Encyclopédie méthodique/Artillerie/Aiguiserie

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Panckoucke (p. 5-6).
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AIGUISERIE. Usine où l’on aiguise des pièces d’armes. Elle est ordinairement mue par l’eau.

Les meules qu’on emploie pour émoudre les lames de sabres & de baïonettes peuvent être rangées en trois classes :

1o. Les grandes meules en grès, d’une moyenne dureté, de 1 met. 94 à 2 met. 27 (7 à 8 pieds) de diamètre, de 0 met. 09 à 0 met. 11 (4 à 5 pouces) d’épaisseur à la circonférence & 0 mèt. 21 à 0 mèt. 24 (8 à 9 pouces) au centre. Ces meules sont démontées pour en faire de petites, lesquelles sont réduites au diamètre de 1 met. 29 (4 pieds).

2o. Les meules moyennes de 0 met. 80 à 0 mèt. 85 (2 pieds 7 à 8 pouces) de diamètre ; ces meules sont très-tendres, cannelées comme il convient pour l’usage auquel on les destine.

3o. Les petites meules de différens diamètres, depuis 0 met. 16 à 0 met. 18 (6 à 7 pouoes) jusqu’à 0 met. 27 (1 pouce) & au-dessous ; ces meules sont de diverses efpèces de grès, & proviennent assez souvent des débris des grandes meules.

Les grandes meules, qui servent particulièrement à dégrossir & à blanchir toutes les parties planes & saillantes des lames, sont toujours mouillées, en sorte qu’il ne s’en dégage aucune poussière pendant l’aiguisage ; mais ces meules, à raison du défaut d’homogénéité dans toutes leurs parties, perdant assez leur forme circulaire à la circonférence, on est obligé de la leur rendre en les taillant à grands coups de hachoir.

La position habituelle des aiguiseurs, aux grandes meules, est d’être assis vis-à-vis de la circonférence, le corps penché vers la meule ; ils tiennent des deux mains la lame soutenue, sur une de ses faces, par un morceau de bois nommé support, & ils appuient, très-fortement l’autre face sur le champ de la meule, en s’aidant souvent des genoux, qui sont à cet effet, garnis de genouillères en cuir. On sent que pour ce travail il est indispensable qu’ils prennent cette position ; s’ils étoient placés de côté, ne tenant dans ce cas la lame que par une extrémité, ils ne pourroient pas l’appuyer assez fortement sur la meule, qui ne mordroit pas suffisamment & n’enleveroit pas assez de matière ; d’ailleurs, dans cette posture, ils ne pourroient appuyer à volonté, plus fortement, sur la meule, une partie déterminée de la lame : ce qui est absolument nécessaire. Enfin, dans cette position, la lame n’étant pas soutenue par son extrémité antérieure, elle épronveroit sur la meule un sautillement continuel, qui rendroit l’aiguisage & la conservation des dimensîons impossibles.

Il arrive encore que les aiguiseurs se placent debout contre le côté de la même meule quand, faute de place à une meule moyenne, ils veulent se servir de la grande pour mettre les lames à la longueur & en ébaucher le tranchant ; pour cela ils ne font pas usage du champ, mais de la partie plane du côté de la meule, contre laquelle ils appuient leurs lames des deux mains. Cette opération ou la précédente peuvent se faire simultanément avec la première qu’on a décrite, en sorte que deux aiguiseurs travaillent ensemble à la grande meule.

Les meules moyennes, en grès tendre, servent à aiguiser en long les pans creux des lames de sabres & de baïonnettes, au moyen des cannelures qu’on y pratique, d’une épaisseur analogue à la largeur des pans creux. Les aiguiseurs se placent sur le côté de la meule, & tenant d’une main la lame vers la soye ou vers la douille, & de l’autre vers la pointe, ils la promènent en long sur les cannelures, en avançant fortement le haut du corps au-dessus de la meule. Dans cette position ils courroient de grands dangers si la meule se rompait ; mais celle-ci étant d’une grande épaisseur & d’un diamètre médiocre, elle a beaucoup de solidité.