Entre deux caresses/4-02
II
À Fiume, au sommet d’une colline parfumée. Des roses en grappes émaillent partout les perspectives. En face, c’est l’Adriatique et ses îles charmantes, jetées comme des bouquets sur les eaux. Au-dessus de ce paysage harmonieux et polychrome, le soleil plastronne dans un ciel d’indigo doré.
Georges Mexme et Jeanne Mexme conversent à l’ombre d’un épais platane. Elle désigne la côte Dalmate, qui, tout au Sud devient grise et barbare. On entrevoit des falaises abruptes et la mer les assiège durement.
— Vois, là-bas, ce fut le repaire des hors-la-loi durant dix siècles. Le pays des Uscoques que ni Rome, ni Venise, n’ont jamais pu vaincre.
Il dit avec un sourire :
— Cette terre est protectrice…
Elle répond :
— Certes ! Nos voisins sont des Frangipani. Cent ans la couronne d’Autriche, fit chercher, pour les faire mourir, les derniers porteurs de ce nom. Je te les ferai connaître…
Il approuve :
— Te souviens-tu Jeanne, de notre entretien, jadis avec des amis, touchant l’Amour ?
— Oui ! Comme c’était vide ! Les uns n’y voient que la perpétuité des sangs et un acte de physiologie, qu’ils veulent seulement embellir.
— Par honte…
— C’est cela ! Les autres y trouvent un moyen de justifier toute la phraséologie politico-sociale, qui, au fond, n’est rien plus qu’une sorte de verbiage alchimique.
— « L’inanité sonore » de Mallarmé !
— Oui ! Un jet de mucus ou bien de la métaphysique, un chatouillement profond ou des idéologies transcendantes.
— Ils ignorent la vie.
— C’est cela, car l’Amour est un élan vital, une force qui s’accroît par ses échecs et ses épreuves, et la possession qui le complète est une fonction de l’intelligence, comme les sexes avec les jouissances qui leur sont propres sont, en vérité :
— Esprit…