Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Tome 2/Pratique R

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RACLOIR. (subst. mas.) Instrument des graveurs en bois : il est garni d’un manche, & le fer est en queue d’arronde.

RAPE. (subst. masc.) Espèce de lime dont les sculpteurs en marbre & en pierre se servent en plusieurs occasions pour terminer leurs ouvrages. Il y a des rapes droites ; il y en a de coudées ; il y en a de différentes grosseurs, tant pour leur volume, que pour le grain de leurs piquures. Les sculpteurs en bois se servent aussi de rapes ; ils en ont de grosses, de petites, de plates, de rondes, de quarrées, de demi-rondes, de courbées & de droites.

REALGAR. (subst. masc.) On le nomme aussi réalgal. C’est une substance arsénicale, combinée avec le soufre dans les entrailles de la terre. Elle est d’un beau rouge : mais il seroit dangereux de l’employer en peinture, & pour l’ouvrage même, & pour la sûreté de celui qui en seroit usage. Voyez l’article Orpiment.

REBARBE. (subst. fem.) Le burin ou la pointe du graveur, en coupant le cuivre, laisse sur les bords de la taille de petites éminences, une sorte de morfil, très-sensibles dans le travail de la pointe sèche, beaucoup moins dans celui du burin, mais toujours capables d’arrêter le noir d’impression, & de rendre le travail sale & confus. Ce sont ces inégalités qu’on nomme des rebarbes ; il faut les enlever avec un instrument nommé ébarboir. Voyez l’article Gravure. On promène l’ébarboir sur le cuivre, dans le sens opposé à celui qu’a suivi la pointe ou le burin : sans cela, au-lieu de couper les rebarbes, on ne feroit que les abattre, & elles boucheroient en partie la taille ; c’est ce qui arriveroit sur-tout dans les travaux à la pointe sèche.

REFLET ou RÉFLEXION des objets qui se mirent dans l’eau, &c. Voyez l’article PERSPECTIVE, à la section intitulée : Perspective des objets réfléchis.

REHAUSSER. Quelquefois en veut rehausser avec de l’or quelques parties d’une peinture en détrempe. Il faut d’abord examiner si la peinture est assez chargée de colle. Si elle ne l’étoit pas assez, on y ajouteroit une couche de colle bien claire & bien nette, avec une brosse


extrêmement douce, & sans repasser deux fois dans le même endroit, parce qu’on risqueroit de gâter l’ouvrage. On passe ensuite sur l’endroit qu’on veut rehausser, un mordant qu’on appelle batture. Il est composé d’une livre de cire, d’une demi-livre d’huile de lin, & d’une demi-livre de térébenthine de Venise qu’on fait bouillir ensemble. D’autres font cette batture avec de la colle de gants un peu forte, mêlée d’un peu de miel. On pose la batture chaude, par hachures, sur les parties qu’on veut rehausser : on se sert pour cela de la pointe de la brosse ou du pinceau. Lorsque la batture est figée & assez ferme, on y applique l’or en feuilles avec du coton, ou avec des bilboquets garnis de drap. Voyez, article Dorure, ce que c’est que les bilboquets. Quand on juge que l’or est bien sec, on l’époussete avec une brosse de porc bien douce & bien nette.

Si, avant d’appliquer l’or, la batture venoit à s’emboire dans la peinture, ce qu’on reconnoît quand elle devient terne, il faut en remettre d’autre dans les mêmes endroits ; car il est certain que l’or ne s’attacheroit pas sur cette batture embue.

On se sert, le plus communément, pour ces rehauts, de cuivre réduit en feuilles, qu’on appelle or d’Allemagne.

On rehausse la fresque de la même manière que la détrempe.

On rehausse aussi d’or à l’huile. Les ouvrages qu’on se propose de rehausser se peignent avec du massicot, du jaune de Naples, du jaune de Berry, de l’ochre de rut & dit stil-de-grain, broyés séparément à l’huile de noix. On les détrempe sur la palette avec de l’huile grasse, coupée par moitié d’essence.

Les parties sur lesquelles on veut peindre des objets rehaussés en or, seront imprimées & peintes de deux couches à l’huile, & d’une troisième à l’huile, coupée d’essence. On poncera cette disposition.

Quand les objets sont peints & secs, on prend de la chaux éteinte à l’air & passée dans un linge ; on en fait un poncis que l’on passe sur l’ouvrage en tapant, pour marquer les endroits qui doivent rester en couleur, & pour empêcher que les hachures d’or ne s’étendent sur ces endroits. Après avoir épousseté légèrement la chaux avec un pinceau, on peint avec de l’or-couleur les hachures qui doivent ensuite être couvertes d’or. L’or-couleur doit, par cette opération, être très- fin, bien net, & passé à travers un linge, pour qu’il n’y reste aucun grain : on l’applique avec un pinceau fin, & on en couche une assez grande épaisseur, pour donner plus de relief à l’or. On applique l’or quand l’or-couleur est assez sec pour ne plus conserver que le gluant capable de le haper. On pose l’or en pleine feuille sur les parties où il doit s’arrêter, & on l’aide à s’y fixer, en appuyant très-légèrement. Ensuite, dans tous les intervales des hachures, on nettoie l’or très-légèrement avec une brosse de poil neuf qui soit nette & douce ; il ne faut laisser d’or qu’aux endroits où l’on a posé l’or-couleur. Après cette opération, on prend sur la palette un peu de stil-de-grain & de jaune de Berry, broyés très-fin à l’huile. On les mêle ensemble, en détrempant le pinceau dans un godet où l’huile grasse est coupée par moitié d’essence. On fait un glacis de cette teinte sur tous les endroits où il n’y a pas d’or : on continue même quelquefois ce glacis sur le bord des hachures d’or, pour éteindre les trop grands éclats de lumière.

Quand cette teinte est sèche, on recherche les bruns avec de la terre de Sienne, de la terre d’Italie, de l’ochre de rut, broyées à l’huile de la manière qu’on l’a déjà dit. C’est de cette manière que l’on peint en or par hachures ; seul procédé par lequel on puisse peindre avec cette substance.

REPOUSSER. (v. act.) Si, dans la gravure, on veut effacer une partie dont on est mécontent, & que cette partie soit large & d’un travail peu profond, il suffit de l’enlever avec l’ébarboir & de l’écraser avec le brunissoir. Mais si cette partie est gravée profondément, ou si elle est fort étroite, en ne peut l’enlever, sans faire dans le cuivre en creux qui retiendroit le noir, & qui feroit une tache à l’impression. Pour détruire ce creux, il faut repousser le cuivre ; & voici comment on opère. Au moyen d’un compas d’épaisseur, on marque au-dessous du cuivre avec la plus exacte précision, le point qui répond au creux qu’on doit faire disparoître. On applique le cuivre du côté de la gravure sur une petite enclume armée d’acier, qu’on nomme tas. On pose une branche d’acier sur la marque qu’on a faite au revers du cuivre ; & on frappe sur cette branche avec un marteau, jusqu’à ce que ce qui formoit un creux sur le cuivre, se soit mis au niveau de sa surface. Si la partie qu’on veut repousser est large, on ne se sert pas d’une verge d’acier, mais on frappe le cuivre avec le marteau lui-même. Il peut arriver qu’après cette opération, si elle n’a pas été faite avec la plus grande adresse, ce qui d’abord étoit creux fasse une bosse à la surface du cuivre. Il faut alors détruire cette éminence avec le grattoir, le grès, la pierre ponce, le charbon, & brunir ensuite.


RESTAURATION des tableaux. Pour la manière de changer les tableaux de toile, & de les remettre sur toile, voyez l’article TOILE. On trouvera, au même article, la manière de détruire les bouillons, les sortes d’ampoules qui s’y forment, lorsqu’en certains endroits la couleur s’élève, & quitte la toile. Pour le nétoyage des tableaux, voyez l’article TABLEAU.

Si sur un vieux tableau des patries sont usées, enlevées, détruites, il n’y a d’autre moyen que de les repeindre, & cet art ne diffère pas de l’art de peindre en général ; mais l’artiste doit alors abandonner la manière qui lui est propre pour imiter celle du maître auquel il ose associer ses talens.

Quand la couleur s’est enlevée seulement par petites parties & par écailles, il ne faut pas repeindre largement sur ces parties, & couvrir d’un travail récent le travail d’un grand maître ; mais il faut se contenter de pointiller les petites parties offensées.

Soit qu’on repeigne de grandes parties, soit qu’on en ait seulement à réparer de petites, il s’offre à vaincre une difficulté presqu’invincible ; celle d’accorder les teintes nouvelles avec les anciennes. Si la nouvelle teinte est parfaitement la même en apparence que celle à laquelle elle s’associe, mais qu’elle soit formée de couleurs sujettes à changer, elle deviendra bientôt une tache. Quelle que soit la solidité des couleurs que l’on emploie, on y fait toujours entrer l’intermédiaire de l’huile, qui changera avec le temps. La teinte ancienne a subi des changemens, la nouvelle en subira de même, & ne s’accordera plus avec le premier travail. Ce sont ordinairement de très-médiocres artistes qui se chargent de la restauration des tableaux ; & pour ce travail critique, ce ne seroit pas trop, ce ne seroit peut-être pas assez d’un artiste habile, & en même-temps fort expérimenté dans cette partie.

Un tableau donc il faut repeindre une partie remarquable, perd beaucoup de son prix, puisqu’il devient, dans cette partie, un ouvrage moderne ; puisque, pour cette partie, la main, je dirai même l’esprit, l’intelligence du véritable maître sont perdus. Quand il faut repeindre un tableau en entier, ce n’est plus qu’un ouvrage moderne enté sur la composition d’un ancien maître, dont un artiste, ordinairement très-inférieur, a tâché de conserver, le mieux qu’il a pu, le dessin, & même, si l’on veut, le pinceau, la couleur & la touche.

Pendant qu’on imprimoit cet article, le savant artiste qui a enrichi ce Dictionnaire d’un grand nombre de morceaux utiles, M. Robin, nous a remis la note suivante.

Après avoir nétoyé ou remis sur toile un tableau, on s’occupe de boucher les vuides formés formés ou par les écailles de couleur qui sont tombées, ou par des trous accidentels, ou par les gerçures que produisent communément ou les huiles retirées en se séchant, ou le brisement des couleurs.

On bouche ces vuides avec un mastic composé de blanc d’Espagne & de colle forte, ou encore de blanc d’Espagne ou de céruse détrempé avec un peu d’huile de lin ou de noix, la plus claire qu’on puisse trouver.

Le mastic étant bien sec, on repeint les parties détruites de l’ouvrage. Pour cette partie de la restauration, on ne peut employer une main trop habile & trop exercée, puisqu’elle doit dessiner & colorier dans la manière des différens peintres dont elle se charge de réparer les ouvrages. On sent donc qu’il est impossible de donner des leçons théoriques bien étendues sur l’art de repeindre les anciens tableaux. Nous dirons en général que les nouvelles teintes doivent être plus claires que celles dont elles sont environnées : c’est le moyen de prévenir l’effet du temps qui jaunit fortement les huiles, & communique cette couleur jaune aux teintes. On ne peut trop bien choisir les couleurs, les broyer trop subtilement, ni les unir à des huiles trop purifiées. On ne peut employer non plus trop de franchise ni de pureté.

Lorsque les couleurs dont on a repeint sont bien sèches, on passe sur le tableau une ou plusieurs couches de bon vernis bien siccatif & bien blanc, jusqu’à ce que tous les embus aient disparu. Ce vernis se nomme vernis à tableau : il faut l’appliquer avec une brosse très-propre & très-sèche, par un temps aussi bien sec, & avec beaucoup de légéreté & d’égalité, ne remettant une nouvelle couche qu’après avoir laissé durcir la première.

Le tableau n’est plus reconnoissable ; il a repris une nouvelle vie. Si, long-temps après, il est nécessaire de le nétoyer encore, comme le vernis aura empêché les taches de s’attacher sur la peinture elle-même, il ne s’agira que d’enlever le veux vernis, de laver le tableau avec de l’eau bien claire, de le laisser sécher, & d’appliquer un vernis nouveau.

En écrivant sur le nétoyage des tableaux, je ne saurois exhaler des plaintes trop amères contre les personnes ignorantes ou ennemies de l’art, qui, pour réparer des ouvrages de peinture du plus grand prix, s’en rapportent à de misérables peintureurs, vrais charlatans, qu’on rencontre courant les villes & les campagnes, & vivant de la destruction des tableaux qu’on a la légéreté de confier à leur impéritie & à leur témérité. J’ai vu des tableaux très-précieux, perdus sans ressource par la barbarie de ces malheureux, soit qu’ils y eussent laissé à découvert les dégradations produites par leur travail, qu’on peut appeller plutôt un écurage


qu’un nétoyage ; soit qu’après ce premier crime, ils eussent prétendu le réparer par leur peinture ; ce qui rendoit l’ouvrage encore plus méconnoissable, & le mal sans remède.

L’amour de l’art, l’intérêt même des propriétaires doit donc porter à publier les dangers de cette confiance fatale, & à répandre cette vérité, que le talent de bien restaurer les tableaux est donné à fort peu de gens, & qu’il ne faut employer, même pour les réparations les plus légères, que ceux qui sont connus pour en être les plus capables.

Quelques précautions peuvent prévenir la perte des ouvrages de peinture à l’huile. Elles tiennent d’abord à la nature de l’impression du fond ; ensuite à ce que le peintre n’ait pas noyé d’huile ses couleurs dans les premières couches : c’est ce qui y occasionne des gerçures, comme on le voit, en gémissant, dans les tableaux des deux Parrocel, peintres de batailles, & du charmant Watteau.

Les possesseurs de tableaux en préviennent l’écaillement, en ne les laissant pas exposés au soleil, & en les tenant dans un lieu très-sec. Il seroit encore à desirer qu’on n’allumât que très-rarement des bougies, & encore moins des chandelles de suif ou des lampes, dans l’endroit où sont des tableaux, qu’on n’y souffrît jamais de fumée, & qu’on évitât sur-tout d’y mettre des poëles. Il faut aussi garantir les peintures des brouillards, & sur-tout de ceux qui se forment sur la mer ; leur acide noircit & ronge les tableaux auxquels il s’attache. C’est à l’air marin qu’on attribue à Venise la noirceur & la perte de tant de chef-d’œuvres de l’Ecole Vénitienne, Ecole si justement célèbre.


Restauration des statues. Nous ne dirons qu’un mot à cet égard : c’est que, pour joindre le marbre nouveau à l’ancien marbre de la statue qu’on restaure, il faut n’employer que des tenons ou attaches de cuivre ; car la rouille du fer gagne le marbre dans une très-grande largeur, & y fait une tache ineffaçable. D’ailleurs, l’art de restaurer des statues n’est autre chose que l’art le plus sublime de sculpter. Ce sont presque toujours des ouvrages antiques que l’on restaure, & il faut que le sculpteur moderne soit assez habile pour associer, sans trop de témérité, ses talens, à ceux des grands maîtres de l’antiquité.

ROUGE. Voyez les articles Carmin, Cinnabre, Laque, Minium, Ochre rouge, Manganèse, Pourpre de Cassius.

Rouge d’Angleterre. C’est une espèce de colchotar, c’est-à-dire, une terre endurcie, rouge, d’une saveur stiptique, vitriolique & martials, brillante dans ses fractures, dissoluble dans l’eau. On peut la regarder comme une terre martiale chargée de vitriol. C’est peut-être le résultat de la décomposition de pyrites sulphureuses, qui avoient pour base du fer. Le rouge d’Angleterre, exposé au feu, prend une couleur plus foncée : sur un feu violent, & long-temps continué, il devient noir & attirable à l’aimant.


Rouge de montagne, c’est l’ochre rouge, qui ne sert que dans la peinture la plus grossière, telle que celle des planchers.


Rouge de Prusse. C’est un rouge brun : on en trouve de différentes nuances. Cette substance paroît n’être que le résidu d’une distillation de vitriol martial ; en un mot, un vrai colchotar. Il s’en trouve qui n’est autre chose que du vitriol martial ; calciné au rouge ; si on lessivoit ces différens rouges avant de les employer, on obtiendroit une bien plus belle couleur, comme on peut s’en assurer par l’expérience : d’ailleurs, cette couleur ne seroit plus sujette à brunir, étant mêlée avec l’huile, ce qui arrive par la réaction de l’acide vitriolique sur la terre martiale.

Rouge pour le lavis. Réduisez en poudre subtile ce que vous voudrez de cochenille ; versez-la


dans un vaisseau où vous ayez mis de l’eau-rose en assez grande quantité pour surpasser de deux doigts cette poudre ; jettez ensuite de l’alun brûlé & pulvérisé encore tout chaud dans de l’eau de plantin, dans laquelle vous mêlerez la liqueur qui aura servi à dissoudre la cochenille, & vous aurez un très-beau rouge, qui mérite d’être préféré au vermillon pour le lavis ; car le vermillon a trop de corps, & d’ailleurs il se ternit à cause du mercure dont il est composé. (Ancienne Encyclopedie.)

ROULETTE. (subst. fem.) Instrument à l’usage des graveurs à la manière du crayon, au pointillé, & à la manière du lavis. C’est une petite roue dentelée, dont l’essieu est une branche de fer emmanchée comme les pointes des graveurs. Il y a de ces roulettes qui ne roulent pas sur leur essieu ; on les appelle instrumens fixes. Il y en a qui n’ont qu’un rang de dentelures, d’autres en ont plusieurs rangs. Il y en a dont le grain est très-fin, & presqu’insensible ; d’autres dont le grain ou la dentelure est très-forte. On roule cet instrument sur le cuivre, & il y imprime des points proportionnés au nombre & à la grosseur de ses dents. Voyez à l’article GRAVURE, la gravure à la manière du crayon, & celle à la manière du lavis. Voyez aussi l’article Lavis.