Esprit des lois (1777)/L18/C1

La bibliothèque libre.
◄  Livre XVII
Chapitre VIII
Livre XVIII Livre XVIII
Chapitre II
  ►

LIVRE XVIII.

Des Lois dans le rapport qu’elles ont avec la nature du terrain.




CHAPITRE PREMIER.

Comment la nature du terrain influe sur les lois.


La bonté des terres d’un pays y établit naturellement la dépendance. Les gens de la campagne qui y font la principale partie du peuple, ne sont pas si jaloux de leur liberté : ils sont trop occupés & trop pleins de leurs affaires particulieres. Une campagne qui regorge de biens, craint le pillage, elle craint une armée. Qui est-ce qui forme le bon parti, disoit Cicéron à Atticus[1] ? « Seront-ce les gens de commerce & de la campagne ? à moins que nous n’imaginions qu’ils sont opposés à la monarchie, eux, à qui tous les gouvernemens sont égaux, dès-lors qu’ils sont tranquilles ».

Ainsi le gouvernement d’un seul se trouve plus souvent dans les pays fertiles, & le gouvernement de plusieurs dans les pays qui ne le sont pas, ce qui est quelquefois un dédommagement.

La stérilité du terrain de l’Attique y établit le gouvernement populaire ; & la fertilité de celui de Lacédémone, le gouvernement aristocratique. Car, dans ces temps-là, on ne vouloit point dans la Grece du gouvernement d’un seul : or le gouvernement aristocratique a plus de rapport avec le gouvernement d’un seul.

Plutarque[2] nous dit que la sédition Cilonienne ayant été appaisée à Athenes, la ville retomba dans ses anciennes dissentions, & se divisa en autant de partis qu’il y avoit de sortes de territoires dans les pays de l’Attique. Les gens de la montagne vouloient à toute force le gouvernement populaire ; ceux de la plaine demandoient le gouvernement des principaux ; ceux qui étoient près de la mer, étoient pour un gouvernement mêlé des deux.


  1. Livre VII.
  2. Vie de Solon.