Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Equitation/Course des têtes (équitation)

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Panckoucke (1p. 89-92).

COURSE des têtes fi » dt U Ligue. Les courfes les plus confidérables qu’on pratiquoit autrefois dans les tourools & les caroufels, confiftoient à rompre des lances en lice les uns contre les autres ; à combattre à cheval l’épée à la main ; à courre les têtes & la bague; & à faire la foule. On rompoit auflli des lances contre la quintaine : c*eft une coiirfe très-ancrenne. On fefervoit d’un tronc d’arbre, ou d’un pilier contre lequel on rompoit la lance, pour s’accoutumer à atteindre îon ennemi par des coups mefurés. On appella aufti dans la luite cette courfe, le faquin, parce qu on fe fervoit fouvent d’un faquin ou d un porte-faix armé de toutes pièces, contre lequel on couroit ; mais la manière la plus ordinaire, étoit utie figure de bois en forme d’homme plantée fur un pivot, afin qu*elle fût mobile. Ce qu’il y avoit de fingulier, c’eft que cette figure étoit faite de fiiçon gu’elle demeuroit ferme quand on la frappoit au front, entre les yeux & fur le nez ( c’étoient les meilleures coups) ; & quand on la touchoit ailleurs, elle tournoit fi vite, que fi le cavalier n’étoit pas aflez adroit pour l’éviter, elle le frappoit rudement d’un fabre de bois fur le dos. Dans le combat de l’^ée à la main, les cavat iiers fe fxtIKeoieat dans la carrière entre la Uee 8c récha&ut des princes , éloignés de quarante pas YuB de l’autre ; & là armés & toutes pièces & Tépée à la main » ils attendeîent le fon des trompettes Kur partir ; eniuite baîflant la main de la bride & ranc le bras de Tépée , ils partoient ayec violence Tnn contre l’autre , & en paiTant , ils fe donnoient un coup d’efiramaçon fur la (ace en tirant un peu du côté gauche ; & au même endroit d’oii fon adverfaire étoit parti , on prenoit une dcmi-volte , & on rcpanoit ainfi jufqu’à trois f<Ms. Après la trottème atteinte , au lieu de paâer outre pour aller reprendre une autre demi-volte , on tournoit de part & d*autre fur les voltes d’une pifte vis-à-vis l’un de l’autre , en fe donnant continuellement des coups d*eftramaçon , avec une aâion vive » & on continuoit jufqu’à la troifième volte : ils s’en retournoient aprës’^'oiiils étoient partis ^faUant mine d’aller reprendre une autre demi-volte , & dans le même inftant , deux autres cavaliers venotent remplir la place & exécuter la même chofe. Le connétable de Montmorenci fe ren£t tréscélébre dans cet exercice , il feroit à fouhaiter qu’il fût encore en ufiige , putfque c’eA un vériuble manège de guerre, qui apprendroit à fe fervir , tant de l’épée , nue du piflolet ; d’autant plus qu’il n’eA nullement dangereux , les coups d*épée pouvant fe donner au-deflus de la tète par oppofition , & de même du piftolet , en le tirant le bout en haut. De toutes les courfes qui étoient anciennement cnufage dans les tournois & dans les caroufels , on n’a retenu dans les académies modernes que les ceuriès de têtes & de bague.

Cour/e des Têtes*

Les allemands ont pratiqué cet exercice avant les françois : les guerres qu’ils avoient avec les turcs y ont donné occafion : ils s’exerçoient à courre des figtves de têtes de turcs & de mores , contre lefquelles ils jettoient le dard & tiroient le piAolet , & en enlevoient d’autres avec la pointe de l’épée » pour s’accoutumer à recourir après les têtes’ de leurs camarades , que les foldats turcs enlevoient» & pour lefquelles ils avoient une récompenfe de leurs officiers.

On fe fert dans la coutfe des têtes , de la lance , du dard , de l’épée & du piflolet. La lance eft compofée de la flèche» des ailes , de la poignée & du tronçon. Sa longueur efl d’environ jGx pieds.

Le dard efl une forte de trait de bois dur, long d’environ trois pieds, pointu & ferré parle bout , il y a dans un endroit du bois de petits boutons de fer pour marquer l’endroit où on doit le tenir , afin qu’a foit en équilibre.

" Dans une conrie bien réglée , il y a ordinairement quatre têtes > qni font toutes de carton. La première , efl celle de la lance , qui efl pofée fur «ne efpèce de chandelier de fer attaché au mur ou iifl {ilier duisanège : ce chandelier efl mobile COU

& tourne fur deux pitons^ il doit être long de deux pieds , & élevé à huit’pieds de terre. La féconde eft une tête de Médufe , plate & large d’un pied, plus ou moins» appliqué fur une forte planche un peu plus grande, & on attache cette planche au haut d’un chandelier de bois, qui doit être élevé de terre de cinq pieds » ou biea oit la place au-defliis de la barrière. La troifième tête efl celle du More ; on fa -place de même que celle de Médufe , au haut d’un chandelier de bois de même hauteur , ou au-deflus de la barrière.

La quatrième tête efl celle de l’épée, qui doit être pofée à terre fur une petite èminence à deux pieds & demi du mur ou de la barrière. Il faut placer les têtes fuivant la longueur dit manège, qui, comme nous l’avons dit , doit être un quarré long d’environ lao pieds, & large de 36. Cela fuppofé , la tète de la lance doit être pla-> cée aux deux^iers de la courfe , c’efl-à-dire , à 8d pieds du coin du manège ^ où on prend la prer mière demi-volte.

La tête de Médufe doit être placée à % pieds du mur , du mèmt côté que celle de la lance , & à la moitié du manège , fi le lieu de la courfe eft fermé de mur ; mais lorfqu’il’nè l’efl que par une barrière , on la pofe fur cette barrière, de même que la tête du More , oui fe pkce vis-à-vis de celle de Médufe de l’autre coté du inanège. La tête de Tépée fe met à terre du côté de celle du More y à deux pieds & demi du mur , & à 4» pieds du coin ou on finit la courfe. Quand on fe fert du piflolet , on attache un car-^ ton à la muraille à hauteur de la tête d’un homme à cheval ; mais quelques-uns tirent fur la tète du More » au lieu de fe fervir du dard ’^ le piflolet étant plus utile que cet inflrument. Une chofe très-difficile dans la courfe des têtes ^ c’efl de Élire de bonne grâce la levée de la lance , il faut pour cela fe placer à trois longueurs de cheval au-defliis du coin où on doit commencer Ia> première demi-volte , tenir quelque temps le che* val droit dans une place , la lance dans la maii> droite , & pofée fur le milieu de la cuifle , ce qu’on appelle U tenir en arrêt , la pointe de la lance haute, un peu panchée en avant , au-defliis» de Toreille droite du cheval.

Avant que de partir au petit galop , qni doit être uni & raflemblé , il faut commencer par lever le bras de la lance , tenir le doigt indice étendu le long de la poignée , placer le coude à la hauteur de 1 épaule , & depuis le coude jufqu’au poignet» le bras placé droit en avant , enforte que it l’éfage , & fi la main & le bras étoient placés trop haut ou trop bas » cela (eroit de mauvaiie grâce. La lance étant ainfi placée dans la demi-volte ,, il Ëiut enfuite obierver les mouvements néceflaiie^ pour bien faire la levée de la lance en allant à la tète. Il y en a quatre principaux. Le premier temps fe fait en baiflànt le do ;gt indice & un peu le poi* gnet» Se levant auiG un peu le coude , lans que la pointe de la lance varie ni s*icarte ; il faut enfuite batfler infenfiblement le bras à côté du corps , jufqu’auprès de la hanche , ce qui fait le deuxième temps ; & là en ouvrant un peu le poighet en dehors » il faut relever le bras à c6té du corps , isLUs le porter ni en avant , ni en arrière , oc le tenir étendu jufqu*à ce que la main foit arrivée audeflîis & à côté de b tête , ce qui fait le troifiéme temps ; le quatrième temps eft de tourner les onfes du côté de la tête , & de defcendre infenfilement la lance dans la poftureoù elle étoit avant que de commencer la levée, c’efl-à-dîre t le^coude à la hauteur de l’épaule. " ,

L.a courfe de la tète de la lance fe divife en trois parties. Dans la première » on mène le cheval au petit galop depuis le coin jufqu’au tiers de la liene » on échappe enfuîte le cheval en baiflant inlenfiblemen ^ la pointe de la lance jufqu*ii la tête Gu*il faut enlever d*un coup d’eftocade , c’eft-à-Gîré, allongeant un peu les bras pour la déucber de deflbs le<handelier.

Depuis la tète jufqu^au coin , on remet fon cheval au petit galop , en levant le bras pour faire voir la tète au bout de la lance.

On fluitte enfuite la lance , & on prend à l’endroit ou l’équilibre eft marqué , un des deux dards qui doivent être placés fous les culfles , & retenus Ear les genoux du cavalier , le< pointes du côté de i croupe , de façon qu’ils fe croifent. Il faut enfuite poner le dard en avant le bras libre, étendu . & élevé un peu plus haut que la tète , en obfei^ vaut que la pointe du dard foit du côté du coude , & que le bout qui eft à l’oppofite de cette pointe foit un peu plus haut & au-deflus de l’oreille eauche du cheval , le tenant dans l’équilibre & le bras ouvert : dans cette pofture , on tourne par le mi«  lieu du manège pour venir à la tète de Médufe y on tourne ledardpar-defTusla tète, pour préfenter la pointe & le lancer ; & il faut un peu retirer le bras en arriére , afin de le darder avec plus de force.

Après avoir )etté le dard, il faut tourner le cheval pour aller à l’autre muraille , & en prenant la troiiiéme demi-volte dans le coin du côté de la tète de Ténée , faire avec le dard le même mouvement, oc venir le lancer delà même manière cu^on vient de le dire pour la Médufe. Cette tête le court auffi au piftolet.

Il faut enfuite tourner fon cheval , & en arrivant à l’autre muraille , on commence la quatrième demi-volte , en tirant l’épée de bonne grâce pardeflus le bras eauche , « non par defTous le poignet , parce qu on peut s’eftropier en la tirant de cette manière. On doit la tenir haute & droite, le bras libre , étendu & élevé au-deflus de fa tête , & la faire briller en la remuant ; & au tiers de la COU 91

couife , il faut’pantr à toutes jambes jufqu’à la tète , en fe baiffant le corps fur Tépaule droite du cheval , faire entrer l’épée de rierce , la relever de quatre , & la placer haut pour faire voir U tète au bout de la courfe.

Il y a des chofes effentielles àobferver dans la courte des têtes , qui font de ne jamais galoper faux ni défuni, de ne point laifler tomber ion chapeau, & de ne point perdre fon étrier : fi l’un de ces cas arrive , on perd la courfe , quand même on auroit pris les têtes , c*eft pourquoi avant que de commencer la courfe , il faut s’afleoir jufle dans la felle, ferme dans fes étriers & enfoncer fon chapeau. II faut auffi tenir les rênes un peu plus Ion* eues dans les courfes que dans les manèges rentermés, afin que le cheval ait la liberté de s’étendre , fans pourtant trop abandonner l’appui , afin que le cavalier & le cheval foient plus àmirés dans la courfe.

Courfi de la bague.

Cet exercice n’étoit point en ufage chez les anciens ; il fut introduit lorfqu*on fit , par galanterie ’ & par complaifance , les dames juges de ces exercices ; & les prix qui étoient auparavant militaires , furent changés en bagues, qu’il falloir enlever à la pointe de la lance pour remporter le pj^ix , ce qui donna occafion à la courfe de bague. La bague doit être placée aux deux riers de la courfe , comme la tète de la lance ; elle doit être à la hauteur du front du cavalier, audefliis de l’oreille droite du chevaL

La potence eft un bâton rond’ & long d’environ deux pieds , au bout duquel pend le can6n oii eft attachée la bague. Cène potence doit être plus élevée que ta bague de 7 à 8 pouces , de crainte que dans la courfe on ne bride la poteace, cela veut dire en terme de courfe , la toucher avec la tête ou avec la lance , ce qui eftropieroit un cavalier, comme il eft quelquefois arrivé. A regard de la levée de la lance « on la (ait db la ’même manière que nous l’avons expliqué en parlant des têtes : la feule différence eft , que dans la courfe de bague , on ne donne point de coup d’eftocade, comme àlatête.

Il faut encore bien obferver , comme nous l’a* vons déjà dit, de ne commencer à baiffer la pointe de la lance qu’au riers de la courfe , en échappant fon cheval au grand galop, fans reçiuer la tête ni les épaules , tenant le coude haut , afin que le tronçon de la lance ne touche ni au bras ni au corps ; mais que k main feule foutienne la lance ; il ne faut pas non plus que h lance foit trop croifée en dehors du côté de l’oreille gauche du cheval, elle doit être au contraire au-denus de Toreille droite ; parce qu’autrement, le vent delà courfe Tébranleroit, & lui feroît perdre la ligne de dircâion. Le but , ou le point de la courfe , doit être au bord d*en haut de la bague fur la ligne du canon, ce qui dépend de ne pas baisser trop vite la pointe de la lance.

Après avoir pafle la bague, il faut reprendre au petit galop & lever peu à peu la pointe de la lance, & au bout de la carrière y tarre la levée de la même manière qu’on a coqimencè, fans regarder der-TÎère foi, pour voir fi on a emporté la bague, comme font quelques cavaliers, quand même on auroit fait un dedans. Il ne faut pas non plus en parant fon cheval au bout de la courfe, mettre le corps en arriére. Cette aAion n’eft point belle la lance à la main.

On appelle en terme de bague, /^ir^tf/ie atulnte^ lorfqu’on touche avec la pointe de la lance le hord de dehors de la bague fans l’enfiler ; & on appelle faire un dedans y iprfqu’on la prend. Il arrive quelquefois qu on la prend au nombril » f^nt e un trou dans la chape où elle eft attachée, mais la courfe ne vaut rien, à moins qu’on n’ait arert » qu*on vouloit la prendre en cet endroit. A l’égard des prix, tant pour la bague que pour les tètes, chacun fait trois’courfespour les remporter. Celui qni a le plus de dedans ou le plus d’atteintes, a Tavantage pour la bague ; s’ils font égaux en l’un & en l’autre, ou qu’aucun n’ait ni atteintes ni dedans, on recommence les trois courfes. Pour les téfes, celui qui en enlève le plus remporte le prix ; & en cas qu’elles foient toutes prifes par ceux qui courent, ce fera celui qui les prendra entre les deux yeux, ou qui approchera le plus près de cet endroit.

Il y a dans un caroufel des juges pour cela, quon choifit parmi d anciens cavaliers, qui fe font rendus célèbres dans ces exercices. Il y avoit autrefois plufieurs prix ; fçavoir, le grand prix, qu’on donnoit à celui qui avoit fait plus de dedans, qui avoit emporté plus de têtes, ou qui avoît fait les meilleurs coups à la quintaine ; il y avoit enfuite le prix de la courfe des dames, celui de la meilleure devife, &le prix de celui qui cûurolt de meilleure grâce.

De U Foule.

On appelle en.terme de caroufel faire la foule, du mot italien, far lafola, lorfque plufieurs cavaliers font manier ii la-fois un certain nombre de chevaux fur différentes figures.

Ce manège eft une cfpèce de ballet de chevaux, qui fe fait au fon de plufieurs înfiruments : il a été imaginé par les Italiens, quf ornent leurs caroufels d’une infinité d’inventions galantes, dont le fpeâacle efi aufli fiirprenant qu agréable. Il faut des chevaux bien dreflés, bien ajuftés, & des cavaliers bien habiles Se bien adroits, pour exécuter ce manèee, i caufe de ladifiiculté qu’il y a d’ohferver la jufte proportion du terrain, & d’entretenir le cheval dans l’égalité de fon air & de fa cadence.

Pour donner une id’e de toutes les foules qu*on voudra inventer, il fufiit d’en donner un exemple.


Il faut placer le long des deux mitrailles, ou Jes deux barrières du manège, fur la même ligne 9 quatre cavaliers de chaque côté, éloignés l’un d «  l’autre d^environ dh à douze pa^, pDûS ou mcfiâs ^ fuivant la longueur du terrain, enforte que les uns foient placés à droite & les autres à gauche, visà-vis les uns des autres. Il en faut encore placer trois autres fur la ligne du milieu du manège, donc l’un occupera le centre, & les autres fur la même ligne, & éloignés de celui du milieu à égale distance. Ces onze cavaliers doivent être rangés fur trois lignes, & ils doivent avoir la tète de leurs chevaux placée en face d’un des bouts du manège. Les huit qui font rangés le long de la muraille, c’efi-à-dire, les quatre de chaque côté, font de » demi— voltes, changeant & rechangeant toujours de^ main, chacun fur ion terre : n ; Ôc des trois qui occupent la ligne du milieu, celui qui eft au centre » tourne à pirouettes, 6c les deux autres manient fur les vohes, l’un à droite, & lautre à gauche. Us doivent tous partir enfemble au fignal que leur donne celui qi|i conduit le caroufel, 6c arrêter de même, en finidant la reprife, ou à courbettes, ou à Tair auquel leurs chevaux ont été drefies. Touts les exercices dont nous venons de donner les règles & la defcription dans ce chapitre, furent infiitués pour donner une image agréable & infime* tive de la guerre, & pour entretenir l’émulation parmi la noblefie. Ils étoient fort en ufage en Italie vers la fin du feizième fiécle. Rome & Naples étoient le féjour des plus célèbres académies, dans lefquelles les autres nations venoient fe perfeâionner ; & c’efi dans la pratique de ces exercices », qui faifoient autrefois les divertiffements des princes 6c de la noblefie, qu’on cherchoit à fe difiinguer pour fe rendre capables de fervir fon prince avec honneur, & pour acquérir des vertus 6c des talents, qui doivent être inséparables de touts ceux qui font profefiîon des armes.