Essai sur l’inégalité des races humaines/Livre cinquième/Chapitre II

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CHAPITRE II.

Les Thraces — les Illyriens — les Étrusques — Les Ibères.

Quatre peuples, dignes du nom de peuples, se montrent enfin dans les traditions de l’Europe méridionale, et viennent disputer aux Finnois la possession du sol. Il est impossible de déterminer, même approximativement, l’époque de leur apparition. Tout ce qu’on peut admettre, c’est que leurs plus anciens établissements sont bien antérieurs à l’an 2000 avant Jésus-Christ. Quant à leurs noms, la haute antiquité grecque et romaine les a connus et révérés, et même, en certains cas, honorés de mythes religieux. Ce sont les Thraces, les Illyriens, les Étrusques et les Ibères.

Les Thraces étaient, à leur début et probablement lorsqu’ils résidaient encore en Asie, un peuple grand et puissant. La Bible garantit le fait, puisqu’elle les nomme parmi les fils de Japhet (1)[1].

Les tribus jaunes, quand on les trouve pures, étant, en général, peu guerrières, et le sentiment belliqueux diminuant dans un peuple à mesure que la proportion de leur sang y augmente, il y a lieu de croire que les Thraces n’appartenaient pas à leur parenté étroite. Puis les Grecs en parlent fort souvent aux temps historiques. Ils les employaient, concurremment avec des mercenaires issus des tribus scythiques, en qualité de soldats de police, et, s’ils se récrient sur leur grossièreté (2)[2], nulle part ils ne paraissent avoir été frappés de cette bizarre laideur qui est le partage de la race finnoise. Ils n’auraient pas manqué, s’il y avait eu lieu, de nous parler de la chevelure clairsemée, du défaut de barbe, des pommettes pointues, du nez camard, des yeux bridés, enfin de la carnation étrange des Thraces, si ceux-ci avaient appartenu à la race jaune (3)[3]. Du silence des Grecs sur ce point, et de ce qu’ils ont toujours semblé considérer ces peuples comme pareils à eux-mêmes, sauf la rusticité, j’induis encore que les Thraces n’étaient pas des Finnois.

Si l’on avait conservé d’eux quelque monument figuré certain pour les époques vraiment anciennes, voire seulement des débris de leur langue, la question serait simple. Mais de la première classe de preuves, on est réduit à s’en passer tout à fait. Il n’y a rien. Pour la seconde, on ne possède guère qu’un petit nombre de mots, la plupart allégués par Dioscoride (1)[4].

Ces faibles restes linguistiques semblent autoriser à assigner aux Thraces une origine ariane (2)[5]. D’autre part, ces peuples paraissent avoir éprouvé un vif attrait pour les mœurs grecques. Hérodote en fait foi. Il y voit la marque d’une parenté qui leur permettait de comprendre la civilisation au spectacle de laquelle ils assistaient ; or l’autorité d’Hérodote est bien puissante (3)[6]. Il faut se rappeler, en outre, Orphée et ses travaux. Il faut tenir compte du respect profond avec lequel les chroniqueurs de la Grèce parlent des plus anciens Thraces, et de tout cela on devra conclure que, malgré une décadence irrémédiable, amenée par les mélanges, ces Thraces étaient une nation métisse de blanc et de jaune, où le blanc arian avait dominé jadis, puis s’était un peu trop effacé, avec le temps, au sein d’alluvions celtiques très puissantes et d’alliages slaves (1)[7].

Pour découvrir le caractère ethnique des Illyriens, les difficultés ne sont pas moindres, mais elles se présentent autrement, et les moyens de les aborder sont tout autres. Des adorateurs de Xalmoxis (2)[8] il n’est rien demeuré. Des Illyriens, au contraire, appelés aujourd’hui Arnautes ou Albanais, il reste un peuple et une langue qui, bien qu’altérés, offrent plusieurs singularités saisissables.

Parlons d’abord de l’individualité physique. L’Albanais, dans la partie vraiment nationale de ses traits, se distingue bien des populations environnantes. Il ne ressemble ni au Grec moderne ni au Slave. Il n’a pas plus de rapports essentiels avec le Valaque. Des alliances nombreuses, en le rapprochant physiologiquement de ses voisins, ont altéré considérablement son type primitif, sans en faire disparaître le caractère propre. On y reconnaît, comme signes fondamentaux, une taille grande et bien proportionnée, une charpente vigoureuse, des traits accusés et un visage osseux qui, par ses saillies et ses angles, ne rappelle pas précisément la construction du facies kalmouk, mais fait penser au système d’après lequel ce facies est conçu. On dirait que l’Albanais est au Mongol comme est à ce dernier le Turk, surtout le Hongrois. Le nez se montre saillant, proéminent, le menton large et fortement carré. Les lignes, belles d’ailleurs, sont rudement tracées comme chez le Madjar, et ne reproduisent, en aucune façon, la délicatesse du modelé grec. Or, puisqu’il est irrécusable que le Madjar est mêlé de sang mongol par suite de sa descendance hunnique (1)[9], de même je n’hésite pas à conclure que l’Albanais est un produit analogue.

Il serait à désirer que l’étude de la langue vînt donner son appui à cette conclusion. Malheureusement cet idiome mutilé et corrompu n’a pu jusqu’ici être analysé d’une manière pleinement satisfaisante (2)[10]. Il faut en élaguer d’abord les mots tirés du turk, du grec moderne, des dialectes slaves, qui s’y sont amalgamés récemment en assez grand nombre. Puis on aura encore à écarter les racines helléniques, celtiques et latines. Après ce triage délicat, il reste un fond difficile à apprécier, et dont jusqu’à présent on n’a pu rien affirmer de définitif, si ce n’est qu’il n’est rien moins que parent de l’ancien grec. On n’ose donc l’attribuer à une branche de la famille ariane. Est-on en droit de croire que cette affinité absente est remplacée par un rapport avec les langues finniques ? C’est une question jusqu’à présent irrésolue. Force est donc de s’accommoder provisoirement du doute, de rejeter toutes démonstrations philologiques trop hâtives et de se borner à celles que j’ai tirées précédemment de la physiologie. Je dirai donc que les Albanais sont un peuple blanc, arian, directement mélangé de jaune, et que, s’il est vrai qu’il ait accepté des nations au milieu desquelles il a vécu un langage étranger à son essence, il n’a fait en cela qu’imiter un assez grand nombre de tribus humaines, coupables du même tort (1)[11].

Les Thraces et les Illyriens (2)[12] ont assez noblement soutenu leur origine ariane pour n’en pas être déclarés indignes. Les premiers avaient pris une grande part à l’invasion des peuples arians hellènes dans la Grèce.

Les seconds, en se mêlant aux Grecs Épirotes, Macédoniens et Thessaliens, les ont aidés à gravir jusqu’à la domination de l’Asie antérieure (3)[13]. Si, dans les temps historiques, les deux groupes auxquels sont donnés les noms de Thraces et d’Illyriens ont toujours, malgré leur énergie et leur intelligence reconnues, été réduits, en tant que nations, à un état subalterne, se contentant, au moins pour les derniers, de fournir en abondance des individualités illustres d’abord à la Grèce, puis aux empires romain et byzantin, enfin à la Turquie, il faut attribuer ce phénomène à leur fractionnement amené par des hymens locaux de valeurs différentes, à la faiblesse relative des groupes, et à leur séjour au milieu de tribus prolifiques, qui, les contenant dans des territoires montagneux et infertiles, ne leur ont jamais permis de se développer sur place. En tout état de cause, les Thraces et les Illyriens, considérés indépendamment de leurs alliages, représentent deux rameaux humains singulièrement bien doués, vigoureux et nobles, où l’essence ariane se fait très aisément deviner. Je me transporte maintenant à l’autre extrémité de l’Europe méridionale. J’y trouve les Ibères, et, avec eux, l’obscurité historique paraît s’amoindrir. Il serait oiseux de rappeler tous les efforts tentés jusqu’ici pour déterminer la nature de ce peuple mystérieux dont les Euskaras ou Basques actuels sont, avec plus ou moins de justesse, considérés comme les représentants. Le nom de ce peuple s’étant rencontré dans le Caucase, on a cherché à établir une sorte de ligne de route par laquelle il serait venu de l’Asie en Espagne (1)[14]. Ces hypothèses sont demeurées fort obscures. On sait mieux que la famille ibérique a couvert la péninsule, habité la Sardaigne, la Corse, les îles Baléares, quelques points, sinon toute la côte occidentale de l’Italie. Ses enfants ont possédé le sud de la Gaule jusqu’à l’embouchure de la Garonne, couvrant ainsi l’Aquitaine et une partie du Languedoc.

Les Ibères n’ont laissé aucun monument figuré, et il serait impossible d’établir leur caractère physiologique, si Tacite ne nous en avait parlé (2)[15]. Suivant lui, ils étaient bruns de peau et de petite taille. Les Basques modernes n’ont pas conservé cette apparence. Ce sont visiblement des métis blancs à la manière des populations voisines. Je n’en suis pas surpris. Rien ne garantit la pureté du sang chez les montagnards des Pyrénées, et je ne tirerai pas de l’examen qu’on en a pu faire les mêmes résultats que pour le guerrier albanais.

Dans celui-ci j’ai vu une différence marquée, un contraste notable avec les nations avoisinantes. Impossible de confondre des Arnautes avec des Turcs, des Grecs, des Bosniaques. Il est très difficile, au contraire, de démêler un Euskara parmi ses voisins de la France et de l’Espagne. La physionomie du Basque, très avenante assurément n’offre rien de particulier. Son sang est beau, son organisation énergique ; mais le mélange, ou plutôt la confusion des mélanges, est évidente chez lui. Il n’a nullement ce trait des races homogènes, la ressemblance des individus entre eux, ce qui a lieu à un haut degré chez les Albanais.

Comment d’ailleurs l’Ibère des Pyrénées serait-il de race pure ? La nation entière a été absorbée dans les mélanges celtiques, sémitiques, romains, gothiques. Quant au noyau, réfugié dans les vallées hautes des montagnes, on sait que des couches nombreuses de vaincus sont venues successivement chercher un asile autour et auprès de lui. Il ne peut donc être resté plus intact que les Aquitains et les Roussillonais.

La langue euskara n’est pas moins énigmatique que l’albanais (1)[16]. Les savants ont été frappés de l’obstination avec laquelle elle se refuse à toute annexion à une famille quelconque. Elle n’a rien de chamitique et peu d’arian. Les affinités jaunes paraissent exister chez elle (2)[17], mais cachées, et on ne les constate qu’approximativement. Le seul fait bien avéré jusqu’ici, c’est que, par son polysynthétisme, par sa tendance à incorporer les mots les uns dans les autres, elle se rapproche des langues américaines (3)[18]. Cette découverte a donné naissance à bien des romans plus hasardés les uns que les autres. Des hommes doués d’une imagination véhémente se sont empressés de faire passer le détroit de Gibraltar aux Ibères, de les acheminer au long de la côte occidentale de l’Afrique, de reconstruire, tout exprès pour eux, l’Atlantide, de pousser ces pauvres gens, bon gré, mal gré, et à pied sec, jusqu’aux rivages du nouveau continent. L’entreprise est hardie, et je n’oserais m’y associer. J’aime mieux penser que les affinités américaines de l’euskara peuvent avoir leur source dans le mécanisme primitivement commun à toutes les langues finniques (1)[19]. Mais, comme ce point n’est pas encore éclairci de manière à produire une certitude, je préfère surtout le laisser à l’écart (2)[20].

Rejetons-nous sur ce que l’histoire nous apprend des habitudes et des mœurs de la nation ibère. Nous y trouverons plus de clartés conductrices.

Ici, la lumière saute aux yeux, et avec assez d’éclat pour détruire à peu près toutes les incertitudes. Les Ibères, lourds et rustiques, non pas barbares, avaient des lois, formaient des sociétés régulières (3)[21]. Leur humeur était taciturne, leurs habitudes étaient sombres. Ils allaient vêtus de noir ou de couleurs ternes, et n’éprouvaient pas cet amour de la parure si général chez les Mélaniens (4)[22]. Leur organisation politique se montra peu vigoureuse ; car, après avoir occupé une étendue de pays à coup sûr considérable, ces peuples, chassés de l’Italie, chassés des îles et dépossédés d’une bonne partie de l’Espagne par les Celtes, le furent, plus tard encore et sans grand’peine, par les Phéniciens et les Carthaginois (1)[23].

Enfin, et voici le point capital : ils se livraient avec succès au travail des mines (2)[24].

Ce labeur difficile, cette science compliquée qui consiste à extraire les métaux du sein de la terre et à leur faire subir des manipulations assez nombreuses, est incontestablement une des manifestations, un des emplois les plus raffinés de la pensée humaine. Aucun peuple noir ne l’a connue. Parmi les blancs, ceux qui l’ont pratiquée davantage, habitant en Asie, au-dessus des Arians, vers le nord, ont reçu dans leurs veines, par cette raison même, le mélange le plus considérable du sang des jaunes. À cette définition on reconnaît, je pense, les Slaves. J’ajouterai que le sol de l’Espagne portait, dans son Mons Vindius, le nom que, suivant Schaffarik, les nations étrangères, surtout les Celtes, ont toujours donné de préférence à ces mêmes Slaves, et je ne sais même si, invoquant la facilité que les langues wendes partagent avec les dialectes celtiques et italiotes pour retourner les syllabes, on ne serait pas en droit de reconnaître leur appellation nationale par excellence, le mot srb dans le mot ibr (3)[25]. Cette étymologie tend la main à la mystérieuse peuplade homonyme reléguée dans le Caucase, et ajoute une apparence de plus à l’hypothèse que M. W. de Humboldt ne repoussait pas (1)[26].

Les Ibères étaient donc des Slaves. J’en répète ici les raisons : peuple mélancolique, vêtu de sombre, peu belliqueux (2)[27], travailleur aux mines, utilitaire. Il n’est pas un de ces traits qui ne se laisse apercevoir aujourd’hui dans les masses du nord-est de l’Europe (3)[28].

Viennent maintenant les Rasènes (4)[29] ou, autrement dit, les Étrusques de première formation. Par suite d’invasions pélasgiques, ce peuple extrêmement digne d’intérêt s’est trouvé, à une époque antérieure au Xe siècle avant notre ère, composé de deux éléments principaux, dont l’un, dernier venu, imprima à l’ensemble un élan civilisateur qui a produit des résultats importants. Je ne parle pas, en ce moment, de cette seconde période. Je m’attache uniquement à la plus grossière partie du sang, qui est en même temps la plus ancienne, et qui seule, à ce titre, doit figurer près des populations primordiales, thraces, illyriennes, ibères.

Les masses rasènes étaient certainement beaucoup plus épaisses que ne le furent celles de leurs civilisateurs. C’est là, d’ailleurs, un fait constant dans toutes les invasions suivies de conquêtes. Ce fut aussi leur langue qui étouffa celle des vainqueurs, et effaça chez ceux-ci presque toutes traces de l’ancien idiome. L’étrusque, tel que les inscriptions nous l’ont conservé, se montre assez étranger au grec et même au latin (1)[30]. Il est remarquable par ses sons gutturaux et son aspect rude et sauvage (2)[31]. Tous les efforts tentés pour interpréter ce qui en reste sont restés à peu près vains jusqu’à présent. M. W. de Humboldt inclinait à le considérer comme une transition de l’ibère aux autres langues italiotes (3)[32].

Quelques philologues ont émis la pensée qu’on en pourrait retrouver des vestiges dans le romansch des montagnes Rhétiennes. Peut-être ont-ils raison : cependant les trois dialectes parlés au canton des Grisons, en Suisse, sont des patois formés de débris latins, celtiques, allemands, italiens. Ils ne paraissent contenir que bien peu de mots issus d’autres sources, sauf des noms de lieux, en fort petit nombre.

Les monuments étrusques sont nombreux, et de différents âges. On en découvre tous les jours. Outre les ruines de villes et de châteaux, les tombeaux fournissent de précieux renseignements physiologiques. L’individu rasène, tel que le représente en ronde bosse le couvercle des sarcophages de pierre ou de terre cuite, est de petite taille (4)[33]. Il a la tête grosse, les bras épais et courts, le corps lourd et gros, les yeux bridés, obliques, de couleur brune, les cheveux jaunâtres. Le menton est sans barbe, fort et proéminent ; le visage plein et rond, le nez charnu. Un poète latin, en quatre mots, résume le portrait : obesos et pingues Etruscos.

Toutefois, ni cette expression de Virgile, ni les images qu’elle commente si bien, ne s’appliquent, dans la pensée du poète, à des hommes de la race purement rasène. Images et descriptions poétiques se reportent aux Étrusques de l’époque romaine, de sang bien mêlé. C’est une nouvelle preuve, et preuve concluante, que l’immigration civilisatrice avait été comparativement faible, puisqu’elle n’avait pas modifié sensiblement la nature des masses. Ainsi il suffit d’unir ces deux phénomènes de la conservation d’une langue étrangère à la famille blanche, et d’une constitution physiologique non moins distincte, pour être en droit de conclure que le sang de la race soumise a gardé le dessus dans la fusion, et s’est laissé guider, mais non pas absorber, par les vainqueurs de meilleure essence.

La démonstration de ce fait ressort encore mieux du mode de culture particulier aux Étrusques. Encore une fois, je ne parle pas ici de l’ensemble raséno-tyrrhénien ; je ne relève que ce qui peut m’aider à découvrir la nature véritable de la population rasène primitive.

La religion avait son type spécial. Ses dieux, bien différents de ceux des nations helléniques sémitisées, ne descendirent jamais sur la terre. Ils ne se montraient pas aux hommes, et se bornaient à faire connaître leurs volontés par des signes, ou par l’intermédiaire de certains êtres d’une nature toute mystérieuse (1)[34]. En conséquence, l’art d’interpréter les obscures manifestations de la pensée céleste fut la principale occupation des sacerdoces. L’aruspicine et la science des phénomènes naturels, tels que les orages, la foudre, les météores (1)[35], absorbèrent les méditations des pontifes, et leur créèrent une superstition beaucoup plus étroite et plus sombre, plus méticuleuse, plus subtile, plus puérile que cette astrologie des Sémites, qui, au moins, avait pour elle de s’exercer dans un champ immense et de s’adonner à des mystères vraiment splendides. Tandis que le prêtre chaldéen, monté sur une des tours dont le relief de Babylone ou de Ninive était hérissé, suivait d’un œil curieux la marche régulière des astres semés à profusion dans les cieux sans limites, et apprenait peu à peu à calculer la courbe de leurs orbites, le devin étrusque, gros, gras, court, à large face, errant, triste et effaré, dans les forêts et les marécages salins qui bordent la mer Tyrrhénienne, interprétait le bruit des échos, pâlissait aux roulements de la foudre, frissonnait quand le bruissement des feuilles annonçait à sa gauche le passage d’un oiseau, et cherchait à donner un sens aux mille accidents vulgaires de la solitude. L’esprit du Sémite se perdait dans des rêveries absurdes sans doute, mais grandes comme la nature entière, et qui emportaient son imagination sur des ailes de la plus vaste envergure. Le Rasène traînait le sien dans les plus mesquines combinaisons, et, si l’un touchait à la folie en voulant lier la marche des planètes à celle de nos existences, l’autre rasait l’imbécillité en cherchant à découvrir une connexité entre la danse capricieuse d’un feu follet et tels événements qu’il lui importait de prévoir. C’est là précisément le rapport entre les égarements de la créature hindoue, suprême expression du génie arian mêlé au sang noir, et ceux de l’esprit chinois, type de la race jaune animée par une infusion blanche. En suivant cette indication, qui donne pour dernier terme aux erreurs des premiers la démence, et aux aberrations des seconds l’hébétement, on voit que les Rasènes tombent dans la même catégorie que les peuples jaunes, faiblesse d’imagination, tendance à la puérilité, habitudes peureuses.

Pour la faiblesse d’imagination, elle est démontrée par cette autre circonstance que la nation étrusque, si recommandable à quelques égards, et douée d’une véritable aptitude historique (1)[36], n’a rien produit dans la littérature proprement dite que des traités de divination et de discipline augurale. Si l’on y ajoute des rituels, établissant avec les moindres détails l’enchaînement complexe des offices religieux, on aura tout ce qui occupait les loisirs intellectuels d’un peuple essentiellement formaliste (2)[37]. Pour unique poésie, la nation se contentait d’hymnes contenant plutôt des énumérations de noms divins que des effusions de l’âme. À la vérité, une époque assez postérieure nous montre dans une ville étrusque, Fescennium, un mode de compositions qui, sous forme dramatique, fit longtemps les délices de la population romaine. Mais ce genre de jouissance même démontre un goût peu délicat. Les vers fescennins n’étaient qu’une sorte de catéchisme poissard, un tissu d’invectives dont le mérite était la virulence, et qui n’empruntait aucune de ses qualités au charme de la diction, ni, bien moins encore, à l’élévation de la pensée. Enfin, tout pauvre que serait cet unique exemple d’aptitude poétique, on ne peut encore en attribuer complètement soit l’invention, soit la confection, aux Rasènes : car, si Fescennium comptait parmi leurs villes, elle était surtout peuplée d’étrangers, et, en particulier, de Sicules (1)[38].

Ainsi, privés de besoins et de satisfactions d’esprit, il faut chercher le mérite des Rasènes sur un autre terrain. Il faut les voir agriculteurs, industriels, fabricants, marins et grands constructeurs d’aqueducs, de routes, de forteresses, de monuments utiles (2)[39]. Les jouissances, et, pour me servir d’une expression devenue technique, les intérêts matériels étaient la grande préoccupation de leur société. Ils furent célèbres, dans l’antiquité la plus haute, par leur gourmandise et leur goût des plaisirs sensuels de toute espèce (3)[40]. Ce n’était pas un peuple héroïque, tant s’en faut ; mais je m’imagine que, s’il venait à sortir aujourd’hui de ses tombes, il serait, de toutes les nations du passé, celle qui comprendrait le plus vite la partie utilitaire de nos mœurs modernes et s’en accommoderait le mieux. Pourtant l’annexion à l’empire chinois lui conviendrait davantage encore.

De toute façon, l’Étrusque semblait un anneau détaché de ce peuple. Chez lui, par exemple, se présente avec éclat cette vertu spéciale des jaunes, le très grand respect du magistrat (4)[41], uni au goût de la liberté individuelle, en tant que cette liberté s’exerce dans la sphère purement matérielle. Il y a de cela chez les Ibères, tandis que les Illyriens et les Thraces paraissent avoir compris l’indépendance d’une manière beaucoup plus exigeante et plus absolue. On ne voit pas que les populations rasènes, dominées par leurs aristocraties de race étrangère, aient possédé une part régulière dans l’exercice du pouvoir. Cependant, comme on ne trouve pas non plus chez elles le despotisme sans frein et sans remords des États sémitiques, et que le subordonné y jouissait d’une somme suffisante de repos, de bien-être, d’instruction, l’instinct primordial de ce dernier devait se rapprocher beaucoup plus des dispositions à l’isolement individuel, qui caractérisent l’espèce finnique, que des tendances à l’agglomération, inhérentes à la race noire, et qui la privent tout aussi bien de l’instinct de la liberté physique que du goût de l’indépendance morale.

De toutes ces considérations, je conclus que les Rasènes, lorsqu’on les dégage de l’élément étranger apporté par la conquête tyrrhénienne, étaient un peuple presque entièrement jaune, ou, si l’on veut, une tribu slave médiocrement blanche[42].

J’ai porté un jugement analogue sur les Ibères, différents cependant des Étrusques par le nombre et la quotité des mélanges. De leur côté, les Illyriens et les Thraces, chacun avec des mœurs spéciales, m’ont présenté de fortes apparences d’alliages finnois. C’est une nouvelle démonstration, mais cette fois a posteriori, et ce ne sera pas la dernière ni la plus frappante, que le fond primitif des populations de l’Europe méridionale est jaune. Il est bien clair que cet élément ethnique ne se trouvait pas à l’état pur chez les Ibères, ni même chez les Étrusques de première formation. Le degré de perfectionnement social auquel ces nations étaient parvenues, bien qu’assez humble, indique la présence d’un germe civilisateur qui n’appartient pas à l’élément finnois, et que cet élément a seulement la puissance de servir dans une certaine mesure.

Considérons donc les Ibères, puis, après eux, les Rasènes, les Illyriens et les Thraces, toutes nations de moins en moins mongolisées, comme ayant constitué les avant-gardes de la race blanche en marche vers l’Europe. Elles ont éprouvé avec les Finnois les contacts les plus directs ; elles ont acquis au plus haut degré l’empreinte spéciale qui devait distinguer l’ensemble des populations de notre continent de celles des régions méridionales du monde.

La première et la seconde émigration, Ibères et Rasènes, contraintes de se diriger vers l’extrême occident, attendu que le sud asiatique était déjà occupé par des déplacements arians, percèrent à travers des couches épaisses de nations finniques déjà éparpillées devant leurs pas. Par suite d’alliages inévitables, elles devinrent rapidement métisses, et l’élément jaune domina chez elles.

Les Illyriens, puis les Thraces, gravitèrent, à leur tour, sur des chemins plus rapprochés de la mer Noire. Ils eurent ainsi des contacts moins forcés, moins multipliés, moins dégradants avec les hordes jaunes. De là, une apparence physique et une énergie supérieure, et, tandis que les Ibères et les Rasènes furent destinés de bonne heure à l’asservissement, les Thraces maintinrent un rang convenable jusqu’au jour beaucoup plus tardif où ils se fondirent, non sans honneur encore, dans les populations ambiantes, Quant aux Illyriens, ils vivent aujourd’hui et se font respecter.



  1. (1) La Genèse les appelle Thiras TRS (hébreu). Hérodote affirme qu’après les Indiens, les Thraces sont la nation la plus nombreuse de la terre, et qu’il ne leur manque pour être irrésistibles aux autres peuples que l’union. Ils étaient divisés autant que possible. (V, 3.)
  2. (2) Horace reproduit cette opinion au début de l’ode XXVII du 1er livre

    Natis in usum lætitiæ scyphis
    Pugnare Thracum est ; tollite barbarum
    Morem...

  3. (3) Une anecdote conservée par les polygraphes donne lieu de supposer, au contraire, que le type du Thrace était fort beau. C’est celle qui a trait au jeune Smerdiès, esclave issu de cette nation, aimé de Polycrate de Samos et d’Anacréon. Il était surtout remarquable par sa chevelure, que le tyran lui fit couper pour faire pièce au poète. Le nom même de Smerdiès est arian.
  4. (1) Dioscor. lib. octo græce et latine, in-12, Paris, 1589, 1 IV, cap. XV. — Voir aussi quelques mots dans Strabon : καπνοβάται, scansores fumi ; κτίσται, conditores ; ἄβιοι, absque fœminis viventes. (VII, 33, etc.)
  5. (2) M. Munch trouve à tous les mots thraces une physionomie décidément indo-européenne. (Trad. all. de Claussen, p. 13.) Suivant cet auteur, on les rapproche aisément de racines lettones et slaves. (Ibid.) Plusieurs noms de lieux thraces sont clairement arians, comme, par exemple, le mot Hémus, corrélatif au sanscrit hima, neige. — D’après Athénée, 13, 1, Philippe de Macédoine, père d’Alexandre, avait épousé Méda, fille d’un certain Κιθήλα, Thrace. — Étienne de Byzance nomme cette femme Γέτις. Jornandès nomme le père Gothila, et la fille Medopa. Tous ces mots sont arians, mais l’époque où on les trouve est assez basse.
  6. (3) Il n’hésite pas, non plus, un instant, à les confondre absolument avec les Gètes, Arians incontestables. (V, 3.)
  7. (1) Rask en fait des Arians sans donner aucune preuve à l’appui de son opinion. Il ne tient pas compte des différences notables existant entre ces peuples et les Hellènes, différences qui semblent s’opposer, jusqu’à présent, non pas à ce qu’on reconnaisse entre eux un degré d’affinité, mais à ce qu’on rapporte l’ensemble de leurs origines à la même source. — Consulter à ce sujet Pott, Encycl. Ersch u. Gruber, indo-germ. Sprachst., p. 25. — Comme indice à l’appui du mélange des Thraces avec des nations celtiques, je ferai remarquer combien se ressemblent les noms des villes de Βυζάντιον, très antique cité de la Thrace, et de Vesuntio, ville gallique dont la fondation se perd dans la nuit des temps. À la vérité, Byzance fut colonisé par Mégare, mais certainement sur l’emplacement d’une bourgade indigène. Le nom n’a rien de grec.
  8. (2) Le nom de cette divinité paraît être de provenance slave, et se rattacher au mot szalmas, casque. — Munch, trad. allem. de Claussen, p. 13.
  9. (1) T. I, p. 221 et pass.
  10. (2) L’ouvrage de M. de Xylander, die Sprache der Albanesen oder Schkipetaren, 1835, est à bon droit estimé ; mais le livre que vient de publier M. de Hahn, Albanesische Studien, in-8o, Wien, 1853, est beaucoup plus complet. Écrit sur les lieux et loin de tout secours scientifique, cet ouvrage excellent sera d’un grand secours aux philologues qui voudront faire entrer l’albanais dans le cercle des études comparées.
  11. (1) T. I, p. 329 et 344.
  12. (2) L’Illyrie a changé très fréquemment d’étendue et de limites. Elle a embrassé les races les plus diverses sous une même dénomination. Cc fut d’abord le pays riverain de l’Adriatique, entre la Neretwa au nord et le Drinus au sud. Les Triballes formaient la frontière de l’est.
    Ensuite, cette circonscription s’étendit depuis le territoire des Taurisques Celtes jusqu’à l’Épire et la Macédoine. La Mœsie y était comprise. Après le second siècle de notre ère, l’Illyrie, s’agrandissant encore, contint les deux Noriques, les deux Pannonies, la Valérie, la Savoie, la Dalmatie, les deux Dacies, la Mœsie et la Thrace. Enfin Constantin en détacha ces deux dernières provinces, mais y réunit la Macédoine, la Thessalie, l’Achaïe, les deux Épires, Prævallis et la Crète. À cette époque, l’Illyrie contenait dix-sept provinces. C’est probablement par suite de cette organisation administrative qu’à un certain moment on a confondu les Thraces et les Illyriens comme n’étant qu’un même peuple. Cette opinion est d’ailleurs soutenable ; quelques Grecs l’ont anciennement professée. — Schaffarik, Slawische Alterthümer, t. I, p. 257.
  13. (3) Pott, ouvr. cité, p. 64.
  14. (1) Ewald, Geschichte des Volkes Israel, t. I, p. 336. Ce savant ajoute que les Ibères du Caucase devaient appartenir à la souche de Hebr. Ce qui rendrait le rapprochement avec les Ibères d’Espagne impossible ; mais rien ne prouve que la supposition soit exacte. — Ce qui donne du prix au rapprochement du nom des Ibères du Caucase de celui des Ibères d’Espagne, c’est ce fait qu’une montagne de la Grèce continentale s’est très anciennement appelée les Pyrénées, tandis qu’un fleuve de la Thrace se nommait l’ Hèbre. Ce sont là des jalons dignes d’être remarqués.
  15. (2) Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 10. Toutefois le passage de Tacite n’est pas très concluant, et on peut lui opposer d’autres autorités, comme celle de Silius Italicus, qui fait les habitants de l’Espagne blonds. Mais à ces contradictions apparentes il y a à dire que l’Espagne contenait, à l’époque romaine, des populations de descendances bien diverses, et qu’il devait être fort difficile déjà d’y rencontrer un Ibère de race pure.
  16. (1) Les Romains étaient extrêmement rebutés par sa rudesse. — Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 48-49.
  17. (2) On croit apercevoir dans l’euskara quelques racines finnoises. — Schaffarik, Slawische Alterthümer, t. I, p. 35 et 293.
  18. (3) Prescott, History of the Conquest of Mexico, t. III, p. 244, définit ainsi cette organisation idiomatique : « A system which bringing the greatest number of ideas within the smallest possible compass, condenses whole sentences into a single word. » — W. v. Humboldt, Prüfung der Untersuchungen über die Urbewohner Hispaniens, p. 174 et sqq.
  19. (1) Dieffenbach, Celtica II, 2e Abth., p. 15 et sqq.
  20. (2) M. Muller, Suggestions for the assistance of officers in learning the languages of the seat of war in the East, London, 1854, considère l’agglutination comme le caractère distinctif de toutes les langues finniques. Peut-être y aura-t-il lieu, d’une part, à mieux s’expliquer sur les limites exactes de l’agglutination, et, d’une autre, à rechercher si les langues arianes elles-mêmes ne possèdent pas, de leur propre fonds, ce même procédé. L’étude des langues finniques est malheureusement bien peu avancée encore, et fait obstacle ainsi à toute connaissance définitive des autres familles d’idiomes.
  21. (3) W. v. Humboldt, Prüfung der Untersuchungen über die Urbewohner Hispaniens, p. 152 et pass.
  22. (4) Ibid., p. 158.
  23. (1) Au temps de Strabon, on vantait beaucoup le développement intellectuel des habitants de la Bétique. On disait, entre autres choses, que les Turdétains avaient des poèmes et des lois dont la rédaction remontait à 6,000 ans. Il serait erroné d’attribuer à des Ibères cette littérature remarquable. Existant sur un point très anciennement sémitisé, elle n’offrait, sans aucun doute, que des originaux ou tout au plus des copies d’ouvrages chananéens ou puniques. — Strabon, III, 1. — D’après le géographe d’Apamée, les Ibères étaient, en guerre, plus rusés et plus adroits que braves et forts. — W. v. Humboldt, ouvr. cité, p. 153.
  24. (2) L’Espagne, dans la haute antiquité, produisait en quelques années 400 pouds d’or, c’est-à-dire autant que le Brésil et l’Oural réunis le font actuellement aux époques les plus prospères. — A. v. Humboldt, Asie centrale, t. I, p. 540.
  25. (3) La voyelle ouverte disparaît complètement dans le nom de fleuve, Ebre.
  26. (1) Le rapprochement entre srb et ibr n’est pas plus laborieux que celui établi par Schaffarik entre Σπόροι et srb. Quant à la signification du mot, je la trouverais volontiers dans obr, géant, et par dérivation, un homme fort et redoutable. Il est admissible que les émigrants blancs aient pris et conservé ce nom comme faisant contraste avec la faiblesse relative des indigènes finnois, et on verra plus tard que les épopées scandinaves et germaniques attribuaient aux héros wendes la même exagération de taille avec le talent de forger des armes magiques.
  27. (2) Schaffarik insiste à plusieurs reprises sur l’esprit profondément pacifique et peu guerrier des nations slaves. Il les loue de se montrer, dès la plus haute antiquité, paisibles et très laborieuses. — Schaffarik, t. I, p. 167.
  28. (3) Rask ne voit dans les Ibères que des Finnois, et il prétend fonder sa démonstration sur la linguistique. (Ursprung der altnordischen Sprachen, p. 112-146.)
  29. (4) C’est le nom que ce groupe se donnait à lui-même, suivant O. Muller, die Etrusker, p. 68. Mais Dennis, au contraire, prétend que cette dénomination appartient aux conquérants tyrrhéniens. (Die Stædte und Begræbnisse Etruriens, t. I, p. IX.) Je le crois mal fondé dans cette opinion.
  30. (1) O. Muller, die Etrusker. Voir le monument de Pérouse et les observations de Vermiglioli. Les Romains appelaient l’étrusque une langue barbare, ce qu’ils ne disaient ni du sabin ni de l’osque. Preuve qu’ils ne le comprenaient pas.
  31. (2) O. Muller, ouvr. cité.
  32. (3) Cette opinion est adoptée par O. Muller, ouvr. cité, p. 68.
  33. (4) Prichard, Hist. natur. de l’homme, t. I, p. 257. — Verhandlungen der Academie von Berlin, 1818-1819, p. 2. — Abeken donne, dans son ouvrage, tabl. VIII, un dessin copié sur une peinture funéraire qui fait partie du musée de Berlin. Un des personnages surtout est remarquable par l’écrasement du visage, la protubérance d’un front très fuyant, la disposition des yeux extrêmement obliques, la grosseur des lèvres, les formes massives du corps. — Voir aussi la représentation de la statuette 2-a, 2-b, tabl. VII et 4 et 5 de la même table, pour la forme pointue de la tête, qui rappelle beaucoup certains types américains. — Consulter aussi Micali, Monuments antiques, in-fol., Paris, 1824, tab. XVI, fig. 1, 2, 4 et 8 ; tab. XVII, fig. 3 ; tab. LXI, fig. 9.
  34. (1) O. Muller, die Etrusker, p. 266. Les Étrusques indigènes ne connaissaient pas le culte des héros topiques, et, par conséquent, n’avaient pas d’éponymes comme leurs vainqueurs, les Tyrrhéniens, ni comme les Grecs. Au-dessus de toutes leurs divinités, même de la plus grande, Tinia, ils plaçaient ces êtres surnaturels que les Romains nommèrent dii involuti, les dieux enveloppés. (Dennis, t. I, p. XXIV.) J’en ai parlé plus haut.
  35. (1) Les sources minérales et leurs chaudes exhalaisons étaient aussi un grand objet d’épouvante religieuse :

    At rex sollicitus monstris, oracula Fauni
    Fatidici genitoris, adit, lucosque sub alta
    Consulit Albunea ; nemorum quæ maxima sacro
    Fonte sonat, sævamque exhalat opaca mephitim.
    Hinc Italæ gentes, omnisque OEnotria tellus,
    In dubiis responsa petunt. Huc dona sacerdos
    Quum tulit, et cæsarum ovium sub nocte silenti
    Pellibus incubuit stratis, somnosque petivit :
    Multa modis simulacra videt volitantia miris,
    Et varias audit voces, fruiturque deorum
    Colloquio, arque imis Acheronta affatur Avernis.

    Æn., VII, 81-91.
  36. (1) Elle donna aux Romains le modèle de leurs annales ; mais il semble que ce n’étaient que des catalogues de faits sans autre liaison que la chronologie, et tout à fait dénués de grâces narratives. Valérius Flaccus, entre autres, et l’empereur Claude se servirent de chroniques étrusques pour composer leurs histoires. (Abeken, ouvr. cité, p. 20.)
  37. (2) O. Muller, ouvr. cité, p. 281 et pass.
  38. (1) O. Muller, ouvr. cité, p. 183. — Sur l’incapacité poétique des Étrusques, voir Niebuhr, Rœm. Geschichte, t. I, p. 88.
  39. (2) O. Muller, ouvr. cité, p. 260. Abeken, p. 31 et 164, et pass. — On trouve des traces de ces travaux de mines si dignes de remarque, ethniquement parlant, à Populonia et à Massa Marittima. On en extrayait du cuivre.
  40. (3) Idem, ouvr. cité. — Les Étrusques employaient les femmes à la divination et aux choses du culte. C’est une coutume finnique, comme on le verra plus bas. — Dennis, t. I, p. XXXII.
  41. (4) O. Muller, die Etrusker, p. 375.
  42. Abeken, assez empêché de trouver un nom à l’élément étrusque de première formation, l’appelle pélasgique, et, lorsqu’il veut définir ce qu’il entend par ce mot, il ne sait pas s’en tirer autrement qu’en l’expliquant par le mot plus obscur et plus vague encore d’urgriechisch (hellénique primitif). Chez lui, le sens définitif paraît être de rattacher les Étrusques indigènes à la souche ariane. Cette opinion semblera, je n’en doute pas, tout à fait inadmissible. (Abeken, Mittel-Italien vor der Zeit der rœmischen Herrschaft, p. 24.) — Du reste, autant de savants qui se sont occupés de cette question, autant d’avis. Dans l’antiquité, Hérodote fait des Étrusques indigènes un peuple lydien, et la plupart des historiens se rangent à son opinion. Denys d’Halicarnasse s’en éloigna le premier et les déclara aborigènes, mais sans dire ce qu’il entendait par ce mot. O. Muller voit en eux une race à part, au milieu des populations italiotes. Lepsius n’admet ni des autochtones, ni même plus tard une conquête tyrrhénienne. À ses yeux, l’élément constitutif était formé de peuples umbriques qui, vaincus par des Pélasges, parvinrent à dominer leurs maîtres, et créèrent ainsi une nouvelle combinaison nationale qui produisit les Étrusques. Sir William Betham assure que les Rasènes, les Tyrrhéniens, et autres groupes qu’on distingue dans ce peuple, sont autant de fantômes. Il n’aperçoit là que des Celtes, et passe légèrement sur les objections. Son but est de donner une illustre parenté aux Irlandais. Dennis, après avoir énuméré tous ces sentiments si divers, se rallie purement et simplement à la bannière d’Hérodote. (Dennis, die Stædte und Begræbnisse Etruriens, t. I, p. IX et pass.) Niebuhr fait venir les Étrusques indigènes des montagnes Rhétiennes. (Rœmische Geschichte, in-8o, Berlin, 1811, t. I, p. 74 et pass.)