Fables de La Fontaine (éd. 1874)/Le Renard, le Singe, et les Animaux
VI
LE RENARD, LE SINGE ET LES ANIMAUX
Les animaux, au décès d’un lion,
En son vivant prince de la contrée,
Pour faire un roi s’assemblèrent, dit-on.
De son étui la couronne est tirée :
Dans une chartre[1] un dragon la gardait.
Il se trouva que, sur tous essayée,
À pas un d’eux elle ne convenait :
Plusieurs avaient la tête trop menue,
Aucuns trop grosse, aucuns même cornue.
Le singe aussi fit l’épreuve en riant ;
Et, par plaisir, la tiare[2] essayant,
Il fit autour force grimaceries,
Tours de souplesse, et mille singeries,
Passa dedans ainsi qu’en un cerceau.
Aux animaux cela sembla si beau,
Qu’il fut élu : chacun lui fit hommage.
Le renard seul regretta[3] son suffrage,
Sans toutefois montrer son sentiment.
Quand il eut fait son petit compliment,
Il dit au roi : Je sais, sire, une cache,
Et ne crois pas qu’autre que moi la sache.
Or tout trésor, par droit de royauté,
Appartient, sire, à votre majesté.
Le nouveau roi bâille après la finance[4] ;
Lui-même y court pour n’être pas trompé.
C’était un piège : il y fut attrapé.
Le renard dit, au nom de l’assistance :
Prétendrais-tu nous gouverner encor,
Ne sachant pas te conduire toi-même ?
Il fut démis ; et l’on tomba d’accord
Qu’à peu de gens convient le diadème.
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