départemens du Midi, il est indispensable que l’on puisse conduire l’eau au pied des arbres, au moins deux ou trois fois dans l’été, & après que l'eau a pénétré la terre, la travailler ; sans cette précaution, le fruit flétrira sur l’arbre, ou bien, s'il y reste attaché, sa trop précoce maturité ne permettra pas qu'il prenne sa grosseur ordinaire ni son goût parfumé.

Peu de personnes se déterminent à planter des fruitiers séparés, & sur-tout avec des arbres à plein vent ; alors c'est un verger proprement dit, & pour profiter du terrain qui se trouve entre les arbres, on sème de la graine de foin ; mais on a soin chaque année de faire travailler deux fois la circonférence du pied des arbres. Si l’entretien de cette prairie exige une fréquente irrigation, ces arbres se trouveront dans le cas de ceux plantés dans les terrains humides, dont il a déjà été question. Cependant, cette terre ne doit pas rester inculte, on peut la semer ou la planter avec des légumes qui exigent peu d'eau, & qui sont en état d'être récoltés un peu auparavant l’époque des grandes chaleurs : les arbres profiteront singulièrement des labours donnés à à la terre. Quant aux arbres en éventail ou en buisson, il n'est guères possible d'en cultiver le sol dans la vue d'en retirer des récoltes ; leur ombre est trop rapprochée de la terre, trop épaisse, les plantes s'étioleroient. On doit cultiver la terre en plein plusieurs fois dans l’année, & la tenir rigoureusement sarclée.

Ce que j'ai dit jusqu'à présent s'applique aux jardins fruitiers en général. Ceux des départemens méridionaux, dans les Pays-Bas, & par conséquent très-chauds, exigent quelques précautions de plus ; ils demandent à être arrosés par irrigation, & les grenadiers, les jujubiers, les caroubiers n'y exigent pas des abris ainsi que l’oranger & le citronnier. Quant aux figuiers, ils doivent être plantés dans un quartier séparé ou en bordures, & ils ne réussissent jamais mieux que lorsque leurs racines ont de l’eau tout auprès, & lorsque leur tête est exposée au plus gros soleil. Les câpriers, arbustes à tiges inclinées, craignent singulièrement l’humidité & la terre forte ; les cerisiers, appelés guigniers dans le Nord, y réussissent très-mal, malgré les soins les plus assidus ; les griottiers à fruits, nommés cerisiers à Paris, y réussissent un peu mieux. On n'y cultive aucune espèce de vigne, ni en espalier, ni en contre-espalier, ni en treille, parce que les raisins de vignes sont si bons, si sucrés, si parfumés, qu'il ne vaut pas la peine de leur donner des soins particuliers. Il est inutile d'entrer ici dans de plus grands détails. (Extrait des Décades du cultivateur).

JARDINAGE ; art de planter, de cultiver, de gouverner & de décorer les jardins, soit pour l'utile, soit pour l’agréable.

JARDINER ; c'est s’occuper des pratiques & des travaux du jardinage. Ainsi beaucoup de personnes s'adonnent à la culture des arbres, ou des fleurs, & de différentes plantes dont elles font leurs délices.

JARDINIER ; c'est non-seulement un homme expérimenté qui est préposé pour diriger, conduire & arranger les travaux du jardinage, mais encore celui qui possède la science & les talens requis pour tous les exercices & les fonctions propres à la culture & à la formation des jardins. L'état d'un bon jardinier demande une étude suivie de la nature, une expérience raisonnée, beaucoup dé connoissances relatives & même du goût, avec les ressources d'un génie observateur & inventeur.

JARRET ; terme dé jardinage : c'est une branche d'arbre fort longue qui forme-un angle, & est dépouillée d'autres branches qui ne l’accompagnent ni à droite ni à gauche, soif qu'il y en, soit venu, ou que le jardinier mal habile les


ait ôtées. Ces sortes de jarrets font très-mal, tant dans un buisson que dans un espalier ; il faut les rogner fort bas, pour leur faire pousser de nouvelles branches à l’extrémité qu'on leur donne, & continuer à tailler d'une longueur raisonnable les plus grosses branches qui en sortiront, à l’effet de regarnir.

On est quelquefois forcé de conserver les jarrets pour remplir des vides.

JAVELLE ; grosse poignée de froment ou autre grain en épi qui, étant coupé, reste pendant quelques jours sur le champ pour se dessécher, ou, comme l’on dit, se javeller. Il faut communément trois ou quatre javelles pour faire une gerbe.

JAUGE ; on donne ce nom à une fouille de tranchée qu'on fait pour y jetter une partie de la terre qui est à labourer.

Il faut observer qu'il reste toujours une jauge pareille à la première, jusqu'au bout de la tranchée qui se remplit de la terre mise à part en commençant.

Jauge se dit aussi de la mesure de la profondeur que doit avoir la tranchée ; c'est alors un bâton d'une longueur semblable à sa profondeur, & qu'on présente de tems en tems pour servir de règle.

JAUNISSE ; maladie des arbres qui vient souvent de la sécheresse, ou de la trop grande humidité, ou de la morsure des insectes dans la terre.

La jaunisse de sécheresse se guérit par des arrosemens d'eau de fumier & par des relavures de vaisselle.

On remédie à cette humidité en changeant le sol glaiseux & mat qui retient les eaux, par d'autres terres sabloneuses & meubles, & en mettant même des pierres au fond pour faciliter l’écoulement des eaux.

On répare la morsure des insectes en fouillant & détruisant l’insecte, qui est ordinairement un ver blanc de hanneton ; quelquefois ce sont des taupes & des mulots qui causent ce ravage : il faut nettoyer la morsure, la ratisser, & y appliquer l'onguent de saint Fiacre. Arrosez après avoir recouvert de bonne terre ; ensuite fumez, ou mettez-y des issues de cuisine, ou des lavures de vaisselle.

JET ; on nomme jet la pousse d'un arbre, parce qu'il monte & qu'il s'élève. Après avoir été bourgeon, le jet devient branche & bois formé.

JEUNE DES ARBRES ; c'est une invention nouvelle, dit Schabol, pour empêcher qu'un arbre ne s'emporte tout d'un côté, tandis que l'autre côté ne profite point, & au contraire dépérit. On y remédie en ôtant toute la nourriture & la bonne terre au côté trop en embonpoint, mettant à la place de la bonne terre, de la terre maigre, ou du sable de ravine, pendant qu'on fume bien & qu'on engraisse bien le côté maigre ; de plus, on courbe un peu forcément toutes les branches du côté trop gras, & on laisse en liberté entière le côté maigre. Voilà ce qu'on appelle faire jeûner les arbres, & leur faire pratiquer l’abstinence & la diète ; c'est ainsi encore que, sans tourmenter les arbres qui ne se mettent pas à fruit, sans leur couper les racines, & les mutiler en cent façons différentes, on parvient à leur faire porter fruits.

INCISION dans le jardinage ; c'est l’ouverture faite à la peau d'un arbre. Il est une infinité d'occasions dans le jardinage de faire des incisions aux arbres soit pour des chancres, des tumeurs, des contusions, des plaies diverses qu'il faut raviver ; soit des entailles à pratiquer pour faire évaporer la sève, quand un arbre ne pousse point de la tige à proportion de la greffe & de la tête ; &c. mais jamais d' incision sans l’emplâtre d' onguent S. Fiacre. (Schabol.)

On dit incision latérale, longitudinale, transversale, courte, ou longue, totale, ou d'une partie, grande ou petite, profonde ou superficielle, & de largeur seulement, le tout suivant les cas particuliers où les incisions ont été pratiquées.

INCUBATION ; action de couver. On nomme fours d' incubation ceux auxquels on procure, par le moyen du feu, une chaleur égale à celle que les poules donnent aux œufs qu'elles couvent.

INDIGENE ; on donne ce nom aux plantes naturelles au pays dont on parle. Les plantes d'un autre pays sont appellées exotiques.

INFIRMERIE. Les jardiniers donnent ce nom à un endroit séparé & à l’ombre, où l’on tient, pendant quelque tems, les plantes & les arbres nouvellement ernpottés & encaissés. On y place pareillement les arbres malades & ceux qui ont souffert quelque opération.

INFLUENCE ; c'est l’action de l’air & du soleil sur la terre & sur les êtres organisés qu'elle renferme ou qui la couvrent. La terre est le théâtre où s'opèrent tous les grands mystères de la végétation par le concours des influences d'en haut ; elle est la matrice qui reçoit dans son sein toutes


ces mêmes influences pour les transmettre ensuite dans les végétaux, à chacun suivant sa façon d'être.

Il y a deux sortes d'influences ; des bénignes, telles que les rosées fécondes, les pluies humectantes ; &c. des malignes, savoir : des vents roux, des brouillards vermineux apportant les œufs de quantité d'insectes, & des graines de mauvaises herbes dont l’air est le colporteur & le distributeur.

INGRAT ; (terrain) c'est un terrain qui, malgré une bonne culture, ne donne que de mauvaises productions.

INHÉRENT ; on exprime par ce mot, dans le jardinage, une qualité accidentelle qui est jointe à un sujet & qui lui est sur-ajoutée.

Ainsi le blanc ou le meunier est une espèce de lèpre qui étant inhérente au pêcher, rend tout blancs d'une forte de duvet la peau, les feuilles & les fruits. La jaunisse est pareillement inhérente aux arbres infirmes ; ces maladies sont inhérentes, au lieu que les mousses & les semences d'insectes sont simplement adhérentes aux arbres.

INNÉ. On nomme chaleur innée, celle renfermée dans les entrailles de la terre & qui est le principe de la végétation.

Cette chaleur innée concourt avec celle du soleil pour agir dans les plantes.

INOCULATION ; sorte de greffe inusitée & qui réussit très-rarement. Elle se fait en appliquant l’écusson de manière que son œil soit exactement sur la place où il y en avait un avant l’incision.

INSECTES, & autres ennemis des végétaux. Ces ennemis sont, les pucerons, les fourmillières, sur-tout celles de dessous terre, qui sont de fourmis jaunes, les punaises des deux espèces, les tigres appellées agathes dans quelques provinces, les perce-oreilles ou fourchettes, les limaçons-escargots (ou à coquilles), les limaces, les vers de toute espèce, sur-tout, les vers blancs de hannetons, & ceux de diverses familles de scarabées, qui ressemblent à la chenille, les sauterelles à couteau, les lisettes ou coupe-bourgeons ; parmi les mouches, les guêpes, & celles qu'en quelques endroits on appelle moines & mulots ou souris de champ, les loirs, les taupes, les courtillières (ailleurs, tays ou taupes-grillons.)

Le puceron est un insecte petit, plat, transparent, & même de couleur verdâtre, avec des ailes plus longues que le reste du corps ; quand il a brouté la feuille, il devient gros, rebondi, & d'un vert brun & foncé ; il dépose ses œufs & ses excrémens sur les feuilles les plus tendres : c'est ce qui y attire la fourmi, qui ne va jamais sur un arbre que pour s'y nourrir des œufs & des excrémens des autres insectes, & pour continuer le dégât que les autres ont commencé.

Le puceron se renouvelle trois fois dans un été : il faut le chercher avec soin, l’écraser sur la feuille, qu'on lave ensuite, ou bien, on fait cette opération un moment avant la pluie.

On peut encore le détruire en mouillant les branches où il est, & ensuite, y répandant du soufre en poudre.

On les détruit encore par le moyen d'une lessive de tabac, dont on arrose les feuilles de l'arbre où est le puceron, & on met du tabac rapé par dessus.

Les fourmis. Les plus dangereuses sont les jaunes, qui travaillent en dessous terre, & qui ruinent, les racines des arbres & des autres plantes.

On les détruit par la lessive du tabac & le tabac en poudre, par de la lessive ordinaire chaude ; par une lessive de tan, dans laquelle on laisse le tan (écorce de chêne, dont les tanneurs se font servis pour les cuirs), & par de l'urine échauffée : il faut ensuite enlever les terres infectées, & en mettre d'autres ; ce qui se pratique après tous les remèdes dont on se sert pour détruire les fourmillières.

On peut faire une mine au-dessous de la fourmillière, la remplir de soufre en poudre & y mettre le feu, puis boucher l’entrée de la mine, & laisser brûler pendant vingt-quatre heures.

On peut remplir cette mine de poudre à canon, & y mettre le feu avec une traînée.

On creuse autour d'une fourmillière, à un pied de profondeur, une jauge ; on met dans cette jauge du bois sec ; on en met encore au dessus de la fourmillière : on laisse brûler le tout, & on enlève les terres le lendemain.

On fait encore une jauge autour de la fourmillière, dont on bat bien le contour élevé en bassin, & on le remplit d'eau.

Presque tous ces expédiens entraînent ainsi la ruine ou le dégât des plantes voisines : il faut avoir, pour ainsi dire, le champ libre pour les pratiquer.

Si la fourmillière est le long du mur, il faut la baigner souvent avec de l’eau, ou avec de la lessive de tabac ou de tan.


Les issues ou entrailles de poisson, le poisson gâté, font périr les fourmis, en en frottant le mur, & en y attachant le poisson ou les entrailles.

On se sert encore, pour les attraper, d'une ou plusieurs fioles remplies d'eau miélée, & attachées dans le corps de l'arbre.

Le charbon, ou la fumée du charbon fait fuir la fourmi : on larde de charbon un espalier ; les fourmis le quittent ; mais, après huit à quinze jours, il faut changer le charbon, dont les vapeurs, attirées par l’air, n'ont plus d'effet sur la fourmi.

Punaises. Il y en a de deux espèces, des petites & des grosses : les grosses allant toujours seules, peuvent aisément être attrappées & écrasées.

Les petites vont en bande ; elles, font, par leurs excrémens, sur la muraille & sur l’arbre, une traînée noire comme de l’encre : le soir, elles se retirent dans les creux du mur.

Il faut, secouer les branches où il y a des punaises, ou les jeter bas avec un petit balai de plume, & les écraser à terre.

Ou bien, écarter de la muraille les branches où elles sont, & le soir, verser sur ces branches plusieurs arrosoirs d'eau fraîche, ce qui les fait crever.

Quand on prévoit un orage, on écarte les branches chargées de punaises, & cela fait l’effet de l’arrosoir.

On peut aussi blanchir, avec de la chaux vive, les creux où elles se retirent. (Voyez Punaises.)

Les perce-oreilles ou fourchettes, qui entament les fruits, & s'y logent, y attirent les fourmis, pour faire entr'elles le plus cruel dégât. On les prend aisément sur les espaliers, dans des cornets de papier à sucre, dans des cornes de bœuf ou de mouton, dans les montans de laitues, & dans de petits paquets d'herbes desséchées : ces insectes s'y réfugient la nuit ; le matin, on secoue les pièges, & on les écrase.

Les tigres ou agathes, qui sont de petits insectes, presque ronds, d'une couleur vive, tantôt safranée, tantôt rouge foncé, avec de petites taches noires, n'attaquent que les poiriers, & pommiers ; ils se rassemblent chaque nuit, & dans les tems de pluie, dans quelque creux ou gerçure de l’arbre, où il faut les chercher & les écraser.

Les limaçons escargots (ou grosses & petites coquilles), & les limaces, sont aisés à trouver, ou la nuit, sur les arbres, ou le matin, en suivant leur traînée argentine.

Les petits collimaçons, ou coquilles, s’attachent à la feuille lors de la pousse : il faut les chercher & leur déclarer la guerre, car ce sont de grands destructeurs en jardinage.

Les chenilles. On doit chercher leurs nids pendant l’hiver, les couper & les brûler, de même que les bagues d'œufs de certaines chenilles, qui enveloppent & entourent une branche en orme de bague ; il faut aussi chercher avec soin celles qui éclosent pendant l’été ; c’est le seul secret infaillible contre cet insecte : dès qu’on en apperçoit quelques œufs, il faut tout de suite les écraser, ou les brûler.

Les fumigations, soit avec des torchons gras que l’on brûle, soit avec le soufre allumé, sont des moyens insuffisans, & qui ne valent pas l'œil & la main, pour détruire les chenilles, & prévenir leur ravage.

Une corde de crin autour de la tige & des premières branches d’un espalier, empêche les chenilles, les limaces & les perce-oreilles d’y monter.

Les vers. Les vers ordinaires, ou de terre, sont inévitables : néanmoins, il faut les détruire, autant que l’on peut, en labourant, & par les tems de pluie, dans lesquels ils sortent volontiers de terre. Quoique ces vers ne nuisent pas beaucoup par eux-mêmes aux productions, néanmoins ils sont à craindre pour elles, en ce qu’ils attirent les taupes, qui gâtent & dérangent tout un jardin.

Il faut chercher & détruire exactement les vers de hannetons : on connoît où ils sont, par la langueur des arbres & des autres végétaux, aux racines & aux collets desquels ces vers s’attachent,.

Ce ver est hideux, informe, & plus gros vers le cul qu’à la tête ; il est grisâtre ou blanc, suivant son âge s’il est trois ans à se former, avant de se métamorphoser en hanneton : c’est le plus dangereux destructeur des plantes, arbres ou légumes, tout lui convient : il ronge les racines, puis il pique le cœur.

Il y a un autre ver assez semblable à celui-ci, mais plus allongé & plus blanc, qui ne lui cède guère pour la destruction : il ressemble à une chenille presque lisse.

Pour prévenir le ravage du ver de hanneton, il faut détruire le hanneton, lorsqu’il paroît au printems, le chercher sur les arbres, les secouer pour le faire tomber, & l’écraser ; le chercher dans les bordures, & sur-tout dans celles de fraisier.


Il y a encore un petit ver à tête noire, qui, dès le commencement de la pousse, s’entortille dans les bourgeons & boutons à fruit : il faut le chercher soigneusement dans ce tems, & l’on est bien payé de sa peine, par le fruit que l’on sauve, non-seulement pour l’année présente, mais pour la suivante : car un arbre rongé par les vers, ne se remet souvent que dans la troisième année.

Il y a encore, au même tems que ces vers paroissent, une petite chenille lisse & verdâtre, non moins vorace que le ver, & qu’il faut également détruire.

Les sauterelles coupent les légumes, en piquent le cœur : il est aisé de les voir, les prendre, & les écraser.

La lisette ou coupe-bourgeons est un petit insecte presque tout rond, aîlé, de couleur brune, ayant une tête pointue, & en avant, deux pinces avec lesquelles il coupe les bourgeons des arbres dans la première verdure : il faut le chercher, secouer les branches où on en voit, & l’écraser : cet insecte, qui est aussi un grand destructeur, ressemble en petit au hanneton.

Il y a encore d’autres petits insectes semblables, pour la forme du corps, à celui-ci, mais de couleur différente ; les uns mirant sur le vert, les autres presque noirs, qui ne détruisent pas moins que la lisette : il faut donc les traiter de même.

Les mouches, telles que les guêpes, se prennent dans des fioles d’eau emmiélée. Dans le tems, il faut donner la chasse à une espèce de mouche, dont le corps est allongé, les aîles noires ; & le reste du corps d’un rouge de corail.

Pour garantir les figuiers, les cerisiers & les chasselas de la voracité des moineaux, il faut faire trois tours avec un simple brin de laine rouge ; l’un vers le bas de l’arbre, le second vers le milieu, & le troisième vers le haut.

Les moineaux sont aussi de grands destructeurs des pousses & bourgeons, qu’ils coupent avec leur bec.

Les mulots & les loirs. On les prend dans les pièges ordinaires, ou on cherche à les empoisonner : le meilleur des pièges est de mettre en terre des pots, dont les bords sont au niveau de terre ; on les remplit à moitié d’eau ; ces animaux viennent s’y jetter & s’y noyer, ainsi que les taupes, les courtillières ou tays.

Pour mieux réussir dans le piège, il faudroit que les pots, un peu plus gros que les pots communs à œillets, fussent plus larges du fond que de l’ouverture, & un peu plus profonds qu’un pot à œillets.

Une feuille de papier blanc, que l’on met auprès des pêches prêtes à mûrir, empêche les loirs & les mulots d'y toucher.

Pour les emprisonner, on fait une pâte avec de la farine, dans laquelle on met de la noix vomique râpée : on fait cuire cette pâte, & on fait fondre dessus du vieux lard, qu'on saupoudre encore de noix vomique ; on met des morceaux de cette pâte dans les endroits où passent les loirs, soit sur un tuilot, soit entre deux morceaux de tuile creuse ; ils en mangent, & s'empoisonnent : mais il faut prendre garde que ni chats, ni chiens ne mangent de cet appât.

Les taupes. On prétend que le fumier frais de chèvre, mis dans les trous de taupes, les fait fuir. On attribue un peu plus de vertu à la noix bouillie dans de la lessive : on ouvre cette noix ; on la met dans les trous ; la taupe en mange, & cela la fait mourir. Le hareng saure, découpé comme des vers ; mis dans les trous de la taupe, produit aussi quelque effet.

Un expédient plus sûr, est d'amasser des vérs de terre, de les mettre dans un pot, de les couvrir & les saupoudrer par-tout de noix vomique râpée, de les laisser vingt-quatre heures, dans cet état, & de les mettre ensuite dans les trous de taupes, qui les mangent, & elles périssenr.

Mais, de tous ces expédiens, le sabot ou boëte, que l’on met au passage de la taupe, est le meilleur, si ce n'est celui de les guéter, & de les prendre avec la bêche, au lever & au coucher du soleil, ou un peu avant la pluie.

Il faut fouler la terre soulevée par les taupes, mais avant, il faut arroser, pour faire couler de la terre dans le trou fait par la taupe.

La courtiliere (ou tays, ou taupe-grillon), est un insecte aussi hideux, que dangereux & destructeur. On le prend aisément dans les pots dont on a parlé ci-dessus : on lui donne encore la chasse, & on le prend infailliblement, en versant dans le trou qu'il fait pour sortir de terre, qui est un peu moins large qu'un petit sou, de l’eau en suffisance, & sur cette eau, on coule un peu d'huile de navette ou de chenevis : ce qui force l’insecte à sortir, & on l’écrase.

INSERTION ; dans le jardinage on emploie ce mot dans le sens d' ente, de greffe. On donne aussi ce nom à l’endroit où les feuilles sont attachées à la plante.

INSTRUMENS D'AGRICULTURE. Ils doivent être solides pour ne point courir risque


d’être brisés ou dérangés par des mains grossières & peu adroites. Il faut que ces instrumens soient, autant qu'il est possible, d'une construction simple, & d'un usage commode & facile. (Voyez Charrue, Bêche, Rateau, Herses, Semoirs, &c.)

INSTRUMENT AGRAIRE, pour défricher.

Cet instrument agraire, est principalement destiné à déchirer & ouvrir la surface des marais desséchés qu'on veut mettre en labour.

Il est composé d'une flèche au bout de laquelle on attèle des animaux de labour. Au talon est fixé un manche arrêté par le fort brin de bois courbe qui y estchevillé Searrêté par l'autre bout sur la flèche. Le bois courbe représente úne roue de râteau garni de fortes dents d'acier trèstranchantes en devant, & précédées d'une autre dent seule fixée sur la flèche. Cet instrumentdont le manche est à hauteur d'appui, se lève moyennant le bout postérieur de la barre qui forme la diagonale, ou s'enfonce à la volonté de celui qui le guide & s'appuie dessus.

JONC ; c'est un herbage qu'on ne sème, ni qu'on ne cultive point, mais qui croît en touffe & par place seulement dans les lieux humides : au lieu de feuilles, il produit de petits tuyaux ronds d'un vert-foncé, qui sont toujours droits & sans aucun nœud, de la hauteur d'un pied, ou d'un pied & demi. Il a une sorte de petite mœlle blanche. Il est plusieurs sortes de jonc ; le même qui est plein & ferme, c'est celui-là qui sert dans le jardinage pour lier les bourgeons tendres & les attacher aux treillages quelconques, ce qui s'appelle palisser.

Les autres joncs qui sont creux, longs, molasses & gros ne valent rien. Il faut que le jonc soit vert ; quand il est seché il se casse. Il est un jonc marin qui est le même & très-fort : beaucoup de jardiniers s'en servent, mais ils coupe le bourgeon ; & comme il y a dessus une sorte d'éverins, il agace d'abord les serpettes les mieux tranchantes. Schabol conseille de faire lever des touffes de joncs dans les lieux marécageux, & de les transplanter dans les jardins à l’écart, en place perdue, au frais & à l'ombre, pour en avoir au besoin sous sa main. Rien de mieux non-seulement pour le palissage, mais pour servir de liens à la place de la paille, aux menus légumes & même pour attacher les vignes aux échalas.

JOUG ; pièce de bois traversant la tête des bœufs qu'on attèle à la charrue. (Voyez Animaux propres au labour.)

JOURNAL, Journel ou Journeau, terme d’agriculture ; c’est une pièce de terre qu’on peut labourer en un jour avec une charrue & deux chevaux. Cette mesure est ordinairement évaluée à environ cent perches quarrées de dix-huit ou vingt-deux pieds par perche. Au reste, comme il y a des terres plus aisées à labourer que d'autres, l’étendue du journal doit beaucoup varier suivant le sol des différens cantons.

JOURNÉE ; travail d'un homme pendant un


jour. On appelle gens de journée, des ouvriers qu'on loue pour travailler le long du jour.

ISSUES DE CUISINE, ou Lavures de vaisselle ; c’est, dit Schabol un des plus puissans engrais, quand il a fermenté. Il en faut dire autant des issues de boucheries, qui sont toutes parties tant internes qu'externes des animaux destinés à nous nourrir, & qui étant décomposées par la putréfaction, contiennent, quantité de parties volatiles propres à la végétation.




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L

LABOUR ; c'est l’action de remuer la terre avec quelque outil ou instrument que ce puisse être, la renversant sens dessus dessous, à dessein de la rendre fertile.

Le premier labour est le défrichement de la terre qu'on veut mettre en valeur ; il se fait en tems sec pour les terres humides, & en tems pluvieux pour les terres légères & pierreuses.

On dit labour foncier quand il est profond & lorsque le sol a du fond. On nomme labour léger celui qui se fait à la superficie de la terre.

La profondeur du labour doit être proportionnée à la qualité du sol, aux besoins de la graine qu'ou veut semer, & aux circonstances qui déterminent à labourer. On ne peut sans doute trop labourer les terres fortes pour les atténuer, les briser, les diviser & les réduire en menues parcelles. Quant aux terres légères, il faut être grandement en réserve au labour qu'on leur donne. Dire qu'on doit labourer davantage les terres légères que les terres fortes, est un paradoxe insoutenable. Les terres maigres remplies d'un sable léger sont sujettes à perdre beaucoup de leurs sucs par les grands vides qui s'y forment naturellement, d'où il suit que les labours trop fréquens en atténuent trop les molécules.

On doit donner deux labours aux arbres fruitiers, un au printems, & un autre avant l'hiver.


LABOURER ; c’est diviser les molécules de la terre, les exposer successivement aux influences de l’air, & déraciner, en même tems, les mauvaises herbes qui nuiroient aux semences.

On dit labourer à la houe, à la fourche, à la bêche ; mais le labour le plus parfait est celui de la bêche.

Pour bien labourer en jardinage, il faut, 1°. que la jauge qu'on fait devant soi avec la bêche soit toujours bien évidée. On amasse, dans ce creux les pailles, les fumiers, les mauvaises herbes qui sont à la superficie, excepté les chiendens & autres racines traînantes, & on recouvre le tout de terre.

2°. La bêche doit toujours entrer en terre


jusqu'à la douille, & être peu inclinée ; les jardiniers paresseux inclinent beaucoup, pour aller plus vite.

3°. On doit prendre garde en labourant de bien niveler la terre, la rendre égale par-tout & l’ameublir.

4°. Si quelques endroits sont plus élevés, on en retire le trop de terre, on la réserve pour la dernière jauge de son carreau, on en couvre les endroits les plus bas, ou on la répand partout.

Les terres légères se labourent moins souvent que les fortes.

6°. Enfin, quand on veut semer dans un terrain ainsi labouré, on y passe le râteau avec lequel on nettoie & on unit la terre.

Mais passons aux différentes façons de labourer, indiquées par Tull, agriculteur anglois, & Duhamel, son commentateur.

Toutes les terres, disent ces auteurs, ne doivent pas être labourées de même, & c'est probablement ce qui a donné lieu aux différentes espèces de charrues qui sont en usage dans diverses provinces.

Il y a des terres maigres & légères qui n'ont point de fond ; c'est-à-dire, qu'à une petite profondeur, on trouve le tuf blanc ou la craie, ou même la roche. Jamais on ne peut espérer un grand produit de ces sortes de terres. Néanmoins quand elles se trouvent dans un pays habité, on ne laisse pas de les cultiver ; & à force de les fumer, on en tire quelques secours, d’autant qu'il en coûte peu pour les labourer : car on se contente de gratter cette superficie où réside toute la fertilité, avec un crochet de bois qui est armé d'un morceau de fer ; & un petit cheval ou même, un âne suffit pour tirer ces espèces de charrues qui n’ont pas de roues.

Il y a d’excellentes terres à bled, mais qui ne forment qu’un lit d’environ quatre pouces d’épaisseur, sous lequel on trouve une terre rouge stérile. Comme ces sortes de terres s’mbibent de l’eau des pluies aussi-tôt qu’elles sont tombées, on les laboure à plat, & l’on a soin que la charrue ne pique pas jusqu’à la terre rouge, qui diminueroit la récolte suivante, à moins qu’à force de fumier l’on ne rendit à la terre sa fertilité.

Il paroît probable qu'à la suite du tems & à force de culture, la terre rouge qu'on a mêlée avec celle de dessus deviendroit bonne ; mais un fermier ne veut pas s'exposer à perdre plusieurs récoltes : d'ailleurs il lui en coûte moins pour ne labourer que la superficie de la terre, que pour la labourer à une grande profondeur.

On laboure ces terres avec de petites charrues qu'on appelle à oreille, parce qu'à côté du soc qui est assez étroit, il y a une planche contournée de façon qu'elle renverse la terre du côté qu'elle est placée ; & comme cette planche peut être changée de côté, le charretier est le maître de renverser la terre du côté qu'il veut.

Pour rendre ceci plus clair, supposons qu’un charretier commence sa raie en A, & qu’il aille en B. Ayant mis l’oreille de sa charrue du côté de sa main droite, & incliné le coutre du même côté, il renversera la terre du côté de c c c. Etant arrivé en B, il retourne sa charrue ; mais comme il veut encore renverser la terre du côté de c c c dans le sillon qu’il vient de faire, avant de commencer la raie D, il détache l’oreille du côté droit où elle étoit, & il l’attache du côté de sa main gauche ; il change aussi la direction du coutre. De cette façon, la terre qu'on laboure se renverse toujours dans le sillon qu'on vient de former, & tout le champ se trouve labouré à plat.

Si l’on a fait le premier labour de A en B, on fait le second de C en D, & les raies se trouvent disposées comme d, c.

Il paraît que par ce croisement les mottes sont mieux brisées, & la terre mieux remuée que si l’on faisoit tous les labours dans le même sens de A en B. Lorsque les terres ont beaucoup de pente, ou lorsqu'elles sont longues & étroites, comme il n'est pas alors possible de croiser les raies, on les biaise le plus qu'on peut ; & si les raies du premier labour ont eu la direction f, g, on donnera à celles du second la direction h, i.

Quand les terres sont fortes, telles qu'un sable gras, on se sert de charrues plus fortes que pour les terres dont nous venons de parler. Le soc de ces charrues est au moins une fois aussi large que les socs des charrues à oreille. Ces grandes charrues n'ont point cette partie qu'on nomme l’oreille ; mais elles ont une pièce de bois qui en tient lieu, qui est fermement attachée au côté droit de la charrue. On la nomme le versoir ; & pour cette raison, l’on appelle ces sortes de charrues des charrues à versoir. Il est évident que comme le versoir est toujours du même côté de la charrue, il renverse toujours la terre du même côté qui répond à la main


droite du charretier. C'est pourquoi l'on ne laboure pas avec ces charrues comme avec celles à oreille.

Pour faire comprendre cette autre façon de labourer, supposons qu'on veuille labourer la pièce ABCD, le charretier va de A en B, & il renverse la terre sur sa droite vers E. Ensuite il va commencer une autre raie en C ; & allant vers D, il renverse encore la terre sur sa droite vers F. Puis il transporte sa charrue pour ouvrir une nouvelle raie en G ; & allant vers H, il renverse la terre sur sa droite vers E dans le sillon qu'il avoit formé en faisant la raie AB. Cette raie achevée, il en va commencer une en I ; & allant vers K, il renverse la terre sur la droite dans le sillon qu'il avait formé en faisant la raie CD, & quand tout le champ est ainsi labouré, il reste un grand sillon au milieu.

Ces charrues ne font pas un labour profond. Comme le soc est fort large, elles enlèvent une grande largeur de terre qu'elles renversent à côté presque tout d'une pièce. Il est vrai qu'on a plutôt labouré un arpent avec ces charrues, qu'avec celles à oreille ; mais aussi il faut quatre forts chevaux pour tirer les charrues à versoir, au lieu que deux suffisent pour celles à oreille.

Au second labour, on commence à ouvrir la première raie de n en o, & l’on verse la terre dans le grand sillon L M. Puis on ouvre une raie de p en q, renversant encore la terre dans le sillon L M qui se trouve rempli. La seconde raie s'ouvre de r en s, la troisième de r en u, & l’on finit par une raie de x en y, & une de z en &, où il reste deux petits sillons qu'on remplit lorsqu'on donne un troisième labour, après lequel il reste un grand sillon au milieu du champ comme au premier labour.

Comme par cette façon de labourer on renverse une bande de terre ou de larges gazons à côté de la charrue, on ne croit pas que la terre, soit aussi bien remuée qu'elle l’est par le labour qui est fait avec la charrue à oreille.

La largeur des gazons que la charrue enlève, donne occasion aux paresseux de faire une très-mauvaise manœuvre que nous allons expliquer.

Je suppose, dit Duhamel, qu'on veuille labourer un champ pareil à ABCD, le laboureur commence une raie en A, & il renverse la terre du côté E ; il va ensuite, comme on l'a dit plus haut, commencer une autre raie en C, & il renverse la terre du côté F. Quand il est arrivé en D, il va former une troisième raie du côté de A ; mais au lieu de la commencer en G pour renverser la terre dans le sillon, il la commence en H, & il renverse la terre sur la terre non labourée G qui est à côté, & il reste un sillon HL. Il va ensuite commencer une autre raie de M en N, renversant la terre sur une lesse de terre qui n'a point été labourée.

Et continuant ainsi jusqu'à la fin, toute la terre paroît labourée par de profonds sillons, quoique réellement on n'en ait labouré que la moitié. Ceux qui suivent cette méthode, n'ayant en vue que de détruire l’herbe, ils croyent faire des merveilles, parce que l’herbe qui est sur les endroits non labourés, est étouffée par la terre qu'on renverse dessus. Mais il ne s’agit pas seulement de faire périr l’herbe, il faut de plus remuer & atténuer la terre ; c'est ce que cette espèce de labour ne peut opérer. Il est vrai qu'au second labour on forme les sillons où étoient les éminences, qu'on renverse dans les anciens sillons. Mais qu'arrive-t-il de-là ? C'est qu'on croît avoir fait deux labours, & que réellement on n'en a fait qu'un, puique toute la terre n'a été remuée qu'une fois.

Quand les terres sont très-fortes, & argilleuses, on les laboure avec des charrues à versoir comme les précédentes ; mais leur soc n'est pas si large, & elles piquent plus avant en terre. C'est pourquoi il faut quatre chevaux pour les tirer, quoiqu'en faisant chaque raie on remue une moindre largeur de terre.

Les terres spongieuses (ou qui boivent l’eau) se labourent à plat, mais on est obligé de donner un écoulement à l’eau lorsque les terres la retiennent. C'est pour cela qu'on a coutume de former dans les terres argilleuses des sillons dans lesquels l’eau se ramasse & s'écoule comme dans des ruisseaux.

Quand les terres ne sont pas extrêmement sujettes à être inondées, on fait les raies à une plus grande distance les unes des autres ; c'est quelquefois à cinq toises, quelquefois à quatre, quelquefois à deux ; & les terres ainsi labourées s'appellent des terres labourées en planches.

Lorsque les terres sont plus sujettes aux inondations, on fait les sillons beaucoup plus près à près, ne laissant d'un sillon à l'autre que trois ou même deux pieds de distance, & ces terres sont dites labourées en billons.

Il faut expliquer comment on s'y prend pour donner cette forme aux guérets.

Supposons pour cela qu'on veuille labourer en planches la pièce ABCD, & qu'on se propose de placer les sillons en EEEE.

Le laboureur commence par ouvrir une raie de F en G, puis il en ouvre une autre de L en I qui remplit le sillon qu'il vient de former.


Il revient de H en K, renversant encore la terre du côté du sillon F, ce qui forme le milieu de la planche ; & continuant de labourer de M en N, de O en P, de Q en R, de S en T, une planche est formée, & elle est bordée de deux sillons ; ce qu'il falloit faire.

Souvent on laboure toute la terre à plat avec la charrue à versoir ; & quand tout le champ est ensemencé & hersé, l’on fait de distance en distance les raies EEEE qui forment les planches. Mais cette méthode n'est pas si bonne que la précédente, parce que les planches étant plates & bordées d'une petite élévation de terre, l’eau s'en écoule moins bien.

Pour labourer par billons, on ouvre un sillon, de A en B, puis allant de C en D, & de E en F, non-seulement on remplit le sillon, mais on forme en cet endroit une éminence qu'on nomme le billon, qui est bordée de deux sillons. On fait la même chose aux endroits GH, IK, & toute la pièce est labourée en billons.

Il y a aussi des paresseux qui ouvrent une raie de a en b, renversant la terre sur l’espace c c c qui n'a point été labouré ; puis ils ouvrent une autre raie de d en e, renversant encore la terre sur l’espace c c c. De cette façon, toute la terre paroît labourée, quoiqu'elle ne le soit effectivement qu'à moitié.

Il est inutile de faire observer que comme on ne fait tous ces sillons que pour égoutter les eaux, il faut les diriger suivant la pente du champ qu'on laboure, afin que l’eau s'écoule plus promptement.

Les terres légères ou douces qui ont été labourées à plat ou par grandes planches, sont ensemencées à sa main. La plus grande partie des grains tombe dans le fond des raies ; ensuite la herse abat les éminences des raies dans les petits sillons. De cette façon le bled est enterré, & il semble qu'il a été semé par petites rangées, ou comme dans des rigoles.

Il ne seroit pas possible de semer de même les terres très-fortes & argilleuses, parce que les mottes étant dures, la herse ne peut les briser, & saute dessus, & le bled seroit toujours mal enterré. C'est pourquoi l'on enterre le bled à la charrue, c'est-à-dire, qu'on répand la semence avant de donner le dernier labour qui renverse la terre & recouvre le grain.

Nous l’avons dit plus haut ; il ne convient pas de labourer toujours les terres de la même manière. C'est pourquoi une charrue, qui est propre à labourer une espèce de terre, ne vaut rien pour en labourer une d'un autre genre. Si on vouloit labourer les terres de Beauce avec les charrues sans coutre & sans roues qu'on emploie dans les terres extrêmement légères, à peine égratigneroit-on la terre. De même, si on vouloit labourer des terres très-fortes & argilleuses avec les petites charrues qu'on emploie en Beauce, on ne seroit qu'un labour superficiel qui ne vaudroit rien. Aussi les laboureurs de Beauce ont-ils des charrues à versoir pour défricher les sain-foins, les lusernes, & pour labourer les chemins où la terre est quelquefois si dure que les charrues à oreille romproient plutôt que de l’ouvrir.

A l'égard des terres fortes qui ont bien du fond, il faut les labourer le plus profondément qu'il est possible, & pour cela il faut de fortes charrues qui aient de la largeur ; car si elles sont étroites, comme il faut ouvrir la raie tout auprès des sillons qu'on vient de former, & comme la terre résiste beaucoup, la charrue retomberoit dans le sillon ; au lieu que quand la charrue est large, elle entame la terre à une plus grande distance du sillon, & elle l'ouvre sans tomber dans le sillon précédemment formé.

L'objet qu'on se propose en labourant les terres, est de détruire les mauvaises herbes, & de briser la terre de façon qu'elle soit réduite en petites molécules. La bêche est bien propre à remplir ces vues, parce qu'en retournant la terre, l’herbe se trouve recouverte de beaucoup de terre, où elle pourrit : d'ailleurs elle remue la terre à huit ou dix pouces de profondeur. Mais cette opération est longue, pénible & coûteuse, de sorte qu'on ne peut en faire usage que dans les jardins.

La charrue est beaucoup plus expéditive ; mais communément elle ne remue pas la terre à une aussi grande profondeur, & souvent elle la renverse tout d'une pièce sans briser les mottes ; car le coutre coupe le gazon, le soc qui suit l’ouvre, & le versoir ou l’oreille le renverse tout d'une pièce sur le côté. L'agriculteur anglois s'est attaché à perfectionner ce labour, & pour cela il a imaginé une charrue qui porte en avant quatre coutres au lieu d'un. Ces coutres sont placés de façon qu'ils coupent la terre, qui doit être ouverte par le soc, en bande de deux pouces de largeur ; ce qui fait que le soc ouvrant un sillon de sept à huit pouces de largeur, le versoir renverse une terre bien divisée qui ne forme plus de grosses mottes plates, comme le font les charrues ordinaires. Il arrive de là que quand on vient à donner un second labour, la charrue ne trouve à remuer que de la terre meuble au lieu de rencontrer des mottes, ou même des gazons qui n’ayant pris racine depuis le dernier labour, sont aussi difficiles à di-


viser que si la terre, n'avoit jamais été labourée.

D'ailleurs, Tull prétend qu'avec sa nouvelle charrue il peut remuer la terre à dix, douze, & quatorze pouces de profondeur ; & comme par cette charrue on fait de profonds sillons & des billons fort élevés, la terre est bien plus en état de profiter des influences de l’air.

Quand on veut mettre en façon une friche ou un champ qui n'a point été labouré depuis longtems, il faut que la terre soit très-humide, surtout si elle est forte, car sans cela elle seroit si dure que les contres ne pourroient la couper, ni le soc la renverser. Mais quand les terres sont en façon, il faut éviter de les labourer lorsqu'elles sont fort humides ; car alors le trépignement des chevaux & le soc même corroyent & aglutinent les terres fortes, à peu près comme le font les potiers lorsqu'ils préparent, leur terre pour en faire des vases, & ainsi l'on gâte la terre au lieu de l'améliorer.

Cependant la charrue à quatre coutres la corroye moins que la charrue ordinaire ; parce que le soc de celle-ci la détache par une pression, au lieu que les coutres de l'autre l’ayant coupée en plusieurs pièces fort petites, le soc la renverse sans presque la pétrir. D'ailleurs, comme la charrue à quatre coutres entre dans la terre jusqu'à la profondeur de douze ou quatorze pouces, elle y trouve la terre assez sèche, lors même que celle du dessus est très détrempée.

Tull recommande qu'on mette tous les chevaux les uns devant les autres quand on laboure une terre molle, afin que marchant tous dans le sillon, ils ne pétrissent pas tant la terre.

Si la terre est en bonne façon, l'on peut la labourer par le sec ; mais le tems le plus avantageux est lorsqu'elle est un peu pénétrée d'eau, sur-tout pour la nouvelle charrue qui auroit peine à piquer bien avant si la terre étoit fort sèche.

Il est vrai que comme cette charrue pique bien avant & quelle remue beaucoup de terre, il faudra employer plus de force pour la tirer ; ainsi il sera nécessaire de mettre trois chevaux au lieu de deux, & quatre au lieu de trois. Mais on sera bien dédommagé de cette augmentation de dépense par la perfection qu'on donnera au labour.

La charrue à quatre socs ne sert que pour les principaux labours, pour défricher les terres, ou pour mettre en bonne façon celles qui n’ont point été labourées, ou qui l'ont été mal depuis long-tems. Elle est encore très propre à faire des labours d'hiver, & l’on peut s’en servir de tems en tems pour former de grands sillons dans le milieu des plates-bandes entre les rangées de bled.

Mais l'agriculteur anglois ne prétend pas qu'on donne tous les labours avec cette charrue. Il ne bannit point la charrue ordinaire ; il en approuve même l’usage pour les labours d'été : il recommande aussi l’usage d'une autre espèce de charrue à un coutre qui n'a point de roues, & qui est plus légère que la charrue commune. Il la nomme la houe à chevaux, parce que cet instrument doit faire un labour assez semblable à celui qu'on fait à bras d'homme : nous la nommerons la charrue légère. C'est principalement avec cette houe qu'il laboure les plates-bandes, ou qu'il cultive les plantes pendant qu'elles sont en terre.

Pour bien exécuter ces labours, il faut que la charrue soit légère & maniable, qu'elle puisse approcher aussi près qu'on veut des plantes, & qu'on soit maître de faire prendre au soc une autre direction que celle des chevaux : C'est pour remplir ces intentions que Tull a supprimé les roues ; & effectivement on sait qu'en Provence les laboureurs font aller leurs charrues qui n'ont point non plus de roues, sous les oliviers, quoiqu'ils soient trop bas pour que les chevaux puissent passer dessous.

Mais ces charrues de Provence ne font qu'égratigner la terre, au lieu que l'intention de l'agriculteur anglois est que sa charrue la laboure. C'est pourquoi il l’a artistement construite de façon que quand le cheval marche suivant la ligne A B (Pl. II, fig. 20), le coutre suive une ligne parallèle, mais plus ou moins éloignée de A B, telle que C D, E F, ou G H, I K. (Voyez Animaux propres au labour.)

LABYRINTHE ; bosquet formé d'allées étroites qui se croisent si artistement, que, lorsqu'on y est engagé, on trouve difficilement la route unique pour en sortir.

LAITERIE ; c'est, dans la campagne, un lieu à rez-de-chaussée, où l'on serre le lait & tout ce qui sert au laitage, & où l'on fait le fromage & le beurre. (Voyez pl. XXXII & son explication, & quant au plan, pl. XXXIX, fig. 4).

LAMBOURDE ; on entend par ce mot, dans le jardinage, une branche longuette de la grosseur d'un fétu, plus commune sur les arbres de fruit à pépin que sur ceux à noyau. Elle est placée sur les côtés comme un dard, & a des yeux plus gros & plus serrés que ceux des branches à bois. Les boutons à fruits naissent sur les lambourdes.



LANDE ; on donne ce nom à une grande étendue de terre uniquement couverte de bruyères, de genêts, de broussailles.

LARDER ; en terme de jardinage, c'est fourrer avec la main du crottin chanci dans l’intérieur d'une couche à champignons, à travers l’enduit de terreau ; en sorte que toute la couche en soit garnie ; on rebouche les trous à mesures afin que l’air n'y entre pas.

LATÉRALES ; branches. On donne ce nom aux branches & aux bourgeons qui, au lieu de pousser droit en montant, croissent & s'étendent sur les côtés.

LAVURE ; eau qui a servi à laver la vaisselle. Cette eau est très-convenable à la végétation, & c'est un des meilleurs engrais quand on l’a laissé fermenter. Cependant il faut être d'autant plus circonspect dans l'usage qu'on fait de cette eau, qu'elle est, comme l'on sait, brûlante, à raison des sels & des sucs qu'elle contient.

J’ai vu, dit Schabol, un figuier placé dans une encoignure d'une cour exposée au levant & au midi. Il pouvoit alors avoir deux pouces & demi de tour. En moins de six ans, cet arbre s'éleva à la hauteur du toit de la maison, & grossit de quatre pouces. Ses fruits étoient aussi excellens que nombreux. Ses racines avoient percé les joints des pierres des fondations & s'étendoient à trente pieds sous le pavé de la cuisine, plus bas de deux pieds que celui de la cour. En les suivant, on s'apperçut qu'elles remplissoient le puisard destiné à en recevoir les eaux. Cette pousse prompte & extraordinaire doit moins s'attribuer à la position du figuier le long d'un mur, qu'à l’eau du puisard ou ses racines s'étendoient.

LÉGUMES ; on donne ce nom aux petits fruits verds qui viennent dans des gousses, comme pois, fèves ; on le donne aussi à toutes sortes d'herbes, plantes & racines cultivées dans le potager, & bonnes à manger.

Le jardinier légumier, légumiste, ou maraîcher, est celui qui se consacre uniquement à cultiver les légumes.

LÈPRE ; maladie des arbres, qu'on nomme aussi le meûnier ou le blanc. Elle attaque principalement le pêcher. Elle se manifeste par une espèce de duvet blanchâtre qui enveloppe les feuilles du bourgeon en juin ou juillet. Il faut enlever le bourgeon couvert de lèpre, sinon l’effet seroit mortel & contagieux pour les autres bourgeons : on arrête ces bourgeons à trois ou quatre yeux plus bas que le bout attaqué. (Voyez à l’article Blanc.

LESSIVE ; ce terme s’entend, dans le jardinage, quand on lave avec une eau de savon, les arbres tout noirs de punaises, & où se trouve une incrustation du couvin de l’animal appellé tigre.

On frotte aussi ces arbres avec un couteau de bois ; puis, avec une brosse courte, on les lessive enfin avec l’eau simple.

Lessive ; (eau de) c’est l’eau qu’on verse sur du linge entassé dans un cuvier. Cette eau se charge de sels, en passant sur un lit de cendres placé par-dessus. On se sert, dans le jardinage, de l’eau de lessive pour arroser les orangers, & mouiller les planches où l’on a semé des plantes qui demandent une terre substancielle.

Lessive ; eau composée que certains charlatans débitent pour faire des dupes, sous prétexte de favoriser & d’augmenter la végétation, ou sur la promesse de guérir les maladies des arbres, & d’en éloigner les insectes nuisibles.

LEVÉE ; terme d’agriculture & de jardinage : c’est la sortie des germes dont on a mis les semences an terre. On dit faciliter la levée des grains, ou la levée des grains promet beaucoup, &c.

On dit aussi qu’une semence lève, quand on voit la jeune plante sortir de terré.

LEVER un arbre ; c’est l’enlever d’un endroit pour le replanter dans un autre. On ne peut prendre trop de précautions pour bien lever tout arbre qu’on veut remettre en place. Il faut le lever avec toutes ses racines, & le replanter sans en couper aucune.

LEVIER ; pièce de bois de brin qui, par le secours d’un coin nommé orgueil, lequel est posé dessous le bout, aide à lever avec peu d’hommes un gros fardeau. Lorsqu’on pèse sur le levier, on dit faire une pesée.

LÈVRES ; on donne ce nom aux deux parties séparées de l’écorce qui a été incisée. La nature remédie à cette plaie faite à un arbre par un épanchement du suc nourricier qui rapproche & réunit les deux parties séparées dans l’incision.

LIEN ; c’est une espèce de corde qu’on fait avec la paille, avec l’osier, avec le jonc pour lier plusieurs choses ensemble.

LIGATURE ; terme employé dans le jardinage pour désigner les bandages qui retiennent les cataplames placés sur les plaies des arbres & sur leurs parties malades.

LIGNEUX ; ce qui est de la nature du bois, comme la coque des noix & des amandes, les racines de certains végétaux, &c. On nomme plantes ligneuses celles sous l’écorce desquelles se trouve une couche de bois, telles que le lilas, le jasmin. Les fibres ligueuses sont celles qui sont dures & qui traversent la substance de plusieurs plantes annuelles. Si l’on coupe horisontalement le corps ligneux, ou la partie solide de certaine végétaux, on y remarque des cercles excentriques & les empreintes qui se font chaque année dans leur intérieur, & qui désignent assez exactement leur âge.

LIMPIDE ; ce qui est clair & transparent. Ce terme, dans le jardinage, se dit de l’eau de la sève.

Dans la vigne, lorsqu’on la coupe durant qu’elle est en seve, il en sort une quantité d’eau prodigieuse, & cette eau est plus limpide que celles qui auroit été filtrée à plusieurs reprises. Au contraire, la sève de quantité d’autres végétaux est visqueuse, glutineuse, laiteuse, &c.

LIT ; ce terme désigne la couche d’un corps qui s’est étendu sur un corps différent. On dit dans ce sens un lit de gravier, un lit de glaise.

Lit s’emploie aussi pour épaisseur. Un lit de fumier est un monceau de fourchées de fumier sur une certaine longueur.

LITIÈRE ; c’est ce qu’on met sur le pavé des écuries & des étables pour servir de lit aux animaux. On fait ordinairement la litière de paille. A son défaut, on peut se servir des tiges de pois qui restent dans le râtelier, quand on en a donné aux animaux ; on se sert aussi du genêt ou de la bruyère pour faire litière.

La litière sert à amander les terres après avoir servi de lit aux animaux, & qu’ils y ont jetté leurs excrémens & urine.

LOBES ; terme d’anatomie qui désigne les deux parties du poumon. On l’a introduit dans la physique du jardinage pour exprimer les deux parties qui composent certaines graines, telles que l’amande fruit de l’amandier, l’amande des noyaux, les deux parties d’une sève, d’une amande de citrouille, &c.

Le bled, le seigle, l’avoine & autres semblables n’ont point de lobes, ces graines sont d’une seule pièce ; les lobes s’ouvrent lors de la germination, pour laisser passer la tige qu’ils renferment.

LOGE ; cellule ou cavité placée dans l’intérieur d'un fruit, & qui renferme les semences. Chaque loge est ordinairement séparée par une cloison.

Loge se dit aussi de quantité de petits espaces vides qui reçoivent & contiennent la sève des plantes.

LOQUE ou Loquette ; c'est, dans le jardinage, un petit morceau d'étoffe avec lequel on attache chaque branche & chaque bourgeon à leur place dans les murailles, chassant avec un marteau un clou sur chaque loque.

On dit palissage & palisser à la loque. Ce palissage est seul en usage à Montreuil & aux villages circonvoisins. Là, on ne se sert pas d'osier ni de jonc aux espaliers.

Le palissage à la loque n'est pas si magnifique que le palissage sur les treillages peints en vert, mais il est bien plus avantageux ; il n'y a pas de comparaison pour l’abondance & le goût, la beauté & la maturité des fruits. En général, plus un fruit quelconque approche de la muraille, plus il acquiert de qualité, de conleur & de saveur. Telle est la raison pour laquelle


les fruits de Montreuil sont si recherchés. (Roger Schabol).

Il faut, pour faire usage des loques, que les murs soient enduits de plâtre, ce qui ne peut convenir aux murs de terrasse, à cause de l'humidité des terres.

On observera, 1°. que la loque soit placée entre les feuilles, & qu'elle n'en engage aucune ; 2°. que le clou qui l’attache au mur tire sur la branche.

LOUCHET ou Leuchet ; outil du jardinage : c'est une sorte de bêche étroite. Cet instrument est fait comme la bêche pour la figure, à l’exception que la bêche est toute de fer, & que le louchet est de bois, garni de fer tranchant pour fendre la terre.

LOUPES. Dans le jardinage, ce sont des grosseurs qui naissent aux écorces & à la peau des arbres. On peut les couper sans danger dès leur naissance, en y appliquant l'emplâtre de l’onguent saint Fiacre ; mais non quand elles ont vieilli. (Roger).





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M

MACHINE ; c'est en général tout ce qui sert à augmenter ou régler les forces mouvantes. On distingue six principales puissances ou machines auxquelles on peut rapporter toutes les autres. Ce sont le levier, le tour, la roue dentelée, la poulie, la vis & le coin.

Les moufles, les verrins, le guindal, les grues, les cabestans, sont des machines d'un fort grand secours. Le pressoir & la calandre sont encore des machines très-puissantes.

La machine hydraulique est une machine composée de roues, de pompes, de ruyaux, & servant à élever & conduire les eaux.

Les machines à feu sont celles qui ont pour moteur les vapeurs d'une petite quantité d'eau échauffée par le feu, qu'on entretient continuellement sous une forre chaudière. Les machines à feu ont une puissance formidable qu'on emploie avec succès dans les plus rudes travaux des grandes manufactures, ou pour élever les eaux & faire agir les pompes.

Machine pour élever l’eau d'une rivière au moyen de la vis d'Archimède. (Voyez pl. XLIX).

La force des courans de la rivière A fait tourner sa grande roue B, & en même-tems la roue dentée sur champ C, qui est à son même essieu. Celle-ci fait suivre le même mouvement aux deux lanternes D & E, ainsi qu'à la seconde roue dentée sur les deux champs F & aux lanternes des deux vis d'Archimède G & H. Par ce moyen, les deux vis d'Archimède, en tournant, doivent élever l’eau du réservoir I jusqu'au réservoir K ; mais il faut observer que la roue dentée sur ses deux champs F faisant tourner les deux vis d'Archimède en deux sens opposés, il faut entortiller de même en deux différens sens, sur leurs essieux, les tuyaux de plomb qui composent les deux vis d'Archimède. afin que, comme on le souhaite, elles puissent élever l’eau du réservoir I.

Autre machine pour élever l'eau d'un réservoir à une hauteur considérable.(Voyez pl. L).

Les deux pignons A & B qui sont massifs, faits en bois ou en métal, occupent tout l'espace de la caisse ovale C D, dans laquelle cependant ils doivent tourner librement & s'engréner l'un dans l’autre.


La caisse C D doit être solidement faîte, & ne doit être ouverte que dans sa partie inférieure D, comme le marque la figure, & à l’endroit E, où il y a seulement un trou de la grosseur du tuyau F, qui doit y être placé. Toutes les autres parties de la caisse doivent être bien jointes & bien luttées.

Il faut mettre cette caisse dans le puits ou dans le réservoir dont on veut se servir, & l’'y arrêter solidement & de façon qu'elle y soit toujours couverte d'eau. Ensuite vous mettrez au pignon A l'axe coudé G, qui répond au second axe coudé H par la pièce de fer I, & qui est obligée de suivre le mouvement de ce dernier, par la raison que la pièce de fer I est faite en coulis, comme la figure le représente, & ne peut se mouvoir qu'autour de la cheville fixe K ; ce qui fait que les deux bouts font toujours, & en tout sens, un semblable mouvement : ainsi le coude H, qui est le même que celui de l’axe de la grande roue L, venant à tourner, il faut que l’axe coudé G tourne aussi, & par conséquent non-seulement son pignon A, mais aussi le pignon B.

Lorsque ces deux pignons tournent, l'eau qui se trouve entre leurs dents, à la partie marquée D de la caisse ovale C D, s'y conserve jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à la partje C, & qu'elle y soit comprimée par la continuelle augmentation d'eau que l’entre-deux des dents des pignonsy apportent. Alors l’eau, qui ne peut contenir dans cette parrie de la caisse, étant ainsi comprimée & ne pouvant ressortir par où elle est venue, elle entre dans le tuyau F, & y monte successivement jusqu'à l'endroit où vous la voulez élever.

La vue de la figure fait voir qu'on fait tourner à force de bras la grande roue L, & par conséquent son axe coudé H & les pignons A & B, au moyen de la manivelle M.

Autre machine très-simple pour tirer facilement, & avec abondance, de l’eau d’un puits, quoiqu'il soit bien profond. (Voyez pl. LI).

Figures 1 & 2, aux deux bouts d'une chaîne suffisamment longue, vous attachez le sceau A & le sceau B, qui doivent être d'une égale grandeur, & cette chaîne passant comme dans une poulie dans les six fourchettes attachées à l'essieu C, elle peut faire monter ou descendre chacun de ces sceaux selon le côté que l’essieu tourne, afin que le sceau rempli d'eau puisse, par sa pesanteur, emporter le sceau vide, par la raison que ses chaînons de la chaîne forment des espèces de nœuds, & que ces nœuds empêchent la chaîne de couler sur les fourchettes.

Pour faire tourner l’essieu C, l’on place à ses deux bouts les grandes roues D E, qui lui servent aussi de balanciers pour le maintenir en mouvement, & ces deux grandes roues étant tirées de haut en bas à force de bras, avec des cordes semblables à celles des cloches, qui leur sont attachées à un point de leur circonférence, elles tournent continuellement ; & faisant tourner de même leur essieu C, celui-ci fait monter le sceau plein d'eau, & fait descendre le sceau vide.

Si l'on veut se servir, pour cette machine, d'une corde en place d'une chaîne de fer, il faudra, pour empêcher la corde de couler sur les fourchettes, la faire croiser au moyen de deux poulies A & B, comme la figure 2 le représente.

MAILLE de treillage ; c'est un petit quarré occasionné par la rencontre de quatre échalas disposés en longueur & en largeur, & liés avec du fil de fer. Les mailles, usitées pour les berceaux & cabinets, ont pour l’ordinaire quatre à cinq pouces en quarré. Les mailles des treillages sont de six à sept, de neuf à dix pouces.

MAILLER ; c'est espacer par intervalles égaux, des échalas pour faire du treillage.

Mailler. ; c'est encore tracer sur le terrain un parterre ou un bosquet en autant de carreaux qu'en forme sur le papier le dessin qu'on veut exécuter.

MAIN ; c'est, dans certaines plantes, une production filamenteuse qui leur est nécessaire pour s'attacher aux corps solides qui sont à leur portée. La vigne, la couleuvrée & beaucoup de légumes ont des mains, qu'on nomme aussi vrilles.

MALADIE des plantes. Tous les corps organisés éprouvent de tems à autre certains dérangemens qu'on peut appeller maladie. La trop grande abondance ou la disette de sève, les mauvaises humeurs dònt elle est imprégnée & l’inégalité de sa distribution, sont les causes les plus ordinaires des maladies des plantes.

MANCHE ; c'est la partie d'un outil par laquelle on le prend & on le fait agir. Les outils de jardinage ont pour manche des morceaux de bois ou bâtons, dont la grosseur & la longueur sont réglées suivant l'usage qu'on en fait.



MANNE ; ouvrage d'osier, fait par le vanier pour transporter & conserver des fruits. On donne pour l’ordinaire aux mannes quatre pieds de long ; leurs bords ont six pouces, leur fond est à claire voie. Les mannes sont très-commodes pour serrer les fruits dans une fruiterie, attendu qu'on les pose les unes sur les autres jusqu'au plancher, sans que la transpiration du fruit soit interceptée.

MANNEQUIN ; panier long & étroit, rond & à claire voie.

On appelle mannequins, en jardinage, des paniers faits avec l’osier ou autre bois liant, & qui servent à transporter en mottes les gros plants, & même à y planter des pois de bonne heure, pour ensuite les mettre dans la serre.

Les mannequins destinés à la plantation des primeurs, sont ordinairement plus longs que larges, On y met deux rangées de petits pois ; on y plante aussi de même des choux-fleurs, des fleurs & autres primeurs.

On fait encore des mannequins creux & ronds, qui servent à ramasser les pierres & les mauvaises herbes. Le laboureur doit toujours avoir un de ces mannequins devant lui, pour y jetter le chiendent, les pierres, &c.

Mannequin ; (arbres en) ce sont des arbres que des jardiniers tirent de terre, & mettent dans des mannequins ou paniers d'osier, lesquels ensuite ils remettent en terre pour les lever & les transplanter avec leurs mannequins.

MARAIS ; terrain bas, mais élevé au-dessus du niveau de l’eau, dans lequel on cultive toutes sortes de légumes. On choisit des terrains bas pour la culture des légumes, qui ont besoin de beaucoup d'eau & de fumier, parce que les puits y lont moins creux, que l’apport du fumier y est plus facile, & que les légumes y viennent mieux que dans un terrain élevé.

Machine pour sécher un marais, pour vider un batardeau, ou pour tirer de l’eau d'un endroit peu profond.

Une simple inspection de la figure (pl. XLVII), avec l’indication des principales parties de cette machine, suffisent pour en faire connoître le jeu & le mécanisme.

Les grandes cuillières A B qui doivent puiser l’eàu dans le réservoir C, & l’élever dans le réservoir D, sont attachées par le bout de leur manche, avec des chevilles de fer mouvantes, au bord du réservoir D ; elles sont suspendues par les leviers E F à leur bout F avec les mains G H. & ces leviers, dont la pointe fixe est en K, sont tirés à leur bout E par les deux autres mains L M, ces deux dernières mains étant attachées avec des anneaux aux deux coudes N O de l'axe de la roue P, font élever & baisser les leviers E F, & par conséquent les cuillières AB, lorsque la roue P tourne, & l’on fait tourner cette roue à force de bras, avec une manivelle, que l'on place au bout de l'axe du pignon Q.

Autre machine pour le même usage. (Pl. XLVIII).

Les quatre grandes cuillières A qui doivent porter l’eau des réservoirs B au réservoir C, sont attachées, pour cet effet, comme celles de la précédente machine, par le bout de leur manche, au bout du réservoir C, & elles sont suspendues par leur gros bout avec les quatre barres de fer mouvantes D à la grande bascule E F qui a son point fixe en K, & qui est garnie, comme la figure le représente, des trois contrepoids G H I.

Pour mettre en mouvement la bascule E F, & en même tems les quatre grandes cuillières qui lui sont suspendues, cette bascule a à ses deux bouts les cordes L M, que deux hommes tirent à force de bras, de la même manière que l’on tire les cordes des cloches.

Suivant ce mouvement, les quatre cuillières A de deux en deux ne cessant de se baisser & de s'élever alternativement depuis les réservoirs B jusques un peu en-dessus du réservoir C, elles puisent & vident abondamment, & en peu de tems, l’eau que l'on s'est proposé d'élever.

Il faut observer que les contrepoids G H I facilitent beaucoup l'exécution de la machine, & qu'ils lui servent de balancier pour maintenir en mouvement la bascule E F.

MARCHEPIED ; petite estrade utile aux jardiniers pour le palissage, pour la taillades arbres, & pour cueillir les fruits. Cette estrade est formée de plusieurs degrés. On a soin que les montans soient emboîtés par le bas dans une petite coulisse, afin qu'ils n'entrent point en terre.

MARCOTTE, Marcotter ; c'est faire prendre racine à un rameau de quelque plante, en le couchant en terre. Il y a deux sortes de marcotte, la simple & celle à entaille.

La simple se fait en couchant simplement en terre quelque rameau de celle des plantes qui prennent aisément racine. C'est ainsi qu'on marcotte la vigne, le figuier, le coignassier, le jasmin, le groseiller, le mûrier & autres.

La marcotte à entaille est celle qui se fait par une incision au rameau avant que de le coucher


en terre ; & telle on la pratique aux rameaux d'œillets.

Toutes ces marcottes, on les sèvre en les coupant en-dessus de l'endroit où elles ont pris racine, & on les transplante.

Marcotter est donc un moyen de multiplier les arbres, & beaucoup de plantes, sur-tout les ligneuses. Cette opération se fait dès l'automne, après la chute des feuilles, pour les arbres robustes ; en avril pour les arbres délicats, & au commencement de septembre pour ceux de verdure perpétuelle.

Nous venons de dire qu'il y a deux sortes de marcottes.

1°. La simple, qui se fait en couchant dans une petite rigole, a six pouces de profondeur, les branches qui sont assez basses pour le permettre, & qu'on arrête ensuite à deux yeux hors de terre.

2°. La marcotte à entaille se pratique en faisant une incision immédiatement au-dessus du coude d'une branche qu'on incise entre deux. joints jusqu'à mi-bois sur un pouce de longueur, & mettant dans l’entaille un petit morceau de bois pour en empêcher la réunion. Cette dernière façon a principalement lieu pour les œillets & les arbustes précieux.

3°. A l’égard des arbres plantés dans des caisses, & dépourvus de branches à leur pied, voici comme on s'y prend. On met un entonnoir de fer-blanc à la branche qu'on veut enraciner, & on la marcotte vers le milieu de l'entonnoir, qui est rempli de bonne terre. On choisit encore une branche vers la mi-mars, on l'écorce dans sa partie basse de la longueur du doigt, & on enveloppe cet espace d'un morceau de cuir lié avec de l'osier ; on passe cette branche par le trou d'un pot rempli de terre, qu'on élève à sa hauteur. Au mois d'octobre suivant, on la coupe près du trou du pot, & on la plante dans une petite caisse.

MARECHÉS, Maraischers ou Maragés ; ce sont des jardiniers établis autour des grandes villes, qui cultivent, dans une certaine étendue de terrain, des herbes & des légumes qu'ils portent ensuite vendre dans les marchés publics ; beaucoup de fumier, de terreau, d'arrosemens & de travail renouvellent sans cesse les productions de leurs marais ou jardins potagers.

C'est bien pour eux qu'on peut dire, d'après un grand poète :

La Nature est inépuisable,
Et le travail infatigable.
Est un dieu qui la rajeunit.

MARNE ; c'est une terre grasse qui tient beaucoup de l'argille. Les laboureurs s'en servent pour améliorer leurs tirres. Une terre marneuse est celle qui tient de la nature de la marne, ou bien une terre où la marne abonde.

MARRE ; instrument d'agriculture. C'est une espèce de houe. (Voyez ce mot).

Marrer une terre, c'est la labourer avec la marre.

MARS ; les mars, en terme d'agriculture, signifient les menus grains qu'on ne sème que depuis le mois de mars, en continuant le reste du printems. Tels sont les avoines, orges, maïs, sarrasins, vesces, pois, haricots.

MARTEAU ; instrument de fer dont presque tous les ouvriers font usage. Le marteau du jardinier doit être à tête ronde pour enfoncer les clous dans le mur lors du palissage, & à dents pour les en tirer.

Marteau pour mettre le fer de la faux & le rendre tranchant. Ce marteau a sa masse montée sur un manche court & gros ; il a les deux côtés assez allongés, larges, & se terminant l'un & l'autre en un tranchant plus ou moins obtus.

MASSIF ; on désigne par ce mot, la réunion de plusieurs arbrisseaux dans les quarrés des bosquets, pour ne point laisser de passage à la vue.

On donne aussi ce nom à certains arbres qui, à mesure qu'ils poussent du haut, sont coupés en forme de planisphère ou plate-forme. On tond ces arbres avec des croissans fort longs & des ciseaux de même. Il est des massìfs réguliers, & il en est d'irréguliers qui sont taillés en pente & en glacis.

Il y a des jardiniers qui, au lieu de tondre leurs massifs dans le tems de la pousse & en verdure, laissent croître les bourgeons, qui, formant alors de vrais hérissons, font un vilain coup-d'œil. D'ailleurs ces massìfs sont pratiqués pour ne point ôter la vue qui est offusquée par ces bourgeons hérissés.

On appelle encore massif, dans un parterre, une plate-bande de gazon en enroulement qui s'unit à la broderie.

MAT ; c'est le synonyme de brut, grossier, & non travaillé. On se sert de ce terme en parlant des sucs mats de là végétation, qui sont cruds & indigestes ; tels sont ceux des arbres à greffes enterrées.

MATURITÉ ; c'est l'état de bonté du fruit,


qu’on reconnaît à la couleur, à l’odeur & à la consistance du fruit. Son principe est la coction intériture du suc nourricier qui rend la substance du fruit plus tendre, plus moëlleuse, & plus agréable au goût.

MELONNIÈRE ; endroit du potager destiné à élever des melons sur couche. Il est ordinairement renfoncé, soutenu par de petits murs, & environné de brise-vents.

MEMBRES ; on donne ce nom, dans le jardinage, à des branches ménagées de distance en distance sur les deux branches-mères. Celles qui montent garnissent le dedans de l'arbre, & celles qui descendent garnissent le dehors.

MENSTRUES ; terme qui désigne les fausses fleurs que jettent certaines plantes, comme les châtaigniers, les noyers & quantité d'autres. Ce sont des espèces de guirlandes longuettes, formant un amas de petites fleurs groupées, pendantes vers le bas. Elles précèdent toujours la fleur ; elles ne durent que quelques jours, puis se fanent, noircissent & tombent.

MERE ; (branche) grosse branche des arbres, ainsi nommée, parce que d'elle naissent toutes les autres branches.

Mère ; on donne aussi ce nom à la principale racine de la vigne ; c'est aussi le cep dont on tire des sarmens pour faire des marcottes & les placer dans des fosses.

Quand au printems on passe sous des noyers, on voit la terre couverte de ces fausses fleurs, qu'on prendroit, à leur figure, pout de petites chenilles.

MESQUIN ; ce terme se dit, soit des arbres, soit des fruits qui sont mal configurés.

MÉTIS ; on dit un fruit métis, une fleur métive, pour désigner un fruit ou une fleur nés du mélange de deux espèces ; ce qui produit des variétés dans les végétaux de même que parmi les substances animales.

METTRE à fruit ; terme de jardinier. Ce terme se dit d'un arbre qui, après avoir été long-tems sans donner de fruit, commence à en produire.

MEUBLE ; (terre) c'est une terre légère, émiée & aisée à labourer, telle qu'elle doit être pour recevoir la semence qu'on lui destine.

MEULE ; c'est en général un monceau, un tas, une pile. On dit une meule de foin, de fumier, &c.

Les jardiniers donnent particulièrement ce nom à un tas de crottins de cheval, de mulet ou d’âne, qu’on place dans un lieu frais & qu’on laisse se chancir. Cette meule doit être préparée avant que de faire des couches à champignon.

MIETTES de terre. On ne doit, quand on plante, mettre que de la miette de terre sur les racines, & jamais ni mottes, ni pierres. On devroit aussi passer la terre à la claie ; ce seroit, dit Schabol, le plus sûr expédient.

MOELLE ; substance molle & spongieuse, placée dans l’intérieur des végétaux.

MOIGNON. Les élagueurs donnent ce nom à une branche assez grosse, coupée un peu loin de la branche principale, pour qu’elle pousse plusieurs jets. Un bon ouvrier ne doit point laisser de moignons aux arbres.

MONTER ; terme de jardinage. On dit de plusieurs légumes qu’ils ne sont plus bons à manger quand ils sont montés, c’est-à-dire lorsqu’ils poussent leur tige.

On dit aussi, en agriculture, que les bleds montent en épi, que la sève monte dans les arbres, &c.

MONTREUIL, village à une lieue ou environ de Paris. C’est l’endroit de l’Univers où l’on cultive le mieux toutes les plantes dont les fruits sont recherchés, & forment un grand commerce dans leur nouveauté. Les habitans de Montreuil sont sur-tout renommés par leur méthode de traiter & de gouverner le pêcher.

Montreuil, quant à la culture des arbres, est un nom collectif, c’est-à-dire qu’il comprend les villages circonvoisins, Bagnolet, Vincennes, Charonne & autres.

MORFONDU. Ce terme se dit d’un corps incommodé par le contraste du chaud & du froid qui le pénètrent. Lorsqu’au printems des coups de soleil vif font monter la sève précipitamment, & qu’ils sont suivis de vents de galerne dont le froid saisit les arbres, on dit qu’ils sont morfondus, pour exprimer ce qui se passe en eux. Telle est aussi, l’origine de la cloque, ou de la brouissure, qui sont des maladies funestes qui que les pêchers éprouvent lorsqu’ils ont été morfondus.

La sève qui passe par des greffes abreuvées de l’humidité de la terre, ne peut être que morfondue, parce que les greffes sont faites pour recevoir les impressions de l’air.



MORS ; pièce de fer que l’on met dans la bouche du cheval qu’on mène au travail, & qui fait partie de son harnois. On y distingue l’embouchure, le tranche-fil, les branches, les chaînettes, les anneaux, les tourets ou tourettes, la gourmette, les crochets qui tiennent la gourmette, &c.

MORVE ; substance glaireuse qui se trouve dans certains fruits & légumes avant leur maturité, comme dans les noix, les sèves & les pois.

On entend aussi par morve, l’extravasion de sève qui devient glaireuse en s’épaississant, & qui fait pourrir les laitues & les chicorées.

MOTTE ; petite pelotte de terre qui s’aglutine, qui se dessèche ensuite, & se durcit ensuite par le hâle.

On ne doit jamais laisser de mottes en labourant. Il est sur-tout important de bien briser les mottes dans les terres compactes.

Motte ; (planter en) c’est quand on lève un arbre avec ses racines en total ou en partie, la terre tenant au pied. On risque beaucoup de planter en motte des arbres trop vieux. Pendant quelque tems, ces sortes d’arbres paroissent réussir, & au bout de quelques années il faut replanter.

Motte, se dit encore de tout ce qui est planté ou semé dans des pots, & qu’on tire ensuite de ces pots pour les transvaser, ou les mettre en pleine terre. Quand il est question d’enlever & de tirer du pot une motte pour la placer quelque part que ce soit, il convient de renverser le pot sens dessus dessous, puis par un petit ébranlement la faire sortir pour sa mettre en place sans la déranger, mais en la laissant dans son entier.

Motte à brûler ; espèce de petit rond & plat, de cinq pouces de diamètre sur deux d’épaisseur, fait avec de la l’année. Lorsque les corroyeurs ont retiré des cuves les peaux des animaux qu’ils préparent, le tan qui reste est un pâté qu’on met dans des moules de cuivre & qu’on fait sécher à l’air. Les mottes que forme cette pâte sont d’un grand usage pour entretenir la chaleur dans les orangeries, & pour le chauffage économique.

MOUCHE A MIEL, ou Abeille ; insecte qui fait le miel & la cire. Nous ne devons pas nous occuper ici de l’Histoire naturelle & de la description des abeilles ; il suffit de rappeler qu’elles sont une des richesses de la campagne où l’on peut les élever & les soigner.

Pour bien gouverner les abeilles, il faut connoître leurs besoins & par conséquent être instruit de leur manière de vivre ; de la température d’air qui leur convient ; de la situation où, elles se plaisent ; des alimens propres à les fixer dans un endroit, à les maintenir en santé, & à faire qu’elles travaillent & produisent beaucoup.

Quoiqu’en général les abeilles rendent davantage sous un climat chaud qu’ailleurs, il se rencontre pourtant dans plusieurs régions septentrionales des positions favorables où ces insectes peuvent être à l’abri du grand froid, & dans la situation de travailler.

Mais pour que ces mouches réussissent à tous égards, il leur faut de bons prés, des bois, des arbres fruitiers & quantité de fleurs de toute espèce.

La ruche ou habitation d’une famille d’abeilles est susceptible de diverses formes, & elle peut être faite d’osier, de troène, de viorne, de bourdaine, de paille, de jonc, de planches, &c. En Espagne, où il y a des arbres de buis gros comme nos chênes, on scie ces buis de deux en deux pieds pour les creuser & y mettre les mouches. On dit que ce bois a une vertu particulière pour les attirer, retenir, contribuer à leur santé & fécondité.

On fait aussi des ruches vitrées pour la curiosité ; mais on ne peut jouir que très-imparfaitement du plaisir de voir les abeilles travailler, parce que les gâteaux où elles déposent leur cire & leur miel présentent par-tout un obstacle impénétrable. On a aussi imaginé des ruches de terre cuite.

Si un essaim sorti ne trouve pas son logement préparé, il choisit le creux d’un arbre, ou le trou d’un mur, ou il va même s’établir dans un abri sous terre.

Les abeilles n’affectent donc pas une forme déterminée pour leur habitation, & l’on peut leur construire des ruches cylindriques, quarrées, triangulaires, pyramidales, &c.

Au reste, les-ruches de paille de seigle sont réputées les meilleures, & les moins coûteuses.

On a l’expérience qu’en général les ruches d’une grandeur médiocre valent mieux que les grandes, parce que les mouches ne jettent point d’essaim, à moins que la niche ne soit pleine.

Le produit des ruches dépend beaucoup du choix que l’on aura fait des abeilles. Pour les connoître & examiner quelque tems, il fauter faire sortir en frappant doucement de la main contre la ruche, ou en la renversant à demi sur le côté. Le tems le plus favorable pour les transporter est depuis la Toussaints jusques vers la mi-mars, parce que c’est la saison où les mouches sont engourdies, & le miel fixé dans les alvéoles ; mais il est préférable d’attendre à la fin de l’hiver, ou au commencement du printems. Au surplus, il est essentiel de n’acheter que des ruches pleines & en bon état.

À la fin de février ou en mars, on peut, sans faire tort aux mouches, ôter une grande partie de leur cire, & en même tems du miel qui reste de leur provision d’hiver. Il suffit de leur en laisser une quantité convenable pour les jours rigoureux qui peuvent survenir jusqu’au mois de mai. On peut aussi ôter alors plusieurs gâteaux qui sont vides de miel, & sur-tout ceux dont la cire a beaucoup bruni. Ce qu’on enlève de la sorte aux abeilles dans un tems où elles peuvent le remplacer assez vîte, est un superflu. Donc la retranchement les met plus à l’aise, & leur donne lieu de faire de nouvel ouvrage.

En général, le matin est le moment le plus sûr pour visiter les ruches, parce que les abeilles engourdies sont alors moins disposées à se défendre.

Un coup-d’œil jeté cans la ruche, apprend quels sont les gâteaux qu’il convient de couper. Alors avec un couteau dont la lame est un peu courbe, comme celle des serpettes, & qui coupe bien, on taille & retranche ce que l’on juge à propos.

On doit épargner absolument tous les endroits où il y a du couvain. C’est aussi le tems de faire la réserve des gâteaux garnis de miel que l’on gardera pour approvisionner les ruches qui en ont besoin.

La ruche étant suffisamment taillée, on la remet en place, tournant en devant le côté d’où on a le plus ôté ; parce que les abeilles travaillent de préférence dans la partie que le soleil échauffe davantage. (Voyez Ruches & Rucher.)

MOUCHETURE ; terme d’agriculture. C’est une poussière noire qui, sortant des grains de bled niellés lofqu’on bat les gerbes, s’attache fortement au bon grain, & en salit principalement la houpe, où il laisse une tache noire. Cet inconvénient est purement extérieur, & il n’en résulte aucun préjudice pour la santé ; mais le grain ainsi moucheté déplaît aux yeux, & le pain qui en provient n’est point parfaitement blanc. D’ailleurs, il est très-bien prouvé que cette tache, toute superficielle qu’elle est, rend le grain très-disposé à produire du grain charbonné. Aussi le grain moucheté baisse-t-il communément d’un cinquième, ou même d’un quart du prix courant lorsqu’on l’expose en vente.

MOUFLE ; c’est un instrument composé de deux ou plusieurs poulies enchâssées séparément & retenues avec un boulon dans une main de bois, de fer ou de bronze, appelée écharpe ou chape. Cette main est proprement la moufle. La multiplication de ces poulies augmente considérablement les forces mouvantes. Par le moyen des cables, la moufle élève les arbres les plus forts, & les fardeaux les plus pesans.

MOUILLURE. On appelle ainsi l’arrosement qu’on donne aux plantes potagères, & à celles qui sont en caisse.

MOULER des arbres ; c’est, en les taillant aux ciseaux, leur faire prendre diverses figures. Il est de ces arbres moulés qui forment des corps d’architecture, des portiques avec des cintres, des pilastres, des chapiteaux, des bases, des piédestaux, des corniches, &c. La façon la plus ordinaire de mouler des arbres, est de les dresser en boules, ou en pommes & en massifs.

MOULIN. Nous avons décrit, dans un volume du Dictionnaire des arts & métiers méchaniques, le moulin, machine qui sert à réduire en farine la pulpe des graminées, en l’écrasant entre deux pierres massives & orbiculaires, l’une fixe & l’autre tournante, appelée meules. Nous allons donner ici la description de différens autres moulins de nouvelle invention, qui sont employés utilement par les agticulteurs.

Moulin à main. Il y a des occasions où il est utile d’avoir à sa portée des moulins à main pour moudre le froment. Voici la description d’un moulin de cette espèce, dont on peut voir la représentation, pl. XI, fig. 2. A, manivelle pour faire tourner le cylindre B, à l’extrémité duquel est attachée une roue de fer D. C C, soutien du cylindre. E, roue dentelée, laquelle s’engraine dans la roue F, dont l’axe tient au rouleau renfermé dans Ja boîte G. H H sont deux plaques de cuivre qui ferment la boîte par les côtes. I, vis servant à ralentir ou à accélérer à volonté le mouvement du rouleau.

Moulin à bras. (Voyez pl. LII.) Le principe du mouvement de cette machine consiste, pour ainsi dire, en la grande bascule A B C, qui est suspendue par son axe D, de manière qu’elle peut faire son jeu, c’est-à-dire, s’élever & se baisser à mesure que deux hommes, à force de bras, tirent les cordes E F, comme l’on a coutume de tirer les cordes des cloches. L’axe D’est traversé par la pièce de bois G, aux deux bouts de laquelle les manches des cliquets H & I sont attachés avec des chevilles de fer mouvantes. Ces deux cliquets sont posés sur la roue faite en rochet K ; & la font tourner l’un après l’autre, selon les mouvemens forcés que la bascule leur imprime. Ils se succèdent merveilleusement bien dans cette manœuvre ; car lorsque la bascule baisse son point A, le cliquet H fait tourner le rochet, & au moment que le point A cesse de s’abaisser, le point C se baisse, & le cliquet pousse à son tour la roue. Ainsi, tant que le jeu de la bascule A B C continue, il fait tourner dans un seul sens la roue K, & de ces deux mouvemens contraires il en fait faire un qui est réglé.

La roue K, taillée en rochet, est encore dentée sur champ ; & comme ses dents engrennent les fuseaux de la lanterne L, celle-ci suit son mouvement & fait tourner la meule du moulin.

Il faut remarquer que l’on charge la grande bascule avec du plomb, ou avec des pierres à ses points A B C, afin de la maintenir plus facilement en mouvement.

Moulin mis en mouvement par un bœuf ou un cheval. (Voyez pl. LIII, fig. 1.) Après avoir construit solidement la grande roue A, & le reste de la machine que la figure représente, l’on fait entrer dans la grande roue A un bœuf qu’on a auparavant instruit à y marcher.

Lorsque le bœuf renfermé dans cette roue, fait les mouvemens nécessaires pour marcher, il ne change pas de place, mais il en fait changer à la roue, ou pour mieux dire, à la partie de la circonférence sur laquelle il appuie ses pieds, par la raison qu’eu égard à la proportion qu’il y a entre sa pesanteur & l’effort nécessaire pour donner le mouvement au moulin, il ne sauroit s’éloigner de la ligne perpendiculaire à l’axe de la roue dans lequel il est renfermé, sans la faire tourner.

Ainsi cet animal, en continuant de cette manière de faire tourner la grande roue A, celle-ci communique son mouvement à la roue donnée sur champ B, qui est au bout de son axe, & par conséquent fait aussi tourner la lanterne C & la meule du moulin.

Moulin portatif que l’on place sur une charrette, & qui moud du bled quand on fait marcher la charrette. (Voyez pl. LIII, fig. 2.) Les deux roues de charrette marquées A, & la petite roue dentée sur champ B étant solidement attachées à l’essieu C, ne sauroient tourner les unes sans les autres. Ainsi quand la charrette marche, ces trois roues tournent ensemble, aussi bien que leur essieu ; & la roue de champ B faisant roùrner la lanterne D, fait en même tems tourner la meule du moulin qui est au bout de son axe.

L'on doit remarquer que l'essieu C est attaché au brancart de la charrette avec des bandes de fer qui, en l'enveloppant de tous côtés, lui laissent cependant la liberté de tourner, & que les clous des bandes des roues A doivent avoir la tête fort grosse & taillée en pointes de diamans, afin que par la résistance qu'ils feront à couler sur le pavé & sur le terrain, les roues puissent tourner plus facilement.

Moulin hollandois, pour affiner le lin. Ce moulin à affiner est composé de différentes parties dont les unes sont absolument nécessaires pour son action, & d'autres seulement destinées à donner aux premières tout le jeu qu'elles doivent avoir, & à rendre le travail plus facile. Cette distinction est nécessaire dans toutes les machines, afin que le lecteur sache en quoi il doit suivre exactement son modèle, & jusqu'à quel point il peut s'en écarter sans perdre les avantages de la machine. (Voyez planche LIV, fig. 4.)

Les parties nécessaires du moulin à affiner sont le fuseau mobile C & les cylindres E, placés circulairement autour du fuseau. Le reste de la machine est arbitraire : on peut le charger à la volonté, & lui donner une forme quelconque, pourvu que le mouvement du fuseau soit facile, & que les cylindres soient dispersés en cercle. Cependant, comme la machine hollandoise est simple, peu coûteuse & très-commode, on s'attachera à la décrire très-exactement.

Elle est composée, comme on le voit dans la figure, de deux fortes planches A A, perpendiclaires à l'horison, & retenues dans cette position par trois barres de bois marquées chacune d'un B. Elles sont destinées à donner de la fermeté à toute la machine, & elles doivent par conséquent être fortes, afin de ne point plier dans l'opération. L'effort sur ces parties est plus grand qu’on ne le croiroit d'abord.

Les deux barres supérieures reçoivent une troisième planche perpendiculaire F, qui est mobile. Elle doit être serrée entre les barres, afin qu'en glissant elle retienne sa position perpendiculaire, & qu'elle reste toujours parallèle à elle-même, quand on la pousse en avant ou en arrière selon les occasions. Par la destination de cette planche qui va être expliquée ci-après, on verra qu’elle est pressée avec beaucoup de force. Elle doit donc être solide & aussi ferme qu'aucune partie de la machine.

Les deux planches A A & la planche F sont percées dans la même ligne horisontale, pour


recevoir un fuseau de fer G, inséré par une de ses extrémités dans la grande roue D.

Autour de ce trou il y en a huit autres, placés exactement en cercle pour recevoir les cylindres de bois E, d'un pouce de diamètre, qui traversent horisontalement toutes les planches, de même que le fuseau.

Il n'est pas nécessaire de décrire la roue ; il suffit de dire que sa forme & sa grandeur dépendent entièrement de la puissance qu'on applique à cette machine, & elle doit être construite différemment, selon qu'elle est mue par le vent, par l’eau, par des chevaux, ou par des hommes. Il est bon seulement de remarquer que les mouvemens doivent nécessairement se faire de façon que la roue tourne dans deux sens differens de droite à gauche, & ensuite de gauche à droite. On va voir par l’explication de l’action de cette machine que l'opération ne peut réussir sans cela.

Pour entendre clairement cette explication, il faut d'abord savoir que le fuseau de fer a un œil qui s'étend d'un bout à l'autre, & qui est placé horisontalement quand on passe par cet œil la filasse divisée en petites poignées. On y place chacune séparément & alternativement de droite à gauche, & de gauche à droite. On en met environ six livres de Hollande, & les bouts de ces petites poignées sont disposés régulièrement & également de chaque côté du fuseau. Ces bouts qui sortent de l’œil d'environ trois pouces, sont liés sur le fuseau, chacun à celui qui est auprès de l’autre côté. La filasse étant ainsi attachée, une moitié pend d'un côté, & une moitié de l'autre. Il est clair que pour charger le fuseau de cette manière, il faut tirer les cylindres de bois qui l'entourent, comme on en voit un représenté dans la figure. On les repousse ensuite dans leur première situation pour comprimer le lin, & alors on commence à faire tourner la roue & à faire jouer la machine.

Si l’on trouve que le lin n'est pas assez resserré, & si l’intention de l'aprêteur est de lui donner toute la finesse que la machine peut lui communiquer, on se sert alors de la planche mobile F ; on la fait avancer sur le fuseau ; elle diminue. l'espace que la filasse occupoit auparavant, & elle la pousse avec force sous les cylindres. Comme cette planche supporte alors toute la pression du lin, il est évident qu'elle doit être très-forte & solidement placée entre les barres B.

Il résulte de tout ceci que quand le fuseau tourne, il ne tire après lui qu'une moitié des petites poignées qui l'entourent étroitement & qui sont fortement comprimés entre les dres, tandis que l’autre moitié se développe par le même mouvement, s'élève entre les cylindres & résiste à l’action du fuseau. Il est donc nécessaire que la roue se meuve régulièrement & alternativement, d'abord dans un sens & ensuite dans un autre, afin que les différentes poignées supportent successivement les différens mouvemens de l'opération, s'élèvent entre les cylindres, & soient ensuite tendues autour du fuseau. Ces deux mouvemens réunis divisent la filasse, ouvrent ses fibres, & en quelque sorte les polissent.

Nous finirons par observer que les Hollandois font faire à la roue deux tours dans le même sens, & deux dans l’autre, & que 80 doubles tours de chaque côté donnent à la filasse la plus grande finesse que l’art humain puisse lui procurer.

Moulin hollandois pour nettoyer les graines. Dans les pays & dans tous les cas on fait servir le vent à nettoyer les semences. Comme elles sont spécifiquement plus pesantes que les cosses, les balles, &c. qui les renferment, levant les porte à des distances différentes & les sépare. Il est cependant vrai que cette méthode générale est accompagnée de quelques inconvéniens : le vent ne tourne pas toujours, & il manque souvent quand on en a le plus de besoin. Sa direction n'est pas toujours favorable, relativement à la situation des granges, & on n'en peut profiter hors des maisons, à moins que le tems ne soit beau ; son action d'ailleurs n'est point égale ; &quand il est violent, il peut déranger tout l'ouvrage & occasionner une grande perte de semence.

Les Hollandois ont inventé une machine qui produit un vent artificiel, uniforme, constant dans son action, & dont on peut se servir quand on le veut. (Voyez pl. LIV, fig. 5, 6 & 7.)

C'est un moulin renfermé dans une grande boite K L, fig. 5. Il est librement suspendu sur son axe, & on le tourne par une manivelle A. La moitié de la boîte est vide, & reçoit la semence à mesure qu'elle tombe de la trémie B sur un plan incliné qu'on voit en G. La semence glisse le long de ce plan, & sort de la machine en D, tandis que les balles, les capsules & les corps les plus légers sont entraînés par l’action du vent vers E.

Voici en général l'effet de ce moulin : il produit un vent plus ou moins fort à volonté ; ce vent, renfermé dans la machine, agît avec force & toujours dans la même direction de A vers E. Il trouve dans son passage la semence qui tombe de la trémie, & il la pousse vers E plus ou moins loin, selon qu'elle est pesante. La bonne semence n'est jamais emportée jusqu'au bout de la


machine ; elle tombe au-dedans de la boîte, & les balles vides sont entraînées avec la mauvaise au-dehors dans la direction du vent.

La trémie est ingénieusement disposée pout épargner du travail ; elle est suspendue par des cordes sur quatre chevilles, & la moindre force suffit pour la mettre en mouvement sans aucun effort de la part de l’ouvrier. Une planche triangulaire F est fixée au manche du moulin, & tourne en même tems que ce manche. Les angles de cette planche, en tournant, pressent l'extrémité inférieure d'une petite late courbée qui se meut librement sur une cheville en G : par l'effet de cette pression, l’extrémité inférieure de la late se porte vers H, ainsi l’extrémité supérieure se meut en sens contraire vers 1, & par une corde qui s'attache à la trémie, elle la fait sortir de sa situation naturelle. Quand la pression finit & que les côtés du petit triangle touchent la late, la trémie librement suspendue se remet dans sa situation naturelle, & entraîne la late avec elle jusqu'à ce que l'angle suivant du petit triangle commence à presser, & ainsi de suite alternativement tandis que le moulin tourne.

Après que la semence est délivrée des balles, des capsules, &c. en passant par cette machine autant de fois qu'il est nécessaire, on la nettoie de tous les corps étrangers que leur poids a fait résister à l’action du vent. Les Hollandois commencent par les plus gros, tels que les pierres, les petites mottes de terre, & sur-tout les capsules de la graine, ou les racines des plantes. On fait passer la graine de lin à travers un crible dont les trous retiennent ces corps grossiers tandis que la linette passe facilement.

Cette opération est bientôt finie ; mais comme elle n'ôte pas parfaitement toutes les semences nuisibles, pas même les plus grosses, on se sert ensuite d'un crible percé de trous ovales, & propres à laisser passer la linette. Des semences de figures différentes ne peuvent s'accommoder à ces trous ovales, & elles restent dans le crible, à moins qu'elles ne soient beaucoup plus petites.

S'il y a encore parmi la linette de petites semences, on la remet de nouveau dans un crible dont les trous ne laissent passer que les plus petites semences nuisibles, tandis qu'ils retiennent la linette.

Les Hollandois ne s'en tiennent pas là : ils se servent d'un plan incliné formé de fil d'archal. Dans cette opération, la linette tombe lentement d'une trémie, glisse doucement sur le plan incliné, & pendant cette descente, toute la poussière & tout autre mélange nuisible est entraîné. Les parties hétérogènes passent entre les fils d’archal, & laissent la graine de lin aussi. nette qu'elle peut le devenir par l'art & l'industrie des hommes.

Moulins domestiques. Voici la description & les avantages de nouveaux moulins domestiques pour moudre les grains à faire du pain ; par le C. Tessier.

Ayant l’intention, dit ce savant agriculteur, de faire moudre sous mes yeux différentes espèces de grains pour en faire connoître les farines, je fis venir d'Angleterre, en 1788, un moulin de fer dont la construction est à peu près celle du moulin à café. Il consiste en un cylindre, une boîte cannelée, une trémie, un volant & une manivelle. L'instrument entier n'occupe que deux pieds & demi de place en carré. Le C. Lejeune, serrurier du fauxboug Saint -Antoine, à Paris, en a depuis fabriqué de semblable, avec quelques degrés de perfection de plus. Deux hommes peuvent y moudre en dix-huit heures, un septier de froment, du poids de 240 livres, tantôt tournant ensemble, tantôt l'un après l'autre.

Ce moulin peut au moins servir à occuper en hiver des hommes qui seroient oisifs, & à fournir de la farine quand la gelée arrête les moulins à eau. C'est à cet usage qu'il a été employé pendant le froid rigoureux de 1788 à 1789. Le besoin alors forçoit d'avoir recours dans beaucoup de pays aux moulins à café, bien moins expéditifs & bien moins commodes que celui dont il s'agit.

Le C. Durand, serrurier à Paris, rue Saint-Victor, paroît s'être occupé depuis long-tems des moulins. Il en a construit & fabriqué beaucoup qui ont.été d'une grande ressource. On voit chez lui un beau moulin à manège, c'est-à-dire, tourné par des chevaux, & des moulins à bras de différentes grandeurs.

Le moulin à manège est à deux équipages, chacun ayant ses meules & ses bluteries & pouvant être interrompu sans que l'autre équipage s'arrête. Les moulins à bras sont aussi accompagnés d'une bluterie.

Suivant des expériences qui m'ont été remises, le moulin à manège de Durand a moulu, en une demi-heure, un setier de froment de 240 liv. Un petit moulin à bras a moulu la même quantité de froment en six heures, & un autre moulin à bras plus parfait, en cinq heures. Peut-être dans un travail continu ces moulins ne moudroient-ils pas tout-à fait autant de froment ; car des animaux ou des hommes, dans les premières heures de travail, sont plus agiles & expéditifs que dans le reste du tems.

Trois hommes peuvent se distribuer l'ouvrage


qu'exige un moulin à bras, à raison de huit heires par jour & de 30 sous pour chacun.

Pour tourner le moulin à manège, il faut six chevaux, travaillant deux par deux chacun huit heures par jour. On compte 3 liv. pour le loyer & la nourriture de chaque cheval. Ces animaux, en huit heures, parcourent 15,120 toises, ou sept petites lieues. Des chevaux de ferme, labourant toute une journée, font le même chemin.

Je n'entrerai pas dans des détails de la description de ces moulins : ce sont les moulins ordinaires à mouture économique auxquels Durand, en ouvrier intelligent & habile, a donné beaucoup de perfection. Durand, son fils, serrurier, rue Saint-Etienne-des-Grès, a aussi contribué à cette perfection. Je dirai seulement que Durand père a trouvé & exécuté un moyen de fixer la meule tournante à l’extrémité de son axe, de la déplacer sans peine pour la piquer, & de la replacer de manière qu'elle pût moudre sur le champ, étant parfaitement en équilibre, ce qui est un grand avantage ; car dresser les meules est le désespoir des meuniers, parce qu'à peine dressées, elles perdent leur équilibre & moulent inégalement. À cette perfection, il en a ajouté plusieurs autres moins importantes, qui rendent la machine plus solide & plus propre à moudre également.

Par une disposition des leviers auxquels on attache les chevaux sur l'arbre du moulin, on peut arrêter subitement les chevaux, sans que le moulin cesse aussi-tôt de tourner. Cette disposition, quel qu'en soit l’inventeur, est bien précieuse, parce qu'on ne craint pas que l’ébranlement donné au moulin ne blesse ou ne maltraite les chevaux lorsqu'on les dételé, ou lorsqu'ils font un faux pas, ou qu'ils s'arrêtent pour uriner.

On assure que la construction d'un moulin à manège ne seroit pas plus chère que celle d'un moulin à eau. Une charpente légère suffit. Il ne faut presque pas de fondations, à moins qu'on ne veuille y joindre des greniers & des magasins. Il y a chez Durand père, un beau moulin à manège en activité : il peut servir de modèle ; c'est une chose à examiner & à calculer. On trouve chez lui des moulins à bras de 400 liv., de 600 liv, & jusqu'à 1,000 liv., y compris la bluterie. Toutes ses meules sont prises à la Ferté-sous-Jouarre, où l’on fait que se prennent les meilleures meules. L'emballage & le transport des moulins à bras sont aux frais de l'acquéreur.

On peut considérer les avantages de ces moulins sous deux rapports, comme utiles à l’Etat, & comme utiles aux particuliers. La nécessité de conserver les moulins à eau est un obstacle au projet de rendre beaucoup de rivières flotables ou navigables. On ne doit pas, pour le bien du commerce, détruire des usines aussi importantes que des moulins, à moins qu’on ne les remplace.

Dans les rivières navigables, où il y a des moulins, souvent ces moulins causent de la gêne à la navigation.

Pour entretenir certains moulins, on arrête le cours des eaux, qui alors séjournent dans des prairies, & en font des marais infects, & capables de causer des maladies funestes aux hommes, tandis que si les moulinsi n’y étoient plus, on rendroit ces prairies fertiles, & le pays très-sain.

Il y a des cantons où l’agriculture a besoin qu’on arrose de tems en tems les prés, qui sans cela ne rapporteroient pas, ou rapporteroient peu. Cet arrosement, qui ne peut se faire qu’en suspendant le cours des rivières, est impossible, lorsqu’elles ne fournissent que de quoi entretenir les moulins.

La multiplication des moulins à manège & à bras de Durand, remédieroit à ces inconvéniens. On ne craindroit pas d’ordonner la suppression de beaucoup de moulins à eau, & le remboursement des propriétaires.

Les particuliers peuvent retirer beaucoup d’économie des moulins à bras. Pour droit de mouture, les meuniers ne doivent prendre que le seizième, ou le douzième, suivant l’usage du pays. Le plus souvent, ils prennent davantage. Il est inconcevable que jamais on n’ait pensé à établir une police sur les meuniers. J’ai envoyé exprès à un moulin du froment, que j’ai pesé auparavant. Au retour, ce qui m’a été rendu en farine & en son pesoit un sixième de moins. Je ne connois pas d’impôt plus fort. Qu’on suppose le froment à 36 livres le setier, comme nous l’avons vu ; il a même été vendu beaucoup plus cher. Il en coûte six livres à l’homme qui envoie un setier de froment au moulin, avant qu’il puisse en manger le premier morceau de gain.

Il arrive fréquemment que du bon grain, envoyé au moulin, est changé par le meunier, qui substitue du grain inférieur ou altéré, dont on retire moins de pain, & du pain de mauvaise qualité ; ce qui augmente encore les frais de la mouture.

Les déchets au moulin à eau sont au moins de six livres pesant par setier, au dire des meûniers. Ils sont bien plus foibles dans les moulins à manége ; dans les moulins à bras, il n’y en a presque pas.

Si on avoit chez soi un de ces moulins, on éviteroit donc d’être volé ; on mangeroit le pain de son véritable grain, & on n’éprouveroit que très-peu de déchet.

Les moulins à bras peuvent se placer par-tout, & par conséquent être à portée de ceux qui doivent les veiller ou s’en servir. J’en ai vu chez Durand qui n’avoient, y compris le blureau, que cinq pieds & demi de longueur, sur deux pieds dans leur plus grande largeur. Le très-grand vent, la gelée, la sécheresse, les inondations, rien ne les arrête. Dans les villes assiégées, ils seroient fort utiles. En hiver, lorsque le tems ne permet pas de travailler au-dehors, les ouvriers s’occuperoient à moudre. Les fermiers dont les domestiques, lors de la neige ou de la gelée, sont oisifs, les emploieroient à ce travail, qui procureroit pour une partie de l’année de la farine aussi commode à garder que le froment.

Le C. Parmentier, persuadé de tous ces avantages, pense avec raison que, quelques soient la mécanique & la construction des moulins à bras de Durand, on ne peut en donner le soin au premier venu ; qu’il est nécessaire que celui qui en achetera, ou la personne en laquelle il a confiance, ait les principales connoissances de la mouture ; sans cela, les moulins seront mal conduits ; on n’en retirera pas ce qu’on pourroit en retirer, & on rejetera sur la machine, qui est très-bonne, ce qui vient de la faute de ceux qui l’auront conduite. Appeler un meunier à son secours pour la réparer, ou pour l’entretenir, ce seroit s’exposer à la voir détruire entièrement, ou à la voir tellement altérer, qu’il ne seroit plus possible de s’en servir ; car les meûniers ordinaires ont un grand intérêt à empêcher l’introduction & l’usage des moulins à bras.

Si les propriétaires de ces moulins, ou leurs hommes de confiance ne se familiarisent pas avec les principales pièces, les ouvriers, pour se soulager, quand ils les tourneront, desserreront les meules, & les moulins donneront trop de son.

Le moyen de tirer parti de ces moulins, & d’éviter les petits inconvéniens auxquels ils sont sujets, c’est de donner à ceux qui les posséderont, des notions courtes, simples & à leur portée, des règles & des principes de la mouture. Il faudroit qu’une instruction bien faite en accompagnât toujours l’envoi, & même qu’on l’affichât dans les endroits où on placera ces moulins. Elle servirait de guide & d’apprentissage. Tel est l’avis du C. Parmentier : cet avis est très-sage. Il doit s’occuper de cette instruction quand il aura fait de nouvelles expériences, en comparant le produit de ces moulins, soit par la mouture à la grosse, soit par la mouture économique, avec celui des grands moulins à eau & à vent. (Voyez pl. XXXIX, fig. 3.)

MOUSSE, La mousse est une plante parasitera raison de ce qu’elle vit aux dépens des arbres sur qui elle croît. La mousse a, comme toutes les plus grandes plantes, des racines, un tronc, des branches, des feuilles des fleurs & des graines. La mousse fait tort aux arbres, en ce qu’elle empêche leur transpiration, en ce qu’elle attire à elle les sucs, & qu’elle vit de leur substance, en ce qu’elle gâte leur peau par l’application des petites griffes de ses racines ; enfin, parce qu’elle morfond la sève par l’humidité qu’elle retient.

On ôte la mousse des arbres avec un petit morceau de bois fait en forme de lame de couteau, pu même avec le dos de la serpette, en grattant tes parties mousseuses des arbres. On ne doit jamais faire cette opération qu’après des tems humides.

On nomme arbre mousseux celui qui est couvert de mousse.

MOUVER la terre d’un pot ou d’une caisse ; c’est, dans le jardinage, y faire une manière de petit labour avec quelque outil de fer ou de bois, afin que cette terre étant rendue meuble, l’eau des arrosemens y puisse facilement pénétrer.

MULET ; quadrupède engendré d’un âne & d’une jument, ou d’un cheval & d’une ânesse. La croupe du mulet est effilée & pointue. Sa queue & ses oreilles tiennent beaucoup de celles de l’âne : il ressemble assez au cheval pour le reste. On nomme mule sa femelle.

Ils tiennent, de l’âne la bonté du pied, la sûreté de la jambe & la santé. Leurs reins sont très-forts ; ils portent beaucoup plus pesant que le cheval ne peut faire.

On peut les mettre au labour. On gouverne en général le mulet à peu près comme le cheval.

MULTIPLICATION. Les greffes sont l’unique moyen de multiplier certaines espèces de plantes. Les semences, les marcottes & les boutures sont aussi les moyens de multiplication les plus universels.

MUR. Ce terme se dit d’un fruit qui est parvenu à son degré de perfection, & qu’il est tems de cueillir, de manger ou de serrer.




N

NAIN. (arbre) On appelle ainsi un arbre fruitier qui ne s'élève qu'à une hauteur médiocre, & qu'on dresse en buisson ou en éventail. L'usage en le plantant est de le couper à la hauteur de cinq à six pouces.

NATURALISTE ; c'est dans l'étude du jardinage & de la végétation un observateur exact des procédés & des opérations de la nature, pour agir en conséquence, quant au gouvernement des plantes. C'est dans cette partie, surtout qu'il ne faut point admettre de système, & qu'on doit toujours agir d'après l’expérience.

NAVRER. Les treillageurs expriment par ce terme l’action de donner un coup de serpe à un échalas tortu pour le redresser, par le moyen de la hoche qu'ils y font.

Navrer une branche d'arbre, c'est, dit Schabol, donner un coup de serpette ou d'un outil tranchant, pour ensuite, en appuyant dessus, ouvrir l'entaille ; après quoi l'on rapproche les parties divisées, & on les attache avec une ligature, y mettant l'onguent St. Fiacre. Ce moyen est efficace pour empêcher qu'une branche ne prenne trop de substance sur un arbre trop fort d'un côté & maigre de l’autre. La navrure est aussi bien employée avec succès en quantité d'autres rencontres.

On navre une perche ou un échalas à l’endroit qui n'est pas assez droit. Le coup de serpe entrant un peu avant dans la perche ou l’échalas, fait qu'ils obéissent au jardinier pour les planter de la manière qu'il veut, soit en long, soit en ovale, ou en rond.

NEUVE. (terre) On nomme ainsi la terre qui n'a jamais rapporté, comme celle qui se trouve à quatre ou cinq pieds de sa superficie. Celle qui a été long-tems inculte & qu'on a mise récemment en valeur est aussi une terre neuve.

NIELLE ; c'est une maladie particulière des bleds. Cette maladie se manifeste en vingt-quatre heures, & paroît être causée par ce qu'on appelle un coup de soleil, qui brûle la substance farineuse des grains. En effet, suivant l'observation des gens de la campagne, lorsque le soleil a paru dans toute sa splendeur, & que tout-à-coup du sein de la terre ou d'en haut il


s'élève un brouillard épais, alors si ces rayons ardens franchissent ces vapeurs & embrassent l’horison, on craint la nielle pour les blés, crainte qui n'est que trop bien fondée & presque toujours réalisée.

NITRE ou Salpêtre ; c'est un sel fort répandu dans toute la nature, qui est regardé comme un puissant agent de la végétation. Du tems de Virgile on en saupoudroit les terres pour les faire produire. Cependant il est dangereux de se servir de ce moyen sans de grandes précaution. La neige est bienfaisante aux plantes parce qu'elle est, dit-on, nitreuse.

NIVEAU ; instrument géométrique, utile dans l'agriculture & le jardinage.

Cet instrument sert à faire connoître si un point est plus élevé qu'un autre, par rapport au centre de la terre ; on l'emploie aussi pour tracer une ligne parallèle à l’horison, pour dresser & unir un terrain, pour régler les pentes, conduire les eaux, &c. On nomme aussi niveau la ligne parallèle à l’horison, & l'on dit dans ce sens poser de niveau, araser de niveau.

Le niveau de jardinier est ordinairement l'équerre des maçons.

On dit qu'un terrain ou une allée est de niveau, lorsqu'ils ne sont pas plus hauts en un endroit qu'en l'autre. On dit aussi qu'il faut dresser une allée suivant son niveau de pente, lorsqu'on fait en sorte que sa pente soit égale par-tout dans la longueur de l’allée, de manière qu'elle paroisse unie d’un bout à l'autre, quoiqu'elle ne soit point horisontale.

NODUS ; terme de jardinage. C’est une grosseur soit naturelle, soit contre nature, qui fait quelque saillie. On dit les nodus du bled & des autres plantes semblables, où le long de la tige sont des grosseurs faisant saillie, & ces sortes de nodus sont dans l’ordre de la nature.

Les nodus contre nature sont, dans les plantes, des tumeurs qui ont pour principes un dépôt d’humeurs vicieuses, ce qui arrive quand, par des coupes vicieuses & des plaies réitérées, il se fait dans une plante des tumeurs saillantes, de quantité de bourelets cicatrisans. Une plaie n'est pas encore fermée, que l’année suivante, à côté de cette plaie au-dessus & au-dessous, il s'en fait de nouvelles formant de nouveaux calus l'un auprès de l'autre, ce qui occasionne ces nodus si difformes. Une branche, un gros bois auront été forcés, tors, contournés par quelque cause que ce puisse être ; alors il s'y forme des nodus par l'accession du suc nourricier. Il survient une grêle fort grosse, fouettée par le vent, laquelle hache, brise & enlève la peau de la plante, faisant des contusions & plaies sur plaies ; alors par-tout aux vignes comme aux arbres ; ce ne sont que de ces sortes de nodus. (Schabol.)

NOGUETTES ou Noquettes ; on appelle ainsi des mannes d'osier fort plates, arrondies par les angles, ayant des bords peu élevés, & qu'une anse traverse dans leur milieu. Sur ces noguets, les jardiniers arrangent leurs fruits, dans des petits paniers aussi, pour les placer sur leurs têtes, & les transporter au marché, ou ailleurs.

NOMBRIL des fruits ; c'est la petite cavité placée à l’extrémité du fruit du côté opposé à la queue, comme dans la poire & la pomme. Le nombril des fruits est ainsi que celui de l'homme, formé de la réunion des ligamens qui ont servi au fœtus de communication avec la matrice ; c'est par-là que le fruit, avant que d'être noué, tenoit à l'œil ou bouton de la fleur.

NOVALE ; terre nouvellement mise en valeur ou défrichée.

NOUE ; terme d'agriculture. Ce terme sert en quelques cantons pour désigner un endroit noyé d'eau, qui y forme de petites mares.

NOUER, se dit de toutes les plantes qui portent des fruits ou des graines. Le fruit est


noué, quand de la fleur épanouie fort le fruit formé en petit. On dit de même que les graines ou grenailles nouent, quand la fleur épanouie aussi fait voir la cosse formée également en petit.

NOUEUX ; se dit des arbres & de leurs tiges quand il s'y trouve beaucoup de nœuds & de calus. On doit éviter de planter de tels arbres, d'autant que ces nœuds qui sont les anciennes plaies des branches retranchées & qui ne sont point encore recouvertes, dénoncent le peu de vigueur de l'arbre, & que d'ailleurs ils sont des obstacles continuels au cours de la sève.

NOURRICE. (mère) On appelle ainsi, dans les pêchers, la branche à bois placée à côté ou au-dessous des pêches.

NOUVEAUTÉS ; on donne ce nom aux primeurs des fruits & légumes que l'industrieux jardinier fait venir à maturité avant la saison ordinaire, sur-tout en hiver & au printems. Tels sont les pois hâtifs, les fèves de marais, les asperges, les violettes printannières, &c.

NUD ; planter à nud ; c'est planter les racines à découvert, & non en mannequin, ni en mottes, ni en pot. C'est une bonne méthode pour être sûr de ses opérations, & ne point s'exposer à mettre en terre des racines viciées.

NUTRITION ; changement du suc nourricier en la substance des parties de la plante. La nutrition se fait par la distribution de ce suc qui en augmente ou en entretient le volume. Les labours, les engrais, les pluies, les sels de la terre, animés par la chaleur du soleil, contribuent essentiellement à la nutrition.



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OBSTRUCTION ; c’est un engorgement ou un embarras causé par la quantité & l’amas des humeurs vicieuses & étrangères qui se fait dans la cavité des tuyaux & forme un obstacle à la circulation des liquides, d’où résultent différentes tumeurs, soit intérieures, soit extérieures. Dans les plantes, toute obstruction vient également d’une humeur visqueuse qui coagule le suc nourricier & l’empêche de couler comme auparavant. C’est, en un mot, une affection dans les conduits de la sève, laquelle y cause un gonflement contre nature ou un affaissement.

ŒCONOMIE RURALE ; c’est l’habile & sage conduite qui caractérise le bon cultivateur, ou le prudent administrateur qui préside à l’agriculture.

L' œconomie rurale, dit Chomel, est digne d’une ame généreuse, & qui se plaît à faire du bien. Moins occupé des richesses pour lui-même que pour subvenir aux besoins de nécessité ou de convenance, l’œconome rural pense à répartir les effets de sa propre industrie sur les hommes qui y ont contribué par leur travail ; il regarde comme une justice de mettre à l’abri des dangers & des horreurs de la disette le laboureur, le journalier, l’artisan, & en général le peuple de ses terres.

Une des maximes de Sully étoit, « que le labour & le pâturage sont les deux mammelles d’un État ». Telle fut la base de son système & le principe des opérations de ce grand ministre. Il fit beaucoup de réglemens utiles pour encourager l’agriculture, mais tous avoient pour but de procurer de l’aisance au cultivateur. En effet, c’est là le principal ressort. Il seroit bien digne (continue Thomas dans son éloge de Sully), il seroit bien digne d’un siècle aussi éclairé que le nôtre, de tirer enfin cette classe d’hommes si utile de l’état vil & malheureux où elle a été jusqu’à présent. L’ancienne Grèce, de ses cultivateurs, fit des dieux. Il seroit à souhaiter que parmi nous on les traitât seulement à-peu-près comme des hommes. Quoi ! faut-il être à la fois nécessaire & avili ! Ce seroit aux grands & aux riches propriétaires à donner l’exemple ; car ils peuvent donner l’exemple en tout. Une vérité effrayante pour eux, c’est qu’ils ne peuvent subsister sans le laboureur, au lieu que le laboureur peut subsister sans eux.


C’est une coutume assez générale par-tout, de placer des bataillons sur le passage des souverains. Un roi d’Angleterre, en traversant son pays, vit un autre spectacle ; deux cents charrues que les habitans d’une campagne vinrent ranger sur son passage. Ce trait est d’une éloquence sublime pour qui sait l’entendre.

Il s’en faut bien que dans notre Europe, avec toutes nos sciences & notre orgueil, nous ayons poussé la véritable science du gouvernement aussi loin que les Chinois. On sait que leur empereur, pour donner aux citoyens l’exemple du respect qu’on doit au labourage, tous les ans, dans une fête solennelle, manie la charrue en présence de son peuple. Nulle part l’agriculture n’est aussi honorée. Il y a même des places de mandarins pour les paysans qui réussissent le mieux dans leur art.

Par-tout les hommes sont les mêmes ; on les menera toujours par les distinctions & les récompenses. Mais avant qu’un paysan sache ce que c’est que l’honneur, il faut qu’il sache ce que c’est que l’aisance. Un cœur flétri par la pauvreté n’a d’autre sentiment que celui de sa misère.

Quelqu’habile que soit un œconome rural, il doit être en même-tems assez judicieux pour sentir qu’il a encore besoin de conseils. Il consultera donc souvent ceux qu’il a chargés de certaines parties d’administration. Mais il retiendra toujours le droit de décider, attendu que les gens en sous-ordre sont souvent incapables d’appercevoir, encore moins de saisir son plan général, & qu’ils ne font que tourner dans le cercle étroit de leurs préjugés. Il profitera des lumières de leur expérience, & son génie en appréciera l’utilité.

Il est de l’intérêt de l’œconome rural d’employer le moins de forces qu’il est possible pour ses opérations. Il veillera donc à ce que les gens qu’il paiera pour travailler ne soient pas oisifs. En donnant à ses gens l’exemple d’une vie active, en se montrant à eux, malgré la rigueur de la saison & les incommodités du tems, par-tout où ils sont occupés, on les rend exacts & diligens, & l’on a besoin de moins de monde pour faire la même quantité d’ouvrage que si on les abandonnoit à eux-mêmes.

Le père de famille, le grand propriétaire, enfin l’œcconome rural, doit avoir une suffisante connoissance de toutes les choses nécessaires au labour. Il seroit même à propos qu'il eût mené autrefois la charrue, il connoîtroit mieux les tems convenables aux différens ouvrages de la campagne. Quoi qu'il en soit, il doit donner son application à l’agriculture, & aux choses qui regardent le ménage & l’œconomie car, s'il les ignore, il faut de nécessité qu'il s'en rapporte à la bonne foi d'un fermier qui souvent s'étudiera à le tromper & à dégrader ses terres ou sa ferme. Comme il y a des ouvrages plus nécessaires les uns que les autres, c'est n'entendre qu'imparfaitement le ménage des champs que de ne pas profiter des tems de pluie, de neige ou de frimats pour faire mettre en bon état généralement tous les instrumens qui sont à l’usage soit du labour, soit du jardin, & avoir une bonne provision d'outils, toujours prêts à être mis en usage, afin que quand les jours sont beaux, on ne consomme point son tems inutilement à ces occupations.

Le mauvais tems est encore celui qu'on doit choisir pour faire curer les étables, tondre les haies après que la pluie est passée, arracher les épines qui nuisent dans les prés, &c.

OIGNON ; ce terme se dit des racines bulbeuses de quelques fleurs, comme les tubéreuses, les lys, les tulipes. Leur conservation exige qu'on les lève de terre tous les trois ans ; on les étale ensuite sur une table pour les ressuyer, avant que de les mettre dans un panier qui reste suspendu au plancher tout l’hiver.

ŒIL DORMANT ; (greffe à) c'est la greffe la plus usitée qu'on fait en juillet, août & septembre, laquelle ne pousse qu'au mois de mars suivant. Cette greffe, aussi appellée en écusson, est nommée à œil dormant, parce qu'elle semble, dit Schabol, dormir durant l’hiver.

ŒILLETONS ou Petits yeux. Les œilletons font en effet de petits yeux qui passent de la souche d'une plante, qui en sont les rejettons, & qui peu-à-peu grossissent & s'allongent. Ces espèces de boutons naissent au pied des plantes, percent la terre, & forment de petites souches autour du maître-pied.

Ces œilletons peuvent être replantés. Les bons œilletons doivent avoir quelques filets de racines il faut que les œilletons d'artichaux aient au moins un bon pouce de grosseur.

ŒILLETONNER ; c'est ôter ces espèces de boutons qui naissent aux pieds des plantes. On œilletonne les artichaux, les œillets & autres plantes, parce que si l'on leur laissoit tous ces


œilletons au maître-pied, il ne pourroit les nourrir tous, & ils avorteroient.

OLÉAGINEUX ; qui tient de la nature de l'huile, ou dont on peut tirer de l’huile. Les noix, les olives, les amandes sont des fruits oléagineux. Les pins, les sapins, dont on tire de la résine & de la térébenthine, sont des bois oléagineux.

ONGLET ; c'est le bois mort restant de la coupe d'une branche, laquelle n'a pas été faite assez près de l'œil ou de la branche. L'onglet empêche que la sève ne puisse recouvrir la plaie de la coupe faite à la branche. On ne doit pas laisser de ces sortes d' onglets, sous prétexte de les abattre l’année suivante ; outre que c'est faire deux plaies pour une, c'est reculer d'autant le recouvrement de la plaie.

ONGUENT SAINT-FIACRE ; c'est l'emplâtre fait avec la bouze de vache, ou le terreau gras, ou la terre grasse, ou même la terre du lieu ; cet onguent, employé par les jardiniers pour les plaies des arbres, a été ainsi nommé parce qu'ils prenoient S. Fiacre pour leur patron.

On assujettit cet emplâtre, quand il est un peu grand, avec du vieux linge & de la ficelle.

OPÉRATION ; terme de jardinage. C'est l’action méthodique de la main du jardinier sur les parties d'un arbre, pour lui conserver ou lui rétablir la santé.

ORANGER. Il faut suivre, pour la culture de cet arbre précieux, la doctrine de Roger Schabol, que nous allons rapporter ici d'après ses Elémens du jardinage.

« Les orangers demandent une terre qui leur soit propre ; voici sa composition : moitié terre de taupinière des bas prés, un huitième de crottin de cheval ; un huitième de fumier de vache bien consommé ; un huitième de poudrette ou terreau de matière fécale ; & enfin, un dernier huitième de crottin de mouton, qui aura été précédemment consommé avec du gazon, sinon le crottin de mouton sera mêlé avec de la terre franche.

« Il faut que toutes ces matières reposent au moins un an ensemble, afin que les sucs se mêlent : on les broie bien toutes, ce qu'on recommence avant de s'en servir ; & pour rendre cette terre plus meuble, on la passe par une claie dont les jours soient petits, & on froisse les petites mottes & les grumaux, pour faire passer le tout, ou pour n'omettre aucun de ces ingrédiens ; mais la terre de taupinière en doit toujours faire le fond.

» Les orangers viennent aisément de pépins plantés à trois pouces l'un de l'autre dans du bon terreau mêlé avec de la terre de taupinière ; mais il vaut mieux en acheter de tout greffés, de ceux qui en font venir de Provence, pourvu que toutes les racines soient bien entières, surtout le pivot.

» On les plante, comme les autres arbres, avec toutes leurs bonnes racines rafraîchies à l'extrémité en bec de flûte.

» Cette plantation se fait dans une caisse, ou dans un pot assez grand.

» Leur taille & leur ébourgeonnement se font de même que pour les autres arbres, excepté que l’ébourgeonnement se fait au printems, & la taille en juillet & août.

» La greffe se fait de même, excepté dans celle à écusson, où l'on met l'œil à contre-sens ; ainsi l'ouverture se fait de même.

» Quand les orangers sont malades, que les feuilles jaunissent, que le brûle des branches s'y met, & qu'il y a trop de racines, il faut les décaisser ou dépoter, retrancher de la motte & des racines jusqu'à trois pouces d'épaisseur à l'entour, & un peu plus de trois pouces par en dessous. On ôte ensuite ce qu'il y a de terre dans la caisse ; on met au fond des plâtras, ou des pierres, ou des fagots ; on jette de la terre composée comme ci-dessus dans le fond ; on repose la motte ; on met de la terre au pourtour, sans la presser nulle part ; il faut qu'elle s'affaisse d'elle-même : c'est pourquoi le niveau de la motte doit surpasser de quelques pouces les bords de la caisse, autour de laquelle on fait, avec des bouts de planches, une rehausse, que l'on ôte quand la terre est affaissée.

» On fait quelquefois des demi-encaissemens, suivant le besoin ou la maladie de l'oranger. Ces demi-encaissemens consistent à ôter la terre des côtés, & à en mettre de nouvelle, sans déranger la motte.

» C'est par un mauvais principe qu'on laisse à découvert la naissance des racines de l’oranger : il faut qu'elles soient toujours couvertes de bonne terre.

» Mais si l’oranger est vieux, & qu'il ait été élevé, la naissance des racines découverte, ne la recouvrez que successivement d'année à autre.

» Lorsqu'on met un oranger à fruit, il ne faut lui laisser des fleurs qu'en petite quantité, un peu, au-delà du milieu des branches, en tirant


vers le bout, & n'en pont laisser au bout & à la naissance des branches.

» Les orangers ne doivent être arrosés que rarement & légèrement, & quand la terre est au-dessus presque en poussière ; cet arrosement se fait avec de l’eau reposée au soleil, vers les quatre ou cinq heures du soir ; mais quand les jours sont plus courts, c'est entre trois & quatre heures.

» Quand les orangers sortent de la serre, ou quand ils paroissent malades, on leur donne une bouillie de crottin de cheval, ce qui se fait en mettant dans un baquet moitié eau, moitié crottin de cheval : on délaie bien le tout, même avec les mains, & on en arrose l’oranger.

» On tient les orangers sept mois dans la serre, & on ne les sort que depuis la fin d'avril ou le commencement de mai, jusqu'à la fin de septembre ou le commencement d'octobre.

Il faut les arroser dans la serre, quand la terre est en poussière à la profondeur de deux doigts : on les réchauffe dans ce lieu avec du feu fait avec des mottes de tanneur qui durent longtems ; ces mottes allumées se mettent dans une brasière au milieu de la serre ; ou bien, on brûle ces mottes dans un fourneau avec d'autres bois, mais il faut que cette chaleur soit tempérée, & au degré fixé pour les orangers sur un bon thermomètre.

» Il faut éviter de mettre les orangers trop près du mur, qui doit être garni de paillassons, & bien boucher tous les jours & les fentes par lesquels l’humidité, la fraîcheur des brouillards, la fumée, les vents coulis pourroient s'introduire dans la serre.

» Une orange est quinze mois à mûrir : on la cueille comme la pêche.

» Les maladies de l’oranger & ses ennemis sont les mêmes à-peu-près que ceux du pêcher : il faut se conduire aussi de même dans tous les cas, n'employer ni cire verte ni autres ingrédiens pour les plaies ; l'onguent de Saint-Fiacre suffit. C'est une charlatannerie que d'employer tant de mystères pour la culture des orangers : cette culture ne consiste qu'en ce qui vient d'être dit, & dans ce qui se pratique à l’égard des autres arbres.

ORANGERIE ; serre de plein pied au jardin, exposée au midi, & destinée à recevoir les orangers durant l’hiver.

Orangerie se dit encore collectivement des orangers renfermés dans des caisses.

Orangerie ; on donne encore ce nom au terre, ou l'endroit d'un parc ou d'un jardin dont les orangers font l’ornement dans la belle saison.

ORANGISTE ; jardinier qui s'applique à la culture des orangers.

ORDONNANCE ; c'est, en terme de jardinage, l’ordre, l'arrangement, & la propreté & l'heureux assemblage de toutes les parties d'un jardin d'après un plan bien dirigé. La belle ordonnance regarde non-seulement les jardins de propreté, les parterres & les ornemens, mais encore les jardins fruitiers & potagers.

OREILLES ; en terme de jardinage, les oreilles sont aux melons, concombres, haricots, &c. les deux premières feuilles qui sortent de terre qu'il faut se garder de couper. On les appelle en botanique lobes ou feuilles dissimilaires.

ORGANISATION ; c'est la disposition des parties faites pour les effets auxquels elles sont propres, où c'est l'arrangement des parties constituantes des corps animés Les semences renferment le premier principe de l’organisation des plantes.

ORIFICE ; ouverture de certains conduits ou vaisseaux. Les extrémités des racines ont des orifices par lesquels les sucs de la terre sont produits pour être répartis dans toute la plante. Les pores des végétaux sont autant d' orifices qui leur distribuent les bienfaits de l’air.



OSSEUSES, (racines) On appelle racines osseuses celles qui, couvertes d'une peau épaisse, sont plus dures & plus compactes que le bois des branches, & qui imitent la dureté des os.

OUILLE, Ouillant ; instrument de labour. (Voyez Pioche).

OUTILS de jardinage. Ce sont les ustensiles propres à opérer dans tout ce qui est du ressort du jardinage. On distingue trois sortes d' outils, des gros, des moyens & des petits.

Les gros, tels que les diverses échelles simples & doublets, les bars, les civières, les brouettes, les arrosoirs appartiennent d'ordinaire au maître : on les donne par compte au jardinier, qui les doit bien soigner.

Les outils moyens, savoir : les bêches, les râteaux, ratissoires, pelles, serpes, marteaux, sont d'ordinaire au jardinier.

Les petits outils leur appartiennent également, & tels sont les diverses serpettes & scies à main, le greffoir, &c. (Voyez pl. XX & XXIII)

OUVERT ; (arbre) ce terme se dit de tout arbre d'espalier dont les branches, au lieu d'être serrées & rapprochées les unes contre les autres, sont à des distances proportionnées, & un peu déversées & couchées sur les côtés, formant un V un peu ouvert.



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PAILLASSON ; c’est un assemblage de pailles longues de froment, de seigle & autres qu’on arrange les unes près des autres à une certaine épaisseur, & qu’on attache ensemble soit avec des ficelles, soit avec des osiers ou du fil de fer, sur des échalas ou des cerceaux, suivant une longueur & une étendue plus ou moins grandes & déterminées quant au besoin.

On se sert de paillassons dans le jardinage pour garantir les plantes de l’impétuosité des vents & des pluies.

Un paillasson pour garantir les arbres fruitiers, tel qu’on en met, par exemple, devant un abricotier en palissade, doit avoir environ neuf pieds sur quatre de haut ; il a de chaque côté deux traverses de bois qui l’entretiennent, des crochets de fer le tiennent éloigné de 6 pouces de l’arbre ; & il est à la distance d’environ deux pieds de la terre.

Il y a aussi des petits paillassons liés avec de la ficelle, qui se roulent & qui ne servent qu’à couvrir les cloches.

PAILLOT. On nomme ainsi dans quelques vignobles, le dos d’âne qui est entre les ceps de vigne.

PALIS ; clôture qu’on fait avec des palis, des perches, ou des claies sèches, pour défendre un terrain du bétail ou des bêtes fauves. On en fait usage pour protéger les semis des forêts, ainsi que les légumes & les fruits, des marais & des jardins potagers.

PALISSADE ; c’est dans le jardinage un assemblage d’arbres ou d’arbrisseaux, feuillus dès le pied, plantés près-à-près, d’un seul rang, formant une tapisserie verdoyante de telle longueur, hauteur & figure que ce soit. La palissade se tond au croissant ou aux ciseaux.

Il y a des palissades qui n’ont qu’une face, & d’autres qui en ont deux. Les premières sont plantées le long des murs, ou bordent les pleins bois ; on ne les tond souvent que pardevant.

Les autres palissades servent à entourer les bosquets & à marquer des quarrés semés en foin, ou destinés à de gros légumes. Elles exigent beaucoup de régularité dans les deux faces


qu’elles présentent pour n’être pas plus épaisses du haut que du bas.

Les palissades se forment avec de l’ormille, de l’érable, & plus souvent avec de la charmille.

On choisira le plant le plus fort qu’on lèvera avec soin, & qu’on étêtera à la hauteur de deux pieds ; c’est le moyen de gagner trois ou quatre ans. Comme il y a dans les plants, du fort, du moyén, & du petit, on les sépare, ensuite on ôte pardevant & parderrière les branches qui s’y trouvent, & l’on conserve uniquement celles des côtés.

Dans une tranchée de deux pieds en tout sens, on place le plant le plus fort, on l’espace à 14 pouces, on met le tronc à fleur de terre, & on plante à racines plongeantes & pivotantes sans en retrancher aucune ; ensuite on revient sur ses pas, & dans l’intervalle de deux pieds, on place alternativement du moyen & du petit plant. Alors pour tenir en état cette palissade on enfonce en terre, de toise en toise, des échalas auxquels on attache avec du fil de fer des traverses, tant dans le milieu que dans le haut.

La première année on laisse pousser la palissade à son gré & sans toucher aux côtés ni aux extrémités, on retranche seulement les branches qui ont poussé pardevant ou parderrière, & on lie les autres à ce treillage léger, soit avec de l’osier, soit avec de la ficelle. L’année suivante on tond la palissade aux ciseaux, sans la rabattre du haut, & ainsi d’année en année elle devient plus forte en trois ans qu’en douze, suivant l’usage de la récéper à 6 pouces de terre.

(Dict. du Jardinage.)

On nomme encore palissade une espèce de barrière de pieux fichés en terre à claire voie, qu’on fait au lieu d’un petit fossé & aux bouts d’une avenue nouvellement plantée, pour empêcher que les charrois n’endommagent les jeunes arbres. On s’en sert aussi pour enclorre un héritage.

Palissade. (dresser une) C’est la dresser, c’est-à-dire la tondre avec le croissant, qui est une espèce de faux. (Voyez Croissant.)

PALISSAGE ; c’est l’action d’arranger & d’attacher à un mur ou à un treillage, les diverses branches & les bourgeons des arbres & des arbrisseaux. Le palissage à la loque est le plus estimé.

PALISSER ; c'est attacher les rameaux des arbres, chacun suivant sa place naturelle, au treillage d'un espalier ou d'un contre-espalier. Il faut les attacher si proprement à droite & à gauche que le treillage en soit également tout couvert.

Avant de commencer à palisser un arbre, il faut lui laisser pousser tous les jets la première année, sans le tailler, ni ébourgeonner, jusqu'au mois de février ou de mars de l’année suivante qu'on retranchera tout le bois inutile, & les branches qui ne peuvent se coucher contre le mur ou le treillage ; & dès lors on commencera par placer toute droite la maîtresse branche qui doit faire le corps de l'arbre, observant qu'elle ne penche ni d'un côté, ni d'autre, puis on l’arrêtera par le haut. On arrangera ensuite à ses côtés les autres branches, en les conduisant comme les bâtons d'un éventail étendu, & baissant les dernières jusqu'à un demi-pied de terre, s'il se peut, pour couvrir le pied de la muraille.

Il faut bien prendre garde de ne pas trop contraindre les branches, ni de les courber en dos de chat. Cette courbure en arrêtant la sève feroit pousser à l’endroit de ce coude un faux jet qui affameroit la branche ; c'est pourquoi on doit toujours faire en sorte que l’extrémité d'une branche s'élève en droiture, depuis l’endroit d'où elle sort.

Le grand art est de ranger par ordre, à droite & à gauche, les branches qui peuvent venir à chaque côté ; en sorte qu'il n'y ait rien de confus, de vide, ni de croisé ; mais comme le vide est le plus grand défaut, on ne doit pas balancer à croiser quand on ne peut l’éviter autrement.

Il faut recommencer à palisser autant de fois qu'il paroit des branches assez longues pour pouvoir être liées, & qui courroient risque de rompre si on ne les attachoit. C'est ordinairement avec des liens d'osier ou de jonc que l’on attache les branches.

PAMPRE ; branche de vigne garnie de feuilles & de fruit.

Pampres ; se dit aussi des rameaux verts des autres plantes.

PANIER ; vaisseau d'osier composé d'un corps, d'un fonds & d'une anse.

Panier ; vase d'osier à claire voie dont on se sert à la campagne pour séparer de la terre


ou du terreau, les pierres & les mottes qui peuvent s'y trouver.

Paniers à fumier ; ils sont très-commodes pour le transport du fumier. On les attache avec des cordes au bât d'un cheval ; & ils s'ouvrent par le fond pour placer le fumier aux endroits où il est nécessaire.

Panier pour cueillir les légumes & les fruits ; On a dans les jardins fruitiers des espèces de mannes, longuettes ayant de fort petits rebords & une anse dans le milieu. On les nomme des noguets. Rien de mieux pour cueillir des fruits & des légumes.

PARADIS ; c'est le nom qu'on donne à un pommier nain, arbre qui croît peu, & reste toujours fort petit. Il n'a aussi que des fruits fort menus.

Cet arbre ne s'élève qu'à trois ou quatre pieds en forme d'un arbrisseau, dont les fruits rouges ne se mangent qu'en été.

On greffe sur les arbres de cette espèce toutes sortes de pommes qui deviennent alors plus grosses ; mais l'arbre reste toujours petit & rapporte promptement & en abondance.

On dit planter sur franc, quand on plante des pommiers greffés sur des arbres venus de pépins ou de boutons ; & planter sur paradis, quand on plante des arbres greffés sur ces pommiers de pommes, appellées pommes de paradis. Enfin, greffer sur doucin, lorsque l'arbre porte des pommes douces, & que sur ces pommes douces on greffe diverses pommes.

PARASITES. (plantes) On donne ce nom aux plantes qui vivent de la substance d'autres plantes, sur lesquelles elles végètent. De ce nombre sont le gui, la cuscute, l'orobauche, & la clandestine.

Les fausses parasites s'attachent aux végétaux sans leur dérober leur sève par leurs racines multipliées. Tels sont les mousses, les lichens, le lierre, les champignons.

PARTERRE ; pièce peu élevée d'un jardin, ordinairement voisine de la maison, & décorée de plate-bandes de fleurs, de gazon, de caisses, de vases. On en fait aussi des pièces coupées de gazon, d'eau, de fleurs, de broderie & à l’anglaise. Il n'est d'ailleurs aucune partie plus susceptible de variété & d'ornemens.

PASSER à la claie ; c'est jetter la terre avec la pelle sur une claie faite de grands osiers ou, de fil d'archal, & qui est un peu à claire voie, afin que la terre puisse passer au travers, & que les pierres restent en deçà au bas de la claie. On ne doit jamais planter ni remuer les terres où il y a des pierres & des cailloux, sans passer à la claie.

PATTE-D'OIE ; on désigne par ce nom plusieurs allées d'un bois, ou des avenues qui aboutissent toutes à un centre commun, en dessinant en quelque sorte ou imitant la patte d'un oie.

Ces allées ne doivent occuper que la moitié de la circonférence d'un cercle.

PEAU ; c'est dans les plantes ce qui sert d'enveloppe à toutes les parties intérieures qui composent les plantes. Les racines, les branches, les fleurs, les bourgeons, les feuilles, les fruits & les graines ont toutes des peaux particulières.

Les peaux des plantes ont divers usages. C'est d'abord pour contenir toutes les parties internes & leur servir de robe, d'étui, de fourure ; &c. ensuite pour parer tout ce qui pourroit endommager toutes les parties internes que ces peaux renferment. C'est encore pour servir à ce qu'on appelle la transpiration & la respiration. Toutes les peaux des plantes sont criblées de pores ou de petits trous imperceptibles par lesquels l’air pénètre, les rosées s'insinuent, & aussi l'air en sort, le soleil & l’air en pompent l'humide qui leur est rendu par les rosées & l’humidité de la nuit.

Il n'y a point de peau dans les plantes qui ne soit double. Toujours il y a une première peam qui est étendue sor la seconde ; la première eu fort mince, à cause de quoi on la nomme pellicule, puis une autre sur laquelle cette petite peau est collée.

Les peaux des arbres sont différentes de ce qu'on nomme écorce. On appelle communément écorce cette partie extérieure des arbres qui a été peau en son tems, & qui par la suite est devenue fendue de toutes parts, & écailleuse, ou toute par écailles. De ces écailles la nature se débarrasse peu-à-peu en les poussant dehors par parcelles ; mais sur ces écorces écailleuses il y a toujours une peau qu'on appelle sur-peau, épiderme, ou peau de dessus ; puis il y a la peau appliquée sur le bois, ou sur la partie solide de la plante. (Schabol.)

PELER ; c'est en terme de jardinage, enlever des allées d'un jardin, de la terre ou de l’herbe avec la bêche ou la pelle.

Peler ; c'est aussi enlever de la terre des carreaux de gazon.



PELLE, instrument de jardinage. (Voyez pl. XXIII.) C'est un outil de bois plat & large, un peu creux dans le milieu, avec deux rebords aux côtés & un manche. On s'en sert, entre autres usages, pour remuer le bled.

On l’emploie principalement pour vider la terre des fossés, & à la charger dans des tombereaux quand elle a été fendue & divisée par la pioche ou par la bêche. Le manche & le corps de la pelle de bois sont d'un seul morceau de chêne ou de hêtre.

Il est des pelles de fer applati fort mince, ayant une douille aussi de fer & un manche de bois. Elles sont d'une grande utilité pour enlever la terre meuble.

On fait aussi pour le jardinage des pelles qui sont en fer avec un manche de bois ; il ne faut pas les confondre avec les bêches qui sont différentes & pour un usage différent.

PÉPINIÈRE ; originairement c'étoit un lien consacré à la semence des pépins pour y élever des arbres provenans de ces pépins ; mais a présent c'est un endroit où l’on élevé toutes fortes d'arbres, d'arbrisseaux & d'arbustes fruitiers & non-fruitiers.

Le terrain d'une pépinière doit être neuf, sec plus qu'humide, moins bon que celui où l'on plante ; il doit être exposé au levant & situé sur un coteau. On distribue le terrain d'une pépinière en différentes parties relativement à la diversité de culture, & à la variété des plana, qu'on se propose d'y élever.

Les arbres fruitiers sont un des principaux objets d'une pépinière ; on y plante des sauvageons sur des alignemens tirés au cordeau, on les greffe au bout de deux ou trois ans ; on les laboure, trois fois par an légèrement au crochet, préférablement à la bêche qui endommageroit les jeunes racines, & on a soin d'arracher les mauvaises herbes sans cesse renaissantes Dans le mois de février on arrête la tige des arbres fruitiers, selon leur destination, pour leur former une belle tête. Les jets qu'elle poussera seront disposés au mois de mai pour la taille de l’année suivante. C'est alors qu'on élague les jeunes arbres & qu'on retranche ou qu'on raccourcit leurs branches folles & superflues.

On sème à champ les pépins de poires ou de pommes en automne ou au printems ; au premier cas, on les couvre de grande paille ou de fumier pendant l’hiver ; s'ils lèvent trop dru, on les éclaircit, & on les tient éloignés d'environ trois pouces l'un de l’autre.

Quand ils sont assez forts, on les transplante à deux ou trois pieds de distance.

On peut aussi avoir de petits sauvageons, tirés des bois, enlevés avec toutes leurs racines, & les planter en pépinière, à la distance de deux ou trois pieds.

Tous les beaux sauvageons qui viennent au pied des arbres dans les jardins, se transportent aussi dans la pépinière.

Suivant Schabol, les arbres greffés sur sauvageons & cultivés suivant sa méthode, donnent abondamment des beaux & bons fruits ; il les préfère aux arbres greffés sur coignassier.

Ceux qui veulent avoir dés greffes sur coignassier peuvent mettre dans leur pépinière les rejets que l’on trouve au pied des arbres greffés sur cette espèce ; ou bien une mere coignasse, ou tronc de coignassier, que l’on coupe à rase terre, au printems ou en automne, sur lequel repoussent de petites branches que l'on couvre de terre l’année suivante, & dont on ne laisse à l’air que l’extrémité, depuis trois doigts jusqu'à un demi-pied, suivant la force, longueur & vigueur de la branche. Pendant l'été, ces branches s'enracinent ; & en automne on les détache de la mere-coignasse pour les planter dans la pépiniere.

On ne doit jamais arracher ni couper les racines des arbres que l’on tire de la pépinière.

PÉPINIERISTE ; jardinier qui cultive les arbres d'une pépinière, & qui en fait commerce.

Quand on achète des sujets chez les pépinieristes, il faut bien prendre garde si la greffe est à quatre, cinq ou six pouces du tronc. Une des supercheries de ce commerce est de greffer presque dans le tronc, pour que le jet en soit plus gros, plus nourri & plus apparent.

PERCER ; ce terme est employé dans le jardinage en parlant des plantes en caisse que l’on arrose. Quand on veut arroser des orangers à fond, il faut les baigner & les percer, c'est-à-dire jusqu'à ce que l'eau passe à travers les joints de la caisse par en bas.

PERCHÉE ; on entend par ce mot, la manière de palisser la vigne latéralement, au lieu de l'attacher perpendiculairement.

Suivant cette pratique qui consiste à allonger extrêmement ses bourgeons, la vigne profite merveilleusement, & dans l’espace de cinq à six ans, on est obligé de mettre les ceps à vingt-quatre pieds.

PERCHI ; clôture qui se fait à la campagne avec des perches, les unes mises & fichées d'un pied dans la terre, & épaisses d'environ huit à


neuf pouces ; les autres mises en travers à la même distance, en sorte qu'elles font des mailles & empêchent que les hommes ni les gros animaux puissent entrer dans un clos ainsi fermé par des perches.

PERDUE. (branche) On nomme ainsi des brindilles placées derrière les branches des arbres en espalier, & qu'on épargne souvent à la taille, sans même les raccourcir. Les fleurs y étant abritées, résistent mieux aux intempéries de l’air que celles qui sont plus exposées.

PERPENDICULAIRE ; dans le jardinage, on nomme branches perpendiculaires celles qui montent droit, soit de la tige, soit du tronc de l'arbre. On les nomme encore branches verticales. Ces branches dans les arbres dévorent toujours les latérales & les obliques. Jamais, dit Schabol, il ne faut laisser que des branches obliques & latérales à tous arbres fruitiers en espalier & en contre-espalier. Quant aux branches perpendiculaires qui croissent sur les obliques, comme elles ne le sont pas directement ni primitivement, elles ne peuvent emporter la sève à moins qu'elles ne fussent branches gourmandes, alors si elles sont mal placées on les supprime.

PIC, instrument de labour ; outil de fer pointu & acéré, emmanché d'un morceau de bois rond de deux pieds & demi de long. Le pic est très-commode pour remuer la terre dure & pierreuse.

PIED ; c'est la partie d'en bas de la plante, & à la superficie de la terre, où est la jonction du tronc avec la tige. On dit le pied d'un arbre, un pied de vigne, &c.

Ce mot pied en jardinage, se prend aussi très-souvent pour la plante toute entière. Ainsi on dit un beau pied d'arbre, un pied de fraisier, un pied d'œillet, &c.

PIERRE NAXIENNE, ou pierre à aiguiser dont les couteliers font beaucoup d'usage ; elle est aussi très-nécessaire aux jardiniers pour repasser leurs serpettes & autres petits outils, en y répandant un peu d'huile.

PIEUTRER ; terme d'agriculture, usité dans quelques cantons ; il signifie passer le rouleau sur les terres.

PILASTRE de treillage ; corps d'architecture long & étroit, fait d'échalas en compartimens, pour décorer les portiques & cabinets de treillage dans les jardins.

PILE ou Meule de fumier. C'est un tas de long fumier proprement rangé ou entassé pendant l’été, pour s'en servir l’hiver à couvrir des plantes, ou à faire des couches étant mêlé avec de grand fumier neuf. On dit par cette raison empiler du fumier ou le mettre en pile.

PINCE ; barre de fer ronde, aiguisée par un bout en biseau. On s'en sert comme d'un levier pour arracher de grosses pierres qui se trouvent dans les tranchées & dans les trous destinés à la plantation des arbres.

PINCEMENT ; c'est l’action d'arrêter, de casser, ou de couper par les bouts, les bourgeons de la pousse de l’année, quand ils sont à une certaine longueur. Ce pincement est fort désapprouvé par tous les bons jardiniers qui le regardent comme la ruine des arbres.

PINCER ; en terme de jardinage, c'est avec l'ongle du pouce & le second doigt qu'on doit casser l’extrémité d'un rameau tendre ; ou bien, quand le rameau est devenu bois dur, l’éclater par le bout avec les doigts, ou le couper avec la serpette. Ainsi font, dit Schabol, tous les jardiniers pinceurs au grand détriment des arbres.

Il y a cependant des occasions où le pincement est utile, & même nécessaire ; par exemple, lors de la taille, au lieu de faire des coupes aux bourgeons latéraux, ou de côté des arbres en buisson ou même de ceux en éventail, il faut ne faire que pincer & éclater par les bouts, & l'on est sûr alors d'avoir en peu de tems, des fruits à l’infini. De même si vous voulez dompter un gourmand de milieu & en faire une branche avantageuse pour garnir votre milieu, il ne faut pas le laisser pousser à sa volonté, parce qu'il absorberoit toute la sève, parce qu'il appauvriroit les autres branches, & qu'il ruineroit tout l'arbre. Quand donc il a environ deux pieds de long, vous le ravalez & le réduisez à un pied seulement, alors les yeux au-dessous du pincement poussent plusieurs bourgeons que vous étendez en palissant, & au bout d'un mois vous le raccourcissez encore en ravalant de nouveau sur les bourgeons qui ont poussé plus bas.

C'est le cas encore d'un buisson que vous voulez former, & qui ne pousse qu'une seule branche ou deux branches ; vous pinces alors pour faire drageonner. Enfin vous pincez heureusement & à propos une giroflée & autres semblables pour les évaser, quand, ne poussant qu'un jet, elle s'étoileroit.

PIOCHE ; instrument de labour : outil de fer large de trois ou quatre pouces, & long de sept à huit ; courbe, tranchant par le bout, emmanché à angle droit d'un morceau de bois


rond de deux pieds & demi de longueur. On s'en sert pour fouiller les terres légères & sabloneuses. On l’emploie aussi pour piquer la terre dans les endroits où elle est dure & où il y a des pierres à en retirer. (Voyez pl. XX & XXIII).

La pioche diffère du pic en ce que celui-ci est en pointe non tranchant par le bout.

PIOCHER ; c'est fouir la terre avec une pioche.

PIOCHON ; diminutif de pioche. La pioche est connue en certains cantons sous les noms de trancher, ouille, ouillon.

PIONNIER ; ouvrier qui travaille à la terre.

PIQUET ; petit morceau de bois pointu qu'on enfonce en terre pour tendre un cordeau & prendre des alignemens, lorsqu'on veut exécuter un plan sur un terrain, ou lorsqu'on veut planter un jardin.

On appelle taquets ces morceaux de bois ou ces piquets quand ils sont enfoncés & cachés en terre, afin qu'on ne les arrache pas, & qu'ils puissent servir de repères dans le besoin.

PIVOT ; dans le jardinage, on appelle pivot ou racine pivotante la grosse racine d'un arbre, laquelle est placée immédiatement sous le tronc & qui darde en terre toujours en diminuant de grosseur. Beaucoup de jardiniers s'accordent, dans la pratique, à supprimer tout pivot à tout arbre. Schabol s'élève avec force contre cette mutilation ; il prétend que la plupart des jeunes arbres ne périssent que par-là, & il appuie son observation sur le raisonnement & sur l’expérience.

PIVOTER ; ce terme se dit, dans le jardinage, d'un végétal qui pousse sa principale racine perpendiculairement en terre.

PLAIE ; blessure faite par une cause extérieure. On donne ce nom, dans le jardinage, à une ouverture dans l'écorce ou dans la partie ligneuse des arbres, causée par quelque accident ou par la corruption de la sève.

Il est encore des plaies aux arbres lesquelles sont occasionnées exprès, & qui sont artificielles, savoir : celles qu'on leur fait en les taillant, les greffant, les rapprochant, les récépant, &c. Il ne faut pas attendre que ces plaies soient frappées par l’air pour y apporter les remèdes convenables, mais il faut les traiter dès leur naissance.

PLAN ; dessin qu'on se propose d'exécuter dans la plantation ou la formation d'un jardin, d'un bois, d'un potager.

PLANCHE ; c'est, en terme de jardinage, un espace de terre plus long que large qu'on dresse ordinairement, & qu'on pratique de trois à quatre pieds de large sur la longueur du quarré dont cette plate-bande fait partie. Toujours une planche doit avoir à droite & à gauche un sentier d'un pied de large. On dit dresser, former, labourer, border, semer, sarcler une planche.

On plante dans les planches, soit des fleurs, soit des légumes ou des herbages.

On appelle planche côtière, celle qui est au pied d'une muraille ou d'une palissade. Ces sortes de planches sont souvent bordées de fines herbes. (Voyez pl. XXVI).

Planche ; terme d'agriculture. On laboure en planches des terres médiocrement sujettes à garder l’eau qui y afflue. En les labourant, on laisse subsister une raie profonde, au bout de trois, quatre ou cinq toises, plus ou moins, selon la disposition du sol, & les espaces intermédiaires sont bombés.

Cette pratique, usitée depuis très-long-tems en France & ailleurs, a été adoptée par Tull, Anglois, célèbre agriculteur, pour caractériser en général la méthode qu'il a proposée indistinctement pour toute sorte de terre ; observant toujours de faire les planches moins larges & plus bombées dans un terrain humide, que dans celui qui est de meilleure qualité.

Si on laboure une terre qui ait été en froment, dans l'intention d'y en remettre d'autre sans interruption, il faut former les planches au milieu de l’espace occupé ci-devant par les séparations ou grands sillons, & les bien relever, sans toucher aux rangées qui viennent de porter du froment. Si on mêloit le chaume avec la terre, on ne pourroit pas semer avec les nouveaux semoirs, ni dans la suite labourer près des rangées de bled, sans courir les risques d'en arracher beaucoup de pieds : car le chaume s'y trouvant entrelacé & long, entraîneroit tout ; lorsque la charrue, venant à le rencontrer, l'attireroit avant qu'il fut pourri. Si cependant on a eu l’attention de faire couper le bled très-près de terre, comme le chaume sera alors fort court, il incommodera peu en labourant. C'est aussi ce qu'on doit pratiquer, si l'on a quelque bonne raison pour changer la direction des planches. Il seroit encore mieux d'arracher tout-à-fait le bled, comme on arrache le lin, le chanvre, &c.

Nota. Il est toujours avantageux d'éviter, en labourant, qu'une partie de la longueur des planches soit humide ; il faudroit que la partie sèche souffrît, en attendant que l'autre fût assez desséchée pour être labourée ; au lieu qu'en disposant autrement les planches, on peut la-


bourer celles qui sont suffisamment sèches, pendant que la t«rre des autres se ressuie.

Pour former les nouvelles planches dans une terre qui vient de produire du froment, on commence par approfondir le sillon par un trait bien profond, pour qu'il se trouve plus de guéret sous le froment. Ensuite non-seulement on remplit ce profond sillon, mais on fait en sorte qu'il se trouve sous la partie la plus élevée de la planche, épargnant toujours les endroits où il y a du chaume, qu'on ne détruira qu'au premier labour des plate-bandes. On évite ainsi les inconvéniens que pourroit produire le mélange du chaume avec la terre ; & l’on s'épargne une peine absolument inutile, le froment n'étendant point assez ses racines durant l'hiver pour atteindre la terre des anciennes rangées.

Suivant cette méthode, il reste dans chaque ancienne plate-bande deux petits sillons aux côtés de la nouvelle planche, chacun entre le chaume & le froment qu'on vient de mettre en terre ; ce qui est avantageux pour égoutter l’eau pen-, dant l’hiver. Mais il faut que ces sillons soient assez loin des rangées de froment, pour que la terre des planches n'écroule pas dans les sillons. Quand il n'y a pas de chaume, on ne fait qu'un grand sillon au milieu des plate-bandes. (Extr. du Dict. économ.)

PLANE ; instrument tranchant de la longueur d'envi'oiì deux pieds, lequel étant emmanché par les deux bouts, sert à polir les échalas que le jardinier a couchés sur un établi fait pour cela.

On nomme aussi cet instrument plaine.

On dit planer des échalas pour faire un treillage.

PLANER ; c'est, en terme de jardinage, labourer en superficie seulement au pied des arbres, dans les endroits, où l'on craint d'atteindre & de blesser les racines.

PLANT ; on désigne par ce mot les élèves qu'on fait des graines semées, afin de les replanter.

Plant se prend aussi pour le lieu oû l’on a planté des jeunes arbres.

Plant se dit encore de la chose même plantée. Ainsi on dit un plant d'artichauts, de fraisiers, &c.

Plant d'arbres ; c'est l'assemblage de plusieurs arbres, de mêmes ou de différentes espèces plantés en un même lieu. On dit plant de poiriers, plans d'ormes ou de tilleuls en quinconce.

Enfin, on appelle plant le scion ou le petit rejetton qu'on tire de certains arbres pour planter.

PLANTATION ; action de planter.

Plantation se dit aussi d'une partie de terrain un peu étendue, nouvellement plantée ou à planter.

On peut planter toutes sortes d'arbres dans les quatre aspects, mais le meilleur est le levant.

Il n'y a que le pêcher qui ne se plante jamais au nord. On évite encore d'y planter des fruits à pspin, d'été ou d'automne ; les fruits d'hiver, les prunes, les abricotiers y viennent passablement, quoique tardifs.

Pour planter avec fruit, il faut défoncer la terre de quatre pieds de profondeur, dans toutes sortes de terrains, & l’on met à part la terre de la première fouille. Si on ne fouille pas la terre entre trois ou quatre pieds dé profondeur, jamais les arbres ne profitent bien.

Le meilleur tems pour planter est à la chute des feuilles, en octobre & novembre ; on peut aussi planter en mars.

Quand on a le tems de faire les trous cinq à six mois avant de planter, l'arbre réussit beaucoup mieux.

Si la terre des trous est trop grasse, trop glaiseuse ou trop maigre, il faut la corriger en la mêlant.

Quand on plante un arbre à la place d'un autre, il faut changer la terre du trou, & la renouveller de bonne terre.

Entre les vieux pêchers, il faut planter, au printems, des amandes en cosse, que l'on aura fait germer dans du sable pendant l’hiver, ne pour plus être déplacées.

On les greffe après la seconde pousse, quand le bois est de grosseur suffisante.

Avant de planter un sujet, il faut bien examiner. 1°. la tige de l'arbre, & n'en planter que de bien sains, revêtus de toutes leurs racines & de leur chevelu, le plus qu'il est possible.

2°. Voir s'il n'y a point de racines mortes, ou rongées par les vers, ou éclatées, & les retrancher.

3°. Ménager soigneusement le pivot, ne jamais le couper près du tronc.

4°. Ne point toucher au chevelu, à moins qu'il ne soit chanci ou pourri.

5°. Rafraîchir l’extrémité du pivot & des ra-


cines, en bec de flûte, du cote qui doit poser sur terre.

6°. Bien espacer les racines, & les bien distribuer, de sorte que les fortes & les foibles trouvent également par-tout, sans en tordre ni gêner aucune dans sa position ; sinon l'arbre (& surtout le pêcher) ne pousse que d'un côté ; s'il n'y a que de grosses racines, il faut les mettre du devant, sans chercher à placer la greffe du côté du mur.

Il faut observer, en plantant, que la terre qui a été fouillée, s'affaisse au moins d'un pouce par pied ; & comme la greffe ne doit jamais être enterrée, il faut prévoir cet affaissement ; ainsi, quand oh a creusé de quatre pieds, il faut que la greffe soit, en plantant, à cinq ou six pouces. au-dessus de terre.

Quelque arbre que l’on plante, il faut qu'il ait trempé pendant vingt-quatre heures dans quelque mare de fumier ou eau bourbeuse.

Avant de planter, mettez de la bonne terre au fond du trou ; le mieux est d'y mettre deux ou trois lits de gazon, dont on renverse l'herbe en-dessous ; on jette ensuite de la terre, sur laquelle on pose son arbre ; on espace les branches ; on jette légèrement de la miette de bonne terre sur les racines, sans rien plomber avec les pieds ; on se contente de l'arranger avec la main, de la faire couler entre les racines, & de la presser légèrement avec la main ; puis on met la terre de la première fouille, si elle est bonne, sinon on a recours à d'autre : ensuite on soulève légèrement l'arbre, afin que la terre coule entre toutes les racines : prenez toujours vos mesures, de façon qu'après l’affaissement à prévoir, votre greffe soit toujours au-dessus du niveau du terrain ; l’on achève de combler de bonne terre, & l'on met du fumier sur le trou.

Il faut planter plus avant dans une terre légère & sablonneuse, que dans une terre forte ; mais, dans l'un & l’autre cas, il faut qu'on ne puisse endommager les racines en labourant.

On plante moins profondément le pêcher greffé sur amandier, que celui sur prunier ; parce que le premier pivote, & l'autre trace.

Règle générale : tout arbre ne doit jamais être plus profondément en terre, que depuis un pouce au-dessus de la naissance du tronc, jusqu'à trois.

Dans les terres humides & spongieuses, on enfonce moins les racines, on courbe même le pivot en genouillière ; dans ces terres, il faut au fond du trou, qui sera au moins de quatre pieds, mettre des pierres sans être serrées, sur lesquelles on met le gazon, puis on plante.

Il faut toujours laisser un pied, ou environ, de distance entre le mur & l'arbre, & l'on fait cambrer ou couder la tige, pour joindre le mur.

Quand on plante par un tems sec, il faut arroser, pour lier les terres.

Après avoir planté, l'on coupe les pousses inutiles, soit au pied, soit à la tête, sans les casser ; on ne coupe point le maîtres-brin on quand plante en automne, l’on attend le printems suivant.

En plantant des pêchers, il faut les éloigner les uns des autres des neuf pieds dans les terres légères & chétives, de douze dans les médiocres, & de dix-huit à vingt-quatre dans les bonnes.

Les autres arbres en espalier doivent être plantés dans la même proportion, mais un peu plus serrés, suivant la hauteur des murs de clôture ; si ce mur a douze à quinze pieds de roi en hauteur, on met une tige entre deux nains.

Quand l’arbre est planté, on met au pied du fumier bien consommé par-dessus.

Au printems qui suit la plantation d'un arbres lorsque cette plantation s'est faite en automne, on coupe le canal direct de la sève ou maître brin du milieu à la hauteur d'un pied au-dessus de terre, quelquefois à un pied & demi quand les yeux du bas sont bien sains : le tout proportionnément à la force de l'arbre, sans excéder néanmoins dix-huit pouces. Cette taille se fait un peu en bec de flûte, en commençant derrière l'œil, au niveau de cet œil pour le terminer par-devant à une ligne au-dessus de l'œil. Il ne faut point ébranler les racines, en faisant cette taille : il faut ensuite labourer le pied de l'arbre, enterrer le fumier, & faire un bassin autour pour recevoir les arrosemens.

On fait aussi cette taille à l'arbre planté en mars, mais on ne laboure pas le pied de l'arbre ; on met dessus du fumier.

Pendant le cours de l’année, on nettoie les mauvaises herbes, & en octobre, on donne un labour au pied de l'arbre, & on y met encore deux pouces de bon fumier.

Ces labours & ces ratissages se renouvellent tous les ans en mars & en octobre ; mais on n'y met du fumier que quand la terre en a besoin, excepté aux pêchers, auxquels il en faut donner tous les trois ans, & même tous les deux ans dans les terres maigres.


Le fumier ne le met point directement sur le tronc.

Quand le jeune arbre pousse, il n'en faut rogner, casser, couper ni pincer aucune branche ; mais à l’ébourgeonnement avec la demi-serpette ou le serpillon, vous formez votre arbre sur deux mères-branches, auxquelles vous faites prendre la forme d'un V déversé. Ensuite vous les palissez.

Cependant, si vous ne pouvez y trouver deux branches qui soient propres à cette opération, attendez à l’année suivante.

Le pêcher ne souffre point cette opération la première année ; il faut en palisser toutes les pousses, sans en rien retrancher : quand il n'a point poussé, ou qu'il n'a poussé que foiblement la première année, parce que la sève est occupée dans les racines, il faut attendre à la seconde année pour palisser les branches, & dans ce cas, on ne met le pêcher en V déversé sur deux branches, qu'à la troisième année.

A la seconde année de la plantation d'un arbre à pépin, il a donné des bourgeons sur les deux mères-branches ; vous dépalissez le tout au tems de la taille ; vous étendez d'abord le plus qu'il est possible chaque mère-branche : ensuite vous cherchez, en dedans & en dehors de chacune de ces mères-branches, les plus belles pousses de l’année précédente, pour en former le second ordre de branches, c'est-à-dire, les membres.

Il ne faut point tirer ces membres du devant ou du derrière des mères : on retranche toutes les branches qui sont dans ces deux positions, pour ne point faire ce que l’on appelle des dos de chat ; il faut aussi éviter de croiser aucune branche.

On rabat les mères-branches à quatre, cinq ou six yeux, quelquefois à trois ; ce qui réduit le nombre des membres à quatre, cinq, six & quelquefois à trois : on taille aussi ces membres à trois, quatre, cinq ou six yeux, suivant la vigueur de l'arbre, & alternativement l'un à plus, l’autre à moins d'yeux.

Dans le cas où l'une des deux mères-branches seroit plus forte que l’autre, on taille très-long la plus forte, & très-court la plus foible, afin qu'elle pousse à l’extrémité une gourmande plus forte.

Règle générale : moins la sève a d'espace à parcourir, plus les pousses deviennent fortes.

L'année suivante, on allonge cette branche sur la gourmande, & on la rend égale à l’autre.

Sur les gourmandes qui forment les membres, vous trouvez des pousses ou bourgeons, qui sont venus en même-tems que ces membres : servez-vous de ces pousses pour faire le troisième ordre de branches, ou branches-crochets.

De plus, vous trouvez encore sur votre arbre des branches chiffonnes, quelquefois des lambourdes & des brindilles.

Vous retranchez d'abord toutes ces dernières branches : les chiffonnes, comme inutiles, & les secondes, comme dangereuses, parce qu'il ne faut jamais mettre un arbre à fruit dans la seconde année, il périroit bien vîte : il faut s'assurer du bois, avant de penser au fruit.

De ces pousses, sur les membres, qui vous restent, après celles ci-dessus ôtées, vous choisissez les meilleures, pour former les branches crochets.

Vous retranchez, tout près de leur naissance, celles qui sont devant & derrière ; vous conservez, mais en petite quantité, celles qui sont de côté ; vous les taillez depuis un œil jusqu'à quatre, en observant que, si le premier est à un œil, le second doit être à deux ou trois : le tout proportionnément à la vigueur de l'arbre.

On élève aussi de ces branches-crochets sur les mères-branches : on commence même par-là, après avoir choisi & taillé les membres.

A la troisième année de la plantation, on dépalisse également tout l'arbre ; on étend les mères-branches comme l'année précédente, le plus que l'on peut, & l’on taille les plus belles gourmandes poussées à l’extrémité de ces mères-branches, depuis un pied jusqu'à deux ou trois, suivant la vigueur de l'arbre.

On élève sur cette continuation de mères-branches, des branches-crochets.

Il en est de même des gourmandes qui ont poussé aux extrémités des membres : on donne à la plus belle d'entr'elles l'étendue qu'elle peut supporter, proportionnément à ceux des mères-branches & on élève, sur ces nouveaux membres, des crochets.

Ensuite on taille court les branches-crochets élevées l’année précédente, pour avoir du fruit sur le pêcher, & des branches à fruit pour l'année suivante, ou pour avoir des lambourdes sur les fruits à pépin.

Après quoi, l'on rabat tous les chicots provenant de la taille précédente.

On laisse dans cette année, sur les fruits à pépin, des lambourdes & des brindilles, mais en petite quantité.

Dans toutes ces opérations, il ne faut jamais élever aucune branche perpendiculaire ; mais si


vous avez besoin d'une branche droite, pour garnir quelque vide, il faut la prendre sur une branche oblique, & ne vous écartez jamais de cette règle.

A la quatrième année de la plantation, l'arbre doit être considéré comme un arbre fait, à moins qu'il n'ait été arrêté par quelques défauts ou vices, ce qui retarde son état parfait jusqu'à la cinquième, sixième, septième & huitième année : mais si l'arbre ne fait rien, & ne prend point la vigueur qu'il doit avoir dès la seconde ou la troisième année, il faut en substituer un autre à sa place.

On peut redresser un jeune arbre sur le plan qu'on vient de donner, quoique d'abord il n'y ait pas été élevé.

On peut aussi renouveller un vieil arbre sur le même plan, le réduire à deux mères-branches que l'on choisit parmi les plus belles, & les mieux disposées pour former l'V déversé : mais cette opération doit se faire successivement d'année à autre, pour ne pas multiplier les grandes plaies ou coupures sur un arbre.

PLANTE ; terme général qui comprend toutes les différentes sortes d'arbres, d'arbrisseaux, d'arbustes, d'herbages, de fleurs, de légumes & autres qui croissent soit dans les terres, soit dans les jardins, soit dans les campagnes & les bois.

Toute plante est un corps organisé venant de graine ou de bouture, ou de marcotte, ou de rejetton. Ce corps est nourri des sucs de la terre ; il a des racines, un tronc, une tige, des branches, des feuilles, des yeux ou boutons, des fleurs, des graines & des fruits, le tour ensemble ou séparément.

PLANTER ; mettre en terre les racines d'une plante pour qu'elle s'y fortifie & qu'elle y croisse. Ce mot se dit également de toutes les graines qu'on met en terre l'une après l'autre avec la main, par opposition à semer. On plante des pois, des fleurs, des oignons, des noyaux, un bois, un parterre, des allées.

Enfin planter, c'est, après avoir ouvert la terre en longueur & en profondeur convenables, & fait un trou suivant les règles, mettre dedans une plante, puis la recouvrir de terre. Il y a encore bien des façons de planter, savoir, en bordure, en rigole, en échiquier, au plantoir, dans des pots, en caisse, en mannequin, en rayon, en pépinière, en motte, en quinconce, &c.

On dit aussi planter sur franc, sur coignassier, sur doucin, sur paradis. (Voyez Plantation).

Lorsqu'on plante, soit un arbre, soit du replant potager, on doit le faire avec toutes les racines ; les rafraîchir un peu sans les écourter, & bien ménager le piyot.

Planter en pépinière ; c'est replanter des jeunes arbres les uns près des autres, ou du replant de plantes potagères, pour s'en servir au besoin.

PLANTOIR ; outil de jardinage. (Voyez pl. XXIV). C'est un morceau de bois ou de fer coudé en forme de béquille, lequel est de diverses grandeur & grosseur, suivant les plantes qu'on veut mettre en terre.

Le plantoir forme la figure d'un 7 dont la queue est un peu arrondie à son coude, & il dégénère en pointe.

On appuie dessus le manche pour faire un trou dans la terre, puis on l'en retire, & l'on met la plante dans le trou.

Les plantoirs pour les bois sont par en bas applatis des deux côtés de la largeur d'un pouce & demi, & armés de fer par le bout.

Cet outil sert non-seulement à planter, mais aussi à enlever le replant, à donner de la terre aux jeunes plantes & à quelques autres usages de culture.

Tull, agriculteur anglois, propose un plantoir qui serve à régler la profondeur à laquelle on doit mettre la semence en terre. A cet effet, il prend un plantoir ordinaire, & le fait traverser à un demi-pouce de son extrémité par une cheville ; faisant des trous avec ce plantoir à cheville, on sera assuré qu'ils ne seront que d'un demi-pouce de profondeur, parce que la cheville arrêtera le plantoir. On aura d'autres plantoirs pareils, dont la cheville traversante sera à un, à deux, à trois, à quatre pouces de son extrémité. Par ce moyen, l’on sèmera les graines qu'on veut éprouver à différentes profondeurs, & quand elles seront levées, on saura quelle est la profondeur à laquelle il faut semer chaque espèce de plante. Ce plantoir peut s'adapter à un semoir de façon qu'il enterre la semence à la profondeur précise qu'on aura reconnue être convenable.

PLAQUER ou Poser. On plaque du gazon dans un parterre, autour d'un bassin, dans les boulingrins, & on l'affermit avec la battes.

PLATE-BANDE ; c'est, dans le jardinage, un terrain long & étroit, bordé d'un côté seulement y ou de tous les deux. Les plate-bandes sont ordinairement destinées & employées à des fleurs ou à de menues plantes.


Il y a des plate-bandes qui sont plates, d'autres qui sont bombées. Les premières sont sablées ou gazonnées ; les autres sont labourées en forme de compartimens. Toutes deux renferment ordinairement un parterre. On les borde de buis, de staticées, de mignardises, & de tringles de bois. Il règne aussi des plate-bandes le long des espaliers & des contre-espaliers.

PLEINE-TERRE ; (arbre de) c'est l'arbre qui n'a pas besoin d'être élevé en pot ou en caisse.

PLEURER. On dit que la vigne pleure, lorsqu'au printems la sève fort en larmes très-lympides par les endroits taillés.

PLEYON ; terme de jardinage. C'est la paille de seigle longue & ferme dont on couvre les couches & dont on fait les paillassons. On s'en sert aussi pour lier la vigne aux échalas.

PLOMB ou d'Aplomb. Ce terme se dit d'un corps posé perpendiculairement, sans être plus d'un côté que de l'autre. Un arbre, soit en pleine terre, soit en caisse, doit être toujours sur son aplomb.

PLOMBER ; veut dire s'affaisser. La terre remuée se plombe & s'affaisse d'un pouce par pied ; c'est à quoi il faut prendre garde quand on plante, pour que la greffe ne soit pas enterrée.

On plombe le fumier en marchant dessus ; on plombe aussi la terre lorsqu'on la foule avec les pieds autour d'un arbre planté d'alignement, pour l’affermir dans sa position ; ce qui ne doit se faire pourtsnt qu'avec légèreté. Il convient même que la terre s'écoule d'elle-même en la versant entre les racines, puis on la plombe, en la prenant tant soit peu par-dessus avec les mains.

POMPE pour les arrosemens. Voici la construction d'une pompe, qui coûte très-peu, & dont on peut tirer un grand service.

Elle consiste en quatre ais qu'on a soin de joindre & de clouer ensemble, & que l'on fortifie avec des lames de fer posées sur les jointures. On peut faire jouer cette pompe avec un manche commun aux deux corps de pompe, ou avec un manche double. Le tuyau de la pompe est d'un diamètre égal d'un bout à l’autre ; à l’extrémité inférieure est une soupape qui donne passage à l’eau & qui l'empêche de resortir. Il y a un piston garni d'une soupape, qui s'ouvre & qui se referme à mesure qu'on le fait jouer, lequel étant descendu, élève toute la colonne d'eau contenue dans le cylindre, & la fait sortir par les ouvertures.

On peut faire les ais aussi longs & aussi larges que l'on veut, suivant la hauteur où l'on veut élever l’eau ; il faut seulement observer que plus la pompe est longue, plus le cylindre doit être petit, parce que la colonne d'eau est plus pesante. Un homme peut faire aller avec beaucoup de facilité une de ces pompes, qui a douze pieds de long, un pied en quarré, & qui épuise une grande quantité dans une heure, parce que le mouvement se fait dans l’eau sans aucune abstraction, laquelle oppose plus de résistance que la pesanteur même de l’eau.

Un des grands défauts des pompes ordinaires, suivant l’observation de Mortimer, est que leurs ouvertures ne sont pas égales, & que le piston agit sur l’eau. J'en ai éprouvé l'inconvénient, dit cet auteur, dans plusieurs pompes, sur-tout dans une de 60 pieds de long, que je fis percer d'un bout à l’autre de quatre pouces & demi ; je poussai le piston jusqu'au bas avec des perches que j'emboîtai l'une dans l'autre & liai avec de petites bandes de fer : je fis faire ces bâtons de la grosseur de l’ouverture de la pompe, pour diminuer le poids de l’eau dans le cylindre ; après que j'y eus fait ce changement, je levai trois fois autant d'eau avec la moitié moins de force que je n'en avois employé auparavant. Ces sortes de pompes sont sujettes à moins de réparations que les pompes aspirantes que la moindre chose dérange.

Pompe pour arroser les plantations. (Voyez pl. XXV, fig. 5, & son explication.)

POMPER ; c'est proprement élever de l’eau avec le secours d'une pompe. On dit par analogie que les racines pompent les sucs de la terre, comme le piston d'une pompe aspire l’eau pour s'élever dans un réservoir. Non-seulement les racines pompent & aspirent les sucs qui leur sont contigus, c'est-à-dire, ceux qui sont à l'entour d'elles, mais encore les sucs éloignés haut & bas & au pourtour.

POREUX ; qui a des pores. Il est dans les plantes grand nombre de sujets fort poreux ; telles sont les plantes à odeurs fortes ; de même toutes les plantes aromatiques & les fleurs parfument les airs.

PORTIQUE ; décoration faite avec des arbres dont les branches sont taillées en arcades. Il est rare de trouver des portiques dont les cintres soient bien proportionnés. Il y en a de vingt-cinq pieds de haut qui n'en ont que quatre d'ouverture. Les règles de proportion exigent


que la hauteur ait trois fois la largeur ; ainsi, un cintre qui a six pieds d'ouverture, doit avoir dix-huit pieds d'élévation.

Portique de treillage ; c'est une décoration d'architecture en pilastres, montans, fronton, &c. faite de barres de fer & d'échalas de chêne, maillés, & qui sert pour l’entrée d'un berceau dans un jardin.

POTAGER ; jardin où l’on cultive toutes sortes d'herbages, de légumes & de fruits. Un potager bien tenu, où tous les légumes se succèdent, & où règne la propreté jointe à une belle ordonnance, présente l’agréable & l'utile, & semble préférable à un parterre émaillé de fleurs. (Voyez pl. XXVI.)

Qu'il nous soit permis, pour bien remplir cet article, de rapporter ici l’excellente doctrine du rédacteur des Décades du cultivateur, que nous avons eu déjà occasion de citer comme un guide sûr & expérimenté dans plusieurs autres endroits de cet ouvrage.

Préparation du sol d’un légumier.

Voulez-vous avoir des légumes monstrueux pour la grosseur ; ayez un fonds de terre de deux pieds de profondeur uniquement composé de débris de couches, de débris de végétaux unis à quantité de fumiers ; enfin une quantité d'eau suffisante aux arrosemens. Ces légumes seront magnifiques à la vue ; mais le goût sera-t-il satisfait ? Non ; ils sentiront l’eau & le fumier. Les laitues, les herbages que l'on cultive en Hollande, sont monstrueux par leurs volumes ; ils étonnent, & voilà tout. Leur graine transportée & semée ailleurs, quand les circonstances ne font pas égales, la plante acquiert en qualité, en saveur, ce qu'elle perd en volume ; & semée plusieurs fois de fuite dans un terrain médiocre, elle revient par dégénérescence au premier point dont elle est partie, sur-tout s'il y a une grande différence dans le climat.

Desirez-vous obtenir des légumes bons & bien savoureux ; ayez une terre franche, modérément fumée & arrosée ; mais ce n'est pas le compte des maraîchers, il leur faut du beau & du promptement venu ; la qualité leur ímporte peu.

C'est d'après l'un ou l'autre de ces points de vue qu'il faut choisir le sol d'un jardin. Comme on n'est pas toujours le maître du choix, l'art doit suppléer à la nature, & il en coûte beaucoup lorsqu'on veut la maîtriser. C'est au propriétaire à examiner le but qu'il se propose ; il travaille à se procurer des légumes pour sa consommation, ou pour en faire vendre la plus grande partie. Dans ce cas, qu'il dispose donc le sol de sonjardin en conséquence ; voici une loi générale, capable de servir de base à la culture de tous les légumes en général. L'inspection des racines décide la nature & la profondeur du sol qui leur convient. Les plantes potagères sont ou à racines fibreuses, ou à racines pivotantes. Il est clair que les premières n'exigent pas un grand fonds de terre, puisque leurs racines ne s'enfoncent qu'à cinq ou six pouces de profondeur. Les secondes, au contraire, demandent une terre qui ait du fond, & une terre un peu tenace. Sans l'une & l'autre de ces conditions, elles ne pivoteront jamais bien. Or, si le terrain n'est pas préparé par les mains de la nature, il faut le faire ou renoncer à une bonne culture. Afin de diminuer les frais, le propriétaire destinera une partie de son terrain aux plantes à racines fibreuses, & l'autre aux racines pivotantes, & lui donnera par le travail ou par le mélange des terres, la profondeur convenable. Il est aisé, dans le fond d'un cabinet, de prescrire de pareilles règles ; il n'en est pas ainsi lorsqu'il s'agit de les mettre en pratique ; le travail est long, pénible, très-dispendieux, & souvent trop au-dessus des moyens du cultivateur ordinaire : celui qui se trouvera dans ce cas, doit se résoudre à ne défoncer ou à ne mélanger chaque année qu'une étendue proportionnée à ses facultés ; s'il emprunte pour accélérer l'opération, c'est folie.

Il n'est pas possible d'attendre aucun succès, si on rencontre une terre argilleuse ; la préparation qu'elle demande, coûteroit plus que l'achat du sol. La terre rougeâtre que le cultivateur appelle aigre, est dans le même cas ; elle est bonne, tout au plus, à la culture des navets. Un des grands défauts de la terre pour les jardins, est d'être trop forte, trop compacte, trop liante ; elle retient l’eau après les pluies, se serre, s'aglutine & se crevasse par la sécheresse. Lorsque le local òu la nécessité contraignent à la travailler, la seule ressource consiste à y transporter beaucoup de sable fin, des cendres, de la chaux, de la marne, de grands amas de feuilles, & toutes sortes d'herbes, afin d'en diviser les pores. Malgré cela, en supposant même tous ces objets réunis & transportes à peu de frais, ce ne sera qu'après la troisième ou quatrième année que l'on commence réellement à jouir du fruit de ses dépenses & de ses travaux.

Après avoir reconnu la qualité de la couche supérieure jusqu'à une certaine profondeur, on doit s'assurer de la valeur de la couche inférieure. Si celle-ci, par exemple, est sabloneuse, elle absorbe promptement l’eau de la supérieure & le jardin exigera de plus fréquens arrosemens. Si au contraire elle est argilleuse, il ne sera pas


nécessaire d'arroser autant pendants l'été ; irais dans la saison des pluies, il est à craindre que les plantes ne pourrissent. Ces attentions preliminaires sont indispensables avant de fixer l'emplacement d'un jardin. De ces généralités passons à la pratique.

Long-tems avant de tracer le plan d'un jardin, on doit avoir examiné mûrement les avantages & les inconvéniens du local, la position de l’eau, la facilité dans sa distribution, la commodité pour les charrois, le transport commode & le lieu du dépôt des engrais ; enfin, la position où seront construits le logement du jardinier, le hangard destiné à mettre à couvert les instrumens aratoires, & le terrain destiné au placement des couches, des châssis, des serres. &c. suivant l'objet qu'on se propose.

Le plan & le local une fois décidés, & le jardin tracé, il ne s'agit plus que de défoncer le sol, afin que dans la suite on soit en état de le travailler par-tout également. Si un particulier aisé entreprend la confection d'un jardin, il doit ouvrir des allées de communication entre chaque grands carreaux ; celle du milieu & qui correspond à l’entrée, sera la plus large. Le jardin de l’humble maraîcher n'a pas besoin de cet agrément ; son but capital est de profiter de plus de superficie qu'il est possible.

Les allées tracées, on enlèvera la couche supérieure de terre, & on la mettra en réserve, suivant que le terrain total sera pierreux ; on excavera les allées, afin de recevoir les pierres & les cailloux qui se présenteront lors de la fouille générale.

Le grand point, le point essentiel est de si bien prendre ses précautions, qu'on ne soit jamais obligé, de manier ou transporter deux fois la même terre.

Si le sol est marécageux ou simplement humide, ces pierrailles deviendront de la plus grande utilité, & serviront à établir des aqueducs, ou filtres, ou écouloirs souterrains, qui transporteront les eaux au-dehors de l'enceinte.

La fouille du total de l’emplacement doit être de trois pieds de profondeur. Si on veut économiser, on donnera ce travail à l’entreprise, & à tant par toise quarrée de superficie sur la profondeur convenue. Mais pour ne pas conclure un marché en dupe, on commencera à faire fouiller, à journées d'hommes, une ou deux toises, & on jugera ainsi, toute circonstance égale, quelle doit être la dépense générale, & combien on doit payer par toise. Si on désire connoître bien particulièrement le prix, il faut que le propriétaire ne quitte pas un seul moment ses travailleurs, & qu'il calcule ensuite à combien lui revient chaque toise. S'il s'en rapporte à d'autres yeux qu'aux siens, il est difficile qu'il ne soit pas trompé. Malgré l’avis que je donne, mon intention n'est pas que le propriétaire se prévale des lumières qu'il a acquises pour ruiner les prisataires. Il faut que ces gens vivent, & gagnent plus sur le prix fait que si l’ouvrage avoit été commencé & fini à journées, parce qu'ils travaillent beaucoup plus, la tâche étant à leur compte, que s'ils remuoient la terre à journées. Il ne convient pas non plus que les intérêts du propriétaire soient lésés ; à prix fait, bien entendu, il en coûte moins, & l’ouvrage est beaucoup plutôt achevé. C'est au propriétaire à veiller ensuite sur la manière dont l'opération s'exécute. Pour cet effet, il coupe un morceau de bois, & marque la longueur de deux ou trois pieds, suivant la profondeur convenue, & de tems à autre il vient sur le chantier, & enfonce en différens endroits cette jauge, afin de se convaincre que les ouvriers se sont conformés aux conditions admises.

Est-il nécessaire, dans la fouillegénérale du sol, de comprendre celui sur lequel les allées sont ou doivent être tracées ? Plusieurs auteurs sont pour la positive ; cependant cela paroît une dépense superflue. C'est dans le cas seulement où il seroit impossible de se procurer du sable & des pierrailles, qu'il conviendroit de fouiller la totalité du sol. On pourroit encore éviter les trois quarts de la dépense, en portant sur ces allées, & avec la brouette, un peu de terre des quarreaux voisins : alors les allées seront de niveau, ou si l'on veut, plus élevées que la terre.

Supposons actuellement que tout soit disposé pour commencer les tranchées sur la longueur ou sur la largeur d'un quarreau. On commence par enlever la terre de la première fouille de trois pieds de profondeur sur quatre à cinq pieds de largeur, & on la porte à l'autre extrémité du quarreau. Les brouettes sont très-commodes pour l'opération ; d'ailleurs elles peuvent être conduites par des femmes ou par des jeunes gens, dont les journées sont de moitié moins chères que celles des hommes, & elles font autant d'ouvrages. On peut encore se servir de tombereaux ; mais je réponds, d'après ma propre expérience, que ce second moyen est plus coûteux.

La première tranchée ouverte, & la terre enlevée, les ouvriers commencent la seconde & en jettent la terre derrière eux, s'ils se servent de pioches ou de tels autres instrumens à manches recourbés, en observant que la terre de dessus soit retournée, & forme le dessous. Au contraire si l’ouvrier travaille avec la bêche, il va à reculons & jette devant lui & dans le creux, la terre qu'il soulève avec cet outil. Dès que le sol n'est


pas pierreux, on préférera la bêche a tout autre instrument, parce que la terre est mieux & plus régulièrement divisée, émiettée & nivelée. — L'ouvrier continue ainsi son travail, jusqu’à ce qu'il parvienne à l’extrémité du quarreau. La il trouve la première terre transportée, qui lui sert à remplir le vide formé par la dernière tranchée ; alors le quarreau est complettement défoncé, & sa superficie se trouve de niveau.

Plusieurs particuliers couvrent de fumier la superficie du sol à défoncer. On ne voit pas le but de cette opération, à moins que le terrain ne soit destiné à être tout à la fois & légumier & fruitier. Dans ce cas, l’engrais servira & favorisera l'accroissement des racines des arbres qu'on doit planter ; mais dans un simple légumier, les racines des plantes n'iront jamais chercher la nourriture à trois pieds de profondeur ; ni aucun travail, à moins qu'il ne soit semblable au premier, ne ramènera jamais plus cet engrais à la superficie. Si les tranchées ont été bien conduites, la terre de la superficie, une fois retournée, doit occuper le fond de la tranchée, & celle du fond le dessus.

Dans quel tems doit-on commencer à ouvrir les tranchées ? Cela dépend des saisons, du climat, de la nature du sol & de l'époque à laquelle les ouvriers sont le moins occupés. Dans les départemens méridionaux, il convient de commencer l'opération à la fin de ventôse ou de pluviôse, afin que la terre ait le tems de s'approprier les influences de l'atmosphère, & d'être pénétrée par la lumière & la chaleur vivifiante du gros soleil d'été ; quelques légers labours, même à la charrue, suffiront à la préparation des planches, des tables, &c. à moins qu'il ne soit survenu de grosses pluies d'orage ; on pourroit encore commencer à semer & à planter les légumes pour l’hiver suivant. Il est bon cependant d'observer qu'il vaut mieux donner quelques coups de charrue pendant l’été, afin de détruire les mauvaises herbes, que de trop tôt se hâter de semer & de planter. Dans les départemens du nord, l'automne est la saison favorable ; la terre n'est ni trop sèche ni trop mouillée. Si elle est trop seche, le travail est long, pénible & coûteux ; si elle est trop pénétrée par l’eau, il est inutile de le commencer ; on pétriroit la terre, on la durciroit & on la retourneroit mal. Dans quelque climat que l’on habite, on doit consulter les circonstances ; l’hiver & les glaces produisent dans le nord un effet opposé à ceux des départemens méridionaux ; ils soulèvent le terrain & l’émiettent, mais les pluies & la fonte des neiges le tassent & le plombent trop vite.

Plusieurs auteurs qui se sont fidellement copiés les uns après les autres, conseillent de défoncer le sol jusqu'à la profondeur de quatre pieds, si on ne peut pas facilement se procurer de l’eau pour arroser, parce que la terre ainsi profondément retournée, conserve la fraîcheur pendant plus long-tems. Je demanderois à ces auteurs s'ils pensent de bonne foi que cette terre se soutiendra toujours ainsi soulevée ; si, petit à petit elle ne se plombera pas, & si une fois plombée elle conservera plus de fraîcheur qu'auparavant ? Je crois au contraire qu'il y aura plus d'évaporation, & par conséquent, que les effets de la sécheresse se manifesteront bien plus vîte. Sans la quantité d'eau convenable pour les arrosemens, il faut renoncer à toute espèce de grand légumier, à moins que l'on n'habite un pays où les pluies soient très-fréquentes pendant l'été, & en outre, un pays où la chaleur soit très-tempérée dans cette saison.

J'ai dit plus haut que le sol des tranchées devoit être défoncé à la profondeur de trois pieds, mais c'est dans le cas qu'on plante des arbres fruitiers dans le légumier ; autrement la tranchée de deux pieds de profondeur est très-suffisante, parce qu'on ne çonnoît point de légumes à racine pivotante, qui plongent au-delà de ce terme. A quoi sert donc de multiplier la dépense, & d'enfouir au fond de la tranchée de trois pieds la terre de la superficie qui ne reverra jamais le jour, & qui devient inutile à la nourriture des plantes ?

Si la fouille a été faite immédiatement avant l'hiver, il est à propos de couvrir le sol avec du fumier bien consommé, afin que les pluies, les neiges la détrempent & imbibent la terre de sa graisse. Si au contraire, la fouille a été faite pendant l’hiver, il convient d'enterrer le fumier à quelques pouces de profondeur, afin que l'ardeur du soleil & le courant d'air ne détruisent & ne fassent pas évaporer ses principes vivifîans. Ce qu'on vient de dire suppose qu'on n'a pas la puérile envie de jouir du terrain aussi-tôt après que le travail est fini. Il faut que la terre de dessous, ramenée à la superficie, ait eu le tems d'être travaillée & pénétrée par les météores. On éloigne, il est vrai, le moment de jouir, mais on jouit ensuite bien plus sûrement.

Jusqu'à présent tout a été du ressort des manœuvres des journaliers ; ici commence le travail du jardinier. Il soudivise ses quarreaux en tables ou planches, & dispose le local des petits sentiers de séparation. Si le jardin doit être arrosé par irrigation, il trace le plan des rigoles & celui des plate-bandes ; en un mot, il prépare le terrain pour recevoir des plans enracinés, ou les semences.

Le simple jardin ne demande aucune étude ; des quarreaux plus ou moins allongés sont tour ce qu'il exige. C'est la commodité, la facilité


dans le service, dans l’arrosement, le transport du fumier qu'il faut se procurer par-dessus tout ; enfin ne rien négliger de ce qui tend à simplifier le travail & à diminuer les frais de main-d'œuvre. C'est-là le premier bénéfice.

Il me reste encore une question à examiner. Les fouilles ou tranchées plus ou moins profondes sont-elles indispensables dans tous les cas lorsqu'il s'agit de créer un jardin ? Elles sont très-utiles en général, mais elles ne sont pas d'une nécessité absolue.

Cette distinction tient à la qualité du sol ; en effet, si la couche de terre est par elle-même profonde, meublée, riche, si elle ne retient pas trop d'eau, à quoi serviront les grandes tranchées ? Si le sol est naturellement composé d'un sol gras & fertile, les fouilles le rendront d'un côté plus perméable à l’eau, & de l’autre plus susceptible d'évaporation. Les fouilles ont pour but de faciliter le pivotement & l’extension des racines, & dans les deux cas cités, rien ne s'oppose à leur développement. Les grandes fouilles sont donc très-inutiles : il suffit avant de tracer le jardin, d'égaliser le terrain à la charrue, afin d'enlever les broussailles, les touffes d'herbe, & de passer ensuite la herse sur deux labours croisés, afin de niveler & d'égaler le terrain. On parviendra par cette méthode à tracer facilement les allées, & la plus légère raie les dessinera & les séparera à l'œil, du sol destiné à former les quarreaux, les plates-bandes, &c. Le plan une fois tracé, arrêté & fixé par différens piquets, il ne s'agit plus que de bien former la superficie, & de donner un fort coup de bêche pour l’enterrer.

Du tems de semer.

Fixer une époque générale pour les semailles, c'est établir l’erreur la plus décidée, ou bien il faut se contenter d'écrire pour un canton isolé, & encore doit-on subordonner à la manière d'être des saisons, les préceptes que l’on donne.

Cependant comme on ne peut traiter ici de tous les cantons de la république en particulier, on se contentera d'envisager les deux extrémités, celle du midi & du nord, comme les deux qui sont les plus opposées. Les particuliers dont les jardins s'éloignent des extrémités de l'un ou l'autre climat, modifieront l’époque des semailles en raison de leur éloignement, & sur-tout en raison des abris que la parure leur fournit.

Lille en Flandre & Paris ont des exemples pour le nord, Marseille & Béziers pour le midi. Les deux ** indiquent qu'il faut semer sur couche & sous cloche pour le climat de Paris seulement. La couche & la grande paille, au besoin, suffisent pour l'autre. La seule * marque que la graine demande à être semée dans un lieu bien abrité ; le reste sans * en pleine terre.

ÉPOQUE DES SEMAILLES ;

Climat de Paris & de Flandres.

Nivose.

    • Fèves.
    • Laitues...crêpe.

Versailles,

printanière.

    • Melons.
    • Radis.
    • Petites raves.
    • Pourpier vert.
    • .Chicorée sauvage.
    • Cardons.
    • Concombres.
    • Cerfeuil.
    • Cresson alenois.
  • Oignons de Antoine.

Ventose.

    • Melons.
    • Aubergines.
    • Petites raves.
    • Concombres.
    • Oignons.
    • Carottes.
    • Choux deMilan.
    • Choux fleurs.
    • Basilics.
    • Couches à champignon.
    • Asperges.
    • Haricots.
  • Pois

verts.

michauds.

dominis.

nains.

  • Fèves de marais.
  • Ail.
  • Echalottes.
  • Rocamboles.
  • Ciboule.
  • Oignons.
  • Chicorée.
  • Escarole.
  • Chou frisé nain.

Epinards.

Cerfeuil.

Persil.

    • Laitues du mois précédent.


Climat des bords de la Méditerranée.

Nivose.

    • Melons.
    • Concombres.
    • Pourpier.
    • Céleri.
  • Radis.
  • Petites raves.
  • Choux-fleurs hâtifs.
  • Laitues.

allemande.

pomme de Berlin.

grosse rouge.

jeune rouge.

coquille.

Passion.

grosse blonde.

grosse gorge.

Bapaume

les Gênes.

l'Italie.

la Royale.

la gotte.

sanguine ou flagellée.

chicon rouge.

panaché.

gris.

hâtif.

  • Cresson alenois.
  • Mâche.
  • Cerfeuil.

Poireaux.

Oignons.

Choux.

blancs.

pommés.

de Milan.

Verts.

rouges.

Fèves.

Pois.

Persil.

Echalotte.

Epinards.

Ventose.

    • Choux.

fleur.

brocoli.

cabu ou pomme.

de Milan.

de Strasbourg.

    • Poivre d'Inde.
    • Aubergine.
    • Courges.
    • Concombres.

Climat de Paris & de Flandres.

Germinal.

    • Couches à champignons.
    • Melons.
    • Potirons.
    • Courges.
    • Concombres.
    • Chou-fleur.
    • Céleri.
    • Capucine.
    • Basilic.
    • Chicorée sauvage.
    • Fèves de marais.
    • Haricots.
    • Laitues

Versailles.

la George.

la petite crêpe.

la Bagnolet.

Persil.

Cerfeuil.

Radis.

Raifort.

Petites raves.

Navets.

Pimprenelle.

Pourpier verd.

Poirée.

Cresson alenois.

Oignons.

Epinards.

Fèves de marais.

Pois.

Carottes jaunes & rouges.

Lentilles.

Pommes de terre.

Estragon.

Chicorée sauvage.

Moutarde.

Floréal.

    • Chou

de Milan.

fleur.

    • Céleri.
    • Cardon.
    • Potiron.
    • Différentes laitues.
    • Pourpier doré.

Chou de Milan.

Poirée. Radis.

Petites raves.

Chicorées.


Climat des bords de la Méditerranée.

    • Melons.
    • Céleri.
    • Basilic.
  • Laitues

coquille.

paresseuse.

Versailles.

d'Autriche.

brune de Hollande.

Perpignan.

petite crêpe.

grosse crêpe.

celles du mois précédent.

  • Oignons d'automne.

Pois.

Fenouil.

Chervis.

Topinambour.

Pomme de terre.

Poirée.

Petites raves.

Radis de toute espèce.

Persil.

Fèves.

Fournitures de salades.

Cardons d'Espagne.

Haricots.

Asperges.

Carottes.

Panais.

Salsifix.

Cerfeuil.

Chicorée.

Escarole.

Mâche.

Sénevé.

Arroche.

Lentilles.

Ventose.

Laitues.

à coquille.

de la passion.

Romaine.

chicon vert.

grises.

d’Espagne.

d'Allemagne.

Panachées.

alphange.

On peut encore essayer des laitues des mois précédens.

Porreaux.

Oignons d'été.

Oignons d'automne.

Echalottes.

Aulx.

Climat de Paris & de Flandres.

Maïs ou bled de Turquie.

Cardon.

Haricots.

Pois.

à cul noir.

goulu.

quarré.

Fèves.

Persil.

Carottes

jaunes.

rouges.

Laitues.

Chicorée sauvage.

Salsifix.

Betterave

jaune.

rouge.

Sarriette.

Panais.

Laitues.

de Silésie.

de Versailles.

d'Italie.

Choux.

frisés.

nains.

fleurs durs.

de la Saint-Rémi.

brocolis.

Céleri.

long.

plein.

branchu.

Cardons.

Potirons.

Concombres.

Prairial.

    • Chou-fleur.

Chou tardif.

Cardons d'Espagne.

Melons. Haricots blancs.

Fêves de marais.

Poirée.

Oseille.

Céleri.

Cerfeuil.

Laitues.

Pourpier doré.

Pois & sur-tout le quarré blanc.

Choux d'hiver.

Scorsonère.

Betterave.

Concombres.

Cornichons.

Radis.


Climat des bords de la Méditerranée.

Pois.

quarrés.

nains.

à parchemin.

romain.

d'Angleterre.

Verts.

michauds.

barons.

à cul noir.

de tous les mois.

goulus.

Fèves.

Chervi.

Raifort.

Radis.

Petites raves.

Epinards.

Persil.

Poirée.

Betterave

jaune.

rouge.

Cardons.

Haricots.

Artichauds.

Asperges.

Basilic.

Capucines.

Bourrache.

Sarriette.

Carottes.

Panais.

Scorsonère.

Salsifix.

Céleri.

Cerfeuil.

Chicorées de toute espèce.

Pourpier.

Cresson alenois.

Angélique.

Courges.

Melons.

Concombres.

Estragon.

Percepierre.

Navets.

Radis.

Petites raves.

Pomme de terre.

Topinambour.

Pomme d'amour ou tomates.

Choux de toutes les espèces, & même le chou-fleur.

Climat de Paris & de Flandres.

Messidor.

Haricots.

Chicorées.

Mâche.

Poirée blonde & verte.

Pourpier doré.

Laitues d'été.

Chicons verts.

Cerfeuil.

Choux.

pommés hâtifs.

frisés hâtifs.

de Milan.

Pois

Michauds.

Suisses.

Radis.

Raves.

Raiforts.

Thermidor.

Oseille.

Poirée.

Cerfeuil.

Laitue royale.

Chicorées.

Pourpier doré.

Pois

michauds.

quarrés.

Navets.

Radis.

Raiforts.

Raves.

Chou de Bonneuil.

Haricots.

Oignons blancs.

Ciboule.

Fraisier des mois.

Fructidor.

Cerfeuil.

Chicorées.

Poirée.

Epinards.

Navets.

Laitues d'hiver.

Mâche.

Oignons blancs.

Raves.

Ciboule.

Oseille.

Choux

fleurs durs.

pommés hâtifs.

frisés hâtifs.

Milan.

gros de Milan.

de Bonneuil.

d'Aubervilliers.


Climat des bords de la Méditerranée.

Floréal.

Laitues

la Royale.

la crêpe blonde.

la petite rouge.

la capucine.

l’Autriche.

roulette verte.

tous les chicons.

Chou

fleur.

de Milan.

rave.

brocolis.

Pois

à cul noir.

Nain.

goulus.

michauds.

Oignons.

Chicorées endives.

Epinards.

Persil.

Fèves.

Raifort.

Radis de toute espèce.

Cardons.

Artichauds.

Haricots.

Oxès ou alléluia.

Anis.

Oseille.

Basilic.

Carottes.

Scorsonnerre.

Salsifix.

Pourpier.

Pommes d'amour ou tomates.

Poivre d'Inde.

Aubergine.

Navet.

Fenouil.

Prairial.

Laitues.

chicons de toute espèce.

brunes de Hollande.

petite crêpe.

de Milan.

Chou

fleur tardif.

raves.

Pois à cul noir.

Epinards.

Raifort.

Radis de toute espèce.

Poireaux.

Haricots.

Verds.

d'Espagne.

blancs communs.

Climat de Paris & de Flandres.

Salsifix.

Scorsonère

Vendémiaire.

Raves.

Radis.

Raiforts.

Carottes jaunes & rouges.

Epinards.

Mâches.

Oignons blancs.

Cerfeuil.

  • Pois michauds.

Brumaire.

Epinards.

Cerfeuil.

Mâche.

Radis.

Petites raves.

  • Pois verts.

Laitues.

romaine.

crêpe.

  • Chou-fleur.

Pois.

verts.

dominés.

michauds. à semer en mannequin.

Frimaire.

  • Pois verts.
  • Fèves de marais.

Climat des bords de la Méditerranée.

Carottes.

Scorsonère.

Céleri.

Chicorée.

endive frisée.

scarole.

à la régence.

de Meaux.

Pourpier.

Cresson alenois.

Concombres.

Tomates.

Poivre d'Inde.

Navets gris.

Messidor.

Chicons de toute espèce.


Choux.

verts.

Milan.

brocolis.

Pois.

nains.

à cul noir.

Toutes espèces de radis, & surtout le gros radis noir de Strasbourg.

Epinards.

Haricots.

Concombres.

Carottes.

Basilic.

Chicorée endive scarole.

Pourpier doré.

Mâche.

Thermidor.

Laitues.

Ciboules.

Epinards.

Radis de toute espèce.

Haricots de toute espèce, excepté celui d'Espagne.

Cerfeuil.

Endives de toutes espèces.

Navets.

Pourpier.

Fructidor.

Laitues.

petite crêpe.

grosse blonde.

brune de Hollande.

cocasse.

coquille.

la passion.

laitue-épinard.

Chicons romains & verts.

Oignons d'été.

Choux.

fleur.

cabus.

de Milan.

Epinards.

Cardons.

Carottes.

Scorsonère.

Endives.

Chicorées.

Mâche.

Navets.

Raves.

Raiforts.

Radis de toute espèce.

Vendémiaire.

Laitues.

à coquille.

de la passion.

Pommées.

Laitues. petite crêpe.
brune de Hollande.
la roulette.
la royale.
la Gênes.
chicons d'Allemagne.
laitue épinard.
Epinards.
Oignons.
Ail.
Rocambole.
Echalotes.
à remettre en terre.
Chou-fleur hâtif.
Cerfeuil.
Endives.
Chicorées.
Mâches.
Navets.
Radis.
Petites raves.

Brumaire.

Chou. fleur.
cabu.
  • Fèves.
  • Concombres.
Oignons.
Endives.
Chicorées.
Raiforts.
Navets.
Radis.
Petites raves.
Epinards.
Pois. goulus.
Barons.
Michauds.
nains.
Mâches.
Cresson alenois.
Goriande.
Laitues. roulette.
la George.
la mignone.
de Silésie.
panachées.
de la passion.
capucine.
paresseuse.
d'Autriche.
crêpe verte.
  • Chicons.
Oignons.
Raifort.
Radis.
Petites raves.
Epinards.
  • Fèves.
Pois. michauds.
nains.
goulus.

Frimaire.

Laitues, les mêmes que dans le mois précédent, & en sus :

La rouge pommée.
La royale.
La Versailles, & les mêmes qu'en janvier.
Oignons.
Fèves.
  • Radis.
  • Petites raves.

On sera peut-être étonné de voir certaines espèces semées chaque mois de l’année, sur-tout dans les départemens méridionaux, les radis, les épinards par exemple. Sans cette précaution, on n'en auroit à cueillir que depuis le mois de vendémiaire jusqu'à celui de ventôse, alors les derniers & les premiers seroient trop durs après trois semaines ou un mois de leur semis. Si on veut jouir pendant toute l’année, il faut semer souvent, parce que la grande chaleur fait promptement monter les plantes en graines. On peut dire en général que chaque graine est dans le cas d'être semée à trois époques différentes dans les mêmes années ; mais il faut avoir un jardinier intelligent qui sache saisir le moment.

Cette classe d’hommes a une routine très-bonne en elle-même, & fait que le jour de la fête de tel saint, il convient de semer telle & telle espèce. Si la saison est dérangée, ses plantes montent en graine, ou ne réussissent point ; il rejette la faute sur la qualité de la graine, tandis que cela tient à la constitution de la saison qui ne s'accordoit pas avec son calendrier.

Ce fait prouve encore combien les époques générales que l’on prescrit sont abusives. (Extrait des Décades du Cultivateur.)

POTS pour le jardinage ; on en distingue de trois sortes ; savoir, 1°. des pots communs de terre cuite pour y mettre diverses plantes ; 2°. d'autres, soit de fayence ou de porcelaine, de toutes grandeurs & de toutes figures, soit de cuivre ou de fer fondu qu'on fait bronzer pour y mettre des fleurs & des plantes curieuses ; 3°. enfin, des pots de simple ornement, appelles vases, & qui sont de pierre, de marbre, de porphire, de plomb, de bronze, & lesquels sont ornés & sculptés, & dans lesquels on ne met rien.

On dit arbres en pots : Ce sont d'ordinaire des paradis ou des pêchers nains de la petite espèce ; mais dont les fruits ne valent rien. On ne doit point compter sur les arbres en pots, mais bien sûr les fleurs & sur quelques arbustes.

POUDRETTE ; on a donné ce nom au terreau qui se forme au bout de deux, trois ou quatre années des vuidanges des matières fécales, dont on fait les décharges hors de Paris. Ce terreau alors ne sent plus rien du tout, mais il est fort chaud, & il le faut bien battre, & le mêler avec la terre ; si l’on le mettoit dessus, de même qu'on fait à l’égard du terreau ordinaire, ce terreau étant fort spiritueux, seroit bientôt évaporé, s'il étoit long-tems au grand air.

La poudrette ne convient qu'à certaines plantes, & aux terres froides, ainsi que la fiente des pigeons. La poudrette entre aussi dans la composition de la terre à orangers ; mais il faut qu'elle soit employée avec prudence.

POULIE ; machine employée à la campagne, comme ailleurs, à élever des fardeaux. La poulie est composée d'une roue, d'un goujon & d'une chape. La roue a quelque épaisseur : on pratique dans sa circonférence un canal qui reçoit la corde & qui est nommé gorge. Le goujon est une pièce qui traverse la roue dans le centre, & sur lequel elle tourne. La chape embrasse la roue, est aussi traversée par le goujon, & sert à suspendre la poulie.

POUPÉE ; (greffer en) on nomme ainsi toutes les greffes en fente, parce que pour rerenir ces greffes dans leur place, ainsi que pour empêcher que l’air ne les saisisse & ne les dessèche ; pour également empêcher que les pluies, les rosées, les brouillards n'entrent dans la fente, on applique dessus de la terre grasse avec de la mousse, qui sert à les entourer en détrempant le tout dans de l’eau avec du foin.

POUSSE ; c'est le nouveau jet d'un arbre. La première & la seconde pousses désignent les jets qu'ont produits les arbres à la sève du printems & à celle d'automne.

POUSSER ; on dit faire pousser les arbres, quand on excite la végétation, & qu'on obtient des progrès considérables à force de fumer les arbres, de les labourer, de les mouiller.

Pousser à l'eau les plantes, c'est les arroser abondamment pour qu'elles ne montent pas en graine, & pour les avoir plutôt & plus nourries.

PRATICIEN ; (jardinier) c'est un jardinier qui a acquis de l’expérience, & qui, ne donnant rien au hasard, opère conformément à des règles & suivant de bons principes. Tels sont la plupart des jardiniers praticiens de Montreuil pour la culture des arbres fruitiers.



PRÉ ou Prairie ; étendue de terre destinée à produire de l’herbe & d'autres végétaux pour la nourriture du bétail.

On nomme prés bas ceux qui, étant situés dans des fonds ou en plaine à peu de distance des eaux, sont fréquemment submergés, & habituellement humides. Leur herbe est moins estimée que celle des prés hauts, qui, n'étant point exposés aux inondations, donnent un herbage d'une finesse, d'une saveur & d'une odeur agréables que l’on ne trouve point dans les prés bas.

On nomme prés secs ceux situés dans un fonds gras où naturellement le foin vient en abondance, & beaucoup meilleur que dans les terrains qui ne produisent qu'à force d'être arrosés.

Les prés humides sont ceux qu'on voit dans des fonds où des ruisseaux les fertilisent par l’épanchement des eaux. La terre de ces prés est d'une nature légère & peu substantielle.

On distingue encore les prairies en naturelles & artificielles.

Les premières sont celles où l’herbe croît naturellement, les secondes sont fertiles autant qu'on les cultive & qu'on y sème de la luzerne, du trèfle, du sainfoin & autres herbes propres à la nourriture des animaux.

PRÉCOCE ; ce terme se dit des fleurs, des fruits & des légumes qui devancent en maturité les autres plantes de la même espèce.

PRENDRE ; on dit dans le jardinage qu'une plante prend racine & on dit qu'une greffe, une bouture ont repris ; on dit aussi qu'un fruit prend chair quand il commence à grossir. Il y a des plantes qui ne prennent pas dans toutes sortes de terres.

PRÉPARER ; c'est, dans le jardinage & la culture, disposer la terre par des labours & des engrais, à recevoir la semence & les plants qu'on lui destine. Une terre préparée, est celle dont on a fait un mélange avec différens engrais, pour les orangers & les fleurs.

PRESSOIR ; c'est une machine qui sert au vigneron-pour exprimer le jus du marc après que le raisin a été foulé & cuvé. (Voyez les pl. XXI & XXII).

Le pressoir est en général composé de la maye, nom du plancher, qui doit être immobile, & même soutenu par une maçonnerie. C'est sur ce plancher que l’on met le raisin qu'on veut presser. Autour de ce plancher est un rebord qui oppose un obstacle au jus du raisin, & le force à couler par une pente douce dans le vase destiné à le recevoir. Ainsi on étend sur ce plancher une certaine quantité de raisins qu’on appelle le tas ou pain ; on pose sur ce tas des planches fortes & rapprochées qu’on croise sur ces planches, en les mettant l’une sur l’autre, de grosses pièces de bois appellées chantiers & moyeux, & une grosse vis de bois ou de fer posée entre deux piliers qu’on fait tourner à force de bras par le moyen de longs leviers, descend sur cet appareil & presse plus ou moins les raisins, selon le nombre de pas qu’on lui fait faire.

L’usage du pressoir est nécessairement par-tout le même. Quant à la forme, elle peut varier, mais celle que nous venons d’exposer est la plus commune & la plus commode. Les pressoirs sont d’une origine si ancienne, qu’on en attribue i’invention à Bacchus. Suivant les monumens qui nous restent de l’antiquité où l’on a représenté des pressoirs, on voit qu’ils étoient composés d’un plancher sur lequel on étendoit le marc & l’on pressoit les planches pour écraser le raisin, en faisant entrer de force, à grands coups de marteaux, des chantiers qu’on introduisoit dans un châssis.

Il y avoit autrefois en France des pressoirs banneaux, appartenans à des propriétaires de fiefs auxquels, dans certaines coutumes, les vignerons étoient assujettis de porter les raisins de la vendange, & de payer une certaine rétribution. Mais depuis notre révolution, le citoyen est délivré de cette servitude, & peut faire son vin à son pressoir.

Le pressoir n’est pas seulement en usage pour exprimer le jus du raisin ; on s’en sert encore pour tous les fruits qui rendent un suc ou de la liqueur. Ainsi, c’est avec le pressoir qu’on obtient l’huile des olives & des amandes, le suc des pommes & des poires, & de plusieurs graines, &c. On pourroit même, avec le pressoir, tirer une huile des pépins de raisin, suivant le procédé rapporté dans les Arts & Métiers mécaniques, tome VI, page 318.

Moyen simple & peu coûteux pour exprimer le suc du raisin.

Tout le monde sait que la méthode de faire fouler le raisin dans les cuves par des hommes est dangereuse. Souvent les vapeurs asphixient ceux qui sont chargés de cette opération. Il n’y a point de vendange qui ne coûte ainsi la vie à plusieurs individus.

Un américain (la Voyepierre) à proposé un moyen simple qui fait disparoître ce danger, & qui est en même-tems plus économique. Il consiste en une machine formée de deux cylindres


en bois, sur lesquels règne une cannelure dont les rayons, disposés obliquement, ont deux pouces de large sur deux lignes de profondeur. Ces cylindres sont portés sur deux tourillons qui s’enchâssent dans un cadre solide. Posés horifontalement & parallèlement, ils sont surmontés d’une trémie destinée à recevoir le raisin. Deux manivelles placées à sens opposés les font mouvoir. Au moyen de cette machine extrêmement simple, il n’échappe pas un grain de raisin à l’écrasement. Dans le foulage, au contraire, le pied du fouleur passe vingt fois sur les grains déjà écrasés, & vingt fois d’autres grains lui échappent, il y a encore un autre inconvénient attaché au procédé du foulage usité ; c’est que le fouleur presse peu sur le fond de la cuve, parce qu’il perd de son poids à mesure qu’il plonge davantage dans la vendange. Dans la machine proposée, il n’y a pas un mouvement de perdu. L’écrasement complet du raisin, l’homogénéité de la masse opéreroient une fermentation réglée, plus égale, & le vin en seroit nécessairement meilleur.

Ces motifs, joints à celui de la conservation des hommes, devroient engager le gouvernement & les possesseurs de vignobles à introduire l’usage d’une machine aussi utile que peu compliquée. On peut s’en servir pour écraser des groseilles, des merises, &c. Son inventeur en a écrasé deux mille quatre cents livres en moins de deux heures ; il écrasoit même les noyaux à volonté, en rapprochant les cylindres au moyen de vis de pression. (Extr. de la Décade du 20 thermidor de l’an 3e.

PROBLÈME ; dans le jardinage, c’est un procédé de la nature qui donne carrière à différentes opinions & à différentes pratiques pour en découvrir les causes & les effets. C’est un problême continuel de voir comment la sève peut se modifier en tant de manières dans les racine, la tige, les branches, les feuilles, les fleurs & les fruits ; c’est un problême que le changement d’un mauvais fruit en un bon par le moyen des greffés ; c’est un problême de savoir pourquoi la ciguë & l’aconit font mourir, tandis que d’autres plantes sont salutaires & vivifient. Ainsi tout est problême dans les œuvres de la nature.

PROVIGNER ; c’est coucher en terre des sarmens de vigne pour leur faire prendre racine. Ce terme s’est étendu à tous les arbres qu’on multiplie de cette façon, ce qui se pratique quand il n’y a plus de gelée à craindre.

PROVIN ; branche de vigne qu’on couche, & qu’on couvre de terre.

PUCERON ; insecte qui s'attache à quantité de plantes, sur-tout aux feuilles du pêcher, qui les ronge, & fait un tort considérable aux arbres. Il est des pucerons de différentes espèces ; il en est de si petits, & ce ne sont pas les moins dangereux, qu'on ne peut les appercevoir qu'à la faveur de la loupe ou du microscope.

On dit épuceronner, comme on dit écheniller, ce qui signifie détruire ces insectes. Il n'y a pas de meilleure recette que de les chercher & de les tuer.

PUNAISE des jardins. Il y en a de deux sortes ; la grande & la petite espèce. Les insectes de la grande espèce sont de la largeur d'une grosse lentille, & ont une odeur infecte. Elles ont des aîles doubles ; celles de dessus sont comme des écailles semblables à celles des hannetons, celles de dessous sont repliées & à jour comme des réseaux. Ces insectes mangent les fruits tendres & nuisent, beaucoup aux pêchers. La meilleure manière de s'en délivrer est de les chercher & de les écraser. Il faut les attaquer lors du soleil, qu'ils aiment beaucoup. On arrache une feuille & on a soin de les prendre avec : autrement les doigts seroient empestés par leur odeur insupportable.

L'autre sorte de punaise, de la petite espèce, n'a aucune odeur, mais elle est bien plus à redouter pour les arbres. Ce petit insecte ronge les feuilles en dessous, & par sa fiente noircit & charbonne les feuilles, l'écorce & les fruits, de même que les treillages & la muraille. Il fait des coques d'œufs qu'il répand par-tout, &


qui pullulent a l’infini. Ces œufs n'éclosent que lorsque la verdure est suffisante pour les nourrir, vers les mois d'avril & de mai. Si l’on néglige de les détruire, l'arbre s'en trouva fort mal, & souvent il meurt. Lors donc qu'on les a laissé engrener jusqu'à un certain point, il n'y a pas d'autre moyen pour s'en débarrasser, que de laver les arbres, les treillages & la muraille avec de l’eau de savon, puis éponger avec de l’eau simple. On n'en est pas quitte pour une seule fois. Il faut recommencer à plusieurs reprises d'année en année, à raison de ce que quelque précaution qu'on prenne, il reste toujours du couvin qu'on ne peut appercevoir ; de plus, il en renaît d'autres. Le tems d'y procéder est lorsque les boutons ne sont pas en mouvement durant l’hiver. Alors, au lieu de frotter du haut en bas ou horisontalement, il faut toujours frotter du bas en haut, de peur d'arracher ou d'endommager les boutons.

Il est une troisième sorte de punaises qui sont rouges & de moyenne grosseur. En Normandie, où elles sont fort nombreuses, on les appelle des mazarins. Elles sont aussi fort répandues partout aijleurs. Elles vont en bande & désolent les jardins, dévorent les fruits, criblent les feuilles & les mettent à jour Au printems, quand ces insectes attaquent un pêcher, ils rongent toute la verdure naissante jusque dans l’écorce même, & font périr l'arbre. Comme ils aiment fort la chaleur, ils s'adonnent aux espaliers, & ne se débandent ailleurs que lors du tems chaud. On détruit ces punaises rouges comme les autres, en les écrasant. (Schabol).




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Q

QUARRÉ de jardin ; espace particulier ayant une forme quarrée & des allées au pourtour qui partagent le jardin & le distribuent en différentes pièces.

On coupe & l'on divise les différens quarrés par planches, ayant autour d'elles des sentiers.

Il est aussi des quarrés d'une seule pièce, destinés à une sorte de plante. Ces derniers, on les sème à la volée. & on n'y pratique ni planches ni sentiers : Mais il est plus convenable & plus régulier, sur-tout dans un jardin qui n'est pas immense, de partager les quarrés en planches & en sentiers.

QUEUE ; futaille pour contenir les liqueurs, particulièrement le vin. La queue de Nuits, de Maçon & de Dijon contient un muid & demi de Paris. Celle de Blois & d'Orléans lui est égale.

QUENOUILLE, (arbre en) On appelle ainsi un arbre nain planté autour des carreaux, à la place des contre-espaliers ; dont, on élève les branches tout autour de la tige, depuis sept à huit pouces au-dessus de terre jusqu'au sommet de l'arbre, en taillant les branches par degrés,


pour donner à l'arbre la force d'un pain de sucre ou de cône. L'expérience fait connaître que les arbres en quenouille réussissent très-difficilement ; peu d'espèces d'arbres y sont propres, & trompent presque toujours l’attente du cultivateur. L'arbre en buisson vient beaucoup mieux.

QUINCONCE ; c'est une manière de planter. qui se fait en posant le premier plant de la seconde ligne de sa plantation vis-à-vis le milieu ; des deux premiers plants de la première ligne, & ainsi de suite, en suivant toujours les milieux, de sorte qu'à la fin de l’ouvrage, les plants de la troisième ligne répondent aux plants de la première, & ceux de la seconde aux plants de la quatrième.

On nomme aussi quinconces des rangées d'arbres disposés sur une ligne droite retournée d'équerre, formant trois allées d'égale largeur. Sa beauté consiste dans son alignement exact.

La façon de planter la plus-générale est de planter en échiquier, ce qui est e