Encyclopédie méthodique - Architecture, T1/Avant-Propos

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ENCYCLOPÉDIE

MÉTHODIQUE,

OU
PAR ORDRE DE MATIÈRES ;
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES,
DE SAVANS ET D’ARTISTES ;
Précédée d’un Vocabulaire universel, servant de Table pour tous l’Ouvrage, ornée des Portraits de MM. DIDEROT & D’ALEMBERT, premiers Éditeurs de l’Encyclopédie.
TABLE DES MATIERES


Page
ENCYCLOPÉDIE


MÉTHODIQUE.


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ARCHITECTURE.


Par M. QUATREMERE DE QUINCY


DÉDIÉE ET PRÉSENTÉE


A Monseigneur DE LAMOIGNON, Garde,
des Sceaux de France.


TOME PREMIER



A PARIS,

Chez PANCKOUCKE, Libraire, hôtel de Thou rue des Poitevins ;

A Liège,

Chez Plomteux, Imprimeur des États.

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M. DCC. LXXXVIII.


Avec approbation et Privilège du roi.

AVERTISSEMENT.

LE Public a vu avec étonnement que l’Architecture, cet art qui, par sa double nature, tient aux inventions du génie comme à celles du besoin, qui méritoit, à plusieurs titres, une place séparée & distincte dans le vaste tableau des inventions & des connoissances humaines, ait pu échapper au plan de l’Encyclopédie méthodique.

Cette omission trouve sa cause & sa justification dans l’ancienne Encyclopédie même, qui a servi d’élément & de base à la nouvelle.

L’extrême négligence, bien voisine de l’oubli, si peut-être elle n’est pire encore, avec laquelle l’Architecture fut traitée dans ce trop immense & trop court Dictionnaire; le peu d’espace, disons mieux, la place presque imperceptible qu’elle y occupe, auront sans doute occasionné, & suffiront à excuser l’entier oubli de cette partie si intéressante des beaux-arts.

L’entrepreneur de l’Encyclopédie méthodique n’a point cru devoir se prévaloir de cette omission, toute naturelle qu’elle puisse paroître. Jaloux de porter à toute leur perfection les parties de ce nouvel ensemble, & sur-tout de donner à tous les membres de ce grand corps leurs proportions relatives, il s’est occupé du soin de réparer la négligence ancienne & l’omission nouvelle, de la manière qui pût être la plus avantageuse au public & à l’ouvrage.

L’Architecture ne pouvoit s’incorporer dans le Dictionnaire des beaux-arts, sans en grossir prodigieusement le volume, sans en rompre la proportion, sans en déranger l’ordre & le plan, sans y introduire la confusion; cette refonte eût été impossible. L’Architecture d’ailleurs, assez riche de son propre sol, fournit une matière assez étendue, assez distincte des autres arts; elle offre des rapports assez particuliers à elle seule, pour pouvoir se présenter à part & se circonscrire dans les limites de son domaine. Le projet d’un dictionnaire d’Architecture fut arrêté.

Si nous avions pu nous flatter que la première partie du volume que nous présentons au public, fût suffisante pour lui faire pressentir toutes les richesses dont cette matière est susceptible, pour lui faire deviner toute l’étendue du plan que nous avons embrassé, peut - être nous serions - nous dispensés d’en tracer d’avance l’esquisse. Mais l’ordre alphabétique, auquel sont soumises toutes les connoissances d’un dictionnaire, étant le moins propre à faire connoître le plan auquel elles sont subordonnées, & l’esprit qui en a dirigé la réunion, sur-tout avant que l’ensemble en soit terminé, nous avons cru devoir faire parcourir au lecteur, d’un coup-d’oeil anticipé, toute la carrière que nos recherches nous ont ouverte. Si ce coup-d’oeil rapide suffit à l’objet que nous nous proposons, peut-être nous dispensera-t-il de grossir cet ouvrage d’un discours préliminaire, qui ne seroit que le développement de ce que nous allons abréger.

Nous n’insisterons pas davantage sur l’insuffisance des ressources que nous a présentées, l’ancienne Encyclopédie. Une nomenclature imparfaite, & qui ne fut que la répétition du d’Aviler, éparse & dispersée de loin en loin dans ce vaste vocabulaire, n’offre partout que les définitions les plus sèches & les plus arides. A peine les explications élémentaires des mots les plus usuels & des parties les plus connues s’y trouvent-elles. Dans tous les autres articles, la définition, qui est plus celle du mot que de la chose, ne fait qu’ajouter à la peine de le retenir, la difficulté d’en comprendre l’explication. Le dictionnaire de Roland le Virloys, quoique son vocabulaire soit considérable, offre encore une bien plus grande aridité. Il semble n’avoir pris à tâche que d’abréger l’abrégé de d’Aviler. L’Architecture d’ailleurs n’occupe pas la moitié de ce dictionnaire ; une foule de mots éntiérement étrangers à cet art grossissent ce recueil, & les notions les plus abrégées, les articles les plus courts, sont ceux de l’Architecture. Les dictionnaires antérieurs à ceux-là ne méritent pas même qu’on en fasse mention. Celui de Cordemoi ne contient pas trois cens mots, & est plutôt une table de matière qu’un dictionnaire.

Cependant, si l’on examine tout ce qui a été écrit sur l’Architecture, les ouvrages où l’on peut puiser des notions relatives à son histoire, les essais de quelques gens de goût sur ses principes & sa nature, les livres didactiques des plus célèbres architectes, on aura peine à croire que cet art ait pu être condamné jusqu’à présent, dans les dictionnaires qui en ont traité, à cette triste stérilité. On verra sur-tout qu’aucun autre ne sollicitoit davantage l’ouvrage entiérement nouveau qu’on a entrepris, c’est-à-dire un corps complet d’Architecture, dont l’ensemble n’avoit pas encore été même projetté.

Jamais aussi peut-être tous les moyens relatifs à la perfection d’un tableau général de 1’Architecture ne se sont trouvés, ni en plus grand nombre, ni plus faciles à rassembler. Les nombreuses & nouvelles découvertes des monumens de l’antiquité, les voyages des hommes les plus instruits, la connoissance plus certaine que jamais du goût de tous les peuples que le commerce rapproche de plus en plus, l’expérience des erreurs passées les lumières que quelques savans ont portées dans les arts, les grands efforts des peuples modernes & leurs entreprises de tout genre en architecture, le goût de cet art généralement répandu dans toute l’Europe l’application qu’on y a faite des sciences du calcul, tout sembloit demander la réunion & l’ensemble complet que nous nous sommes proposé dans ce nouveau dictionnaire d’Architecture antique & moderne.

Nous n’avons donc pas dû nous borner, comme on l’a fait jusqu’à ce jour, à la sécheresse de ces nomenclatures froidement méthodiques, que leur concision rend aussi peu utiles à l’artiste qui apprend les définitions par la pratique, qu’au public qui ne sauroit les retenir ou les comprendre sans l’usage.

Nous avons cru que les dictionnaire, ainsi que tous les ouvrages de ce genre, devoit se proposer deux objets d’utilité.

Le premier, de satisfaire toutes les classes de lecteurs en embrassant l’universalité des connoissances que le sujet comporte.

Le second, de suppléer au plus grand nombre possible des livres qui traitent d’une même matière.

Quant à ce dernier objet, si nous remplissons la tâche que nous nous sommes donnée, nous avons lieu d’espérer que cet ouvrage pourra tenir lieu de plus de deux mille volumes, pour la plupart anciens, rares, inconnus, dispersés, & qui ne sont presque jamais à la portée des artistes, c’est-à-ire, de ceux qui auroient le plus grand besoin de les connoître.

Le premier objet est celui qui nous a le plus occupés : c’est aussi celui qui a exigé de nous le plus de peines & de recherches. Nous avons voulu que rien de ce qui constitue l’ensemble de l’Architecture, rien de tout ce qui peut intéresser l’artiste, le philosophe & le curieux, ne pût échapper à notre plan. Nous avons cru devoir envisager l’Architecture sous toutes ses faces & sous tous ses rapports, dans tous les temps & chez tous les peuples dont nous pouvons avoir des notions positives.

Ce projet nous a conduit à reconnoître dans l’Architecture cinq parties très-distinctes, qui forment les cinq points de vue généraux de cet ouvrage, & qui n’ont jamais été considérés qu’imparfaitement, ou du moins ne l’ont jamais été d’un seul coup-d’œil.

Ces cinq parties sont : la partie historique & descriptive, la partie métaphysique, la partie théorique, la partie élémentaire ou didactique, & la partie pratique.

C’est donc une réunion de cinq ouvrages que nous présentons au public dans un seul. Indiquons en peu de mots les différences, la nature & l’étendue de ces cinq parties.

L’histoire de l’Architecture offre, comme on va le voir, à elle seule, un champ des plus vastes. Elle se présente à nous sous deux rapports très-distincts : celui d’art de bâtir, commun à toutes les nations de l’univers, & celui de l’art proprement dit de l’Architecture, autrement l’art des Grecs, devenu celui des Romains & de toute l’Europe moderne. Ces deux genres de notions se trouvent ici rassemblés pour la premiêre fois. Aucun ouvrage n’étoit plus susceptible de ce rapprochement. La méthode alphabétique nous en a facilité la réunion. Tous ces tableaux différens, quoique indépendans du sujet principal, ont pu s’introduire sans aucune confusion. Ainsi les architectures de tous les peuples connus, quoique plusieurs d’entre elles soient hors du cercle où le génie des Grecs a pour jamais renfermé l’art, joueront un rôle dans cet ouvrage, & paroîtront à leur rang sur le théâtre d’où l’on avoit jusqu’à présent prétendu les exclure. On s’est même appliqué à donner à cette partie nouvelle, toute l’étendue qu’elle peut comporter. Si l’art proprement dit n’y découvre point de nouvelles sources de beauté, si l’artiste ne sait pas y trouver des analogies précieuses, le philosophe regretteroit qu’on l’eût privé des rapprochemens curieux, des inductions de tout genre, des observations relatives à l’histoire du génie des hommes dans un art qui, dénué de tout l’appareil de connoissances qui en a fait un art libéral, occupera toujours un des premiers rangs parmi les inventions de première nécessité.

Quel intéressant tableau que celui qui pourroit nous présenter l’art de bâtir modifié par la variété des causes physiques & morales, recevant des mains de la nature des formes si différentes, suivant la diversité de ses origines ; qui nous offriroit depuis la cabane du laboureur jusqu’au palais des souverains, depuis l’antre du sauvage & les souterreins creusés dans l’enfance des sociétés, jusqu’à ces masses orgueilleuses qui semblent insulter le ciel, depuis la tente du pasteur & ses demeures ambulantes, jusqu’aux temples de la divinité !

On y distingueroit peut-être le goût original de chaque peuple, l’empreinte de son génie, de ses institutions politiques & religieuses ; on y découvriroit quel fut ou dut être le genre de vie des premières sociétés qui fondèrent des états. On y liroit le développement de leurs connoissances, le point de maturité où elles purent parvenir, les obstacles que la nature mit à leurs progrès, & ceux que la politique seule y entretint. On y verroit écrites ces nuances remarquables de goût & de génie, par lesquelles la nature a peut-être séparé à jamais l’espèce humaine, comme elle lui en a imprimé de visibles & de matérielles par la couleur & la forme. Enfin, quelles leçons la philosophie & l’histoire n’y puiseroient-elles pass.

Nous n’oserions nous flatter d’avoir porté cet ensemble au degré d’utilité que nous venons de faire sentir. Du moins avons-nous fait tous nos efforts pour rassembler les traits & les couleurs propres à rendre ce tableau aussi vrai qu’intéressant, & susceptible d’être perfectionné par ceux qui viendront après nous.

Cependant, l’art de l’Architecture proprement dit, ou l’art des Grecs, est toujours le but principal de la partie historique. Pour en embrasser toute l’étendue, nous avons cru devoir réunir aux notions de l’histoire, la description des monumens. Voulant introduire de l’ordre dans cette foule d’objets, & les classer avec méthode, nous n’avons pas trouvé de meilleur moyen que d’annexer ces notions à la description des villes antiques, dont les restes nous sont parvenus, & à la biographie des grands architectes de tous les temps.

Ainsi, ce n’est point fous le rapport géographique que l’on doit considérer tous les noms de ville répandus dans ce dictionnaire. Ils n’y figurent que pour nous donner lieu de décrire les monumens échappés aux ravages du temps & de la barbarie. C’est un cours complet de monumens que nous avons prétendu insérer dans cet ouvrage, à dessein d’épargner au lecteur les recherches & les extraits pénibles que le simple curieux n’entreprend jamais, & que l’artiste a rarement le loisir ou le pouvoir de faire. Dans cette partie descriptive, nous avons appellé à notre secours les autorités des voyageurs les plus accrédités, & nous les avons pesés avec la critique la plus impartiale. Un avantage que nous avons dans un très-grand nombre de ces articles, c’est de décrire ce que nous avons vu, de pouvoir parler comme témoin oculaire & d’après les sensations que de longs voyages & un séjour de plusieurs années dans les plus belles régions des arts nous ont mis à portée d’éprouver, & nous ont donné le desir de communiquer. Nous n’avons adopté aucune méthode dans la dénomination de ces villes antiques. Nous avons mis sous leur nom ancien, celles dont le nom moderne différoit entiérement de l’antique. Nous avons conservé les noms modernes à celles dont le nom n’a subi d’autre changement que celui de la terminaison françoise. Nous n’avons pas épargné les renvois qui pouvoient en faciliter la recherche, sans nous astreindre à l’exactitude du géographe, ni au scrupule de l’antiquaire.

Les monumens modernes ne pouvoient trouver place dans cet ouvrage sans offrir une foule de mots & d’articles qui ne se lioient à aucun ordre de choses ; ils se trouvet rangés & décrits aux articles qui traitent de la vie des grands architectes de tous les temps & de tous les pays. Par ce moyen, il est peu d’ouvrage remarquable qui ne vienne se présenter à nous, & qui puisse échapper à nos yeux. On n’a pas besoin d’observer combien l’histoire des artistes est nécessaire au complément des connoissances historiques d’un art. On a tâché de lui donner le degré d’intérêt que la saine critique & l’amour seul de la vérité peuvent y attacher, & toute l’extension qu’elle n’avoit pas encore reçue ; ensorte que cette branche seule de ce dictionnaire formeroit un ouvrage entiérement neuf. L’impartialité dont nous nous sommes faits la loi la plus rigoureuse, ne nous a pas permis d’étendre au-delà du commencement de ce siècle, la liste des architectes célèbres.

La métaphysique de l’art, sans ouvrir à nos recherches une carrière aussi étendue que la partie précédente, ne présente pas les objets les moins importans, les discussions les moins curieuses, les développemens les moins utiles. Cette partie est celle qui fait particuliérement connoître l’essence de l’Architecture, la nature de ses moyens, ses rapports avec les sens, l’entendement & le goût, les routes qu’il doit parcourir pour nous émouvoir & pour nous plaire, les ressorts qu’il peut employer, les véritables cordes qu’il doit toucher ; enfin, les causes des impressions qu’il nous fait éprouver, le genre de sensations & d’affections dépendantes du pouvoir que cet art a sur notre ame. On comprend combien peuvent être nombreuses les notions dont on a tenté pour la première fois le développement par rapport à l’Architecture. Elles comprennent les idées d’ordre, de symmétrie, d’unité, de variété, de beauté, d’harmonie, de discordance, d’invention, de génie, d’imitation, &c. Ces notions se trouvent aux articles dont on vient d’indiquer un petit nombre de noms ; mais elles sont aussi répandues dans beaucoup d’autres dont il seroit difficile & superflu de faire ici l’énumération. La partie métaphysique est celle qui nous a offert le plus de difficultés & le moins de ressources. Les ouvrages qui nous ont précédés, n’ont pas même tenté de l’effleurer. Aussi, en présentant cette partie sous l’aspect de la nouveauté, le plus propre peut-être à lui faire trouver quelques lecteurs favorables, nous croyons avoir droit à l’indulgence que méritent tous les genres d’essai.

La théorie de l’Architecture en est la partie peut-être la plus importante à tous égards ; elle intéresse toutes les espèces de lecteurs ; elle guide l’artiste dans ses ouvrages, & le public dans le jugement qu’il en porte.

La partie théorique est très-distincte de la métaphysique ; elle en est le résultat : ses principes n’ont de force & d’évidence qu’autant qu’ils sont fondés sur les élémens des notions précédentes. On s’est donc appliqué à les bien distinguer & à mettre dans ces connoissances limitrophes tout le discernement dont elles sont susceptibles. La partie métaphysique embrasse particuliérement l’essence de l’art ; la partie théorique comprend les règles que l’art a reçues de la nature, celles même qu’il s’est données volontairement. C’est à cette partie qu’on rapporte le systême de son imitation, les observations fondées sur les régles de l’optique, les loix des proportions, les maximes de goût déterminées par la connoissance des rapports métaphysiques & fixées par les beaux ouvrages de l’art, les principes fondés sur la nature même des sensations, qui sont ceux de la solidité, relatifs à la construction, les principes de proportion & de beauté qui dérivent de la relation de l’art avec notre ame, & de son analogie avec nos perceptions, qui sont ceux de la disposition, les principes de goût dépendans de nos affections, & qui sont ceux de la décoration.

La partie didactique ou élémentaire de l’Architecture, concerne plus particuliérement ceux qui apprennent & ceux qui enseignent cet art. Si ses notions ne sont pas les plus curieuses ni les plus étendues, elle est cependant celle qui renferme le plus grand nombre de mots. Pour lui donner tout le développement nécessaire, nous ne sommes point bornés à la méthode exclusive de quelques-uns des livres classiques que l’on emploie dans les écoles : nous en avons au contraire rassemblé les opinions diverses, en exposant les parallèles qu’on en a faits. Ce rapprochement est indispensable pour faire comprendre que les mesures données & approuvées par les plus grands maîtres, ne sont pas dans tous les cas d’une autorité infaillible ; que le goût de l’architecte en reste toujours le juge suprême, parce qu’il a dû être impossible de prévoir toutes les combinaisons dans lesquelles ces mesures pourroient entrer.

Cette partie comprend donc les règles générales des cinq ordres ; leurs mesures les plus approuvées, les proportions des plus beaux détails, soit de l’antiquité, soit des meilleurs ouvrages modernes ; les profils les plus généralement estimés. On y traite des règles de i’optique & de la perspective, de l’art de lever les plans, &c. Elle comprend ensin la définition de tous les mots techniques de toutes les parties constitutives des édifices.

L’on distingue ordinairement trois sortes d’Architectures, la civile, la militaire & la navale. La premiere est la seule qui nous ait occupés ; les deux autres se trouvant traitées dans les dictionnaires de Marine & d’Art militaire, n’entreront ici que dans un bien petit nombre d’articles & sous les rapports très-peu nombreux qu’ils pourront avoir avec l’Architecture, considérée comme art de goût & de génie.

La partie pratique embrasse dans ce dictionnaire, l’art de la construction considéré en grand & sous les rapports qui l’unissent aux sciences du calcul & aux connoissances même de l’antiquité. Elle n’aura donc rien de commun avec le dictionnaire de Maçonnerie, déjà fait & compris dans celui des Arts & Métiers. On n’en a répété ici qu’un très-petit nombre d’articles, & ceux-là seulement qui devenoient nécessaires à la perfection d’une nomenclature générale. Quant à la répétition qu’on n’a pu se dispenser de faire des mêmes mots, le plan que nous annonçons indique assez un genre de travail absolument différent & d’un bien autre intérêt.

On ose annoncer au public cette partie comme également neuve. Elle comprendra tous les procédés de construction des anciens, toutes les manières de bâtir connues de l’antiquité & des temps modernes, des expériences nouvelles sur les cimens, leur dureté, leur emploi sur les bois, les pierres & les matériaux de tout genre. Elle traitera de toutes les grandes inventions modernes dans l’art de construire, de la coupe & de la pose des pierres, de l’art des voûtes, du calcul des poussées & des résistances, des fondations, de la construction des ponts, des chemins antiques, de la comparaison des ressources modernes avec les grands moyens de l’antiquité, &c. Cette partie est due à M. Rondelet, inspecteur de la nouvelle église de sainte Geneviève, connu par ses connoissances pratiques & théoriques dans l’Architecture & la construction, la mécanique & les sciences du calcul, & dont l’académie de Lyon vient de couronner un mémoire sur la théorie des voûtes.

C’est le fruit de plusieurs années d’observations & de voyages faits aux dépens du roi relativement à la construction, que M. Rondelet a bien voulu nous communiquer. C’est enfin l’extrait d’un grand ouvrage qu’il compte donner bientôt au public. Tous les articles qui sont de lui sont accompagnés en tête du mot (Construction).

Il est encore d’autres articles relatifs à cette partie, qui ne doivent point paroître une répétition des autres dictionnaires d’Arts & Métiers. S’ils reparoissent ici, c’est sous le rapport de goût & de décoration ; ainsi l’art du carreleur, par exemple, a dû fournir des articles relatifs à notre objet, tels que les pavés de mosaique, de compartiment : anisi de la serrurerie, vitrerie & autres.

L’Architecture hydraulique & celle des ponts & chaussées, susceptibles d’être traitées à part & dans des dictionnaires séparés, ne sont entrées dans celui-ci que d’une manière abrégée, & seulement pour en compléter l’ensemble.

L’art du jardinage considéré du côté du goût & de la décoration, devoit, par la liaison qu’il a toujours eue avec l’Architecture, se trouver joint à ce dictionnaire. En l’y incorporant & lui donnant plus d’extension qu’il n’en a jamais eu dans ceux qui l’ont traité jusqu’à présent, on a eu l’attention, sur-tout depuis la publication du dictionnaire d’Agriculture, de se concentrer dans les notions seules qui sont du ressort de l’agrément & de l’art. On s’est appliqué à en connoître les vrais principes. On a tâché d’apporter à cette partie le discernement & l’impartialité de jugement qu’exige un art dont les règles & le genre, quoique fondés sur la nature & indiqués par elle-même, doivent varier suivant les pays, les climats, les sites, les productions naturelles & les usages des sociétés.

Cet ouvrage n’étant point encore fini, nous ne saurions indiquer d’avance toutes les sources où nous puiserons & toutes les autorités qui viendront à l’appui de nos recherches. Nous avons observé constamment jusqu’ici de citer les auteurs, dont nous avons emprunté, ou de placer des guillemets à tous les articles qui ne nous appartiennent point L’ouvrage terminé, nous rendrons un hommage plus authentique aux écrivains dont les travaux ou les lumières nous auront été utiles ; & si nous nous dispensons d’un discours préliminaire, nous en ferons mention à la tête du tableau méthodique, qui doit indiquer l’ordre de lecture que peuvent comporter les divers articles de ce dictionnaire pour devenir des traités suivis.

Aucun ouvrage sans doute ne sollicite plus que celui-ci, un recueil de planches, dont le choix, dirigé d’après le plan que nous venons de tracer, pourroit correspondre à un très-grand nombre d’articles, & offriroit en réalité le tableau général du goût de toutes les nations de l’univers dans l’art de bâtir. Ce choix est tout fait. Nous y renvoyons déjà dans plus d’un endroit pour l’intelligence même du texte, quoique les gravures ne soient pas encore exécutées. On espère que le public en approuvera le choix, & pourra juger dès à présent du besoin indispensable, d’accompagner cet ouvrage d’un recueil de figures, aussi nécessaires à sa perfection qu’à son agrément.




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ERRATA.

Page 17. colonne 2, ligne 50, on mettoit trois, lisez, on en mêloit trois parties avec une de chaux.

Pag. 49, col. 2, lig. dernière, des gradins, lisez, d’autres gradins plus larges.

Pag. 48, col. 2, lig. 47, comme elle est le pemier principe de la perfection des arts, lisez, comme elle fut le premier principe de la perfection de leurs arts.

Pag. 49, col. 2, lig. 27, ils en facilitoient, lisez, tout en facilitoit.

Pag. 75, col. 1, lig. avant-dernière, chires, lisez, chimères.

Pag. 99, col. 1, lig. 20, cette solidité provient, lisez, elle résulte.

Pag. 136, col. 1, lig. 49, digne, lisez, dignæ.

Pag. 196, col. 1, lig. 32, quelquefois, lisez, quelque foi.

Pag. 199, col. 2, lig. 16, dans celles où la durée, lisez, sur-tout celles où la durée.

Pag. 255, col. 1, lig. 31, les murs de Pisay, lisez, les murs qu’on fait avec du pisay.