Encyclopédie méthodique/Arts académiques/Escrime/Escrime (article)

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Panckoucke (1p. 295-299).

ESCRIME. Cest l’art de se défendre ou de se fervir de l’épée pour blesser son ennemi, & se garantir soi-même de ses coups. V. Epée & Garde.

L’escrime est un des exercices qu’on apprend dans les académies. Le maître d’escrime s’appelle ordinairement parmi nous, maître en fait d’armes.

L’art de l’escrime s’acquiert en faisant des armes avec des fleurets appellés en latin rudes ; c’est pourquoî on appelle l’escrime gladiatura rudiara.

On prétend que l’escrime est en si haute estime dans les indes orientales, qu’il n’est permis qu’aux princes & aux nobles de s’adonner à cet exercice. Ils portent une marque ou une distinâion sur leurs armes qu’on nomme dans leur langue ésaru, que les rois eux-mêmes leur donnent avec beaucoup de cérémonie, de même que les marques de distinction de nos ordres de chevalier.

Montaigne nous apprend que de son temps toute la noblesse évitoit avec soin la réputation de sçavoir faire des armes, comme une chose capable de corrompre les bonnes mœurs. Voyez Dictionnaire de Trévoux & Chambers.

Le mot escrime nous donne en général l’idée de combat entre deux personnes ; il désigne sur-tout le combat de lépée, qui est si familier aux françois, qu’ils en ont fait une science qui a ses principes & ses règles. Le maître d’escrime commence par rompre le corps aux différentes attitudes qu’il doit affecter, pour rendre les articulations faciles, & donner de la souplesse dans les mouvements ; ensuite il apprend à exécuter les mouvements du bras & sur-tout de la main, qui portent les coups


à l’ennemi ou qui tendent à éloigner les siens ; les premiers se nomment bottes, les seconds parades ; il enseigne ensuite à mêler ces mouvements pour tromper l’ennemi par de fausses attaques, ce qu’on nomme feintes ; enfin il vous apprend à vous servir à propos des feintes & des parades. Cette partie de l’art s’appelle assaut, & est vraiment l’image d’un combat. Voici en abrégé les élémens de l’escrime.

Dans la première attitude dans laquelle on se dispose à recevoir son ennemi ou à se lancer sur lui, le combattant doit avoir (voyez fig. 2 & 3), son pied gauche fermement appuyé sur la terre, & tourné de façon à favoriser la marche ordinaire, le pied droit tourné de façon à favoriser une marche sur le côté ; les deux pieds, par ce moyen, forment un angle droit ouvert par les pointes des souliers, & ils doivent être à trois, quatre ou cinq semelles l’un de l’autre disposés sur la même ligne ; de sorte cependant que si on veut faire passer le pied droit derrière le gauche, les deux talons ne puissent se choquer.

Les deux genoux doivent être un peu pliés, contre le principe de plusieurs qui font seulement plier la jambe gauche & font roidir la droite.

Le bassin, dans l’attitude que j’adopte, étant également fléchi sur les deux os fémur, l’équilibre sera gardé, toutes les parties seront dans l’état de souplesse convenable, & les impulsions données se communiqueront, & plus facilement & plus rapidement.

Le tronc doit tomber à-plomb sur le bassin ; il doit être effacé & suivre dans sa direction le pied droit ; la tête doit se mouvoir librement sur le tronc sans se pencher d’aucun côté ; la vue doit se fixer au moins autant sur les mouvements de l’adversaire que sur ses yeux.

Le bras droit ou le bras armé doit être étendu de façon à conserver une liberté entière dans les mouvements des articles ; ce précepte est de la dernière conséquence, & fort opposé à celui de plusieurs maîtres qui font roidir le bras & le font tendre le plus qu’ils peuvent ; méthode condamnable, car le combattant exécute ses mouvements par les rotations de l’humérus, rotations très-lentes. Ajoutez à cela que ces combattants font toujours partir le corps le premier, habitude la plus repréhensible de toutes celles que l’on peut contracter dans les armes ; car dans ce cas on est un temps infini à porter son coup, & souvent on ne dégage pas. Quand le bras est un peu fléchi, le poignet a la facilité d’agir, ses mouvements sont plus rapides ; vous ayez déjà engagé le fer de votre adversaire du côté où il présente des jours qu’il ne s’en est point apperçu ; le bras en s’allongeant alors, seconde les mouvements du poignet ; & le reste de la machine développant rapidement ses ressorts, se porte en avant, & donne une forte impulsion au poignet dans la direction qu’il s’est choisie ; il faut donc que les articulations de ce bras soient libres, soient libres, sans qu’il soit trop raccourci.

Le fer doit être dirigé à la hauteur du tronc de l’adversaire, la pointe au corps.

Le bras gauche doit être un peu élevé, libre dans ses articles, & placé en forme d’arc sur la mêmee ligne que le pied droit.

La seconde attitude est celle qu’on affecte dans l’extension, c’est-à-dire, lorsque l’on se porte sur fon ennemi. A-t-on choisi un moment favorable pour s’élancer sur son adversaire, le fer est-il engagé ; la tête de l’os du bras droit s’affermit dans sa cavité, & se porte vers le creux de l’assiette, on appelle cela dégagement des épaules ; cependant cet os du bras se dirige vers le corps de l’ennemi, & s’étend sur l’avant-bras qui s’affermit dans l’articulation du poignet ; celui-ci est ou en supination ou en pronation, suivant les coups portés, afin de former opposition.

Pendant que touts ces mouvements s’opèrent dans le bras, les muscles des autres parties obéissant également à la volonté, agissent & portent le corps en avant ; mais ce mouvement d’extension semble principalement être opéré par les muscles extenseurs des cuisses, qui, dans leurs contractions, écartent ces deux extrémités l’une de l’autre. Le bassin & le tronc se trouvent emportés en avant par ce mouvement d’extension des extrémités ; le pied droit s’élève, parcourt, en rasant la terre, l’espace qui est entre lui et le pied de l’ennemi, & va tomber en droite ligne ; il ne doit pas trop s’élever de terre.

Dans l'extension le corps doit avoir les attitudes suivantes.

Premièrement, les os du côté gauche doivent être affermis dans leurs articles, le pied du même côté ne doit point quitter la terre, toute la plante doit porter à-plomb sur le sol.

Toute l’extrémité inférieure gauche doit donc être étendue, la droite au contraire fléchie dans toutes les articulations ; le bassin doit porter également sur ces deux extrémités ; le tronc doit tomber à-plomb sur le bassin. Ce précepte contrarie celui de quelques maîtres, qui, après avoir fait poster dans la première attitude qu’on nomme garde, le tronc sur la partie gauche, veulent que dans l’attitude de l’extension, le tronc se porte sur la partie droite, il en résulte plusieurs inconvénients, le tronc est dans une suspension gênante ; en outre il pèse sur la partie qui doit se relever pour se porter en arrière, & la fixe, pour ainsi dire, en avant par sa gravité.

La tête doit rester droite sur le trône, & libre dans ses mouvements ; pour la garantir il faut dégager les épaules, élever un peu le poignet, afin que tout le bras décrive un arc de cercle imperceptible ; joignez à ceci une bonne opposition, & la tête sera éloignée & garantie des coups.

Quand on a porté son coup, il faut se remettre en garde.


Après ces attitudes & ces mouvements d'extension, viennent les mouvements particuliers du poignet, comme dégagemens, bottes, &c., qui supposent la connoissance des mesures, des temps, des oppositions & des appels.

La connoissance des mesures & des temps est le fruit d’un long travail & une science nécessaire des armes ; il faut un an pour acquérir la légèreté, la souplesse & la promptitude des mouvements

Il faut des années pour apprendre à se battre en mesure & à profiter des temps. La mesure est une juste proportion de distance entre deux adversaires de laquelle ils peuvent se toucher. On ferre la mesure en avançant la jambe droite, & en approchant ensuite la gauche dans la même proportion, de sorte qu'on se trouve dans la même situation où l’on étoit auparavant ; ce mouvement doit approcher de l'ennemi ; on rompt la mesure quand on recule la jambe gauche de la droite, & que dans le second temps on approche la droite de la gauche, ce mouvement doit éloigner de l’ennemi, on rompt toutes mesures en sautant en arrière.

On désigne par le mot de temps les moments favorables que l'on doit choisir pour fondre sur l’ennemi ; ils varient à l'infini, & il est impossible de rien dire de particulier là-dessus ; on manque les temps quand on part ou trop tôt ou trop tard ; on part trop tard lorsque l’ennemi ne répondant point encore à de feints mouvements qu’on a faits pour l'ébranler, on s’élance comme s’il y avoit répondu ; on part trop tard, lorsque voulant surprendre un ennemi dans ses propres mouvements, on attend qu’il les ait exécutés, & on ne part qu’en même temps que lui.

Quand on est en mesure, on engage le fer, c’est-à-dire, que l'on croise son fer d’un ou d’autre côté avec celui de l’ennemi, que l'on tâche toujours de s’asservir en opposant le fort au foible. Voyez au mot Epée ce que c’est que le fort & le faible.

Le dégagement est un mouvement prompt & léger, par lequel sans déranger la pointe de son fer de la ligne du corps, on la passe par-dessus, ce qu’on appelle couper sur la pointe, ou par-dessous le fer de son ennemi, en observant, comme nous venons de le dire, de s’en rendre maître, autant que l’on peut, par le moyen du fort au foible.

L’appel est un bruit que l'on fait sur la terre avec le pied qui doit partir, dans l’intention de déterminer son ennemi à faire quelque faux mouvement.

L’opposition a lieu dans les bottes & dans les parades ; on oppose quand on courbe son poignet, de façon que la convexité regarde le fer ennemi ; par ce moyen on éloigne l'épée de l'adversaire de la ligne de son corps, sans écarter la pointe de la sienne du corps de l’ennemi.

Quand on fait dégager & opposer, on s'exerce à tirer des bottes, c’est-à-dire, à porter à l’ennemi des coups avec certaines positions du poignet qui caractérisent les bottes. Ces positions du poignet sont la supination & la position moyenne, entre la supination & la pronation. Le poignet est en supination, quand la paume de la main regarde le ciel. Il est en pronation, quand la paume regarde la terre ; dans l’état moyen, la paume de la main ne regarde ni la terre ni le ciel, mais elle est latéralement placée de façon que le pouce est en haut ; ces oppositions ne peuvent point se suppléer les unes aux autres, & on est obligé de les employer suivant les cas.

Les bottes sont la quarte simple, la quarte basse, qui se tirent au-dedans de l’épée adverse, le poignet étant en supination.

La tierce, la seconde, ou tierce basse, qui se tirent au dehors de l’épée.

La prime qui se tire au-dedans de l’épée, le poignet étant en pronation.

La quarte sur les armes, l’octave, la flanconnade, qui se tirent au dehors de l’épée, le poignet étant dans la position moyenne. Toutes ces bottes doivent être soutenues par l’oppofition la plus exacte.

Touts ces coups que l’ennemi peut porter dans leurs sens divers, obligent aux parades. On pare les coups de l’ennemi en frappant vivement & séchement son fer avec le sien, employant l’opposition la plus exacte & les différentes positions du poignet, suivant les cas, observant de ne point parer de la pointe de l’épée, mais de la tenir toujours dirigée vers l’ennemi.

La parade de quarte s’exécute en dedans de l’épée par le poignet qui tombe en supination & qui forme oppoition.

La parade du demi-cercle s’exécute de même, mais est précédée d’un mouvement demi-circulaire du poignet, qui ramasse les coups portés bas de dehors en dedans.

La parade de tierce haute, de tierce basse, s’exécute par l’opposition du poignet qui tombe en pronation dehors l’épée.

La parade de quarte sur les armes d’octave, se forme dehors l’épée par l’opposition du poignet qui est dans une position moyenne.

La parade de prime exige la pronation du poignet, mais a lieu en dedans de l’épée.

Quelques personnes parent d’une main & tirent de l’autre ; ce qui paroit fort naturel & fort avantageux.

On peut placer ici les voltes qui ne sont que de certaines évolutions du corps, par lesquelles on s’éloigne, soit à gauche, soit à droite, soit à demi, soit en entier de la ligne sur laquelle, on attendoit l’ennemi. Ces évolutions tiennent lieu de parade contre un adversaire furieux qui s’élance sans règle & sans mesure. On peut mêler ses parades à l’infini, & déconcerter les desseins d’un adversaire ; quand on s’est exercé à exécuter chaque botte, on apprend à les faire succéder à propos les unes aux autres, c’est-à-dire, à former de feintes attaques.

Les principales sont les bottes de quarte en


tierce, de tierce en quarte, les coulées sur le fer, &c.

On ne finiroit pas si on vouloit détailler toutes les feintes qui varient à l’infini, suivant les circonstances.

Lorsque l’athlète fait exécuter toutes les bottes, & les faire succéder avec vitesse, lorsqu’il sait former ses parades, les mêler, le maître d’efcrime lui enseigne l’art de se servir à propos de ces coups & de ces parades, en lui présentant les occasions favorables de les mettre en usage avec précision, & par là lui présente les accidents d’un combat dans lequel les coups se succèdent en tout sens suivant les parades, les précédent, &c. Cette image du combat s’appelle assaut.

Voici quelques préceptes généraux d’assaut qu’on peut regarder comme des corollaires de ce qui précède.

I. Corollaire. Il faut se méfier de l’ennemi & ne pas le craindre.

II. L’ennemi, hors de mesure, ne peut atteindre son estocade.

III. L’ennemi ne peut entrer en mesure sans avancer le pied gauche.

IV. L’ennemi en mesure ne peut porter l’estocade sans remuer le pied droit.

V. Quand on rompt la mesure, il est inutile de parer.

VI. Si l’on n’est pas sur de parer l’estocade, on rompt la mesure.

VII. Il ne faut jamais entrer en mesure sans être prêt à parer, car vous devez vous attendre que l’ennemi prendra ce temps pour vous porter une botte.

VIII. N’attaquez jamais l’ennemi par une feinte lorsque vous êtes en mesure. Car il pourroit vous prendre sur ce temps, soit d’aventure ou de dessein prémédité. Voyez Temps, Estocade.

IX. Ne confondez pas la retraite avec rompre la mesure.

X. Quand l’ennemi rompt la mesure sur votre attaque, poursuivez-le avec feu & avec prudence.

XI. Quand il rompt la mesure de lui-même, ne le poursuivez pas, car il veut vous attirer.

XII. Les battements d’épée se font toujours en mesure ; car hors de mesure, ils seroient sans effet, puisqu’on ne pourroit saisir l’instant où l’on auroit ébranlé l’ennemi.

XIII. En mesure, on n’entreprend jamais une attaque en dégageant, sans être prêt à parer l’estocade que l’ennemi vous pourroit porter sur ce temps.

XIV. Les plus grands mouvements exposent le plus aux coups de l’ennemi.

XV. Lorsqu’on s’occupe d’un mouvement, quelque précipité qu’il soit, on se met en danger.

XVI. L’épée de l’ennemi ne peut être dehors & dedans les armes en même temps.

XVII. Pour éviter les coups fourrés, on ne détache jamais l’estocade d’une première attaque, sans sentir l’épée de l’ennemi & sans opposer.

XVIII. Quand on ne sent pas l'épée de l'ennemi, on ne détache l'estocade que lorsqu’il est ébranlé par une attaque.

XIX. La meilleure de toutes les attaques est le coulement d’épée ; parce que le mouvement en est court & sensible, & qu'il détermine absolument l'ennemi à agir.

XX. A la suite d’un coulement d’épée, on peut faire une feinte pour mieux ébranler l'ennemi.

XXI. Ne détachez pas l'estocade où l’ennemi se seroit découvert, parce qu’il veut vous faire donner dedans ; mais si votre attaque le force à se découvrir, vous pouvez hardiment détacher la botte.

XXII. Toutes les fois que vous parez ou poussez, effacez. Voyez Effacer.

XXIII. Quand vous parez ou poussez, ayez toujours la pointe plus basse que le poignet.

XXIV. Quand l'ennemi pare le dedans des armes, il découvre le dehors ; & quand il pare le dehors, il découvre le dedans, &c.

XXV. On ne peut frapper l'ennemi que dehors les armes ou dedans les armes.

XXVI. Tenez toujours la pointe de votre épée vis-à-vis l'estomac de l'ennemi.

XXVII. Si l’ennemi détourne votre pointe d’un côté, faites-la passer de l'autre en dégageant.

XXVIII. Que votre épée n’aille jamais courir après celle de l'ennemi, car il profiteroit des découvertes que vous lui feriez ; mais remarquez son pied droit, & n’allez à la parade que lorsqu’il le détache. Voyez Aller à l’épée.

XXIX. Après une attaque vive, faites retraite.

XXX. L’ennemi percera toujours le côté qui est à découvert ; c’est pourquoi il ne faut pas allonger l'estocade sur cet endroit. Mais feindre de la porter pour le prendre au défaut.

Méthode d'enseignement.

I. Il faut poster son écolier en garde. V. Garde.

II. Le faire étendre autant qu’il seroit possible, lui faisant tourner la main droite de quarte & de tierce, la tête, le corps, les bras & les jambes portés dans le principe.

III. Le faire retirer en garde sans baisser le poignet, ayant toujours le pied gauche ferme, à plat, à terre & la hanche droite cavée.

IV. Etant en garde, lui faire approcher les deux talons l’un de l’autre, roidissant les jarrets, s’élevant droit sur ses pieds, le poignet droit tourné les ongles en-dessous devant le milieu du corps, la pointe de l'épée basse & le bras gauche pendant à côté de soi.

V. Etant ferme sur ses pieds, lui faire lever les deux bras, & passer le poignet droit d’abord au-dessus de l’oreille gauche, les ongles tournés en-dessous, le bras en demi-cercle, passant la lame par-dessus l'épaule gauche, faisant le cercle par derrière la tête, étendant en même temps le bras, lachant le pied gauche en arriére de la longueur de


deux grandes semelles, sans remuer le pied droit, puis se remettre dans la garde qu’il est dit.

VI. Après lui avoir fait plusieurs fois la même chose, le faire frapper du pied droit, le corps porté sur la partie gauche.

VII. Etant ferme sur ses jambes, lui faire avancer le pied droit devant, faisant suivre le pied gauche, & dégager l’épée, le poignet tourné quarte en tierce, les ongles en-dessous, & de tierce en quarte, les ongles en-dessus, ce qui s’appelle dégager, marcher de tierce ; & dégager, marcher de quarte.

VIII. Le faire reculer à grand pas le pied gauche le premier, faisant suivre le pied droit après le gauche, le corps ferme & porté sur la partie gauche.

IX. Lui faire parer la tierce, & la quarte avec le fort du tranchant de l'épée du dedans des armes, reculant à fur & à mesure qu’on avance sur lui en dégageant, ce qui s’appelle,

X. Le faire parer du même tranchant d’épée la tierce & la quarte, retirant le bras à soi en rejettant les coups de côté en en-bas, c’est-à-dire, parer sec en bandollière & de toute l’épée, les épaules effacées, le corps en arrière & la hanche droite cavée.

XI. Lui faire lever l’épée plusieurs fois, & la rabaisser pour se remettre en garde de bonne grâce, en frappant du pied droit chaque fois, ayant le pied gauche ferme & à plat par terre, le jarret gauche plié, le corps en arrière, & soutenu sur la partie gauche ; dans cette attitude le faire tirer & parer souvent au mur.

XII. Lui faire faire le salut d’armes dans le principe qu’il est dit, & le faire tirer le long de la lame du fort au foible sans forcer de quarte, de quarte coupée, de tierce, de seconde & de flanconnade, avec les parades desdits coups. ’

XIII. Lui faire faire des retraites & rentrer en mesure dans le principe qu’il est dit, & des appels du pied, droit, avancer, reculer, & rester de pied ferme à propos, avec les parades du cercle, opposition de la main gauche & contre-dégagement, tentement d’épée & coulée sur sa lame.

XIV. Lui faire faire généralement toutes les feintes, simples. doubles, en trois temps, battements d’épée, coupés sur pointe, demi-bottes, coups repris, coups d’épée perdus, prendre sur les temps, les passes, saisissemens d’épée, demi-voltes, voltes, désarmemens, lorsque l’écolier seroit en état de répondre à touts les mouvements nécessaires pour acquérir la perfection des armes, & sur-tout revenir toujours a l’épée ennemie à chaque mouvement.

Comme la plus grande partie des jeunes gens qui apprennent à tirer des armes, se laissent emporter à une bouillante ardeur, sans faire attention aux bons principes qui leur sont enfeignés par les maîtres, & veulent frapper leur adversaire sans prévoir le danger où ils s’exposent d’être frappés de même temps, il faudroit conséquémment des volumes entiers pour leur démontrer combien la prudence est nécessaire pour posséder l’art des armes dans sa perfection ; c’est ce qui m’a donné lieu, pour abréger, de donner les avis suivans.

I. Ne vous mettez point en garde dans la mesure de l’ennemi, pour n’être point surpris.

II. Ne soyez point prévenu en votre faveur ; car l’habileté d’un autre peut surpasser la vôtre.

III. Ne faites point de temps inutiles, crainte d’être surpris par l’ennemi.

IV. Il faut feindre d’appréhender un entreprenant, pour l’obliger à vous donner occasion de le surprendre.

V. Il faut dans votre garde, que touts les mouvements soient opposés à ceux de l’ennemi.

VI. L’habileté consiste à cacher son dessein & à découvrir celui de l’ennemi pour en profiter.

VII. Si vous avez à faire contre un timide, attaquez-le vigoureusement, c’est le moyen de le mettre en désordre.

VIII. Attachez-vous à rester de pied ferme, à avancer & à reculer à propos.

IX. Dans une affaire sérieuse la parade est ezcellente, mais les habiles gens combattent plus de tête que de la main.

X. Pour acquérir l’expérience des armes, il faut avoir l’application & la pratique.

XI. La perfeâion des armes consiste en cinq qualités nécessaires qui sont inséparables ; sçavoir, la connoissance, la vitesse & la justesse d’accord avec l’œil & la main.

XII. Et si vous êtes assez heureux pour posséder l’art des armes dans sa perfection, que ce soit pour être plus sage, afin de ne jamais tirer l’épée, comme il est déjà dit, que pour le service du roi, le foutien de la religion, & pour la défenfe de votre vie.

Les voltes, les passes, les doubles feintes & les prises sur le temps, sont trop dangereuses dans une affaire sérieuse ; c’est pourquoi attachez-vous à une bonne parade & une bonne riposte.

Comme les gardes basses & les parades de la main gauche ne laissent point que d’être embarrassantes, il faut se tenir hors de mesure, & ne les attaquer que par des appels du pied, des demi-bottes & petites feintes courtes, pour faire partir leur main gauche ; & dans le même temps qu’ils tirent, je fais parer en avançant & opposant la main, puis l’épée faisant le tour de leur bras gauche, tirer à fond sur la poitrine ; ensuite redoubler, toujours la main opposée, & faire retraite l’épée devant soi.

Il ne faut se servîr dans une affaire sérieuse que de bonnes parades, sèches & courtes, des ripostes fermes, avec oppositions de la main gauche dans le principe qu’il est expliqué pages 35, 37 & 39, étant bien en garde, la hanche droite, extrêmement cavée, le corps baissè, les épaules effacées autant qu’il est possible, ferme sur ses pieds & l’é-


pée devant soi ; dans cette attitude on est en état de parer & de tirer à tous événemens, sans quitter la lame ennemie, opposant toujours la main gauche au devant du corps, comme il est dit, & sans baisser le poignet on peut avancer sur l’ennemi, soit qu’il tire ou non, en tirant ferme du fort au foible le long de la lame, tierce, quarte, dessus ou dessous les armes, de bons battements d’épée secs, des demi-bottes, de petites feintes bien courtes & à propos, ce sera le moyen de vaincre & de se garantir dans le combat.

Pour connoître la façon de combattre de l’ennemi auquel on aura à faire, il faut, autant qu’il est possible, se tenir hors de mesure, & ne l’attaquer que par de petites demi-bottes, tenant bien l’épée devant soi, pour le faire partir le premier, afin d’être en état de parer & de riposter à propos.

Si vous avez à faire contre des gardes hétéroclites, & qui vous soient inconnues, tâchez de les imiter, & revenez néanmoins toujours à la méthode d’attaquer par des demi bottes hors de mesure, avec l’épée devant soi, le corps en arrière.

A des gardes hautes, attachez-vous à tirer des coups de dessous, & revenez toujours à l’épée à touts les mouvements que l’ennemi peut faire sans en négliger aucun, afin de ne point vous laisser surprendre.

A des gardes le poignet bas & la pointe haute, attachez-vous à tirer les coups le long de la lame du fort au foible, les feintes de tierce & de quarte, & aux battements d’épée fermes & courts coupés sur pointe.

A des gardes basses, attachez-vous à tirer les coups de dessus, & aux feintes basses pour tirer à la découverte.

A des gardes basses, tenant l’épée à côté de la cuisse droite, & parant de la main gauche ; attachez-vous à marquer des demi-bottes vis-à-vis la poitrine, pour faire partir la main ; & lorsqu’elle va à la parade, tirez dessus ou dessous le bras gauche, faisant faire le tour du bras à la pointe, suivant ladite main gauche, & opposant la vôtre à l’épée ennemie.