Fables d’Ésope (trad. Chambry, 1927)/L’Enfant voleur et sa Mère

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Traduction par Émile Chambry.
FablesSociété d’édition « Les Belles Lettres » (p. 130r-131r).
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L’ENFANT VOLEUR ET SA MÈRE


Un enfant déroba à l’école les tablettes de son camarade et les apporta à sa mère, qui, au lieu de le corriger, le loua. Une autre fois il vola un manteau et le lui apporta ; elle le loua encore davantage. Dès lors, croissant en âge et devenu jeune homme, il se porta à des vols plus importants. Mais un jour il fut pris sur le fait ; on lui lia les mains derrière le dos, et on le conduisit au bourreau. Sa mère l’accompagnait et se frappait la poitrine. Il déclara qu’il voulait lui dire quelque chose à l’oreille. Aussitôt qu’elle se fut approchée, il lui saisit le lobe de l’oreille et le trancha d’un coup de dents. Elle lui reprocha son impiété : non content des crimes qu’il avait déjà commis, il venait encore de mutiler sa mère ! Il répondit : « Si au temps ou je t’apportai pour la première fois la tablette que j’avais volée, tu m’avais battu, je n’en serais pas venu au point où j’en suis : on ne me conduirait pas à la mort. »

Cette fable montre que ce qu’on ne réprime pas dès le début grandit et s’accroît.